Article 11
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2011
Article 12

Articles additionnels après l'article 11

M. le président. L'amendement n° 36 rectifié ter, présenté par MM. Bécot, Dulait, Ferrand et Houel, Mme Mélot, MM. Doligé, Revet, Lefèvre et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- Au 1° du 4 de l’article 261 du code général des impôts, après le mot : « ostéopathe », sont insérés les mots : « ou de chiropracteur ».

II. – La perte des recettes pour l’État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. L’émotion est telle au sein de l’UMP qu’elle en oublierait presque de défendre un amendement qui tire les conséquences mécaniques, en matière de TVA, de la publication du décret d’application relatif à la reconnaissance de l’exercice de la chiropraxie. (Sourires.)

La loi du 4 mars 2002 a reconnu l’usage professionnel du titre d’ostéopathe et de chiropracteur. Les chiropracteurs attendaient depuis 2002 le décret d’application de ce texte. Celui-ci est paru le 7 janvier 2011. La conséquence logique est d’accorder l’exonération de TVA à cette profession désormais reconnue.

Pour mémoire, dans le cas de la profession d’ostéopathe, les délais de publication du décret d’application de la loi précitée et, donc, le délai mis à accorder l’exonération de TVA à cette autre profession avaient entraîné de nombreux contentieux, l’État ayant été condamné à rembourser les sommes indûment payées par les ostéopathes. Mieux vaut ne pas en arriver là avec les chiropracteurs.

C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Merci à M. Delattre d’avoir su être convaincant ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le Gouvernement est totalement favorable à cet amendement. Dès lors qu’un décret d’application a été publié par le ministre de la santé pour reconnaître l’usage professionnel du titre de chiropracteur, il convient, comme le propose le groupe UMP, de prévoir l’exonération de TVA pour cette profession. Aussi le Gouvernement lève-t-il le gage.

M. le président. Il s’agit donc de l'amendement n° 36 rectifié quater.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 11.

L'amendement n° 126 rectifié, présenté par MM. A. Dupont, Bizet, Darniche et Bourdin, est ainsi libellé :

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au 1° du 4 de l’article 261, les mots : « et les prothésistes » sont supprimés ;

2° À l’article 278 quater, après le mot : « concerne », sont insérés les mots : « les fournitures de prothèses dentaires par les prothésistes et ».

II. – Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Ambroise Dupont.

M. Ambroise Dupont. Cet amendement relève de beaucoup des sujets qui font débat aujourd'hui : la sécurité sanitaire, la compétitivité de la France et le rapprochement des fiscalités européennes.

L’industrie française de la prothèse dentaire contribue aujourd'hui non seulement à maintenir l’emploi dans notre pays, avec 4 200 laboratoires, mais aussi à satisfaire aux objectifs essentiels en matière de santé publique tels que le respect des normes et la préservation d’un savoir-faire.

Or, depuis 1978, les laboratoires de prothèses dentaires français sont assujettis non pas à la TVA, mais à la taxe sur les salaires.

Issue d’un contexte historiquement daté, cette décision place désormais la profession dans une situation de déficit de compétitivité face à la concurrence européenne et aux importations non taxées en provenance de pays extra-européens. Elle empêche, en effet, les laboratoires de récupérer la TVA, alors qu’ils sont confrontés à la nécessité de réaliser de lourds investissements pour se tenir à la pointe de la technologie.

Si le régime fiscal actuel devait perdurer, d’importantes conséquences à court terme seraient à redouter en termes tant d’emplois que de perte de savoir-faire, donc de santé publique.

Le présent amendement a pour ambition de redynamiser le secteur « made in France » de la prothèse dentaire, fortement concurrencé, en réintroduisant une TVA à taux réduit, comme c’est le cas, par exemple, en Allemagne, en Belgique ou en Suisse. En contrepartie, la taxe sur les salaires serait supprimée.

