M. Jacques Mézard. … nous nous prononcerions, à une très large majorité, en faveur de ce qui nous est présenté par le Gouvernement.

M. Marc Daunis. Très bien !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est bien ! Que chacun s’exprime !

M. Jacques Mézard. Nous avons l’habitude d’assumer nos choix, quelles qu’en soient les conséquences ! (M. Francis Delattre s’exclame.)

Quant au déni de réalité, monsieur Arthuis, il n’est pas l’apanage de ce gouvernement.

M. Jean Arthuis. Oui, je l’ai dit !

M. Jacques Mézard. Vous l’avez d’ailleurs rappelé très clairement, et je vous en remercie. Si déni de réalité il y a, ce dont nous ne sommes pas sûrs, nous nous situons plus dans la continuité que dans le changement !

Mme Évelyne Didier. Très juste !

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre du budget, vous avez posé quatre questions, mais y répondre est un exercice très difficile. Cela s’apparente certainement à la quadrature du cercle pour un ministre du budget.

Ce programme de stabilité esquisse le cadre économique et financier pour les années à venir. On notera au passage que les prévisions macroéconomiques du programme de stabilité pour les années 2013–2017 ont sensiblement évolué par rapport à celles de la loi de programmation,…

M. Francis Delattre. Et ce n’est pas fini !

M. Jacques Mézard. … qui était nettement plus optimiste quant à la rapidité et à l’ampleur de la reprise de l’activité économique. Mais, à la différence de la loi de programmation, le programme de stabilité sera transmis à la Commission européenne dans le cadre du « semestre européen », et celle-ci publiera ensuite ses recommandations à la France et aux autres États membres d’ici à la fin du mois de mai. Ce programme a valeur de test de crédibilité pour la France.

M. Francis Delattre. C’est mal parti !

M. Jacques Mézard. Faut-il le rappeler, notre pays n’a pas de très bons antécédents en la matière – là aussi, il s’agira d’une continuité – puisqu’il n’a jamais respecté les programmes transmis à la Commission européenne, pas plus que les objectifs fixés dans les diverses lois de programmation. Tous ces textes ont été caractérisés par un « biais optimiste » dans les prévisions de croissance.

Qu’en est-il des prévisions du présent projet de programme de stabilité ?

Il est difficile de prévoir moins de 0,1 % de croissance pour 2013 (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.), la croissance étant déjà nulle en 2012. Une augmentation de 1,2 % du PIB en 2014 semble déjà plus optimiste, même si, comme le précise le programme de stabilité, cette prévision repose notamment sur le « fort potentiel de rebond » dont disposerait l’économie française au sortir de la crise. En effet, après des années de croissance atone et de récession, il serait temps que l’économie rebondisse.

Mais, comme l’a très justement souligné le Haut Conseil des finances publiques, dont chacun reconnaît, je me plais à le souligner, l’objectivité, « si les prévisions macroéconomiques du Gouvernement [pour 2013 et 2014] sont, en apparence, très proches de celles établies en février 2013 par la Commission européenne, la similitude de prévisions de taux de croissance masque en fait des scénarios très différents. Aussi la Commission retient-elle une hypothèse de déficit public en hausse de 0,2 point en 2014 alors que le Gouvernement envisage une réduction de 0,8 point ». Il s’agit là, monsieur le ministre, d’une différence de taille, qui peut légitimement susciter des interrogations quant aux prévisions de ce programme de stabilité, assez optimistes elles aussi, concernant la réduction du déficit effectif et structurel.

Quant aux prévisions à moyen terme pour les années 2015 à 2017, soit 2 % de croissance annuelle, bien que je ne souhaite pas être pessimiste, elles me paraissent incertaines. Notre taux de croissance potentielle, évalué à 1,5 %, est en réalité difficile à estimer aujourd’hui ; divers facteurs pourraient en effet conduire à réduire ce taux par rapport à son niveau d’avant-crise.

De nombreux aléas entourent donc les prévisions du Gouvernement et font peser sur celles-ci un risque global à la baisse, comme l’a souligné le Haut Conseil des finances publiques.

Que dira la Commission européenne sur ces prévisions ? Entendra-t-elle les nombreuses voix qui se sont justement élevées ces derniers mois, y compris là où on les attendait le moins, comme au FMI, contre les politiques de trop grande austérité menées en Europe, qui pourraient avoir un impact néfaste et irréversible sur la croissance ?

