M. Jean Besson. En eaux troubles !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … il a le cœur bien accroché, même si l’horizon est brumeux et la mer dangereuse. (Nouveaux sourires.)

M. Gérard Longuet. Même si une partie de l’équipage est désarçonnée !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bien entendu, chacune et chacun pourra essayer d’apporter sa contribution à cette métaphore maritime !

M. Daniel Raoul. Elle est osée !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Comme quoi, tous les amoureux de la mer ne partagent pas les mêmes opinions politiques…

Mes chers collègues, nos travaux sur la première partie du projet de loi de finances ont été utiles et constructifs. Comme il est d’usage dans cette assemblée, le débat a eu lieu et chacun y a contribué de son mieux.

Toutefois, quelle qu’ait été la qualité de l’appui dont nous avons bénéficié de la part de nos services, quelle qu’ait été la qualité de la présidence ou des interventions de M. le ministre, il va falloir que nous prenions nos responsabilités.

Par conséquent, j’appelle au rejet de cette première partie.

M. Alain Néri. Pas possible !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur Néri, ne me dites pas que je vous surprends ! En politique, il faut être constant, et chacun recherche sa cohérence. Essayons de donner des signes clairs de nos engagements respectifs !

Du reste, ce n’est pas parce que j’appelle au rejet de la première partie du texte que je n’exprimerai pas de la considération pour le travail du ministre. Si ses convictions ne sont pas les miennes, je dois reconnaître que, techniquement, notre ministre chargé du budget est énergique, aguerri et sait se montrer à la fois subtil et convaincu dans une enceinte parlementaire. (MM. Serge Dassault et Jean-Claude Lenoir applaudissent.)

Il n’en reste pas moins que notre sens des responsabilités doit, me semble-t-il, nous conduire à rejeter cette première partie.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pourquoi ?

D’abord, la mauvaise appréciation du cadre macroéconomique rendra la révision des perspectives en cours d’année inévitable.

M. François Rebsamen. C’est un expert qui parle !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En outre, les estimations de recettes fiscales sont, en bien des points, hasardeuses,…

M. Alain Néri. On a vu pire !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … en particulier pour ce qui concerne le rendement prévisionnel de l’impôt sur les sociétés. Là aussi, monsieur le ministre, il faudra bien réviser cette épure en cours d’année, compte tenu du comportement effectif des agents économiques.

Par ailleurs, nous sommes sous l’œil de celles et de ceux qui nous scrutent et dont dépend le coût de nos ressources. Dès lors, monsieur le ministre, nous serons contraints de rester dans les clous des 3 % de déficit public à atteindre à la fin de l’année 2013. (M. Jean-Louis Carrère proteste.) Cela vous contraindra à ajuster votre loi de finances, qui, me semble-t-il, ne peut rallier une majorité des membres de cette assemblée, tout simplement parce qu’elle est trop décalée par rapport à la réalité.

Au demeurant – raison sans doute la plus déterminante –, beaucoup d’entre nous peuvent avoir le sentiment que vous-même ne croyez plus vraiment à ce projet de loi de finances. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Sinon, auriez-vous effectué le changement de cap qui se concrétisera, dans très peu de jours, par l’examen du projet de loi de finances rectificative ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il a déjà été déposé à l’Assemblée nationale !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. De manière assez étrange – quel paradoxe ! –, c’est dans le cadre de ce collectif de fin d’année que nous débattrons de mesures structurelles pour 2013 et de réformes profondes de la politique économique concernant non l’année qui se termine, mais les années à venir !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. 2014, voulez-vous dire !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, la création de droits à exercer en 2013 et de dépenses à financer en 2014 ne relève pas de l’exercice 2012 !

À cet égard, le projet de loi de finances pour 2013 n’aurait-il pas été un véhicule beaucoup plus légitime qu’un collectif budgétaire de fin d’année ?

M. Jean-Louis Carrère. Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cette attitude montre bien que votre changement de cap a été tardif et que vous ne croyez déjà plus réellement à votre projet de loi de finances au moment où vous le soumettez à notre approbation.

