M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais faire un panorama aussi objectif et dépassionné que possible de l'article 21.

Depuis plusieurs années, au nom de la commission des finances, je plaide pour une affectation des ressources correspondant au budget général. J'ai combattu les idées de Mme Voynet qui ont abouti à la création du FNSE, le Fonds national de solidarité pour l'eau. J'avais estimé alors que le mode d'organisation était assez confus et que l'on faisait prendre en charge, par un compte d'affectation spécial des dépenses qui étaient en réalité des dépenses générales de la politique de l'environnement relevant de ce ministère. Par conséquent, ce n'est pas au moment où arrive cet article 21 prévoyant la clôture du Fonds national de solidarité pour l'eau que je vais m'attrister !

Il s'agit en effet d'une simplification qui devrait permettre une accélération des procédures et plus de clarté.

Mes chers collègues, un compte d'affectation spécial est par nature inadapté à la prise en charge des dépenses d'investissement, comme je l'ai une nouvelle fois rappelé dans mon rapport écrit. C'était vrai sous l'empire de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 ; c'est tout aussi vrai, aujourd'hui, sous l'empire de la nouvelle loi organique.

En effet, la combinaison des procédures d'engagement des autorisations de programme, qui doivent concerner l'ensemble d'une opération d'investissement, et de la règle relative au compte d'affectation spécial disposant que les dépenses engagées ou ordonnancées ne peuvent excéder les ressources constatées, conduit inévitablement, par construction, le gestionnaire du compte à devoir attendre de disposer des recettes nécessaires pour engager une opération d'investissement.

Dès lors, on comprend bien que, mécaniquement, le compte d'affectation spécial induit des retards. Il est fait pour cela, ai-je envie de dire, ou, en tout cas, c'est la conséquence inéluctable de son existence. Donc, ceux qui veulent accélérer la dépense dans ce domaine doivent être favorables à la clôture du compte d'affectation spécial. C'est une première condition logique et simple.

M. François Marc. Oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela me conduira, bien entendu, dans un instant, à m'opposer à l'amendement de suppression de l'article 21, puisque c'est précisément cet article qui permet la clôture du compte. Nous avons une structure comptable qui conduit à des reports importants pouvant représenter plus d'une année de dépenses.

Il est en effet exact que la commission des finances s'est particulièrement intéressée cette année, grâce à Joël Bourdin, rapporteur spécial des crédits de l'agriculture, et à Paul Loridant, rapporteur spécial des comptes spéciaux du Trésor, au fonctionnement du FNDAE, qui est l'une des deux sections de ce fameux « machin », le Fonds national de l'eau.

Par conséquent, nos collègues rapporteurs spéciaux, qui ont mené conjointement un contrôle sur pièces et sur place dans plusieurs départements, et dont les conclusions figurent dans les rapports spéciaux pour 2004, ont confirmé l'ampleur des reports engendrés par le fonctionnement du compte. Ils ont constaté que le fonds est aujourd'hui géré selon une procédure complexe et que la répartition des compétences était difficile à comprendre entre les directions départementales de l'agriculture et les conseils généraux. Ils ont constaté des cofinancements illisibles. Ils ont constaté une répartition incertaine des dossiers à financer entre l'Etat et les départements.

Alain Vasselle a totalement raison : il faut, monsieur le ministre, très rapidement porter le fer dans tout ce désordre administratif !

La suppression du compte, c'est le premier acte, mais cela ne suffit pas. On doit se mettre à la place des élus des communes rurales qui ont à mener des projets d'assainissement collectif extrêmement coûteux et auxquels on explique qu'il n'y a pas d'argent disponible. Or nous, malheureux parlementaires, lorsque nous examinons les documents comptables de l'Etat, nous constatons les reports du FNDAE sur l'année suivante : de 1999 sur 2000, 181 millions d'euros ; de 2000 sur 2001, 198 millions d'euros ; de 2001 sur 2002, 232 millions d'euros ; de 2002 sur 2003, 237 millions d'euros ; de 2003 sur 2004, 160 millions d'euros. Le report est certes, en diminution, mais la somme est tout de même substantielle, puisqu'elle représente plus de 1 milliard de francs d'autrefois.

