CHAPITRE II

DONNER UNE NOUVELLE IMPULSION POUR AMÉLIORER LES CONDITIONS D'EXERCICE DES MANDATS LOCAUX

La France compte actuellement un peu plus de 500.000 élus locaux : 36.700 maires, 502.000 conseillers municipaux, 4.000 conseillers généraux et 1.900 conseillers régionaux.

Les droits et garanties dont bénéficient les élus locaux pour l'exercice de leur mandat ont été définis par la loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux , soit près de dix ans après le vote des " lois fondatrices " de la décentralisation.

Pourtant, la question du statut de l'élu local apparaissait comme l'une des questions centrales du processus de décentralisation : la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions , dans son article premier, indiquait déjà que " les communes, les départements et les régions s'administrent librement par des conseils élus. Des lois détermineront (...) le mode d'élection et le statut des élus ".

La nécessité d'un " statut de l'élu " était donc placée au coeur des préoccupations du législateur, au même rang que la définition de la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'Etat ou la répartition des ressources publiques.

De fait, le " statut de l'élu " n'est que l'un des aspects des conditions d'exercice des mandats locaux qui recouvrent à la fois les garanties juridiques et les moyens financiers ou humains mis à disposition des élus pour accomplir leur mission. Les thèmes des finances locales et de la fonction publique territoriale devant être abordés ultérieurement, ce volet du présent rapport portera spécifiquement sur les compensations et garanties accordées aux élus en contrepartie de l'exercice de leur mandat.

Après avoir évoqué l'émergence de la notion de statut de l'élu, il conviendra d'aborder les propositions de la mission sur les différents éléments de ce statut.

I. LE STATUT DE L'ÉLU EST LE COROLLAIRE INDISPENSABLE DE LA DÉCENTRALISATION ET DE LA DÉMOCRATIE LOCALE

Le statut de l'élu a été instauré progressivement en tenant compte de la tradition française du principe de la gratuité des mandats ; il s'impose aujourd'hui comme un instrument indispensable pour soutenir la vitalité de la démocratie locale.

A. LA LENTE MISE EN PLACE D'UN STATUT DE L'ÉLU

1. L'aménagement graduel du principe de la gratuité des mandats

La loi du 21 mars 1831 , en même temps qu'elle posait le principe de l'élection de l'assemblée municipale au suffrage censitaire par les électeurs de la commune, avait prévu simultanément, dès son article premier, que les fonctions de maire, d'adjoint et de membre du corps municipal " étaient essentiellement gratuites et ne donnaient lieu à aucune indemnité ni frais de représentation ".

Le principe de gratuité des mandats , ainsi affirmé avec vigueur sous la Monarchie de Juillet, reposait sur la conviction que l'accomplissement des tâches publiques devait aller de pair avec une sécurité financière personnelle du notable, celle-ci étant considérée comme le gage de l'impartialité de ses décisions.

Cette conception de l'élu local plonge ses racines au coeur de notre histoire. Montaigne, premier magistrat de Bordeaux, estimait ainsi au XVI ème siècle : " la charge de maire semble d'autant plus belle qu'elle n'a ni loyer, ni gain autre que l'honneur de son exécution ".

Cette conception perdure au début de la III ème République , à travers la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux, qui confirme le principe de gratuité en disposant que " les membres de la " commission départementale " ne reçoivent aucun traitement ". La loi municipale du 5 avril 1884 admet seulement une dérogation au principe de gratuité en matière de remboursement des frais que nécessite l'exécution des mandats spéciaux.

Il faut attendre la loi du 27 février 1912 pour que le législateur prévoie des indemnités de déplacement et de " séjour " en faveur des conseillers généraux, pour leur permettre de prendre part aux réunions de leur assemblée délibérante souvent éloignée de leur domicile.

La Libération marque un tournant dans la conception du principe de gratuité : avec les ordonnances du 26 juillet 1944 et du 21 février 1945 , des indemnités de fonction peuvent être allouées sur les budgets de la commune, en faveur des maires et des adjoints.

Enfin, à la suite des mesures protectrices prévues pour les fonctionnaires par le statut général de 1946, la loi du 2 août 1949 crée une obligation pour les employeurs de laisser aux salariés le temps nécessaire pour assister aux séances plénières des assemblées délibérantes.

2. Le rôle moteur du Sénat pour promouvoir une réflexion globale sur le statut de l'élu local

Dans le cadre de la préparation du " projet de loi de développement des responsabilités des collectivités locales ", le Sénat avait réuni en avril 1978 un groupe de travail dont M. Roger Boileau était le rapporteur.

Ce groupe de travail allait souligner que le maire, au-delà des tâches de représentation, était devenu un gestionnaire : " Emanation de la société dans laquelle ils vivent, représentants dévoués de la population, les élus locaux ont aussi changé dans leur origine sociale. La gestion communale n'est plus la distraction aimable offerte à leur oisiveté, mais bien souvent l'expression d'une vocation qui rend souvent difficile la vie professionnelle et la vie familiale ".

Ce groupe de travail allait se prononcer en faveur d'une approche " réaliste " du principe de gratuité, ainsi que pour le développement du principe d'égalité d'accès au mandat dans le respect de l'autonomie des collectivités locales 19 ( * ) .

La question du statut de l'élu devait faire l'objet du titre III du projet de loi susvisé, dont l'examen a été interrompu par l'alternance en 1981. Le dispositif retenu par la Haute Assemblée déclinait quatre orientations : le relèvement des indemnisations forfaitaires en contrepartie du maintien du principe de gratuité, la création d'un statut protecteur en faveur des maires des villes de plus de 100.000 habitants, le renforcement du régime des autorisations d'absence et l'amélioration des pensions de retraite.

3. L'effet inéluctable des lois de décentralisation

Avec la mise en place de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 et la suppression de la tutelle administrative, devait rapidement se poser la question d'une amélioration du statut des élus locaux désormais à la tête de collectivités véritablement décentralisées.

Le 22 janvier 1982, M. Marcel Debarge remettait au Premier Ministre, M. Pierre Mauroy, un premier rapport sur " le statut de l'élu local, départemental et régional et la limitation du cumul des fonctions et des mandats électifs ". Ce rapport qui devait déboucher sur un projet de loi adopté en Conseil des Ministres en septembre 1983, mais jamais examiné par le Parlement, en raison d'arguments liés à son coût, mettait l'accent sur les points suivants : ouverture d'un droit réel de tous les élus locaux à la formation, revalorisation substantielle des indemnités, garantie du droit à une retraite décente, assouplissement des autorisations d'absence et amélioration du crédit d'heures, garantie de réinsertion sociale pour l'élu à temps plein.

En 1988, M. Pierre Joxe, alors Ministre de l'Intérieur, confie une nouvelle mission à M. Marcel Debarge. Celui-ci réunit un groupe de travail qui rendra ses propositions au mois de mars 1990, reprises pour la préparation de la loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux .

Cette loi, qui constitue très largement le socle actuel du statut de l'élu, met en oeuvre quatre orientations : revalorisation du barème des indemnités de fonction des élus municipaux ; généralisation du principe du barème pour toutes les catégories d'élus ; rapprochement vers le droit commun du régime fiscal des indemnités ; limitation des indemnités en cas de cumul des mandats.

B. LE STATUT EST UN ÉLÉMENT DE RECONNAISSANCE DU RÔLE DE L'ÉLU ET UN INSTRUMENT D'ÉQUITÉ SOCIALE

La reconnaissance du rôle accru de l'élu local a justifié la mise en place d'une compensation raisonnable des charges liées au mandat ; cette compensation est nécessaire pour garantir l'égal accès de tous au mandat électif.

1. La nécessité d'une juste compensation des charges liées au mandat

a) Le nécessaire aménagement du principe de gratuité

Le principe de gratuité du mandat qui trouve son origine dans le souci de mettre l'accent sur le dévouement " naturel " de l'élu à la chose publique, a été également invoqué comme la preuve de son " désintéressement ".

Il doit reposer aujourd'hui sur la volonté d'éviter une " professionnalisation " du rôle d'élu local qui ne serait pas conforme à la tradition française qui met toujours l'accent sur le lien particulier entre la collectivité et l'élu qui la représente.

Comme l'a souligné M. Didier Lallement, directeur général des collectivités locales, lors de son audition, la France n'a jamais mis en place un système de " carrière de l'élu " visant à permettre, en quelque sorte, une " délocalisation " progressive de l'élu par son accession programmée à des mandats de plus en plus importants suivant un plan de carrière comparable à celui d'un cadre dans son secteur d'activité ou d'un haut fonctionnaire.

De même, il serait éloigné de nos conceptions que l'élu local, comme en Allemagne, puisse être à la fois responsable de l'exécutif et le chef des services administratifs de la collectivité qu'il dirige.

Le " métier " d'élu local n'est pas un métier comme les autres car il est fondé sur l'épreuve démocratique périodique de l'élection, qui est une source de légitimité, mais comporte aussi le risque d'un échec pour des raisons qui ne sont pas toujours liées à l'exercice du mandat.

Pour autant, le principe de gratuité doit être aménagé afin d'assurer la compensation la plus juste possible des charges croissantes qui pèsent sur les responsables des collectivités décentralisées.

De fait, le principe de gratuité fait aujourd'hui l'objet d'aménagements significatifs en termes d'indemnités, de garanties au titre du droit du travail, ou de protection sociale.

Cet aménagement devient une condition essentielle de l'activité de l'élu : assumer un mandat local ne doit plus être considéré comme un sacerdoce .

Comme le soulignait le président Poncelet le 20 novembre 1998 devant le 81 ème Congrès de l'AMF : " Cessons les tartuferies et remisons les hypocrisies qui consistent à faire croire que ce véritable " métier " peut reposer exclusivement sur la foi et le sens du sacrifice qui animent ceux qui l'exercent (...) la démocratie n'a-t-elle pas un prix ? "

L'exemple étranger montre que de nombreux pays européens sont soucieux de maintenir aux responsables des collectivités locales des éléments de statut qui leur apportent des garanties importantes.

b) L'exemple étranger

Dans les pays étrangers, européens notamment, les élus locaux bénéficient souvent de situations comparativement avantageuses par rapport à la France.

Dans des pays tels que l'Allemagne et les Pays-Bas, les fonctions électives locales ont été progressivement assimilées à des emplois à temps plein et rémunérées dans des conditions analogues aux salariés.

En Italie et en Espagne, le niveau des régimes indemnitaires se situe à des niveaux qui permettent aux élus d'abandonner temporairement leur activité professionnelle.

Le Service des Affaires européennes du Sénat a récemment fait réaliser une étude très riche sur le statut de l'élu local en Europe 20 ( * ) .

Celle-ci fait apparaître les points suivants. Les pays tels que l'Allemagne et l'Angleterre, dans lesquels l'exercice d'un mandat local est traditionnellement considéré comme une fonction bénévole, ont chacun mis en place des barèmes d'indemnité et ont prévu, de surcroît, des dispositions en matière de retraite et de retour à la vie professionnelle.

En revanche, des pays tels que le Danemark, l'Espagne, les Pays-Bas et le Portugal garantissent un statut assez complet aux élus locaux réputés exercer leur mandat à temps plein.

