3. Les adaptations nécessaires

a) La nécessité de disposer au niveau européen de structures de commandement interarmées

La guerre du Kosovo a mis en lumière la carence due à l'inexistence actuelle, en dehors de l'OTAN elle-même, de capacités européennes de commandement qu'offrirait une véritable structure de commandement interarmées multinationale.

La mise en place d'une structure européenne indépendante de commandement interarmées projetable , dotée de capacités adaptées aux dimensions et à la variété des forces déployées dans le cadre d'opérations du type de celles réalisées sur le théâtre Kosovo-Albanie-Macédoine, s'inscrirait dans la logique induite par les décisions politiques, récemment prises au niveau européen, d'être en mesure de préparer et de conduire des opérations en dehors du cadre Otan.

Cela supposerait d'adosser cette structure sur des SIC (systèmes d'information et de commandement) européens permettant la maîtrise de l'information en temps réel , l'acquisition ou le renforcement de capacités européennes de renseignement, de surveillance de théâtre, et l'accès conjoint aux données. S'agissant des opérations aériennes, la crise a également démontré la nécessité de disposer d'une capacité de désignation d'objectifs (" targeting ") qui s'inscrit dans une action très politique de gestion de la crise : il importe désormais de disposer en propre d'une panoplie de moyens d'acquisition et d'analyse des cibles potentielles dont seuls les Etats-Unis disposent actuellement.

b) Des stocks de munitions insuffisants

Les stocks de munitions de l'armée de l'air et de la Marine sont rapidement apparus susceptibles de devenir insuffisants, notamment pour ce qui est des bombes guidées laser (BGL), de grande précision et d'un coût d'acquisition élevé, ce qui a conduit à les recompléter en armements guidés laser américains . Lorsque la configuration des cibles s'y prêtait -large surface à traiter, pas de risques collatéraux...-, il a été recouru à des bombes " lisses " non guidées de fabrication française mais, face à l'insuffisance des stocks, il a été nécessaire de procéder, en cours de campagne, à l'acquisition de bombes américaines (MK 82, 250 kg), au demeurant peu onéreuses. Si ces armements présentent un degré de précision évidemment moindre que les bombes guidées, leur utilisation a cependant été largement optimisée par le Mirage 2000 D, dont le système de navigation particulièrement performant vers la cible assignée lui a permis de délivrer des bombes non guidées -y compris par mauvais temps-, sur des objectifs définis par leurs coordonnées géographiques. La conjonction du couple Mirage 2000 D-bombes lisses non guidées présente donc un avantage certain, compte tenu du faible coût unitaire de la munition. Compte tenu de l'incertitude prévisible concernant la disponibilité des ressources financières adaptées pour permettre et la reconstitution de stocks de munitions et leur maintien à un niveau convenable, le réalisme pourrait conduire en ce domaine à envisager, au niveau européen, la constitution en commun de stocks et d'assurer une capacité de réactivité industrielle qui, là encore, permettrait de s'affranchir du nécessaire recours aux ressources américaines.

c) La nécessité de disposer d'une gamme complète d'armements aériens

Le conflit du Kosovo a démontré l'utilité, pour nos aéronefs, d'être en mesure d'emporter, selon la mission et les caractéristiques de son environnement -défense sol-air, météorologie, caractéristiques de la cible elle-même- de trois types d'armements auxquels il a été recouru dans le cadre de l'opération " Force alliée " -les bombes lisses non guidées, les armements guidés laser, les bombes à guidage par inertie et GPS-, sans oublier notre capacité future en matière de missiles de croisière.

L'armement guidé laser tout d'abord présente un triple intérêt : la cible visée est précisément et préalablement identifiée ; la précision du tir est inférieure à cinq mètres ; enfin, l'évaluation du dommage est instantanée. Ces qualités l'emportent sur les contraintes, déjà recensées : largage à une distance relativement proche de la cible ; nécessité d'un ciel dégagé, sauf à délivrer la bombe sous la couche nuageuse ce qui rend l'aéronef vulnérable à la défense sol-air adverse. D'où la nécessité de poursuivre, voire d'accroître l'acquisition d'armements guidés laser français, sauf à procéder à l'achat " sur étagère " de sytèmes de guidage laser adaptables sur une bombe classique.

• La disponibilité de bombes lisses non guidées a également prouvé sa pertinence, pour les frappes tout temps, lorsqu'elles sont associées à des appareils ayant cette capacité (à l'heure actuelle Mirage 2000 D).

• L'opération " Force Alliée " a par ailleurs démontré l'intérêt des armements à guidage par inertie et GPS. Les Etats-Unis ont eu recours au JDAM (Joint Direct Attack Munition), kit de guidage adapté sur un corps de bombe classique. Nos forces ne disposeront d'un armement comparable, avec l'AASM (Armement Air-Sol modulaire) qu'à partir de 2004.

