2. Les facteurs limitatifs aux capacités des forces

a) La défense sol-air adverse.

Si les systèmes anti-aériens de moyenne portée de l'armée yougoslave, essentiellement fixes (SA 2 et SA 3), ont été mis hors d'état dès les premiers jours de la campagne aérienne, tel n'a pas été le cas des systèmes de courte et de très courte portées, très difficiles à localiser grâce à leur capacité de dilution dans l'environnement et leur mobilité tactique. La volonté de l'Alliance de ne pas mettre en danger la vie de ses pilotes a conduit ceux-ci à opérer à une altitude supérieure à 5 000 mètres, ce qui a compliqué l'exécution des missions rendues très tributaires des conditions météorologiques, d'autant que la volonté de limiter les dommages collatéraux imposait de ne tirer que dans des conditions de bonne visibilité. La défense sol-air a ainsi permis aux forces yougoslaves de conserver une certaine liberté d'action.

Cette défense antiaérienne a également permis aux forces yougoslaves de modeler les formes d'action de l'aviation alliée : la basse altitude est restée interdite aux avions et les hélicoptères de combat ont dû rester au sol . Et la neutralisation des défenses sol-air a employé un nombre élevé de moyens très onéreux et gros consommateurs de soutiens. Elle a nécessité le recours à des munitions coûteuses dont l'utilisation par temps nuageux était impossible.

b) La nécessité de capacités d'action contre les défenses sol-air

La capacité d'action contre les défenses sol-air, dite SEAD (Suppression of Enemy Air Defense), vise à neutraliser (par brouillage électronique) ou détruire (par missiles) la menace anti-aérienne ou les moyens de l'ennemi permettant de détecter et d'acquérir les cibles et de guider ses missiles et ses canons. Si les Etats-Unis sont les seuls à disposer des deux volets de la panoplie anti-radars (capacités de brouillage offensif, et missiles spécifiques), seuls quelques autres alliés disposent de ces derniers, missiles HARM ou ALARM, mais dont l'efficacité réelle est souvent contestée. En effet, ces missiles sont inopérants lorsque le radar ennemi a cessé d'émettre. Les forces yougoslaves, en n'utilisant leurs radars que de façon intermittente, ont ainsi pu déjouer les capacités des missiles anti-radars de l'Alliance. Comme l'a relevé le général Rannou, chef d'état-major de l'armée de l'air : " l'avenir est à un système anti-radar capable d'enregistrer les coordonnées de la cible, une fois l'émission éteinte ".

La France ne dispose en effet à ce jour d'aucun de ces types d'armements , ayant davantage misé sur l'auto-protection de ses appareils grâce à des systèmes de brouillage et de leurrage. L'expérience a toutefois démontré la nécessité de pouvoir, en amont des missions aériennes de bombardements, neutraliser ou détruire ce potentiel de menaces.

Une réflexion est à engager dans ce domaine, par les industriels et les responsables militaires, pour doter les armes aériennes européennes de cette double capacité d'action contre les défenses sol-air, notamment par le concept de missiles à guidage sur position mémorisée, efficace après qu'un radar a cessé son émission, afin de les affranchir, à l'avenir, du nécessaire concours d'appareils américains dans la conduite de telles campagnes aériennes. Il est également nécessaire de développer une gamme de brouilleurs offensifs.

c) Les limites du guidage laser

Les conditions météorologiques qui ont prévalu durant la campagne aérienne au Kosovo ont largement influé sur le bon déroulement des missions. Les armements de précision à guidage laser ont ainsi vu leur utilisation réduite, compte tenu de la fréquence de la couche nuageuse sur le théâtre des opérations. En effet, le passage d'un nuage ou d'une fumée émise par des destructions précédentes, fait perdre à la munition sa désignation laser et contribue à la dévier de l'objectif assigné. Le souci de préserver les pilotes en imposant des vols à haute altitude et la volonté de ne tirer qu'en cas de certitude d'atteindre la cible visée ont ainsi conduit à l'annulation de nombreuses attaques.

On voit ainsi apparaître la nécessité de pouvoir passer du mode de désignation-laser de l'objectif à celui de la " préassignation " de l'objectif , par enregistrement de ses coordonnées géographiques.

Par delà ces limites à l'usage de l'armement laser liées aux conditions météorologiques, d'une part, et à la stratégie retenue d'exclure les vols à basse altitude, d'autre part, un progrès dans l'utilisation de ces armements pourra être obtenu par un recours aux drones . L'utilisation de ces derniers pour la désignation laser de l'objectif permettra une moindre prise de risques pour les pilotes et une efficacité accrue. Apte à se placer au plus près de la cible ou à plus basse altitude que le -ou les- avions tireurs, le drone donnera une meilleure vision de l'objectif. Le drone Hunter, de fabrication israélienne -parfaitement adapté à cette capacité- a fait l'objet d'expérimentations en ce sens au CEAM (centre d'expérimentations aériennes militaires) de Mont-de-Marsan pendant le déroulement des opérations mais n'a pu finalement être testé au combat.

d) La gestion de l'espace aérien

L'OTAN a toujours veillé à ne pas provoquer de gêne à l'activité aérienne civile, malgré le nombre important de mouvements dans des zones habituées à une activité aéronautique civile très dense. Cette cohabitation a été permise par la nouvelle précision de navigation de tous les aéronefs , grâce au GPS (Global positionning system), l'omniprésence des SDA (systèmes de détection aéroportés, AWACS) et le fait que les opérations se sont principalement déroulées au départ et dans la zone de responsabilité d'un pays de l'OTAN relativement bien équipé de moyens de gestion de l'espace aérien.

Sur d'autres théâtres, il ne serait pas nécessairement possible de profiter de ces moyens fixes, imposant alors un recours plus large aux SDA -que certains pays européens possèdent- et surtout au GPS -sous contrôle américain.

En ce qui concerne l'identification d'avions ennemis éventuels , de nouveaux systèmes sont en cours de développement aux Etats-Unis, en particulier le NCTR (" non cooperative target recognition ") qui équipe déjà des appareils de défense aérienne. La France, comme les autres nations européennes, devra faire un effort dans ce domaine pour se doter de cette capacité de double identification .

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