b) Un phénomène complexe aux dimensions multiples

Ainsi brièvement présenté, le conflit du Chiapas ne peut pas, selon votre délégation, faire l'objet d'une analyse politique simple, dont pourraient aisément émerger des éléments logiques de solution.

- Une appréciation lucide des événements ne saurait d'abord ignorer la dimension médiatique inattendue prise par le conflit du Chiapas et, tout particulièrement, par le leader des zapatistes, le sous-commandant Marcos . Ce dernier a en effet, dès le début du soulèvement, fait preuve d'un incontestable talent de communicateur, séduisant par des communiqués insolites et intelligents, par des mises en scène habiles (pseudonymes, passe-montagnes, recours aux symboles zapatistes et guevaristes) bien des journalistes et, à travers eux, les opinions internationales.

Sur le fond des choses, le sous-commandant Marcos , lui-même issu des " forces de libération nationale " (FLN) se réclamant du castrisme et d'inspiration maoïste, a su masquer l'orthodoxie marxiste derrière des revendications indigénistes , récoltant les fruits de la pénétration d'une société en crise par des mouvements religieux et révolutionnaires. Il a ainsi abandonné la plate-forme politique des FLN pour se poser en défenseur des indigènes en invoquant les idéaux de liberté, de justice, de démocratie, d'indépendance nationale et de paix.

- Cette présentation ne saurait cependant conduire à mésestimer l'essentiel, à savoir la profonde crise économique et sociale qui constitue, sans aucun doute, la caractéristique première de la situation du Chiapas.

Ce petit Etat de 3,8 millions d'habitants -le plus au sud de la fédération mexicaine, ayant plus de 600 kms de frontière avec le Guatemala- cumule en effet une proportion d'indigènes importante (25 %, soit environ 800 000 personnes) et les caractéristiques d'un Etat peu développé -malgré ses richesses naturelles- et longtemps oublié.

Sa population, à 56 % rurale, ayant plus que triplé depuis 1960, ne dispose que d'un PIB par habitant très faible , le situant au dernier rang des Etats mexicains.

Le Chiapas souffre particulièrement de l' archaïsme de ses structures agricoles et de la productivité extrêmement faible qui en résulte -particulièrement en Lacandonie, berceau du conflit en 1994.

Dans ce contexte de crise aiguë, l'Etat mexicain n'a longtemps alterné la répression et la politique d'endiguement ethnique dans les Hauts de Chiapas qu'avec une politique d'assistance qui n'a jamais débouché, malgré les sommes qui y ont été consacrées, sur un véritable développement de l'Etat. Les autorités mexicaines ont aujourd'hui pris la mesure de cette situation et le Président Zedillo, qui a effectué plusieurs voyages dans la région, a concentré ses efforts sur le redressement économique et social du Chiapas.

- Cette dimension économique et sociale essentielle ne doit toutefois pas conduire à ignorer la signification proprement politique et ethnique des événements du Chiapas . Les revendications indiennes légitimes appellent des solutions spécifiques, sans pour autant céder à un quelconque romantisme sur " le Mexique, terre indienne ".

Mais, pour tenter de répondre au problème ainsi posé aux autorités mexicaines, il va de soi que les insurrections armées doivent naturellement laisser la place à de légitimes revendications politiques, économiques ou culturelles . C'est ce que réclame l'opinion mexicaine qui, devant l'impasse militaire et l'absence de dialogue politique véritable, souhaite que l'EZLN se transforme en parti. Se situant à contre-courant des mouvements d'Amérique centrale -au moment où l'accord du 29 décembre 1996 a mis fin, au Guatemala, à 36 ans de guerre civile- , les zapatistes du Chiapas sauront-ils prendre le tournant de la vie politique démocratique ?

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