COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 19, 2003-2004) relatif à la politique de santé publique. [Rapport n° 138 (2003-2004).]

Le Sénat a commencé hier l'examen de l'article 1er, dont je rappelle les termes.

Art. 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la politique de santé publique
Art. 1er (interruption de la discussion)

Article 1er (suite)

I. - L'article L. 1411-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-1. - La nation définit sa politique de santé selon des objectifs pluriannuels.

« La détermination de ces objectifs, la conception des plans, des actions et des programmes de santé mis en oeuvre pour les atteindre ainsi que l'évaluation de cette politique relèvent de la responsabilité de l'Etat.

« La politique de santé publique concerne :

« 1° La surveillance et l'observation de l'état de santé de la population et de ses déterminants ;

« 2° La lutte contre les épidémies ;

« 3° La prévention des maladies, des traumatismes et des incapacités ;

« 4° L'amélioration de l'état de santé de la population et de la qualité de vie des personnes malades, handicapées et des personnes dépendantes ;

« 5° L'information et l'éducation à la santé de la population et l'organisation de débats publics sur les questions de santé et de risques sanitaires ;

« 6° La réduction des risques éventuels pour la santé liés aux multiples facteurs susceptibles de l'altérer tels l'environnement, le travail, les transports, l'alimentation ou la consommation de produits et de services ;

« 7° La réduction des inégalités de santé, par la promotion de la santé, par le développement de l'accès aux soins et aux diagnostics sur l'ensemble du territoire ;

« 8° La qualité et la sécurité des soins et des produits de santé ;

« 9° L'organisation du système de santé et sa capacité à répondre aux besoins de prévention et de prise en charge des maladies et handicaps. »

II. - L'article L. 1411-2 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-2. - La loi définit tous les cinq ans les objectifs de la politique de santé publique.

« A cette fin, le Gouvernement précise, dans un rapport annexé au projet de loi, les objectifs de sa politique et les principaux plans d'action qu'il entend mettre en oeuvre.

« Ce rapport s'appuie sur un rapport d'analyse des problèmes de santé de la population et des facteurs susceptibles de l'influencer, établi par le Haut Conseil de la santé publique, qui propose des objectifs quantifiés en vue d'améliorer l'état de santé de la population. Le rapport établi par le Haut Conseil de la santé publique dresse notamment un état des inégalités socioprofessionnelles et des disparités géographiques quant aux problèmes de santé.

« La mise en oeuvre de cette loi et des programmes de santé qui précisent son application est suivie annuellement et évaluée tous les cinq ans. Elle peut à tout moment faire l'objet d'une évaluation globale ou partielle par l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé. »

III. - L'article L. 1411-3 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-3. - La Conférence nationale de santé, organisme consultatif placé auprès du ministre chargé de la santé, a pour objet de permettre la concertation sur les questions de santé. Elle est consultée par le Gouvernement lors de la préparation du projet de loi définissant les objectifs de la politique de santé publique mentionnés à l'article L. 1411-2. Elle formule des avis et propositions au Gouvernement sur les plans et programmes qu'il entend mettre en oeuvre. Elle formule également des avis ou propositions en vue d'améliorer le système de santé publique. Elle contribue à l'organisation de débats publics sur ces mêmes questions. Ses avis sont rendus publics.

« La Conférence nationale de santé, dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par décret, comprend notamment des représentants des malades et des usagers du système de santé, des représentants des professionnels de santé et des établissements de santé ou d'autres structures de soins ou de prévention, des représentants des industries des produits de santé, des représentants des organismes d'assurance maladie, des représentants des conférences régionales de santé publique, des représentants d'organismes de recherche ainsi que des personnalités qualifiées. »

IV. - L'article L. 1411-4 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-4. - Le Haut Conseil de la santé publique a pour missions :

« 1° De contribuer à la définition des objectifs pluriannuels de santé publique, en établissant notamment le rapport mentionné à l'article L. 1411-2 ;

« 2° D'assurer, en liaison avec les agences de sécurité sanitaire dans leurs domaines respectifs de compétence, une fonction générale d'expertise en matière d'évaluation et de gestion des risques sanitaires ;

« 3° D'exercer une fonction de veille prospective sur les tendances épidémiologiques et les évolutions technologiques propres à affecter l'état de santé de la population ;

« 4° D'évaluer la réalisation des objectifs nationaux de santé publique et de contribuer au suivi annuel de la mise en oeuvre de la loi.

« Il peut être consulté par les ministres intéressés, par les présidents des commissions compétentes du Parlement sur toute question relative à la prévention, à la sécurité sanitaire ou à la performance du système de santé et par le président de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé. »

V. - L'article L. 1411-5 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-5. - Le Haut Conseil de la santé publique comprend des membres de droit et des personnalités qualifiées.

« Le président du Haut Conseil de la santé publique est élu par ses membres. »

VI. - L'article L. 1413-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 1413-1. - Il est institué un Comité national de santé publique. Ce comité a pour missions :

« 1° De coordonner l'action des différents départements ministériels en matière de sécurité sanitaire et de prévention ;

« 2° D'analyser les événements susceptibles d'affecter la santé de la population ;

« 3° De contribuer à l'élaboration de la politique du Gouvernement dans les domaines de la sécurité sanitaire et de la prévention et d'en examiner les conditions de financement.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »

M. le président. Au sein de cet article, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 279, présenté par M. Fischer, Mmes Beaudeau, Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et qui est ainsi libellé :

« Dans le dixième alinéa (7°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique, après les mots : "inégalités de santé", insérer les mots : "notamment d'un point de vue socioprofessionnel et territorial". »

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Nous estimons nécessaire de réaffirmer la réduction des inégalités socioprofessionnelles et géographiques.

Je souhaite, à l'occasion de cette intervention, rappeler de manière très partielle la réalité des inégalités sociales dans notre pays.

Le troisième rapport du Haut Conseil de la santé publique intitulé La santé en France en 2002 soulignait quelques vérités terribles : la différence d'espérance de vie entre un ouvrier et un cadre âgés de trente-cinq ans atteint six années et demie. Deux ouvriers sur huit âgés actuellement de trente-cinq ans décèdent avant soixante-cinq ans pour un décès de cadre sur dix.

Le score de risque d'invalidité d'un ouvrier non qualifié est de 113 quand celui du cadre supérieur est de 89, pour une moyenne de 100.

Saviez-vous, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le taux de prématurité varie du simple au triple et la fréquence des petits poids à la naissance du simple au double en fonction du niveau scolaire de la mère ? J'ai été surpris en lisant cela, mais c'est une réalité qui s'impose à nous.

Le rapport que j'évoque démontrait que les inégalités ne se limitaient pas à la morbidité ou la mortalité des populations. Tous les domaines de la santé sont, en effet, concernés.

Prenons l'exemple d'enfants handicapés à gravité équivalente. La proportion d'enfants handicapés entrant en institution est trois fois plus élevée chez les ouvriers et les employés que chez les cadres et les techniciens.

Le Haut Conseil préconisait aux pouvoirs publics, en conclusion de son rapport, de faire de la lutte contre les inégalités de santé une priorité non seulement des politiques de santé, mais aussi, plus largement, des politiques publiques dans leur ensemble.

Selon une étude européenne reprise par l'INSERM, la mortalité chez les hommes de 45 ans à 59 ans exerçant une profession manuelle en France est supérieure de 71 % par rapport à ceux qui exercent une profession non manuelle. Il faut noter que cette surmortalité varie dans les autres pays européens de 33 % à 53 % ; elle est donc moindre.

Fondamentalement, ces inégalités sont, bien entendu, liées au niveau de vie des personnes et d'éducation. Mais elles découlent aussi des conditions de travail et nous aurons l'occasion, au cours du débat, de revenir plus longuement sur les maladies socioprofessionnelles.

Cette inégalité socioprofessionnelle est également présente, et ce en toute logique.

Comment ne pas revenir sur les terribles difficultés que vit la région Nord - Pas-de-Calais, et tout particulièrement ce dernier département ? Notre collègue Yves Coquelle y a fait allusion hier.

Là où le chômage et la précarité sévissent si fortement, la faiblesse face à la maladie ou au handicap est durement ressentie.

Ces quelques arguments brièvement développés devraient, à notre sens, convaincre le Sénat de bien préciser la nature des inégalités face à la santé qui sont à réduire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Francis Giraud, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je comprends très bien les motivations de M. Fischer. Si les inégalités socioprofessionnelles et territoriales qu'il met en exergue sont avérées, d'autres inégalités existent.

