COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

CANDIDATURES À DES ORGANISMES

EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. lePremier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes extraparlemenaires.

La commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose les candidatures deM. Marcel-Pierre Cléach pour siéger au Conseil national de l'habitat, en tant que membre suppléant, et de M. Pierre Hérisson pour siéger au Conseil national de la montagne, en tant que membre titulaire.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

3

DÉPÔT D'UN RAPPORT

D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

M. le président. M. le président a reçu de M. Bernard Plasait un rapport fait au nom de la commission d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites, créée en vertu d'une résolution adoptée par le Sénat le 12 décembre 2002.

Ce dépôt a été publié au Journal officiel - Edition des lois et décrets du jeudi 29 mai 2003. Cette publication a constitué, conformément au paragraphe III du chapitre V de l'instruction générale du bureau, le point de départ du délai de six jours nets pendant lequel la demande de constitution du Sénat en comité secret peut être formulée.

Ce rapport sera imprimé sous le n° 321 et distribué demain, sauf si le Sénat, constitué en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie de ce rapport.

4

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

MODALITÉS DE TRANSFERT DES MOYENS

DU FONDS NATIONAL DES ADDUCTIONS D'EAU

AUX DÉPARTEMENTS

M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin, auteur de la question n° 239, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Jacques Oudin. Monsieur le ministre, je souhaite évoquer la nécessité de préserver le rôle important de péréquation et de solidarité que joue le Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, en faveur des communes rurales.

Ce fonds a été créé en 1954 afin d'aider les communes rurales à se doter d'une alimentation en eau et d'un assainissement de qualité à un prix comparable à celui qui est pratiqué dans les grandes villes.

La répartition des crédits en direction des différents départements s'opère sur la base d'un inventaire, généralement bien fait, des besoins exprimés par les communes rurales éligibles.

J'attire donc votre attention sur trois points.

Le monde rural connaît des besoins spécifiques en matière d'eau et d'assainissement. La dispersion de l'habitat entraîne des linéaires de réseaux très importants, quatre fois plus importants en milieu rural qu'en zone urbaine pour les réseaux d'adduction d'eau, notamment. La contamination des eaux brutes par les pollutions diffuses d'origine agricole imposerait le recours à des technologies de traitement sophistiquées et coûteuses pour respecter les normes de potabilité. En termes bactériologiques, les taux de non-conformité de l'eau distribuée en zone rurale sont actuellement deux fois supérieurs à ceux qui sont observés en milieu urbain. Or la sévérité des normes de qualité à atteindre va encore s'accroître avec la directive 98/83/CE du 3 novembre 1998, transposée par décret en décembre 2001.

Un effort substantiel doit donc être poursuivi. Or les dotations du FNDAE par département ont diminué de façon drastique.

Les dotations allouées aux départements pour 2003, hors le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA, accusent une diminution supérieure à 70 % en moyenne par rapport aux années antérieures.

Sur la région Pays de la Loire, ma région, ces réductions, comprises entre 57 % et 68 %, bien qu'inférieures à la moyenne nationale, ont suscité de vives inquiétudes, vous le comprenez bien.

Je n'ignore pas que cette baisse résulte en partie de débats qui se sont déroulés au Parlement sur le financement du FNDAE. Il n'en demeure pas moins que les réductions sont d'importance et conduisent à s'interroger sur l'avenir, compte tenu notamment des difficultés que rencontrent les communes rurales pour financer des programmes importants d'assainissement.

Enfin, monsieur le ministre, quel est l'avenir du FNDAE et du financement de la politique de l'eau en milieu rural ?

Le transfert des moyens du FNDAE de l'Etat aux départements a été annoncé lors de la synthèse des Assises des libertés locales, à Rouen, le 28 février 2003. Dans le cadre de ce nouveau dispositif, pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que l'effort financier sera poursuivi et que la péréquation en faveur des communes rurales sera préservée, dans la mesure où les recettes de la redevance assise sur les consommations d'eau seront bien supérieures dans les zones les plus urbanisées ?

Par ailleurs, pourriez-vous nous préciser les modalités de concertation qui seront engagées avec les associations d'élus pour préparer cette réforme ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le sénateur, les motivations qui, en 1954, ont conduit à la création du Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, outil de redistribution et de péréquation, conservent toute leur pertinence.

Alimenté par une contribution payée sur le mètre cube consommé, ce fonds a permis de financer l'adduction d'eau potable dans toutes les zones rurales.

Cinquante ans après la création du FNDAE, l'objectif est pratiquement atteint. Toutefois, la nécessité de renouveler les réseaux et de mettre en place des systèmes d'assainissement justifie à l'évidence sa prolongation.

Au moment où une étape nouvelle de la décentralisation se prépare, il m'a paru opportun de renforcer les prérogatives des conseils généraux sur ce dossier de l'eau. Le département me semble, en effet, un échelon adéquat pour l'action de proximité et la redistribution des ressources. C'est également le bon niveau pour inciter à une gestion plus solidaire de l'eau, sur les plans quantitatif et qualitatif. L'eau restera durablement, comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, un élément clef pour l'avenir de nos territoires.

Comme vous l'avez également rappelé, monsieur le sénateur, M. le Premier ministre, lors de la synthèse des Assises des libertés locales à Rouen, a annoncé le transfert des moyens du FNDAE aux départements.

Je suis bien conscient des difficultés d'équipement des collectivités rurales et de l'apport précieux que représente le FNDAE pour aider à la réalisation de travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement.

Diverses options concernant le transfert des moyens du fonds ont été examinées lors des réunions interministérielles sur la décentralisation. Les dernières réflexions sur le sujet ont conduit à considérer que les projets de loi en cours de rédaction, qu'il s'agisse du texte sur la décentralisation ou du texte sur les affaires rurales, ne constituent pas le cadre adéquat du transfert des moyens du FNDAE. Cette démarche devra être envisagée dans un projet de loi ultérieur relatif à la politique de l'eau, celui que prépare ma collègue Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

A plus brève échéance, le Parlement a souhaité, comme vous le savez, réorienter la dotation du pari mutuel urbain, le PMU, dans la loi de finances pour 2003, au moment où les besoins pour protéger la qualité de l'eau vont croissant et pour être en conformité dès cette année avec les règles communautaires que vous avez rappelées et qui ont été transposées à la fin de l'année 2001.

De plus, une enquête menée auprès des départements a mis en évidence que 28 % des crédits de paiement non dépensés correspondaient à des autorisations de programme non engagées sur les dotations départementales « eau et assainissement » avec une très forte variabilité selon les départements, en fonction des situations locales.

Des informations qui remontent aujourd'hui des départements, il semble que, dans quelques cas, ces crédits avaient toutefois fait l'objet d'une délibération d'affectation de la part des conseils généraux.

L'ensemble des dotations budgétaires dont je dispose ont été ventilées dans les départements pour l'assainissement et dans les régions pour le plan de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA.

Chacun connaît, monsieur le sénateur, votre préoccupation constante pour la politique de l'eau. Croyez bien qu'en cette année internationale de l'eau cette préoccupation est partagée par le Gouvernement, qui a décidé du lancement d'un grand débat sur le sujet. La synthèse en sera faite à la fin de l'année, en liaison avec le Parlement, lors de rencontres nationales dont l'objectif sera de proposer des recommandations qui serviront de base à la construction d'une politique de l'eau rénovée et d'un plan d'actions partagé par tous les acteurs.

Tels sont, monsieur Oudin, les quelques éléments d'information que je suis en mesure de vous apporter aujourd'hui sur ce sujet qui, bien évidemment, connaîtra, dans les mois qui viennent, un certain nombre d'évolutions importantes dans la perspective d'une amélioration de la situation de l'eau dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin.

M. Jacques Oudin. D'abord, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, du caractère très complet et prospectif de votre réponse. Cette démarche satisfera, je n'en doute pas, beaucoup de monde.

Cela étant, si les départements doivent être, à terme, le pivot, le pôle d'une politique de péréquation des milieux ruraux, il faut les motiver de façon que les recensements puissent se faire autour de l'action départementale et qu'ils puissent vous faire connaître, à vous et à votre collègue qui est chargée de l'eau, les engagements qu'ils prennent pour résorber le handicap des milieux ruraux face aux problèmes de l'eau.

AVENIR DES AUTO-ÉCOLES

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, auteur de la question n° 211, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le ministre, je voudrais appeler votre attention sur l'avenir des auto-écoles.

Depuis le 1er janvier 2002, la gestion du service des examens du permis de conduire est placée sous la tutelle des directions départementales de l'équipement, avec autorité fonctionnelle depuis le 1er avril et réorganisation des examens totalement effective en août 2003.

Cette évolution a pour conséquence la révision de la répartition des centres d'examen.

Dans mon département, l'Ariège, on assiste à un regroupement de plusieurs centres d'examen sur la sous-préfecture de Pamiers. On imagine sans mal les raisons qui ont présidé à cette concentration, essentiellemnet liées aux économies sur les coûts de transport et de déplacement. Il n'en reste pas moins que les conséquences de cette décision sur les populations et sur le territoire ont été certainement mal mesurées.

Je prends l'exemple du secteur où je suis élu, Lavelanet et, autour, le pays d'Olmes, en Ariège, mais mon argumentation vaut pour bien d'autres territoires en difficulté économique, avec des populations fragiles.

Il faut bien comprendre que le permis de conduire, pour ceux qui sont en difficulté, loin d'être un luxe, constitue un moyen supplémentaire d'insertion. Or songez que les candidats sont contraints à effectuer deux fois par mois un trajet de quatre-vingts kilomètres - c'est-à-dire qu'ils doivent se faire accompagner - et à perdre une demi-journée de travail, pour vingt minutes effectives. Tout cela, ajouté à d'autres difficultés, amène souvent ces personnes à renoncer à l'espoir que constitue le permis de conduire pour envisager un nouveau départ dans leur vie professionnelle.

Une fois encore, des services de proximité disparaissent dans des localités qui sont pourtant confrontées à la nécessité impérieuse de maintenir un environnement de services afin d'attirer de nouvelles activités et de nouvelles populations.

Fort de ce constat, peut-on imaginer, monsieur le ministre, que le Gouvernement revienne sur ces dispositions dont les répercussions sont importantes tant sur la vie quotidienne de certains de nos concitoyens qu'en termes d'aménagement du territoire et de services publics ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le sénateur, vous avez fait part des préoccupations des enseignants de conduite du pays d'Olmes, inquiets, comme vous-même, du regroupement des centres d'examen.

La déconcentration, échelonnée, du service des examens du permis de conduire est effective depuis le 31 mars dernier. Elle vise avant tout à améliorer la qualité du service rendu aux candidats et à assurer une meilleure efficacité du service public grâce à la proximité départementale. Je rappelle que, précédemment, tous les inspecteurs du permis de conduire dépendaient de l'Arche de la Défense ! Cette déconcentration constitue donc un véritable progrès en termes de proximité, à la fois pour les inspecteurs et pour les élèves.

L'implantation des centres d'examen pour les épreuves théoriques et pratiques du permis de conduire s'inscrit dans ce contexte. Il convient de rechercher, par une répartition judicieuse des centres sur chaque département, l'utilisation optimale des ressources humaines disponibles.

Comme vous le savez, malgré la création, depuis environ six mois, d'un plus grand nombre de postes d'inspecteur du permis décidée par le Gouvernement, la situation reste tendue en matière d'attribution de places d'examens, du fait notamment de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail. Les écoles de conduite se font l'écho de ces difficultés, que je recueille au ministère.

La révision de la carte des centres a notamment pour objet, en évitant des déplacements trop longs et fréquents aux inspecteurs, de générer des gains de productivité appréciables. Par ailleurs, ces regroupements doivent permettre d'améliorer la qualité des centres d'examens au regard des critères d'évaluation des candidats, en garantissant que les situations de conduite les plus significatives puissent se présenter pendant l'examen, avec la signalisation, le type de réseaux, l'état du trafic...

Ce dernier point revêt, vous le comprenez bien, une importance essentielle en matière de sécurité routière. Nous partageons, j'en suis sûr, le souci que les candidats reçus à l'épreuve du permis de conduire soient en mesure de circuler dans toutes les conditions, en sécurité pour eux-mêmes et pour les autres usagers.

C'est en ayant à l'esprit ces différentes données dans leur totalité que la décision a en effet été prise de fermer le centre d'examen de Lavelanet, qui ne présentait plus les caractéristiques suffisantes pour assurer un examen de qualité, pour procéder à un regroupement qui, nous l'espérons, permettra de rendre un meilleur service public.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Je remercie M. le ministre de sa réponse, mais je crains fort que les raisons invoquées ne répondent pas véritablement à la situation.

Quand je parle de difficultés des personnes en voie d'insertion, on me répond « rationalisation des services ». Quand j'évoque un territoire qui refuse le déclin et la disparition des services publics de proximité, on me répond « gain de productivité » et « mise en place d'un nouveau système informatisé ». Je regrette par conséquent que nous ne parlions pas le même langage.