Dans ces pays, -dotés, il est vrai, de moins de collectivités locales que le nôtre-, les niveaux des rémunérations sont souvent plus importants qu'en France. Ainsi, au Danemark, les maires perçoivent-ils annuellement entre 360.000 francs et 500.000 francs selon l'importance de la commune. Le maire portugais reçoit une somme calculée en proportion du salaire du Président de la République et qui varie entre 16.000 francs et 22.000 francs par mois.

Aux Pays-Bas, la rémunération des élus s'étage entre 21.000 francs et 42.000 francs par mois selon l'importance de la commune.

Les pays concernés envisagent le retour à la vie professionnelle de l'élu soit par la réintégration dans le poste de travail (Espagne), soit par le versement d'une allocation spéciale de fin de mandat (Danemark, Pays-Bas, Portugal).

2. Le statut est une garantie de la diversité sociologique des élus

Faire de l'exercice du mandat un sacrifice, c'est prendre le risque de restreindre la diversité sociologique des élus.

Au fond, c'est retrouver l'esprit même du principe de gratuité que de permettre à chacun, quelle que soit sa profession, d'accomplir sa vocation au service du bien public.

De fait, les statistiques montrent des phénomènes préoccupants.

La répartition par catégories socioprofessionnelles des maires montre une sous-représentation des salariés du secteur privé , tandis que les fonctionnaires et les retraités sont plutôt sur-représentés. A l'issue des élections municipales de 1995, les agriculteurs représentaient 20 % du nombre total des maires, les salariés du secteur privé 16,6 %, les chefs d'entreprise et professions libérales 13 %, tandis que les agents de la fonction publique représentaient 19 % des maires et les retraités 30 %.

Or, à l'issue des élections municipales de 1989, 28,5 % des maires étaient agriculteurs, les salariés du secteur privé représentaient 14,6 % des maires, les chefs d'entreprise et professions libérales 15 %, les agents de la fonction publique 15,5 % et les retraités 23,7 %.

Ces éléments statistiques montrent la progression notable des retraités parmi les élus locaux. Ce constat doit être nuancé, considérant que les retraités ne représentent que 14,5 % des conseillers généraux et 9,4 % des conseillers régionaux.

Un autre phénomène est la faible féminisation des élus locaux qui s'élève à 7,5 % pour les maires. La féminisation est particulièrement restreinte dans les grandes communes et dans le sud de la France.

Une hausse est observée ces dernières années (2,8 % en 1983 et 6 % en 1989) qui devrait s'amplifier avec la mise en oeuvre des mesures tendant à favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électifs.

Il convient toutefois d'observer que 22 % des conseillers municipaux sont des femmes. Il est souvent souligné que les femmes présentes dans les conseils municipaux sont particulièrement assidues et actives.

Enfin, la proportion des cadres du secteur privé apparaît d'autant plus faible par rapport à celle des cadres du secteur public que la collectivité est importante : les cadres privés sont représentés à 12 % et 10 % dans les conseils généraux et les conseils régionaux alors que le taux des cadres de la fonction publique s'élève respectivement à 28 % et 22 % dans ces collectivités locales.

Le dispositif actuel ne permet donc pas à tous les citoyens de briguer un mandat en toute équité.

Si la loi du 3 février 1992 a représenté une avancée importante, elle semble aujourd'hui rattrapée par les contraintes et les charges qui pèsent sur les élus locaux.

Directement au contact des attentes et des besoins de leurs administrés, les élus locaux gèrent des collectivités décentralisées dans lesquelles l'importance des responsabilités va de pair avec le caractère très évolutif d'une réglementation souvent instable et toujours complexe.

Au demeurant, la charge de travail liée à la gestion n'est pas strictement proportionnelle à la taille des communes : les tâches demeurent importantes dans une commune moyenne du fait de l'homogénéité de la réglementation et de l'uniformisation des normes sur le territoire national.

Il ressort des réponses au questionnaire transmis aux élus alsaciens par la Présidence du Sénat en mars 1999, lors des Etats généraux de la Décentralisation, que les maires qui sont tentés de ne pas se représenter ou de démissionner soulignent, à 25 %, la difficulté de concilier la vie professionnelle et le mandat, ainsi que, à 21 %, " l'inadaptation du statut des élus ". C'est dire que la question du statut est au coeur du trouble que ressentent nombre de maires.

M. Daniel Hoeffel a présenté à la mission un projet de Livre Blanc sur la réforme du statut de l'élu, préparé par l'Association des Maires de France (AMF) en octobre 1999, qui présente de manière très pertinente divers éléments de réflexion. Votre rapporteur rend hommage à ce travail qui aura été très utile dans la réflexion sur la mission d'information.

II. ASSURER DES RELATIONS PLUS HARMONIEUSES ENTRE L'EXERCICE DU MANDAT LOCAL ET LES IMPÉRATIFS DE LA VIE PROFESSIONNELLE

L'un des enjeux du statut de l'élu est de permettre aux personnes insérées dans la vie active, qu'elles soient salariés de droit privé, agents publics ou travailleurs indépendants, d'accéder aux responsabilités publiques sans que leur activité professionnelle ne constitue, par elle-même, un obstacle ou une gène à l'exercice du mandat.

De ce point de vue, le travailleur actif accédant à des fonctions électives est placé devant une alternative :

- il peut vouloir conjuguer son activité professionnelle avec l'exercice de son mandat local : dans ce cas, tout doit être fait pour que les droits du salarié à exercer son mandat soient reconnus et respectés par l'employeur et que l'exercice du mandat ne signifie pas une perte de revenus ou de droits sociaux ;

- l'autre possibilité est de renoncer temporairement à l'exercice de l'activité professionnelle : dans ce cas, il est important que l'élu bénéficie d'une protection sociale durant son mandat et qu'il soit mis à même de retrouver un travail à qualification égale s'il est conduit à quitter ses fonctions électives.

La loi du 3 février 1992 a établi clairement une distinction, fondée sur des critères démographiques, entre les mandats des collectivités importantes, pour lesquelles l'exercice du mandat à plein temps est de droit, et les autres collectivités pour lesquelles l'exercice du mandat ne dispense pas a priori de la poursuite de l'activité professionnelle.

La mission commune d'information estime que, depuis 1992, le contexte a évolué. D'une part, dans une société où les exigences de productivité sont fortes, il est parfois difficile de concilier son activité professionnelle avec des absences répétées dues à l'exercice du mandat local ; d'autre part, dans un contexte de mobilité des parcours professionnels où la règle n'est plus celle de l'emploi à vie, l'exercice d'un mandat local peut constituer une étape temporaire dans un itinéraire choisi : en d'autres termes, l'exercice d'un mandat peut susciter un investissement important, mais temporaire, qu'il faut encourager sans pénaliser pour autant l'élu lors de son retour à la vie professionnelle. Enfin, la part importante prise par les femmes dans la vie publique locale, appelée encore à s'accroître, nécessitera de leur donner les moyens de renoncer plus facilement à leur vie professionnelle sans que cette interruption n'ait des conséquences irréversibles pour leur avenir.

La loi du 3 février 1992 a instauré diverses garanties afin d'assurer la disponibilité de l'élu local qui poursuit son activité professionnelle et d'ouvrir à l'élu la possibilité de renoncer temporairement à son emploi pour se consacrer entièrement à son mandat. Ce dispositif doit aujourd'hui être parfois assoupli, parfois précisé, pour tenir compte des évolutions de la société.

A. CONCILIER PLUS AISÉMENT UNE ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE ET L'EXERCICE D'UN MANDAT LOCAL

1. Le dispositif de 1992 apporte des garanties utiles qui doivent être maintenues

Plusieurs mesures tendent à faciliter l'exercice conjoint d'une profession et d'un mandat électoral en permettant à l'élu de consacrer un temps minimum au service de sa collectivité : il s'agit des autorisations d'absence et du crédit d'heures accordés aux salariés du secteur privé et aux agents publics ou encore de l'interdiction des sanctions professionnelles en raison des absences autorisées.

a) Les autorisations d'absence et la compensation des pertes de revenu afférentes

Le régime des autorisations d'absence résulte, pour les fonctionnaires, du statut général de 1946 et pour les salariés du secteur privé, de la loi du 2 août 1949. Les autorisations d'absence sont destinées à permettre à l'élu de participer pleinement aux réunions requises par l'exercice de son mandat. Elles bénéficient à l'ensemble des conseillers municipaux (article L. 2123-1 du code général des collectivités territoriales), conseillers généraux (article L. 3123-1) et conseillers régionaux (article L. 4135-1).

Il est important de souligner qu'à l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, M. Jacques Thyraud, deux précisions importantes avaient été apportées par le Sénat lors de l'examen de la loi du 3 février 1992.

Tout d'abord la durée de l'autorisation d'absence couvre non seulement le temps de la réunion mais également la durée du déplacement nécessaire pour se rendre à celle-ci.

Par ailleurs, la notion de réunion a été entendue largement : il s'agit non seulement des séances plénières de l'assemblée délibérante mais également des commissions en dépendant ainsi que des réunions des assemblées et des bureaux où l'élu représente la collectivité locale.

Il est à noter que les fonctionnaires bénéficient de dispositions spécifiques en matière d'autorisations d'absence, (une à deux demi-journées par mois ou par semaine, en session ou hors session, selon la taille de la collectivité et sans perte de salaire).

L'autorisation d'absence est assortie d'une obligation d'information de l'employeur sur la date de la séance ou de la réunion et sur la durée de l'absence envisagée (articles L. 2123-1 du code général des collectivités territoriales et R. 121-6 du code des communes).

L'employeur " n'est pas tenu " de payer comme temps de travail le temps passé par l'élu à ces séances et réunions. Il a la faculté de maintenir le salaire mais ce n'est pas une obligation ; les droits en matière de prestations sociales, de congés payés et d'ancienneté sont maintenus aux termes de la loi même si, dans les faits, les mesures d'application n'ont pas toujours été prises.

La compensation des pertes de revenu éventuelles pour les élus qui ne bénéficient pas d'indemnités de fonction et dont le salaire n'est pas maintenu, est laissée à l'appréciation de l'assemblée délibérante de la collectivité locale : cette compensation est à la charge de la collectivité et limitée à 24 heures par élu et par an , chaque heure ne pouvant être rémunérée à un montant supérieur à une fois et demie la valeur horaire du SMIC.

b) Le crédit d'heures et sa majoration

Le crédit d'heures ne procède pas tout à fait de la même logique que les autorisations d'absence : ces dernières sont accordées pour participer à une réunion déterminée où la présence de l'élu paraît importante. Le crédit d'heures n'est pas motivé par un événement ou une réunion particulière : il permet, d'une manière générale, à l'élu local de disposer du temps nécessaire à l'administration de la collectivité à laquelle il appartient ou à la préparation des réunions des instances dans lesquelles il est appelé à siéger.

De même que pour les autorisations d'absence, l'employeur n'a pas à apprécier le bien-fondé ou non de la demande de l'élu ; il est tenu d'accorder le crédit d'heures aux élus qui en font la demande.