La remise en cause récente des thèses des économistes américains Rogoff et Reinhart affirmant qu’une dette supérieure à 90 % du PIB provoquait un effondrement de la croissance devrait aussi conduire les autres chantres de l’austérité à réenvisager très sérieusement les priorités de politique économique pour retrouver le chemin de la croissance.

Monsieur le ministre, vous nous avez dit que le redressement des comptes publics et le redressement productif sont « les deux faces d’une même médaille ». Il n’en existe pas moins une tension entre la nécessité de réaliser des économies sans précédent pour redresser les comptes et celle de conduire des réformes structurelles de grande ampleur impliquant des investissements très importants pour « booster » notre compétitivité. L’équilibre est très délicat à trouver, mais il existe des solutions, au niveau européen tout d’abord. À cet égard, je remercie notre collègue Jean Arthuis d’avoir rappelé la nécessité de saluer le travail avec l’Europe dans l’Europe.

D’abord, au niveau européen, on peut dégager trois priorités : desserrer les calendriers de retour à l’équilibre financier ; coordonner véritablement les politiques économiques et budgétaires pour garantir une croissance partagée et solidaire en Europe ; et, enfin, faire évoluer le rôle de la BCE. En effet, à nos yeux, le cours de l’euro est clairement aujourd'hui un handicap pour la compétitivité des économies européennes, et il est plus que temps que la BCE agisse, enfin, sur ce front.

Le positionnement, disons-le, « égoïste » et peu pragmatique de l’Allemagne devrait prendre fin. De l’autre côté du Rhin, ils doivent lâcher du lest pour contribuer à relancer la croissance en Europe. Vont-ils mettre en place un salaire minimum ? Vont-ils adopter une position moins catégorique sur l’inflation ?

Le Gouvernement a déjà pris un certain nombre d’initiatives très importantes, initiatives que notre groupe, dans sa très grande majorité, a soutenues, pour renforcer la compétitivité de nos entreprises. Je pense au CICE ou au projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi.

M. Francis Delattre. Encore faut-il les mettre en place !

M. Jacques Mézard. J’y viens !

Cependant, nous sommes inquiets à la lecture de l’avis rendu par le Haut Conseil des finances publiques, ce dernier considérant que les effets escomptés du CICE « gagneraient [cependant] à être davantage documentés ». Surtout, une phrase me frappe : « La résolution des handicaps de compétitivité-prix et hors-prix des entreprises françaises, susceptible d’améliorer les parts de marché à l’extérieur, n’apparaît pas acquise. » Autrement dit, le plus dur reste à faire, et il y faut du temps, monsieur le ministre.

C’est pourquoi il convient de ne pas se contenter de réformes déjà adoptées et de poursuivre des transformations structurelles permettant de dynamiser véritablement notre économie dans dix ans, quinze ans, voire vingt ans. C’est ce que l’Allemagne a réussi à faire il y a quelques années, dans un contexte économique différent, avec une croissance européenne élevée et un euro qui était de l’ordre de 0,9 à 1 dollar.

La reconstitution ou le renforcement de notre tissu industriel et de notre compétitivité ne se fera pas en quelques mois ; les lois Hartz en Allemagne ont nécessité dix ans, sous deux majorités différentes. Peut-être sera-t-il bon un jour de méditer cet exemple ?

La persévérance du Gouvernement dans la mise en œuvre des réformes annoncées, notamment les trente-cinq mesures du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, sera décisive. La capacité à faire apparaître la cohérence des différentes réformes au service de l’objectif général qu’est la relance de la compétitivité et, grâce à elle, celle de l’emploi et du niveau de vie l’est tout autant.

Enfin, je remarque qu’il y a un déficit de communication important au sujet des mesures adoptées par la majorité en faveur des entreprises, qui sont encore trop méconnues sur le territoire.

Monsieur le ministre, les réformes, aussi pertinentes soient-elles, ne serviront à rien si elles ne sont pas accompagnées par le retour de la confiance. En effet, sans la confiance de tous les acteurs de notre économie et de notre industrie, nous ne pouvons pas réussir. Aussi, pour créer un choc positif de croissance, commençons par réunir les conditions d’un choc de confiance.