Du reste, si vous choisissez la voie du collectif budgétaire de fin d’année, c’est probablement parce que vous pensez pouvoir rassembler plus facilement votre majorité plurielle et composite sur un texte présenté de façon hâtive et voté dans des délais impératifs ! Vous pensez sans doute parvenir ainsi à la convaincre plus facilement au sujet des hausses de TVA ou des économies budgétaires supplémentaires, que je suis loin de récuser dans leur principe, mais qui me semblent fortement décalées par rapport aux assurances données et aux propos tenus pendant la période électorale.

Chacun a ses contradictions : M. le ministre a les siennes, et l’opposition aussi.

M. David Assouline. Ah ça ! Celles de l’opposition sont explosives !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il ne faut pas embellir les choses : la vie politique est complexe, et il faut dire la vérité à nos concitoyens !

M. Alain Néri. Vous auriez dû la dire avant de quitter les affaires !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La vérité, c’est que ce projet de loi de finances n’est pas bon et que la politique fiscale proposée est inacceptable, car elle est procyclique : elle accroîtra les difficultés des entreprises, elle entretiendra la stagnation de notre économie, elle ne permettra pas de lutter contre la dégradation de la situation de l’emploi !

M. Alain Néri. Vous avez menti pendant dix ans ! Vous n’avez pas de leçons à donner !

M. David Assouline. Êtes-vous président de la commission ou procureur ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je suis un sénateur de base (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) qui s’efforce d’expliquer pourquoi il votera contre la première partie du projet de loi de finances ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Arthuis applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Jean-Vincent Placé, président du groupe écologiste, actuellement retenu à l’Élysée dans le cadre des consultations sur les conclusions de la commission Jospin conduites par le Président de la République. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)

Un sénateur du groupe UMP. Il passe encore à la télévision !

M. André Gattolin. Non, il ne passe pas à la télévision !

Je tiens à saluer la qualité des débats qui se sont tenus au sein de notre assemblée. Grâce au sérieux de chacun, nous avons pu aborder de vrais sujets de fond. Je remercie M. le ministre Cahuzac de son assiduité, de son implication et de sa très grande maîtrise des dossiers.

Néanmoins, je dois vous avouer notre inquiétude quant à la tournure qu’a prise la discussion des articles.

En effet, je constate qu’aucun de nos amendements sur les niches fiscales anti-écologiques n’a été accueilli favorablement, ce que je déplore profondément. À l’heure où se tient la conférence internationale de l’ONU sur le changement climatique, à Doha, nous devrions toutes et tous prendre conscience de l’urgence des réformes à mettre en place, même si celles-ci sont difficiles et complexes. La situation est de plus en plus alarmante : la Banque mondiale vient d’annoncer que la hausse de la température moyenne atteindrait probablement quatre degrés dès 2060, soit deux degrés de plus que l’objectif fixé globalement par la communauté internationale. Comme le rappelait M. Fabius ce matin sur France Inter, les conséquences d’une telle évolution sont terribles, non seulement pour l’environnement, mais aussi en termes de migrations de populations ou de santé publique.

Des décisions s’imposent donc, à commencer par la remise en question de certains projets, peu pertinents au vu de leur coût et de leurs conséquences pour l’environnement. La suppression de certaines dépenses fiscales est également un enjeu central : je pense, bien sûr, au gazole, au kérosène, aux pesticides, dont l’utilisation est aujourd’hui subventionnée par l’État. Le Gouvernement nous promet une grande réforme des dispositifs actuels et de la fiscalité écologique ; nous comptons sur lui pour agir, et vite !

Par ailleurs, je constate que le Gouvernement s’est tenu, de façon très rigide, à ses engagements budgétaires afin de respecter l’objectif de ramener le déficit budgétaire à 3 % du PIB, au détriment des aspirations d’une partie de sa propre majorité.