Dans le 7° du I de l'article 1er, le Gouvernement se fixe comme objectif la réduction des inégalités de santé par la promotion de la santé, par le développement de l'accès aux soins - il s'agit bien là du cadre territorial - et aux diagnostics sur l'ensemble du territoire. Certes, la définition est générale, mais elle englobe tout.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable, en pensant presque que l'amendement de M. Fischer est satisfait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Le Gouvernement émet le même avis que la commission.

Monsieur Fischer, vous êtes un parlementaire chevronné. Vous devez savoir qu'à chaque fois que l'on insère le terme « notamment » dans l'énoncé d'un principe en ajoutant telle ou telle disposition on affaiblit le principe général. Sinon, il vous faut procéder à une énumération complète en citant, notamment, les raisons médicales, qui sont également facteurs d'inégalités. Il est vrai que quelqu'un qui souffre d'une maladie chronique est plus fragilisé au regard des autres pathologies. Ainsi, ceux qui sont les plus atteints par la légionellose dans le Pas-de-Calais sont ceux qui sont particulièrement fragiles sur le plan pulmonaire du fait de la silicose, de l'anthracose, voire du tabagisme.

Monsieur Fischer, je regrette d'émettre un avis défavorable sur votre amendement, car l'intention est bonne, mais il affaiblit le principe général. Je vous serais donc reconnaissant de le retirer.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Monsieur le ministre, cet amendement n'a pas pour objet de citer les différentes inégalités dont souffrent nos concitoyens. Il tend simplement à rappeler l'une des caractéristiques de notre système de soins, qui fait envie à tous les pays du monde. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous avons obtenu en 2000, si ma mémoire est bonne, une distinction de l'Organisation mondiale de la santé. Le système français est en effet celui qui permet la plus grande accessibilité aux soins.

Le présent amendement vise donc à poser le principe, dans l'article 1er, de l'égalité de tous en matière d'accès aux soins. Cela ne signifie pas que ce principe, qui est déjà appliqué, soit menacé. Vous avez d'ailleurs déclaré hier, à la tribune, monsieur le ministre, qu'il n'était pas question, au travers de la réforme annoncée de la sécurité sociale, de le remettre en cause.

Tout en reconnaissant avec vous que l'accès aux soins et aux diagnostics doit être développé, je pense que doit être préservé le droit pour chaque Français, qu'il soit riche, pauvre ou misérable, d'accéder à des soins de haute qualité.

Cette exception française mériterait, me semble-t-il, d'être inscrite dans un article définissant la politique de santé publique de la nation. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je regrette que vous ne sembliez pas vouloir accepter cette modification, pourtant tout à fait nécessaire à mes yeux.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour explication de vote.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement a pour objet de rajouter au 7° du I de l'article 1er, qui prévoit une nouvelle rédaction de l'article L. 1411-1 du code de la santé publique, les inégalités de santé socioprofessionnelles. A l'heure actuelle, ce 7° est ainsi rédigé : « La réduction des inégalités de santé, par la promotion de la santé, par le développement de l'accès aux soins et aux diagnostics sur l'ensemble du territoire ; ». Nous connaissons les inégalités qui existent sur le territoire. Mais M. Fischer souhaitait y rajouter les inégalités socioprofessionnelles.

A ce propos, je vous fais remarquer, monsieur le ministre, que le deuxième alinéa du II de ce même article dispose : « La loi définit tous les cinq ans les objectifs de la politique de santé publique. » Or l'Assemblée nationale a ajouté les dispositions suivantes : « Le rapport établi par le Haut Conseil de la santé publique dresse notamment un état des inégalités socioprofessionnelles et des disparités géographiques quant aux problèmes de santé. »

Par conséquent, ce que vous prévoyez de définir dans un rapport établi tous les cinq ans, nous souhaitons l'inscrire dans le code de la santé publique.

Si tout le monde semble s'accorder sur l'existence des inégalités territoriales, pourquoi ne pas reconnaître les inégalités socioprofessionnelles ? On sait bien que les progrès de la médecine et l'augmentation de l'espérance de vie n'ont pas fait disparaître les écarts entre les travailleurs manuels et les travailleurs intellectuels.

Les statistiques relatives aux causes de mortalité par catégories socioprofessionnelles en offrent un exemple tout à fait frappant : le cancer est la première cause de décès avant soixante-cinq ans, soit environ 150 000 décès par an pour 278 000 nouveaux cas déclarés. En vingt ans - de 1969 à 1989 -, pour les personnes âgées de quarante-cinq à cinquante-quatre ans, le taux des décès prématurés par cancer chez les professeurs a baissé de 21 %, et je m'en réjouis. En revanche, dans le même temps, le taux des décès prématurés chez les ouvriers spécialisés a été multiplié par cinq. Personne ne peut nier ces chiffres !

Je ne comprends pas la raison pour laquelle vous refusez de faire figurer dans le code de la santé publique les inégalités socioprofessionnelles, monsieur le ministre, alors que vous acceptez qu'elles soient mentionnées dans le rapport établi par le Haut Conseil de la santé publique.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. A l'annonce de la fermeture de Metaleurop, une mère de famille s'exprimant sur la chaîne régionale de France 3 a maudi ceux qui avaient médiatisé la contamination au plomb, craignant que cette médiatisation ne soit précisément la cause du chômage à venir. Selon elle, ses deux enfants atteints de saturnisme vivaient très bien avec cette maladie. En revanche, le licenciement de son époux serait la fin de tout pour sa famille.

Voilà où nous en sommes, dans la région Nord - Pas-de-Calais, autour des sites contaminés. On y a fait croire aux femmes et aux hommes que l'emploi s'achetait aux dépens de la santé ; on y a fait croire qu'avec les professions à risque il fallait renoncer à l'égalité des chances et à l'égalité de l'espérance de vie.

C'est pourquoi je soutiens vivement l'indispensable amendement déposé par M. Fischer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J'avais envie de dire à M. Fischer que je partageais son point de vue.

M. François Autain. Dites-le !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Toutefois, si l'on approuvait sa proposition, on ferait la même erreur que celle qui a été commise à l'Assemblée nationale : on affaiblirait le texte du Gouvernement.

Lorsqu'on pose le principe que l'objet du projet de loi, c'est la réduction des inégalités de santé, on prend en compte toutes les origines des inégalités de santé. (M. François Autain fait un signe dubitatif.) Mais si !

Comme l'a dit M. le ministre, dès lors que l'on commence à apporter des précisions, on met l'accent sur certaines origines des inégalités de santé, laissant penser que les autres sont peu importantes.

Le Gouvernement a eu la sagesse de toujours faire référence au rapport annexé : « Ce rapport s'appuie sur un rapport d'analyse des problèmes de santé de la population [...] établi par le Haut Conseil de la santé publique, qui propose des objectifs quantifiés en vue d'améliorer l'état de santé de la population. Le rapport établi par le Haut Conseil de la santé publique dresse notamment un état des inégalités socioprofessionnelles et des disparités géographiques quant aux problèmes de santé. »

Le meilleur amendement que nous pourrions proposer - nous le verrons lors de la deuxième lecture - consisterait à supprimer les dispositions qui ont été ajoutées par l'Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je suis très surpris par l'explication que vient de donner M. le président de la commission. Si j'ai bien compris, dès lors que l'on précise, parmi les inégalités possibles, les inégalités à caractère socioprofessionnel et territorial, on affaiblit, en quelque sorte, le texte.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On marginalise les autres inégalités ! Or il faut toutes les prendre en compte !

M. Jean-Pierre Sueur. Réfléchissons bien aux conséquences intellectuelles de cette argumentation ! On peut se moquer des conséquences intellectuelles, monsieur le rapporteur.

Cela signifie que, si l'on insiste particulièrement sur l'une ou l'autre des formes d'inégalité, on porte atteinte au principe d'égalité dans son ensemble.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur Sueur, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en prie, monsieur About.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est peut-être dû à ma formation de médecin, mais j'ai du mal à croire qu'une anomalie de santé puisse avoir une cause unique. Il y a toujours une origine multifactorielle et il serait bien ambitieux de vouloir cerner systématiquement la, voire les deux ou trois origines des problèmes de santé.

Je crois que c'est une vision un peu limitée de l'être humain.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. M. le président de la commission ne m'a vraiment pas convaincu. Tout le monde sait qu'il existe des inégalités sociales, professionnelles, territoriales dans notre pays, comme d'ailleurs dans d'autres.

Le fait même que l'on puisse avancer ici...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et ailleurs !

M. Jean-Pierre Sueur. ... que l'inscription de ces formes d'inégalité dans la loi réduirait le caractère universel du principe d'égalité est très difficile à comprendre.

