M. Bruno Sido. Eux non plus !

M. René Beaumont. Je dois dire que je découvre chaque jour un peu plus à quel point vous avez la volonté de fragiliser, voire de détruire, le socle fondateur de notre société : la famille. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. N’importe quoi !

M. René Beaumont. Après avoir joué aux apprentis sorciers biologistes en décrétant que les couples de personnes de même sexe pourraient désormais avoir des enfants, il vous faut bien, maintenant, régler le problème de la transmission du nom de famille.

Qui peut voir dans l’importance qu’occupe le nom paternel dans le processus de filiation le seul vestige d’une société patriarcale et la marque encore vivante d’une domination absolue d’un sexe sur l’autre ?

Mme Éliane Assassi. Eh oui, c’est encore un peu le cas !

M. René Beaumont. Croyez-vous vraiment que la femme française se sente ainsi rabaissée au simple rang d’objet et que l’homme marque autour elle et de son enfant un territoire où son autorité absolue pourrait s’exercer ?

Mme Éliane Assassi. Malheureusement, cela existe encore !

M. René Beaumont. Permettez-moi de penser que vous êtes bien loin des priorités des Français…

M. Jean-Pierre Caffet. C’est délirant !

M. René Beaumont. … et des réalités de l’histoire de nos familles ! Vous surestimez la malveillance des hommes d’aujourd’hui et la volonté des femmes d’hier !

Il n’est pas ici question d’égalité ; il s’agit tout simplement, pour vous, de régler vos problèmes d’intendance. Au fond, c’est bien cela le grand problème de votre réforme : elle n’a de stratégique que la manœuvre politicienne ! Elle ne suit qu’une vision à court terme et sa seule cohérence se trouve dans l’idéologie. Vous ajustez en permanence le texte, en contournant les obstacles que vous rencontrez.

Quoi qu’il en soit, sur le fond, j’estime que, sauf en cas de déclaration expresse, le nom transmis à l’enfant doit être celui du père.

Un tel dispositif est clair et simple en ce qu’il permet au père d’établir concrètement la présomption de paternité, qui est aujourd’hui, en ce qui concerne la filiation, la conséquence réelle et substantielle du mariage.

Ce dispositif est beaucoup plus légitime que celui que vous instaurez. Dans la plupart des cas, les jeunes filles renoncent à leur nom quand elles se marient, et je ne crois pas qu’elles le fassent sous le joug de leur époux !

Mme Esther Benbassa. N’importe quoi !

M. René Beaumont. Depuis 2002, celles qui le souhaitent peuvent faire accoler leur nom à celui de leur mari et à celui de leurs enfants. Pourquoi généraliser un dispositif dont l’exception se justifie par son caractère occasionnel et minoritaire ?

Vous essayez ici d’inverser une tendance.

Mme Éliane Assassi. Nous souhaitons que les Français soient libres !

M. René Beaumont. Non, vous trompez les Français, qui, pour la plupart, n’indiquent rien sur la transmission du nom, car ils savent que leur enfant héritera du nom du père.

Ceux qui seront vigilants sauront que le père devra se munir, pour déclarer la naissance de l’enfant à la mairie, d’un document écrit de la mère stipulant qu’elle accepte explicitement que le nom de famille de l’enfant sera celui de son mari. On imagine déjà l’imbroglio que vous allez créer ! Voilà ce que j’appellerai, pour reprendre vos termes, un véritable choc… de complication !

Par votre faute, nous assisterons à une généralisation des noms doubles, ce qui va inévitablement brouiller la lisibilité généalogique. Avec le méli-mélo des noms des uns accolés à celui des autres dans la limitation de deux, ce qui impliquera un choix permanent entre l’un et l’autre, les cousins, par exemple, auront une faible probabilité de porter le même nom et deux frères nés avant et après l’entrée en vigueur du texte pourront très bien ne pas avoir le même patronyme ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) C’est vraiment n’importe quoi.