Mes chers collègues, il faut voter la suppression du compte, mais il faut, dans le même temps, demander au Gouvernement de clarifier les procédures. Monsieur le ministre, vous le savez fort bien, le financement de l'assainissement collectif en milieu rural est un problème considérable à la fois technique et financier.

C'est un problème technique, parce que l'on est très souvent poussés à adopter des solutions maximalistes, les plus chères possible, et qui sont hors de portée de nos contribuables et de nos redevables. Une expertise permettrait de définir les meilleures voies possibles, le meilleur rapport qualité-prix. Dans bien des départements, ce n'est pas satisfaisant. Alain Vasselle et moi pouvons en témoigner compte tenu de nombreuses situations que nous avons vécues dans notre propre département.

C'est également un problème financier. On doit pouvoir mieux utiliser les crédits publics, sans les augmenter, et faire en sorte qu'ils parviennent plus vite à leurs destinataires dès lors qu'ils sont votés. La capillarité, en quelque sorte, des crédits budgétaires permettrait de mieux irriguer nos départements et nos communes. C'est tout ce que l'on peut souhaiter. Mais cela ne contredit pas, bien au contraire, la suppression du compte d'affectation spécial « Fonds national de l'eau ».

M. le président. La parole est à M. Denis Badré sur l'article 21.

M. Denis Badré. Le citadin que je suis ne veut pas prolonger inutilement le débat que nous avons sur cet important sujet, mais nous ne pouvons pas voter l'article 21 sans avoir au préalable salué l'oeuvre extraordinaire réalisée depuis un demi-siècle grâce au FNDAE.

Partant de l'évidence que la desserte d'un écart dans le monde rural coûte infiniment plus cher que celle, marginale, d'un appartement supplémentaire dans une résidence urbaine, le FNDAE établissait une solidarité entre citadins et ruraux, et faisait comprendre au citadin qu'il était également important pour lui que l'espace rural reste vivant, donc qu'il n'était pas complètement absurde qu'il paie pour cela.

C'était affirmer que nous ne voulions ni d'une France du chacun pour soi ni d'une France en miettes. Il était très important, voilà un demi-siècle, que cette idée forte soit affirmée et mise en oeuvre concrètement par une solidarité financière de cette nature. Il nous faut garder cela présent à l'esprit au moment où le Fonds national de l'eau va disparaître.

L'article 21, disait M. le rapporteur général à l'instant, constitue une simplification. C'est vrai, mais il faut bien voir qu'il y a cinquante ans la création du fonds était également sous-tendue par une idée simple : c'était l'expression d'un choix de société ; c'était un instrument de cohésion nationale, un peu de la même nature que la PAC, qui, voilà quarante ans, a fait financer par le consommateur notamment la vie dans le monde rural.

Je souhaite qu'aujourd'hui, sur le plan européen, nous soyons capables d'avoir des intuitions du même type pour faire vivre la cohésion de l'Europe, comme nos prédécesseurs ont su faire vivre la cohésion nationale il y a un demi-siècle.

M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.

M. Joël Bourdin. Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit M. le rapporteur général, avec lequel je suis en parfaite harmonie, sur ce sujet comme sur bien d'autres, mais je souhaite apporter quelques précisions sur la mission que j'ai effectuée avec Paul Loridant en ce qui concernele fonctionnement du FNDAE.

Effectivement, comme Alain Vasselle l'avait déjà fait remarquer l'année dernière, le FNDAE était encombré par un certain nombre de reports...

M. Michel Charasse. Depuis des années !

M. Joël Bourdin. ... et j'ai pu constater, pour être membre, désigné par le Sénat, du comité consultatif pour la gestion du FNDAE, qui ne fait qu'émettre des avis, que la situation des départements était contrastée. Toutefois, il est de nombreux départements pour lesquels on a observé, à la fin de l'année 2002, que des dotations qui avaient été attribuées n'avaient été ni engagées ni programmées.

M. Michel Charasse. Voilà !

M. Joël Bourdin. Dans certains départements, en équivalence de dotation annuelle, 300 % de crédits étaient parfois non engagés,...

