II. LES VOIES DE LA RENAISSANCE

Comment restaurer la compétitivité du marché français ? Une succession de rapports remarquablement convergents, quelle que soit la couleur politique des gouvernements qui les ont commandés, fournissent des analyses et des propositions que l'on trouvera largement reprises dans le présent rapport.

Pourtant, en dépit de leurs recommandations convergentes, les gouvernements successifs, faute de temps et sans doute de volonté politique, n'ont pas agi à temps. Cette " douce insouciance ", ce " benign neglect " a pour conséquence que pour les dossiers européens il est bien tard pour réagir et arrêter la mécanique européenne quand elle est lancée.

A. LA PROBLÉMATIQUE DE LA COMPÉTITIVITÉ

Le présent rapport reprend et s'appuie largement sur les analyses des rapports Chandernagor et Aicardi.

Il s'en distingue toutefois par une approche peut-être moins volontariste, qui résulte de l'analyse de la question de la réforme des ventes publiques, que l'auteur du présent rapport a été amené à faire en qualité de rapporteur pour avis 45( * ) du projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

Instruit par l'expérience, le rapporteur est à la fois conscient d'une part, des pesanteurs réglementaires notamment européennes, d'autant plus paralysantes qu'il a pu mesurer le manque de mobilisation politique du présent gouvernement, et d'autre part, de la nécessité de s'adapter à des règles du jeu définies par les opérateurs dominants jouant le jeu libéral anglo-saxon.

En d'autres termes, dans un marché mondial, complètement dominé par deux grandes entreprises, il n'a pas paru réaliste, dès lors que l'on faisait le choix de l'ouverture, de vouloir jouer avec des règles du jeu, très différentes de celles " agrées par la fédération internationale ", même si les nôtres sont objectivement meilleures.

1. Les analyses des rapports de MM. Chandernagor et Aicardi

La personnalité des auteurs des rapports, leur expérience, la qualité et le nombre des avis dont ils ont pu entourer leur travaux, la compétence technique des équipes mises à leur disposition, font de leur travail des ouvrages de référence.

Il a paru utile, lorsqu'ils n'avaient pas été publiés, de les placer en annexe du présent rapport et c'est ainsi que l'on a joint le rapport de M. Aicardi et le deuxième rapport de M. Chandernagor ; que leurs auteurs soient remerciés d'avoir accepté de venir compléter la masse d'informations contenue dans le présent rapport.

a) Les rapports Chandernagor

En août 1992, M. André Chandernagor a reçu, en sa qualité de président de l'Observatoire des mouvements internationaux d'oeuvres d'art, mission du ministre de l'Éducation nationale et de la culture d'analyser les possibilités de développement du marché de l'art en France dans le contexte européen d'ouverture des frontières, en vue de faire " connaître toutes propositions de nature à améliorer la compétitivité de ce marché ".

(1) Le constat

Au-delà des indications chiffrées sur l'ampleur du marché de l'art et des échanges extérieurs, le rapport comporte une analyse des mécanismes du marché de l'art : les objets d'art d'un montant supérieur à 500 000 francs, qui sont ceux qui intéressent une clientèle internationale, constituent une " masse flottante à la recherche des meilleurs lieux de valorisation ". Les pôles dominants du marché sont Londres, New-York et Paris, mais fréquemment, ni le vendeur ni l'acheteur ne sont des résidents.

Le rapport constate également que " la France se situe loin en arrière de ses principaux concurrents, en matière de dynamisme commercial et de concentration financière ".