Il est inopportun de fragiliser le socle anthropologique sur lequel se construisent les sociétés humaines en étendant à la majorité des Français une mesure qui n’a été revendiquée que par une stricte minorité d’entre eux.

M. Jean-Marc Todeschini. Votre temps de parole est épuisé !

M. René Beaumont. … vous imaginez bien que les documents administratifs ne sont pas adaptés à un tel dispositif !

Mme Éliane Assassi. Votre temps de parole est écoulé !

M. René Beaumont. Il va donc falloir les modifier un à un.

M. Jean-Marc Todeschini. C’est fini !

M. René Beaumont. Quel coût pour l’administration, qui a déjà bien du mal à faire face à la rigueur de la crise !

M. Jean-Marc Todeschini. Vous dépassez votre temps de parole de vingt-deux,…vingt-trois,… vingt-quatre,… vingt-cinq secondes…

M. René Beaumont. Ainsi, parce que cette réforme est loin de concerner tous les Français, parce qu’elle porte atteinte à la famille,…

M. François Rebsamen. Arrêtez-vous !

M. René Beaumont. … mais aussi parce qu’elle est illisible et coûteuse, nous refuserons de la voter ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)

Un sénateur du groupe socialiste. Où est votre papier ?

M. Jean-Claude Lenoir. Il n’en a pas !

M. Patrice Gélard. Monsieur le président Rebsamen, mes chers collègues, je n’ai jamais de papier ! (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) J’étudie depuis plus de quatre mois le texte dont nous discutons aujourd'hui et j’ai travaillé en profondeur sur les dispositions qu’il contient.

Je voudrais tout d’abord revenir sur un point. M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois ont souligné que certains amendements ou passages du texte n’avaient pas été adoptés de la même façon que le reste.

Il faut dire les choses telles qu’elles sont : certains de nos collègues ont eu des impératifs urgents qui les ont obligés à quitter la salle de la commission, et la majorité s’est alors inversée pendant un, deux ou trois votes.

M. Bruno Sido. Le cumul des mandats !

M. Patrice Gélard. Personnellement, je regrette que mon amendement, qui avait recueilli un avis favorable de la commission, n’ait pas été adopté, mais cela me fournit un argument supplémentaire pour soutenir l’une des thèses que je défends depuis le début, à savoir la profonde inconstitutionnalité du texte.

M. Patrice Gélard. Avec la question du nom, cette inconstitutionnalité continue de se développer avec une harmonie étonnante.

MM. Bruno Sido et François Zocchetto. Absolument !

M. Patrice Gélard. Le nom devient inintelligible.

MM. Jean-Jacques Hyest et Robert del Picchia. Tout à fait !

M. Patrice Gélard. Une loi doit viser l’intelligibilité. Or le dispositif que celle-ci prévoit sera complètement illisible.

M. Alain Néri. C’est ce que disait Fillon !

M. Patrice Gélard. En réalité, nous sommes en train de faire une mauvaise loi et, heure après heure, nous accumulons les motifs d’inconstitutionnalité. Merci pour ce travail ; nous nous en servirons lorsque nous saisirons le Conseil constitutionnel ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UDI-UC.)

(M. Jean-Pierre Bel remplace M. Jean-Léonce Dupont au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

Article 2 (début)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Discussion générale

12

Hommage au Secrétaire général du Sénat

M. le président. Madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, je veux, au nom du Sénat, rendre un hommage particulier à son Secrétaire général, Alain Delcamp, qui, après être resté quarante-deux ans au service de notre institution, quittera ses fonctions dans quelques instants.

Je tiens à saluer les qualités exceptionnelles de ce grand spécialiste de la Constitution, de ce haut fonctionnaire dont j’ai pu mesurer la force de l’engagement au service de la République.

Au moment où il s’apprête à partir à la retraite, je tiens à le remercier en votre nom à tous, mes chers collègues, des grands services qu’il a rendus à la Haute Assemblée et de l’image qu’il a su en donner.