M. Michel Charasse. Bien sûr !

M. Joël Bourdin. ... sans compter tous les reports d'année en année, qui sont dus à l'allongement des procédures en matière d'adduction d'eau.

La mission de contrôle sur pièces et sur place, que j'ai effectuée avec Paul Loridant, nous a permis de constater que les procédures étaient longues et complexes. Cela explique, en partie, ce que l'on observe : lorsqu'on vote des crédits au titre du FNDAE, ou lorsque le FNDAE délègue des crédits au département à partir de règles diverses, dans la meilleure des hypothèses, la notification n'intervient dans les départements qu'au mois de mai ou de juin, et ce n'est que progressivement que les crédits délégués au titre du FNDAE, et qui sont gérés par les DDAF, sont consommés. Dès lors, à la fin de chaque année, des crédits ne sont pas engagés.

Par conséquent, la procédure est beaucoup trop longue, beaucoup trop complexe, et il est clair qu'il faut la modifier.

L'une des solutions réside dans la décentralisation. Après tout, c'est un financement qui tend à abonder les crédits des départements relatifs à la mise en place de leur politique de l'eau et de l'assainissement. Alors, pourquoi ne pas déléguer les crédits directement aux départements ? C'est une très bonne conclusion à laquelle est parvenu Alain Vasselle.

Effectivement, les lois de décentralisation ne précisent rien en la matière. Ce que je souhaite, c'est que, dans le cadre d'une future loi sur l'eau, soit traité ce problème de la décentralisation du FNDAE et de la politique de l'eau. Peut-être pourrait-on également profiter de la loi sur les affaires rurales pour prévoir des mesures à ce sujet, ce type de loi étant assez ouvert. Mais on doit aller très vite dans ce sens.

Cependant, il faut éviter que la redevance ne soit départementalisée. Comme Denis Badré le signalait à l'instant, c'est un système de péréquation qui est en place : tous les consommateurs d'eau, donc les villes, contribuent au financement de l'eau par l'intermédiaire de la redevance de 14 centimes de franc - je ne parle pas en euros, car j'ai toujours en mémoire le tarif en centimes de franc.

Il est tout à fait judicieux que la redevance soit assise à l'échelon national sur toutes les consommations d'eau. Dans une opération de décentralisation, il faudrait se garder de décentraliser la redevance. Sinon, le système s'effondrerait.

Monsieur le ministre, je sais que vous êtes à l'écoute s'agissant de ce sujet. Nous comptons sur vous pour que la situation s'améliore.

Lorsqu'on dresse le bilan des investissements qui doivent être réalisés dans les années à venir - et j'ai participé, hier encore, à une réunion sur l'eau et l'assainissement dans mon département - en matière d'assainissement, collectif ou non, de remise aux normes des stations d'épuration d'eau, on constate que, dans nombre de départements, c'est par cinq, six, voire dix qu'il faut multiplier les dépenses qui sont engagées actuellement dans ce secteur. Ne baissons pas la garde ! Les départements ont encore besoin d'être aidés. Il ne faut pas profiter du désordre qui existe pour se désengager, à l'échelon national, du soutien à la politique de l'eau en milieu rural. (M. Jacques Oudin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, j'ai conscience, en vous livrant ces observations, de mettre en péril un débat tout à fait passionnant, mais vingt-trois amendements restent à examiner. Parmi ceux-ci, treize concernent le BAPSA et l'affectation des recettes du FOREC. A cette occasion, nous reprendrons les dispositions relatives à la fiscalité du tabac. Le débat risque de durer.

Il est dix-neuf heures dix. Nous avions prévu de commencer demain matin l'examen du fascicule budgétaire relatif à l'outre-mer. Tout décalage au-delà de minuit posera des problèmes. Ne le prenez pas en mauvaise part. Je voulais simplement vous rappeler ces contraintes quant au déroulement de nos travaux.

Mes chers collègues, si vous pouviez abréger vos interventions et vous en tenir à l'essentiel, nous serions mieux à même de respecter le calendrier de la discussion budgétaire.

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel.

