Articles additionnels après l'article 12

Art. 12
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques
Art. 15 et annexe 2

M. le président. L'amendement n° 113, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

« Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans le troisième alinéa de l'article 3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977, remplacer le chiffre : "cinq" par le chiffre : "trois". »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Nous estimons que l'élection européenne doit être un moment privilégié pour favoriser le plus largement possible l'expression pluraliste dans notre pays. C'est pourquoi nous vous proposons d'abaisser le seuil prévu par la loi pour accéder au second tour de 5 % à 3 %.

L'adoption de cet amendement permettrait d'harmoniser ce seuil avec le seuil de répartition de l'aide publique dans le cadre du financement public de la vie politique fixé par le présent texte.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je resterai fidèle à la tradition : le seuil étant de 5 % pour tous nos modes de scrutin, il n'y a pas de raison de le modifier pour les élections européennes. La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Avis défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 114, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

« Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le Gouvernement dépose chaque année un rapport au Parlement retraçant le comparatif au sein des pays de l'Union européenne des effets de l'exclusion du droit de vote et d'éligibilité pour les élections au Parlement européen des citoyens étrangers non ressortissants de l'Union européenne majeurs des deux sexes régulièrement établis dans chacun des pays de l'Union européenne. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Nous avons déjà proposé, après l'article 3, d'élargir l'accès à la citoyenneté aux ressortissants étrangers en leur permettant de participer aux élections municipales.

En raison du caractère constitutionnel d'une telle disposition, nous avions proposé, dans un premier temps, de permettre la présentation annuelle d'un rapport sur ce thème, proposition que la majorité sénatoriale a balayée d'un revers de main.

Dans la mesure où nous débattons de l'élection européenne, nous vous proposons de revenir sur une disposition que nous jugeons discriminatoire : l'exclusion des étrangers non ressortissants communautaires de cette élection.

Nous avions, dès son instauration, qualifié cet ostracisme d'« euroracisme ». Comment, en effet, accepter plus longtemps que le travailleur algérien ou marocain, présent depuis trente ans en France, ne puisse, contrairement aux ressortissants européens, participer à cette élection ? On ne peut que constater l'aspect discriminatoire d'un tel état de fait.

Cet amendement offre l'occasion d'élargir l'accès à l'élection européenne en ne divisant plus artificiellement les ressortissants étrangers résidant dans notre pays selon qu'ils sont ou non communautaires. Pour remédier à cette rupture d'égalité, nous vous proposons de l'adopter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Nous n'avons pas balayé d'un revers de main le précédent amendement. Nous avons simplement dit que le fait de demander au Gouvernement un rapport annuel nous paraissait tout à fait inadéquat et qu'il appartenait au Parlement lui-même de se livrer à ce genre d'enquête.

Par conséquent, ma réponse sera la même que celle de la semaine dernière : je suis défavorable à cet amendement, car c'est à nous d'assumer nos responsabilités. Il ne s'agit pas de renvoyer au Gouvernement le soin d'établir un énième rapport, dont nous n'aurons d'ailleurs pas connaissance !

M. Robert Bret. M. le président de la commission des lois a dit que le Parlement n'avait pas le temps non plus !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Si, le Parlement a le temps !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 114.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles 13 et 14

M. le président. Les articles 13 et 14 ont été supprimés par l'Assemblée nationale.

Art. additionnels après l'art. 12
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques
Art. additionnel après l'art.  15 (début)

Article 15 et annexe 2

M. le président. « Art. 15. - I. - L'article 4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 4. - I. - La composition des circonscriptions est fixée par le tableau annexé à la présente loi.

« II. - Les sièges à pourvoir sont répartis entre les circonscriptions proportionnellement à leur population avec application de la règle du plus fort reste.

« La population mentionnée à l'alinéa précédent est celle du dernier recensement général.

« III. - Supprimé.

« IV. - Le nombre de sièges et le nombre de candidats par circonscription sont constatés par décret au plus tard à la date de convocation des électeurs.

« II. - Le tableau qui constitue l'annexe 2 de la présente loi est annexé à la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 précitée. »

Je donne lecture de l'annexe 2.

Annexe 2

« composition des circonscriptions

NOM

des circonscriptions

COMPOSITION

des circonscriptions

Nord-OuestBasse-Normandie

Haute-Normandie

Nord - Pas-de-Calais

Picardie OuestBretagne

Pays de la Loire

Poitou-Charentes EstAlsace

Bourgogne

Champagne-Ardenne

Franche-Comté

Lorraine Sud-OuestAquitaine

Languedoc-Roussillon

Midi-Pyrénées Sud-EstCorse

Provence-Alpes-Côte d'Azur

Rhône-Alpes Massif-Central - CentreAuvergne

Centre

Limousin Ile-de-FranceIle-de-France Outre-merSaint-Pierre-et-Miquelon

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

Mayotte

Nouvelle-Calédonie

Polynésie française

Wallis-et-Futuna

. »

La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet, sur l'article.

Mme Danielle Bidard-Reydet. L'article 15 précise concrètement les modalités d'application de la réforme du mode de scrutin prévue à l'article 12. Il définit ainsi les huit circonscriptions régionales et prévoit que la répartition des sièges à pourvoir se réalisera proportionnellement au poids démographique de ces dernières.

Nous avons déjà eu l'occasion, à travers nos interventions sur l'article 12 notamment, de souligner les raisons pour lesquelles nous sommes opposés à cette réforme du mode de scrutin européen.

Nous le répétons, nous n'adhérons absolument pas aux justifications avancées par notre collègue et rapporteur, Patrice Gélard, selon lesquelles « ces circonscriptions, malgré leur superficie importante, semblent constituer des ensembles géographiques et économiques cohérents permettant d'assurer une meilleure représentation de la diversité territoriale de notre pays ». L'argument selon lequel « les membres du Parlement européen, ainsi rattachés à une circonscription, pourraient mieux saisir les préoccupations des citoyens en constatant, sur le terrrain, les conséquences locales des décisions communautaires » nous semble particulièrement contestable.