Monsieur le Secrétaire général, nous vous exprimons toute notre reconnaissance et vous souhaitons bonne chance dans cette nouvelle vie. (Mme la garde des sceaux, Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement.)

(M. Jean-Léonce Dupont remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

13

Article 2 (interruption de la discussion)
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Article 2

Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Mes chers collègues, nous poursuivons la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Chapitre II (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES AU NOM DE FAMILLE

Discussion générale
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Demande de vérification du quorum

Article 2 (suite)

M. le président. Nous en sommes parvenus aux explications de vote sur l’article 2.

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.

M. Jean-Pierre Leleux. Mes chers collègues, je conjure le Sénat de ne pas voter l’article 2 du projet de loi, car on ne mesure pas à quel point il va perturber les générations à venir !

M. Jean-Marc Todeschini. Il va nous faire pleurer !

M. Jean-Pierre Leleux. La transmission du nom patronymique n’est pas un jeu ; c’est un principe important qui participe de l’équilibre même de l’individu.

Mes chers collègues, peut-être avez-vous remarqué que, depuis quelques années, les adeptes de la généalogie sont de plus en plus nombreux. Pourquoi ?

M. Bruno Sido. C’est la retraite !

M. Jean-Pierre Leleux. Certes, mon cher collègue, mais c’est surtout parce que, dans une période où on a du mal à trouver sa place dans un espace humain et dans la succession des générations, on a besoin de se situer dans une filière. S’inscrire dans une histoire est un souci quasi viscéral !

Avec mon collègue Philippe Bas, je me suis livré à une petite simulation que je vais vous exposer. Que les personnalités que je vais citer n’en prennent pas ombrage ! Il n’y a dans mon propos aucune allusion liée au sujet de fond dont nous débattons.

Donc, mes chers collègues, imaginons que M. Chaban-Delmas se marie avec M. Dupont-Aignan. (Exclamations et rires sur de nombreuses travées). Qu’ils ne m’en veuillent pas, je n’ai pas trouvé d’autres exemples !

M. Charles Revet. Ils ne sont pas là !

M. Jean-Pierre Leleux. Ils adoptent un enfant et essaient de s’accorder sur le nom à lui donner.

M. Gérard Larcher. Bordeaux ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Leleux. Comme ils n’y parviennent pas, c’est au juge de trancher. Celui-ci prend un des deux noms dans chaque nom de famille et les juxtapose par ordre alphabétique : nous avons un petit Chaban-Dupont. (Rires sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) Si, à la génération suivante, cet enfant a la chance de rencontrer M. Aignan-Delmas, on aura de nouveau un Chaban-Delmas. (Nouveaux rires sur les mêmes travées). Si, au lieu de cela, il rencontre M. Giscard d’Estaing, on se retrouvera, par un curieux hasard, avec un petit Chaban-Giscard ! (Nouveaux rires.)

Mme Annie David. C’est ridicule !

M. Marc Daunis. Et Gnafron, il arrive quand ?

M. Jean-Pierre Leleux. Mes chers collègues, j’ai pris volontairement ce sujet sur le ton de l’humour, mais, si je l’ai fait, c’est pour montrer quel genre de situation risque de se produire après seulement trois générations. On se retrouvera avec des contentieux à perte de vue !

Comme vous tous, j’adore jongler avec les mots, mais je ne veux pas tricher avec les noms patronymiques, qui ont un sens, qui sont un fil conducteur et s’inscrivent dans l’histoire. Ces noms participent de l’équilibre même de l’individu, particulièrement des enfants. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous conjure de ne pas voter l’article 2 ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UDI-UC.)

M. Bruno Sido. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. S’il m’est permis de m’élever un instant au-dessus de ma condition, j’aimerais répondre au président Rebsamen.