Il n’est plus temps de revenir sur le passé ; il est temps de préparer l’avenir, avec un objectif ambitieux pour la France en Europe à l’échéance de dix ou de quinze ans. C’est peut-être ce qui manque dans ce programme de stabilité, que notre groupe soutient bien au-delà de ses grandes lignes ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)

(M. Charles Guené remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

vice-président

M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.

M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, mes chers collègues, en entendant M. le ministre parler, il y a quelques instants, de son sérieux budgétaire, je n’ai pas pu m’empêcher de penser que si l’ampleur des gels de crédits qui s’annoncent semble effectivement sérieuse, il est difficile d’en dire autant des prévisions qui les sous-tendent.

M. Jean Desessard. Oh là là !

M. Jean-Vincent Placé. Au contraire, ma chère collègue, plutôt bien !

Les hypothèses de croissance du Gouvernement ont déjà été maintes fois auscultées : 0,1 % cette année, 1,2 % l’année prochaine et 2 % par an à partir de 2015.

M. Francis Delattre. Personne n’y croit !

M. Jean-Vincent Placé. Le fait est que des institutions aussi différentes que le Haut Conseil des finances publiques, installé par le Gouvernement lui-même, le FMI et l’OFCE s’accordent à considérer que ces prévisions de croissance sont clairement affectées d’un biais trop optimiste.

Monsieur le ministre, vous arguez du fait qu’elles sont calées sur celles de la Commission européenne. Certes. Reste que les scénarios de la Commission européenne pour la réduction du déficit ne sont pas les mêmes que les vôtres, loin de là. En effet, pour annoncer 1,2 % de croissance en 2014, elle se fonde sur un déficit de 3,9 %, soit un niveau plus élevé d’un point de PIB que celui prévu le Gouvernement et bien supérieur à la barre convoitée des 3 %.

Peut-être ne vous en souvenez-vous pas, monsieur le ministre, car à l’époque vous n’étiez pas chargé du budget : il y a six mois, j’avais interpellé M. le ministre de l’économie et des finances sur la question du déficit. Il affirmait dans cet hémicycle, avec la même force et la même technicité que vous cet après-midi, que le déficit serait de 3 % en 2013. À cette tribune, j’avais parié, du reste avec regret, que nous nous retrouverions au printemps pour constater ensemble qu’il n’en serait rien. Dont acte !

Ce programme de stabilité entérine un nouvel étalement de la trajectoire de réduction du déficit ; nous ne pouvons d’ailleurs que nous en réjouir. Les écologistes n’ont jamais considéré le recours désordonné à l’endettement comme un modèle viable. Pour autant, la nécessaire résorption du stock de dette que nous avons hérité de décennies de capitalisme financier, ainsi que de toutes les majorités, ne doit être envisagée qu’avec prudence, sans assommer les peuples ni obérer l’économie.

Je vous accorderai sans peine que la France n’est pas la Grèce, qui connaît depuis 2007, dans son chaos social, une explosion des suicides, des meurtres et une dégradation de la santé publique. Le programme de stabilité n’en promet pas moins pour le prochain projet de loi de finances 14 milliards d’euros de mesures d’économies, dont je ne sais s’il convient de les qualifier de sérieuses ou d’austères...

Plus précisément, 1,5 milliard d’euros seraient retranchés de la dotation aux collectivités territoriales. Les dépenses de l’État seraient amputées de 7,5 milliards d’euros, sans que l’on sache encore très bien quels seraient les administrations et services publics les plus touchés. Enfin, 5 milliards d’euros seraient soustraits aux dépenses sociales, marquant notamment le recul de la sécurité sociale au profit des assurances complémentaires retraite et santé.

Il nous semble d’autant moins urgent de risquer ainsi le déclin économique et social que le dogme de l’austérité, plus que jamais, s’effrite et se fissure. En effet, l’un de ses fondements scientifiques, qui postulait qu’un niveau de dette supérieur à 90 % entraînait un effondrement mécanique de la croissance, vient d’être démenti. (Mme Évelyne Didier acquiesce.) Tout simplement, les auteurs de cette théorie largement diffusée et utilisée au plus haut niveau, y compris dans notre hémicycle sur presque toutes les travées, ont reconnu des erreurs invalidant leurs résultats…

Mme Odette Herviaux. Et pas n’importe lesquelles !