Certaines régions sont en grande difficulté, on le sait,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !

M. Jean-Pierre Sueur. ... et certaines catégories sociales connaissent de grandes souffrances. C'est la réalité...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !

M. Jean-Pierre Sueur. ... et mettre l'accent sur les moyens dont doivent bénéficier en matière de santé publique ceux qui sont dans ces souffrances me paraît aller dans le sens du principe d'égalité. Refuser de le reconnaître au nom d'une conception abstraite du principe d'égalité, c'est aller à l'encontre du principe d'égalité.

C'est pourquoi nous voterons l'amendement de M. Fischer.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela veut dire que vous faites fi des autres sources d'inégalité !

M. Jean-Pierre Sueur. Pas du tout !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 279.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 280, présenté par MM. Fischer et Autain, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Dans le dixième alinéa (7°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique, remplacer les mots : "par le développement de l'accès aux soins" par les mots : "par le développement du libre et égal accès aux soins". »

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. J'ai quelque scrupule à présenter cet amendement, car je pressens la réponse qui me sera faite. Néanmoins, vous connaissez notre pugnacité...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elle est légendaire !

M. Guy Fischer. L'amendement n° 280 vise à préciser que l'accès aux soins doit être libre et égal.

M. le ministre, M. le président de la commission et M. le rapporteur estimeront que j'enfonce des portes ouvertes, mais cette précision n'est pas redondante.

M. Jean-François Mattei, ministre. Si !

M. Guy Fischer. Elle est même fondamentale.

En effet, ce qui frappe aujourd'hui dans notre pays en matière de protection sociale, c'est l'inégalité croissante de l'accès aux soins.

Cette inégalité a des sources multiples.

D'une part, la paupérisation de la population et le renforcement de ghettos de misère et de mal-vivre qu'elle entraîne ont des conséquences en matière de santé. En tant que conseiller général élu d'un grand quartier populaire, les Minguettes, à Vénissieux, dans l'agglomération lyonnaise, je connais le problème !

La précarité et le chômage aboutissent à ces statistiques inadmissibles pour un des pays les plus développés de la planète : plus de 25 % de nos concitoyens ne peuvent se soigner comme ils le devraient, faute de moyens, faute d'intégration dans la société, mais je ne m'étendrai pas sur cette question tant il est évident qu'une destructuration de la société a des conséquences sur l'accès aux soins.

D'autre part, la politique du Gouvernement - la vôtre, monsieur le ministre - organise la réduction du libre accès aux soins.

M. Chabroux et moi-même avons fait référence à l'appel signé par les plus grandes sommités, en particulier par Médecins du monde.

Pour être franc, le dogme, qui prévaut depuis de nombreuses années, de la nécessaire maîtrise des dépenses de santé porte une lourde responsabilité.

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont, eux, toujours indiqué que la satisfaction des besoins dans un domaine aussi crucial que la santé devait prendre le pas sur la maîtrise comptable imposée, notamment, par les critères de Maastricht.

Monsieur le ministre, comment pouvez-vous défendre l'idée de réduire les inégalités en matière de santé alors que vous avez diminué - nous en avons débattu pendant plusieurs mois - le remboursement de nombreux médicaments ?

Comment pouvez-vous affirmer cet objectif alors que vous approuvez un projet de loi de décentralisation libérale qui organise la mise en concurrence des régions, en particulier dans le domaine de la santé ? Chacun sait que l'inégalité qui existe déjà entre territoires sera lourdement aggravée.

Je pourrais développer ces thèmes, mais je ne veux pas lasser la Haute Assemblée, que j'invite à adopter notre amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Francis Giraud, rapporteur. Peut-être ai-je des difficultés de compréhension, mais le texte du Gouvernement me paraît clair. Je ne vois pas comment mieux formuler la demande de M. Fischer qu'en prévoyant « la réduction des inégalités de santé [...] par le développement de l'accès aux soins ».

M. Fischer a dit qu'il connaissait la réponse qui allait lui être faite : évidemment, puisqu'elle est inscrite dans le texte de loi !

M. Guy Fischer. Nous ajoutons « libre et égal » !

M. Francis Giraud, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable, car l'amendement de M. Fischer, monsieur Sueur, est intellectuellement satisfait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Mattei, ministre. Le Gouvernement a exactement la même position que M. le rapporteur.

Je comprends que les parlementaires de l'opposition souhaitent que ces principes, pourtant constitutionnels, soient encore mieux affirmés, mais, comme vient de le dire parfaitement M. le rapporteur, on ne peut faire mieux que prévoir que, conformément au principe constitutionnel d'égalité, la politique de santé publique concerne « la réduction des inégalités de soins, par la promotion de la santé, par le développement de l'accès aux soins ». Au-delà du fait que ces propositions permettent à leurs auteurs de prendre la parole, tout autre ajout affaiblirait le texte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 280.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 276, présenté par MM. Ralite et Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Compléter in fine le dixième alinéa (7°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique par les mots : "et par la lutte contre l'ensemble des facteurs d'inégalités sociales de santé". »

La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. La question des inégalités sociales de santé, et le débat le prouve, est un enjeu décisif de notre système de santé et, plus généralement, de la politique nationale.

Les données disponibles, par exemple dans les travaux d'Annette Leclerc, chercheur à l'INSERM, de Saint-Maurice, de Didier Fassin, professeur à l'université Paris-XIII, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales et d'une unité de l'INSERM, ainsi que de Thierry Lang, professeur de santé publique à Toulouse, font apparaître que la France est un des pays développés qui connaissent les plus fortes inégalités sociales en termes de mortalité.

Il est intéressant de rencontrer ces chercheurs. J'ai eu une conversation téléphonique, tout à l'heure, avec Didier Fassin, qui, dans mon département, travaille sur des terrains qui créent des connaissances exigeantes autour de la vie.

Au demeurant, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui assigne au futur Haut Conseil de la santé publique un rôle de veille que l'on ne peut qu'approuver. De ce point de vue, l'article 1er est intéressant, mais il reste toutefois incomplet.

Chacun le sait, les inégalités trouvent leurs sources dans des facteurs beaucoup plus larges que les seuls systèmes de soins et de prévention. Ainsi, selon les études de l'OMS et de plusieurs organismes de recherche internationaux, l'organisation du système de santé, de l'accès aux soins et de l'assurance maladie est responsable de 20 % à 30 % des inégalités de santé. Cela signifie que de 70 % à 80 % des inégalités tiennent à d'autres facteurs.

Ce point est très important. En effet, s'agissant de 20 % à 30 % des inégalités, le projet de loi fait un pas en avant qu'il n'est pas question de nier. Cependant, s'agissant des 70 % à 80 % restants, tout semble être fait pour qu'ils ne soient pas pris en compte dans le projet de loi.

Nos concitoyens dans les quartiers, dans les entreprises, ont conscience de l'importance de ces facteurs, mais, souvent, ils ne savent pas, y compris les médecins, qu'elle a été scientifiquement validée. Or elle l'a été, par l'OMS et par les études qui ont été menées, et j'en ai beaucoup parlé avec le professeur Didier Fassin.

C'est pourquoi, au-delà des fonctions de diagnostic dévolues au futur Haut Conseil de la santé publique, il nous semble nécessaire que la politique de santé mette en oeuvre des moyens complets de réduction des inégalités.

La rédaction actuelle du 7° de l'article 1er n'est pas suffisante pour définir la politique de santé.

La réduction des inégalités sociales passe par des orientations qui dépassent largement la promotion de la santé et l'accès aux soins. Certes, ces facteurs se trouvent pour une part énoncés dans le paragraphe précédent, mais l'explicitation de la lutte contre les inégalités impose aussi de sortir du champ trop restrictif défini dans le 7°.

J'y insiste : la question des inégalités sociales de santé n'est pas une question spécifique découplée des autres thématiques.

Elle traverse l'ensemble de la réflexion sur la santé publique et doit donc être envisagée comme une référence incontournable de principe dans la mise en oeuvre de toutes les actions de santé publique.

Il n'y a pas, d'un côté, des actions généralistes et, de l'autre, des actions qui seraient « spécialistes », si j'ose dire, dans la lutte contre les inégalités.

Un tel découplage aboutit en effet, chacun le sait, à ce que des actions généralistes renforcent paradoxalement les inégalités sociales en produisant des avancées qui ne sont acquises que par les catégories sociales les moins défavorisées.

J'ajouterai que la lutte contre les inégalités dépasse la question des exclus et doit porter sur les facteurs structurants qui sont à la base.