FERMETURE DE LABORATOIRES DE RECHERCHE

DU PLATEAU DE SACLAY

M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, auteur de la question n° 270, adressée à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.

M. Paul Loridant. Madame la ministre, je me fais l'écho des vives inquiétudes de la communauté scientifique du plateau de Saclay concernant la situation critique que traversent la source de neutrons ORPHÉE et le laboratoire mixte CEA-CNRS Léon-Brillouin, le LLB. Ces deux unités de recherche forment un très grand équipement de recherche dont l'avenir est menacé.

En effet, les organismes de tutelle, le CNRS et le CEA, eux-mêmes durement touchés par les diminutions budgétaires, ont fait part de leur intention, soit de se retirer totalement du financement de ces laboratoires, pour ce qui est du CNRS, soit de diminuer considérablement sa contribution pour réduire ses coûts de fonctionnement, pour le CEA. Sans solution de financement pour l'année 2004, cette installation serait fermée à la fin de l'année 2003.

Il s'agit pourtant d'un outil indispensable pour l'étude de la matière dans des domaines tels que la physique, la métallurgie, la chimie, les sciences de la vie. Il est complémentaire des sources de lumière synchrotron LURE, puis Soleil ; son existence avait d'ailleurs été l'un des arguments retenus pour l'implantation du projet Soleil dans le département de l'Essonne.

Ce laboratoire est le seul centre scientifique national d'utilisation des neutrons, exploité par plus de quatre cents équipes par an, dont environ 30 % sont hors du territoire national - Europe et pays d'Europe centrale et orientale.

Il est par ailleurs soutenu par l'Union européenne, à travers le programme cadre de recherche et de développement technologique, le FP5.

Outre l'impact immédiat sur l'activité scientifique, la fermeture du seul équipement national dans ce domaine semble s'opposer au développement du pôle scientifique d'Ile-de-France Sud que vous connaissez bien, madame la ministre, pour vous y rendre très souvent.

Par ailleurs, à long terme, cette fermeture induirait une perte de compétences scientifiques et techniques dans le domaine de la diffusion neutronique. La France se trouverait alors en position de faiblesse lorsque la décision de nouvelles installations européennes sera prise ; et tout cela pour réaliser des économies dérisoires au regard des enjeux scientifiques et du rayonnement international de la France.

Madame la ministre, pouvez-vous aujourd'hui me donner des éléments de nature à rassurer la communauté scientifique et industrielle de l'Essonne sur l'avenir de ce très grand équipement de recherche ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur la situation de la source de neutrons ORPHÉE et sur le laboratoire mixte CEA-CNRS Léon-Brillouin.

Ces entités font actuellement, vous le savez, l'objet d'interrogations, comme c'est le cas depuis de nombreuses années. Je le dis, car je voudrais séparer le problème que vous soulevez du contexte budgétaire que nous connaissons.

Le budget de 2003 du LLB-ORPHÉE en coût complet est de 19 millions d'euros, dont un million provient de recettes européennes ou industrielles. Il est pratiquement identique à celui de 2002, dont les montants sont non négligeables.

Depuis de nombreuses années, le CEA et le CNRS, les deux organismes de tutelle de ce laboratoire créé en 1974, s'interrogent sur la pertinence du maintien en fonctionnement d'ORPHÉE, ce réacteur à neutrons dont la première divergence a eu lieu en décembre 1980. Depuis, il a fait l'objet d'un programme continu de rénovations, avec par exemple la modernisation des sources froides en 1995 et le remplacement du caisson de coeur en 1997. Les rapports sur l'activité du LLB font état, dès 1995, d'interrogations répétées quant à l'opportunité de maintenir ce réacteur en fonction en même temps que le réacteur international de l'institut Laue-Langevin à Grenoble, dont la convention vient justement d'être renouvelée avec l'Allemagne et la Grande-Bretagne pour une durée de dix ans. Le CNRS a dénoncé, en décembre 1996, par anticipation, la convention qui le liait au CEA jusqu'en 1998. Actuellement, nous nous trouvons dans le cadre d'une convention signée en 2001, qui prendra fin au 31 décembre de la présente année, ce qui motive notre interrogation.

L'avenir du LLB doit être envisagé en tenant compte de l'évolution des sources de neutrons en Europe et dans le monde.

L'Allemagne vient d'autoriser le nouveau réacteur FRM II de Münich à entrer en fonctionnement. Ce réacteur disposera d'instruments modernes et d'un flux supérieur à celui du LLB.

La source pulsée à spallation ISIS de Grande-Bretagne sera équipée d'une deuxième cible qui en fera un instrument scientifique puissant, dans un excellent environnement instrumental.

Hors d'Europe, deux sources de neutrons pulsées sont en construction. Il s'agit, d'une part, du SNS, qui a été construit à Oak Ridge, aux Etats-Unis ; les Allemands se préparent à décider la construction d'un instrument autour de cette source. Les Français ont également été sollicités pour y participer.

Il s'agit, d'autre part, du J-Parc, une source pulsée japonaise en construction à Tokai, dont le choix s'est porté sur un faisceau de protons à buts multiples.

Ces sources ont l'ambition d'être les plus performantes au monde à la fin de la décennie.

Récemment, les directions du CEA et du CNRS ont saisi le ministère de la question de la poursuite d'activité d'ORPHÉE, en raison du contexte international que je viens d'évoquer et de l'évolution des techniques d'investigation de la matière, notamment avec les puissantes sources de rayonnement synchroton. Certes, les neutrons représentent un mode aternatif et la question est de savoir quelle place il faut réserver à ce moyen spécifique.

Le ministère a demandé aux deux organismes et au comité des très grands équipements rattachés à la direction de la recherche du ministère de rassembler les éléments d'un débat constructif. Au vu de la pertinence scientifique des projets qui pourraient être attachés spécifiquement à ORPHÉE et des autres équipements de même nature, en France et en Europe, qui sont disponibles maintenant ou qui le seront dans les prochaines années, nous avons demandé d'examiner trois hypothèses.

La première hypothèse, c'est la poursuite d'activité d'ORPHÉE pour une durée minimale de dix ans, avec les conséquences financières en termes de maintenance, d'entretien, de sécurité et de fonctionnement qu'elle implique. La deuxième hypothèse a trait à la poursuite de l'activité jusqu'à ce que les travaux de mise en sécurité en cours à l'institut Laue-Langevin soient validés par les autorités de sûreté, soit deux à trois ans. La troisième hypothèse qu'il convient d'envisager est la fermeture à brève échéance d'ORPHÉE, avec des conséquences, bien entendu, sur l'engagement du démantèlement. Pour l'heure, soyez assuré qu'aucune hypothèse n'est privilégiée. La réflexion a lieu entre les organismes et le ministère.

Il appartient à la communauté scientifique utilisatrice de fixer ses priorités dans le contexte national et européen que j'ai rappelé. Aujourd'hui, il ne semble pas que des partenaires internationaux soient intéressés à augmenter leur participation au LLB. Les nouvelles perspectives, notamment en Grande-Bretagne, en Allemagne et aux Etats-Unis, retiennent en priorité leur attention.

Monsieur le sénateur, telle est la situation. Je ne manquerai pas de vous tenir informé de l'évolution de la réflexion en cours avec les organismes de tutelle.

M. le président. La parole est à M. Paul Loridant.

M. Paul Loridant. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Vous avez confirmé l'existence de trois hypothèses, dont l'une, hélas !, est la fermeture du labaratoire.

Madame la ministre, j'ajouterai simplement deux remarques. D'une part, je n'ai nullement l'intention de remettre en cause la nécessité d'équipements européens et internationaux. Il me semble toutefois qu'un équipement national pourrait compléter la palette de ceux qui existent déjà en matière de sources de neutrons.

D'autre part, madame la ministre, vous fréquentez régulièrement le département de l'Essonne, en particulier le plateau de Saclay, et vous connaissez aussi bien que moi la complémentarité de ces équipements. A force de « détricoter » les laboratoires les uns après les autres, nous mettons en péril la synergie et le rayonnement, si je puis dire, du plateau de Saclay.

C'est pourquoi je me permets d'attirer votre attention, madame la ministre, sur la nécessité de préserver un espace scientifique dans lequel la recherche est si intense, et qui contribue au rayonnement de notre pays et de l'Europe.

AVENIR DES PERSONNELS DES CENTRES

D'INFORMATION ET D'ORIENTATION

M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente, auteur de la question n° 268, adressée à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

Mme Michèle San Vicente. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, M. Ferry, le 12 mars dernier, a pris l'initiative d'adresser aux centres d'information et d'orientation, les CIO, une correspondance leur annonçant : « Au cours du vaste débat ouvert par les assises des libertés locales, beaucoup de départements et de régions ont demandé des transferts de personnels.[...] Une demande large et forte a été exprimée par les conseils régionaux d'accroître leurs compétences sur la programmation des formations professionnelles. [...] En conséquence, la décision a été prise de transférer aux régions les conseillers d'orientation psychologues et les directeurs des centres d'information et d'orientation. »

Seulement trois présidents de régions avaient souhaité cette tutelle. Peut-on prétendre dès lors qu'il s'agissait d'une forte demande ?

M. le ministre fait aussi état d'un vaste débat. Les conseillers d'orientation psychologues, les Copsys, et les directeurs de CIO ont appris cette décision avec consternation. Ils ont en outre pris bonne note de la méthode, finalement condescendante, visant à modifier sans concertation préalable leur statut.

Leurs inquiétudes sont nombreuses et parfaitement justifiées. Le Premier ministre n'a-t-il pas demandé des économies structurelles ? Le ministère ne cache d'ailleurs pas qu'avec ce transfert les missions seront remises à plat.

S'ils ne sont plus dans les établissements scolaires, les Copsys pourront-ils continuer à assumer leurs rôles d'accueil, d'écoute et de prévention avec autant d'efficacité ? Toutes les enquêtes et audits réalisés ont pourtant montré que la qualité du service rendu par les CIO est, en général, exemplaire.

Ne risque-t-on pas, madame la ministre, d'assister à l'appauvrissement de leur identité professionnelle ? Jusqu'à présent, le recrutement avait lieu au niveau national et débouchait sur des compétences et sur une formation certaines, ce qui ne serait vraisemblablement plus le cas si les régions devenaient les futurs recruteurs.

L'acte I de la décentralisation s'était déroulé en toute transparence. Le transfert de compétences en matière de construction et d'entretien de bâtiments scolaires était accompagné de moyens financiers et chacun s'accorde aujourd'hui à reconnaître que les collèges et les lycées sont en bien meilleur état depuis qu'ils relèvent des départements et des régions.

Les transferts de compétences de l'acte II concernent, madame la ministre, des femmes et des hommes. La finalité ne serait-elle pas de faire peser sur les collectivités la responsabilité du démantèlement progressif de l'école nationale républicaine ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Madame la sénatrice, permettez-moi de vous donner lecture de la réponse qu'avait préparée M. Luc Ferry, qui participe en ce moment même à une réunion de concertation.

Le Premier ministre a annoncé, en clôture du débat national des assises des libertés locales, les premières orientations retenues par le Gouvernement dans le cadre du projet de décentralisation.

Depuis que de nombreuses compétences ont été transférées par les premières lois de décentralisation, les collectivités territoriales partagent avec l'Etat la charge du service public de l'éducation, notamment dans les domaines de l'information et de l'orientation, comme l'a indiqué le rapport Mauroy relatif à l'avenir de la décentralisation.

L'échelon régional a été considéré comme le mieux à même d'assurer le conseil à l'orientation et l'information sur les métiers. Ce sont désormais les régions qui auront la responsabilité des centres d'information et d'orientation.

En conséquence, il a été proposé de transférer aux régions les conseillers d'orientation-psychologues et les directeurs de centre d'information et d'orientation.

Dans ce cadre, ils continueront à participer activement aux missions du service public de l'éducation et à intervenir à l'intérieur des établissements scolaires. Ils demeureront ainsi membres à part entière de la communauté éducative.

A l'issue du comité interministériel consacré aux métiers de l'éducation nationale, le Premier ministre a demandé aux ministres chargés de l'éducation nationale et de la décentralisation d'engager immédiatement et sans a priori avec les organisations syndicales la nécessaire discussion sur les missions, les garanties statutaires des personnels et les différentes modalités de mise en oeuvre des transferts de compétences aux collectivités locales.

Ces audiences ont débuté hier, elles se poursuivent aujourd'hui même. Ce n'est qu'à l'issue de ce travail qu'un avant-projet de loi sera soumis au Conseil d'Etat.

M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente.

Mme Michèle San Vicente. Madame la ministre, s'agit-il de discussions ou d'audiences ? Toute la nuance est là !