Tel est l’objet de cet amendement que je défends avec conviction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement traite d’un vrai sujet. Vous l’avez dit, mon cher collègue, l’industrie française de la prothèse dentaire, qui est une industrie comme une autre, ne peut cependant pas récupérer la TVA, ce qui pose un problème évident de compétitivité pour les prothésistes établis en France. Les prothésistes dentaires sont soumis à la taxe sur les salaires.

Toutefois, cet amendement entre en contradiction avec le droit communautaire.

Le régime applicable à cette spécialité remonte à 1978, puis a été « gelé » par les directives TVA prises au niveau communautaire.

Le Gouvernement pourrait, me semble-t-il, prendre l’engagement d’ouvrir une véritable réflexion sur ce sujet. En effet, ce qui a été gelé une fois peut sans doute être dégelé dans la mesure où les prothésistes établis en France sont en situation de subir une concurrence déloyale par rapport à leurs confrères établis, au sein de l’Union européenne, dans des pays voisins.

Quoi qu’il en soit, la commission aimerait connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Cet amendement est très tentant, mais il frontalement contraire au droit communautaire.

Madame la rapporteure générale, vous avez évoqué les clauses de gel. Je suppose que vous voulez parler de ces pays européens qui ont réussi à négocier le maintien de la taxation en vigueur dans leur pays lors de leur adhésion à l’Union européenne.

Eu égard au droit communautaire, le Gouvernement ne peut pas être favorable à cet amendement.

M. Bruno Sido. On le votera quand même !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Au demeurant, vous avez parfaitement décrit les difficultés qui existent aujourd'hui dans ce secteur.

M. Charles Revet. C’est un très bon amendement !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. J’aimerais interroger M. le secrétaire d’État.

Nous avons tous conscience que l’analyse du secteur économique évoqué par notre collègue Ambroise Dupont est quelque peu datée, même si les arguments invoqués sont fondés. Ne serait-il pas concevable, monsieur le secrétaire d'État, que le Gouvernement prenne l’engagement de demander à la Commission européenne de réexaminer ce dossier ?

M. Bruno Sido. Tout à fait !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est que nous nous trouvons dans une situation que nous ne comprenons plus…

M. Ambroise Dupont. Exactement !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … et les conséquences économiques sont très dommageables. Or, à l’origine, les règles européennes en la matière n’avaient certainement pas cette finalité.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Nombre d’entre nous se sont déjà émus de cette situation, et des problèmes de concurrence qui sont à l’évidence posés.

M. Bruno Sido. Et de compétitivité !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vous le savez, le Livre vert est actuellement en cours d’élaboration. Aussi, je me propose de demander à ma collègue Valérie Pécresse d’y préciser noir sur blanc la position de la France.

En tout cas, monsieur le président de la commission des finances, je prends ici cet engagement. Ce serait un bon moyen d’aller dans le sens que vous voulez, tout en respectant le droit communautaire.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien ! Merci, monsieur le secrétaire d'État !

M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Ne le retirez pas, mon cher collègue !

M. Ambroise Dupont. Je souhaitais vraiment faire entendre ces arguments. Comme l’ont proposé à la fois Mme la rapporteure générale et M. le président de la commission des finances, cette question pourrait être traitée de façon très précise dans le Livre vert et dans le cadre des travaux que conduira la commission des affaires européennes.

Nous avons là une véritable fenêtre de tir pour engager une réflexion sur ce secteur et envisager la possibilité de l’assujettir à la TVA. La Commission européenne a présenté une communication sur l’avenir de la TVA, et les efforts sont concordants pour imaginer un système différent.

Au-delà de ce levier fiscal, le problème posé par le secteur de la prothèse dentaire appelle une réflexion en profondeur sur les normes et la traçabilité des produits utilisés dans la fabrication des prothèses. L’enjeu de santé publique qui en découle doit être traité de manière aussi large que possible afin de répondre aux interrogations de toute la profession, notamment en matière de compétitivité.