M. Jean-Vincent Placé. De plus en plus de pays, en Europe du sud mais aussi en Europe du nord sans oublier les États-Unis, réclament des trajectoires de consolidation budgétaire beaucoup plus douces ; même le FMI a pris position dans ce sens.

En France, monsieur le ministre, plusieurs de vos collègues qui ne sont pas des moindres, notamment le ministre du redressement productif et le ministre chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, ont récemment fait savoir qu’ils souhaitaient une inflexion de la ligne économique que vous défendez aujourd’hui. Du reste, quand j’écoute matinalement les excellentes émissions de politique, je me rends compte que ce sentiment est partagé par beaucoup, de tous les côtés.

Dans ces conditions, pourquoi s’entêter ? Pourquoi persister à affirmer chaque année ou chaque semestre cette volonté d’airain, ou de zinc, de réduire le déficit ? Une volonté que l’on sait d’emblée sapée par des prévisions biaisées, qui ne s’est pas appliquée par le passé et dont le seul but consiste à gagner le droit de demander à un commissaire européen la permission de l’abandonner en chemin… C’est tout simplement absurde. Le comble de cette vaste mascarade est qu’elle vise à assurer notre crédibilité, à rassurer les marchés et la Commission européenne !

J’ignore si le commissaire Olli Rehn est rassuré, mais il semblerait bien que les Français qui subissent un chômage endémique ne le soient pas, eux. D’ailleurs, même le président Barroso explique qu’une politique de rigueur, pour être couronnée de succès, doit recueillir un soutien politique et social minimal. Force est de constater que ce n’est pas tout à fait le cas aujourd’hui.

Austérité ? Rigueur ? Sérieux ? Au fond, peu importent la sémantique, les euphémismes et la communication, voire le marketing. Il est simplement urgent de rompre avec la logique, déjà anachronique mais toujours délétère, issue du péché originel du quinquennat : la ratification immédiate du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, sans l’avoir renégocié.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Après avoir promis de le renégocier !

M. Jean-Vincent Placé. Pour stopper l’hémorragie, rien ne pourra se substituer à davantage d’intégration et d’harmonisation européennes ; c’est cela qu’il fallait négocier ! Rien ne pourra se substituer non plus à la lutte contre l’évasion fiscale, à la mutualisation des dettes et à l’assouplissement de la politique monétaire.

Pourquoi poursuivre cette politique monétaire ? Face à une Allemagne retranchée, qui doit comprendre qu’elle ne pourra de toute façon pas prospérer dans une Europe éteinte – car que ferait la chancelière au milieu d’un cimetière ? –, la voix de la France est attendue et espérée.

La France peut aussi agir de façon autonome. S’agissant par exemple de l’évasion fiscale, sans qu’il soit besoin d’attendre que se produisent de nouveaux scandales,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ah !

M. Jean-Vincent Placé. … de nombreuses mesures, comme une loi FATCA, pourraient être mises en œuvre pour faire bouger les lignes européennes. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait en ce qui concerne la transparence bancaire ; sur ce sujet, nous avons travaillé de concert avec le ministre de l’économie et des finances, ce dont je me réjouis.

De même, il n’est pas trop tard pour mettre sur pied la grande réforme fiscale qu’on nous avait promise,…

M. Bruno Sido. Ah ! Le Grand soir !

M. Francis Delattre. Il serait temps !

M. Jean-Vincent Placé. … ni pour dégager des économies d’échelle par une réforme territoriale ambitieuse, ce qui sera loin d’être réalisé par les projets de loi qu’on nous présente.

Il n’est pas non plus trop tard pour arrêter les projets d’aménagement pharaoniques lorsqu’ils sont aussi onéreux que nuisibles,…

M. Bruno Sido. Soyez plus précis !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Voyons, il veut parler de Notre-Dame-de-Lourdes ! (Sourires.)

M. Jean-Vincent Placé. … ni pour mettre au jour des marges de manœuvre budgétaires sur la force de frappe nucléaire aérienne, un pur gadget dépourvu d’enjeu stratégique. (Murmures sur les travées de l'UMP.)

Mes chers collègues, faire des efforts sur l’emploi, l’école et les hôpitaux en sanctuarisant le budget militaire, est-ce un message à envoyer – je ne dis même pas au peuple de gauche, mais au peuple de France ? J’espère que, lorsqu’on fermera des hôpitaux ou des écoles, on commencera par les circonscriptions des parlementaires si attachés à cette force de frappe qui ne sert à rien ! (Murmures sur diverses travées.)