M. Jean-Claude Lenoir. Remarquez, monsieur Rebsamen, que M. Bas s’exprime sans notes !

M. Charles Revet. M. Bas n’a jamais de papier !

M. Philippe Bas. Monsieur Rebsamen, eussé-je été particulièrement sensible, je me serais senti humilié par les propos que vous avez tenus. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Je vois, mes chers collègues de l’opposition, le travail que chacune et chacun d’entre vous a accompli pour préparer ce débat, avec tant de détermination mais aussi de générosité pour trouver des solutions.

M. André Reichardt. L’union civile !

M. Philippe Bas. Je suis témoin aussi du silence imperturbable qui est opposé aux millions de Français qui, pour des raisons qu’on peut juger bonnes ou mauvaises mais qui sont sincères, s’opposent à ce projet de loi.

Je me dis donc, chers collègues de la majorité, que, si vous considériez que tout était joué d’avance et que, de toute façon, puisque vous avez la majorité, nous n’avions rien à dire, c’est que vous avez une conception du débat parlementaire qui ne correspond pas du tout à ce que j’imaginais et attendais en entrant, avec tant de joie, il y a un peu plus d’un an, dans votre maison.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Philippe Bas. En effet, si tous nos amendements sont systématiquement rejetés, si toutes nos prises de position se heurtent à un mur de silence pour aller plus vite – car il ne s’agit que de cela : vous êtes pressés ! –, si enfin vous opposez le mutisme, parfois les vociférations, dans certains cas l’arrogance, à des propos qui ne sont que constructifs, c’est que le Parlement, après beaucoup d’autres institutions de notre pays, vit une période bien difficile.

Mme Éliane Assassi. On va pleurer !

M. Bruno Sido. C’est du mépris !

M. Philippe Bas. Je me dis que tant de détermination à imposer des rapports de force au lieu de dialoguer et de délibérer de bonne foi cache certainement un malaise face au projet de loi qui nous est soumis. De fait, chers collègues de la majorité, j’ai bien compris que la discipline de vote qui vous est imposée pesait à certains d’entre vous, et je comprends pourquoi.

En ce qui concerne le nom patronymique, mes collègues ont déjà présenté d’excellents arguments contre l’article 2 du projet de loi. On peut jouer avec les mots, mais pas avec le nom patronymique, qui touche profondément à l’identité de chaque personne, à l’héritage qu’elle reçoit d’une lignée et qui lui permet de s’identifier à ceux qui l’ont précédée. Le patronyme n’est pas, comme le prénom, le fruit d’un libre choix des époux.

M. André Reichardt. Absolument !

M. Philippe Bas. Même si ce n’est pas l’intention de ses partisans, il est inévitable que le dispositif proposé conduise à une multiplication des contentieux sur une question qui n’est pas secondaire pour l’enfant, ni d’ailleurs pour ses parents, celle de l’identité. C’est une question grave, et la légèreté avec laquelle vous la traitez ne correspond par à l’idée que je me fais du code civil ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.

M. Jean-François Husson. Nouvel élu dans cette assemblée, je m’exprime en général avec modération et pas trop souvent, mais j’avoue avoir été assez surpris par les propos du président du groupe socialiste. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Je le dis sur le ton de la provocation démocratique, je crois que, plutôt que d’avoir à appeler ses collègues au mutisme pour éviter un débat dont la démocratie sortirait pourtant grandie, M. Rebsamen préférerait se trouver trois sièges plus bas, à la place de Mme Taubira (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.), dont je respecte les convictions comme la capacité à accepter le débat et à répondre point par point à nos arguments.

Chers collègues de la majorité, pourquoi ne pas accepter que, ce soir et jusqu’à la fin de ce débat, nous puissions exprimer des opinions différentes ? Je respecte les vôtres, écoutez-nous un peu !

Mme Éliane Assassi. Nous ne faisons que cela !

Mme Cécile Cukierman. Depuis jeudi dernier !

Mme Esther Benbassa. Vous vous répétez sans cesse !