C'est pourquoi je propose de compléter le 7° par l'expression « et par la lutte contre l'ensemble des facteurs d'inégalités sociales de santé ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Francis Giraud, rapporteur. L'avis de la commission est exactement le même que pour d'autres amendements. A entendre les orateurs, il faudrait préciser que les inégalités sociales doivent être combattues quelle qu'en soit l'origine et par tous les moyens.

M. Guy Fischer. Exactement !

M. Jean-Pierre Sueur. Ce serait très bien !

M. Francis Giraud, rapporteur. Je pense que tout le monde en est d'accord, et c'est ce qui est écrit !

M. Gilbert Chabroux. Il faut le faire !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Mattei, ministre. Le Gouvernement est du même avis que la commission.

Encore une fois, monsieur Ralite, je comprends votre préoccupation, mais je ne vois pas ce qu'apporterait cette précision supplémentaire. Le thème des inégalités de santé nous importe à tous !

Le 7° a déjà été enrichi à l'Assemblée nationale : je ne m'y étais pas opposé, même si je m'étais interrogé sur la redondance avec la loi relative aux droits des malades, qui affirme déjà très clairement ce principe.

Par conséquent, l'amendement n° 276 risque d'alourdir le dispositif plutôt que de l'enrichir, et le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Par ailleurs, monsieur Ralite, avec le respect que je dois au ministre de la santé que vous avez été, je voudrais qu'à l'occasion vous m'indiquiez pourquoi en 1983 vous aviez jugé bon de créer le forfait hospitalier (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste), car, alors qu'aujourd'hui je suis l'évolution du coût de la vie, je fais l'objet de critiques permanentes de la part de vos collègues à ce sujet. Je vous interroge avec beaucoup de respect pour les responsabilités que vous avez exercées.

M. François Autain. N'en rajoutez pas, monsieur le ministre !

M. Jean-François Mattei, ministre. Mais, si vous pouviez vous expliquer, cela nous permettrait de comprendre un certain nombre de choses.

Mme Marie-Claude Beaudeau. M. Ralite n'a pas été ministre du gouvernement Rocard !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je suis extrêmement surpris par les argumentations qui sont développées depuis hier soir.

Soit M. le rapporteur et M. le ministre disent être totalement d'accord avec nous et demandent au Sénat, pour cette raison même, de ne pas accepter nos amendements. Soit, comme vous venez de le faire, monsieur le président de la commission, on nous objecte que, de toute façon, les textes prévoient déjà les précisions que nous voulons introduire.

Mais, si ce dernier argument est valide, il faut l'appliquer totalement ! Je vous fais remarquer que la lutte contre les inégalités est une conséquence directe de la Constitution, où est inscrit noir sur blanc le principe d'égalité.

Citer, comme vous en éprouvez manifestement le besoin, la lutte contre les inégalités ne peut donc qu'être redondant avec la Constitution.

Nous sommes une République sociale : c'est aussi dans la Constitution !

M. Jean-François Mattei, ministre. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur. En vertu de l'argument que vous opposez à nos amendements, on pourrait supprimer une bonne partie de l'article 1er !

Nous estimons au contraire que, dès lors que vous jugez utile de rappeler le principe d'égalité, donc l'objectif de la lutte contre les inégalités, il est tout à fait nécessaire, plutôt que de s'en tenir à parler de l'égalité en termes généraux et abstraits, de viser expressément les inégalités sociales, conformément d'ailleurs à la Constitution.

Quant à votre autre argument - puisqu'on est d'accord il serait inutile d'ajouter des précisions -, il est quand même extrêmement faible, ou alors vous devriez supprimer les références au principe d'égalité et à la lutte contre les inégalités qui sont aussi dans la Constitution.

Ces arguments ne tiennent pas parce qu'il n'y a pas cohérence entre eux. Nous devons en conclure que vous ne voulez pas inscrire le mot « social » dans la loi, comme si reconnaître l'existence des inégalités sociales vous faisait peur et vous troublait !

M. Roland Muzeau. « Social », c'est un gros mot !

M. Jean-Pierre Sueur. Si cela ne vous fait pas peur, acceptez cet amendement, et la loi en sera améliorée.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur Sueur, nous n'avons pas voulu insister, pour ne pas trop faire apparaître qu'il s'agissait du résultat de la politique que vous et vos amis avez menée pendant tant d'années. Les inégalités actuelles sont pourtant bien le fruit de cette politique ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas une réponse aux arguments qui viennent d'être présentés !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Que le Gouvernement entende combattre les inégalités que vous avez laissées se créer est une bonne chose, mais point n'est besoin de vous faire autant d'honneur en rappelant sans arrêt que la situation actuelle est le fruit de votre politique ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas un argument.

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.

M. Jack Ralite. Vous nous dites : « Vous ajoutez. »

Mais il y a la question de la légionellose dans le Nord, sur laquelle mon collègue Yves Coquelle est intervenu hier, et M. le ministre a d'ailleurs considéré qu'il s'agissait d'une intervention solide, équilibrée et qui va être prise en compte, c'est-à-dire être ajoutée.

Il y a aussi le problème de la canicule, à propos de laquelle il y a une inscription, un ajout. (Murmures sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) Mais ne commencez pas à murmurer avant même de savoir ce que je vais dire ! (Exclamations sur les mêmes travées.) Ayez un peu de dignité !

M. Paul Blanc. On en a !

M. Jack Ralite. La dignité, cela existe, et je vais vous en parler !

MM. Gérard Dériot et Bernard Plasait. On n'a pas besoin de vos leçons !

M. Jack Ralite. On verra !

Donc, on peut ajouter, et c'est tout à fait compréhensible, et l'on ne porte pas de jugement de valeur. Mais les inégalités sociales ne sont pas apparues l'été dernier. Elles ne sont pas non plus nées récemment avec la légionellose. C'est un phénomène permanent.

L'OMS, je le répète, affirme que 20 % à 30 % des inégalités de santé sont imputables à l'organisation du système de santé et de l'assurance maladie, 70 % à 80 % à des facteurs extérieurs. Et l'on voudrait taire tout cela !

En examinant avec Didier Fassin les cent objectifs, dont beaucoup me semblent intéressants, je me suis néanmoins aperçu comme lui que seulement deux concernaient le problème de l'inégalité sociale. Il y a donc bien quelque part un manque, qu'il faut corriger par un ajout.

J'ai été maire jusqu'à une date récente de la ville d'Aubervilliers. Je me rappelle que nous avons installé une « maison médicale de santé » dans un quartier très pauvre, le quartier du Marcreux. Or nous n'arrivions même pas à engager un dialogue avec les habitants de ce quartier, qui en étaient à un point tel qu'ils étaient comme hors santé. Ils avaient mal, comme on a mal quand on souffre, mais ils étaient en dehors du système de santé. Cela a nécessité un travail très long : les habitants de ce quartier étaient devenus « muets ».

Pour avoir effectué, au moment où, comme l'a rappelé M. le ministre, j'étais en charge du ministère de la santé, des visites très nombreuses dans les entreprises comme Renault-Douai, La Lainière de Roubaix, Usinor-Dunkerque - une nuit entière au coeur du haut-fourneau ! -, je suis au fait des inégalités sociales.

Je me rappelle de chômeurs réunis à Longwy. Ils n'ont pas parlé de la santé alors que les médecins, eux, en parlaient. Au moment où j'ai dû intervenir, comme le fait toujours un ministre avant de quitter ceux qu'il a souhaité rencontrer et écouter, j'ai mis de côté mon discours et je leur ai parlé de leur silence. Que signifiait-il ? Pour rompre ce silence-là, il ne faut pas qu'il y ait un silence à ce propos dans le texte de loi.

Monsieur le ministre, vous m'avez demandé respectueusement, et je vous en sais gré, de bien vouloir m'expliquer sur le forfait hospitalier.

Pour être, comme je l'ai été, membre d'un gouvernement, vous savez que les délibérations du conseil des ministres n'ont pas à être publiées, seul l'est le procès-verbal des décisions. Par ailleurs, la solidarité ministérielle doit jouer. Vous êtes peut-être un bon médecin, mais vous n'êtes pas un très bon historien. En effet, au moment où a été traitée cette question, un de mes collègues a dit que j'étais d'accord, rendant ainsi publique une information sur le conseil des ministres. Comme j'étais intervenu contre, je me suis cru autorisé, puisqu'il avait lancé le débat, à préciser que je n'étais pas d'accord. Il m'en a donné acte. Les choses se sont passées de cette façon. Il faut donc être minutieux, monsieur le ministre ! De toute façon, vous ne me placerez pas en porte à faux sur le travail de santé que mes collègues ministres et moi-même avons à l'époque accompli au sein du gouvernement.