Mme Nathalie Goulet. Allons, allons !

M. Bruno Sido. C’est du chantage !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est un peu facile !

Mme Nathalie Goulet. Et le Mali ?

M. Jean-Vincent Placé. Pour préparer une économie durable, plutôt que de couper à la hache dans les dépenses publiques, il serait indispensable d’instaurer enfin la véritable fiscalité écologique redistributive promise par le Gouvernement.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous y pensons !

M. Jean-Vincent Placé. Il faudrait aussi adapter notre appareil productif et industriel aux besoins et aux enjeux de demain, notamment sur le plan énergétique.

M. Francis Delattre. Les sous-marins sont à Cherbourg !

M. Jean-Vincent Placé. Par exemple, il conviendrait de conditionner cette invraisemblable niche fiscale supplémentaire d’un point de PIB que constitue, qu’on le veuille ou non, le CICE.

En ces temps incertains,…

M. Jean-Vincent Placé. … parfois troublés, la gauche au pouvoir est une chance. (Murmures sur les travées de l'UMP.) Quoi qu’il arrive, chers collègues de l’opposition, il n’y aura pas de comparaison possible avec ce que nous avons subi au cours du quinquennat précédent ! (Protestations sur les mêmes travées.)

M. Bruno Sido. Pas sûr !

M. Jean-Vincent Placé. Une chance, d’abord, pour la concorde civile.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous ne cessez de diviser les Français !

M. Jean-Vincent Placé. Une chance, ensuite, pour les plus fragiles. Une chance, enfin, pour notre environnement. Oui, la gauche au pouvoir doit être une chance !

M. Francis Delattre. En toute modestie !

M. Jean-Vincent Placé. Nous ne pouvons pas laisser la gauche se morfondre dans l’illusion défraîchie des annonces entendues. Nous ne pouvons pas laisser la gauche errer dans les décombres d’un modèle libéral-productiviste moribond, mais toujours dangereux.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous n’errons pas : nous savons où nous allons !

M. Jean-Vincent Placé. Nous ne pouvons pas laisser la gauche s’engourdir dans l’exercice gestionnaire du pouvoir…

M. Jean-Vincent Placé. … et oublier ceux qui souffrent. La gauche au pouvoir est une chance, à la condition qu’elle soit une audace :…

M. Francis Delattre. Sans les Verts !

M. Jean-Vincent Placé. … une audace écologique, une audace sociale et une audace démocratique !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce programme de stabilité, le votez-vous ou ne le votez-vous pas ?

M. Jean-Vincent Placé. Madame Des Esgaulx, vous savez qu’il n’y a pas de vote prévu. (Murmures sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Mon cher collègue, veuillez conclure.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. S’il y en avait un, que feriez-vous ?

M. Jean-Vincent Placé. Chers collègues de l’opposition, je vais vous répondre car je ne fuis pas mes responsabilités – je suis plutôt connu pour cela.

M. François Trucy. Il s’en vante !

M. Jean-Vincent Placé. Le Gouvernement n’a pas jugé indispensable de sanctionner notre débat par un vote, mais vous aurez compris à mes propos que le groupe écologiste n’aurait pas approuvé le programme de stabilité ! (Exclamations et applaudissements ironiques sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et voilà ! On le savait !

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. (Bravo ! et applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention comportera deux temps. Je commencerai par répondre à M. le ministre du budget, qui a prétendu, tout à l’heure, nous expliquer la vérité des chiffres. En définitive, il a peu parlé du programme de stabilité ; il a surtout essayé de tronquer le débat, suivant l’habitude du Gouvernement !

Monsieur le ministre, la vérité des chiffres est relative ; elle dépend de la manière dont on les présente. C’est pourquoi je souhaite entrer dans le détail des données. Vous nous dites que l’augmentation des dépenses a été moindre en 2012 qu’au cours des périodes 2007–2012 et 2002–2007.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je vous le concède, avant 2007 et avant la crise, nos dépenses publiques étaient trop élevées ; pendant de nombreuses années, nous avons tous été coresponsables d’un manque de vertu budgétaire. Seulement, après la crise, un effort sans précédent a été accompli sur les dépenses !