S'agit-il de faire valoir à l'échelle européenne les points de vue des lobbies locaux et des groupes de pression divers, dans l'indifférence de la cohérence et de l'unité territoriale nationale ?

S'agit-il de laisser prise à des revendications régionalistes qui consacreraient une autonomisation progressive, un détachement régional de la base territoriale nationale ?

La mise en concurrence des territoires sous l'influence des multinationales ne conduit-elle pas certaines régions à penser qu'elles ne resteront pas à l'écart de la dynamique économique et qu'elles tireront, mieux que les autres, leur épingle du jeu ?

Ces questions méritent, en tout cas, d'être posées. Elles le méritent d'autant plus que la concurrence et la compétition dans lesquelles nous engage l'Union européenne actuellement exacerbent les tensions de toutes sortes conduisant aux tentations du repli communautaire et identitaire.

Je souligne par ailleurs que le Conseil constitutionnel avait suggéré, en 1977, que « l'indivisibilité de la République » pourrait interdire le découpage en plusieurs circonscriptions pour l'élection des membres d'une « assemblée qui n'appartient pas à l'ordre institutionnel » national.

Ce n'est pas votre réforme, monsieur le ministre, qui permettra de revaloriser le rôle du Parlement européen. Nous l'avons déjà dit et nous le répétons.

Comme le souligne le constitutionnaliste Guy Carcasone, « la vocation première de cette assemblée est que chaque peuple y soit représenté dans sa diversité. C'est ensuite que se forment des groupes parlementaires puissants, réunis sur des bases politiques et non plus nationales. L'on voit mal dès lors ce qui peut justifier le sacrifice de cette diversité ».

Un tel risque persiste cependant. C'est la raison pour laquelle nous nous opposons à cet article, sur lequel nous avons déposé un amendement de suppression.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur l'article.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, cet article 15 comporte la disposition essentielle de votre réforme du mode de scrutin pour les élections européennes : l'établissement de huit circonscriptions régionales découpées dans le territoire national.

Votre réforme trahit sans peine vos objectifs : diluer le débat national sur l'Union européenne, restreindre la portée des élections européennes, réduire la représentation au Parlement de Strasbourg des adversaires de l'Europe ultralibérale de Maastricht.

Le prétexte unique que vous avancez pour justifier votre réforme ne trompe personne. En quoi le fait de voter en Basse-Normandie pour des candidats du Nord-Pas-de-Calais est-il de nature à rapprocher les députés européens de la population ? Et que penser de la super-région « outre-mer » qui s'étend sur 12 000 kilomètres, de Saint-Pierre-et-Miquelon à la Polynésie Française, sinon que ce regroupement intempestif représente un véritable affront pour nos compatriotes d'outre-mer ? Ce n'est pas non plus en tendant à réduire l'enjeu des élections européennes à des régions que vous diminuerez le taux d'abstention.

Comme avec l'autre partie de ce projet de loi concernant le mode de scrutin aux élections régionales, en trafiquant les règles du jeu électoral pour les élections européennes vous cherchez à favoriser les plus grandes formations politiques, en particulier l'UMP. Nos collègues de l'Union centriste comme les représentants de l'UDF à l'Assemblée nationale n'ont pas manqué de le souligner.

La démonstration est simple. Les simulations à partir des résultats de 1999 sont sans équivoque.

Les huit circonscriptions interrégionales que vous prévoyez ne compteront en moyenne que neuf sièges, puisque, dans l'Union européenne élargie à 25 Etats membres, la représentation de la France sera réduite de 87 à 72 sièges à Strasbourg.

Dans ces conditions, le maintien du seuil de 5 % des suffrages exprimés pour qu'une liste participe au partage des sièges devient virtuel. Il faudra au moins avoir obtenu 9 à 10 % des suffrages exprimés dans les plus grandes régions pour obtenir un élu et les formations politiques dominantes bénéficieront d'un avantage indiscutable dans le partage des sièges restants, sans compter l'effet immanquable du « vote utile ».

Je vous fais remarquer, monsieur le ministre, que vous ne pouvez guère arguer du souci affiché pour les régionales de dégager des majorités plus stables. Cela n'a aucun sens pour le Parlement européen.

Votre réforme vise, là encore, à renforcer la bipolarisation de la représentation politique, mais elle dépasse le seul intérêt politicien des partis concernés.

Comment ne pas relever, en effet, que les deux grands pôles que votre réforme va favoriser sont profondément en accord sur les choix européens. Ils l'ont montré lors de la période de cohabitation entre 1997 et 2002. De sommet européen en sommet européen, aucune dissonance n'était perceptible entre le chef de l'Etat et le Premier ministre d'alors jusqu'au sommet de Barcelone, où ils ont approuvé de concert un document fixant comme objectif aux Etats de l'Union de reculer de cinq ans l'âge du départ à la retraite et de libéraliser, c'est-à-dire privatiser, intégralement le marché de l'énergie d'ici à 2007.

Avec cette loi, vous cherchez à renforcer les tenants de l'Europe de Maastricht et, parallèlement, à marginaliser la représentation au Parlement européen des formations qui s'écartent de ce consensus, en particulier, à mon sens, celles qui portent le « non de gauche » à Maastricht.

Régionaliser l'élection européenne vous permet également de court-circuiter tout le débat national de fond sur l'Union européenne et la place de la France. L'enjeu politique du scrutin ne manquera pas de dévier vers des problématiques régionales, voire des questions de personne, des combats entre « ténors » régionaux.