Les conseillers d'orientation souhaitent rester au coeur des établissements scolaires. Or le risque est grand de voir certaines régions se désengager. Ainsi, ma région, le Nord - Pas-de-Calais, est aujourd'hui sinistrée : quels moyens pourra-t-elle, à terme, mettre à la disposition des centres d'information et d'orientation dans la mesure où d'ores et déjà le Premier ministre a indiqué qu'aucun poste budgétaire ne bénéficierait du moindre euro supplémentaire en 2004 ?

RÉCUPÉRATION DE LA TVA

SUR LES TRAVAUX D'ENFOUISSEMENT

DES LIGNES TÉLÉPHONIQUES

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, auteur de la question n° 262, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Alain Vasselle. Ma question était adressée à M. Francis Mer, mais je ne doute pas que Mme Fontaine y répondra avec autant de pertinence, sinon plus ! (Sourires.) Elle concerne les difficultés rencontrées par les collectivités locales s'agissant de la récupération de la TVA sur les travaux d'enfouissement des lignes téléphoniques qu'elles réalisent.

Dans mon département de l'Oise - mais je pense que le problème est vécu de la même manière dans toute la France - les collectivités locales se sont très fortement impliquées dans l'enfouissement des réseaux pour améliorer le cadre de vie de nos concitoyens. Ces travaux constituent de véritables opérations de valorisation esthétique, de sécurisation et de protection du patrimoine des collectivités. Ils contribuent, en outre, à augmenter la durée d'utilisation et de conservation des réseaux de télécommunications.

Si les collectivités territoriales bénéficient de subventions du conseil général pour la réalisation de ces opérations, elles assurent toutefois une part essentielle du financement. Ces investissements représentent des sommes très lourdes, notamment pour les communes rurales, qui de plus doivent désormais faire face au désengagement financier de France Télécom pour les opérations à venir, la situation de cette entreprise n'étant pas des meilleures.

Aux termes des conventions qui ont été signées avec France Télécom, les collectivités concernées agissent soit au nom et pour le compte de cette entreprise, soit en leur propre nom, en tant que maître d'ouvrage, les réalisations étant alors intégrées à leur patrimoine.

Or, en l'état actuel des choses, quelles que soient les conventions, ces travaux ne donnent pas lieu à récupération de la TVA, ce qui impose aux collectivités une charge financière encore plus lourde.

La récupération de la TVA par le fonds de compensation de la TVA leur est présentée comme une voie peu réaliste au regard des textes en vigueur. Une autre solution est donc actuellement recherchée, qui pourrait consister, pour les communes, à obtenir le remboursement de la TVA par la voie fiscale, par le biais de la création d'un secteur d'activité et d'un budget annexe.

Techniquement et administrativement, cette dernière solution, dont la viabilité n'est pas encore établie, est extrêmement complexe à mettre en oeuvre, sans que soit pour autant garanti, d'ailleurs, le remboursement de la TVA sur l'intégralité des dépenses engagées.

Ce dispositif pèse très lourdement sur les communes. Les moyens humains et financiers dont elles disposent leur permettent difficilement de faire face à de telles contraintes administratives. Le préjudice financier et fiscal qu'elles subissent en raison du non-remboursement de la TVA est réel.

Eu égard aux sommes considérables en jeu et à la préoccupation grandissante des collectivités, je souhaiterais connaître les dispositions que le Gouvernement entend prendre pour régler ce problème, qui est évoqué de façon récurrente depuis de nombreuses années ; j'espère qu'il fera preuve d'une plus grande efficacité que ceux qui l'ont précédé pour apporter une solution définitive aux difficultés rencontrées par les communes rurales.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. Francis Mer, qui est retenu à Bruxelles par un Conseil des ministres des finances européens.

Comme vous le savez, à la suite de l'expertise de plusieurs conventions de partenariat conclues entre des collectivités territoriales et France Télécom, les modalités de récupération de la TVA grevant les travaux d'enfouissement de lignes téléphoniques ont été précisées dans le cadre d'une instruction administrative publiée le 27 avril 2001.

Vous souhaitez toutefois connaître les modalités de récupération de la TVA dans l'hypothèse où, à l'issue des travaux d'enfouissement, les collectivités territoriales deviennent propriétaires des « fourreaux » installés dans le sous-sol et les donnent en location à France Télécom, afin que cette société puisse y installer les lignes téléphoniques du réseau de télécommunication qu'elle exploite.

Les conséquences de ce mode d'exploitation des « fourreaux » n'ont pu être précisées par l'instruction d'avril 2001 que je viens de mentionner, car cette situation n'avait pas été envisagée dans les différentes conventions de partenariat communiquées pour expertise à l'administration fiscale.

Cela étant, une réflexion d'ensemble associant mes services et ceux du ministre délégué aux libertés locales est en cours afin de prendre en compte les spécificités des travaux réalisés par les collectivités territoriales sur les lignes de télécommunication.

S'agissant précisément des règles applicables en matière de TVA aux locations de « fourreaux », je peux d'ores et déjà vous indiquer que la mise à disposition de France Télécom d'une infrastructure moyennant le paiement d'une rémunération est considérée comme une location d'immeuble nu.

Une telle location est en principe exonérée de TVA. Cependant, si la collectivité entend récupérer, par la voie fiscale, la TVA grevant les travaux d'enfouissement qu'elle a supportés, elle peut choisir de soumettre à la TVA les loyers que lui verse France Télécom.

Dans cette hypothèse, les collectivités locales pourront déduire la taxe sur les travaux puisque les dépenses concernées seront engagées en vue de la réalisation d'une opération soumise à la TVA.

Bien entendu, il faut également que le montant du loyer soit fixé de manière que soit effectivement répercuté sur l'utilisateur le coût de l'investissement.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Je voudrais remercier Mme la ministre de ces éléments de réponse. Nous sommes sur la bonne voie, et j'espère que les mesures annoncées ne tarderont pas à être mises en oeuvre. Je forme des voeux pour que vos services et ceux du ministère des finances se montrent plus rapides et plus efficaces que le ministère de la culture ! En effet, ce dernier nous avait annoncé une prochaine réforme concernant les recherches archéologiques. Or le projet de loi qui devait être soumis au Parlement au mois de janvier ne pourra être examiné par celui-ci qu'en juin, si l'actualité le permet, voire en septembre ! J'espère donc que les délais ne seront pas aussi longs pour le traitement du dossier qui nous occupe ! Je vous fais confiance, madame la ministre, et attends avec intérêt et impatience la mise en oeuvre des solutions que vous nous avez présentées.

MODALITÉS DE VERSEMENT DES AIDES

AUX ENTREPRISES D'INSERTION

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 263, adressée à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

M. Francis Grignon. Ma question porte sur les modalités du versement de l'aide de l'Etat aux entreprises d'insertion.

En effet, le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité verse à ces entreprises une dotation, pour l'heure annuelle, visant à compenser le coût engendré par l'encadrement supplémentaire indispensable et par la moindre rentabilité des salariés concernés. Or, au mois de mai, ces aides n'avaient pas encore été versées dans ma région, l'Alsace.

On imagine les difficultés de trésorerie et de gestion que cela entraîne pour les entreprises d'insertion. Par conséquent, ma question sera simple, monsieur le secrétaire d'Etat : à l'instar de ce qui est pratiqué pour les contrats emploi-solidarité, ne serait-il pas possible d'instaurer un versement mensuel de cette dotation, ce qui permettrait un meilleur fonctionnement des entreprises concernées, qui, comme vous le savez, ne roulent pas sur l'or ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. François Fillon, actuellement retenu par d'importantes négociations et qui m'a demandé de vous répondre.

Les structures d'insertion par l'économique jouent un rôle irremplaçable dans l'insertion sociale et professionnelle des personnes qui, pour des raisons diverses, ne peuvent accéder directement à un emploi ordinaire. Elles ont acquis, au fil des années, un véritable savoir-faire dans la définition de parcours d'insertion, dans l'accompagnement, la remotivation et la requalification de personnes souvent en grande difficulté. Elles constituent, de ce fait, l'un des instruments essentiels de la politique de lutte contre l'exclusion.

Nous sommes soucieux d'assurer la pérennité des structures d'insertion et de faciliter leur fonctionnement. Dans ce dessein, un ensemble de mesures ont été prises, au cours de l'année écoulée, visant à répondre au voeu formulé par le Conseil national de l'insertion par l'économique.

Nous sommes tout à fait conscients des difficultés que connaissent les entreprises d'insertion en raison des délais excessifs de versement des aides de l'Etat, ainsi d'ailleurs, monsieur le sénateur, que des concours du fonds social européen. Une réforme des modalités de financement de ces aides est actuellement à l'étude, en vue précisement de permettre un paiement mensuel. Il est envisagé de mettre en oeuvre le nouveau dispositif dès le 1er janvier 2004.

Cela étant, les retards dans le versement des aides aux entreprises d'insertion, s'ils trouvent leur origine dans la lourdeur des procédures, sont également liés aux gels de crédits. En effet, ces derniers ont fait l'objet, comme l'ensemble des crédits de report, de mises en réserve. L'objectif du Gouvernement est d'assurer ainsi la maîtrise de la dépense en 2003, sans naturellement remettre en cause les engagements de l'Etat.

C'est la raison pour laquelle des discussions sont en cours pour décider dans les tout prochains jours des aménagements à apporter à ce dispositif. Dans ce cadre, les crédits de l'insertion par l'économique sont, aux yeux du Gouvernement, tout à fait prioritaires.

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.

M. Francis Grignon. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de cette réponse très positive. Mais il convient de faire vite, je tiens à le souligner !

SITUATION DES SITES

GIAT INDUSTRIES DE LA LOIRE

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, auteur de la question n° 269, adressée à Mme la ministre de la défense.

Mme Josiane Mathon. Madame la ministre, l'accord de méthode signé par les représentants syndicaux et la direction de GIAT Industries prévoit un délai de quatre mois pour la présentation d'un projet pour l'entreprise.

Pourtant le Gouvernement, sans concertation avec les élus, sauf avec ceux qu'il a choisis, a annoncé, lors du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, du 26 mai, des mesures préfigurant la fermeture du site de Saint-Chamond et la réduction de celui de Roanne. Je limite ici mon propos à mon département de la Loire.

Vous n'avez donc aucune confiance en l'actuelle procédure d'élaboration de propositions de rechange au démembrement de GIAT Industries. Si vous vouliez discréditer le dialogue social en cours, vous ne vous y prendriez pas autrement ! Vous semblez même considérer par avance que la concertation sera stérile.

A examiner de près les annonces formulées à l'occasion du CIADT, on mesure qu'il s'agit surtout d'effets d'annonce, sans grand rapport avec l'enjeu industriel.

Il en est ainsi de la construction prévue d'une prison, du financement d'une salle de spectacles ou de la création d'un centre international de design, quel que soit par ailleurs l'intérêt de ces projets.

En outre, comment rendre crédible la création d'un centre européen de la mécanique des biens d'équipement industriels si l'on se prive de GIAT Industries, de ses outils, de ses savoir-faire ?

En effet, GIAT Industries, avec plus de 2 000 salariés, est la plus grande entreprise industrielle de la Loire. Sa présence irrigue le tissu économique local, contribue à la diffusion des progrès technologiques par le biais de collaborations, notamment dans le domaine de la mécanique, avec le secteur privé, constitué essentiellement de petites et moyennes entreprises, qui traversent d'ailleurs une grave crise.

A la fin du premier trimestre de l'année 2003, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME a tiré la sonnette d'alarme à propos de la multiplication des dépôts de bilan de PME, qui contribue à l'aggravation du chômage. La liste s'allonge au fil des mois...

Madame la ministre, vous mettez sur la table un milliard d'euros pour le « plan Vigneron », auxquels s'ajoutent 350 millions d'euros au titre du CIADT. Pour l'heure, cette masse d'argent public est affectée à la suppression d'emplois, ceux de GIAT Industries, sans que de réelles perspectives soient ouvertes, sauf démonstration du contraire !

Vous nous assurez, madame la ministre, que chaque salarié se verra proposer un reclassement. Outre que cela est faux pour les salariés sous convention collective, vous convaincrez difficilement les salariés proches de la retraite d'aller refaire leur vie à plusieurs centaines de kilomètres de leur foyer !

Aussi vous fais-je une proposition, madame la ministre : parallèlement au dialogue social en cours, le Gouvernement pourrait organiser, sous l'égide du préfet, une table ronde réunissant les forces vives du département - élus, chambres consulaires, partenaires sociaux - afin d'ébaucher ce que le département de la Loire peut attendre concrètement d'un véritable plan de relance de l'emploi industriel, en plaçant GIAT Industries au coeur de celui-ci.

Si vous acceptiez enfin de prendre en considération les compétences des salariés de cette entreprise, vous vous apercevriez que des possibilités de coopérations renforcées existent, par exemple dans le secteur ferroviaire, pour lequel le site de Saint-Chamond a déjà oeuvré. Sur ce point, les besoins et les acteurs industriels sont identifiés. Ne manque plus que votre volonté, madame la ministre !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Madame le sénateur, je ne relèverai pas les quelques contradictions que recèlent votre propos et votre analyse, de même que je ne reviendrai pas sur le fond du dossier, puisque nous avons déjà eu l'occasion d'en débattre.