Mme Évelyne Didier. Et les cadeaux fiscaux ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il est pernicieux de comparer l’évolution des dépenses sur une année – 2012 – et sur une période de cinq ans, sans plus de précision sur cette dernière. S’il est vrai que nos dépenses ont augmenté plus fortement entre 2007 et 2012, c’est parce que nous avons subi, en 2008, une crise qui a nécessité la mise en place dans l’urgence d’un plan de relance. Du reste, ce plan a été salué par tous les commentateurs internationaux pour son efficacité et il a permis à la France de s’en sortir mieux que l’Allemagne.

Sous l’effet de ce plan, nos dépenses publiques ont bondi de 53,3 % du PIB en 2008 à 56,8 % en 2009. Par la suite, en revanche, elles ont sans cesse diminué, sauf en 2012 : à la suite de votre arrivée au pouvoir, les dépenses ont de nouveau augmenté, passant de 55,9 % du PIB en 2011 à 56,6 % en 2012, soit le même niveau qu’au moment du plan de relance.

La France se situe au deuxième rang des pays de l’OCDE pour le niveau de sa dépense publique !

M. le ministre soutient que les dépenses de l’État ont connu en 2012 une baisse historique, mais c’est faux : la première fois depuis 1945 que les dépenses de l’État, hors dette et pensions, ont diminué en valeur, c’était en 2011 ! Cette année-là, le déficit budgétaire de l’État avait diminué de 36 % et s’était établi, puisque nous en sommes à donner des chiffres précis, à 95,3 milliards d’euros, contre 148,8 milliards d’euros en 2010. Ainsi, dès 2011, les dépenses ont été réduites de plus de 260 millions d’euros et les économies, affectées au désendettement.

La charge de la dette a quant à elle été révisée à la baisse de 700 millions d’euros.

De la même manière, c’est en 2010 que, pour la première fois de la décennie, l’ONDAM, a été respecté.

Monsieur le ministre, vous voulez parler de chiffres incontestables : allons-y !

Alors qu’il avait été maintenu entre 42 % et 44 % du PIB sous le quinquennat précédent – malgré la crise –, le niveau des prélèvements obligatoires a explosé en 2012, avec l’arrivée de François Hollande, pour s’élever à près de 45 %.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. En 2013, il devrait atteindre le taux record de 46,3 %.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. La crise de 2008–2009 a fait exploser le déficit public en 2009. Mais, par la suite, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, tous les objectifs de réduction du déficit transmis à Bruxelles ont été remplis. Le niveau du déficit s’est même nettement amélioré puisqu’il s’est élevé à 7,1 % en 2010, pour un objectif initial de 7,7 %, puis à 5,3 %, au lieu de 6 %.

Avec vous, le déficit, en 2012, c’est 4,8 % au lieu de 4,5 % ! Pour 2013, la Commission européenne prévoit 3,7 %, au lieu des 3 % que nous avions assuré pouvoir tenir jusqu’à très récemment.

Vous reconnaissez que ce taux de 4,8 % est en partie dû à la baisse de la croissance, mais vous omettez de dire que cette dernière est due à votre politique ! Elle est la conséquence, d’une part, du recul des investissements des entreprises, impactées en 2012 par une hausse sans précédent de leur fiscalité – 16 milliards d’euros – et, d’autre part, de la diminution de 0,4 % du pouvoir d’achat des ménages, également victimes de cette pression fiscale, les impôts ayant augmenté de 16 milliards d’euros en 2012, freinant ainsi la hausse de la consommation.

Monsieur le ministre, vous exprimant tout à l'heure à la tribune, vous avez osé parler de « politique fiscale raisonnable ». Mais 32 milliards d’impôts supplémentaires en six mois, est-ce bien raisonnable ? C’est plutôt un record ! Je salue votre culot !

Vous ne voulez pas de collectif budgétaire pour ne pas augmenter davantage les impôts. Que diriez-vous d’un collectif pour diminuer les dépenses ? Avec vous, il faut toujours attendre !

Telles sont les remarques que m’ont inspirées les propos que vous avez tenus à cette tribune. Si je m’exprime ainsi « à chaud », c’est parce que je crois qu’il ne faut pas laisser passer de telles déclarations.

Monsieur le ministre, votre dialectique est extraordinaire.