Plus grave encore, le mode de scrutin européen régionalisé modifie subrepticement la nature même de l'adhésion de la France à l'Union européenne.

Que je sache - et cela a été dit par d'autres -, l'Union européenne est une union de nations souveraines, et non de régions. Les députés européens français sont censés représenter la nation tout entière et non pas une région particulière.

Avec votre système, cette donnée fondamentale est remise en cause. Par leur terre d'élection, les futurs députés seront amenés à défendre à l'égard de l'Union des intérêts locaux, régionaux, interrégionaux, si vous voulez, mais plus tout à fait l'intérêt national.

De même, la porte est ouverte pour que les interlocuteurs européens, Commission de Bruxelles en tête, s'adressent aux députés français comme à des représentants régionaux et non plus nationaux.

Monsieur le ministre, votre projet de loi enfreint le principe constitutionnel d'indivisibilité de la République. Ce n'est évidemment pas un hasard si son examen coïncide avec l'adoption de votre loi dite « d'organisation décentralisée de la République », qui organise, en fait, sa division et son affaiblissement. Ces deux lois s'inscrivent pleinement dans le processus voulu par Bruxelles d'émergence de l'Europe des régions, de remise en cause des souverainetés nationales.

Ce n'est pas un souci internationaliste qui anime les promoteurs de l'Europe supranationale du capital. Ceux-ci s'attaquent à la souveraineté des peuples parce qu'elle porte, seule, leur capacité d'intervention démocratique, de résistance à la casse systématique des acquis sociaux et démocratiques qu'ils ont conquis, à l'emprise totale des marchés sur notre continent.

En France, les gouvernements successifs ont développé une pratique désormais bien rodée pour nier la souveraineté nationale, qui consiste systématiquement à se défausser de ses responsabilités sur les contraintes extérieures - les pactes, les traités, les directives européennes - et à cultiver le fatalisme de la mondialisation capitaliste. Ils se sont par ailleurs attelés, notamment depuis le référendum de Maastricht, à limiter au maximum l'expression politique de la souveraineté nationale.

M. le président. Madame Beaudeau, veuillez conclure !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Je termine, monsieur le président !

C'est bien dans ce cadre que s'inscrit votre réforme du scrutin européen. Mais si vous en ressentez la nécessité, c'est que vous la craignez. Vous ne pourrez pas, monsieur le ministre, dissoudre le peuple. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Les salariés d'EDF-GDF viennent d'en faire une démonstration en mettant en échec le projet de réforme de leur système de retraite directement dictée par les conclusions du sommet de Barcelone.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je ne vois pas le rapport !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Si les salariés, le peuple, résistent à la privatisation de ce service public essentiel, Bruxelles n'enverra pas de chars à votre rescousse, vous le savez !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sur l'article.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je renonce à prendre la parole sur cet article, monsieur le président ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, sur l'article.

M. Gérard Cornu. M. Gaston Flosse, qui ne peut être présent ce soir, m'a chargé de faire en son nom cette déclaration.

La « circonscription outre-mer » regroupe l'ensemble des collectivités ultra-marines. On peut se réjouir du fait que l'outre-mer soit clairement identifié et qu'ainsi la participation électorale aux élections européennes ait quelque chance de dépasser les niveaux très faibles où elle était cantonnée jusqu'à présent.

Néanmoins, la difficulté reste grande d'unir dans la même circonscription des collectivités aussi dissemblables, notamment au regard de leur statut à l'égard de l'Europe. Cela avait naturellement amené à constituer des sections dans cette circonscription, sur une base régionale.

Pourtant, nombre de collègues d'outre-mer auraient souhaité aller plus loin en érigeant chaque section en circonscription électorale, avec élection au scrutin majoritaire. Ils le faisaient dans un souci de cohérence géographique et d'équité électorale, qui ne leur semblait pas être contraire à la volonté du Conseil européen en vertu de laquelle les Etats membres ne doivent pas « porter globalement atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin », l'utilisation du terme « globalement » n'étant sans doute pas fortuite.

L'amendement qui avait été déposé à l'Assemblée nationale par le rapporteur Jérôme Bignon et approuvé par la commission des lois permettait de répondre aux objections formulées sur le texte initial, mais il a évidemment disparu avec les sections.

La nouvelle version du texte accentue donc le problème de la représentation des pays et territoires d'outre-mer. En effet, avec cette circonscription outre-mer, il n'y aura probablement plus de place éligible pour un représentant du Pacifique. Les territoires seront une fois de plus défavorisés dans la relation déjà très difficile qu'ils entretiennent avec l'Europe et l'abstentionnisme n'en sera que plus triomphant.

Notre collègue Gaston Flosse avait déposé trois amendements, afin que les sections prévues dans le texte initial du Gouvernement soient rétablies et érigées en circonscriptions, ce qui aurait permis une meilleure prise en considération des spécificités, uniques en Europe, de notre outre-mer. Il les a retirés, soucieux de la nécessaire cohésion de ce texte, mais je souhaitais tout de même évoquer devant notre Haute Assemblée ces difficultés futures qu'il faudrait, le cas échéant, corriger si certaines collectivités devaient se voir durablement privées de représentants au Parlement européen.

M. le président. Je suis saisi de treize amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Toutefois, pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 115 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 292 est présenté par Mme Blandin, MM. Dreyfus-Schmidt, Peyronnet et Frimat.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 115.

M. Guy Fischer. Tout à l'heure, nous insistions sur le fait que l'Europe refusait de prendre ses responsabilités et qu'en cela elle perdait de sa crédibilité et de sa légitimité démocratique.

Les faits corroborent nos affirmations alors que les Etats-Unis s'apprêtent à engager une guerre contre l'Irak, guerre que les peuples européens refusent.

Nous insistions encore sur le fait qu'à trop accorder au marché les vertus de régulation qu'il ne possède pas l'Europe se condamnait à l'échec.