Dans la mesure où le crédit d'heures ne donne pas lieu à rémunération par l'employeur, son usage est réservé aux élus pour lesquels la loi a prévu une indemnité de fonction : l'article L. 2123-3 du code général des collectivités territoriales dispose que le crédit d'heures est réservé aux maires et aux adjoints, ainsi qu'aux conseillers municipaux des villes de 100.000 habitants au moins. Il concerne également les conseillers généraux et les conseillers régionaux. Il est forfaitaire et trimestriel sans possibilité de report.

Le crédit d'heures est calculé pour chaque trimestre par référence à la durée hebdomadaire légale du travail : il atteint jusqu'à 300 % de celle-ci pour les fonctions exécutives les plus importantes.

Aux termes de la loi, le crédit d'heures, pour chaque trimestre, est égal à :

- 117 heures (300 % de la durée hebdomadaire légale) pour les maires des villes d'au moins 10.000 habitants, les adjoints au maire des communes d'au moins 30.000 habitants, les présidents et vice-présidents des conseils généraux et régionaux et le président du conseil exécutif de Corse ;

- 58 heures 30 (150 % de la durée hebdomadaire légale) pour les maires des communes de moins de 10.000 habitants, les adjoints aux maires des communes de 10.000 à 29.999 habitants, les maires d'arrondissement de Paris, Marseille et Lyon, les conseillers généraux, les conseillers régionaux et les membres du conseil exécutif de Corse ;

- 23 heures 30 (60 % de la durée hebdomadaire légale) pour les conseillers municipaux des villes d'au moins 100.000 habitants, les adjoints aux maires des villes de moins de 10.000 habitants et les adjoints aux maires d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille.

Il convient de préciser que, dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice , une disposition a été adoptée à l'article 3 ter afin d'étendre aux conseillers municipaux des communes de plus de 3.500 habitants le bénéfice du crédit d'heures actuellement limité aux conseillers municipaux des communes de plus de 100.000 habitants 21 ( * ) .

Durée du crédit d'heures pour les conseillers municipaux
des villes de moins de 100.000 habitants
Projet de loi relatif au cumul des mandats

" 39 heures "

" 35 heures "

Communes de 30.000 à 100.000 habitants

15 heures 36

14 heures

Communes de 10.000 à 30.000 habitants

11 heures 42

10 heures 30

Communes de 3.500 à 10.000 habitants

5 heures 51

5 heures 15

Il convient néanmoins de remarquer que les heures ainsi utilisées, qui ne donneront pas lieu à rémunération de la part de l'entreprise, n'ouvriront pas droit non plus à des indemnités de fonction.

Il est important de souligner que la durée du crédit d'heures est fixée pour chaque trimestre par référence à la durée hebdomadaire légale du travail .

La mise en oeuvre de la réduction du temps de travail va donc entraîner mécaniquement, pour les salariés relevant du passage aux 35 heures, une diminution du montant de leur crédit d'heures : celui-ci s'élèvera respectivement à 105 heures, 52 heures 30 minutes ou 21 heures selon la catégorie d'élus concernée par le passage aux " 35 heures ".

D'ores et déjà, la loi a prévu, en cas de travail à temps partiel que le crédit d'heures est réduit proportionnellement à la réduction du temps de travail prévue pour l'emploi considéré (article L. 2123-3 du code général des collectivités territoriales) .

La logique du dispositif actuel est bien de calculer le crédit d'heures proportionnellement à la durée effective de travail de l'élu salarié dans son entreprise. La mise en oeuvre de la réduction légale de la durée du travail entraîne une augmentation du " temps libre " du salarié élu local qui devrait ainsi le consacrer, en tant que de besoin, à l'exercice de son mandat.

Il apparaît prématuré à la mission commune d'information de chercher à compenser l'effet de réduction en volume du crédit d'heures du fait du passage aux 35 heures hebdomadaires de travail , étant entendu toutefois que le niveau des crédits d'heures pourrait être reconsidéré s'il apparaissait que les nouvelles organisations du temps de travail rendaient plus difficile l'exercice de l'activité d'élu.

On rappellera également que le crédit d'heures s'inspire, sinon dans ses modalités, du moins dans sa philosophie, du dispositif prévu par le code du travail en faveur des représentants du personnel et des délégués syndicaux . Le décompte des heures est néanmoins effectué suivant une logique différente :

Pour un délégué syndical, les heures sont d'autant plus importantes que les personnels de l'entreprise sont nombreux ; pour l'élu local, la taille de la collectivité détermine le volume d'heures auquel il a droit, nonobstant la taille de l'entreprise où il travaille.

Les délégués syndicaux et les délégués du personnel disposent d'un contingent d'heures mensuelles ; les élus locaux ont un contingent d'heures trimestrielles. Dans les deux cas, ces heures ne sont pas reportables : le forfait trimestriel est donc plus souple en pratique.

La comparaison des deux régimes d'heures forfaitaires, ramenés en moyenne mensuelle , montre que la situation des élus locaux n'est pas défavorable, sauf peut-être pour les adjoints aux maires des communes de moins de 10.000 habitants.

Elu local

Moyenne
mensuelle

Délégué syndical

Crédit d'heures mensuel

Maire (> 10.000 habitants)

adjoint au maire (> 30.000 habitants)

39 heures

> 500 salariés

20 heures

maire (< 10.000 habitants)

adjoints (entre 10.000 et 30.000 habitants)

19 heures et 30 mn

de 151 à 500 salariés

15 heures

adjoints (< 10.000 habitants)

Conseillers municipaux (<100.000 habitants)

7 heures et 50 mn

de 50 à 100 salariés

10 heures

Conseillers municipaux (< 100.000 habitants)

rien

< 50 salariés

rien

La comparaison est néanmoins très difficile à faire :

- les salariés d'entreprises ont des contingents spéciaux d'heures annuelles pour certaines négociations collectives ou lorsqu'ils participent au comité d'entreprise ;

- le cumul des fonctions représentatives au sein d'une même entreprise entraîne le cumul des crédits d'heures ;

- une grande entreprise peut compter plusieurs délégués syndicaux et délégués du personnel alors que les élus locaux maires ou adjoints sont rarement nombreux au sein de la même entreprise.

La différence principale tient au fait que, pour l'élu local, les heures forfaitaires d'absence ne donnent pas lieu à rémunération par l'entreprise : le dispositif étant réservé aux élus bénéficiant d'une indemnité de fonction, tout se passe comme si ces indemnités compensaient tout ou partie de l'effet de la réduction de salaire imputable à l'exercice du mandat.

En revanche, concernant les délégués syndicaux ou les délégués du personnel, les heures consacrées à l'exercice des fonctions syndicales sont rémunérées comme les heures du travail.

Il pourrait être tentant de chercher à accentuer le parallélisme entre les deux modes de prise en charge : il reste que l'activité des délégués syndicaux et des représentants du personnel demeure liée à l'exercice du droit du travail, intrinsèquement dépendant de l'existence de l'entreprise elle-même et de son activité. A contrario , l'activité de l'élu local en droit est totalement indépendante de l'objet même de l'activité de l'entreprise.

Il ne serait donc pas compréhensible de faire assumer par l'entreprise elle-même le coût du maintien intégral du salaire de l'élu local , sauf à reconnaître la nécessité d'un prélèvement public nouveau.

c) L'emploi des salariés élus locaux fait l'objet d'une protection particulière

Les élus locaux disposent de garanties moins étendues que les salariés protégés qui ne peuvent être licenciés sans autorisation administrative préalable et qui peuvent invoquer au pénal le délit d'entrave en cas d'abus manifeste. L'élu local dispose néanmoins d'éléments indéniables de protection.

Il convient de rappeler que, d'une manière générale et sauf circonstances exceptionnelles, l'employeur ne peut s'opposer à l'absence de l'élu local ou du délégué syndical : la seule obligation qui pèse sur le salarié est un devoir d'information de son employeur.

Par ailleurs, aucune modification de la durée et des horaires de travail prévus par le contrat ne peut être effectuée en raison des absences autorisées sans l'accord de l'élu concerné (articles L. 2123-7, L. 3123-5 et L. 4135-5 du code général des collectivités territoriales) .

En outre, aucun licenciement ni déclassement professionnel, aucune sanction disciplinaire ne peuvent être prononcés en raison de ces absences, sous peine de nullité et de dommages et intérêts au profit de l'élu, sa réintégration ou le reclassement dans l'emploi étant de droit (articles L. 2123-8, L. 3123-6 et L. 4135-6 du code général des collectivités territoriales).

2. Les propositions de la mission d'information

a) Lever toute ambiguïté sur les modalités de calcul des cotisations sociales pendant les périodes d'absence

En principe, les textes prévoient que le temps d'absence, correspondant aux absences autorisées et au crédit d'heures, est assimilé à une durée de travail effective pour la détermination de la durée des congés payés et du droit aux prestations sociales ainsi qu'au regard de tous les droits découlant de l'ancienneté (articles L. 2123-7, L. 3123-5 et L. 4135-5 du code général des collectivités territoriales).

Si la détermination des congés payés et des droits découlant de l'ancienneté ne semble pas soulever de difficultés générales, la question du droit aux prestations sociales est en revanche plus délicate.

La formulation du législateur est imprécise dans la mesure où il n'a pas validé expressément les périodes consacrées par le salarié à l'exercice du mandat local au titre des périodes ouvrant droit aux diverses prestations.

La rédaction actuelle peut laisser à penser que le législateur visait en fait le dispositif concernant la durée minimale de travail requise pour accéder aux prestations du régime général. Par exemple, l'article L. 313-1 du code de la sécurité sociale prévoit que pour bénéficier des prestations maladie, maternité, invalidité, décès, l'assuré social doit justifier, au cours d'une période de référence, soit avoir cotisé sur la base d'un salaire au moins égal au SMIC, soit avoir effectué un nombre minimum d'heures de travail salarié (60 heures de travail au moins pendant un mois ou 120 heures de travail pendant trois mois). Il est possible de considérer que la disposition législative visait à empêcher qu'un salarié élu local travaillant à temps partiel se voie refuser une prestation au motif d'un nombre insuffisant d'heures travaillées du fait des absences liées au mandat.

En tout état de cause, la position de l'Administration n'est pas clairement connue dans la mesure où aucun texte d'application n'a été pris concernant le maintien du droit aux prestations sociales. Il en résulte que, dans la très grande majorité des entreprises, les heures consacrées par le salarié au mandat n'étant pas rémunérées, les cotisations sociales sont assises sur un salaire en diminution par rapport au salaire d'un travailleur à temps complet, sauf dans l'hypothèse d'une récupération des heures non travaillées.

Le fait que les cotisations sociales soient assises sur un salaire réduit peut avoir des conséquences regrettables au regard du régime des prestations en espèces de la sécurité sociale et de l'assurance chômage.

Ainsi, par exemple, l'indemnité journalière versée par l'assurance maladie est calculée sur la base des salaires versés au cours des trois derniers mois et ayant donné lieu à cotisation (articles L. 323-4 et R. 323-4 du code de la sécurité sociale).