Je déplore le recours à une seconde délibération, procédure visant à revenir sur l’adoption d’amendements votés par la majorité parlementaire contre l’avis du Gouvernement. Cette attitude doit alerter la représentation nationale sur un type de fonctionnement institutionnel méprisant le travail parlementaire et le débat démocratique. Elle donne un mauvais signal en ce qui concerne la considération du rôle du Sénat par le Gouvernement. Il me paraît d’ailleurs nécessaire de renforcer le dialogue entre les partenaires politiques et l’exécutif, pour une meilleure co-élaboration des lois.

La discussion au sein de la chambre haute avait pourtant démontré que le projet de loi de finances pour 2013 pouvait être amélioré grâce à des propositions financées notamment par le biais de taxes sur l’aspartame, l’huile de palme ou l’hôtellerie de luxe afin de résoudre le problème de l’attribution de l’allocation équivalent retraite à certains demandeurs d’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

Toutefois, je me réjouis que l’amendement relatif au financement des trains d’équilibre du territoire ait été adopté par la majorité. La transition écologique des transports représente un enjeu très important et je crois que cette proposition va dans le sens d’une promotion du report modal de l’automobile vers les transports collectifs.

L’amendement du Gouvernement tendant à une majoration des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » au titre de la dotation de développement urbain, la DDU, pourra également profiter aux villes les plus en difficulté, comme Sevran.

Malgré tout, ce projet de loi de finances s’inscrit globalement dans une politique de gauche, soucieuse d’assurer une plus grande justice sociale. L’article 3 crée en effet une tranche supplémentaire au barème progressif de l’impôt sur le revenu, tandis que l’article 7 réforme l’impôt de solidarité sur la fortune, pour ne donner que deux exemples particulièrement symboliques.

Pour conclure, je pense que les mesures de ce projet de loi de finances vont permettre des avancées pour notre système fiscal. Je regrette que l’issue du vote sur sa première partie s’annonce défavorable, car cela signifie que tout le travail effectué dans cet hémicycle ne sera pas pris en compte. C’est dommage, car nous n’aurons pas non plus la possibilité de débattre des crédits des missions, sur lesquels il y a pourtant beaucoup à dire !

Je réaffirme que le groupe écologiste votera la première partie du projet de loi de finances pour 2013, en dépit de toutes les remarques critiques que nous avons pu formuler. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord souligner l’intérêt manifesté par le Gouvernement pour la restauration de l’équilibre budgétaire. Cette conversion mérite d’être saluée, même si l’on n’est pas obligé d’approuver les différentes mesures proposées dans cette optique.

Pour moi, laisser adopter la première partie du projet de loi de finances revient non pas à l’approuver, mais à permettre au Sénat de jouer son rôle, tout son rôle, d’analyser et de critiquer, mission par mission, le projet de budget présenté par le Gouvernement. Le moment de vérité sera celui du vote sur l’ensemble du projet de loi de finances.

Je vais donc m’abstenir lors du vote sur la première partie, de manière que le débat budgétaire puisse aller jusqu’à son terme, mais j’annonce d’ores et déjà que je voterai contre l’ensemble du projet de loi de finances, parce qu’il comporte à mon sens des contradictions fondamentales. En effet, son examen donne à penser qu’il ne tient pas compte des problèmes de compétitivité récemment soulignés et des mesures à prendre pour les corriger.

Par exemple, l’article 15 plafonne à 3 millions d’euros la déductibilité intégrale des charges financières des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, mais, dans le même temps, le Gouvernement annonce que tout sera fait pour favoriser le développement des entreprises de taille intermédiaire : c’est tout à fait contradictoire ! Le dispositif de l’article 15 va à l’encontre des objectifs affichés à juste titre par le Gouvernement. Cela est si vrai que le rapporteur général a déposé un amendement, que je désapprouve, tendant à exonérer les grandes entreprises du bâtiment et des travaux publics de ce plafonnement, de sorte qu’elles affecteront tous leurs emprunts au financement des partenariats public-privé dans lesquels elles s’engageront.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Vous n’y êtes pas…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cela n’a rien à voir !