M. Jean-François Husson. Qu’on ne dise pas que je me répète quand je parle à peine depuis cinq minutes !

M. Marc Daunis. Depuis quatre jours !

M. Jean-François Husson. Chers collègues de la majorité, je vous prie de me laisser poursuivre : vous portez un sparadrap sur la bouche et, de temps en temps, vous l’enlevez pour respirer ; moi, j’exprime les convictions d’une partie de la population, celles de ces Français, confrontés à de graves difficultés, au chômage et à la précarité,…

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Qui défend le libéralisme ?

M. Jean-François Husson. … qui en ont assez, alors que l’on pourrait appeler à une forme d’union nationale, d’assister aux dérives actuelles, non pas seulement sur le plan économique, mais aussi, je le dis, sur celui des valeurs. Or, je crois, comme d’autres, que les valeurs de la famille ne sont pas rien !

Madame la ministre de la famille, vous avez prétendu, après avoir parlé de désir d’enfant, ce qui, je ne vous le cache pas, m’a choqué, que vous étiez ministre « des familles ». Surpris, j’ai vérifié : vous êtes ministre de la famille !

J’entends que les familles soient différentes ; elles ne sont plus aujourd’hui ce qu’elles étaient hier. De votre côté, pourriez-vous accepter que nous exprimions posément nos points de vue et que nous débattions ? Vous adopterez le projet de loi, puisque vous avez la majorité.

M. Bruno Sido. Tout juste !

M. Jean-François Husson. Pour notre part, nous avons le droit de faire entendre notre différence et vous devez la respecter. Si en plus vous nous écoutiez, la démocratie en sortira grandie ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.

M. Christophe Béchu. J’ai beaucoup de respect pour M. Rebsamen. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) Chers collègues de la majorité, je ne crois pas que ces propos aient déjà été tenus ce soir ; je vous prie donc de me laisser poursuivre dans cette voie originale… (Sourires sur les travées de l'UMP.) En disant cela, je n’exprime pas seulement le respect dû à sa fonction ou à son ancienneté ; je parle aussi sur le fondement de mon expérience au Sénat au cours des quinze derniers mois.

Sincèrement, je ne comprends pas les propos qu’il a tenus.

M. Marc Daunis. C’est dommage !

M. Christophe Béchu. Le mot « ridicule » a été employé pour qualifier les interventions de mes collègues – et, accessoirement, les miennes.

M. Christophe Béchu. Je comprends encore moins que l’on puisse considérer qu’il y a une sorte d’illégitimité dans le temps que nous prenons pour nous exprimer.

M. David Assouline. C’est cela !

M. Christophe Béchu. Mes chers collègues, ce projet de loi ne traite pas de la transposition d’une directive européenne sur la prime à l’herbage…

M. Marc Daunis. Merci pour les agriculteurs !

M. Christophe Béchu. … ou de la mise en place d’une éventuelle convention fiscale entre la France et Singapour.

Mme Éliane Assassi. Vous n’êtes pas dans une cour de récréation !

M. Christophe Béchu. Nous débattons d’un sujet dont personne dans cet hémicycle ne peut considérer qu’il est mineur. Personne ! Même vous, madame Assassi, car je ne peux croire que vos propos soient une manière de minorer l’importance que vous accordez à ce projet de loi.

Si nous sommes d’accord sur le fait que ce projet de loi est important, comment dénier aux uns et aux autres le droit de s’exprimer ?

Mmes Éliane Assassi et Esther Benbassa. Nous ne vous dénions rien du tout !

M. Christophe Béchu. Nous utilisons notre temps de parole pour dire à haute voix ce que nous pensons, mais aussi ce que pensent de nombreux hommes et de nombreuses femmes qui ont le droit d’être représentés.

M. André Reichardt. Très bien !

M. Christophe Béchu. Je vais aller plus loin : que vous ayez été intransigeants sur l’article 1er, que vous n’ayez pas voulu dévier d’un iota d’une règle que vous considérez comme immuable et absolue au nom de l’égalité, c’est une chose, mais que, sur la question des noms de famille, vous n’acceptiez pas un débat qui ne modifie pas les dispositions déjà votées est à mes yeux incompréhensible.