M. le président. Monsieur Dupont, l'amendement n° 126 rectifié est-il maintenu ?

M. Ambroise Dupont. Personne ne m’a demandé de le retirer, monsieur le président !

M. Bruno Sido. Pour ma part, je vous ai même demandé de ne pas le retirer, mon cher collègue !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais la demande du Gouvernement était implicite, eu égard à l’engagement qu’il a pris…

M. Ambroise Dupont. Si M. le secrétaire d’État estime que je lui serais d’un plus grand soutien en retirant mon amendement, je suis prêt à le faire, après avoir reçu l’engagement explicite du Gouvernement, qui sera consigné au compte rendu intégral de nos débats. Mais nous devons vraiment engager une démarche positive dans les mois qui viennent.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Pour être parfaitement clair, je renouvelle l’engagement du Gouvernement, ce qui m’est d’autant plus facile, monsieur le sénateur, que je partage, vous l’aurez compris, votre conviction.

M. Ambroise Dupont. Dans ces conditions, je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 126 rectifié est retiré.

Articles additionnels après l'article 11
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Articles additionnels après l'article 12

Article 12

I. – Le I de l’article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le 1 est ainsi modifié :

a) Les quatre premiers alinéas sont ainsi rédigés :

« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 5 963 € le taux de :

« – 5,50 % pour la fraction supérieure à 5 963 € et inférieure ou égale à 11 896 € ;

« – 14 % pour la fraction supérieure à 11 896 € et inférieure ou égale à 26 420 € ;

« – 30 % pour la fraction supérieure à 26 420 € et inférieure ou égale à 70 830 € ; »

b) Le montant mentionné au dernier alinéa du 1 est fixé à : « 70 830 € » ;

2° Le 2 est ainsi modifié :

a) Le montant mentionné au premier alinéa est fixé à : « 2 336 € » ;

b) Le montant mentionné à la fin de la première phrase du deuxième alinéa est fixé à : « 4 040 € » ;

c) Le montant mentionné à la fin du troisième alinéa est fixé à : « 897 € » ;

d) Le montant mentionné au dernier alinéa est fixé à : « 661 € » ;

3° Le montant mentionné au 4 est fixé à : « 439 € ».

II. – Le montant mentionné à la première phrase du second alinéa de l’article 196 B du même code est fixé à : « 5 698 € ».

III. – Les I et II s’appliquent à compter de l’imposition des revenus de l’année 2011.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 4 est présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° 86 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour défendre l’amendement n° 4.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Après cette phase d’unanimité, il nous faut sans doute renoncer au consensus dans la mesure où la commission des finances propose de supprimer l’article 12 …

Dans le présent projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement fait exactement le contraire de ce qu’il prônait lors de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2012, ce qui, soit dit en passant, montre bien l’incohérence de sa politique fiscale, et les zigzags qui en affectent le cours.

En effet, le projet de loi de finances pour 2012, qui est encore en navette et donc qui n’est pas voté définitivement, satisfaisait à la pratique, constante depuis 1969, voulant que le barème de l’impôt sur le revenu soit indexé sur l’indice des prix. Mais le présent projet de loi de finances rectificative, adopté en conseil des ministres le 16 novembre dernier, gèle l’indexation de ce barème sur l’indice des prix ! Pis encore, le Gouvernement n’assume pas ce choix.

Encore une fois, il s’agit bien d’une mesure générale, alors que le Président de la République s’était engagé à plusieurs reprises à ne pas prendre de mesure générale concernant le barème de l’impôt sur le revenu.

De surcroît, cette mesure est particulièrement injuste, raison pour laquelle nous voulons la supprimer.

Très concrètement, le gel de l’indexation du barème représente, pour un revenu imposable annuel de 12 200 euros, un surcoût d’imposition, ou une perte pour le foyer, équivalant à 81 % du montant de l’impôt qui aurait été payé dans le cadre d’un barème indexé. Pour un revenu imposable annuel de 100 000 euros, l’augmentation ne serait que de 1,2 %.