Les atouts de notre pays sont considérés comme importants : le prestige de la France, le nombre des amateurs, la richesse de notre patrimoine, la diversité et la multiplicité des opérateurs, qu'il s'agisse des marchands, des commissaires-priseurs ou artisans, sont autant d'atouts dans la concurrence internationale. Le marché est présenté comme très favorable à l'acheteur par la grande sécurité et les tarifs attractifs qu'il offre à l'acheteur : " le marché est fiable, très contrôlé par l'État, les objets y sont sains. Le régime de ventes publiques et la responsabilité trentenaire de droit commun des professionnels donnent à l'acheteur une sécurité infiniment plus grande que celle qu'il peut trouver en Grande-Bretagne ou ailleurs . "

Les handicaps évoqués par le rapport sont un différentiel de charges (TVA à l'importation et droit de suite) et des contraintes réglementaires (tarif acheteur dégressif, restrictions à l'appel à des capitaux extérieurs).

(2) Les propositions

Les propositions de M. André Chandernagor pouvaient être regroupées autour de trois objectifs généraux :

réduire le différentiel de charge :

- TVA : A défaut de taux zéro, le rapport préconise un taux intermédiaire de l'ordre de 2,5 %, du même ordre que celui appliqué par l'Angleterre ;

- Droit de suite : transfert de la charge du vendeur à l'acheteur, diminution du taux du droit à 1 % au moins pour les oeuvres de plus de 500 000 Francs, élargissement de l'assiette à toutes les oeuvres d'art, y compris celles tombées dans le domaine public ;

- Impôts sur les plus values et sur la fortune : il a paru " plus important de maintenir [l'exonération de l'impôts sur la fortune ] que de supprimer l'impôt sur les plus-values ".

Donner aux commissaires-priseurs les moyens financiers de lutter contre leurs concurrents :

- Capacités d'investissements :
autoriser les sociétés d'exercice libéral à s'ouvrir aux capitaux extérieurs dans la limite de 49 % voire sans limite, mais à condition que la société continue de ne pouvoir exercer son objet social que par l'intermédiaire obligatoire d'un commissaire-priseur et que, si le dirigeant désigné par les actionnaires majoritaires ne soit pas commissaire-priseur, celui-ci doive être agréé par le ministère de la justice

- Rendre le tarif acheteur linéaire : le rapport annonçait la réforme tendant à remplacer le tarif dégressif par un taux linéaire de 9 %.

Mettre l'accent sur la fiabilité du marché français :

- Lutter contre le marché illicite :
rappelant le rôle du livre de Police dans la garantie de l'origine des objets vendus, le rapport évoque l'importance du paracommercialisme évalué à 45 000 personnes ;

- Protéger le patrimoine : le rapport souligne que la mise en oeuvre de la loi du 31 décembre 1992, qui suppose une bonne collaboration avec les professionnels va accroître la fiabilité du marché français ;

- Doter les experts d'un statut : considérant que, si les professionnels du marché sont informés de la qualité des experts auxquels ils s'adressent, il n'en est pas toujours de même des particuliers et qu'en conséquence, il est souhaitable que soit mise en place une liste des experts auxquels ils pourraient s'adresser ; à défaut de liste nationale établie par une commission constituée à partir des trois organismes représentatifs actuels, le rapport envisage des listes régionales par chambre régionale choisie par une commission comprenant des conservateurs ;

- Préciser la responsabilité des experts : considérant que la responsabilité effective des experts est difficile à mettre en oeuvre, ceux-ci étant tenus à une obligation de moyens et pas de résultats, le rapport estime que la responsabilité trentenaire de droit commun, non seulement n'est pas une entrave sérieuse au développement du marché français mais constitue au contraire un des ses atouts.

(3) Le nouveau rapport d'avril 1998

En mars 1998, la ministre de la culture et de la communication, a confié à M. André Chandernagor, une mission d'analyse de la situation et des problèmes actuels et de propositions permettant de développer le marché de l'art dans notre pays.

Rappelant d'abord les grandes lignes de l'analyse faite du fonctionnement du marché effectuée dans son premier rapport, M. André Chandernagor propose une série de mesures, articulées autour de trois objectifs :

Permettre aux professionnels des ventes publiques de se doter des moyens nécessaires pour affronter leurs principaux concurrents : après avoir évoqué les effets bénéfiques de la libération annoncée des tarifs acheteurs, l'auteur du rapport a souligné le temps perdu pour la mise en place d'un nouveau régime, en regrettant que le projet de loi oblige les commissaires-priseurs à renoncer à l'exercice libéral de leur profession.