M. Philippe Adnot. Bien sûr que si !

En revanche, ces entreprises recourront à l’autofinancement pour financer leur propre développement. Le déséquilibre sera total ! Il fallait supprimer l’article 15.

Les contradictions de ce projet de loi de finances m’inciteront à voter contre in fine, mais, pour l’heure, je m’abstiendrai, car je souhaite que nous puissions passer en revue l’ensemble des crédits des missions. (Mlle Sophie Joissains applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Remettre la justice au cœur du système fiscal », tel est le sous-titre de ce projet de loi de finances pour 2013, telle est l’intention affichée au départ, intention conforme, sous bien des aspects, aux combats politiques menés par la gauche depuis une décennie, ainsi qu’aux aspirations et aux propositions que nous avons pu défendre, durant deux législatures, à la tribune de cette assemblée, face à l’offensive continue de la droite contre l’égalité devant l’impôt, contre la dépense publique, contre l’intervention et le rôle de l’État dans la vie de la nation.

Dans le projet de loi de finances que vous aviez déposé à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, des mesures correspondaient à cette affirmation liminaire : elles prévoyaient une meilleure progressivité de l’impôt sur le revenu, encore un peu insuffisante à nos yeux, une remise sur pied à peu près complète de l’impôt de solidarité sur la fortune – mais je ne comprends pas que l’on ne rétablisse pas son seuil d’application à 800 000 euros –, le début d’un alignement de la fiscalité des revenus du capital, de la rente, du patrimoine sur celle des revenus du travail, l’amorce d’une mise en question des choix d’optimisation fiscale des entreprises.

Tout cela s’inscrivait, de manière générale, dans la droite ligne des intentions affichées, mais les choses se sont ensuite compliquées.

Alors que la taxation des plus-values fait déjà l’objet d’un abattement en fonction de la durée de détention des titres, vous avez décidé de la réduire, au point qu’elle ne rapporte plus que 250 millions d’euros, au lieu de 1 milliard d’euros. C’est pourquoi nous demandions le rétablissement de l’article 6 dans sa rédaction initiale, contrairement à la droite sénatoriale, qui ne voulait aucune taxation.

Pourtant, ces chefs d’entreprise qui se sont eux-mêmes baptisés « pigeons » veillent à ne conserver leur entreprise que le temps nécessaire pour qu’elle leur rapporte suffisamment. Ils ne s’inscrivent nullement dans une démarche de long terme.

Mme Marie-France Beaufils. Nous avions proposé de revenir à l’impôt de solidarité sur la fortune d’origine, en fixant le seuil de déclenchement de la taxation à 800 000 euros de patrimoine, au lieu de 1 300 000 euros. En retenant ce dernier seuil, vous renoncez à 900 millions d’euros de recettes. Une telle mesure correspondrait pourtant bien à l’objectif de justice fiscale affiché.

Vous auriez pu aussi accepter la suppression de la niche « Dutreil » pour les pactes d’actionnaires. Elle aurait rapporté 340 millions d’euros. La situation des comptes publics n’aurait-elle pas justifié une telle mesure ?

Vous avez proposé une série de dispositions portant sur l’imposition des sociétés dont le produit attendu est de 8 milliards d’euros. Mais souvenons-nous que la majorité de gauche du Sénat avait élaboré, l’an dernier, une réforme de l’impôt sur les sociétés rapportant plus de 20 milliards d’euros ! Comme il fallait bien équilibrer les comptes, vous sollicitez les opérateurs de l’État, avec des prélèvements sur les fonds de roulement, et les collectivités locales, avec le gel des dotations, notamment de la dotation globale de fonctionnement.

En 2011, notre assemblée avait effectué des choix différents, sur l’initiative de Nicole Bricq, alors rapporteur général de la commission des finances, et de l’ensemble des groupes de la majorité de gauche, tous associés à la construction d’autres propositions pour le budget de la nation, manifestant le changement politique que nous pouvions, par le choix des électeurs, incarner dès cet automne-là. Malheureusement, cette co-élaboration n’a pas pu véritablement s’instaurer cette année, dans le cadre du débat budgétaire.