Le marché ne régule ni ne produit du lien social. Seule la concurrence agit, et elle use, détruit les solidarités et les liens quand elle n'est pas organisée. Elle tire les coûts vers le bas lorsque, laissée à elle-même, elle dégénère vers sa forme la plus primaire : la guerre des prix. Car la violence est inhérente aux rapports de production et d'échanges. Qui le nierait ?

Nous avons dit aussi que votre réforme du mode de scrutin visait à permettre à la droite de s'accaparer tous les leviers du pouvoir afin de mettre en oeuvre librement son projet de transformation de notre société.

L'échelon régional est évidemment le lieu stratégique pour le remodelage de notre société. Il tend à exclure les nations du débat sur la construction européenne en les court-circuitant et en favorisant le seul dialogue des régions et de l'Europe.

Vous voulez transformer nos parlements nationaux en de simples caisses d'enregistrement des décisions prises au sein d'institutions bureaucratiques. En cela même, vous ne voulez pas oeuvrer en faveur d'un renforcement du rôle du Parlement européen, qui, dans des domaines très importants, ne dispose encore que de peu ou pas de réel pouvoir.

Votre politique accorde plus de place encore à la Commission européenne, dont les décisions sont prises par des technocrates bien éloignés des préoccupations et aspirations de nos concitoyens.

En l'absence de véritable projet européen de société animé par la volonté de favoriser le progrès social et humain, ce déplacement des lieux du pouvoir est extrêmement dangereux, sans contrepoids démocratique.

Mue par une logique strictement économique, oublieuse du social, c'est principalement la Commission européenne qui impose aux nations ses choix : réduction, de façon drastique, de leur budget et des dépenses publiques ; mise en concurrence des services publics, enfin, bien entendu, privatisations.

Or c'est précisément cette orientation libérale qui est ébranlée et contestée aujourd'hui. Elle attise les tensions entre les nations, les incite à se replier sur des intérêts purement égoïstes. Elle favorise aussi la montée de l'extrême droite. Certains pays de l'Union européenne n'ont d'ailleurs pas résisté à la tentation de renouer avec des pratiques éprouvées dans les années trente.

Nous comprenons mieux les raisons pour lesquelles, en soutenant l'orientation ultralibérale actuelle de la construction européenne, vous souhaitez réformer le mode de scrutin.

Vous recourez à la critique habituelle du système de la proportionnelle, qui ne permettrait pas d'émerger des majorités stables et clairement identifiables. Nous savons que cet argument ne peut être utilisé pour une assemblée constituée de groupes politiques transnationaux. Cela n'a aucun sens, si ce n'est celui de favoriser les formations politiques dominantes en diminuant le poids des autres formations, voire en les éliminant.

Autant faire en sorte de brider toute contestation sur la manière dont se construit actuellement l'Europe.

Vous comprendrez que, pour toutes ces raisons, nous ne pouvons avaliser votre réforme. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement de suppression.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 292.

Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement vise également à supprimer, par cohérence, le tableau qui fixe le contour des circonscriptions.

Je ne reprends par l'argumentation arithmétique du niveau d'un collégien que je vous ai donnée tout à l'heure. J'attire simplement votre attention sur des dissonances qui ont déjà été soulignées par les uns et les autres, en particulier la taille et l'absence de cohérence de cette nouvelle circonscription interrégionale Massif central-Centre, ou bien le sort qui est fait aux populations d'outre-mer et à leur représentation.

Je rappelle également que nous sommes toujours dans le flou : entre soixante-dix-huit et quatre-vingt-sept représentants de la France au Parlement européen, selon que les uns ou les autres ratifient ou ne ratifient pas le traité. Il est néanmoins précisé, au niveau de l'Union européenne, que chaque pays membre est libre du choix de son mode de scrutin, à condition qu'il respecte une représentation proportionnelle. Nous constatons simplement l'éloignement croissant de cette règle de la proportionnelle et les mauvais choix que fait actuellement le Gouvernement.

M. le président. L'amendement n° 116, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer le deuxième alinéa de cet article. »

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Nous avons eu l'occasion, à plusieurs reprises en ce lieu, de dénoncer le déficit démocratique qui caractérise aujourd'hui la construction européenne. Ce déficit a son corollaire dans l'absence de légitimité démocratique dont rend compte le niveau élevé des abstentions aux élections européennes.

L'iniquité du mode de répartition des sièges ne favorisera certainement pas une plus large mobilisation des électeurs. La répartition des sièges qui devrait être théoriquement effectuée en fonction du poids démographique de chacune des circonscriptions risque de générer des distorsions liées aux inégalités de la taille des huit régions. Certaines régions seront donc moins bien représentées que d'autres et, dans la compétition actuelle qui risque de dégénérer en véritable lobbying local, elles peuvent se sentir lésées, voire exclues, ce qui débouchera sur une exacerbation des tensions interrégionales.

En l'absence d'un réel programme ambitieux de développement économique et social, fondé sur de vraies politiques publiques industrielles communes, et mettant en oeuvre de nouvelles formes de solidarité sociale, on a de bonnes raisons de croire que la construction européenne n'emportera pas l'adhésion des peuples.

C'est en refusant de prendre ses responsabilités en proposant un modèle alternatif à la mondialisation capitaliste actuelle que l'Union européenne perd de sa crédibilité.

Sans légitimité démocratique, l'Europe ne peut être prise au sérieux et peser de tout son poids à l'échelle internationale.

Sans l'adhésion des citoyens européens à un projet de société, la construction européenne est vidée de son sens et risque de se disloquer en se dissolvant dans le marché mondial. Tel est le sens de la régionalisation économique. Tel est le sens de la non-Europe.