Réduire le différentiel de charge qui pénalise le marché français :

TVA sur les ventes :
il n'y a pas de déséquilibre majeur en Europe, mais une distorsion ponctuelle pour l'art contemporain pour lequel la TVA peut atteindre dans certains cas 9 % non déductible, ce qui est d'autant plus pénalisant que l'Allemagne, de son côté, a obtenu la possibilité de conserver son taux réduit déductible de 7 % jusqu'au 30 juin 1999.

Taxe sur les plus values : cette taxe n'est pas considérée comme " pénalisante pour le marché de l'art. Son maintien paraît même justifié, puisque les oeuvres d'art bénéficient comme dans le reste de la Communauté, de l'exemption de l'impôt sur le capital et il ne semble pas que les raisons qui dès l'origine de cet impôt, ont conduit à exonérer les oeuvres aient perdu de leur valeur : difficulté d'évaluation de l'oeuvre d'art, facilité de dissimulation, accroissement de la fraude et de l'évasion vers l'étranger, refus de participation de participation des propriétaires privés à la politique culturelle de l'État et des collectivités territoriales (exposition mécénat).

" De surcroît, l'extension aux ventes privées de l'exemption de la taxe dont bénéficient les vendeurs étrangers en vente publique serait un adjuvant important pour nos importations qui en ont besoin ; Et si l'on se place du point de vue des résidents français assujettis à la taxe, rien, si ce n'est la moindre transparence des transactions privées par rapport aux ventes publiques, ne peut expliquer la différence de traitement fiscal qu'ils subissent, selon qu'ils vendent le même objet à un négociant ou en vente publique ".

TVA à l'importation
: après avoir souligné l'exode massif de certains marchés - bijoux manuscrits, meubles de moins de cent ans d'âge -, M. André Chandernagor souligne qu'il suffit de constater la stagnation du chiffre hors CEE, de nos importations pour être convaincu de la nocivité de cette taxe, qui, agissant comme un droit de douane dissuasif à l'entrée de notre marché, a pour résultat la fermeture de celui-ci sur lui-même "...Il poursuit : " actuellement cette taxe ne rapporte au Trésor que 40 millions environ par an. Pour un aussi faible rapport est-il bien nécessaire de maintenir un impôt aussi paralysant... ? "

Droit de suite : l'auteur du rapport reprend l'essentiel des analyses du premier rapport en préconisant que l'assujetti soit l'acheteur et non pas le vendeur et que le taux soit dégressif pour n'être que de 1 % pour les oeuvres d'une valeur supérieure à 500 000 francs ; il ajoute qu'on pourrait si possible aller plus loin et assujettir au droit de suite toutes les oeuvres même tombées dans le domaine public. Il souligne également les difficultés des galeries, si le projet de directive venait à leur être appliqué.

Droit de reproduction : L'auteur du rapport pose le problème de l'adaptation du texte de la loi du 27 mars 1997 exonérant les ventes publiques pour tenir compte du nouveau régime des ventes publiques et de l'extension de l'exonération aux catalogues des galeries

Renforcer la fiabilité de notre marché :

Expertise
: M. André Chandernagor se félicite de ce que les organisations représentatives de ces professions se soient efforcées de se doter d'un code de déontologie, tout en soulignant les limites d'un système dans lequel son application est laissée à la discrétion des instances professionnelles : pour lui, " seule une autorité indépendante dans sa composition et pluraliste dans sa composition serait à même d'offrir des garanties suffisantes d'objectivité et de rigueur . " Préconisant l'extension de la compétence du Conseil des ventes volontaires prévu par le projet de loi à l'agrément de tous les experts, qu'ils exercent ou non pour les ventes publiques, il suggère d'appeler cette instance, " Conseil des ventes volontaires et de l'expertise "