Vous le savez comme moi : les atermoiements, le manque de courage, les erreurs commises à l'occasion des derniers plans sociaux font que GIAT Industries se trouve aujourd'hui dans une situation qui aurait pu conduire à sa disparition pure et simple. Le Gouvernement, qui a la volonté de maintenir une industrie de l'armement terrestre, a décidé de sauver GIAT Industries, en faisant preuve de réalisme, à rebours de ce qui avait été fait dans le cadre des derniers plans sociaux.

Etre réaliste, c'est prendre en compte la réalité, à savoir l'existence d'une perte de quatre milliards d'euros pour les dix dernières années, ainsi que la disparition de plus de 60 % du plan de charge de GIAT Industries, compte tenu de la fin du programme du char Leclerc.

La situation est donc difficile, notamment pour les salariés. Il convient de ne pas les bercer d'illusions, ni de les abandonner. Telle est la ligne que le Gouvernement a décidé de suivre, en demandant à l'entreprise de lui proposer un plan ouvrant une véritable perspective industrielle. Il devra permettre de donner aux salariés qui resteront dans l'entreprise l'assurance qu'ils pourront y faire une vraie carrière, sans connaître un nouveau plan social tous les trois ou cinq ans, et à ceux qui perdront leur emploi de véritables possibilités de reclassement. L'Etat, quant à lui, assume totalement ses responsabilités vis-à-vis des fonctionnaires et des ouvriers sous décret.

Par ailleurs, ont été mises en oeuvre des procédures pour les salariés qui sont sous convention collective. Enfin, le Gouvernement a fait en sorte qu'une politique d'aménagement du territoire permette aux collectivités locales de voir un certain nombre de remplacements.

D'ores et déjà, des actions ont été menées, y compris par votre Haute Assemblée qui, voilà quelques semaines à peine, a voté une disposition facilitant la reconversion d'un certain nombre de salariés. De la même façon, depuis plusieurs mois, nous travaillons avec des élus locaux pour trouver des occasions et des moyens de réactiver ou d'installer des entreprises sur les différents sites qui sont aujourd'hui menacés. C'est cela qui est en cause.

Comme vous, je souhaite qu'un dialogue puisse s'instaurer, à tous les niveaux. Dans cet esprit, la direction de l'entreprise a négocié un accord de méthode, qui, je le rappelle, a été adopté à l'unanimité des partenaires, le 12 mai dernier.

Cet accord donne aux représentants du personnel des délais et des moyens exceptionnels pour analyser le plan et faire des propositions : il prévoit notamment l'assistance de deux experts au lieu d'un seul, un allongement des délais légaux de la discussion, ainsi que l'ouverture par l'entreprise de toutes les banques de données nécessaires aux experts démontrant par là même la détermination de l'entreprise à participer à ces travaux de manière constructive et ouverte. L'Etat, pour sa part, fera de même en communiquant notamment toutes les informations sur ses intentions de commandes, qui seront reprises dans un contrat d'entreprise. Il s'agit là d'actions très concrètes.

Considérez-vous, madame le sénateur, que nous devrions tout stopper aujourd'hui en attendant et nous désintéresser de ce qui peut constituer l'avenir des régions et des salariés ? Cela n'est pas mon sens de la responsabilité.

Je crois, au contraire, que nous devons tous travailler, et je m'y emploie depuis plusieurs mois avec les élus locaux et les syndicats, pour trouver un certain nombre de solutions qui pourront se mettre en place dans les trois années que durera l'action de réajustement que nous avons souhaitée pour l'entreprise.

Aujourd'hui, il convient de tenir le langage de la vérité à l'égard de tous. C'est ce que nous faisons, avec détermination.

M. Georges Mouly. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Madame la ministre, mon propos n'est pas de tout arrêter. GIAT en est à son sixième plan et chacun a vu, hélas ! les problèmes qui en ont résulté, tant sur le plan industriel que sur le plan social. Il s'agit aujourd'hui de dire qu'il y a peut-être une possibilité de reconversion sans procéder à l'éclatement de l'entreprise. GIAT Industries pourrait constituer un pôle industriel avec d'autre partenaires, locaux, nationaux, voire internationaux. J'ose espérer que les propositions alternatives seront également entendues.

SITUATION DE GIAT INDUSTRIES

ET DE L'INDUSTRIE DE DÉFENSE

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, auteur de la question n° 273, adressée à Mme la ministre de la défense.

Mme Hélène Luc. Madame la ministre, le constat sur GIAT Industries est très préoccupant.

L'annonce du sixième plan de restructuration « GIAT 2006 » aurait pour conséquence, s'il était maintenu, la fermeture de trois sites et la suppression de 4 000 emplois.

Ainsi, comme vous l'a dit mon amie Mme Josiane Mathon, s'agissant de la Loire, des bassins d'emploi entiers seront durement touchés par cette décision, qui non seulement jettera dans l'incertitude et le dénuement des hommes et des femmes, leur famille et leurs proches, mais qui frappera également l'économie des départements concernés. Je connais bien la Loire, département qui, après avoir subi de plein fouet la fermeture des mines, des usines textiles, de l'armurerie de Manufrance, connaît maintenant la fermeture de GIAT Industries.

Déjà affectés par cinq plans de restructuration successifs, les personnels de GIAT Industries se battent pour que leur entreprise puisse dépasser la lourde crise qu'elle connaît. Tous ces salariés sont hautement qualifiés, attachés à leur emploi et à la mission nationale qui est la leur.

Tous sont conscients des difficultés présentes aujourd'hui et tous réfléchissent pour avancer des idées et des contre-propositions au plan qui a été annoncé. Déjà, des possibilités sont envisagées, comme la diversification de la production et l'accent porté sur la recherche.

Après être intervenue à plusieurs reprises auprès de vous, madame la ministre, et de M. Vigneron, lors de son audition devant la commission des affaires étrangères, et comme le demandaient les syndicats tous unis, nous avons obtenu - c'est appréciable ! - qu'un accord de méthode soit signé entre la direction et tous les représentants des personnels repoussant au mois de septembre le comité central d'entreprise et laissant le temps à la discussion et au dialogue.

Pourtant, le récent amendement portant sur le reclassement des salariés que vous avez déposé à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi qui était initialement consacrée à la seule entreprise DCN va à l'encontre de cela, même si vous ne lui donnez pas la même signification que nous.

Pour le justifier, vous avez déclaré devant le Sénat que cette décision avait été annoncée de longue date. Mais le fait qu'elle ait été annoncée de façon évasive lors du budget et de la loi de programmation militaire ne présageait pas la prise d'une telle mesure, qui plus est le jour même où les représentants du personnel et la direction de GIAT Industries se mettaient d'accord pour signer un accord d'entreprise !

La tenue d'un récent comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, CIADT, par M. le Premier ministre, n'a pas non plus apporté de réponse positive sur GIAT Industries, comme l'a démontré mon amie Mme Josiane Mathon. Bien qu'il ait débloqué 127 millions d'euros qui s'ajouteraient au milliard d'euros déjà prévu pour financer le plan GIAT 2006, les effectifs de l'entreprise seraient ramenés à 2 230 salariés. Quel gâchis ! En effet, plutôt que de répondre aux véritables attentes et demandes des salariés, le CIADT n'a fait que masquer les besoins de cette entreprise, mais aussi des bassins d'activité dont ces salariés dépendent.

Le GIAT doit être la garantie d'une industrie nationale de l'armement dans laquelle l'Etat occupe une place prépondérante, car elle ne saurait dépendre des seules lois du marché. Un démantèlement de l'entreprise au profit du secteur privé aurait des conséquences désastreuses aussi bien sur le plan national qu'à l'échelon européen, et même mondial. Il faut impérativement que soit mis en place un véritable pôle public de l'armement dans lequel GIAT Industries aurait toute sa place.

C'est pourquoi je vous demande, madame la ministre, que le plan Vigneron soit retiré et que s'engage une discussion nationale sur de véritables projets alternatifs dont l'objectif est d'éviter à terme la disparition pure et simple de l'entreprise et les effets néfastes sur l'industrie de l'armement nationale et, au-delà, européenne.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Chaque fois que l'on aide les salariés ou les collectivités locales, il ne faut pas que cela soit critiqué, madame le sénateur. Si le Gouvernement veut conserver et sauver une industrie terrestre de l'armement au centre de laquelle se trouve GIAT, il ne convient pas pour autant d'éliminer toute solution pour aider les salariés ou les collectivités, comme il ne faut pas non plus fermer les yeux sur la réalité.

Comme je l'ai rappelé en répondant à Mme Mathon, un accord de méthode, qui permet une véritable négociation, globale, du plan de renouveau, a été accepté à l'unanimité. Je constate donc que les syndicats sur place sont moins extrémistes que vous, si je puis dire, puisqu'ils sont d'accord pour discuter ce plan que vous refusez systématiquement.

L'accord de méthode offre un large espace d'analyse et de discussion au niveau de l'ensemble de l'entreprise. Il permettra à chacun d'approcher, si besoin en était, globalement sa situation économique et sociale.

Je note d'ailleurs que les syndicats, avec lesquels je dialogue depuis plusieurs mois, ont une vision saine de la réalité de l'entreprise, et, par conséquent, des mesures qui doivent être prises pour l'adapter à la réalité de la commande.

Le Gouvernement a clairement défini les rôles et les responsabilités de chacun dans ce dossier. Nous voulons une direction et des partenaires sociaux responsabilisés.

Trop souvent, au cours des dernières années et des derniers plans, on s'est immiscé dans la vie de l'entreprise, ce qui est déresponsabilisant pour tous et ce qui a conduit en partie à la situation actuelle, dont les salariés sont les premières victimes.

En signant un accord de méthode à l'unanimité, les partenaires sociaux ont fait la démonstration de leur sens des responsabilités. Eh bien, je vous le dis, madame le sénateur, faisons-leur confiance ! Et laissons donc la négociation sociale au niveau qui est le sien, c'est-à-dire au niveau de l'entreprise.

En ce qui concerne le développement économique des bassins, le Gouvernement a cadré la méthode de travail lors du CIADT du 26 avril.

Je vous signale que les premières mesures ont été annoncées. Cet élément est, lui aussi, important, car je connais l'angoisse des salariés et l'inquiétude des élus locaux. Il faut leur démontrer que si le Gouvernement leur dit qu'il va apporter un certain nombre de réponses, des réalisations concrètes interviennent. Et même si, comme je le rappelais tout à l'heure, la mise en place du plan durera trois ans, d'ores et déjà un certain nombre d'accords peuvent être passés entre GIAT Industries et des sociétés extérieures pour garantir des créations d'emplois directement affectés aux salariés de GIAT dont le poste serait menacé.

C'est là un élément susceptible de rassurer et qui reflète ce que doit être notre sens de la responsabilité.

Dans ce dossier, madame le sénateur, nous n'avons que trop attendu. Or, plus on attend, plus nombreux sont les salariés qui risquent d'être victimes. Le Gouvernement a fait le choix de l'action dans un esprit de dialogue social - j'en veux pour preuve l'accord de méthode signé à l'unanimité - et de responsabilisation. Je puis vous garantir qu'il tiendra ses engagements. Il a commencé à en faire la démonstration ; il en fera la totale démonstration sur le plan social et sur le plan territorial.

Plutôt que de lancer un énième débat général sur l'industrie de l'armement terrestre en France, mieux vaut aujourd'hui, et dans l'intérêt de tous, agir avec détermination et lucidité. C'est ainsi que nous réussirons le redressement de GIAT Industries et que nous garantirons la vie et le développement de nos régions.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Madame la ministre, aujourd'hui 3 juin 2003, de très grandes manifestations et des grèves ont lieu dans toute la France. De très nombreuses corporations - il est impossible de toutes les citer - sont concernées. On peut dire que la lutte des salariés de GIAT fait partie des luttes très importantes et exceptionnelles qui sont menées actuellement.

Les employés de GIAT, comme beaucoup d'autres, se battent pour un véritable service public, pour l'emploi et pour de meilleurs salaires. Reconnaissez, madame la ministre, qu'en luttant pour l'emploi ils contribuent à régler le problème du financement des retraites. En effet, plus le nombre de personnes qui travaillent et donc qui cotisent sera élevé et plus, c'est une évidence, les caisses de retraite seront alimentées. Il faut donc non pas supprimer des emplois, comme on le fait en ce moment, mais en créer.

Madame la ministre, vous dites que je suis plus extrémiste que les syndicats. En l'occurrence, je joue simplement le rôle qui est le mien et, parce que je suis d'accord avec les syndicats, je ne fais que relayer leur demande : l'octroi d'un laps de temps supplémentaire pour discuter, pour qu'un débat national ait lieu. Par cohérence, et avant que les décisions soient prises, ils demandent, comme nous, que ce plan soit retiré. Ensuite, nous ferons des propositions.