C'est pourquoi nous nous opposons à cet article qui compromet plus encore l'exercice d'une réelle citoyenneté européenne.

M. le président. L'amendement n° 365, présenté par M. Pelletier et les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le deuxième alinéa du I de cet article :

« Art. 4. - I. - Les circonscriptions du territoire métropolitain correspondent aux sept zones de défense instaurées par l'article 2 du décret n° 2000-555 du 21 juin 2000 relatif à l'organisation territoriale de la défense. La circonscription outre-mer est composée par le regroupement des départements d'outre-mer et des territoires d'outre-mer. »

La parole est à M. Bernard Joly.

M. Bernard Joly. Il convient de modifier la composition des circonscriptions pour les élections européennes telle qu'elle figure dans la rédaction initiale du présent projet de loi. En effet, il est prévu de créer ex nihilo un nouveau découpage de notre territoire, qui ne correspond à rien de ce qui existe.

Aussi, plutôt que de prévoir un échelon supplémentaire, cet amendement tend à reprendre un échelon déjà présent, celui des zones de défense.

Depuis l'entrée en vigueur du décret du 21 juin 2000, on compte sept zones de défense sur le territoire métropolitain, qui sont, elles aussi, constituées sur la base d'assemblage des vingt-deux régions administratives.

Le découpage des circonscriptions européennes prévu par le présent amendement a donc le mérite de se fonder sur un découpage déjà existant, sans pour autant modifier le nombre total de circonscriptions.

L'amendement n° 117, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer les troisième et quatrième alinéas de cet article. »

La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Nous avons eu l'occasion de mentionner les raisons pour lesquelles nous nous opposions au découpage de notre territoire en huit grandes régions. Je constate que nous ne sommes pas les seuls. Mais je tiens, au travers de cette intervention, à attirer votre attention sur une autre question qu'induit cette réforme : la mise en cause du principe de parité que va favoriser la disparition de la circonscription nationale unique.

Le risque existe en effet - j'en suis certaine - que les têtes de liste masculines se multiplient dans chaque « super-région ». (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

M. Robert Bret. Comme pour les sénatoriales !

Mme Nicole Borvo. On sait que ce n'est pas votre habitude, mais je le crains !

Ainsi, en se fondant sur la simulation qui figure en annexe du rapport de l'Assemblée nationale sur le projet de loi et en retenant le pire des cas - mais le pire est toujours possible - à savoir que toutes les têtes de liste soient des hommes - vous vous rendez compte ! - seules 21 femmes seraient élues, soit 26,92 % des sièges.

En revanche, si l'on conserve la circonscription nationale unique, à partir des mêmes rapports de force, du même nombre de sièges et de la même hypothèse concernant le sexe des têtes de liste, 37 femmes seraient élues, soit 47,47 % des sièges.

Autrement dit, nous frôlons la parité, et c'est beaucoup mieux.

Votre texte, monsieur le ministre, sacrifie le mécanisme de la parité, qui permet pourtant une meilleure représentation des femmes en politique, en l'occurrence au Parlement européen, raison supplémentaire, et non des moindres, pour que nous refusions cette réforme.

Force est de reconnaître que la parité, loin d'être acquise - je ne parle pas du groupe CRC, qui fait exception -, parité d'ailleurs que certains ici n'ont jamais acceptée (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste), est déjà remise en cause dans les cas où elle est possible et obligatoire, c'est-à-dire lors des élections à la proportionnelle.

Votre réforme du mode de scrutin régional, monsieur le ministre, en est un exemple : vous saisissez la première occasion pour mettre en cause le principe de parité dans les élections à la proportionnelle. C'est tout de même un comble !

M. le président. L'amendement n° 291, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Penne et Frimat, Mme Blandin, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, C. Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Compléter le 4e alinéa du I de cet article par les mots : "complétée par les citoyens français immatriculés dans les consulats généraux de France." »

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, vous avez oublié deux millions de Français. (Sourires !). En effet, la population prise comme référence pour la composition des circonscriptions est celle du dernier recensement général. Or, par définition, les deux millions de Français de l'étranger ne sont pas recensés puisque, sauf coup d'Etat ou tremblement de terre dans le pays de résidence, en principe, ils ne sont pas en France au moment des recensements. Les Français de l'étranger sont donc complètement oubliés dans ce projet de loi.

Minuit vient de sonner : peut-être est-ce une heure tout à fait propice à l'éveil de la majorité sénatoriale, qui compte dans ses rangs de nombreux représentants des Français de l'étranger. Peut-être pourrait-on, d'un coup, réintégrer les Français de l'étranger dans la communauté nationale ? Minuit, n'est-ce-pas l'heure des miracles, l'heure des sorcières aussi bien que des fées (Sourires.)

Plus sérieusement, la loi dont nous sommes en train de débattre nous exclut, nous, Français de l'étranger, du scrutin par lequel nous étions entrés en 1979 dans la communauté nationale. En effet, en 1979, à l'occasion des élections européennes, nous avions pu voter, pour la première fois, dans les centres de vote à l'étranger. Croyez-moi, pour beaucoup d'entre nous, c'était recouvrer notre citoyenneté, pleine et active ; c'était cesser de ne voter que par procuration, et ce encore uniquement dans la mesure où les liens que nous avions maintenus en France le permettaient.

Or nous sommes nombreux à ne pouvoir nous inscrire sur les listes électorales en France, parce que nous n'y avons ni propriété ni résidence. Si certains Français sont restés en Côte d'Ivoire, c'est d'ailleurs bien parce que, comme ils l'ont déclaré, ils n'ont nulle part en France où aller vivre. Nous, Français de l'étranger, n'avons le plus souvent ni patrimoine, ni ascendant ou descendant dont la présence dans une commune nous permettrait de nous inscrire sur les listes électorales.