Veiller à ce que les mesures de protection du patrimoine soient aussi compatibles qu'il est possible avec la libre circulation des oeuvres d'art : M. André Chandernagor, après avoir fait le bilan de l'application de la loi du 31 décembre 1992 en notant la grave lacune que constitue le fait qu'il suffit à un propriétaire d'attendre trois ans pour être assuré d'obtenir le certificat, insiste, compte tenu de l'effet dissuasif de la jurisprudence Walter en matière de classement d'office, sur l'urgence de donner une suite favorable au projet de réforme de la loi de 1992 en cours d'élaboration.

Il se déclare favorable, notamment, à deux dispositions contenues dans cet avant-projet : une procédure inspirée du système anglais prévoyant la possibilité pour l'État d'acheter des oeuvres qualifiées de " trésors nationaux " à dires d'expert ; des exonérations de droits de mutation et de taxe forfaitaire pour les propriétaires d'objets classés.

Après s'être déclaré favorable à l'affectation aux "trésors nationaux" d'une part préfixée des recettes de la Française des jeux, suivant l'exemple britannique, M. André Chandernagor a souligné l'urgence de ces mesures et la nécessité d'une alliance avec l'Angleterre, qui tout en étant notre concurrent partage avec nous le souci de préserver un marché de l'art important sur notre continent.

b) Le rapport Aicardi

Par une lettre en date du 2 décembre 1994, le Premier Ministre, M. Édouard Balladur a confié à M. Maurice Aicardi une mission d'étude et de propositions consacrée aux problèmes liés à la circulation des oeuvres d'art et au maintien sur le territoire national des oeuvres majeures de notre patrimoine culturel, avec pour objectif de formuler des propositions autour de deux thèmes principaux :

• " comment organiser la défense et l'enrichissement du patrimoine national, comment mieux associer les entreprises et les particuliers à sa conservation et au maintien des trésors nationaux sur notre territoire ? "

• " quelles sont les conditions d'un fonctionnement optimal du marché de l'art en France ? En effet l'existence d'un marché de l'art français puissant et bien structuré est l'essentiel, non seulement parce qu'il peut favoriser le maintien en France des oeuvres majeures, mais aussi en raison de l'atout économique qu'il constitue. "

En ce qui concerne les "trésors nationaux", le rapport souligne les défauts du régime institué par la loi du 31 décembre 1992 : blocage de l'oeuvre pour laquelle a été refusé le certificat pendant trois ans ; pas de possibilité d'achat de l'oeuvre par l'État sur la base d'une valeur prédéterminée ; nécessité d'une indemnisation en application de la loi de 1913 par suite de la suppression de la loi de la loi du 23 juin 1941 ; détournement de procédure faisant utiliser le classement comme moyen d'interdire la sortie ; enfin, il n'est prévu aucun moyen pour l'État d'acheter les "trésors nationaux". Face à une situation où s'accumulent les cas pendants d'oeuvres, le rapport suggère soit de créer un fonds de concours alimenté par une dotation de la Française des jeux, soit d'inciter les personnes privées à acheter des "trésors nationaux" en leur permettant de bénéficier d'un crédit d'impôt sur la fortune, sur les sociétés ou de droits de mutation, pour tout ou partie de la valeur du bien, selon que les personnes se réservent ou non un usufruit limité dans le temps.

En outre, le rapport propose une procédure d'acquisition calquée sur celle en vigueur en Grande-Bretagne. Enfin, le rapport propose de revoir certains aspects de la réglementation : garantir que les biens régulièrement importés depuis moins de cinquante ans ne peuvent être classés, raccourcir les seuils d'ancienneté pour le contrôle des archives qui pourraient être ramenées de 50 à 20 ou 30 ans.

" La commission souligne avec force la singularité de la position de la France qui, anticipant sur l'évolution de ses partenaires européens a renoncé pour de purs motifs douaniers au droit régalien de retenir ses trésors nationaux, tandis que ses prudents voisins se gardant bien d'abroger leur législation protectrice, se bornaient à mettre en oeuvre la nouvelle réglementation douanière ".