M. Gérard Miquel. Je ne suis pas formellement opposé à la disparition du FNDAE dans la mesure où l'Etat maintient les crédits au niveau où ils étaient en 2002. En effet, l'année dernière, monsieur le ministre, au cours du débat budgétaire, vous nous avez fait un certain nombre de promesses. Vous nous avez dit, à l'époque, que les crédits serviraient à la réalisation des projets en cours.

C'est vrai qu'il y avait alors de bons élèves et de mauvais élèves. Mais, dans cette affaire, aujourd'hui, les bons élèves sont pénalisés.

En effet, dans le système précédent, la dotation était versée en deux fois, la seconde partie étant attribuée en fonction de l'engagement des crédits de la première dotation. Certes, je schématise, mais dans mon département, qui utilisait les crédits car les besoins y étaient importants, la dotation a été augmentée de 30 % à 40 % parce que les crédits étaient bien employés. Aujourd'hui, ce département est pénalisé : sa dotation a diminué de 30 % par rapport à celle de 2002.

Avec le système que vous mettez en place, je crains que les bons élèves ne soient traités comme les mauvais, ceux qui utilisaient les crédits rapidement et à bon escient comme les autres, la restriction budgétaire s'appliquant à tous.

Nous avons essayé d'en débattre au moment de l'examen de la loi relative aux libertés locales. J'avais alors déposé un certain nombre d'amendements qui auraient permis d'aller dans le sens souhaité par plusieurs de nos collègues qui sont intervenus aujourd'hui. Mais ce débat a été repoussé à la discussion de la loi sur l'eau, qui interviendra probablement au cours de l'année prochaine.

Je regrette, encore une fois, que nous ne puissions pas répondre aux besoins des collectivités locales. Nous disposions là d'un fonds qui était un instrument de solidarité en direction des zones les plus défavorisées, et nous le mettons à mal. Nous ne nous donnons pas les moyens, de mettre en place, dans ces zones, les équipements indispensables pour répondre aux normes européennes et aux normes nationales, qui sont de plus en plus contraignantes pour l'ensemble des collectivités locales.

En tant qu'élus locaux, responsables de collectivités, nous avons le devoir de livrer une eau de qualité à nos concitoyens. Or nous ne sommes pas en mesure de le faire, sinon à augmenter les tarifs dans des proportions insupportables.

M. le président. La parole est à M. Paul Loridant.

M. Paul Loridant. Je m'exprimerai ès qualité de rapporteur spécial pour les comptes spéciaux du Trésor. Je voudrais à la fois confirmer les propos de M. le rapporteur général et de mon collègue Joël Bourdin et apporter quelques précisions.

Nous avons contrôlé le travail des fonctionnaires du ministère de l'agriculture qui gèrent le FNDAE. Nous nous sommes également déplacés dans quatre départements pour inspecter les directions départementales de l'agriculture et les services du conseil général. Je suis donc en mesure de vous confirmer, après Joël Bourdin, que, globalement, les reports de crédits ne cessaient de progresser d'une année sur l'autre et, très souvent, les crédits étaient sous-utilisés, voire pas du tout utilisés.

Comme l'a dit notre collègue Gérard Miquel, la situation est très différente d'un département à l'autre : dans certains départements, elle est exemplaire - je ne citerai pas de noms - ; dans d'autres départements, elle est plutôt inquiétante.

Il faut bien dire la vérité : les travaux d'adductions d'eau financés par le FNDAE dépendaient souvent de financements croisés ; le FNDAE venait en complément de fonds provenant du conseil général ou d'autres intervenants. Très souvent, il était difficile de cadrer et de croiser au même moment tous les financements : lorsqu'un financement était prêt, l'autre ne l'était pas et, finalement, les dossiers étaient retardés. Sans compter les fonds d'origine européenne ; je ne veux pas en rajouter.

Nous en sommes arrivés, Joël Bourdin et moi, à la conclusion que la multiplication des financements croisés était source de complications.

M. Alain Vasselle. Parfois, on ne peut pas faire autrement.

M. Paul Loridant. Il importe donc de mettre fin aux financements croisés. A la suite de nos opérations de contrôle, Joël Bourdin et moi pensons qu'il faut donner cette compétence aux services des conseils généraux des départements, qui sont plus adaptés. D'un département à l'autre, cela peut être différent.