En effet, cette question ne correspond pas à une ligne de fracture idéologique ! Il s’agit simplement d’examiner les aménagements législatifs des dispositifs que vous proposez, mais, même sur cela, il n’y a ni dialogue ni débat possible ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Mes chers collègues, cessons de nous accuser les uns les autres de ridicule, au motif que certains arguments seraient fondés et d’autres pas, et parce que l’on exprime ce que l’on croit juste avec sa propre sensibilité.

M. David Assouline. C’est grotesque !

M. Christophe Béchu. Le débat parlementaire, sur un sujet comme celui-là, exige non seulement respect, mais aussi patience et écoute. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Demande de vérification du quorum

Article 2
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 2

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, conformément à l’article 51 de notre règlement, les sénateurs signataires du document en votre possession demandent la vérification du quorum. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Caffet. Voilà qui va faire avancer le débat !

M. le président. J'ai en effet été saisi d’une demande écrite de vérification du quorum. Mais nous en sommes encore aux explications de vote, et nous étudierons donc cette demande au moment du vote.

Demande de vérification du quorum
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Vérification du quorum (début)

Article 2 (suite)

M. le président. Dans la suite des explications de vote sur l’article 2, la parole est à M. Michel Bécot.

M. Michel Bécot. Je suis un peu gêné de prendre la parole ce soir. Je dois avouer en effet, monsieur Rebsamen, que je ne suis pas un universitaire. Je suis un électronicien, un chef d’entreprise qui a créé son entreprise et donc de la richesse (Applaudissements sur les travées de l'UMP.), mais, ne possédant pas le vocabulaire de bien des personnes présentes dans l’hémicycle, je suis obligé de m’appuyer sur un papier pour exprimer mes convictions. Je m’en excuse, monsieur Rebsamen, mais je suis comme cela !

M. Gérard Cornu. Ne vous en excusez pas !

M. Michel Bécot. Au regard de la révolution anthropologique que nous proposent les articles 1er et 1er bis, l’article 2 fait figure de simple aménagement relatif au nom de famille. Cependant, il aura des conséquences très concrètes dans la vie de nos concitoyens, ce qui montre bien à quel point ce texte gouvernemental est intrusif.

Il tend à contraindre les Français, sans le dire explicitement, puisque la mesure n’est pas obligatoire, à changer leur méthode de dévolution des noms de famille. Or quoi de plus intime qu’un nom de famille ?

En changeant les règles de dévolution du nom de famille, l’adoption de cet article viendra mécaniquement altérer la transmission de celui-ci aux enfants. Cela se fera au profit de l’injonction progressiste consistant à transmettre deux noms de famille aux enfants, celui du père et celui de la mère.

Or, même si cette méthode de dévolution n’est pas acceptée par les Français, son automaticité risque de la transformer en règle générale.

Il aurait donc été plus honnête de la rendre obligatoire, pour que les Français puissent se rendre compte du caractère quelque peu envahissant de ces dispositions. (Un brouhaha tend à couvrir la voix de l’orateur.)

Mme Cécile Cukierman. Même ses collègues de l’UMP ne l’écoutent pas !

M. Michel Bécot. Au lieu de cela, vous rendez une pratique effective et, une fois que celle-ci sera entrée dans les mœurs, nous aurons sans doute droit au deuxième étage de la fusée, à savoir l’interdiction pure et simple de la seule transmission du nom du père.

Pour conclure, je dirai les choses simplement : il est évident que ce type de disposition se nourrit de deux tendances lourdes que nous combattons.

Il s’agit d’abord, et c’est sans doute la moins grave de ces deux tendances, du recours systématique au novlangue.