S'agissant de la pension de retraite versée par le régime de base de la sécurité sociale, celle-ci est calculée à partir de la moitié du salaire retenu dans la limite du plafond de la sécurité sociale et versé au cours des dix-sept meilleures années de salaire pour les personnes prenant leur retraite en 2000 22 ( * ) .

Enfin, les versements effectués par l'UNEDIC au titre de l'assurance chômage dans l'hypothèse où le salarié est effectivement sans emploi à l'issue de son mandat, tiennent compte du niveau du salaire de référence.

Même s'il convient de ne pas exagérer l'effet de réduction des prestations dû aux crédits d'heures ou aux autorisations d'absence, il est dommage que l'objectif poursuivi par le législateur, à savoir assurer la plus grande neutralité possible des heures consacrées au mandat par le salarié par rapport à ses heures de travail dans l'entreprise, ne soit pas atteint.

C'est pourquoi, la mission a souhaité que cette question soit réglée pour l'avenir en posant le principe que les la durée des autorisations d'absence et du crédit d'heures soient validées par la sécurité sociale comme des heures de travail effectives du point de vue du calcul des cotisations sociales .

En fait, la mission souhaite initier une démarche en deux étapes :

- tout d'abord, il convient de mieux connaître la réalité des sommes correspondant aux cotisations qui devraient être acquittées au titre des heures d'absence. C'est pourquoi il importe que les entreprises puissent informer les caisses de sécurité sociale du nombre d'heures en question et du salaire horaire correspondant. Cette demande d'information ne signifie aucunement que les cotisations seront mises à la charge des entreprises ;

- lorsque les montants seront connus il importera d'ouvrir une " table ronde " entre les partenaires sociaux et l'Etat afin d'examiner comment pourrait être compensé à la sécurité sociale le coût de la prise en charge des cotisations. En droit, ces cotisations pourraient être acquittées par les collectivités locales pour la partie employeur et par l'élu local pour la partie des cotisations incombant au salarié. Il reste que pour des raisons de simplification administrative, il ne semblerait pas illogique à votre mission d'information de faire appel à la solidarité nationale, à travers le budget de l'Etat, dès lors qu'il apparaîtrait que les montants en cause demeurent raisonnables.

Il importe, enfin, de rappeler que les questions liées à l'impact des réductions de salaire sur le niveau des retraites complémentaires sont prises en charge par la généralisation de la cotisation à l'IRCANTEC sur l'ensemble des indemnités d'élus et par l'ouverture du droit à la constitution de retraite par rente.

La neutralisation, au regard des règles de calcul des prestations sociales, des périodes d'absence consacrées au mandat, constituera un facteur d'égalisation des règles d'accès au mandat pour les salariés par rapport aux agents de la Fonction publique : il s'agit d'une mesure de justice à l'égard des élus issus du secteur privé qui enregistrent en tout état de cause une baisse nette de leur rémunération dès qu'ils consacrent une partie de leur temps de travail à l'exercice de leur mandat.

b) Faciliter le recours au travail temporaire ou au contrat à durée déterminée pendant les périodes où l'élu local doit être remplacé

La présence d'un salarié exerçant des responsabilités au niveau d'une collectivité locale est longtemps apparue comme un élément positif pour l'entreprise. Le principe même que des élus locaux soient insérés dans la vie professionnelle active permet de mieux prendre en compte les réalités de la vie économique et sociale lors de la préparation des décisions publiques.

Toutefois, depuis quelques années, il semble que dans nombre d'entreprises, les contraintes inhérentes à l'activité d'élu -et notamment ses absences- soient perçues par certains employeurs comme un élément d'affaiblissement de la productivité sinon comme un facteur de complication dans la gestion du personnel.

Bien entendu, ces appréciations méritent d'être nuancées selon la taille des entreprises concernées. En particulier, il est souvent plus aisé de procéder à des aménagements dans une entreprise de grande taille que dans une PME. L'AMF constate pourtant l'apparition d'attitudes peu satisfaisantes. Elle estime que trop d'employeurs " ne respectent pas les droits pourtant reconnus aux élus " et constate qu'il arrive " assez fréquemment que l'employeur incite l'élu à accepter contractuellement une réduction de la durée de son temps de travail ". 23 ( * )

Même si, en droit, le salarié élu local est protégé de toute modification unilatérale de la durée hebdomadaire de travail inscrite dans son contrat, il est souvent vulnérable aux pressions de toute sorte qui peuvent être exercées sur lui pour l'inciter à accepter une redéfinition de son poste.

Il appartient à chacun de concilier au mieux les impératifs de son mandat avec les contraintes de sa vie professionnelle. La mission commune d'information considère que l'instauration de sanctions pénales supplémentaires serait peut-être disproportionnée face à des comportements dont il est difficile de mesurer l'ampleur : la voie judiciaire n'est pas toujours la solution la plus appropriée à la solution des conflits.

En revanche, il apparaît que les absences de l'élu sont souvent mal comprises parce que les règles actuelles du droit de travail s'avèrent trop rigides pour permettre à l'employeur d'apporter une réponse adéquate en cas de besoin de remplacement.

En particulier, les règles applicables en matière de travail temporaire, qui découlent de l'accord collectif du 24 mars 1990 et de la loi du 12 juillet 1990 commentés par les circulaires de la Direction du travail, n'envisagent pas clairement le recours au travail temporaire dans le cas de multiples remplacements de courte durée au cours d'une période aussi longue que celle d'un mandat parlementaire. Ainsi, pour un remplacement dont le terme est connu, la durée maximale de la mission est fixée à dix-huit mois. L'exercice d'un mandat local n'est pas considéré comme un motif de remplacement par les textes.

De même, le contrat à durée déterminée permet-il de compléter l'horaire d'un salarié à temps plein passant momentanément à temps partiel, mais la durée maximale du contrat est fixée en principe à dix-huit mois.

Votre mission souhaite donc qu'une réflexion soit engagée entre les partenaires sociaux afin d'aménager les règles du recours au travail temporaire et des contrats de travail à durée déterminée en vue de faciliter le remplacement d'un salarié élu local au cours de multiples périodes, et ceci sur toute la durée de son mandat, afin de simplifier la gestion des employeurs. L'assouplissement pourrait être reconduit sur plusieurs mandats.

B. FACILITER L'EXERCICE À PLEIN TEMPS DU MANDAT LOCAL

1. Les garanties liées à l'emploi et la protection sociale de l'élu local à plein temps

La loi du 3 février 1992 a consacré la notion d'élu à plein temps en prévoyant diverses dispositions protectrices pour les élus qui interrompent leur activité professionnelle pour se consacrer exclusivement à l'exercice du mandat dont ils sont chargés.

Si un élu local peut toujours prendre l'initiative de se consacrer exclusivement à son mandat, il reste que les protections dont il peut bénéficier ne s'appliquent que pour la gestion des collectivités les plus importantes.

Il est important de rappeler que la reconnaissance de la possibilité d'exercer à plein temps les fonctions municipales était l'un des principaux acquis du texte voté par le Sénat en 1980 sur le développement des responsabilités des collectivités locales, à la suite des propositions faites dans le rapport de M. Roger Boileau du 1 er juin 1978.

a) Les règles applicables en matière d'interruption temporaire de l'activité professionnelle

Il convient de distinguer le régime des salariés de droit privé de celui des fonctionnaires sous statut.

•  Les salariés de droit privé

Les maires des communes de 10.000 habitants au moins et les adjoints aux maires des communes de 30.000 habitants au moins, les présidents des conseils généraux et régionaux et les vice-présidents de ces assemblées ayant délégation de l'exécutif, qui, pour l'exercice de leur mandat, ont cessé d'exercer leur activité professionnelle, bénéficient, s'ils sont salariés, des dispositions des articles L. 122-24-2 et L. 122-24-3 du code du travail (article L. 2123-9 du code général des collectivités territoriales) qui prévoient diverses garanties en faveur des salariés élus du Parlement.

Ainsi, aux termes de l'article L. 122-24-2 du code du travail , le contrat de travail d'un salarié élu est, sur sa demande, suspendu jusqu'à l'expiration de son mandat, s'il justifie d'une ancienneté minimale d'une année chez l'employeur.

Le salarié élu qui manifeste son intention de reprendre son emploi doit retrouver, dans les deux mois qui suivent l'expiration de son mandat, son précédent emploi ou un emploi analogue assorti d'une rémunération équivalente dans l'entreprise. Il bénéficie des avantages acquis par les salariés de sa catégorie pendant l'exercice de son mandat et, en tant que de besoin, d'une réadaptation professionnelle.

Le droit à réintégration n'est applicable qu'à l'issue d'un seul mandat ou, si le mandat a été renouvelé, lorsque la durée de la suspension est restée inférieure à cinq ans.

A l'expiration du ou des mandats renouvelés, le salarié élu ne bénéficie plus que d'une simple priorité à l'embauche : pendant un an, l'employeur est tenu de l'embaucher par priorité dans les emplois auxquels sa qualification lui permet de prétendre.

L'article L. 122-24-3 du code du travail étend ces dispositions aux agents non titulaires de l'Etat, aux personnels des collectivités locales et des établissements et entreprises publics pour autant qu'ils ne bénéficient pas de dispositions plus favorables.

•  Les fonctionnaires

Les agents de la fonction publique peuvent être placés, sur leur demande, en position de détachement , pour exercer un mandat local de même importance (articles L. 2123-11, L. 3123-9 et L. 4135-9 du code général des collectivités territoriales) .

La position de détachement permet au fonctionnaire de maintenir ses droits à avancement et à retraite et de solliciter sa réintégration dans son corps d'origine, y compris à l'issue de plusieurs mandats.

Le détachement est soumis à autorisation hiérarchique : il reste toutefois de plein droit lorsqu'il s'agit d'un mandat pour lequel le législateur a prévu des garanties en faveur de l'exercice d'un mandat à plein temps.

Depuis l'intervention de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social, les fonctionnaires peuvent obtenir de plein droit une mise en disponibilité pour exercer un mandat local quel qu'il soit. Toutefois, dans cette position, le fonctionnaire cesse de bénéficier de ses droits à l'avancement et à la retraite. La mise en disponibilité est toujours de droit en cas d'exercice d'un mandat local.

b) La protection sociale de l'élu à temps plein

Si tous les élus qui perçoivent une indemnité de fonction sont affiliés au régime de retraite obligatoire de l'IRCANTEC, les élus qui se consacrent à plein temps à leur mandat bénéficient, de surcroît, de garanties auprès du régime général de sécurité sociale.

•  La couverture du risque vieillesse pour tous les élus locaux

La question de la retraite a été traitée en priorité dans le cadre de la loi du 3 février 1992. En effet, il apparaissait insuffisant, dans le dispositif instauré par la loi du 23 décembre 1972, que seuls les maires et les adjoints soient affiliés au régime de retraite complémentaire des agents non titulaires des collectivités publiques (IRCANTEC), que les pensions versées soient modiques en raison de la faiblesse des taux de cotisation et que les conseillers régionaux et généraux ne bénéficient pas de ce régime.

Depuis la loi du 3 février 1992, tous les élus, dès lors qu'ils perçoivent une indemnité de fonction, sont affiliés à l'IRCANTEC (articles L. 2123-28, L. 3123-23 et L. 4135-23 du code général des collectivités territoriales) .