M. Michel Charasse. Ah oui !

M. Paul Loridant. Des départements sont plus réactifs que d'autre, on l'a constaté à l'occasion de notre contrôle. Mais, globalement, les départements sont plus réactifs que les directions départementales de l'agriculture et de la forêt. Il serait donc judicieux, je le répète, de donner cette compétence aux conseils généraux.

La vérité est la suivante : dans la plupart des cas, les crédits qui avaient été votés au mois de décembre, à l'occasion de la loi de finances, au mieux, sont arrivés dans les directions départementales de l'agriculture au mois de septembre de l'année suivante.

M. Alain Vasselle. Voilà quelque chose qui ne va pas !

M. Paul Loridant. Cela explique, dans une très large mesure, les reports de crédits.

J'ajoute - peu d'entre vous l'ont évoqué - que le FNDAE a une mission assez importante : l'attribution des subventions en capital aux exploitations agricoles pour l'exécution de travaux de maîtrise des pollutions d'origine agricole. La mission fondamentale du FNDAE, l'adduction d'eau, est remplie à 90 % ou à 95 % aujourd'hui sur la quasi-totalité du territoire. Mais, dans certaines zones agricoles, il est nécessaire de maîtriser les pollutions.

Enfin, en ce qui concerne les recettes, on peut penser ce que l'on veut, mais n'oublions pas que nous avons voté la loi organique sur les lois de finances, la LOLF. L'Assemblée nationale était alors d'une couleur et le Sénat d'une autre. Si ma mémoire est bonne, cette loi n'a pas été adoptée à l'unanimité, car le groupe CRC ne l'a pas votée. Or la LOLF prévoit des réformes lourdes de conséquences. Ainsi, il est désormais impossible de financer des activités par des ressources qui émanent d'un autre secteur. Concrètement, cela signifie que toutes les ressources qui proviennent du PMU sont condamnées.

M. Michel Charasse. Voilà !

M. Paul Loridant. On peut, certes, changer la loi organique, mais il faut prendre son élan ! Pour l'heure, il faut l'appliquer.

M. Alain Vasselle. Vous redéployez beaucoup !

M. Paul Loridant. Monsieur le ministre, si j'avais un reproche à vous faire, ce serait que vos services n'aient pas prévenu les deux rapporteurs, M. Bourdin et moi-même, que vous aviez l'intention d'intégrer cette disposition dans le projet de loi de finances pour 2004. Nous l'avons découverte en septembre, lorsque le projet de loi de finances a été publié, alors même que nous faisions nos contrôles sur pièces et sur place. Nous avons donc été un peu surpris.

Cela dit, mes chers collègues, battons-nous pour que ces crédits, qui sont une forme de financement des campagnes par les villes, soient désormais gérés par les départements : ce sera certainement plus efficace.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Au début de la Terreur, Fouché, je crois, a dit que, avec un peu de nez et d'expérience, on voyait tout de suite quelles étaient les têtes qui seraient coupées à brève échéance.

Il n'était pas nécessaire d'avoir beaucoup de nez ni d'expérience pour penser que le FNDAE était mal parti et que cela allait lui arriver. Pendant des années - et cela remonte à très loin : Jean Arthuis, ancien ministre de l'économie, doit s'en souvenir, et avant lui d'autres encore, dont moi-même -, on a traîné tous les ans des reports toujours en augmentation et des sommes devenues colossales.

Or il est bien évident que, lorsqu'un grand miséreux, l'Etat, a sous le nez un énorme tas de noisettes, il se précipite dessus : il ne fallait pas le lui laisser ! Maintenant - et c'est ma première observation -, l'Etat en tire les conséquences.

Je fais partie de ceux qui, légitimement, s'en inquiètent, mais je sais très bien l'origine du phénomène. M. Loridant a évoqué tout à l'heure les financements croisés : il a raison ; et ma région bénéficie en plus de financements européens, ce qui complique encore la donne. Il a évoqué la lenteur de la délégation des crédits : il a raison ; mais pour répartir les crédits du FNDAE, il fallait attendre que tous les départements ou presque aient arrêté leurs programmes. Or, certains le votent au mois de février ou de mars, d'autres attendent la DM1, la décision modificative n° 1 du mois de mai... M. Loridant l'a souligné, les situations sont variables.