Je ne reviens pas sur le fait que de nombreux amendements qui avaient été votés l’année passée ont été rejetés cette année par le Gouvernement, même lorsque leur premier auteur avait changé de place dans l’hémicycle depuis mai dernier !

Le nombre d’amendements finalement adoptés est plus que modeste. J’en veux pour preuve le débat sur l’action de la France en matière de développement des pays du Sud ou l’adoption d’une mesure en faveur des victimes de plans sociaux massifs privées de ressources dans l’attente de la liquidation de leurs droits à retraite.

Nous avons défendu pendant des années la taxe « Tobin », parvenant peu à peu à emporter la conviction de l’ensemble des forces politiques sur le sujet. La raison d’être que nous lui avions assignée – le financement des actions de développement dans ce que l’on appelle encore le Tiers Monde – ne pouvait être oubliée dès la première année de son application pleine et entière !

Avec les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen, je regrette que, à toutes nos sollicitations ou presque, ou même à celles d’autres composantes de la gauche, vous ayez régulièrement répondu que vous étiez parvenu, à l’Assemblée nationale, à un équilibre budgétaire que vous ne pouviez défaire.

Pourtant, pour financer l’augmentation de 25 millions d’euros de la dotation de développement urbain, vous avez transféré le financement de celle-ci de la ligne budgétaire consacrée aux provisions vers un financement de péréquation, pris en charge par les collectivités territoriales. Là aussi, votre argument était le maintien en valeur des dotations de l’État aux collectivités territoriales.

Nous voulons, pour notre part, que la justice soit effectivement remise au cœur de notre système fiscal ; c’est un gage d’efficacité économique et sociale. De fait, les pas réalisés dans cette direction au travers de ce projet de loi de finances pour 2013 sont trop timides. Quant à la seconde délibération demandée par le Gouvernement, elle ne préserve même pas l’amendement relatif à l’allocation temporaire de solidarité ; elle ne peut donc nous amener à modifier notre appréciation.

Ces décisions vont de pair avec un gel des dépenses que nous n’approuvons pas, le règlement de la dette primant sur bien d’autres considérations. Si nous voulons sortir de la crise, si nous voulons redresser le pays après les dix années où la droite au pouvoir n’a eu de cesse d’alléger la participation des plus fortunés au financement de la dépense publique, nous ne devons pas nous arrêter au milieu du gué. Thierry Foucaud l’a souligné tout à l’heure.

C’est dans un véritable esprit de responsabilité que nous prenons la décision de nous abstenir : nous souhaitons que le budget donne à l’État les moyens de mener une politique de progrès social et humain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.

M. François Zocchetto. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le projet de loi de finances pour 2013 devait être un budget de rupture, marquer le changement, constituer un acte politique fondateur d’une stratégie nouvelle. Certains avaient même laissé entendre qu’il représenterait une revanche sur la loi TEPA et la loi de finances pour 2008.

Nous attendions la révolution fiscale, le redressement dans la justice, plus prosaïquement la fusion de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée, par exemple. Mais quelle ne fut notre surprise de ne rien trouver de tout cela dans ce projet de loi de finances, qui en revient à une problématique et à une sémantique classiques : il faut faire payer les riches, rétablir l’ISF dans sa version d’origine, se pencher sur certaines niches fiscales sans les supprimer, etc.

Ce projet de budget nous apparaît plus que jamais comme un rendez-vous manqué entre le Gouvernement, c’est-à-dire la France, et la crise économique. Suffit-il, pour redonner espoir aux Français, de promettre aux jeunes des CDD dans le secteur associatif ? Suffit-il, pour redonner espoir aux élus, de proclamer le gel de l’enveloppe normée, tandis que vous réduisez la dotation globale de fonctionnement ?

Cette loi de finances ne sera jamais réellement appliquée, car elle est déjà obsolète, dépassée par la marche des événements : les préconisations du rapport Gallois, l’adoption du traité budgétaire européen, la stagnation de la croissance, la hausse du chômage sont autant d’éléments que nul ne peut nier et qui vous obligeront à élaborer des lois de finances rectificatives dans les mois à venir.