Donc, de fait, nous ne pouvons pas voter du tout, ou, au mieux, nous pouvons voter par procuration.

On le voit, ce projet de loi nous oublie, nous exclut de la possibilité de participer activement aux élections, alors même que, depuis vingt ans, le mouvement d'inscription sur les listes électorales a été très fort ; je rappelle que nous étions un peu moins de 100 000 inscrits sur les listes électorales à l'étranger en 1980, que nous étions encore moins de 250 000 il y a sept ans et que nous sommes 385 000 aujourd'hui.

M. Jean-Pierre Schosteck. Bravo !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Et, s'il n'était pas si compliqué de s'immatriculer dans les consulats, de s'inscrire sur les listes électorales à l'étranger, nous serions encore beaucoup plus nombreux.

C'est bien pourquoi le Conseil supérieur des Français de l'étranger et tous les sénateurs des Français de l'étranger, y compris ceux qui se transforment cette nuit en muets du sérail - pourtant, ce n'est pas dans leur nature -, se sont opposés à la réforme ici proposée, qui nous ramènerait, pour ce qui est des élections européennes, vingt-quatre ans en arrière !

Nous, Français de l'étranger, que voulons-nous ? Nous voulons tous la circonscription nationale, à charge pour chaque parti de présenter des candidats issus des Français de l'étranger.

M. Bernard Saugey. Très bien !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. A défaut, le Conseil supérieur des Français de l'étranger, unanime, a demandé une circonscription des Français de l'étranger.

A défaut encore, dernière position de repli, nous demandons le maintien des centres de vote à l'étranger et, dans le cadre de la présente réforme, notre rattachement à la région d'Ile-de-France, ce qui n'est pas plus fantaisiste que d'autres rattachements. Le Conseil supérieur des Français de l'étranger siégeant à Paris, le rattachement des Français de l'étranger à la région de la capitale n'aurait rien d'absurde.

Mais, quelle que soit l'hypothèse retenue, les Français de l'étranger doivent être réintégrés dans le code électoral et leur existence mentionnée dans ce texte de loi.

J'ajoute un dernier argument. La mondialisation appelle de plus en plus de Français à vivre à l'étranger de façon temporaire. Du fait toujours de la mondialisation, plus du quart de la richesse nationale est produit grâce à des échanges internationaux dans lesquels nous, Français de l'étranger, jouons un rôle crucial.

La présence de la France dans le monde repose largement sur les deux millions de Français qui travaillent et qui vivent hors de l'Hexagone. Aussi, nous priver de l'expression spécifique de notre opinion, nous priver de notre représentation propre au Parlement européen, constitue pour nous une atteinte à notre citoyenneté et un véritable archaïsme.

Nous demandons, par cet amendement, à être explicitement réintégrés dans le corps électoral, dans la communauté nationale, pour les élections européennes.

M. le président. L'amendement n° 119, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer le sixième alinéa de cet article. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Il s'agit d'un amendement de conséquence.

M. le président. L'amendement n° 120 rectifié, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Dans le dernier alinéa du I de cet article, après le mot : "candidats", insérer les mots : "ou de candidates". »

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, avec la réforme du mode de scrutin que vous nous proposez, le pourcentage de femmes élues au Parlement européen en 2004 risque fort de régresser par rapport au taux atteint par les femmes en 1999, soit 40,2 %.

Certes, les députés, hommes et femmes, seront toujours élus à la proportionnelle et à la plus forte moyenne, mais, au lieu d'être inscrits sur une liste nationale, ils le seront au sein d'une circonscription regroupant chacune plusieurs régions. C'est ce redécoupage qui risque de réduire les effets attendus des lois sur la parité.

En effet, la loi du 6 juin 2000 oblige les partis à inscrire 50 % des candidats sur leurs listes pour les élections européennes en alternant un homme et une femme, un homme et une femme. Avec cette alternance « verticale », c'est dans le cadre de la circonscription unique que les femmes sont assurées d'être élues en aussi grand nombre que les hommes, au prorata du score national de la liste. Or cela ne sera plus du tout garanti avec une répartition régionale des mandats, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, on sait bien que la pratique actuelle veut que les partis aient tendance à confier plutôt à un homme la tête de liste là où ils ont plus de chance d'être élus.

En second lieu, les chances des femmes s'amenuiseront encore, puisque le projet de loi prévoit de pondérer le nombre de candidats en fonction du poids démographique de chaque région.

Comme le soulignait le constitutionnaliste Guy Carcassonne, on connaît la relation qu'entretient une élection à la proportionnelle avec la taille d'une circonscription : la proportionnalité réelle d'un scrutin s'élève avec le nombre de sièges à pourvoir ; la parité participe en cela de la même logique.

C'est la raison pour laquelle la division proposée des listes nationales en listes régionales et sous-régionales aura un effet mécanique, aux incidences négatives sur la parité. Même si la réforme est atténuée par l'alternance « horizontale » que vous introduisez, les femmes, comme les « petits » partis, en pâtiront.

C'est pourquoi, dans cet amendement n° 120 rectifié, nous insistons sur la féminisation de certains termes.

M. le président. L'amendement n° 293, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :

« Au dernier alinéa du I de cet article, remplacer les mots : "par décret" par les mots : "dans la loi". »

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. La France ignore encore le nombre de parlementaires européens dont elle sera dotée. L'élargissement diminuera le nombre actuel de quatre-vingt-sept représentants mais, faute de connaître le nombre de ratifications du traité, personne ne peut prévoir quelle sera la somme des sièges à répartir.

C'est pourquoi, dans le tableau annexé, le Gouvernement n'est pas aujourd'hui en mesure d'indiquer pour chaque grande interrégion le nombre de sièges à pourvoir.

Cet amendement tend donc simplement à préciser que c'est la loi et non un décret qui fixera cette répartition. Il y va de la légitimité du travail des parlementaires.