On finissait donc par établir les programmes, puisqu'il fallait bien faire une répartition qui ne paraisse pas trop injuste, et M. Bourdin connaît bien le problème. Mais ce n'était qu'une répartition sur le papier ! Ensuite, la masse des petits programmes concernés était confiée, plus ou moins sous pression, aux DDE et aux DDA, qui étaient elles-mêmes encombrées de demandes et de dossiers et ne sortaient pas les études techniques des projets. Et c'est ainsi que, trois ans plus tard, lorsque vous demandiez à une collectivité qui avait été retenue par le conseil général dans le cadre des programmes croisés où en étaient les choses, elle vous répondait qu'elle attendait toujours la décision de la DDE ou de la DDA !

Bref, n'épiloguons pas : les élus locaux se sont fait piéger. C'est dommage, je dois le dire, pour les départements qui, comme le mien, consomment les crédits à une allure telle que mon propre conseil général est obligé de voter des programmes complémentaires plusieurs fois de suite dans l'année. Il faut dire qu'il « pousse à la roue » et que, de surcroît, il annule impitoyablement tous les arrêtés de subvention qu'il accorde aux collectivités - communes ou syndicats de communes - si les travaux ne sont pas commencés dans les six mois. Autant vous dire que les choses ne traînent pas !

Monsieur le ministre, compte tenu de la suppression du fonds et des crédits restants, les collectivités, pendant quelque temps, ne devraient pas souffrir, puisque les crédits sont retirés... à ceux qui ne les consomment pas.

Mon souhait, monsieur le ministre, est justement que l'on préserve les départements qui ont l'habitude de les consommer rapidement et qu'ils ne soient pas pénalisés. Car, que ce soit aujourd'hui, demain ou après-demain, on finira bien par prendre sur l'enveloppe restante ce qu'il faudra pour honorer les demandes des retardataires !

De ce point de vue, mon département compte parmi ceux, particulièrement vertueux, dont le conseil général, grâce à une très bonne organisation, suit ces programmes et fait en sorte que l'argent soit dépensé. Car, monsieur le ministre - cela peut vous paraître paradoxal -, en Auvergne, c'est ainsi : quand on a de l'argent, il arrive aussi qu'on le dépense. On ne le met pas toujours à la caisse d'épargne ! (Sourires.)

Je souhaite donc que l'on veille à ce que les départements qui, au cours des années passées, ont montré qu'ils savaient consommer leurs crédits dans des conditions de rapidité formidable ou, en tout cas, à un rythme normal, ne soient pas pénalisés du simple fait que, un jour, il faudra récompenser les « glandouilleurs ».

M. le président. L'amendement n° I-79, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Compte tenu de ce que je viens d'entendre, cet amendement devrait être adopté !

Une fois de plus, quand il s'agit de trouver quelques artifices pour parvenir à réduire les déficits publics, on recourt à des prélèvements plus ou moins autoritaires sur quelques prétendus « pactoles » qui existeraient de-ci de-là.

L'article 21 du présent projet de loi de finances nous en fournit encore un exemple puisque, au motif de clôturer les opérations relatives au compte d'affectation spéciale « Fonds national de l'eau », il procède au virement des disponibilités repérées dans le compte concerné au bénéfice du budget général. Et pour faire bonne mesure, il fait également disparaître le fonds national pour le développement des adductions d'eau ! Dans les deux cas, on tire évidemment argument de la faible consommation des crédits disponibles au titre de ces fonds pour justifier leur disparition.

Ce sont donc plus de 240 millions d'euros qui sont ainsi virés, compte tenu des reports existants, au compte de l'Etat.

Même si l'on peut s'interroger sur la mobilisation effective des crédits concernés et sur le constat de ces reports - sont-ils dus à la lenteur dans le traitement des demandes ou au surdimensionnement des recettes affectées ? -, force est de constater que des garanties doivent être accordées aux collectivités locales qui font appel, notamment, aux aides du FNDAE pour procéder à la mise aux normes de leurs réseaux.