Pour nous, deux priorités auraient dû prévaloir dans ce débat.

La première priorité devrait être de susciter l’adhésion des Français, notamment des moins défavorisés d’entre eux, à un juste effort de réduction du déficit public, d’où notre proposition, par exemple, de créer une tranche marginale de l’impôt sur le revenu au taux de 50 %.

La seconde priorité, la plus forte, devrait être de rétablir la compétitivité des entreprises, engagée depuis longtemps déjà dans une dégringolade dont le rythme s’accélère depuis six mois.

Dans cette perspective, nous proposions de baisser les charges sociales des entreprises, en compensant cette mesure par la mise en place d’une TVA anti-délocalisations : il paraît que nous en reparlerons prochainement…

Nous proposions en outre de remettre en cause les 35 heures dans le secteur public, ce qui ne serait pas sans incidences budgétaires, bien évidemment.

En fait, le Gouvernement est resté focalisé sur l’équation posée par le Président de la République au mois de septembre : deux tiers d’accroissement des prélèvements obligatoires, un tiers de réduction de la dépense publique. Nous soutenons que vous êtes dans l’erreur et proposons exactement l’inverse : un tiers de hausse des prélèvements, deux tiers de réduction des dépenses.

De plus, nous suggérons que, dans le cadre de l’effort supplémentaire demandé aux Français, une attention particulière soit accordée aux entreprises. C’est le signal qu’a émis le Sénat en rejetant l’article 6.

Le groupe UDI-UC adopte dans cet hémicycle une attitude d’opposition constructive. Nous sommes ouverts au dialogue et nous désirons être une force de proposition, non par calcul politique ou par intérêt, mais parce que nous savons que c’est le sort de 21 millions de salariés, de 3,5 millions de chômeurs – ils seront bientôt plus nombreux encore, malheureusement – qui est en jeu.

Notre ligne, en matière fiscale et budgétaire, est claire : nous croyons que la croissance viendra des entreprises et de l’initiative des entrepreneurs. C’est cette dernière qu’il faut soutenir, en n’accablant pas les entreprises sous le poids de la fiscalité, qui n’est que le cache-misère d’une dépense publique que ni les uns ni les autres nous ne maîtrisons plus depuis quelque temps.

Cette ligne du soutien à l’initiative privée, monsieur le ministre, nous vous proposons de vous y rallier, mais il faut bien reconnaître que le projet de budget que vous nous imposez, qui plus est par la procédure du vote bloqué, peu respectueuse de la démocratie, en est très éloigné.

Dans ces circonstances, nous voterons contre la première partie du projet de loi de finances pour 2013. (Applaudissements sur la plupart des travées de l'UDI-UC et sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, face à la situation très préoccupante dans laquelle se trouve notre pays, il était urgent de prendre des mesures fortes pour redresser nos finances publiques. Avec une dette qui représente aujourd’hui plus de 90 % du PIB, qui a crû de 600 milliards d’euros durant le précédent quinquennat, le Gouvernement et sa majorité n’avaient pas d’autre choix.

L’enjeu est de taille : redresser le pays, retrouver le chemin de la croissance et celui de l’équilibre budgétaire ; cela est indispensable, mais exige du courage.

Le Gouvernement apporte donc, au travers de ce projet de loi de finances, une réponse globalement positive à cette situation. Si un effort considérable était nécessaire – les Français le savent –, il doit être juste, et la pression fiscale sur nos concitoyens ne doit pas croître de façon démesurée. Il faut de la justice dans les efforts demandés aux Français. Nous n’oublions pas les effets détestables engendrés par la mise en place du bouclier fiscal, voilà quelques années,…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Très bon rappel !

M. Jacques Mézard. … mais nous devons aussi, monsieur le ministre, respecter les entreprises, les entrepreneurs, les industriels.

Ce projet de loi de finances comprend un certain nombre de mesures visant à rétablir la progressivité de l’imposition des revenus, sans toutefois proposer la grande réforme fiscale juste et lisible annoncée dans le programme du candidat François Hollande.