L'IRCANTEC -institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques- a été créée le 1 er janvier 1971. Elle est gérée par la branche retraites de la Caisse des dépôts et consignations . Elle est administrée par un conseil composé de quatorze représentants de l'Etat et de quatorze représentants des personnels affiliés au régime.

Les cotisations versées à l'IRCANTEC sont assises sur le montant des indemnités versées aux élus.

La part de l'indemnité inférieure au plafond de la sécurité sociale, appelée encore " tranche A " (14.090 F par mois), est soumise à un taux de cotisation de 5,63 % décomposé en 2,25 % à la charge de l'élu et 3,38 % supportés par la collectivité employeur. La fraction de l'indemnité dépassant le plafond de sécurité sociale, appelée " tranche B ", est soumise à un taux de cotisation de 17,5 % décomposé en 5,95 % à la charge de l'élu et 11,55 % payés par la collectivité. Les élus locaux peuvent cotiser à ce régime après l'âge de 65 ans.

Les élus locaux bénéficient en outre, sous certaines conditions, d'un régime de retraite facultative par rente . Ce dispositif est réservé aux élus qui perçoivent une indemnité de fonction et qui acquièrent un droit à pension au titre d'un régime obligatoire prévu dans le cadre de leur activité professionnelle ; il ne concerne donc pas les élus affiliés automatiquement au régime général de la sécurité sociale parce qu'ils exercent à plein temps leur mandat.

Il existe deux régimes de retraite par rente : le Fonds de pension des élus locaux (FONPEL) créé par l'AMF et régi par le code des assurances ; la Caisse autonome de retraite des élus locaux (CAREL) mis en place par la Mutuelle des élus locaux et régi par le code de la mutualité.

L'exemple du régime FONPEL

Le FONPEL est un régime de retraite complémentaire par capitalisation, facultatif et individuel. Ce type de régime est entièrement approvisionné et ne repose donc pas sur la solidarité entre générations de cotisants : si le versement des cotisations venait à cesser, l'ensemble des retraites en cours de liquidation et celles en cours de constitution seraient honorées.

Il est ouvert à l'ensemble des élus locaux qui perçoivent une indemnité de fonction et qui ne sont pas affiliés au régime général de sécurité sociale en raison d'une cessation d'activité liée à leur montant.

L'élu choisit le taux de cotisation par rapport aux indemnités de fonction qu'il perçoit (4 %, 6 % ou 8 %). La collectivité cotise au fonds au même taux que celui retenu par l'élu.

L'élu local peut adhérer à tout moment à FONPEL au cours de son mandat et il lui est possible de racheter les points relatifs aux années de mandat antérieures à l'adhésion dans la limite de six années. La collectivité locale participe à ce rachat.

L'élu peut connaître à tout moment le montant de ses droits à pension de retraite. La fiscalité de la rente est alignée sur celle des rentes viagères à titre onéreux. Les frais de gestion administrative s'élèvent à 3,3 % des encours gérés. Les frais de gestion financière représentent 0,4 % de ces derniers.

La rente peut être versée dès 55 ans. Il est possible de percevoir une rente en continuant à cotiser pour un autre mandat.

Le FONPEL comptait 5.320 adhérents en 1999. Une cotisation de 8 % versée sur une période de huit ans permet de percevoir une rente de 7.500 francs par an à compter de l'âge de départ à la retraite.

L'élu choisit le niveau de sa cotisation et la collectivité doit participer financièrement, à égalité, à un même taux de cotisation. Un taux plafond, fixé à 8 % du montant de l'indemnité, est prévu par les textes.

Il convient de rappeler que l' article 37 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a étendu les dispositifs précités aux membres des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale (article L. 5211-14 du code général des collectivités territoriales) .

•  La protection sociale spécifique des élus locaux à plein temps

Les élus salariés, maires des communes de plus de 10.000 habitants au moins et les adjoints aux maires des communes de 30.000 habitants au moins qui, pour l'exercice de leur mandat, ont cessé d'exercer leur activité professionnelle et qui ne relèvent plus, à titre obligatoire, d'un régime de sécurité sociale, sont affiliés au régime général de la sécurité sociale pour les prestations en nature des assurances maladie, maternité et invalidité (article L. 2123-25 du code général des collectivités territoriales) . Il en va de même pour les présidents et vice-présidents ayant délégation de l'exécutif du conseil général (article L. 3123-20) et du conseil régional (article L. 4135-20) .

Les cotisations des collectivités et celles de leurs élus sont calculées sur le montant des indemnités effectivement perçues par ces derniers (articles L. 2123-29, L. 3123-20 et L. 4135-20 du code général des collectivités territoriales) .

On notera que les élus fonctionnaires bénéficient des règles applicables à la position de détachement en matière de protection sociale et de retraite.

Par ailleurs, les élus mentionnés ci-dessus qui, pour la durée de leur mandat, ont cessé d'exercer leur activité professionnelle dès lors qu'ils n'acquièrent aucun droit à pension au titre d'un régime obligatoire d'assurance vieillesse, sont affiliés à l'assurance vieillesse du régime général de la sécurité sociale (articles L. 2123-26, L. 3123-21 et L. 4135-21 du code général des collectivités territoriales).

Toutefois, dans la mesure où l'IRCANTEC joue alors le rôle de caisse de retraite complémentaire à part entière , le législateur a prévu que les élus en question ne seraient pas autorisés à cotiser aux régimes de retraite par rente déjà mentionnés.

Les règles en matière de protection sociale sont également applicables aux membres des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale (article 37 de la loi du 12 juillet 1999) .

2. Les propositions de la mission d'information

a) Etendre le dispositif de garantie accordé aux élus qui se consacrent à plein temps à leur mandat

Comme on l'a vu, les garanties relatives à la suspension du contrat de travail et en matière de protection sociale sont réservées aujourd'hui aux élus appartenant à une collectivité d'une certaine importance : s'agissant des élus municipaux, ne sont concernés que les maires des communes de plus de 10.000 habitants et les adjoints aux maires des villes de 30.000 habitants au moins et, indirectement, les présidents des organismes de coopération intercommunale de plus de 10.000 habitants ainsi que les vice-présidents des établissements regroupant au moins 30.000 habitants. S'agissant des autres collectivités territoriales, le dispositif concerne les présidents de conseils régionaux et de conseils généraux mais ne porte pas sur les membres de ces assemblées délibérantes.

En 1992, cette conception restrictive pouvait se justifier par une certaine prudence vis-à-vis de la notion de mandat à temps plein nouvellement introduite ; aujourd'hui, ces précautions apparaissent inadaptées à la situation.

Dans un certain nombre de cas, l'exercice du mandat local apparaît comme une activité importante et passionnante. Dans une société où la mobilité des emplois s'accroît, l'activité d'élu local peut s'inscrire comme une étape dans un parcours professionnel évolutif. Certains élus peuvent avoir la tentation de renoncer à l'exercice de leur activité professionnelle et sont parfois prêts à assumer une perte de revenus pour pouvoir se consacrer plus pleinement à leurs concitoyens. L'absence de protection sociale constitue un frein à leur bonne volonté. Par ailleurs, dans la mesure où les femmes vont être conduites à jouer plus pleinement un rôle dans les institutions politiques locales, elles pourront légitimement aspirer à renoncer à l'exercice de leur activité privée afin d'assurer l'équilibre de leur vie familiale.

Le moment est donc venu d'étendre la possibilité de suspendre le contrat de travail et le mécanisme de protection sociale à tous les maires, maires adjoints, conseiller généraux et conseillers régionaux et responsables de structure de coopération intercommunale qui souhaiteraient se consacrer complètement à leur charge publique .

Tous les élus locaux doivent être mis à même d'arbitrer, à niveau d'indemnités de fonction inchangé, entre l'exercice du mandat local et la poursuite de leur activité professionnelle, tout en bénéficiant de la garantie de réintégration à l'issue de leur premier mandat, du droit à un stage de formation en vue de leur réadaptation et d'une affiliation automatique au régime de base de la sécurité sociale en cas d'absence de droits.

S'agissant des fonctionnaires sous statut, l'abaissement du seuil ne sera pas sans incidence dans la mesure où il détermine les cas dans lesquels le détachement est de droit.

La mission commune d'information se félicite que, dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice, actuellement en cours d'examen, l'Assemblée nationale se soit prononcée en faveur de l'abaissement du seuil pour les maires des communes de plus de 3.500 habitants et les adjoints au maire des communes de plus de 10.000 habitants (article 3 quinquies) 24 ( * ) . Le Sénat, quant à lui, a généralisé ces dispositions à l'ensemble des maires et adjoints salariés qui cessent d'exercer leur activité professionnelle, quelle que soit la taille de la commune.

b) Instaurer une prolongation du versement des indemnités à la suite d'une non-réélection en cas de chômage, de création ou de reprise d'activité

La dissymétrie entre la situation des fonctionnaires qui peuvent réintégrer leur emploi à l'issue de leur mandat et les salariés de droit privé a souvent été soulignée : le contraste est frappant notamment dans l'hypothèse d'un retour à la vie professionnelle après un échec électoral.

Le droit à suspension du contrat de travail assorti d'une possibilité de réintégration à l'issue du premier mandat ou dans un délai de cinq ans, a apporté une forme de sécurisation utile pour les salariés du secteur privé souhaitant se consacrer à la vie publique. Il reste que ce dispositif ne joue que pour un seul mandat -ou au maximum sur cinq ans en cas de deux mandats successifs-, ceci afin de ne pas faire peser une incertitude trop longue dans la gestion prévisionnelle des effectifs dans l'entreprise.

Par ailleurs, pour les personnes qui se consacraient à une profession libérale, la renonciation à l'activité signifie une perte de clientèle irréversible.

C'est pourquoi il apparaît utile d'apporter une nouvelle garantie en prévoyant la possibilité d'un maintien sur six mois du montant des indemnités de fonction versées à un élu au titre du mandat pour lequel il s'est représenté et n'a pas été réélu.

Ces indemnités seraient versées sous deux conditions alternatives : soit que l'ancien élu local soit au chômage et inscrit à l'ANPE, soit qu'ayant repris ou créé une activité indépendante, le niveau de ses revenus ne lui permette pas d'atteindre un niveau équivalent à celui procuré par les indemnités.

Le délai de six mois apparaît pertinent pour assurer un équilibre entre les préoccupations financières et le souci de laisser à un élu un délai pour réorganiser sa vie professionnelle à l'issue d'un échec qui est toujours une épreuve psychologique.

Cette " indemnité d'aide au retour à la vie professionnelle " devrait logiquement être à la charge de la collectivité locale qui versait les indemnités à l'élu. Toutefois, afin de ne pas alourdir les charges des petites communes, il sera nécessaire d'assurer une mutualisation des coûts . Le dispositif pourrait être financé par une cotisation à la charge de la collectivité calculée sur l'assiette des indemnités de fonction versée par celle-ci.