Voilà l’effet principal de la mesure, mais je ne peux pas ne pas mentionner ses effets collatéraux. Je pense notamment à tous ceux qui aujourd'hui ne paient pas l’impôt sur le revenu, mais qui deviendront demain redevables du fait du gel du barème. Cet impact, malheureusement, ne peut pas être calculé.

Mais les effets collatéraux se feront aussi sentir sur les impôts locaux.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. En effet, cette mesure affectera les seuils de revenu fiscal de référence au-delà desquels les foyers ne sont plus éligibles au bénéfice d’exonérations de taxe d’habitation ou de taxe foncière. Les redevables de plus de soixante-quinze ans, pour ce qui concerne la taxe foncière, et de plus de soixante ans, ainsi que les veufs, pour la taxe d’habitation, bénéficient d’un dégrèvement si leurs revenus ne dépassent pas 10 024 euros par part de quotient familial et 2 676 euros par demi-part supplémentaire.

En l’absence de revalorisation de ces seuils, les contribuables dont les revenus auront augmenté du seul fait de l’évolution de l’indice des prix perdront donc des exonérations de taxe d’habitation et de taxe foncière.

François Marc l’a dit, les mesures prises par le Sénat dans la partie recettes du projet de loi de finances pour 2012 nous ont permis, et c’était bien la logique, de trouver 11 milliards d’euros de recettes supplémentaires, tout en respectant les principes de justice fiscale. C’est ce qui fait la différence entre le projet déposé par le Gouvernement et les amendements que nous avons adoptés !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il s’agit bien d’un projet fiscal différent. Les mesures que nous avons proposées présentent des gains fiscaux supérieurs à ceux que susciterait l’absence d’indexation du barème de l’impôt sur le revenu. C’est pourquoi, par cohérence avec les principes de justice fiscale défendus par la majorité sénatoriale, la commission des finances propose la suppression de cet article. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l’amendement n° 86.

Mme Marie-France Beaufils. Comme vient de le dire Mme la rapporteure générale, l’article 12 du présent projet de loi de finances rectificative gèle le barème de l’impôt sur le revenu. Cette mesure constitue en réalité une hausse de l’impôt, mais une hausse dissimulée, car il suffira qu’un contribuable bénéficie d’une revalorisation salariale à hauteur de l’inflation pour que le montant de l’imposition due augmente, alors que l’augmentation du salaire, dont j’ai précisé qu’elle ne faisait que tenir compte de l’inflation, ne permet dans ce cas que le maintien, et non l’amélioration, du pouvoir d’achat du contribuable.

Ce simple rattrapage de pouvoir d’achat par rapport à l’inflation sera donc la source d’une hausse du montant de l’impôt dû !

Cette mesure, quelque peu honteuse car invisible, n’annonce pas clairement ses effets pour la plupart des contribuables.

M. Marc Daunis. Très juste !

Mme Marie-France Beaufils. Ainsi que vient de le dire Mme la rapporteure générale, tout se passe comme si vous n’aviez pas voulu assumer la décision que vous preniez, monsieur le secrétaire d’État. L’évaluation de son rendement semble devoir en faire l’opération bientôt la plus rentable de l’ensemble du dispositif de redressement des comptes contenu dans ce collectif. C’est remarquable !

Le problème, largement évoqué dans le rapport général et illustré à l’instant encore par Mme la rapporteure générale, tient au fait que la hausse du montant des impositions sera particulièrement nette pour les contribuables les plus modestes. Autrement dit, si la contribution des salaires et des pensions les plus élevés à l’effort demandé est plus importante en volume, elle représentera, par comparaison avec celle des petits salaires, un apport relatif plus réduit. En effet, si payer 200 ou 300 euros de plus quand on s’acquitte déjà d’une contribution de 10 000 ou 15 000 euros semble très supportable, en revanche, passer d’une non-imposition à une imposition de 100 euros représente un effort autrement plus important ! Pour les plus modestes, on le sait, la situation n’est pas simple.