Voilà, j'ai dit à l'époque ce que j'avais vraiment à dire à votre interrogation, monsieur le ministre.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est intéressant !

M. Jack Ralite. C'est d'autant plus intéressant que l'histoire existe ! (Très bien ! sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) C'est pourquoi il faut respecter l'histoire.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et un portefeuille !

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Monsieur le ministre, je regrette vivement que vous vous soyez livré à cette attaque contre mon collègue Jack Ralite. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Jean-François Mattei, ministre. Ce n'était pas une attaque.

M. François Autain. Si, c'en était une !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les questions ne sont pas des attaques !

M. Raymond Courrière. C'est de la provocation !

M. François Autain. Oui, c'était une provocation, qui n'avait pas sa place dans ce débat.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah bon ? Le forfait hospitalier n'a pas sa place dans le débat ?

M. François Autain. Si j'interviens, c'est parce que je me suis senti également visé !

M. Raymond Courrière. Bien sûr ! C'est scandaleux !

M. François Autain. En effet, tout le monde l'a peut-être oublié, mais, avec mon collègue Raymond Courrière, j'ai également fait partie d'un gouvernement, mais à un poste marginal, dont personne ne se souvient et c'est peut-être tant mieux. Il faut savoir faire preuve d'une certaine humilité. Il arrive parfois, lorsqu'on fait partie d'un gouvernement, que l'on ne soit pas d'accord avec les décisions prises par celui-ci. Mais, par esprit de solidarité, non seulement on accepte ses décisions, mais on les applique.

M. Raymond Courrière. Et on les soutient !

M. François Autain. Il est sans doute arrivé à M. Jean-François Mattei d'être dans cette situation. Si cela ne lui est jamais arrivé, il faudra qu'il nous l'explique.

Les groupes politiques, la majorité, l'opposition ont le droit de changer d'avis. Pour prendre un exemple souvent cité, lorsque nous avons mis en oeuvre la grande loi de décentralisation sous l'impulsion du Président de la République François Mitterrand et de son ministre Gaston Defferre,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Quand vous êtes au pouvoir, vous êtes pour !

M. François Autain ... je ne me souviens pas que l'opposition de l'époque ait approuvé cette décentralisation. Or tout montre aujourd'hui qu'elle a changé d'avis.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elle n'a pas changé d'avis, elle tient compte de la réalité.

M. François Autain. Je ne me permettrai pas de le lui reprocher. Au contraire, je m'en félicite. Mais cet exemple prouve que, au fil des années, on prend du recul et que l'on peut adopter des positions différentes de celles que l'on avait lorsqu'on était aux affaires.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est un peu pareil pour les privatisations !

M. François Autain. C'est la raison pour laquelle j'ai présenté un amendement visant à supprimer le forfait hospitalier.

Je regrette d'ailleurs que le Gouvernement ne m'ait pas suivi sur ce point lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous le ferez peut-être un jour !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 276.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 274, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Compléter le dernier alinéa (9°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique, par les mots : "notamment pour la mise en oeuvre d'une politique adaptée de formation initiale des intervenants". »

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. La politique nationale de santé publique peut recouvrer des objectifs quantifiables - encore que l'on puisse s'interroger sur les conditions de mesure de ces objectifs - destinés, entre autres, à faire reculer les pandémies, à réduire les inégalités d'accès aux soins ou à créer les conditions d'une réponse adaptée aux urgences sanitaires ; elle ne peut ignorer la nécessité de mettre à disposition des services de santé les moyens humains nécessaires à leur fonctionnement et à la prise en compte des besoins sanitaires de la population.

A notre sens, il ne saurait y avoir de politique de santé digne de ce nom sans une formation initiale des personnels au niveau requis par l'évolution des techniques, mais aussi par l'évolution des besoins de la population. Nous en avons largement discuté.

Le moins que l'on puisse dire sur ces questions est que, ces dernières années, certaines crises sanitaires majeures, comme la « catastrophe » sanitaire liée à la situation de canicule de l'été 2003, même si M. le ministre a récusé ce terme au cours d'un débat au Sénat, ont largement montré que les moyens humains du secteur hospitalier, comme de la médecine de ville ou de certaines professions médicales et paramédicales, n'étaient pas à la hauteur de la situation.

Il y a ainsi un déficit de médecins urgentistes pour répondre aux situations d'urgence auxquelles nous avons pu être dernièrement confrontés.

Il y a un déficit de personnels dans les services de maternité et périnatalité conduisant notamment à priver nombre de femmes enceintes de cours de préparation à l'accouchement.

Il y a un déficit d'infirmières dans les établissements hospitaliers publics, déficit matérialisé par la réduction régulière du nombre d'élèves infirmières en formation dans les écoles rattachées. Certes, les numerus clausus ont été relevés, ces déficits datant de plusieurs années, je le reconnais.

Il y a aussi, dans un autre cas de figure, un déficit de praticiens libéraux ou encore d'infirmières dans certaines zones rurales ou zones urbaines sensibles où l'inégalité d'accès à la santé se matérialise par l'absence pure et simple de cabinets en activité.

Il y a, alors même que nous devons relever le défi du maintien à domicile des personnes âgées dépendantes - et nous sommes d'accord avec vous, monsieur le ministre - que nous devons trouver les moyens de répondre au développement des affections neurologiques graves comme la maladie de Parkinson ou la maladie d'Alzheimer, un déficit de formation d'auxiliaires de vie, s'agissant tant du nombre d'intervenants que de la qualité de la formation même de ces personnels indispensables dans l'action en direction de ces publics.

Si l'on considère donc l'ensemble de ces paramètres, révélés au grand public par les plus récents événements, mais ayant déjà suscité de l'inquiétude des professions concernées - souvenons-nous du mouvement des infirmiers de services hospitaliers voilà quelques années ou, plus récemment, de celui des urgentistes -, il est donc temps de mettre en oeuvre une politique audacieuse et ambitieuse de formation initiale en matière de santé publique.

Si l'on partage des objectifs de prévention sanitaire améliorée, de réponse adaptée aux situations d'urgence, on se doit de les traduire en termes de formation initiale, celle-ci conduisant, dans le cadre de la politique nationale de santé publique, à la revalorisation du cadre professionnel et à la reconnaissance des compétences des intervenants.

Toute politique de santé publique qui oublierait cette dimension essentielle de la formation initiale ne procéderait que d'un voeu pieux et d'objectifs généraux et généreux, que tout un chacun pourrait partager, mais qui ne peuvent se priver des moyens humains nécessaires. J'entends encore certains urgentistes, dans le pire de la crise, dire que ce sont les moyens humains qui sont au coeur des difficultés.

Cet amendement vise donc à placer clairement, dans le cadre de l'article 1er du présent projet de loi, cette exigence d'une politique ambitieuse de formation initiale des intervenants au sein des objectifs de la politique de santé publique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Francis Giraud, rapporteur. L'amendement défendu par M. Fischer relève du même procédé que ceux qui ont été examinés précédemment. Si votre demande est tout à fait recevable, monsieur Fischer, on peut néanmoins vous répondre que la formation initale des personnels doit être prise en charge par les établissements de formation.

Quand on lit dans le 9° que « l'organisation du système de santé et sa capacité à répondre aux besoins de prévention et de prise en charge des maladies et handicaps » sont bien l'une des priorités du Gouvernement, nous estimons que cette demande est satisfaite, car la définition des programmes et des organisations ne relève pas d'une mesure législative. Votre demande est donc fondée, mais elle ne relève pas des principes généraux que la nation se donne pour mettre en oeuvre la politique de santé et répondre aux besoins de prévention.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Mattei, ministre. Le Gouvernement partage le point de vue de la commission.

On ne peut pas s'opposer aux intentions qui sous-tendent l'ensemble des amendements que l'opposition a présentés. Nous défendons simplement la rédaction d'un texte qui doit être le plus cohérent, le plus fort et le plus ramassé possible tout en énonçant des principes généraux. Ainsi, personne ne peut être contre la nécessité de renforcer la formation des intervenants. Elle est, évidemment, très importante, mais ce n'est qu'un moyen de répondre aux besoins de la population. Cet article englobe des thèmes généraux et se situe au niveau des grands principes de la santé publique. On pourrait l'allonger indéfiniment en énumérant tous les moyens d'action que la politique de santé publique peut exiger, mais cela nuirait à sa lisibilité.