• Parmi les alliés, seuls les Etats-Unis fabriquent à ce jour des missiles de croisière , les Britanniques ayant acquis des " Tomahawk " américains. Ce monopole a contribué à écarter, au Kosovo, les autres alliés européens, et notamment la France, des stratégies de frappes relevant de l'utilisation de cette capacité. En effet, l'armée de l'air française ne disposera de ses premiers missiles de croisière qu'en 2001 (Apache), ou 2003 (SCALP EG).

Le missile Apache antipiste constituera l'un des principaux armements tactiques du Mirage 2000 D et du Rafale. Tiré à distance de sécurité (140 km) il aura pour mission grâce à 500 kg de sous-munitions, la neutralisation des bases aériennes ennemies par la destruction des pistes d'atterrissage et l'interdiction des aires bétonnées au moyen de charges classiques.

Il sera équipé d'un système de navigation par inertie avec recalages autonomes qui lui permettra de réaliser des approches à très basse altitude en suivi de terrain programmé. Son radar assurera également la détection et l'identification de l'objectif. Les 100 exemplaires prévus ont fait l'objet d'une commande globale en 1997 et les livraisons s'étaleront de 2001 à 2003.

Le missile SCALP-EG (emploi général), emportant une charge unique de 400 kg, est un missile air-sol largué à distance de sécurité (400 km maximum), destiné à la destruction d'objectifs d'infrastructures militaires, logistiques ou économiques. Ce missile, destiné au Mirage 2000 D et au Rafale, entrera en service en 2003. Une commande pluriannuelle portant sur 450 exemplaires pour l'armée de l'air et 50 pour la marine est intervenue en décembre 1997. La cible totale de SCALP-EG sera de 500 exemplaires. On notera que la Royal Air Force, qui a manifesté un besoin convergent, se dotera d'un missile très comparable au SCALP-EG, le Storm Shadow, sur la base d'un total de 900 exemplaires.

Le programme d' armement air-sol modulaire (AASM) est commun à l'armée de l'air et à la marine. Il permet de valoriser des armements classiques -bombes de 250 kg ou de 1 000 kg- par l'adjonction d'un kit de guidage et d'un kit d'accroissement de portée. Doté de capacités multicibles, sa portée -inférieure à celle de missiles de croisière- est de 15 kilomètres en très basse altitude et 60 km en haute altitude. Cet armement peut être emporté par tout type d'aéronef et tiré, de jour comme de nuit, par tout temps. L'appel d'offre international lancé par la DGA devrait conduire à une commande groupée de 500 unités à la fin de cette année pour une livraison au début de 2004.

• On sait que les Etats-Unis ont eu recours à certains armements visant moins à détruire un objectif qu'à le neutraliser temporairement, comme les bombes au graphite. Ce type d'armes, adapté à la gestion de crises, pourrait, utilement, compléter nos capacités à l'avenir.

• S'agissant des capacités de défense aérienne , le couple Mirage 2000-5/Mica, retardé pour des raisons budgétaires, n'a pu être déployé, à quelques mois près, lors des opérations. Il aurait permis, du fait de ses possibilités de poursuite et d'engagement multicibles, de conférer une meilleure efficacité à nos patrouilles de défense aérienne, qui ont été effectuées par les Mirage 2000C. Il aurait en effet alors été possible, soit de diminuer le nombre de sorties pour la même capacité, soit d'augmenter de façon significative cette dernière à nombre de sorties égal.

d) Un nombre insuffisant de ravitailleurs en vol

L'un des facteurs ayant limité le nombre quotidien de frappes a davantage été le nombre insuffisant de ravitailleurs que le nombre d'avions capables d'effectuer des tirs. Les C 135 de l'armée de l'air ont effectué près de cinq sorties par jour et les Etats Unis ont été amenés à renforcer en permanence le nombre de ravitailleurs présents sur le théâtre, qui représentaient une moyenne de un sixième de l'ensemble des aéronefs de la coalition.

Pendant longtemps, l'armée de l'air s'est contentée de douze, puis de onze ravitailleurs. C'était à l'époque où seuls les Mirage IV des Forces aériennes stratégiques étaient ravitaillables et où la tenue d'alerte consommait en permanence un certain nombre de ravitailleurs.

La flotte de combat étant désormais entièrement ravitaillable en vol et les missions ayant considérablement évolué, il a fallu augmenter le nombre de ravitailleurs, qui a été porté de onze à quatorze, pendant qu'un certain nombre de C 160 étaient eux aussi dotés de la capacité ravitailleur et/ou ravitaillé. Cet effectif est désormais insuffisant. Il ne s'agit d'ailleurs pas seulement d'un problème français mais européen : la capacité nationale, même insuffisante, demeure très supérieure à celles des autres pays qui ne possèdent pas, ou presque, de ravitailleurs.

Il est à noter que la capacité de ravitaillement des Super Etendard entre eux et le fait que le porte-avions pouvait opérer à relativement faible distance des objectifs a permis à l'aéronautique navale d'effectuer ses missions d'assaut sans peser en termes de capacité de ravitaillement en vol.

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