Pour renforcer
la protection du patrimoine, le rapport affirme la nécessité d'un " volet préventif " car " sans attendre d'être placé devant le fait accompli, il faut s'attacher à en réduire les causes ".Il préconise la recherche d'un " effet de levier, par lequel une incitation initiale de l'État pousse les propriétaires à diriger une plus grande part de leur ressources vers la sauvegarde de leur patrimoine.

Le rapport prévoit, à ce titre, d'aménager le régime de l'article 795 A du code général des impôts qui exonère d'impôt sur les successions les biens mobiliers constituant le complément artistique ou historique d'un monument historique. Il s'agit d'éviter la double facturation du temps, en cas de rupture de la convention, à la fois avec l'actualisation de la valeur du bien et l'application d'intérêts de retard. A cette mesure, s'ajouteraient d'autres aménagements plus techniques, comme la prise en compte de la fraction des biens exonérés dans les parts des sociétés civiles ou la possibilité de déduire les frais d'assurance des monuments historiques pour leur montant réel.

Par ailleurs, il est souhaitable d'encourager le propriétaire à vendre un musée national plutôt qu'à un acheteur étranger comme cela est le cas en Grande Bretagne où lorsqu'un bien pour lequel les droits de succession étaient suspendus, est vendu à un musée national, le vendeur ne paye que 75 % de ce droit. Dans le même perspective, il est proposé d'étendre la faculté de dation à d'autres impôts que les droits de mutation.

Toujours dans un souci de sauvegarde du patrimoine, le rapport propose d'accorder un abattement de 50 % sur la valeur des oeuvres d'art retenue pour la calcul des droits de succession pour les propriétaires s'engageant à ne pas céder leurs oeuvres et à les prêter pour des périodes délimitées aux musées nationaux pour expositions, selon des clauses à prévoir dans une convention type.

Abordant, dans un second temps, la question du marché de l'art, le rapport de la commission présidée par M. Aicardi développe une problématique assez proche de celle élaborée par M. Chandernagor.

Partant du constat que pour les oeuvres d'une valeur unitaire supérieure à 500 000 francs, les vendeurs choisissent les places les plus attractives et donc cherchent à minimiser la taxation, " une importance particulière s'attache pour le développement de la place de Paris, à ce que la transaction ne soit pas plus taxée qu'ailleurs. "

Sur les cinq taxes qu'une vente publique est susceptible de supporter (TVA à l'importation, TVA à la vente, droit de suite, taxe forfaitaire et droit de reproduction) deux ne posent pas de problème, mais trois sont à l'origine de distorsions graves.

La TVA à l'importation ne pose pas de problème car la taxe est supportée par l'acheteur et celui-ci ne la paie pas lorsqu'il est extra-européen et qu'une taxe similaire existe à New-York

La taxe forfaitaire ne pose pas non plus de problèmes car elle ne pèse pas sur les non résidents et qu'elle n'influe pas non plus sur le choix du résident, que la vente ait lieu à Paris ou hors de France.

La TVA à l'importation ne devrait pas soulever de difficultés à ceci près que :

• le vendeur, qui ne connaît l'acheteur qu'une fois la vente faite, ne peut être assuré d'avance de ce que le bien sera acheté par un résident extra-européen et doit donc prendre en compte dans son choix le risque de subir une TVA à l'importation, " la TVA ayant ainsi toujours un effet dissuasif, même si elle n'est pas perçue dans tous les cas " ;

• la possibilité laissée à la Grande-Bretagne de n'appliquer la taxe au taux de 2,5 % pénalise la France et crée des risques de détournement de trafic : il suffit à un vendeur extra-européen de faire transiter son bien par l'Angleterre pour échapper à la TVA française.