Les garanties offertes par l'article 21 sont-elles suffisantes de ce point de vue ? Nous en doutons.

Vous l'aurez compris, par cet amendement, nous entendons nous opposer à la mise en oeuvre d'un prélèvement autoritaire sur les ressources des agences de l'eau.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-79.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 21.

(L'article 21 est adopté.)

Art. 21
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Art. 23

Article 22

I. - Le compte d'affectation spéciale n° 902-20 « Fonds national pour le développement de la vie associative », ouvert par l'article 62 de la loi de finances pour 1985 (n° 84-1208 du 29 décembre 1984), est clos à la date du 31 décembre 2003.

II. - Les opérations en compte au titre de ce compte sont reprises au sein du budget général, sur lequel sont reportés les crédits disponibles à la clôture du compte.

III. - L'article 62 de la loi de finances pour 1985 précitée est abrogé.

IV. - Dans le deuxième alinéa de l'article 51 de la loi n° 47-520 du 21 mars 1947 précitée, les mots : « le fonds national pour le développement de la vie associative » sont supprimés. - (Adopté.)

Art. 22
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Art. additionnel après l'art. 23

Article 23

I. - La section 1 du chapitre Ier du titre III du livre VII du code rural est ainsi rédigée :

« Section 1

« Fonds de financement des prestations sociales

des non-salariés agricoles

« Art. L. 731-1. - Il est créé un fonds dont la mission est d'assurer le financement des prestations sociales des non-salariés agricoles définies à l'article L. 731-5. La gestion de ces prestations et le recouvrement des cotisations correspondantes sont assurés dans les conditions prévues aux articles L. 723-2 et L. 731-30.

« Les recettes et dépenses du fonds, dénommé Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, sont retracées dans les comptes de l'établissement public national à caractère administratif dénommé Etablissement de gestion du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, créé à cet effet. Cet établissement est soumis au contrôle de l'Etat.

« Art. L. 731-2. - Le conseil d'administration de l'établissement est constitué d'un président nommé par le ministre chargé de l'agriculture et de représentants de l'Etat. Il est assisté d'un comité de surveillance composé notamment de membres du Parlement, de représentants des organisations professionnelles agricoles représentatives ainsi que de représentants de la mutualité sociale agricole. La présidence du comité de surveillance est confiée à un membre du Parlement. La composition du conseil d'administration et du comité de surveillance ainsi que les règles et conditions de fonctionnement et de gestion de l'établissement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »

« Art. L. 731-4. - Les recettes du fonds, affectées au financement des dépenses mentionnées à l'article L. 731-5, sont constituées par :

« I. - Au titre des recettes techniques :

« 1° Les divers impôts, taxes et amendes qui lui sont affectés ;

« 2° La fraction des cotisations dues par les assujettis affectées au service des prestations familiales et des assurances maladie, invalidité, maternité, vieillesse et veuvage des non-salariés agricoles ;

« 3° Les subventions du Fonds spécial d'invalidité mentionné à l'article L. 815-3-1 du code de la sécurité sociale ainsi que la contribution du fonds institué par l'article L. 135-1 du même code dans les conditions prévues par l'article L. 135-2 de ce code, à l'exception de son 6° ;

« 4° La contribution de la Caisse nationale des allocations familiales affectée au financement des prestations familiales ;

« 5° Le versement des soldes de compensation résultant de l'application de l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale ;

« 6° Le versement de l'Etat au titre de l'allocation aux adultes handicapés ;

« 7° Les dons et legs ;

« 8° Les prélèvements sur le fonds de réserve ;

« 9° Une dotation budgétaire de l'Etat destinée, le cas échéant, à équilibrer le fonds.

« II. - Au titre des produits de gestion :

« 1° Les produits financiers ;

« 2° D'une manière générale, toutes les recettes autorisées par les lois et règlements.