M. le président. L'amendement n° 118, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer le II de cet article. »

La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Comme nous l'avons déjà dit à plusieurs voix, non seulement le découpage en huit régions du territoire national ne permettra pas une plus grande proximité entre les électeurs et les élus - franchement, j'aimerais bien que quelqu'un me fasse la démonstration du contraire - mais, en plus, ce découpage est particulièrement arbitraire. Il risque d'entraîner des effets de distorsion en raison de la taille différente des nouvelles circonscriptions régionales, sans compter les regroupements bizarres.

Pour reprendre l'exemple de l'outre-mer et de sa « super-région », il faut bien dire que son unité n'est pas évidente ; il est bien d'autres exemples encore.

En réalité, avec ce projet de loi, on veut absolument s'inscrire dans l'Europe des régions, presque dans une Europe fédérale.

Or, cette orientation risque d'affaiblir le rôle de l'Etat en réduisant ses fonctions de solidarité et d'aménagement cohérent de notre territoire. C'est, à coup sûr, l'aménagement équilibré de notre territoire qui en pâtira.

Au moment même où des dossiers aussi fondamentaux que l'élargissement et la réforme des institutions européennes sont ouverts - sans compter la question du nombre des parlementaires européens, qui viendra sans doute en discussion dans le cadre de la Convention européenne - et alors que ces dossiers exigent un véritable débat national, on nous soumet un découpage de régions qui ne correspondent à rien de précis, façon d'avaliser, en réalité, les choix actuels de la construction européenne.

Il est véritablement regrettable que, au détour de cette réforme des modes de scrutin, on cherche à tracer un projet de « super-région » qui ne correspond ni à notre tradition ni aux nécessités de l'Europe actuelle.

M. le président. L'amendement n° 296, présenté par M. Godefroy, est ainsi libellé :

« Remplacer le tableau de l'annexe 2 par le tableau suivant :

NOM

des circonscriptions

COMPOSITION

des circonscriptions

Nord-OuestNormandie

Nord - Pas-de-Calais

Picardie OuestBretagne

Pays de la Loire

Poitou-Charentes EstAlsace

Bourgogne

Champagne-Ardenne

Franche-Comté

Lorraine Sud-OuestAquitaine

Languedoc-Roussillon

Midi-Pyrénées Sud-EstCorse

Provence-Alpes-Côte d'Azur

Rhône-Alpes Massif-Central - CentreAuvergne

Centre

Limousin Ile-de-FranceIle-de-France Outre-merSaint-Pierre-et-Miquelon

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

Mayotte

Nouvelle-Calédonie

Polynésie française

Wallis-et-Futuna

. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 294, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :

« Dans le tableau constituant l'annexe 2 "Composition des circonscriptions" :

« - dans la colonne "nom de la circonscription", supprimer la circonscription "Massif central - Centre" ;

« - dans la colonne "composition des circonscriptions", transférer le "Centre" dans la circonscription "Ouest" ;

« - transférer l'"Auvergne" et le "Limousin" dans la circonscription "Sud-Ouest". »

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Dans le tableau constituant l'annexe 2 intitulée « Composition des circonscriptions », dans la colonne « Nom des circonscriptions », je vous propose de supprimer « Massif central - Centre », et, en conséquence, dans la colonne « Composition des circonscriptions », de transférer le Centre dans la circonscription Ouest, l'Auvergne et le Limousin, dans la circonscription Sud-Ouest.

Les glissements géographiques suggérés n'ont qu'un but : à partir du moment où vous confectionnez de grandes interrégions, encore faut-il essayer de les équilibrer et que leurs élus puissent représenter un nombre d'habitants le moins disparate possible d'une région à l'autre.

Il s'agit simplement de garantir l'égalité des citoyens devant l'élection. A défaut, les disparités que vous nous proposez entre vos interrégions iront du simple au double.

M. le président. L'amendement n° 295, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Penne et Frimat, Mme Blandin, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, C. Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Rajouter, au bas de la colonne de gauche, le nom de la circonscription des "Français établis hors de France" et, au bas de la colonne de droite, sur la composition des circonscriptions, "Français établis hors de France". »

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cet amendement s'inscrit dans la continuité du précédent. On nous propose la création de huit circonscriptions régionales qui ne semblent pas donner satisfaction même à nos collègues des départements et des territoires d'outre-mer. Par cet amendement, j'en propose une neuvième, sans base territoriale, immatérielle, mais pas du tout virtuelle, celle des Français établis hors de France. A l'ère de l'informatique et d'internet, c'est tout à fait possible, et c'est dans l'air du temps.

Je remarque tout de même que 2,3 millions de Français des DOM-TOM, qui n'ont pas l'air satisfaits de leur sort et qui sont tout aussi dispersés sur la planète que nous, les 2 millions de Français établis hors de France, bénéficient, parce qu'ils ont une base territoriale, d'une véritable représentation politique, et donc d'une expression propre de leur opinion dans le concert de l'opinion nationale.

Je rappelle qu'ils ont des conseils généraux, alors que les Français établis hors de France n'ont qu'un conseil consultatif, sans budget et sans réel pouvoir. Je rappelle qu'ils ont des élus municipaux et départementaux qui ont les moyens de remplir leur mandat. Les cent cinquante délégués du Conseil supérieur des Français de l'étranger sont bénévoles et tout juste défrayés pour leur voyage à Paris, mais pas pour les voyages qu'ils effectuent dans leur circonscription, qui peut être très étendue.