Votre réponse, madame la ministre, n'est pas satisfaisante. Les intentions et les positions du Gouvernement sont loin d'être à la hauteur des attentes et des espérances des salariés de GIAT et de l'approche dont doit faire l'objet l'industrie française de l'armement, j'y reviens car c'est essentiel. On a effectivement trop attendu : les gouvernements, y compris le gouvernement de gauche, auraient dû prendre en main cette situation bien plus tôt.

Le devenir de cette entreprise ne doit pas se jouer sur des spéculations. Vous agissez comme si le sort de GIAT était déjà scellé : vous vous projetez dans un futur incertain loin d'être inéluctable puisque le présent n'est pas encore déterminé.

Les salariés de GIAT se mobilisent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen resteront mobilisés à leurs côtés pour que l'avenir de l'entreprise soit enfin envisagé de manière positive - avec des avancées, de réelles perspectives d'avenir -, et non pas de manière négative comme c'est le cas actuellement avec les suppressions d'emplois et les fermetures de sites.

SITUATION DES PERSONNES

HANDICAPÉES PSYCHIQUES

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 261, adressée à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.

M. Georges Mouly. Madame la secrétaire d'Etat, parmi les handicaps, le handicap psychique est sans doute l'un des plus difficiles à aborder. La solution est en effet d'autant plus délicate à trouver que sont concernés non seulement, bien sûr, les patients eux-mêmes, porteurs d'incapacités majeures qui les conduisent le plus souvent à se retrouver dans un isolement complet, mais aussi les familles - 600 000 familles sont concernées en France - souvent complètement démunies et qui vont, parfois, jusqu'à se détruire - je connais, hélas ! de telles situations - ainsi que les aides familiaux vieillissants, voire les professionnels qui s'usent à la tâche.

Face à ce problème, votre ministère conduisait une enquête tandis que quatre associations élaboraient un Livre blanc.

Il en ressort un plan d'urgence qui énonce la nécessaire reconnaissance de la notion même de handicap psychique, reconnaissance qui appelle des mesures visant à redonner dignité à la personne, à restaurer autant que possible son autonomie. Parmi ces mesures figurent la continuité des soins médicaux, la garantie des ressources minimales, l'obtention d'hébergements adaptés, la mise en oeuvre d'un accompagnement dans la cité, des services de protection juridique personnalisés et des services d'insertion vers le travail. Ces mesures sont certes plus faciles à énoncer qu'à mettre en place, mais tel est bien l'objectif que nous devons atteindre.

La collectivité nationale doit donc être en mesure d'accepter progressivement le handicap psychique, de garantir à la personne concernée un suivi médical, psychologique et social, d'autant que, depuis 1960, 80 % des sujets souffrant de troubles psychiques vivent dans la cité.

Une proposition de loi, qui a été déposée récemment, reconnaît le handicap psychique comme un handicap à part entière, au même titre que les handicaps moteurs, sensoriels ou mentaux, et pose le principe de la liberté de choix de vie.

« Il n'y a pas de temps à perdre », a-t-on écrit récemment à ce sujet. D'où ma question, madame la secrétaire d'Etat : quelles propositions pensez-vous pouvoir formuler quant à la place, à tous égards, de la personne handicapée psychique dans notre société ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, la maladie mentale peut être responsable d'un véritable handicap, le handicap psychique, qui appelle des réponses appropriées.

Le 3 décembre dernier, devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH, le Président de la République a reconnu que les réponses restaient encore, pour la plupart, à trouver.

Pour ne prendre que l'exemple de l'insertion professionnelle, la situation n'est pas brillante : 27 % des personnes qui entrent dans le régime d'invalidité sont admises pour maladie mentale et près d'un homme sur deux âgé de vingt ans à cinquante-neuf ans et ayant consulté dans les trois mois précédents pour troubles psychiatriques est au chômage.

C'est pourquoi M. Jean-François Mattei a confié une mission au docteur Philippe Cléry-Melin sur la réorganisation des soins en psychiatrie et l'articulation entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social.

S'agissant de leurs ressources, les personnes âgées handicapées psychiques peuvent bénéficier d'ores et déjà des prestations d'invalidité et de l'allocation aux adultes handicapés.

S'agissant de la protection juridique de ces personnes, une réflexion est engagée par MM. Christian Jacob et Dominique Perben.

Les collectivités territoriales se sont bien impliquées en développant les services d'accompagnement à la vie sociale. Mais il nous faut prolonger cet effort par des réponses médico-sociales sous forme soit de services médicalisés, soit de places en établissement.

S'agissant du développement de services d'accompagnement médico-sociaux, un décret en application de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale est en préparation. Il sera soumis prochainement à la concertation des associations, et notamment de l'Union nationale des amis et familles de malades mentaux, l'UNAFAM.

S'agissant des établissements, les structures de travail protégé, au sein desquelles 3 000 places supplémentaires ont été créées en 2003, sont de nature à améliorer l'insertion des personnes handicapées psychiques.

Tous ces efforts devront être poursuivis et amplifiés dans les années à venir.

Monsieur le sénateur, soyez sûr que le handicap psychique sera traité à part entière dans le projet de réforme de la loi de 1975, au même titre que les handicaps physiques sensoriels et mentaux.

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de toutes les précisions que vous avez apportées concernant les efforts déjà réalisés en faveur des handicapés psychiques.

Je vous ai posé cette question parce que j'ai rencontré des familles en plein désarroi, désorientées, qui ont le sentiment - à tort certes, puisque des efforts sont faits - d'être quelque peu délaissées.

Il est vrai qu'en cette année 2003, année européenne des handicapés, la déclaration que le Président de la République a prononcée le 3 décembre 2002 et le fait qu'il ait inscrit parmi ses trois priorités le travail à effectuer en faveur des handicapés ont redonné de l'espoir à ces familles et aux responsables de l'UNAFAM.

J'ai bien noté que, dans le cadre de la révision de la loi de 1975, tout serait mis en oeuvre pour que ce type de handicap soit pris en considération à part entière. Dans ce travail, vous recevrez tout notre soutien, madame la secrétaire d'Etat.

MAINTIEN À DOMICILE DES PERSONNES

LOURDEMENT HANDICAPÉES

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, auteur de la question n° 266, adressée à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.

M. Philippe Richert. Madame la secrétaire d'Etat, traditionnellement hébergées en structures spécialisées, les personnes lourdement handicapées sont maintenant de plus en plus nombreuses à vouloir se maintenir dans leur environnement familier. Or les prestations légales seules sont insuffisantes pour permettre le financement des aides nécessaires à leurs besoins.

Une circulaire de la direction générale de l'action sociale du 11 octobre 2002 fait état de projets expérimentaux et encourage les services de l'Etat à se rapprocher des conseils généraux afin de déterminer en commun des dispositifs et des modes de financement. Par voie de fait, les dispositifs mis en place sont très variables d'un département à l'autre.

En réalité, il apparaît que seuls les dossiers qui ont connu la plus forte médiatisation sont aujourd'hui pris en compte. Il s'ensuit des situations d'inéquité flagrante, difficilement acceptables, d'un département à l'autre, mais aussi entre personnes concernées.

L'harmonisation des dispositifs et leur généralisation dans un texte qui viserait à réformer la loi d'orientation de 1975 en faveur des personnes handicapées sont donc nécessaires et urgentes.

Pouvez-vous nous dire, madame la secrétaire d'Etat, si cette réforme, qui tiendrait compte de la prise en charge des personnes lourdement handicapées à domicile, est prévue dans un avenir proche.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, votre analyse est tout à fait exacte. J'y souscris totalement. Je le constate à chacun de mes déplacements, notamment en Alsace : les personnes très lourdement handicapées expriment de plus en plus le souhait de vivre à domicile, dans un environnement familier. Il est de notre devoir de leur faciliter un choix de vie.

Lorsque j'ai pris mes fonctions, en juin dernier, il n'y avait aucun dispositif en place pour répondre à cette attente.

C'est la raison pour laquelle est parue, en octobre 2002, une circulaire sur les auxiliaires de vie, donnant la priorité aux personnes lourdement handicapées.

J'ai réaffirmé cette priorité en mars 2003, lorsque ont été créés 1 235 nouveaux forfaits d'auxiliaires de vie, s'ajoutant aux 900 qui ont été créés en 2002. Cette décision a permis de tenir les engagements du plan triennal de 2000, malgré le retard pris par mon prédécesseur, puisqu'il y aura 5 000 forfaits d'auxiliaires de vie à la fin de cette année.

Ces nouveaux postes d'auxiliaire de vie s'ajoutent à des projets permettant l'intervention de personnels de maison d'accueil spécialisée ou de foyer d'accueil médicalisé au domicile de personnes lourdement handicapées. Ils se concrétiseront dans le courant de ce mois. S'y ajoutera la création de 282 places de services de soins infirmiers à domicile.

Ainsi, des solutions commencent à être apportées pour certaines personnes. Ces solutions sont individuelles. Elles prennent en compte la situation de chacun, au niveau familial, des ressources et du type de domicile.

A ce jour, trois forfaits d'auxiliaire de vie peuvent être attribués à chaque personne lourdement handicapée. Ce nombre peut être dépassé, mais à la condition d'avoir au préalable mobilisé tous les dispositifs existants : déplafonnement de l'allocation compensatrice pour tierce personne, l'ACTP, mobilisation des fonds de secours pour les caisses primaires ou régionales d'assurance maladie, prestations des centres communaux d'action sociale.

Monsieur le sénateur, j'ai bien conscience que les réponses données ne sont pas homogènes sur l'ensemble du territoire. Ce n'est qu'un début. J'attends, compte tenu de l'impulsion de l'Etat, un effort de la part aussi bien des collectivités territoriales que des organismes de protection sociale. Je les sais attentifs à ce problème, je le constate régulièrement.

La solution durable qu'il convient d'apporter aux personnes lourdement handicapées relève du contenu que le nouveau projet de loi réformant le dispositif adopté en 1975 donnera au droit à compensation.

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert.

M. Philippe Richert. Madame la secrétaire d'Etat, je veux tout d'abord rendre hommage à votre implication personnelle sur ce dossier, à l'écoute très attentive que vous accordez aux demandes qui se font jour, dans la mesure où vous acceptez volontiers de rencontrer les personnes concernées et d'ouvrir le dialogue.

Les solutions qui se mettent en place aujourd'hui permettent de répondre au cas par cas, mais souvent dans des conditions de parcours où les embûches sont encore trop nombreuses.

Il conviendrait d'éviter d'avoir à explorer trop de pistes nouvelles, ce qui implique chaque fois, pour la personne handicapée et pour sa famille, une dépense d'énergie importante dans des procédures beaucoup trop longues.

Il faudrait simplifier les démarches, c'est l'objectif de ma demande d'harmonisation des procédures.

Nous devons prendre conscience de l'inégalité que nous provoquons en traitant les cas des familles les plus connues, de ceux qui réclament avec le plus d'insistance. Il est inacceptable de laisser au second plan ceux qui ont moins l'occasion de se faire connaître.

C'est pourquoi je réitère avec insistance mon souhait de voir matérialisée dans un texte cette ouverture à tous ceux qui attendent, dans le silence, mais toujours dans la souffrance, que nous venions à leur rencontre.

Madame la secrétaire d'Etat, dans ce combat comme dans d'autres, nous serons toujours à vos côtés.

MISE EN SERVICE DU CAISSON HYPERBARE

DU CENTRE HOSPITALIER LOUIS-PASTEUR

DE CHERBOURG-OCTEVILLE

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la question n° 247, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur l'installation du caisson hyperbare attribué au centre hospitalier Louis-Pasteur de Cherbourg-Octeville.

A la suite de la décision de fermeture du centre hospitalier des armées par le ministère de la défense, le maintien dans le Nord-Cotentin d'un tel équipement, jugé indispensable par tous, avait en effet été acquis.

L'engagement ministériel correspondant s'était caractérisé par la possibilité d'inclure le surcoût du bâtiment accueillant ce caisson dans le programme de restructuration de l'établissement, à concurrence de 440 000 euros. L'engagement d'en accompagner le fonctionnement avait également été pris par le précédent ministre chargé de la santé.

Ainsi, par décision du 18 mars 2003, l'agence régionale de l'hospitalisation de Basse-Normandie a accordé une autorisation de fonctionnement au centre hospitalier Louis-Pasteur. Néanmoins, cette décision d'autorisation précise que « l'exploitation de cet équipement est subordonnée à l'attribution d'une enveloppe ministérielle spécifique, en sus de la dotation régionalisée limitative des dépenses hospitalières ».

L'établissement avait envisagé de mettre en service avant la fin de l'année 2003 ce caisson hyperbare, dont le fonctionnement exige un recrutement anticipé et une formation spécialisée du personnel.

