II. 2.2. LE CADRE D'ANALYSE DE LA NÉGOCIATION

A. 2.2.1. REPRÉSENTATION SYNDICALE ET NÉGOCIATION

Le droit de représentation des salariés, le droit de se regrouper en syndicats et de mener le cas échéant des actions collectives telles que la grève sont des caractéristiques du marché du travail que les modèles théoriques ont progressivement intégrées. Le principal intérêt pour les salariés de se syndiquer est d'accroître leur pouvoir de négociation. Une question de fond sur le rôle des syndicats est de savoir s'ils contribuent à rééquilibrer une situation initialement biaisée en faveur des employeurs, ou s'ils renforcent le pouvoir des salariés au delà de ce qui assurerait l'équilibre du marché du travail.

Quoiqu'il en soit, la négociation salariale se déroule entre deux acteurs ayant un pouvoir de nuisance l'un sur l'autre, de sorte que le résultat de cette négociation peut être considéré comme une moyenne entre l'objectif des syndicats et celui des employeurs, pondérée par le pouvoir de négociation relatif des deux acteurs. Entre également en ligne de compte la situation dans laquelle se retrouverait chaque participant en cas d'échec des négociations. Plus cette situation de repli est défavorable, moins la partie concernée sera exigeante.

Si l'objectif des employeurs est la maximisation du profit de l'entreprise, celui des syndicats est de maximiser les salaires et l'emploi selon une combinaison qu'il est parfois difficile à définir (Perrot, 1998). La théorie précise comment le fonctionnement interne des syndicats (système de vote, hétérogénéité des membres du syndicat, conflit entre les dirigeants et les membres, nombre de questions portées au vote, etc.) conditionne la forme précise de leur objectif lors des négociations collectives. Pour ce qui nous concerne, l'important est de retenir que s'ils s'intéressent d'abord aux salaires, ils ne sont pas non plus indifférents à l'emploi.

La négociation peut porter simultanément sur les salaires et l'emploi (modèles de contrats optimaux : Mac Donald et Solow (1981)). Dans ce cas, il existe une multiplicité d'équilibres, c'est-à-dire de couples emploi/salaire possibles ; le contrat finalement retenu dépend du pouvoir de marchandage de chacun des partenaires. Celui-ci est lui-même relié à l'horizon temporel (c'est-à-dire à l'impatience) et à la situation courante de chacun des partenaires. La principale conclusion de ces modèles est qu'à mesure que s'accroît le pouvoir de négociation du syndicat, emploi et salaire s'accroissent simultanément.

Ce résultat n'est plus valable lorsque la négociation porte, dans un premier temps, seulement sur les salaires, et que les entreprises fixent ensuite le niveau d'emploi (modèles de droit à gérer : Nickell, 1982). Ceci revient à considérer que les entreprises maximisent leur profit sous la contrainte d'un salaire supérieur à celui qui prévaudrait sans syndicat. A ce niveau de salaire, la demande de travail des entreprises est plus faible, et il y a du chômage. Dans ce cadre, l'accroissement du pouvoir de négociation du syndicat engendre toujours une augmentation du salaire négocié, accompagnée cette fois d'une baisse de l'emploi.

Les études empiriques conduiraient plutôt à conclure en faveur de ce dernier type de modèle. Dans la pratique en effet, les négociations portent surtout sur les salaires. Ceci tient certes aux employeurs, qui sont très réticents à s'engager sur l'emploi dans des accords collectifs, même lorsque les syndicats font en contrepartie des propositions ambitieuses sur la flexibilité du temps de travail (comme dans la métallurgie Allemagne en 1993-94, et dans les discussions de plans nationaux pour l'emploi en Belgique). Mais les syndicats ont également tendance à privilégier les salaires, et ce d'autant plus que la concurrence entre centrales syndicales est forte. Récemment, on a toutefois pu observer une évolution intéressante avec le renforcement des questions d'emplois dans la fonction objectif des syndicats européens.

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