Un organisme devra assurer la gestion du dispositif afin d'équilibrer son financement et d'assurer les lissages de trésorerie nécessaires pour faire face aux dépenses cycliques entraînées lors de chaque élection.

c) Améliorer les retraites des élus en revalorisant le niveau de la retraite complémentaire et en généralisant le dispositif de la retraite par rente

Le niveau des retraites consenti aux élus locaux, même s'il est en nette amélioration depuis 1992, est généralement perçu comme insuffisant au regard de l'importance des responsabilités assumées.

La mission commune d'information

- propose qu'une mesure soit rapidement prise afin de corriger un dysfonctionnement du mécanisme des retraites par rente ;

- souhaite une amélioration du niveau des retraites des élus locaux, soit par une amélioration du niveau des retraites complémentaires versées par l'IRCANTEC, soit par une généralisation des retraites par rente.

•  La situation particulière des élus locaux qui choisissent, en cours de mandat, de mettre fin à leur activité , pour se consacrer entièrement aux affaires de leur collectivité nécessite une adaptation des textes.

Votre mission commune d'information a déjà souligné l'intérêt de faciliter, autant que possible, la transition vers un exercice à plein temps des fonctions locales pour un plus grand nombre de responsables des exécutifs locaux.

Ainsi l'attention de la mission a été spécialement appelée sur la situation d'un maire d'une commune de plus de 10.000 habitants qui avait adhéré au mécanisme de retraite par rente du Fonds de pension des élus locaux (FONPEL) alors qu'il poursuivait son activité professionnelle. Ayant ultérieurement renoncé à son activité professionnelle, et ayant été affilié automatiquement au régime général de la sécurité sociale dans un délai d'un an à compter de la cessation de son activité, le maire a été dans l'impossibilité légale de poursuivre les versements au FONPEL.

L'élu concerné ne peut donc plus acquérir de nouveaux droits dans le dispositif de retraite par rente ; il ne peut, pour autant, demander la rétrocession des sommes versées dont le montant peut apparaître démesuré par rapport à celui de la rente servie dès lors que la période de cotisation est de courte durée.

Dans ce cas, il apparaît un facteur de complexité et d'injustice puisque l'élu, qui relève du régime général de la sécurité sociale au titre de son mandat, n'a pas accès au FONPEL, tandis que celui qui relève du même régime général au titre de son activité professionnelle a accès au FONPEL.

La mission estime donc prioritaire d'instaurer le maintien des droits à cotiser auprès d'un régime de retraite par rente, pendant toute la durée du mandat, pour les élus ayant commencé à cotiser au titre de ce dispositif alors qu'ils poursuivaient encore leur activité professionnelle .

•  Afin d'améliorer le régime des retraites des élus locaux, le premier pan de l'alternative serait de recourir à l'IRCANTEC .

La modicité relative du niveau des indemnités de fonction sur lesquelles sont assises les cotisations de l'IRCANTEC soulève la question du relèvement du taux de cotisation théorique qui détermine le calcul de la retraite 25 ( * ) .

L'AMF, dans son projet de Livre blanc du statut de l'élu, se prononce en faveur d'un relèvement de 4,5 % à 8 % du taux de cotisation théorique sur la tranche de l'indemnité inférieure au plafond de la sécurité sociale. Lors de son audition, M. Maurice Trunkenboltz, président du conseil d'administration de l'IRCANTEC, s'est prononcé, à titre personnel, en faveur d'une augmentation de 4,5 à 6 % du taux sur la tranche A et de 14 % à 16 % du taux sur la tranche au-dessus du plafond de la sécurité sociale.

Deux options pourraient être mises à l'étude.

- relever uniformément le montant de la cotisation théorique afin d'améliorer la capacité d'achat de points des personnes affiliées à l'institution : ce relèvement, qui devra être compatible avec les contraintes de gestion de l'organisme, pourrait viser à améliorer notamment la situation des cotisants dont les rémunérations sont les plus faibles ;

- ouvrir une faculté de cotisation complémentaire pour les élus affiliés afin de relever en conséquence le niveau des retraites servies.

L'autre pan de l'alternative serait de généraliser le mécanisme de la retraite par rente .

Aujourd'hui, ce dispositif présente l'avantage de compenser le manque à gagner des élus locaux en activité professionnelle, au titre du régime de retraite complémentaire d'origine, en raison de la diminution salariale imputable aux autorisations d'absence et à l'utilisation du crédit d'heures.

Comme on l'a vu ci-dessus, la mission souhaite qu'une mesure soit prise rapidement pour maintenir le droit à affiliation aux régimes de retraite par rente en cas d'interruption de l'activité professionnelle en cours de mandat.

Au-delà de ce premier pas, il conviendrait d'étendre le bénéfice de la retraite par rente à tous les élus qui renoncent à leur activité professionnelle et, tout d'abord, aux élus dont les indemnités sont les plus modestes , notamment les maires des communes de moins de 10.000 habitants qui choisiront néanmoins de se consacrer exclusivement à leur mandat. Ces situations pourraient se généraliser en raison des mesures destinées à favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électifs lors des élections nationales et locales.

Afin néanmoins de conserver une spécificité au rôle de compensation des fonds de retraite par rente, les élus qui souscriront à ces dispositifs en conservant leur activité professionnelle devront pouvoir cotiser, avec l'aide de leur collectivité locale, à un taux plus élevé que les élus dont l'exercice du mandat est devenu l'activité exclusive.

III. REVALORISER LES INDEMNITÉS DE FONCTION AFIN D'OUVRIR AUX ÉLUS LA POSSIBILITÉ DE SE CONSACRER PLUS ENTIÈREMENT À LEUR MANDAT

Si la loi de 1992 a instauré un barème d'indemnisation transparent et efficace, des mesures doivent encore être prises pour revaloriser le niveau des indemnités et clarifier le statut juridique de l'indemnité.

1. Un barème d'indemnisation transparent et lisible

a) Un barème rationalisé

Dans les communes , les indemnités maximales pour l'exercice des fonctions de maire et adjoint au maire, des conseillers municipaux des communes de plus de 100.000 habitants et des présidents et membres de délégations spéciales, sont fixées par référence au montant du traitement correspondant à l'indice brut terminal de l'échelle indiciaire de la fonction publique (indice brut 1015) .

Le conseil municipal détermine librement le montant des indemnités versées, dans la limite du taux maximum. L'octroi de l'indemnité est toujours subordonné à l'exercice effectif du mandat.

Le barème des indemnités maximales votées par les conseils municipaux pour l'exercice effectif des fonctions de maire et de président de délégations spéciales figure à l'article L. 2123-23 du code général des collectivités territoriales .

Des dispositions particulières sont prévues en faveur des élus des très grandes villes .

Les indemnités maximales votées par le conseil de Paris et les conseils municipaux de Marseille et de Lyon pour l'exercice effectif des fonctions de maire de Paris, Marseille et Lyon sont égales au terme de référence défini à l'article L. 2123-23, majoré de 15 %.

Les indemnités versées aux adjoints au maire et aux membres de délégation spéciale faisant fonction d'adjoint sont au maximum égales à 40% de l'indemnité maximale du maire de la ville.

Enfin, les indemnités versées aux conseillers municipaux des villes de Paris, Lyon et Marseille sont au maximum égales à 30 % de l'indemnité maximale du maire.

Montants des indemnités de fonction brutes mensuelles des maires et adjoints
(au 1 er janvier 2000)

Population totale

Maires

Adjoints

Taux maximal
(en % de l'indice 1015)

Indemnité brute
(en francs)

Taux maximal
(en % de l'indemnité du maire)

Indemnité brute
(en francs)

< 500

12

2740

40

1.096

500 à 999

17

3882

40

1.553

1.000 à 3.499

31

7079

40

2.832

3.500 à 9.999

43

9820

40

3.928

10.000 à 19.999

55

12.560

40

5.024

20.000 à 49.999

65

14.844

40

5.937

50.000 à 99.999

75

17.127

40

6.851

100.000 à 200.000

90

20.553

50

10.276

> 200.000

95

21.695

50

10.847

Paris, Marseille, Lyon

115

26.262

50 (1)

13.131

(1) Compte tenu de la majoration prévue à l'article L. 2123 du CGCT

•  S'agissant des structures de coopération intercommunale, une distinction doit être opérée selon que l'organisme est doté ou non d'une fiscalité propre

Lorsque l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) est doté d'une fiscalité propre, les indemnités maximales du président et des vice-présidents sont égales à 75 % du montant des indemnités maximales prévues pour le maire ou les adjoints d'une commune dont la population serait égale à celle de l'ensemble des communes membres de l'EPCI.

Lorsque l'EPCI n'est pas doté d'une fiscalité propre, cette proportion est de 37,5 % .

L'article 37 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a précisé les indemnités maximales pouvant être versées aux présidents et vice-présidents d'établissements publics de coopération intercommunale.

•  Pour ce qui concerne les conseillers généraux et régionaux la situation se caractérisait, avant l'adoption de la loi du 3 février 1992, par un certain désordre et de nombreuses disparités, dans la mesure où les assemblées délibérantes étaient habilitées à fixer le montant des indemnités de fonction de leurs membres. La mise en place de barème unifié en 1992 a été incontestablement un facteur de rationalisation.

Les membres du conseil général reçoivent pour l'exercice effectif de leurs fonctions une indemnité fixée par référence au montant du traitement correspondant à l'indice brut terminal de l'échelle indiciaire de la fonction publique (article L. 3123-15 du code général des collectivités territoriales). Le barème est le suivant au 1 er janvier 2000 :

Indemnités des conseillers généraux

Population

(habitants)

Taux maximal

(en % de l'indice brut 1015)

Indemnité brute mensuelle

(en francs)

moins de 250 000

40

9.135

250 000 à moins de 500 000

50

11.418

500 000 à moins de 1 million

60

13.702

1 million à moins de 1,25 million

65

14.844

1,25 million et plus

70

15.985

L'indemnité de fonction votée par le conseil général ou par le conseil de Paris pour l'exercice effectif des fonctions de président de conseil général est au maximum égale au terme de référence présenté ci-dessus, majoré de 30 % .

L'indemnité de fonction des vice-présidents ayant délégation de l'exécutif du conseil général ou du conseil Paris est au maximum égale à l'indemnité maximale de conseiller, majorée de 40 % .

Enfin, l'indemnité de fonction de chacun des autres membres de la commission permanente du conseil général ou du conseil de Paris est au maximum égale à l'indemnité maximale de conseiller, majorée de 10 % (article L. 3123-17 du code général des collectivités territoriales).

Les dispositions applicables aux membres du conseil régional sont comparables à celles applicables aux élus départementaux.

Indemnités des conseillers régionaux

Population

(habitants)

Taux maximal

(en % de l'indice brut 1015)

Indemnité brute mensuelle

(en francs)

moins de 1 million

40

9.135

1 million à moins de 2 millions

50

11.418

2 millions à moins de 3 millions

60

13.702

3 millions et plus

70

15.985

b) Une limitation des montants perçus en cas de cumul des fonctions

La loi du 3 février 1992 a institué un mécanisme de plafonnement du montant total des indemnités susceptibles d'être perçues par un élu titulaire de plusieurs mandats.

En cas de cumul de mandats électoraux, les indemnités sont plafonnées à une fois et demie le montant de l'indemnité parlementaire, soit la somme de 48.800 francs (article L. 2123-20 du code général des collectivités territoriales).