Le gel du barème de l’impôt sur le revenu se double du déclenchement d’un certain nombre d’effets de seuil liés notamment aux droits connexes, parmi lesquels figure l’aide personnalisée au logement, l’APL. Mme la rapporteure générale a, quant à elle, pris l’exemple de la taxe d’habitation et de la taxe foncière, mais c’est un ensemble de droits qui sont touchés !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est vrai !

Mme Marie-France Beaufils. S’il fallait réformer l’impôt sur le revenu, ce ne serait sans doute pas par le biais du gel du barème, qui va frapper de manière indistincte tous les revenus compris dans l’assiette de l’impôt, c’est-à-dire d’abord et avant tout les salaires, les traitements, les pensions et les retraites.

Une vraie réforme de l’impôt sur le revenu, qui permette de rapporter plus de recettes à l’État tout en participant à l’effort de justice fiscale et sociale, doit s’attaquer aux vrais enjeux que sont les prélèvements libératoires, les réductions et crédits d’impôts actuellement sans limites, et la part des revenus financiers prise en compte dans l’assiette de cet impôt, aujourd'hui réduite à la portion congrue.

Lors du débat sur la loi de finances initiale pour 2012, nous avons procédé à de judicieux ajustements de la législation de l’impôt sur le revenu. C’est vers cela qu’il faut tendre. Malheureusement, la commission mixte paritaire n’a pas retenu nos propositions.

Ce présent projet de loi de finances rectificative, derrière la nécessité affirmée de fournir des efforts pour réduire les déficits, masque mal une hausse profondément inégalitaire des impôts. La suppression du présent article me semble donc être tout à fait salutaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les deux amendements identiques de suppression.

On a tenté à l’instant de nous expliquer – ce n’était pas chose aisée – que les Français les plus modestes seraient aussi les plus touchés par cet article.

Chacun l’aura compris, ce dispositif, qui prévoit la non-indexation sur l’indice des prix du barème de l’impôt sur le revenu pendant deux années, s’inscrit dans le plan d’effort national partagé que j’évoquais tout à l’heure.

Avant toute chose, je rappelle que seul un foyer fiscal sur deux paie l’impôt. Je signale en outre à votre attention que 70 % du produit de l’impôt sur le revenu est payé par 10 % des foyers. Comment le groupe CRC peut-il prétendre que cette mesure affectera les Français les plus modestes ?

Certains ici craignent que la non-indexation ne rende mécaniquement redevables les personnes les plus modestes. Pour vous rassurer, je signale que les petits contribuables y échapperont s’ils doivent s’acquitter d’une somme inférieure à 60 euros. Vous savez en effet que c’est le seuil d’exigibilité.

En réalité, chacun l’a bien compris, cette mesure va surtout affecter les contribuables français les plus aisés, et non pas les plus modestes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, on a parfaitement le droit de s’opposer au dispositif présenté, mais il ne faut pas lui faire dire l’inverse de ce qu’il prévoit ! Les 10 % des foyers s’acquittant de 70 % du produit de l’impôt sur le revenu contribueront donc aussi à hauteur de 70 % à la mesure, qui rapportera 1,7 milliard d’euros.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. J’entends bien les arguments de M. le secrétaire d'État. D’ailleurs, je ne les conteste pas, puisque je les ai en partie utilisés dans mon intervention.

Cela dit, monsieur le secrétaire d'État, vous mentionnez l’exemple des contribuables devant s’acquitter d’une somme inférieure à 60 euros, et par conséquent exonérés de son versement. Mais, précisément, ceux des contribuables qui étaient dans cette situation l’année dernière vont franchir le seuil cette année, par effet mécanique de la mesure ! Il faut les prendre en compte.