C'est pourquoi il est indispensable que le centre hospitalier bénéficie d'un financement au moins six à neuf mois avant la mise en fonctionnement du caisson, c'est-à-dire sans délai.

Les dépenses nécessaires ont été évaluées par le conseil d'administration de l'hôpital à 281 000 euros pour l'installation du caisson - dépense non reconductible - et à 811 400 euros pour sa pérennisation - dépense reconductible.

Ces estimations n'ont fait l'objet, à ce jour, d'aucune observation de la part de l'ARH de Basse-Normandie.

C'est pourquoi je demande à M. le ministre que soient attribués rapidement les moyens nécessaires au fonctionnement de cet équipement indispensable, qui fonctionnait dans le Nord-Contentin. Chacun comprendra que, dans cette région maritime où, malheureusement, des accidents de plongée surviennent, un caisson hyperbare est tout à fait indispensable.

En tant qu'ancien président du conseil d'administration de l'hôpital Louis-Pasteur, permettez-moi de vous rappeler le plan de financement de l'équipement d'origine, qui date de 1995. Les collectivités territoriales ont participé à concurrence de 9 millions de francs, le ministère de la jeunesse pour 1 million de francs de même que la Fédération des sports sous-marins, les établissements COGEMA et EDF Flamanville, qui considéraient comme indispensable un tel équipement, chacun pour 1,5 million de francs, le ministère de la santé pour 3 millions de francs. Bref, l'investissement total représentait environ 40 millions de francs.

L'octroi des crédits nécessaires ne saurait éluder un problème essentiel rencontré à l'échelon local, à savoir la nécessité de constituer une équipe médicale dont le nombre et la qualification soient suffisants pour assurer l'astreinte indispensable sur ce genre d'équipement.

Ma question devait s'arrêter là, madame la secrétaire d'Etat, mais les événements récents me poussent à aller un peu plus loin sur deux points. En effet, le conseil d'administration du centre hospitalier Louis-Pasteur a décidé de ne plus siéger en l'absence de réponse aux questions qui se posent encore.

Ainsi, il manque aujourd'hui 17 millions d'euros en crédits de fonctionnement.

Pour faire face au surcroît d'activité engendré par la fermeture de l'hôpital des armées, des engagements avaient été pris. Ils ont été concrétisés en 2001 et 2002, ce qui a permis notamment l'embauche d'une centaine de personnes. Cette année, l'hôpital Pasteur aurait dû recevoir 8 millions d'euros au titre de la compensation par l'assurance maladie de cette fermeture et 9 millions d'euros au titre du surcoût d'exploitation pour 120 lits supplémentaires. Or, à ce jour, l'hôpital n'a rien reçu.

Madame la secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous assurer que les engagements seront tenus ?

Enfin, je terminerai mon propos par quelques remarques sur le plan « Hôpital 2007 ».

Le programme d'investissement proposé par le centre hospitalier Louis-Pasteur se décline en trois projets majeurs.

Le financement d'une liaison informatique permettra des échanges de clichés radiologiques numérisés entre le centre hospitalier de Cherbourg et celui de Valognes, situé à vingt kilomètres. Ce projet est indispensable pour favoriser la politique de rapprochement des deux hôpitaux, qui ont maintenant un directeur commun en attendant d'avoir un conseil d'administration commun. Le rapprochement, qui a été très difficile à opérer, s'inscrit dans la politique de complémentarité voulue tant par le gouvernement précédent que par le Gouvernement actuel.

Est également prévu le financement de travaux et d'équipements pour l'accélérateur de particules du service de radiothérapie. Il s'agit, là aussi, d'un accord passé entre le centre François-Baclesse, établissement privé caennais, et l'hôpital de Cherbourg. Cet accord a eu lieu il y a dix ans et s'inscrit toujours dans une logique de complémentarité régionale qu'il faut poursuivre.

Est enfin envisagé le financement de la reconstruction du service de néonatologie et de la restructuration du service de gynécologie-obstétrique, dont le classement en niveau 3, le seul en Basse-Normandie hors CHU, justifie à lui seul cette opération.

Ces trois opérations font partie d'une stratégie favorisant une meilleure organisation du système de soins qu'il serait dommage de ne pas poursuivre. Les premières indications venant de l'agence régionale de l'hospitalisation, l'ARH, laissent pourtant supposer qu'aucune de ces opérations ne serait retenue.

En conclusion, madame la secrétaire d'Etat, il serait dommage que les engagements pris après la fermeture de l'hôpital des armées - fermeture que nous n'avons jamais demandée - ne soient pas respectés. Cela conduirait, de fait, à une régression de la couverture hospitalière dans le Nord-Cotentin.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité appeler l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, dont je vous prie d'excuser l'absence, sur les conditions de fonctionnement du caisson hyperbare installé au centre hospitalier Louis-Pasteur de Cherbourg-Octeville.

Le ministre tient à rappeler que, lors de l'annonce de la fermeture du centre hospitalier des armées René Lebas, le centre hospitalier s'est vu confier le transfert du caisson hyperbare, le principe du maintien de l'ensemble des équipements lourds dans le Cotentin ayant, en effet, été posé.

Il convient de préciser que des moyens ont déjà été dégagés pour la réalisation de cette importante opération de restructuration du Cotentin.

En effet, l'agence régionale de l'hospitalisation, l'ARH, finance à un rythme régulier les premiers effets indiscutables de cette restructuration ; à ce jour, 14,698 millions d'euros ont déjà été alloués, hors investissements, permettant d'assurer la reprise programmée des activités, l'installation et le fonctionnement de l'IRM. Conformément à l'accord local, le scanner a été accordé à la polyclinique du Cotentin.

Le nouveau bloc médico-technique du centre hospitalier a dû être substantiellement modifié afin de permettre l'installation du caisson hyperbare. S'agissant de son fonctionnement, le surcoût ayant été assuré par l'agence régionale de l'hospitalisation, il a été demandé aux services de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins d'étudier les conditions de fonctionnement proposées, en lien avec l'ARH et l'établissement.

Il convient en effet de prendre en considération les besoins réels en tenant compte des difficultés de démographie tant médicale que paramédicale, notamment dans le Cotentin.

Le ministre a par ailleurs demandé à l'ARH d'intégrer ce dossier dans le contrat d'objectifs et de moyens en cours de négociation.

Vous voyez, monsieur le sénateur, que ce dossier qui vous tient à coeur fait actuellement l'objet d'un examen attentif de la part des services du ministère de la santé.

Quant aux questions annexes, qui ne sont pas parvenues aux service du ministère avant mon intervention, je les transmettrai fidèlement à M. Mattei, qui y répondra en temps utile.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la secrétaire d'Etat, j'ai adressé mes questions complémentaires au cabinet du ministre pour qu'il ne soit pas pris au dépourvu. Au demeurant, je sais bien que le délai était très bref !

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Je n'en ai pas eu connaissance !

M. Jean-Pierre Godefroy. J'en prends acte. M. le ministre, je suppose, me répondra ultérieurement !

J'en reviens à l'hôpital. En tant qu'ancien président du conseil d'administration, je peux vous dire qu'un véritable contrat avait été passé.

De toute façon, ce caisson hyperbare est tout à fait indispensable. Le rail de navigation passant à quelques kilomètres de Cherbourg, des accidents peuvent survenir quotidiennement. Tout le monde en avait donc reconnu la nécessité.

Aujourd'hui, en cas d'accident requérant l'utilisation d'un caisson hyperbare, il faudra aller au Havre ou à Brest, ce qui repoussera d'autant le moment de l'intervention. Or on sait qu'en la matière la rapidité de réaction est déterminante. Il faut donc que le caisson hyperbare soit opérationnel le plus rapidement possible.

Par ailleurs, je rappelle que le centre hospitalier Louis-Pasteur n'avait pas demandé à récupérer l'activité de l'hôpital des armées et que ce dernier a anticipé sa fermeture d'un an, si bien qu'aujourd'hui l'hôpital civil de Cherbourg est obligé de faire face à une activité qui n'était programmée que pour 2004.

Se font donc sentir des besoins en fonctionnement, d'où la question des crédits, sur laquelle vous ne m'avez pas répondu, madame la secrétaire d'Etat, mais également des besoins en personnel. Des locaux sont actuellement en construction, mais un personnel supplémentaire sera également nécessaire pour assumer ce surcroît d'activité, sauf à parvenir à une situation de blocage.

La politique de complémentarité que nous avons essayé de mener avec l'hôpital de Valognes, le CHU de Caen et le Centre Baclesse est tout à fait indispensable. En effet, la situation nous oblige à sortir de l'annualisation budgétaire et à « contractualiser » sur plusieurs exercices budgétaires.

J'espère que mon intervention et les réponses qui y seront apportées feront avancer les choses. Je ne manquerai pas d'interroger de nouveau M. le ministre de la santé sur les points qui restent en suspens.

CRÉATION D'UNE ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES

EN SANTÉ PUBLIQUE

M. le président. La parole est à Mme OdetteHerviaux, auteur de la question n° 267, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Mme Odette Herviaux. Madame la secrétaire d'Etat, dans le cadre de la préparation du projet de loi relatif à la politique de santé publique, M. le ministre de la santé envisage la création d'une Ecole des hautes études en santé publique ; nous avons bien entendu ses arguments.

Il existe déjà une Ecole nationale de la santé publique qui, près de soixante ans après sa fondation à la Libération, quarante ans après sa naissance institutionnelle et son implantation à Rennes, a su relever les paris souvent contradictoires de la formation des cadres supérieurs du secteur sanitaire et social.

Vous connaissez bien, madame la secrétaire d'Etat, cette grande école qui, faut-il le rappeler, est la plus importante école de formation de cadres du service public en France et a formé à ce jour plus de 10 000 professionnels de santé publique de haut niveau, tous très attachés à leur école. L'ENSP jouit, par ailleurs, d'une véritable reconnaissance internationale, notamment grâce à une double compétence rarement rencontrée ailleurs en santé publique et en management.

Chacun s'accorde à reconnaître que l'Ecole nationale de la santé publique relèvera d'autant mieux les défis de demain qu'elle sera dotée des outils juridiques, financiers et humains appropriés.

Un changement de statut susceptible de garantir l'attractivité et les compétences des équipes d'enseignement et de recherche, une ouverture européenne résolue, une capacité d'intervention en réseau avec d'autres institutions sont quelques-unes de ces pistes d'avenir que souhaite emprunter l'Ecole.

Mais, aujourd'hui, l'avenir de l'ENSP suscite de nombreuses craintes.

Sans que la moindre concertation ait eu lieu avec les principaux interlocuteurs concernés, c'est-à-dire avec ceux de l'ENSP, cet avant-projet de loi abrogerait purement et simplement l'article du code de la santé publique portant création de l'ENSP - il s'agit d'une loi de 1960 révisée en 1985 - au profit d'une Ecole des hautes études en santé publique aux contours et à la localisation indéfinis.

M. le ministre a toutefois déclaré récemment, à l'Assemblée nationale, que l'école de Rennes n'était menacée ni dans sa localisation ni dans sa vocation pédagogique, en précisant que c'est autour d'elle qu'il voulait créer, avec Luc Ferry, le réseau de formation en santé publique.

Nous prenons acte de cet engagement. Cependant, ces propos, qui se veulent rassurants, ne lèvent pas toutes les incertitudes.

Si l'ENSP doit voir son statut évoluer vers celui d'établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel et devenir ainsi cette Ecole des hautes études en santé publique, il faut dès à présent affirmer, sans la moindre ambiguïté, que le siège de cette future Ecole des hautes études en santé publique restera bien à Rennes.

Au moment où le Gouvernement plaide à juste titre en faveur de la décentralisation et de ce qui me semble être son corollaire indispensable, c'est-à-dire la déconcentration des services de l'Etat, il serait en effet inconvenant d'organiser son transfert vers Paris ou d'y localiser les missions nobles en ne conservant à Rennes que celles qui sont considérées comme « secondaires ».

L'ENSP n'a pas, en effet, vocation à se cantonner au seul champ de la formation à la gestion.

Une telle remise en cause de sa mission globale de santé publique serait inacceptable et ne pourrait que susciter une hostilité unanime, tant des professionnels de la santé publique que des Bretons, attachés comme nous, madame la secrétaire d'Etat, à la présence dans leur région de cette grande école implantée à Rennes par le gouvernement de Michel Debré, au nom, précisément, d'une politique volontariste de décentralisation.

Madame la secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous confirmer, d'une part, la pérennité de l'ENSP et son développement, et, d'autre part, l'éventuelle localisation à Rennes, à partir de l'ENSP, de cette Ecole des hautes études en santé publique ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Madame le sénateur, vous avez souhaité attirer l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur le devenir de l'Ecole nationale de la santé publique, installée à Rennes.