Une hausse des recettes de plus de 10 milliards d’euros est attendue des prélèvements supplémentaires sur les ménages, et l’équivalent de l’accroissement des prélèvements sur les entreprises. Nous aurions, pour notre part, souhaité davantage d’économies sur les dépenses.

Certes, nous approuvons la priorité accordée à l’éducation, à la jeunesse, à l’emploi, à la justice et à la sécurité, domaines qui sont préservés des diminutions de crédits. Concernant d’autres missions du budget, certains choix sont plus contestables.

Il nous semble qu’une mine d’économies supplémentaires réside, en partie, dans la suppression d’un certain nombre de dépenses dites « fiscales » qui n’ont aucune efficacité économique. Ces niches fiscales et sociales ont été dénoncées à maintes reprises par la Cour des comptes. Suivant son avis, nous avons proposé, au cours de l’examen de cette première partie du projet de loi de finances, de mettre fin, par exemple, au dispositif Girardin concernant les investissements outre-mer. Nous regrettons que, pour des raisons « électoralistes », ce dispositif ait été préservé, alors que nous savons qu’il n’est pas un moyen efficace et juste d’aider les territoires ultramarins, qui méritent de bénéficier de mesures mieux adaptées à leurs missions et à leurs besoins.

Alors que nous terminons aujourd’hui l’examen de la première partie de ce projet de loi de finances pour 2013, on nous annonce déjà que le projet de loi de finances rectificative pour 2012 que nous examinerons dans quinze jours sera bien plus qu’une simple « rectification ». Ce PLFR devrait en effet comporter une réforme de grande ampleur, telle qu’elle résulte du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi présenté par le Premier ministre à la suite de la remise de l’excellent rapport Gallois.

Comme nous l’avons indiqué au Premier ministre, les membres de notre groupe sont très majoritairement favorables à cette réforme qui doit permettre de favoriser la compétitivité, en chute libre depuis dix ans, car la relance de la production et de la productivité de notre économie doit, à nos yeux, constituer une priorité absolue.

Notre écoute et notre compréhension des entreprises et de leurs difficultés nous ont conduits à vous interpeller, monsieur le ministre, à travers plusieurs de nos amendements, sur la situation difficile de nombre d’entre elles, en particulier des PME et des PMI. Il nous semble que le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi devrait aller encore plus loin pour encourager leur développement, en prenant davantage exemple sur l’Allemagne.

Un déficit commercial de 70 milliards d’euros, c’est le triste record atteint par notre pays l’an dernier, alors que la balance commerciale de l’Allemagne présentait un excédent de 158 milliards d’euros. Il y a de nombreuses explications à cet écart impressionnant. L’une d’entre elles est la faiblesse du tissu d’entreprises de taille intermédiaire dans notre pays. En effet, le Mittelstand allemand n’a pas d’équivalent chez nous.

Nos PME ont des difficultés à grandir ; elles ont aussi souvent peur d’exporter. Il est urgent de remédier à cette situation. Un autre handicap majeur, souligné par le rapport Gallois, est le positionnement de gamme des produits français. Une montée en gamme généralisée, susceptible de redresser notre compétitivité hors-prix grâce à une très forte innovation, est l’une des clés de la sortie de ce marasme commercial.

Nous avons d’ores et déjà, comme le souligne ce rapport, des « pôles d’excellence mondiaux » : l’industrie culturelle, la pharmacie, l’aérospatial ou encore le nucléaire.

S’agissant du nucléaire, je rappelle, à la suite du rapport Gallois, que le faible coût de l’énergie est un atout compétitif majeur pour notre pays. Soyons-en bien conscients avant d’engager des réformes qui pourraient être hasardeuses.

Considérant, pour conclure, comme je l’ai dit au début de mon propos, que ce projet de loi de finances va dans le bon sens, celui du redressement de nos finances publiques et de notre appareil productif, la très grande majorité des membres du RDSE votera en faveur de sa première partie. (Applaudissements sur la plupart des travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)