Nos compatriotes des DOM-TOM - j'en suis heureuse pour eux - ont des députés à l'Assemblée nationale élus dans quinze circonscriptions. Nous, Français de l'étranger, nous ne sommes pas représentés à l'Assemblée nationale. Nos compatriotes des DOM-TOM auront trois députés élus au Parlement européen ; avec ce texte de loi, les Français établis hors de France n'en auront pas. Est-ce normal ? Où est l'égalité entre les citoyens ? Où est l'égalité de représentation politique ? Peut-on dire sérieusement aux Français établis hors de France qu'ils seront représentés au Parlement européen par les députés élus dans les régions ? Ils le seront fort peu, et d'abord parce que, je le répète, nous concourons très peu à ce vote. Lors de la dernière élection présidentielle, il n'y a eu que 63 000 procurations de Français établis hors de France, alors que près de 180 000 d'entre eux votent à l'étranger. Le fait de ne pas pouvoir voter à l'étranger, le fait d'être exclus des élections européennes est vraiment une perte pour nous.

Nous avons une opinion spécifique sur l'Europe. Ainsi, en 1992, 82 % d'entre nous avaient dit « oui » à la ratification du traité de Maastricht, soit 31 % de voix de plus que les Français de l'Hexagone. Cela prouve que nous avons une sensibilité particulière, ne serait-ce que parce que tous ceux qui vivent dans l'Union européenne sont très directement touchés par l'ensemble des textes européens, bien plus encore que les Français de France. Cette élection nous intéresse particulièrement, mais nous allons nous en trouver exclus, après y avoir participé pendant vingt-quatre ans. Nous ne sommes pas d'accord. C'est pourquoi, la circonscription nationale n'étant pas conservée, nous demandons la création d'une neuvième circonscription pour les Français établis hors de France. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces treize amendements ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. J'ai l'impression d'être encore dans la discussion générale. C'est que le côté répétitif de certaines interventions devient, à la longue, lassant !

La commission est naturellement défavorable aux amendements de suppression n°s 115 et 292, puisqu'elle soutient la création des grandes régions. Elle est également défavorable à l'amendement n° 116, de suppression partielle.

L'amendement n° 365 quant à lui, est contraire à la position de la commission, qui a adopté l'article 12 sans modification et qui est favorable à l'existence de circonscriptions ad hoc pour l'organisation des élections européennes.

Je tiens d'ailleurs à préciser qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle circonscription administrative ou d'un nouveau découpage, contrairement aux régions militaires, qui correspondent, elles, à une définition et à une mission précises. Ce ne sera pas le cas des interrégions, qui ont été créées pour des raisons de commodité électorale et qui n'ont pas vocation à devenir des super-régions.

Or, prendre l'exemple des régions militaires nous conduirait à mettre le doigt dans un engrenage dangereux : aux régions militaires, aux interrégions pour les élections européennes s'ajouterait, demain, autre chose. Tel n'est pas du tout l'objet de ce projet de loi, j'émets donc un avis défavorable.

La commission est également défavorable à l'amendement n° 117 visant à supprimer les troisième et quatrième alinéas de l'article 15.

J'en viens aux amendements de Mme Cerisier-ben Guiga. Nous avons répondu à la question qu'elle soulevait lors du débat général.

Mme Nicole Borvo. Ah ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. M. le ministre s'est lui-même engagé en ce qui concerne les Français établis hors de France. Je ne vais pas reprendre son argumentation, qui avait satisfait une partie des sénateurs représentant lesdits Français.

C'est la raison pour laquelle ce problème complexe devra être traité dans un texte spécifique, comme l'a dit M. le ministre. En conséquence, j'émets un avis défavorable sur les amendements n°s 291 et 295.

Quant à l'amendement n° 119, qui tend à supprimer le dernier alinéa de l'article 15, toujours dans le même esprit, j'émets un avis défavorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 120 rectifié, nous en avons déjà discuté. La langue française est suffisamment claire : quand on parle de « candidats », cela signifie « candidats et candidates », il n'est nul besoin de le préciser, le pluriel étant neutre en l'occurrence.

Mme Nicole Borvo. Oh là la !

M. Patrice Gélard, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 293 relatif à la fixation du nombre de sièges, le législateur tend à permettre au Gouvernement de réagir rapidement et avec souplesse à la fixation tardive du nombre de représentants en raison des impératifs du calendrier de l'élargissement de l'Union européenne. Le projet de loi est satisfaisant en renvoyant la constatation du nombre de sièges et de candidats à un décret, le fait de l'inscrire dans la loi compliquerait la mise en place du nouveau mode de scrutin.

Pour ce qui est de l'amendement n° 118, je ferai la même réponse que pour les amendements précédents : je suis contre la suppression de l'article 15, y compris contre sa suppression par saucissonnage.

J'en viens à l'amendement n° 294, qui vise à modifier le tableau constituant l'annexe 2. Nous avons estimé que ce tableau était équilibré et, surtout, conforme aux principes dégagés par le Conseil constitutionnel. J'émets donc un avis défavorable.

Enfin, j'ai déjà indiqué tout à l'heure les raisons pour lesquelles j'étais défavorable à l'amendement n° 295.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Avis défavorable. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 115 et 292.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 116.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 365.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

13120920910545164 Je mets aux voix l'amendement n° 117.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur l'amendement n° 291.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, je souhaite rectifier l'amendement n° 291 dans lequel j'ai constaté une erreur de rédaction. Il faudrait écrire : « Compléter le quatrième alinéa de cet article » et non : « le quatrième alinéa du I de cet article ».

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 291 rectifié, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Penne et Frimat, Mme Blandin, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, C. Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparenté, et tendant à compléter le quatrième alinéa de cet article par les mots : « complétée par les citoyens français immatriculés dans les consulats généraux de France. »

Je le mets aux voix.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu).

M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

132287287145123164 En conséquence, l'amendement n° 295 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 119.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 120 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 293.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 118.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 294.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 15 et de l'annexe 2.

(L'article 15 et l'annexe 2 sont adoptés.)