Elue de Bretagne, votre préoccupation est très légitime. Etant moi-même élue de Bretagne, je la partage. La réponse que j'y apporterai sera, me semble t-il, en mesure de vous rassurer.

Non seulement le Gouvernement n'a pas l'intention de supprimer l'Ecole nationale de la santé publique - dans quelle langue faut-il le dire ? - mais il a, au contraire, la volonté de la renforcer en la dotant d'une capacité diplomante qui lui fait défaut actuellement.

En matière de santé publique, les compétences de l'Etat se sont considérablement enrichies et s'étendent de la lutte contre les épidémies à la gestion d'établissements sanitaires et sociaux, ou encore à l'amélioration de la qualité des soins.

Or notre dispositif de formation n'est pas à la hauteur de ces nouveaux besoins et c'est pourquoi il est proposé de transformer l'Ecole nationale de la santé publique en établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel.

Cet établissement permettra de mettre en réseau les compétences existantes. Plutôt que de créer une structure de plus, il nous a semblé préférable de transformer l'ENSP. Nous souhaitons ainsi concevoir un schéma national de formations en santé publique utilisant au mieux les spécificités de chacun des sites concernés.

S'agissant de l'ENSP, ni sa localisation, madame le sénateur, ni sa vocation pédagogique, notamment en matière de gestion des établissements de santé, de formation des corps d'inspection ou de santé environnementale, ne sont menacés.

Ce dispositif permettra, au contraire, de renforcer l'école en lui permettant de délivrer des diplômes reconnus au plan européen.

Enfin, si la solution juridique retenue fait l'objet d'un très large consensus, le décret constitutif de cet établissement devra être soigneusement préparé au travers d'une large concertation au cours des mois à venir.

INDEMNISATION DES SINISTRÉS

DU NAUFRAGE DU PRESTIGE

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 264, adressée à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.

M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au lendemain de la douloureuse épreuve causée par le naufrage du Prestige et face à l'incapacité du Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, le FIPOL, d'acquitter la facture du sinistre, vous comprendrez qu'il est de mon devoir d'alerter à nouveau le Gouvernement sur l'inquiétude ô combien légitime des victimes de cette catastrophe.

Des mesures ont été prises par l'Etat : alors que l'enveloppe initiale prévue par le Gouvernement - 50 millions d'euros - est épuisée, les maires du littoral atlantique comptent sur une rallonge de 17 millions d'euros pour poursuivre le ramassage des pollutions résiduelles. Il n'appartient bien évidemment pas aux ostréiculteurs, aux pêcheurs, aux professionnels du tourisme et aux collectivités locales d'assumer les conséquences des comportements irresponsables et scandaleux des pétroliers pollueurs.

Le montant des dégâts ayant été estimé à 1 milliard d'euros, le taux d'indemnisation à 15 % proposé par le FIPOL est très faible. Mme la ministre de l'écologie et du développement durable a d'ailleurs fait part de son indignation face à ce taux ridiculement bas, estimant que l'Etat ne doit pas solliciter d'indemnités tant que les personnes privées ne seront pas indemnisées.

Il est inacceptable de maintenir le taux d'indemnisation à un niveau aussi dérisoire. Même si les pays de l'Organisation maritime internationale ont pris la décision récemment, d'un commun accord, d'augmenter le montant des fonds de 171,5 millions d'euros à 950 millions d'euros, cette décision ne peut profiter aux victimes du Prestige puisqu'elle n'est pas rétroactive.

Je voudrais, madame la secrétaire d'Etat, profiter de l'opportunité qui m'est donnée pour vous poser quelques questions.

Premièrement, pourquoi l'Etat français n'a-t-il rien demandé à la Commission européenne ?

Deuxièmement, où en est l'épave du Prestige ? Nous souhaiterions obtenir des informations sur ce point.

Troisièmement, comment se fait-il que l'Etat espagnol ait sollicité le FIPOL, alors qu'il est responsable de cette catastrophe écologique et économique ?

Quatrièmement, enfin, M. Alain Juppé avait annoncé des fonds structurels européens relevant de l'objectif 2 et le commissaire européen M. Michel Barnier avait promis les mêmes aides financières à la faveur de la crise. Or, pour l'instant, on n'en a pas vu la couleur. Qu'en est-il aujourd'hui ?

J'ajouterai que le commissaire européen M. Fischler avait annoncé la possibilité de mesures identiques à celles qui ont été prises en Galice pour les ostréiculteurs, pêcheurs et conchyliculteurs par le truchement de l'instrument financier d'orientation de la pêche, l'IFOP. Or la France, semble-t-il, n'a jamais saisi la Commission. Pourquoi ? Le Gouvernement compte-t-il le faire, madame la secrétaire d'Etat ?

Dans l'attente de ces précisions, vous me permettrez d'espérer voir enfin appliquer le principe du pollueur-payeur, de façon à responsabiliser les auteurs de ces désastres écologiques.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, le Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, le FIPOL, est une organisation intergouvernementale à vocation mondiale qui a pour objet de verser une indemnisation pour les dommages par pollution résultant de déversements d'hydrocarbures persistants. Ce fonds est alimenté par les cotisations des importateurs de pétrole.

L'indemnisation par le FIPOL des victimes de la catastrophe du Prestige est actuellement limitée à environ 171,5 millions d'euros. Par ailleurs, ces indemnités doivent avoir un taux équivalent pour chacune des victimes.

Or l'évaluation du préjudice subi par les victimes de la pollution du Prestige, ajoutée aux dépenses effectuées par l'Etat pour lutter contre cette pollution, semble dépasser, à ce stade, le plafond du FIPOL. En effet, l'Espagne annonce un préjudice situé entre 300 millions d'euros et 1 milliard d'euros. Quant à la France, nous devrons attendre la fin de la saison touristique pour procéder à une évaluation précise, mais, d'ores et déjà, environ 50 millions d'euros ont été dépensés sur le fonds POLMAR - le plan de lutte contre les pollutions marines - pour financer les opérations de lutte en mer et à terre menées par les services de l'Etat, les collectivités et les associations.

Au regard de cette situation, le comité exécutif du FIPOL a donc décidé, en mai 2003, de fixer un taux d'indemnisation provisoire des victimes à 15 %, ce qui est évidemment choquant. Pour le Gouvernement, seul un taux d'indemnisation des victimes à 100 % serait convenable.

C'est pourquoi, pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise à l'avenir, la France a obtenu, après d'importants efforts, qu'une conférence diplomatique puisse être tenue en mai 2003 afin de modifier la convention actuelle. Cette conférence s'est conclue sur un accord permettant une augmentation du plafond d'indemnisation à environ 1 milliard d'euros. La France s'est engagée à ratifier très rapidement cette convention pour lui permettre d'entrer en vigueur dans les meilleurs délais.

Afin de prévenir ces catastrophes, nous renforçons, avec Gilles de Robien et Dominique Bussereau, notre dispositif de sécurité maritime : 25 % des navires dangereux sont aujourd'hui inspectés et nous avons éloigné de nos côtes plus de cinquante navires poubelles qui risquaient de les polluer.

Enfin, en parallèle, un certain nombre de mesures d'aide aux secteurs professionnels les plus touchés - conchyliculture et tourisme - ont d'ores et déjà été mises en place par le ministre de l'agriculture, Hervé Gaymard, et le secrétaire d'Etat au tourisme, Léon Bertrand.

M. le président. La parole et à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Je vous remercie de cette réponse madame la secrétaire d'Etat. Je connais l'implication de Mme la ministre de l'écologie face à cette catastrophe, mais je m'aperçois qu'il est quand même plus facile de faire payer les particuliers et les Etats que les entreprises multinationales ! Dans ces conditions je me demande comment vous ferez pour indemniser la totalité du préjudice causé par la catastrophe du Prestige, car si l'on devait en rester là, les victimes n'auraient droit qu'à une compensation.

Pour prendre un exemple concret cité par le journal Sud-Ouest, un ostréiculteur arcachonnais qui aurait subi un préjudice estimé à 1 000 euros percevrait 150 euros et devrait s'asseoir sur les 850 euros restants. Voilà tout le problème, et il faudra le résoudre !

CONDITIONS DE FINANCEMENT

DES INVESTISSEMENTS DES COMMUNES

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 240, adressée à M. le ministre délégué aux libertés locales.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, les maires ont à coeur de gérer de façon économe les deniers de leurs concitoyens.

A ce titre, ils tentent, dans la mesure du possible, la trésorerie de leur commune n'étant pas trop abondante, de mobiliser en dernière extrémité les emprunts à long terme nécessaires au financement des programmes d'investissement et de gérer leur commune à la manière d'une entreprise. Ce faisant, ils peuvent néanmoins être confrontés de manière ponctuelle à des difficultés.

Ainsi, lorsqu'une commune modeste décide de réaliser un investissement particulièrement lourd eu égard à son propre budget général - dont le financement est multiple : fonds propres, subventions départementales, régionales, voire européennes, emprunts, etc. -, elle peut très rapidement être confrontée à un problème de trésorerie, et ce pendant plusieurs semaines. En effet, les subventions sont, en règle générale, versées lorsque le programme est achevé, même si, dans certains cas, des avances existent.

Comme je l'indiquais tout à l'heure, les emprunts sont mobilisés le plus tard possible afin d'éviter à avoir à supporter le paiement des intérêts. La commune doit donc faire l'avance de la TVA, ce qui représente une masse financière souvent importante. Enfin, s'agissant des fonds propres, pour peu que les échéances de paiement se situent en début d'année, ceux-ci sont réduits à la portion congrue.

Il convient de souligner que les communes perçoivent la DGF et le montant des impôts locaux sous la forme d'avances mensuelles par l'intermédiaire du compte d'avances aux collectivités locales.

Si elles ont à faire face à une échéance importante, par exemple, fin mars, elles n'auront perçu à cette date que le quart de leur DGF annuelle et le quart du montant prévisible des impôts locaux. Elles se retrouvent donc dans l'obligation de se faire ouvrir une ligne de trésorerie auprès d'un organisme bancaire, ce qui entraîne un coût non négligeable pour la collectivité et pour les contribuables locaux.

Dans une situation exceptionnelle telle que celle que je viens de décrire, pourquoi ne pas autoriser le Trésor public, qui est, en quelque sorte, le banquier officiel des collectivités territoriales, à accorder à une commune une avance de trésorerie un peu plus importante, allant au-delà des traditionnels « douzièmes » de DGF et d'impôts locaux ? Cette solution lui éviterait de mobiliser de façon intempestive des emprunts à court ou à long terme et lui permettrait ainsi de réaliser des économies de fonctionnement dans l'attente des subventions et aides diverses qui ne sont octroyées traditionnellement qu'après paiement des factures.

Permettez-moi de rappeler que les comptes excédentaires des collectivités territoriales ne sont pas rémunérés par le Trésor public, que les communes sont toujours dans l'obligation de faire l'avance de la TVA payée sur les investissements qu'elles réalisent, ce qui les oblige souvent à contracter des prêts spéciaux dans l'attente du règlement par le FCTVA, le fonds de compensation pour la TVA.

Pourquoi, dans ces conditions, et à titre de réciprocité, ne pas les faire bénéficier d'avances de trésorerie en cas de besoin pour des délais forcément courts, le Trésor public étant, en tout état de cause, assuré de retours financiers rapides du fait du versement de la DGF, des impôts locaux et des subventions accordées aux collectivités ? Ces avances sur subventions permettraient même, dans certains cas, d'éviter le recours à l'emprunt, d'où une réduction sensible des coûts.

Telle est la question que je me permets de vous poser, monsieur le ministre, en espérant que votre réponse sera positive, ce qui ne pourrait que remplir d'aise un grand nombre de nos collègues maires, lesquels obtiendraient ainsi une véritable simplification administrative et comptable.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le sénateur, il est vrai que les collectivités locales ont l'obligation de déposer leurs fonds dans la caisse du Trésor public. Il est vrai également que ces dépôts se sont pas rémunérés. Toutefois, en contrepartie de l'obligation qui leur est faite, l'Etat, comme vous l'avez souligné, assure aux collectivités locales un financement régulier en effectuant, à raison de douzièmes mensuels, le versement du produit attendu de la fiscalité locale et des dotations, alors même que le recouvrement effectif des impositions n'intervient qu'en fin d'année.

Les douzièmes constituent réellement des avances de trésorerie qui permettent aux collectivités de fluidifier et de réguler le paiement de leurs dépenses, sans avoir recours de manière systématique à des financements bancaires externes.

Lorsque les collectivités sont confrontés à des problèmes ponctuels de trésorerie qui ne leur permettent pas de faire face momentanément à des dépenses obligatoires, telles que les dépenses de personnel ou certaines dettes exigibles susceptibles d'engendrer des pénalités de retard, le nombre de douzièmes à attribuer peut être augmenté au-delà de la limite fixée pour ce qui concerne le produit de la fiscalité.