Le rapport souligne un point sur lequel le rapporteur de la commission des finances reviendra, en soulignant que l'application de la TVA procède d'une mauvaise compréhension du marché de l'art : "ce n'est pas, comme pour les marchés de biens et services, l'exportation qui est favorable - elle appauvrit le patrimoine national - mais l'importation qui l'accroît ".

Pour la commission présidée par M. Aicardi, seule la voie européenne est envisageable tant pour l'aménagement de la définition des oeuvres d'art que pour la constitution avec les britanniques d'un " front hostile à la TVA à l'importation des oeuvres d'art ."

En ce qui concerne le droit de suite, qu'il considère comme " difficilement contestable dans son principe ", le rapport préconise de le mettre à la charge de l'acheteur et de le rendre dégressif, en observant que cette modification ne léserait pas les bénéficiaires du droit de suite, puisque le seul effet du droit de suite est d'en déplacer le vente sur les places qui ne le reconnaissent pas.

Au sujet du droit de reproduction, la commission, considérant que l'extension du droit de reproduction aboutit la plupart du temps à mettre en place une " double rémunération " qui n'est pas justifiée, estime nécessaire que le législateur exonère les catalogues de ventes publiques de droit de reproduction.

Les développements du rapport consacrés aux ventes publiques, sont aujourd'hui datée du fait des choix effectués par le projet de loi portant réforme du régime de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, mais restent intéressants dans leur approche.

Au-delà de la nécessité juridique d'obtempérer à l'injonction des autorités de Bruxelles, la commission fait un constat : " l'interdiction faite aux opérateurs internationaux d'organiser des ventes publiques sur le sol français..[ aboutit à faire] vendre hors de France les beaux objets de notre patrimoine ", soulignant au passage que " le loi du 31 décembre 1992 en abrogeant la loi douanière de 1941 a grandement facilité les échanges de France vers l'extérieur, c'est-à-dire les transferts d'objets français destinés à être vendus à Monaco, Londres ou New-York... ".

Le rapport attire l'attention sur les conséquences dommageables d'une telle situation : une perte de chiffre d'affaires qui se compte en centaines de millions de francs ; des objets achetés hors de France sans espoir de retour ; une masse d'objets réduite sur laquelle l'État peut exercer son droit de péremption.

Il affirme également que " le monopole d'officiers ministériels est de surcroît radicalement inefficace à l'extérieur de nos frontières... Si certains professionnels s'y sont taillés un rang et un rôle, ils le doivent à leur compétence et à leur dynamisme, nullement à leur statut de commissaires-priseurs, qui par sa nature même les prive des capitaux nécessaires à l'activité internationale ".

En ce qui concerne les adaptations juridiques, la commission a émis des doutes sur le caractère " réaliste " de la proposition d'action de concert suggéré par la Chancellerie et considéré que la liberté de prestation de services qui était le complément de la possibilité ainsi offerte, était une " impasse " et que la réponse à la question posée par Bruxelles restait l'aménagement de la liberté d'établissement.

Sur le plan juridique, la commission a, d'une part, considéré que l'ouverture du capital des sociétés d'exercice libéral dans la limite de 49 % restait un " faux semblant " et qu'un tel dispositif conduit inéluctablement à une forme de fraude. En revanche, elle s'est déclarée favorable à l'extension du système de la société auxiliaire déjà pratiquée par certains offices par lequel le commissaire-priseur qui dirige la vente, s'adosse par convention à une société commerciale, responsable de l'organisation et du suivi de la vente.

Dans sa conclusion, le rapport affirme son attachement à " la conservation de l'essentiel de la spécificité française, c'est-à-dire la responsabilité vis à vis des acheteurs " et souligne " avec force que l'ouverture aux sociétés commerciales des ventes aux enchères publiques volontaires d'objets d'art n'aurait aucun sens, si elle n'était précédée ou a tout le moins accompagnée d'une élimination des distorsions fiscales et parafiscales, dont souffre aujourd'hui le marché français des ventes aux enchères d'oeuvres d'art. "

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