Par ailleurs, monsieur Fischer, vous verrez dans la suite du texte, notamment après l'article 51, que la formation de l'ensemble des professionnels est un souci majeur du Gouvernement et qu'un certain nombre de dispositions répondent à votre légitime préoccupation.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, je pense également que l'amendement déposé par mon ami Guy Fischer est légitime, tout comme l'étaient les précédents. Vous l'avez d'ailleurs reconnu. Je ne comprends donc pas pourquoi vous vous refusez obstinément à modifier un certain nombre d'aspects de ce projet de loi. On nous a dit que si l'urgence n'avait pas été déclarée, c'était précisément pour que l'on discute de ce texte, ce que nous faisons. Or en discuter sans intégrer la moindre proposition de l'opposition me paraît une méthode de travail assez curieuse, d'autant que toutes ses idées apparaissent comme positives.

Le groupe CRC a déposé une soixantaine d'amendements tout en exprimant son sentiment sur le texte de loi. Le Gouvernement, sur un texte inachevé, en a déposé soixante-huit. Peut-être en déposera-t-il d'autres en cours de débat. Vous pouvez constater que nous participons à la construction d'un texte en souhaitant définir des objectifs les plus précis et les plus offensifs possibles afin d'aboutir à des améliorations de notre système de santé publique. On ne vit pas de regrets mais vous comprendrez que ces refus nous choquent.

J'en viens à quelques observations complémentaires pour expliquer mon vote sur l'amendement n° 274 qui porte sur la formation initiale des intervenants en matière de santé publique.

On nous oppose évidemment dans ce débat le fait que des dispositions relatives à la formation dans le domaine de la santé, de l'action sociale et médico-sociale sont contenues dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales, dont nous avons débattu à l'automne dernier.

Mais comment ne pas oublier que ce projet de loi n'est pas encore arrivé au terme de la navette, d'autant que son inscription à l'ordre du jour du Palais-Bourbon vient d'être repoussée ?

Pour autant, on ne peut décemment se dispenser de porter une attention particulière à la question de la formation initiale en santé publique, compte tenu des déficits constatés et des perspectives pour le moins sombres qui se profilent pour nombre de spécialités.

Viendra en effet bientôt le temps où l'on pourra décider de regrouper des services hospitaliers, non parce qu'il faudra réaliser des « économies » au sens où on l'entend un peu trop souvent depuis quelques années en matière d'assurance maladie, mais parce qu'il y aura purement et simplement défaut de praticiens pour les faire fonctionner. Je crains d'ailleurs que, dans de nombreux cas, nous n'en soyons déjà à ce point de rupture. J'ai quelques exemples dans mon département à ce sujet.

Je ne peux manquer, à ce stade du débat, de soulever la question essentielle de la formation dans un domaine particulier : celui des personnes âgées dépendantes et du maintien à domicile. En cette matière, nous sommes confrontés à une situation relativement connue.

La dépendance est l'une des questions cruciales que notre système de solidarité nationale, comme notre système de santé pour une part des réponses que l'on peut y apporter, aura à connaître ces prochaines années en raison de son développement et de sa « montée en charge » inéluctables.

Force est de constater que nous ne disposons pas encore, dans notre pays, des personnels qualifiés en nombre pour favoriser le meilleur accompagnement des personnes concernées. Nous réalisons des avancées dans la connaissance des troubles neurologiques liés à la dépendance, nous en réalisons d'autres pour ce qui concerne la prévention des atteintes à la santé physique, mais tout choix en direction du maintien à domicile implique naturellement que nous ayons le souci de former les personnels les plus qualifiés possible. Nous ne pouvons nous satisfaire de la seule bonne volonté de ceux qui interviennent aujourd'hui sur l'ensemble de ces questions. Nous inclinons même à penser que la prégnance des questions posées par la dépendance impose des réponses à la hauteur en termes de qualification des personnels.

Des écoles et des établissements de formation, tant publics que privés, dont la pratique et l'expérience font autorité, nous semblent parfaitement habilités à mettre en oeuvre ces stratégies et cette politique de formation. Il nous semble que la loi doit au moins fixer le cadre dans lequel cette action peut être amenée à se développer.

Adopter cet amendement de notre groupe contribuerait, par conséquent, à affirmer ces orientations et à permettre, dans le dialogue nécessaire entre l'Etat et les établissements de formation concernés, leur mise en oeuvre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 274.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 334, présenté par M. Othily, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique par un 10° ainsi rédigé :

« 10° La démographie du corps de santé. »

La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Cet amendement vise à ajouter un 10° au texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique, où sont énumérés les objectifs pluriannuels de la politique de santé publique.

En effet, la situation outre-mer, singulièrement en Guyane, est si particulière que, par la question de la tarification, par les mesures incitatives à l'exercice de la profession, nous devons, en effet, encourager les médecins à s'installer plus nombreux ; c'est la philosophie que j'ai développée au cours de la discussion générale.

C'est pourquoi, après avoir mené une concertation avec les acteurs guyanais de la santé, nous souhaiterions que le problème de la démographie des professionnels de santé soit ajouté à la liste des propositions contenues à l'article 1er pour contribuer à la définition de la politique de santé.

En effet, comment définir une politique de santé si la question de la démographie des professionnels de santé n'est pas prise en compte ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Francis Giraud, rapporteur. Chacun connaît l'importance des problèmes de la démographie des personnels de santé, et la suggestion de M. Othily est parfaitement recevable.

Je crois, mon cher collègue, que, pour ce qui est plus particulièrement de la Guyane, M. le ministre vous a indiqué hier les intentions du Gouvernement.

Sur l'amendement n° 334, la commission s'en remettra à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Mattei, ministre. Le Gouvernement est tout prêt à donner satisfaction à M. Othily sous réserve qu'il rectifie son amendement. En effet, le terme de « corps de santé » n'est ni reconnu ni utilisé. Je remarque d'ailleurs que, en défendant l'amendement, monsieur le sénateur, vous utilisiez la bonne expression : « les professions de santé ».

Si vous acceptiez de rectifier l'amendement en ce sens, le Gouvernement émettrait un avis favorable.

M. le président. M. Othily, accédez-vous à la demande de M. le ministre ?

M. Georges Othily. C'est bien volontiers que je succombe à cette tentation ! (Sourires.)

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement, n° 334 rectifié, présenté par M. Othily, et ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique par un 10° ainsi rédigé :

« 10° La démographie des professions de santé. »

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. L'amendement n° 184, présenté par M. Chabroux, Mme Campion, MM. Cazeau et Godefroy, Mme Printz, M. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - L'article L. 1411-1-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-1-2. - L'accès à la prévention et aux soins des populations fragilisées constitue un objectif prioritaire de la politique de santé.

« Les programmes de santé publique mis en oeuvre par l'Etat ainsi que par les collectivités territoriales et les organismes d'assurance maladie prennent en compte les difficultés spécifiques des populations fragilisées. »

La parole est à M. Gilbert Chabroux.

M. Gilbert Chabroux. Je souhaite revenir sur la question des inégalités sociales. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Oui, je connais la réponse qui sera faite !

M. Jack Ralite. Ce n'est tout de même pas un gros mot ! Dans ce pays, « ouvrier » et « inégalités sociales » sont des gros mots, maintenant ! (Brouhaha.)

M. Alain Fouché. Elles ne sont pourtant pas récentes !

M. Gilbert Chabroux. Le problème mérite d'être posé. (Le brouhaha persiste.)

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Chabroux !

M. Gilbert Chabroux. Je demande que soient prises en compte les difficultés spécifiques des populations fragilisées car, je le répète, cela ne figure pas dans le projet de loi, et je vais le montrer.

Je l'ai rappelé hier soir, il est bien du rôle de l'Etat de protéger les populations qui, à cause de la maladie ou de la précarité économique, sont les plus fragilisées, en leur donnant accès aux droits élémentaires de se loger, de se nourrir dignement et de recevoir des soins de qualité, et il me semble qu'il serait bon de pouvoir l'inscrire dans la loi. On peut citer un certain nombre de populations fragilisées : les personnes âgées, particulièrement celles que l'on appelle le quatrième âge ; les personnes incarcérées ; les personnes démunies ; les jeunes. Elles devraient constituer un objectif prioritaire de santé publique.

Le projet de loi définit cinq axes prioritaires : nous pensons qu'il faudrait en créer un sixième pour que soit prise en compte la question centrale de l'accès aux soins des plus pauvres.

Je le répète, une politique de santé publique déconnectée de la réalité sociale n'est pas envisageable, car elle ne serait pas efficace.