Il appartient à l'élu qui dépasse le plafond de faire procéder à l'écrêtement de son indemnité en choisissant l'indemnité qu'il souhaite voir diminuée. L'ordonnateur de la collectivité ou de l'organisme choisi doit être informé. Les élus concernés peuvent reverser aux adjoints ou aux membres des assemblées délibérantes qui les suppléent ou qu'ils ont désignés expressément, la part de l'indemnité non perçue qui a subi l'écrêtement.

c) Le dispositif tient compte de la spécificité de certaines communes et de la nature des charges incombant à l'élu

•  Pour tenir compte de charges particulières, des majorations d'indemnités de fonction peuvent être votées par les conseils municipaux de certaines communes (article L. 2123-22 du code général des collectivités territoriales).

La majoration est alors calculée à partir de l'indemnité octroyée et non du maximum autorisé.

Sont ainsi concernées :

- les communes chefs-lieux de département, d'arrondissement et de canton (jusqu'à 25 % de majoration) ;

- les communes sinistrées (la majoration est proportionnelle au nombre d'immeubles sinistrés) ;

- les communes classées stations hydrominérales, climatiques, balnéaires, touristiques ou uvales ainsi que les villes classées stations de sports d'hiver et d'alpinisme (l'indemnité est calculée à partir de celle des communes de la strate démographique immédiatement supérieure) ;

- les communes qui, au cours de l'un au moins des trois exercices précédents, ont été attributaires de la dotation de solidarité urbaine.

•  La loi fixe également les conditions de remboursement de certaines dépenses particulières de certains élus, des frais liés à l'exécution des mandats spéciaux, des frais de transport (article L. 2123-18) ainsi que des frais de représentation du maire (article L. 2123-19) .

Le remboursement des frais que nécessite l'exécution des mandats spéciaux s'applique à tous les élus communaux, départementaux ou régionaux, ainsi qu'aux membres des conseils de communauté urbaine et de ville.

Pour obtenir le remboursement des dépenses engagées dans le cadre d'un déplacement ou d'une mission, le membre de l'assemblée délibérante doit agir au titre d'un mandat spécial , c'est-à-dire d'une mission accomplie (en matière municipale par exemple) dans l'intérêt de la collectivité locale et avec l'autorisation de celle-ci. Sont pris en charge les frais de séjour et les dépenses de transport.

La prise en charge des frais de déplacement pour prendre part aux réunions de l'assemblée délibérante et des commissions est réservée aux élus départementaux et régionaux ainsi qu'aux membres des conseils ou des comités des établissements publics de coopération intercommunale (EPIC) à la condition, pour ces derniers, qu'ils ne bénéficient pas d'indemnités au titre des fonctions qu'ils exercent.

L'indemnité pour frais de représentation du maire, votée par le conseil municipal qui en fixe le montant, ouvre au maire une sorte de " droit de tirage " sur la somme qui lui est allouée afin de lui permettre de couvrir les dépenses qu'il supporte à l'occasion de l'exercice de ses fonctions (réceptions, manifestations diverses).

d) Une fiscalisation opérée dans des conditions proches du droit commun

La loi du 3 février 1992, suivant les options du rapport de M. Debarge, a mis fin au principe selon lequel les indemnités de fonction étaient considérées comme des indemnités représentatives de frais et à ce titre non imposables.

Conformément aux règles codifiées à l'article 204-O bis du code général des impôts , le régime d'imposition des indemnités de fonction est un régime autonome et optionnel qui est proche du régime d'imposition du droit commun.

Toutes les indemnités de fonction perçues par les élus sont soumises à imposition , à l'exclusion des indemnités de déplacement et des remboursements de frais.

Les élus peuvent s'acquitter de l'impôt suivant deux options :

- la première est celle de la retenue à la source, suivant le barème prévu à l'article 204-O bis précité, effectuée par les comptables du Trésor au moment du versement des indemnités ;

- la seconde est celle de l'imposition des indemnités dans le cadre du paiement de l'impôt sur le revenu en bénéficiant des abattements applicables aux traitements et salaires. L'élu peut opter soit ex post au moment de la déclaration en inscrivant alors en avoir fiscal la totalité des retenues à la source prélevées, soit ex ante avant le 1 er janvier de l'année pour l'imposition de l'année à venir.

La base de la retenue à la source est constituée par le montant brut de l'indemnité diminué des cotisations sociales versées à l'IRCANTEC ou, le cas échéant, au régime général de sécurité sociale, ainsi que d'une fraction représentative des frais d'emploi égale, forfaitairement, à 100 % du montant des indemnités maximales prévues pour les maires des communes de moins de 1.000 habitants.

Il est important de souligner que les indemnités de fonction perçues par les élus locaux sont soumises aux autres prélèvements publics sociaux : contribution sociale généralisée (CSG), et contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

2. Les propositions de la mission d'information

a) Revaloriser le montant des indemnités de fonction

La mission se prononce en faveur d'une revalorisation significative du montant des indemnités des élus afin de mieux tenir compte des responsabilités assumées au regard de la taille de la population.

Cette décision pourrait être prise en suivant un programme de revalorisation graduel pluriannuel.

La mission souligne toutefois que le grand nombre de communes de faible importance démographique peut constituer un obstacle au mouvement de revalorisation. A cet égard, le développement de l'intercommunalité pourrait ouvrir des perspectives de nature à faciliter l'amélioration des aspects indemnitaires du statut.

A l'occasion de la discussion du projet de loi ordinaire relatif au cumul des mandats, en juin 1999, le Sénat a adopté, le 19 octobre dernier, la revalorisation du montant maximum des indemnités de fonction des maires (article 3 sexies du projet de loi ordinaire) qui constitue incontestablement un premier pas. Le barème proposé est le suivant :

Dispositions en vigueur (1)

Projet de loi cumul des mandats

Population (habitants)

Taux maximal
(en % indice 1015)


Montant
en francs

Taux maximal
(en % indice 1015)


Montant
en francs

Taux d'accrois-sement

moins de 500

12

2.685

17

3.804

41,67

de 500 à 999

17

3.804

31

6.937

82,35

de 1.000 à 3.499

31

6.937

43

9.622

38,71

de 3.500 à 9.999

43

9.622

55

12.308

27,91

de 10.000 à 19.999

55

12.308

65

14.546

18,18

de 20.000 à 49.999

65

14.546

90

20.140

38,46

de 50.000 à 99.999

75

16.783

110

24.616

46,67

de 100.000 à 200.000

90

20.140

145

32.448

61,11

plus de 200.000

95

21.259

145

32.448

52,63

Paris, Lyon, Marseille

115

25.734

145

32.448

26,09

(1) à la date d'examen du texte.

On notera que le dispositif proposé aboutirait à une forte revalorisation en valeur relative des indemnités des maires des communes de 500 à 1.000 habitants (+ 82,35 %).

Le coût total des majorations ainsi proposées a été évalué à 800 millions de francs.

b) Affirmer le caractère de droit commun du montant plafond de l'indemnité de fonction

Le barème des indemnités de fonction inscrit dans la loi prévoit le montant maximal des indemnités. L'assemblée délibérante n'est pas habilitée à allouer aux élus des indemnités autres que celles prévues dans les textes, ni des indemnités d'un montant supérieur à celui prévu par le barème légal.

Le principe retenu est qu'en début de mandat la délibération initiale de l'assemblée doit fixer le principe des indemnités et préciser leur montant, non pas en francs, mais en pourcentage de l'indice des rémunérations de la fonction publique pris en référence. Ainsi, une nouvelle délibération n'a pas à être prise en cas de changement de l'indice.

De surcroît, " la volonté de l'Assemblée doit être exprimée chaque année avec suffisamment de clarté lors du vote du budget relatif à l'allocation des indemnités " . 26 ( * )

Dans la mesure où le montant des indemnités est maximal, les assemblées locales peuvent donc moduler le montant des indemnités de fonction en tenant compte, selon la jurisprudence administrative, de l'importance " quantitative " des fonctions ou de " l'intérêt de la commune ".

De fait, la tentation peut être grande de la part de certains membres des assemblées délibérantes, de faire prévaloir des considérations liées à la personne responsable de l'exécutif local. Le juge administratif a d'ailleurs été conduit à annuler des délibérations portant diminution des indemnités de fonction du maire et des adjoints uniquement motivées par un désaccord personnel ou politique entre le maire et la majorité du conseil municipal ( (TA d'Amiens, 25 février 1993, Hoinant et autres c/commune de Noisant-Lartaud) . Il reste que des pressions peuvent toujours être exercées sur l'exécutif local, d'autant plus regrettables qu'elles sont souvent insidieuses.

En tout état de cause, il est souvent difficile à un nouvel élu de rompre avec le statu quo instauré par son prédécesseur en ce domaine.

Lors de la discussion de la loi du 3 février 1992, la commission des Lois avait prévu une indemnité minimale pour les maires des communes de moins de 2.000 habitants, en constatant que beaucoup de maires renonçaient à percevoir les indemnités pourtant modiques auxquelles ils pourraient prétendre et en estimant que cette situation était contraire à la dignité des fonctions du maire.

Force est de reconnaître que, dans le contexte créé par la décentralisation et compte tenu de la complexité reconnue toujours croissante de la gestion des affaires locales, l'indemnité de fonction correspond à un niveau raisonnable de prise en compte des difficultés de la charge .

Il est paradoxal, pour ne pas dire contradictoire, que de nombreuses associations d'élus réclament le relèvement des indemnités alors qu'une fraction des élus renonce plus ou moins volontairement au versement de celle-ci. Il importe de revenir à plus de clarté : l'homogénéisation des niveaux de versement des indemnités permettrait de mieux mesurer l'impact de la revalorisation des indemnités sur les finances publiques.

Il semble donc que la procédure de délibération relative aux indemnités doive être précisée : l'assemblée délibérante devrait impérativement se prononcer sur un projet de délibération prévoyant un versement des indemnités au taux maximal .

La seule exception sur ce point devrait être liée à la mise en oeuvre des règles de plafonnement en matière de cumul des mandats. La délibération serait donc votée sauf à ce qu'une majorité de l'assemblée délibérante se prononce expressément en faveur de la réduction des indemnités pour des raisons qui seraient évidemment justifiée par l'intérêt de la commune.

Une disposition législative pourrait prévoir que la fixation par l'assemblée délibérante du montant maximal de l'indemnité serait de droit, sauf réduction de son montant motivée par l'intérêt de la collectivité locale ou par la situation de l'élu au regard des règles de cumul des mandats .

c) Elargir le dispositif de la dotation " élu local " afin de ne pas pénaliser les petites communes

La dotation " élu local " est un instrument utile de péréquation : les petites communes rurales reçoivent une dotation particulière prélevée sur les recettes de l'Etat et déterminée chaque année en fonction de la population totale de ces communes, ainsi que de leur potentiel fiscal ( article L. 2335-1 du code général des collectivités territoriales ).

Le décret n° 93-258 du 26 février 1993 précise les critères d'éligibilité à cette dotation. En métropole, il s'agit des communes de moins de 1.000 habitants, dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à la moyenne constatée dans cette catégorie.