Vous nous dites que la participation des 10 % de foyers contribuant à hauteur de 70 % du produit de l’impôt sur le revenu sera la plus élevée. Mais, monsieur le secrétaire d'État, si vous teniez vraiment à apporter une modification au dispositif actuel, vous aviez là l’occasion de le faire dans le respect des principes de la justice fiscale. C’était en effet le moment de prendre en considération la proposition que nous avions formulée au moment de la discussion de la loi de finances initiale, qui tendait à la révision du barème progressif lui-même. C’est à ce niveau que la justice fiscale peut véritablement s’exercer.

Et vous ne m’avez pas répondu sur l’ensemble des droits et prestations dont ces familles non assujetties sont bénéficiaires et qu’elles vont perdre, monsieur le secrétaire d'État ; ce sont pourtant des apports importants en termes de pouvoir d’achat.

Je maintiens donc que le gel du barème pèsera donc très lourdement sur la consommation des ménages, ce qui ne sera pas sans effet sur la situation économique du pays et sur notre capacité à nous redresser.

Monsieur le secrétaire d’État, il faut aller jusqu’au bout des raisonnements si l’on veut apprécier les effets d’un dispositif fiscal.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Je désire réagir à l’argument que vous avez utilisé, monsieur le secrétaire d'État, et expliquer mon vote d’une façon plus générale.

À la lecture de la page 145 du rapport général, je comprends que les contribuables modestes vont être très fortement affectés par la mesure dont nous discutons : « L’administration fiscale, en réponse au questionnaire adressé par votre rapporteure générale, indique qu’il n’est “pas possible de déterminer précisément les foyers qui vont être impactés par le dispositif” […]. Néanmoins, il est possible de comparer, à situation constante, le surcoût d’imposition engendré par le présent article. »

Cette comparaison, réalisée à l’aide de données fournies par la Direction de la législation fiscale permet de constater que, « pour un salarié dont le revenu imposable annuel est de 12 200 euros, le surcoût d’imposition, ou la perte pour le foyer, représente 81 % du montant de l’impôt qui aurait été payé dans le cadre d’un barème indexé. » Pour un foyer modeste, l’impact de la mesure représentera donc une augmentation de 81 % du coût de l’impôt payé, monsieur le secrétaire d’État.

M. Philippe Dallier. Et en euros, cela fait combien ?

M. François Marc. Et encore, ceux-là paient l’impôt sur le revenu : il y a des personnes encore plus modestes, qui seront elles aussi touchées, comme nous venons de le voir. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

À l’inverse, pour un revenu imposable de 100 000 euros, l’augmentation ne sera que de 1,2 %.

Les chiffres, tout à fait parlants et incontestables, nous permettent donc de mesurer aujourd’hui ce que sera l’impact de ce gel du barème.

Mais au-delà de ces seuls amendements, je tiens à indiquer que, pour nous, l’impôt sur le revenu a un rôle important à jouer dans le système fiscal de notre pays, singulièrement dans la collecte des recettes fiscales.

M. François Marc. C’est dans cet esprit que nous avons proposé, lors de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2012, une disposition tendant à la création d’une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu, qui serait de 45 %, pour les revenus les plus élevés.

Par conséquent, il y a bien deux logiques !

Selon notre logique, il faut revaloriser cet outil de collecte de l’impôt qu’est l’impôt sur le revenu. J’attire votre attention sur le fait qu’il ne représente plus aujourd’hui que la moitié de la contribution sociale généralisée, cette CSG qui n’a pourtant qu’à peine plus de vingt ans. C’est dire à quel point l’impôt progressif perd aujourd’hui la place qu’il aurait dû conserver dans notre modèle républicain !

En revanche, fidèle à sa logique, le Gouvernement se fonde sur l’idée que l’impôt doit être proportionnel – c’est le cas de la TVA –, idée que le président de la commission des finances défend depuis longtemps avec d’autres libéraux ; c’est d’ailleurs la logique européenne !

Nous pensons qu’il faut, au contraire, respecter le principe républicain édicté voilà bien longtemps, selon lequel chacun doit contribuer selon ses possibilités,...