IV. LES SERVICES FINANCIERS AUX PLUS DÉMUNIS : QUELLE PLACE POUR LA POSTE DANS LE CADRE D'UN SERVICE UNIVERSEL BANCAIRE ?

Le rapport de 1997 mettait en avant que l'accueil des plus démunis par les guichets financiers de La Poste n'avait pas le caractère juridique d'un service public, mais il soulignait que cette fonction « constitue le véritable garant de la citoyenneté financière de nombre de Français » et représente une charge importante (de l'ordre de 1,3 milliard de francs). Il souhaitait que cette mission soit reconnue législativement.

Depuis, un certain nombre d'initiatives tant européennes que nationales, ont alimenté la réflexion sur l'intérêt d'un service universel bancaire. Ceci peut donc être l'occasion de reconsidérer le traitement actuellement réservé aux prestations financières d'ordre social rendues par La Poste.

A. LE DÉVELOPPEMENT DES RÉFLEXIONS SUR UN ÉVENTUEL SERVICE UNIVERSEL BANCAIRE

1. Dans l'Union européenne

Au sommet d'Amsterdam 78 ( * ) , le Conseil européen a adopté, à la demande de plusieurs Etats membres 79 ( * ) , une déclaration sur les services d'intérêt économique rendus par les établissements de crédit.

Sur le fondement de cette déclaration, la Commission européenne a procédé à une enquête dont les résultats ont été publiés en décembre 1998. Deux éléments particulièrement intéressants ressortent de cette publication, nourrie des réponses des Etats à un questionnaire :

la fourniture des services spécifiques aux populations défavorisées n'est pas une seule fois mentionnée parmi les missions d'intérêt général confiées à des établissements financiers ;

mais, l'Allemagne et l'Autriche considèrent que l'obligation faite à certains établissements de crédit de fournir une infrastructure financière de base sur l'ensemble du territoire relève du service universel même si elle s'exerce dans un secteur ouvert à la concurrence.

2. En France

a) La mission « Jolivet »

En septembre 1998, le ministre de l'Economie et des Finances a confié à M. Jolivet, Président du comité consultatif des services bancaires, le soin de formuler des propositions sur l'évolution de la rémunération des dépôts et de la facturation des services bancaires.

Le groupe de travail qui a été constitué dans ce cadre a commencé à se pencher sur la question du service minimum que les banques devraient assurer aux actuels exclus du système.

A la suite du rapport d'étape qu'il a remis début avril 1999, M. Jolivet a déclaré : « Nous nous dirigeons vers un système à trois étages : un service bancaire de base délimité par décret, un service universel, plus ou moins contractualisé, destiné aux ménages modestes, comprenant notamment des chèques gratuits, et un troisième étage libre 80 ( * ) ».

b) La loi relative à l'exclusion

Par ailleurs, l'article 137 de la loi relative à l'exclusion 81 ( * ) a changé la règle relative à l'ouverture d'un compte de dépôt.

Jusqu'alors la loi bancaire 82 ( * ) prévoyait qu'un établissement pouvait refuser l'ouverture d'un compte et qu'il fallait qu'une personne se soit vue opposer plusieurs refus pour être en droit de demander à la Banque de France qu'elle désigne un établissement devant d'office procéder à l'ouverture. Dans les faits, les personnes écartées par les réseaux bancaires se tournaient vers les seuls établissements les accueillant sans difficulté : La Poste et, dans une moindre mesure en raison du nombre plus restreint de ses guichets, le Trésor public.

Dorénavant, le droit au compte est affirmé et un refus d'ouverture permet à la personne concernée de saisir directement la Banque de France pour se voir désigner d'office un établissement financier.

Tout comme auparavant l'ouverture d'un compte ne signifie pas l'obtention d'un droit au chéquier mais simplement l'accès à des services bancaires de base : carte de retrait, paiement à distance, délivrance de relevé d'identité bancaire.

Cependant, maintenant, quand l'utilisation du compte est limitée à ces services de base, les conditions tarifaires sont fixées par décret.

Reste que la loi n'impose pas d'informer de ses droits la personne à laquelle un compte de dépôt est refusé. Ceci peut gêner son application.

c) La loi portant statut de Caisses d'Epargne

Dernier élément nouveau du dossier : la loi sur l'épargne et la sécurité financière traitant du statut des Caisses d'épargne, qui a été adoptée définitivement le 17 juin 1999.

Son article 1 er dispose en effet que ce réseau « remplit des missions d'intérêt général. Il participe à la mise en oeuvre des principes de solidarité et de lutte contre les exclusions ».

Ainsi, pour la première fois, un texte attribue le caractère d'une mission d'intérêt général à des services financiers et précise que cette mission englobe la « bancarisation » des plus démunis.

Cette compétence se révélant attachée à la gestion du Livret A, cette reconnaissance législative paraît, mutatis mutandis, pouvoir être étendue à La Poste.

* 78 Le 18 juin 1997.

* 79 L'Allemagne, l'Autriche, le Luxembourg.

* 80 Interview publiée dans Le Monde du 11 avril 1999.

* 81 Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998.

* 82 Loi n° 84-56 du 24 janvier 1984, relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit.

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