« Art. L. 731-5. - Les dépenses prises en charge par le fonds mentionné à l'article L. 731-1 sont les suivantes :

« I. - Au titre des dépenses techniques :

« 1° Les versements destinés au paiement des prestations familiales, des prestations des assurances maladie, invalidité, maternité, vieillesse et veuvage des non-salariés agricoles, à l'exception des majorations de pensions accordées en fonction du nombre d'enfants pour les ressortissants du régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles et des prestations de l'assurance vieillesse complémentaire obligatoire allouées en application des dispositions des articles L. 732-56 à L. 732-62 et L. 762-35 à L. 762-39 ;

« 2° La participation financière de l'Etat prévue à l'article L. 732-58 ;

« 3° Les contributions du régime des exploitants agricoles aux assurances sociales des étudiants et au régime d'assurance obligatoire des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés mentionnées respectivement aux articles L. 381-8 et L. 722-4 du code de la sécurité sociale ;

« 4° La contribution du régime des exploitants agricoles aux dépenses relatives aux systèmes d'information de l'assurance maladie prévus par l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins ;

« 5° Les charges financières.

« II. - Au titre des charges et moyens de gestion :

« - les frais de fonctionnement du conseil d'administration et de l'agence comptable.

« Art. L. 731-6. - Le fonds peut recourir à des ressources non permanentes dans les conditions prévues au 5° du I de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.

« Art. L. 731-7. - Le fonds est organisé en sections, qui se répartissent de la manière suivante :

« 1° Assurance maladie, invalidité et maternité ;

« 2° Prestations familiales ;

« 3° Assurance vieillesse et veuvage ;

« 4° Charges de gestion du fonds.

« Art. L. 731-8. - Les frais d'assiette et de recouvrement des divers impôts, taxes et amendes mentionnés à l'article L. 731-4 sont à la charge du fonds en proportion du produit qui lui est directement affecté. Leur montant est fixé par arrêté du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'agriculture dans la limite de 0,5 % de ce produit.

« Art. L. 731-9. - Les relations financières entre l'établissement et les organismes de sécurité sociale, d'une part, et entre l'établissement et l'Etat, d'autre part, font l'objet de conventions destinées notamment à garantir la neutralité en trésorerie des flux financiers pour les organismes de sécurité sociale. »

II. - A. - L'article L. 731-3 du même code est abrogé.

B. - A l'article L. 731-10 du même code, les mots : « le budget annexe des prestations sociales agricoles » sont remplacés par les mots : « le fonds mentionné à l'article L. 731-1 ».

C. - A l'article L. 762-1-1 du même code, les mots : « le budget annexe des prestations sociales agricoles » sont remplacés par les mots : « le fonds ».

III. - A. - Les articles 1003-1 à 1003-6, 1003-8 à 1003-10 et 1142-27 du code rural (ancien) sont abrogés.

B. - Les taxes instaurées par les articles 1609 vicies, 1609 unvicies et 1618 septies du code général des impôts sont affectées au fonds mentionné à l'article L. 731-1 du code rural à compter du 1er janvier 2005.

C. - A compter du 1er janvier 2004, une quote-part du produit du droit de consommation sur les tabacs mentionné à l'article 575 du code général des impôts est affectée au profit du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles selon des modalités d'affectation déterminées chaque année en loi de finances.

D. - Nonobstant les dispositions du I du présent article créant le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le budget annexe des prestations sociales agricoles, dont les ressources sont définies à l'article 42 et les crédits sont ouverts aux articles 48 et 49 de la présente loi, continue de retracer les opérations financières de la protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles au plus tard jusqu'au 31 décembre 2004 sur la base des dispositions des articles L. 731-1 à L. 731-10 et L. 762-1-1 du code rural en vigueur dans leur rédaction antérieure à celle introduite par la présente loi.

E. - Le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles assure le remboursement à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole mentionnée à l'article L. 723-11 du code rural des intérêts de l'emprunt contracté en 2004 pour le financement de la mensualisation des retraites des personnes non salariées des professions agricoles. L'établissement reçoit à ce titre une ressource affectée financée par le C du présent III.

F. - Les droits et obligations de l'Etat au titre du budget annexe des prestations sociales agricoles sont transférés au plus tard le 31 décembre 2004 à l'établissement mentionné à l'article L. 731-1 du code rural. Celui-ci est chargé des opérations de liquidation du budget annexe.