Je veux rappeler ce qu'a fait le gouvernement actuel - je pourrais rappeler aussi ce qu'a fait le gouvernement précédent -,...

Un sénateur de l'UMP. Il n'a rien fait !

M. Gilbert Chabroux. ... par exemple en créant la CMU, que vous avez réduite en introduisant des restrictions, en imposant un délai pour l'obtention des droits...

On pourrait aussi parler de l'AME, l'aide médicale d'Etat,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je l'ai fait hier !

M. Gilbert Chabroux. ... à laquelle vous avez également apporté des restrictions qui toucheront plus particulièrement les étrangers en situation irrégulière vivant en France avec moins de 566 euros par mois. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Je pourrais poursuivre, mais ce serait me répéter, et vous avez certainement tout retenu. J'insiste cependant pour que ces problèmes trouvent leur traduction dans le texte que nous examinons et qui, sans cela, ne débouchera pas sur une véritable loi de santé publique, parce qu'il ignorera les problèmes des personnes les plus fragiles.

M. Roland Muzeau. Eh oui !

M. Gilbert Chabroux. Et je ne voudrais pas, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que vous fassiez une réponse de techniciens - on me souffle : « de médecins », de professeurs de médecine. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. « Médecins » n'est pas un gros mot !

M. Francis Giraud, rapporteur. Ce n'est pas une insulte !

M. Jack Ralite. Ce n'est pas nous qui l'avons dit !

M. Gilbert Chabroux. La santé est une chose trop sérieuse, trop précieuse pour être confiée exclusivement aux médecins. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Fouché. C'est facile !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'a pas tort !

M. François Autain. Il a raison ! Il a dit : « exclusivement » !

M. Gilbert Chabroux. Nous sommes concernés ! Nous avons tout de même notre mot à dire ! Il n'y a pas que les médecins !

Du fait que les malades sont là, les médecins ont un rôle à jouer ; mais les malades existent, et ils ont le droit de s'exprimer !

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Bien sûr !

M. Gilbert Chabroux. Ils devraient être au coeur du système de santé, de même que les populations fragilisées dont je parle ! Mais vous faites des réponses de techniciens, des réponses de médecins.

Hier soir, nous avons évoqué le dépistage précoce, et vous avez jugé l'expression redondante, pléonastique. J'ai donc mis un point d'honneur à rechercher toutes les publications scientifiques qui traitent du dépistage précoce, et j'en ai trouvé beaucoup ! L'une, émanant du CRIPS, le centre régional d'information et de prévention du sida de Provence - Côte d'Azur, s'intitule : Nouvelle donne pour le sida : dépistage précoce, traitement précoce, traitement préventif. Je pourrais en citer bien d'autres, sur la maladie d'Alzheimer, sur le cancer du sein, que sais-je !... Mais vous, vous répondez dans votre langage de techniciens.

Nous souhaiterions humaniser ce projet de loi, y introduire quelques considérations humanitaires, sociales. J'en reviens aux populations fragilisées : j'espère que vous allez faire un geste et, finalement, comprendre l'importance des questions que nous posons.

M. Guy Fischer. M. Emmanuelli a tenté de convaincre le Président de la République !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Francis Giraud, rapporteur. M. Chabroux soulève des questions fondamentales et, contrairement à ses amendements précédents, on peut envisager d'accepter celui-ci, sinon à la lettre, du moins dans le principe, en complétant le 4° du texte proposé à l'article 1er pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique, qui précise que la politique de santé publique concerne « l'amélioration de l'état de santé de la population et de la qualité de vie des personnes malades, handicapées et des personnes dépendantes », par les mots : « et des populations défavorisées ».

Aussi, le médecin, le technicien,...

M. Gilbert Chabroux. ... et l'homme !

M. Francis Giraud, rapporteur. ... mais surtout le rapporteur de la commission s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur le sénateur, je vous donne bien volontiers acte que la médecine est une chose trop importante pour être confiée aux seuls médecins. C'est d'ailleurs probablement pour cette raison qu'un certain nombre d'entre eux se sont engagés en politique, celle-ci semblant être une interface particulièrement intéressante ! (Sourires.)

M. François Autain. Et puis, c'est une forme de reconversion !

M. Jean-François Mattei, ministre. Au-delà de quelques chicayas, nos objectifs sont les mêmes, j'en suis convaincu, et je ne fais de procès d'intention à personne.

M. François Autain. Très bien !

M. Jean-François Mattei, ministre. Vous évoquez les difficultés spécifiques des populations fragilisées. Je ne suis pas opposé à vous donner satisfaction, mais, bien qu'ayant le code de la santé publique sous les yeux, je ne comprends pas la lettre de votre amendement n° 184. En effet, il vise à donner une nouvelle rédaction à l'article L. 1411-1-2 du code de la santé publique, ce qui signifie que la rédaction actuelle de cet article L. 1411-1-2, relatif à la Conférence nationale de santé, disparaît !

Je suis d'accord sur le principe de l'attention portée aux populations défavorisées, mais vous commettez manifestement une erreur de numérotation de l'article du code de la santé publique concerné ! C'est pourquoi je vous propose, si M. le rapporteur en est d'accord, de réserver le vote sur cet amendement de façon à vous laisser le temps de le rectifier.

M. le président. La parole est à M. Chabroux.

M. Gilbert Chabroux. Je suis désolé, monsieur le ministre, nous ne sommes pas des techniciens (Rires), et tout est de notre faute ! Mais je suis pris au dépourvu ! Nous ne tiendrons jamais la route, car vous êtes redoutable, monsieur le ministre ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Si l'objet de l'amendement est bon, il reste un problème de forme. Mais c'est déjà une excellente chose que l'objet vous semble bon et que vous acceptiez de retenir le principe ! C'est un progrès considérable !

Il me semble que c'est en fait l'article L.1411-4 qui était visé...

Mme Marie-Claude Beaudeau et M. Guy Fischer. Voilà !

M. Gilbert Chabroux. ... et qu'il faut rectifier l'amendement en remplaçant : « article L.1411-1-2 » par : « article L.1411-4 ». C'est cette référence qui est la bonne.

M. Jean-François Mattei, ministre. Mais il existe déjà un article 1411-4 !

Monsieur le président, je demande la réserve du vote de l'amendement n° 184 jusqu'au moment où un texte satisfaisant aura été trouvé !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?

M. Francis Giraud, rapporteur. Favorable.

M. le président. Il n'y a pas d'opposition ?...

La réserve est ordonnée.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 281, présenté par MM. Autain et Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1411-2 du code de la santé publique :

« A cette fin, le Gouvernement précise, dans son rapport annexé au projet de loi, les objectifs de sa politique, les principaux plans d'action et les moyens, notamment financiers, nécessaires à leur mise en oeuvre. »

L'amendement n° 185, présenté par M. Chabroux, Mme Campion, MM. Cazeau et Godefroy, Mme Printz, M. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1411-2 du code de la santé publique, après les mots : "plans d'action", insérer les mots : "qui comporteront une étude coût et avantage, des propositions de méthodologie et les moyens". »

La parole est à M. François Autain, pour présenter l'amendement n° 281.

M. François Autain. La référence aux moyens consacrés à la politique de santé publique semble absolument indispensable, surtout quand on a pris connaissance de l'annexe, ce que j'ai fait, monsieur le ministre, avec une grande attention - j'ai même souligné certains passages -, et j'aurai l'occasion de vous le prouver lors de la discussion de l'article 14.

La liste des cent objectifs de santé est présentée sur quatre colonnes. Il en manque manifestement une, qui devrait être consacrée aux moyens - et je ne pense pas aux seuls moyens financiers ; d'ailleurs, si le mot « financiers » vous choque dans mon amendement, je suis prêt à l'en retirer -, ce que je vais montrer en m'appuyant sur deux exemples.

Le premier - il n'est pas très compliqué - porte sur l'objectif quantifiable n° 1, qui prévoit de « diminuer la consommation annuelle moyenne d'alcool par habitant de 20 % » et, pour ce faire, de « passer de 10,7 litres par an et par habitant en 1999 à 8,5 litres par an et par habitant d'ici à 2008 ». Pourquoi pas !

Toutefois, je m'interroge. Durant les trente dernières années, la consommation d'alcool a diminué de 30 %, passant de 15,7 litres à 10,7 litres par an et par habitant. (M. le ministre fait un signe d'assentiment.) Or, si j'ai bien compris - et je parle sous votre contrôle, monsieur le ministre -, vous voulez, en moins de dix ans, la réduire de 20 %, alors que, je le répète, il a fallu trente ans pour la faire diminuer de 30 % !