En effet, partant du constat élémentaire, mais vrai, que les mots ont un sens et qu’ils influencent les activités humaines, vous tentez d’imposer un vocabulaire nouveau qui permette un conditionnement des esprits tendant à favoriser l’acceptation des idées que vous défendez. Or, par cet article 2, même nos enfants seront atteints par le syndrome du novlangue.

Seconde tendance lourde que je veux dénoncer, le fait que nos enfants puissent porter quasi systématiquement le nom de leur père constitue une très grande violence pour ceux qui y voient la marque de la domination masculine.

Cette disposition sur la dévolution du nom de famille témoigne d’une véritable phobie des attributs extérieurs de la masculinité. En effet, plutôt que de lutter contre ce qui peut apparaître comme de véritables atteintes à la condition féminine, par exemple les différences de salaire ou la précarité de nombreuses mères de famille, qui doivent cumuler éducation des enfants, tâches ménagères et travail salarié, le Gouvernement s’attaque à des symboles, pensant que leur destruction entraînera une prise de conscience qui permettra, à terme, de lutter contre les inégalités entre les hommes et les femmes.

Or c’est une grave erreur de penser que notre système de dévolution n’est qu’un héritage d’une société patriarcale agonisante. Il s’agit d’un dispositif pratique qui donne aux hommes la place qui leur revient dans la famille, tout en les obligeant à s’investir. Que vous le vouliez ou non, le système de dévolution que vous voulez casser protège les femmes.

Pour cette unique raison, nous devrions tous rejeter cet article 2. Les familles françaises sont attachées à leur nom et à leur histoire et souhaitent conserver à travers le temps le lien que constitue leur nom. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, afin de ne pas compromettre le bon déroulement de nos travaux et d’accélérer le cours de la discussion, j’ai l’honneur de vous faire savoir que je renonce à mon temps de parole ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est déjà trop long !

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.

M. François Zocchetto. M’autorisez-vous, monsieur le président, à vous poser une question ? S’agit-il de la dernière explication de vote sur l’article ?

M. le président. Pour l’instant, vous êtes le dernier.

M. François Zocchetto. Il n’aura échappé à personne que le Gouvernement entend imposer un ordre nouveau,…

M. François Rebsamen. L’Ordre nouveau, ce n’est pas nous !

M. François Zocchetto. … celui de l’alphabet, par cet article 2 du projet de loi. Je m’exprime donc en dernier, puisque désormais ce sera la règle qui s’appliquera pour moi, madame la garde des sceaux.

Je me suis abstenu d’intervenir dans le débat, car je ne voulais pas être soupçonné de conflit d’intérêt en demandant que le choix du nom se fasse de façon aléatoire et non en fonction de l’ordre alphabétique. Je remercie donc ceux qui ont défendu mes intérêts… pardon, mes amendements (Sourires.), et encore plus ceux qui les ont votés.

Plus sérieusement, je pense qu’il n’est pas possible de retenir la solution proposée par le Gouvernement, qui est une solution de facilité. Bien qu’elle paraisse, de prime abord, satisfaisante, elle crée en réalité un véritable déterminisme du nom. En votant cet article, après avoir repoussé les amendements que j’avais déposés, vous allez renforcer un déterminisme favorable aux noms commençant par les premières lettres de l’alphabet.

Cela avait été dit dans cette enceinte voilà quelques années, et cela a été répété tout à l’heure par ceux qui ont eu la gentillesse de s’exprimer sur ce sujet. Bien évidemment, je ne peux qu’être soupçonné de partialité sur ce sujet. Je vous demande toutefois de m’écouter. Retenir l’ordre alphabétique dans le cadre de la dévolution du nom en cas de désaccord ne constitue pas une bonne solution.

Pourquoi ne pas s’en remettre à une sélection aléatoire ? Cela vous permettrait de rétablir une certaine égalité, principe sous lequel vous avez choisi de placer ce texte. Puisque vous ne l’avez pas voulu, votez donc contre l’article 2 ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Vérification du quorum