Sur arrêté du préfet et après proposition du trésorier-payeur général, des avances complémentaires sont alors accordées qui ne peuvent excéder le montant des dépenses du mois à venir. Ces avances conservent en tout état de cause un caractère exceptionnel et sont récupérées selon des modalités précises.

De la même manière et selon les articles L. 2336-1, L. 2336-2 et R. 2336-1 du code général des collectivités territoriales, le ministre des finances peut accorder, en cas d'insuffisance de trésorerie, des avances sur le Trésor dans la limite d'un montant maximum fixé chaque année par la loi de finances, ou des avances spécifiques à rembourser sur le produit d'emprunts à réaliser.

En dehors des avances de trésorerie à proprement parler, il existe également des avances budgétaires qui sont traditionnellement permises lors de l'attribution de subventions de l'Etat. Le décret du 16 décembre 1999 relatif aux subventions d'investissement de l'Etat fixe le plafond de ces avances à 5 % du montant de la subvention.

Toutefois, en cas de besoin urgent lié à des dépenses d'investissement faisant suite à des catastrophes naturelles de grande ampleur, les avances peuvent représenter jusqu'à 15 % de la subvention globale attribuée par l'Etat. De même, pour les subventions au titre de la DGE, les avances peuvent aller jusqu'à 30 % du montant de la subvention.

L'ensemble de ces financements viennent en appui des modes de financements classiques, auxquels les collectivités peuvent avoir recours pour financer leurs dépenses, dans le respect du principe de libre administration des collectivités locales. Ils semblent aujourd'hui suffisants pour leur permettre de faire face à des besoins ponctuels qu'elles ne pourraient assumer pour des raisons liées à des circonstances particulières.

Ces possibilités d'avances n'ont, en tout état de cause, pas vocation à se substituer à celles qui sont permises par le marché, dont les conditions d'accès ont été considérablement libéralisées depuis plusieurs années et qui offrent aujourd'hui des possibilités de financement très intéressantes en termes de coût et de gestion. Il n'est en outre pas certain que l'Etat serait mieux-disant que le marché.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces précisions. Vous démontrez ainsi que les élus peuvent utiliser toutes les possibilités qui leur sont offertes. Par ailleurs, je constate que la gestion gouvernementale s'inspire du même esprit que la gestion communale : vous essayez avec les moyens dont vous disposez de faire au mieux, et cela ne peut que me rassurer.

SÉCURITÉ DES TRANSPORTS DE FONDS

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, auteur de la question n° 265 adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre délégué aux libertés locales, une fois de plus, je sollicite le Gouvernement pour que de nouvelles mesures soient prises face au « milieu », qui semble vouloir investir en hommes et en moyens et faire de l'attaque des transferts de fonds un secteur d'activité du grand banditisme.

La toute dernière période a été marquée par une recrudescence du nombre des agressions et vous en connaissez bien entendu la liste.

Nous sommes confrontés à un problème de société. Le transport de fonds est un des réseaux forts de l'économie française. Ainsi, 70 000 sites sont desservis, dont plus de 45 000 distributeurs de billets. L'argent liquide en petits montants est un attrait pour la pègre.

Les 10 000 personnes employées par les sociétés de transport de fonds comptent 7 000 convoyeurs, et 1 200 à 1 400 véhicules sont en circulation. Dans ces véhicules, on trouve parfois plus de 5 millions d'euros en espèces, et 2 000 à 3 000 salariés travaillent chaque jour la peur au ventre.

Est-il vrai, monsieur le ministre, qu'il existerait une cinquantaine de bandes bien organisées qui disposeraient d'une technologie criminelle élaborée en la matière ? Ce nombre progresse-t-il ? Ces bandes peuvent-elles devenir de véritables dangers publics ?

J'ai relu avec attention les éléments que nous possédons au sujet des principales attaques. Nous sommes souvent en présence de truands aguerris, en possession d'un armement de guerre allant jusqu'au lance-roquettes antichar.

Vous partagez en partie mon inquiétude puisque des évolutions dans les textes ont conduit à l'adoption d'un dernier décret modifié, mais de façon encore insuffisante à mon gré.

Ce matin, je vous poserai, monsieur le ministre, trois questions concrètes.

La première porte sur ce qui est appelé couramment les « nouvelles technologies ».

Je suis persuadée que, dans votre intervention, vous en noterez les mérites. Malheureusement, monsieur le ministre, elles se révèlent inefficaces et dangereuses.

Elles sont inefficaces car la neutralisation des billets est loin d'être garantie. Des procédés nouveaux semblent être susceptibles d'effacer l'encre maculant les billets. Ce moyen d'action est complémentaire.

Le procédé est également dangereux : il appelle la voiture banalisée, le camouflage, l'anonymat du convoyeur. Mais très vite, les voitures banalisées sont détectées, repérées, et les convoyeurs livrés sans défense à l'agression. Les premiers résultats sont là ; ils démontrent l'insuffisance de ces technologies.

Monsieur le ministre, dans le décret, vous avez admis que cette mesure pourrait être autorisée à titre exceptionnel. Or, elle se généralise. Pourquoi ?

Est-il vrai que des projets européens viseraient à généraliser l'utilisation de la voiture banalisée sans protection ?

Que comptez-vous faire pour que toutes les sociétés de transport s'équipent de fourgons blindés avec au moins trois hommes à bord et un armement suffisant ?

Ma deuxième question porte sur les pratiques des entreprises de transfert de fonds. Pour assurer la présence de trois convoyeurs par fourgon, des embauches sont nécessaires. Or, des plans sociaux apparaissent.

Les entreprises ont-elles fait le choix du véhicule banalisé ?

On retrouve aussi la même irresponsabilité en matière de formation professionnelle. Dans une entreprise dont je ne citerai pas le nom, sur 120 convoyeurs, seuls 10 ont reçu la formation au maniement des armes, ce qui a risqué de se traduire dernièrement par un drame. La presse s'en est fait l'écho. Que comptez-vous faire avec le Gouvernement pour vous opposer à tout plan de licenciement et pour contraindre les entreprises à se doter des emplois et des formations nécessaires ?

Est-il vrai que la Brink's se prépare à licencier 400 salariés, que Valiance s'apprêterait à en licencier 200 dans un premier temps et 200 dans les mois à venir ?

Ma troisième et dernière question porte sur la mise en conformité des installations industrielles, bancaires et commerciales pour la fin de l'année 2003.

Les commissions départementales travaillent, mais elles constatent beaucoup de retard, de mauvaise volonté et d'insuffisances en matière d'aménagements permettant le transfert direct des fonds du véhicule au local.

Nous ne pouvons plus nous contenter de simples avis et orientations, y compris de la part des commissions départementales. Des dispositions doivent être prises pour contraindre les sociétés de transport. Etes-vous prêt à les envisager, à les décider et à résister aux orientations fixées par la Communauté européenne ? Etes-vous prêt également à vous opposer à tout plan de licenciement décidé par les sociétés de transport de fonds ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Madame la sénatrice, vous avez fait part au ministre de l'intérieur de vos préoccupations relatives à l'exercice du métier de convoyeur de fonds et vous avez manifesté votre scepticisme à l'égard des nouvelles technologies, par exemple l'utilisation de véhicules banalisés.

Avant de vous répondre chiffres à l'appui, je voudrais rendre hommage à la conscience professionnelle et au courage des employés des compagnies de transports de fonds et réaffirmer que le principal souci du Gouvernement, en cette matière, est naturellement d'épargner les vies humaines. C'est la première préoccupation.

Les statistiques récentes font apparaître que, de 1999 à mars 2003, le nombre d'attaques sur les véhicules banalisés est proportionnellement plus élevé. Mais neuf convoyeurs ont été tués et vingt-quatre blessés au cours de quarante-neuf agressions contre des transports en véhicules blindés, tandis que quarante-sept agressions menées contre des véhicules banalisés utilisant de nouvelles technologies n'ont fait que huit blessés. L'utilisation de véhicules banalisés a donc donné lieu à une diminution importante du nombre de tués et même de blessés : aucun tué et huit blessés, c'est toujours trop mais c'est déjà beaucoup mieux.

Par ailleurs, lors de la table ronde du 11 juillet 2002, il avait été décidé de constituer un groupe interministériel composé de membres des inspections générales des finances, de l'administration, de la police nationale, de l'inspection générale du travail et des transports, ainsi que du conseil général des ponts et chaussées.

Ce groupe avait pour mission : d'abord, de dresser un bilan de la mise en oeuvre des dispositions législatives et réglementaires destinées à sécuriser la phase piétonne du transport de fonds et d'évaluer le mode de fonctionnement des commissions départementales de sécurité et de transport de fonds ; ensuite, d'effectuer un diagnostic global de toutes les questions de sécurité dans le transport des espèces - pièces et billets - dans l'ensemble de la filière fiduciaire ; enfin, de formuler, au vu de ces expertises et de l'analyse des législations européennes, les propositions qui lui paraissent susceptibles d'assurer une sécurité plus grande des personnels, de la circulation des espèces sur le territoire et de permettre la mise en oeuvre, dans les meilleures conditions, de la loi du 10 juillet 2000 et des textes réglementaires.

Le groupe de travail interministériel a rendu récemment ses conclusions. Affirmant que la sécurité des hommes doit prévaloir sur toute autre considération, il préconise la généralisation progressive du recours aux nouvelles technologies de neutralisation ou de destruction de valeurs afin de créer une dynamique globale de moindre violence et de plus grande dissuasion. Il soutient que les investigations qu'il a conduites n'ont pas permis de déceler, en l'état, de failles susceptibles de remettre en cause la confiance dans ces dispositifs. Enfin, il présente le recours à ces nouvelles technologies comme un socle commun de protection qui doit être considéré comme autosuffisant mais non exclusif éventuellement d'autres modes complémentaires. Le blindage des véhicules, l'armement des convoyeurs sont autant de modes complémentaires qui, bien sûr, pourront être maintenus.

Le Gouvernement, soucieux de parvenir à un système optimal de protection des convoyeurs de fonds, procédera à l'examen détaillé des propositions de la mission, en concertation avec l'ensemble de la filière du transport de fonds. A l'issue de cette démarche qui va être engagée dans les prochaines semaines, les textes en vigueur seront, le cas échéant, modifiés.

Pour ce qui concerne les aménagements des locaux desservis par les entreprises de transport de fonds, les donneurs d'ordre disposent jusqu'au 31 décembre 2003 d'un délai pour leur permettre de réaliser les travaux nécessaires, sous le contrôle des commissions départementales pour la sécurité des transports de fonds. Les textes en vigueur prévoient les conditions d'urbanisme qui s'imposent dans chaque dossier. Un bilan global sera effectué.

Enfin, s'agissant de la politique de recrutement des sociétés de transport de fonds le Gouvernement n'a nullement l'intention de contraindre, de quelque manière que ce soit, des acteurs économiques qui exercent leur activité dans un contexte de libre entreprise. Il observe cependant qu'une approche globale de la question fait ressortir que les différentes modalités de transport de fonds sont susceptibles de favoriser l'emploi et que les emplois liés à la sécurité vont connaître une progression significative si le choix est fait de la protection maximale de la sécurité des convoyeurs de fonds.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, tout d'abord, il me semble que votre réponse est contradictoire : d'un côté, vous ne vous opposeriez pas, au nom de la libre entreprise, aux licenciements et aux plans sociaux dans les différentes entreprises de transport de fonds, et, d'un autre côté, vous semblez reconnaître qu'il faudrait augmenter les effectifs pour assurer la sécurité des convoyeurs. Je ne vois pas comment lever cette contradiction.

Je note par ailleurs que, comme vous le savez, les gendarmes s'inquiètent du nombre croissant d'agressions commises à l'encontre des transporteurs de fonds en véhicule léger banalisé, piloté par un homme seul, sans protection et sans limitation du nombre de conteneurs embarqués et des valeurs transportées.

Vous avez cité des chiffres concernant le transport en fourgons blindés, qui existent depuis longtemps, et en voitures banalisées, qui sont récentes. Mais il est difficile d'établir une comparaison entre ces deux modes de transport puisque 95 % des transports de fonds sont réalisés par véhicules blindés alors que 5 % seulement le sont par véhicules banalisés. Si cette proportion était inversée, il faudrait compter 250 attaques contre les véhicules légers et non plus 13 et 20 contre les véhicules blindés, comme c'est le cas aujourd'hui. La voiture banalisée représente donc un danger sérieux.

En ce qui concerne le transport des fonds sur les voies piétonnes en centre-villes il est étrange que le permis de construire initial ou modifié soit nécessaire pour réaliser les travaux. Il convient d'alléger la procédure pour que les élus puissent contraindre les donneurs d'ordres, notamment les banques, les grandes surfaces et les magasins à réaliser des travaux lourds parfois, mais absolument nécessaires.

Monsieur le ministre, j'ai bien noté que vous rendiez hommage au travail des transporteurs de fonds, mais au-delà des paroles, il faudra des actes pour que le nombre des assassinats diminue.