Quels moyens allez-vous donc mobiliser pour atteindre cet objectif ? Certes, vous pouvez augmenter la taxe sur les alcools, excellent moyen qui a remarquablement réussi sur la consommation du tabac. Mais, si telle est votre intention, pourquoi ne pas la dire, pourquoi ne pas l'écrire ? C'est là un renseignement fondamental qui peut permettre de renforcer la crédibilité des objectifs - très nombreux, d'ailleurs ! - que vous nous soumettez !

Mon second exemple concerne l'ostéoporose. Vous affichez votre volonté, que je partage, de lutter contre cette maladie. Pour y parvenir, il est un moyen que vous n'évoquez absolument pas et qui me semble pourtant tout à fait nécessaire : le remboursement de l'ostéodensitométrie. Or vous avez refusé le remboursement de cet examen, puisque l'amendement que j'avais déposé en ce sens lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale a été retoqué.

Ces deux exemples montrent bien qu'il est indispensable, quand il est question d'objectifs et de projets de santé aussi ambitieux, aussi nombreux et à échéance aussi rapprochée, d'aborder le problème des moyens, sans se limiter au seul angle financier.

Tel est l'objet de l'amendement n° 281. Bien entendu, j'aurai l'occasion de revenir plus longuement, lors de la discussion de l'article 14, sur ces fameux cent objectifs de santé.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre l'amendement n° 185.

M. Gilbert Chabroux. L'objet de cet amendement est de prévoir que le Gouvernement précise dans le rapport annexé les moyens financiers et les principaux plans d'action, qui devront comporter une étude coût-avantages et des propositions en matière de méthodologie.

Nous attendions, je le répète, que des moyens financiers soient clairement définis et affichés. Nous les cherchons toujours ! Lors de la conférence de presse relative à ce projet de loi, les plans nationaux stratégiques avaient été qualifiés d'outils importants pour la politique de santé publique. Cependant, on ne peut que s'interroger : comment apprécier leur portée si les moyens correspondants n'apparaissent pas ? Sont-ils destinés finalement à énoncer de simples intentions, fussent-elles louables ?

Dans un esprit constructif, je demande, par cet amendement, que les moyens affectés soient présentés et que les principaux plans d'action comportent une étude coût-avantages et des propositions en termes de méthodologie.

Certes, M. le ministre nous a indiqué que le plan national de lutte contre le cancer est financé à hauteur de 1,5 milliard d'euros sur cinq ans, dont 100 millions d'euros pour la première année, mais ce financement est tributaire du rendement des taxes sur le tabac.

Par ailleurs, le plan national de lutte pour limiter l'impact sur la santé de la violence, des comportements à risque et des conduites addictives, le plan national de lutte pour limiter l'impact sur la santé des facteurs d'environnement, le plan national de lutte pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques et le plan national pour améliorer la prise en charge des maladies rares ne sont absolument pas financés.

Or on ne peut s'en remettre, sur ce point, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale à venir ; d'ailleurs, nous ne savons pas ce que va devenir l'assurance maladie, et nous attendons qu'un certain nombre de décisions soient prises à ce sujet, ce qui sera fait par voie d'ordonnances, paraît-il. On ne peut pas non plus s'en remettre aux futures lois de finances : des moyens financiers doivent être prévus maintenant et accompagner les plans d'action.

Par conséquent, monsieur le ministre, j'insiste pour que vous nous apportiez un certain nombre d'informations complémentaires, afin que l'on puisse, au regard des éléments financiers, déterminer et hiérarchiser les priorités sanitaires, en connaissant le coût réel de l'exécution des programmes sanitaires. Il faudrait analyser les rapports coût-avantages de ces programmes : il s'agit non pas de soulever des problèmes de politique budgétaire, mais plutôt de rechercher la meilleure stratégie possible en matière de santé publique. Le décideur public doit pouvoir effectuer ses choix en se fondant sur une étude de financement, qui permettra de dégager des critères essentiels.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Francis Giraud, rapporteur. Lors de la discussion générale, M. le ministre a déjà répondu, dans une certaine mesure, à M. Autain. Il est clair qu'il n'est pas utile de préciser dans le rapport annexé, qui n'a pas de valeur normative, les moyens financiers nécessaires pour atteindre les objectifs retenus.

Par ailleurs, la nouvelle présentation du budget du ministère de la santé peut faciliter la lecture des objectifs visés et des moyens engagés.

La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 281.

Quant à l'amendement n° 185, il soulève les mêmes problèmes.

M. François Autain. Eh oui !

M. Francis Giraud, rapporteur. La nouvelle présentation budgétaire permet, je le redis, de connaître les moyens affectés par le Gouvernement aux objectifs de santé publique.

M. François Autain. Mais il n'y a pas que les moyens financiers !

M. Francis Giraud, rapporteur. J'ajouterai que la commission des affaires sociales, dans la suite du débat, continuera d'attirer l'attention du Gouvernement sur les questions relatives au financement des actions par l'assurance maladie.

Pour l'heure, elle est défavorable à l'amendement présenté par M. Chabroux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Mattei, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, pour quatre raisons.

Premièrement, on conviendra, je pense, que le rapport annexé au projet de loi n'est pas un document à caractère budgétaire. Il est donc totalement exclu qu'y figurent les moyens, notamment financiers, nécessaires à la mise en oeuvre des actions prévues.

Deuxièmement, je voudrais montrer, à partir d'un exemple, que des impossibilités subsistent même si l'on veut prendre toutes les précautions budgétaires. En effet, je mets au défi quiconque de me préciser quel est a priori le coût associé à l'objectif de réduction de la stigmatisation des personnes atteintes de troubles psychiatriques.

Troisièmement, nulle part, dans la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, à laquelle nous faisons d'ailleurs souvent référence et que MM. Autain et Chabroux ont soutenue, il n'est question des moyens financiers nécessaires à la mise en oeuvre de ses dispositions. Ce texte comporte pourtant bien, lui aussi, des objectifs en matière de santé publique, de lutte contre les difficultés sociales et d'organisation des associations de malades.

A cet égard, M. Ceretti, dans son récent rapport, demande une structuration de ces associations, les coûts y afférents n'ayant pas été prévus dans la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Ce n'est d'ailleurs pas là un grief de ma part, car je pense que, précisément, ces coûts n'étaient pas prévisibles. Par conséquent, que l'on ne nous demande pas aujourd'hui de nous enfermer dans des contraintes que l'on n'a pas posées s'agissant de textes présentant pourtant de grandes similitudes avec ce projet de loi.

Quatrièmement, enfin, parce que le texte comportera des titres et des objectifs très précis, la loi organique relative aux lois de finances nous conduira à déterminer chaque année les sommes qui seront affectées à tel ou tel type d'action.

Voilà pourquoi, même si je comprends le souci de leurs auteurs d'éviter que ce projet de loi ne se résume à un catalogue de bonnes intentions non financées, j'estime que ces deux amendements ne peuvent être acceptés. Ils ne sont, en effet, tout simplement pas applicables.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l'amendement n° 281.

M. François Autain. Monsieur le ministre, sans doute me suis-je mal fait comprendre, ou peut-être le libellé de l'amendement vous a-t-il induit en erreur.

A mes yeux, la question des moyens financiers n'est pas la plus importante. Je suis d'ailleurs prêt à supprimer, s'ils vous choquent, les mots : « notamment financiers » dans la rédaction de mon amendement.

En effet, outre les moyens financiers, il y a les moyens législatifs et réglementaires, sans parler des aspects qui touchent à la mentalité et au comportement de nos compatriotes. Ainsi, il est certes louable de vouloir que, d'ici à quatre ans, un certain pourcentage de nos concitoyens accomplissent vingt minutes de marche cinq jours par semaine, mais comment atteindre un tel objectif ? Ce n'est pas une question d'argent, le problème est beaucoup plus complexe que cela !

Telles sont les interrogations qui sous-tendent mon amendement. Elles ne portent pas seulement, tant s'en faut, sur les moyens financiers : je sais ce qu'ils sont.

Je m'étonne donc que M. le ministre ne m'ait pas véritablement répondu, d'autant que, lors de la présentation de mon amendement, j'ai évoqué les problèmes liés à l'alcool, dont la consommation engendre des recettes fiscales. En outre, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a, me semble-t-il, soulevé la même question que moi. Il aurait donc été intéressant de connaître le point de vue de M. le ministre, mais il semble, malheureusement, que nous resterons sur notre faim.

M. Jean-François Mattei, ministre. Sur notre soif ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 281.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 185.

(L'amendement n'est pas adopté.)