Sont éligibles à cette dotation toutes les communes de métropole répondant à deux critères :

- avoir une population recensée, majorée d'un habitant par résidence secondaire, inférieure à 1.000 habitants ;

- avoir un potentiel fiscal par habitant inférieur au potentiel fiscal moyen par habitant des communes de moins de 1.000 habitants.

Sont également éligibles à cette dotation toutes les communes ou circonscriptions territoriales situées dans les DOM, les TOM, à Mayotte, Saint-Pierre et Miquelon ou Wallis et Futuna, dont la population recensée, majorée d'un habitant par résidence secondaire, est inférieure à 5.000 habitants.

En 1999, cette dotation s'élève à 273 millions de francs, chacune des 20.700 communes bénéficiaires percevant en une fois la somme de 13.220 francs.

La mission commune d'information propose d'élargir le nombre de communes bénéficiaires de la dotation " élu local ".

Le bénéfice de ce dispositif pourrait être étendu à toutes les communes de métropole de moins de 3.500 habitants dont le potentiel fiscal est inférieur à la moyenne constatée dans cette strate.

La situation des communes d'outre-mer pourrait être améliorée au vu de leur situation et des voeux qui seront formulés par leurs représentants.

d) Clarifier le statut juridique de l'indemnité de fonction

Suivant les recommandations du Livre Blanc sur le statut de l'élu local réalisé par l'AMF, la mission estime que la nature spécifique des indemnités de fonction doit être mieux définie dans la loi.

A cet égard, la mission commune d'information approuve l'amendement introduit par la Haute Assemblée le 19 octobre dernier, à l'initiative de M. Daniel Hoeffel, lors de la discussion du projet de loi ordinaire relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux, afin de préciser que l'indemnité de fonction n'est ni un salaire, ni un traitement, ni une rémunération et qu'elle ne doit pas être prise en compte pour l'attribution des prestations sociales de toute nature, ni pour l'attribution du revenu minimum d'insertion (RMI).

Le texte adopté par le Sénat (article 3 bis A) précise également que les indemnités ne sont pas assujetties aux cotisations de sécurité sociale sous réserve des dispositions prévues en matière d'affiliation automatique des élus au régime général de sécurité sociale. Il convient de remarquer que cette rédaction ne tend pas à exonérer les indemnités de fonction des cotisations spécifiques, telles que la contribution sociale généralisée (CSG) ou la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), et qu'elle n'établit donc pas de régime dérogatoire en faveur des élus locaux.

Par ailleurs, il est utile de préciser, comme le fait l'article 3 bis A du projet de loi, le caractère insaisissable de la partie des indemnités de fonction correspondant à la fraction représentative des frais d'emploi aux termes du code général des impôts. Comme on l'a vu, cette fraction correspond au montant de l'indemnité forfaitaire maximale des communes de 1.000 habitants.

IV.  RECONNAÎTRE ET GÉNÉRALISER L'EXIGENCE DE FORMATION DE L'ÉLU

Comme le rappelait M. Jacques Thyraud, rapporteur de la loi du 3 février 1992 au nom de la commission des lois, " la formation permet aux élus d'exercer effectivement leurs nouvelles compétences sans être tributaires, voire victimes, de la tutelle insidieuse des administrations de l'Etat ".

A. UN MÉCANISME ENCORE INSUFFISAMMENT UTILISÉ

Le principe selon lequel les membres d'un conseil municipal, général ou régional ont droit à une formation adaptée à leurs fonctions figure aux articles L. 2123-12, L. 3123-10 et L. 4135-10 du code général des collectivités territoriales .

Chaque élu a le droit de suivre, pendant la durée de son mandat, une formation, dont le coût, y compris les pertes de revenus professionnels, constitue une dépense obligatoire pour les collectivités locales ( articles L. 2321-2, L. 3321-1 et L. 4321-1 du code général des collectivités territoriales ).

Les élus ont droit au remboursement des frais de déplacement, de séjour et d'enseignement. Les pertes de revenu pour l'élu sont supportées par la collectivité, dans la limite de six jours par élu pour la durée d'un mandat et d'une fois et demie la valeur horaire du SMIC.

Le montant des dépenses de formation est plafonné à 20 % du montant total des crédits ouverts au titre des indemnités de fonction susceptibles d'être allouées aux élus ( articles L. 2123-13, L. 3123-11 et L. 4135-11 du code général des collectivités territoriales ).

Indépendamment des autorisations d'absence et du crédit d'heures, les élus salariés ont droit à un congé de formation dont la durée est fixée à six jours par élu et par mandat quel que soit le nombre de mandats détenus. Les voyages d'études des conseils municipaux, généraux et régionaux ne sont pas inclus dans les actions de formation des élus.

Enfin, l'obligation de l'agrément par le ministre de l'Intérieur des organismes de formation permet le contrôle a priori des formations proposées aux élus ( articles L. 2123-16, L. 3123-14 et L. 4135-14 du code général des collectivités territoriales ). 109 organismes sont agréés par le Ministre de l'Intérieur après avis du Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL).

Les élus salariés doivent faire une demande écrite à leur employeur au moins 30 jours avant le stage en précisant la date, la durée du stage et le nom de l'organisme de formation agréé par le Ministre de l'Intérieur.

L'employeur privé accuse réception de cette demande. Si l'employeur privé n'a pas répondu 15 jours avant le début du stage, la demande est considérée comme accordée.

Par contre, si l'employeur privé estime, après avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, que l'absence du salarié aurait des conséquences préjudiciables à la production et à la bonne marche de l'entreprise, la demande peut être refusée, à condition toutefois d'être motivée et notifiée à l'intéressé.

Si l'élu salarié renouvelle sa demande quatre mois après la notification d'un premier refus, l'employeur est obligé de lui répondre favorablement.

Les élus fonctionnaires ou contractuels sont soumis au même régime mais les décisions de refus, s'appuyant sur les nécessités de fonctionnement du service, doivent être communiquées avec leur motif à la commission administrative paritaire au cours de la réunion qui suit cette décision.

Dans tous les cas, l'organisme dispensateur de formation doit délivrer à l'élu une attestation constatant sa fréquentation effective, que l'employeur peut exiger au moment de la reprise du travail.

Force est de constater la sous-utilisation manifeste des crédits de formation par les collectivités locales , certaines collectivités territoriales n'inscrivant qu'une somme très modeste au titre du budget formation, voire ne mandatant pas les sommes inscrites.

Ainsi, M. Didier Lallement, directeur général des collectivités locales, a-t-il souligné au cours de son audition que dans les comptes administratifs pour 1996, le volume des crédits de formation s'élevait à 12,5 millions de francs, soit un montant bien inférieur au montant qui aurait pu être inscrit théoriquement, soit de l'ordre de 1,3 milliard de francs par an.

B. LES PROPOSITIONS DE LA MISSION D'INFORMATION

1. Mieux orienter le contenu de la formation

Le contenu de la formation dispensée devrait s'adapter avec le plus de souplesse possible aux principaux besoins actuels du maire.

Comme le suggère l'Association des Maires de France, la formation pourrait s'articuler prioritairement autour de trois grands thèmes : le management politique, la gestion locale et l'exercice des fonctions régaliennes .

De plus, il serait souhaitable que la formation s'étende à l'information des élus sur les risques juridiques croissants liés aux nouvelles responsabilités locales.

La mission commune d'information suggère enfin la mise en place d'un module de formation spécifique à destination des nouveaux élus.

La mission souhaite que le CNFEL fixe dans un schéma pluriannuel les objectifs souhaitables en matière de contenu de la formation des élus locaux et vérifie, au moment de l'agrément des organismes, si la nature des formations proposées est bien compatible avec le schéma proposé .

2. Utiliser plus largement les crédits formation

Constatant que le taux maximum de 20 %, soit s'applique à des indemnités souvent inférieures au plafond légal, soit n'est pas consommé en totalité, diverses propositions ont été émises pour fixer un minimum obligatoire de dépenses au titre de la formation dans chaque collectivité.

Le Livre Blanc de l'AMF suggère de fixer ce minimum à 20 % du montant maximal des indemnités de fonction prévues par la loi.

Sachant que certaines collectivités locales ne consacrent aucun crédit à la formation de leurs élus, le passage, sans aucune progressivité, au taux plafond actuel, pourrait néanmoins constituer un effort excessif pour des collectivités qui subissent une contrainte budgétaire importante.

M. Bruno Odin, directeur de l'Association des maires d'Indre-et-Loire, lors de son audition par la mission, a proposé l'obligation d'inscrire au budget des collectivités et de mandater une somme minimale, qui serait versée à des organismes collecteurs mutualisant les fonds recueillis au niveau régional, ces organismes collecteurs pouvant être des syndicats mixtes.

Il paraît souhaitable d'éviter un encadrement trop rigide des obligations des collectivités territoriales . Il convient de laisser un degré de liberté aux collectivités en termes de montants des budgets de formation. Il est également souhaitable de ne pas générer artificiellement des flux financiers élevés vers l'appareil de formation dès lors que le niveau de l'offre ou sa qualité n'apparaît pas suffisant.

C'est pourquoi, sans imposer expressément de taux minimum de dépenses de formation par rapport au montant des indemnités, la mission commune d'information propose de compléter le principe du droit à formation de l'élu, posé par la loi du 3 février 1992, en indiquant dans la loi que chaque maire doit suivre au moins une formation au cours de son mandat.

Cette obligation pourrait être étendue ultérieurement à d'autres catégories d'élus locaux s'il apparaissait qu'elle débouche sur une utilisation plus forte des crédits de formation par les communes.

* 19 Rapport n° 391 (77-78) du 1 er juin 1978 présenté par M. Roger Boileau, rapporteur au nom de la commission des Lois.

* 20 Les documents de travail du Sénat, Série législation comparée, Le statut de l'élu local, n° 1143, octobre 1998.

* 21 Cette disposition, introduite par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, a été adoptée conforme par le Sénat au cours de la séance publique du 19 octobre 1999.

* 22 A compter du 31 décembre 2007, seront prises en compte les 25 meilleures années de salaire.

* 23 Projet de Livre Blanc sur le statut de l'élu, note du 15 octobre 1999, AMF.

* 24 Cf. rapport Sénat n° 449 (1998-1999) présenté par M. Jacques Larché.

* 25 Les taux réels de cotisation sont prélevés sur la rémunération globale brute (5,63 % sur la tranche A et 17,5 % sur la tranche B). Toutefois, pour déterminer le nombre de points acquis au titre du régime IRCANTEC, le calcul est effectué comme si les cotisations avaient été prélevées à des taux dénommés " taux théoriques " (4,5 % sur la tranche A et 14 % sur la tranche B). Le nombre de points est obtenu en rapportant le montant des cotisations théoriques, calculées à partir du salaire et des taux théoriques, au salaire de référence fixé par l'IRCANTEC, lequel évolue chaque année en fonction des traitements de la Fonction publique (le salaire de référence était de 15,74 francs en 1998).

* 26 Réponse à la question écrite n° 1849 du 1 er juillet 1993 (JO Débats Sénat du 14 octobre 1993).

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