Mme Cécile Cukierman. Le département a le droit de donner son avis, mais pas la commune !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. L’amendement prévoit que les syndicats intervenant dans le champ de compétences de la métropole, et entièrement compris dans son périmètre, puissent continuer à exister grâce au maintien de leurs communes membres avec voix délibérative. Or tel ne peut être le cas : la loi transfère des communes à la métropole lyonnaise les compétences communales exercées syndicalement.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Eh oui !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Dès lors, l’avis du Gouvernement ne peut qu’être défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 444.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 232 rectifié, présenté par MM. Collomb et Mercier, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 140

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Lorsque la métropole de Lyon transfère à un syndicat mixte en charge des transports les compétences d’infrastructure de transports collectifs urbains, de gestion et d’exploitation des réseaux de transports collectifs urbains, elle peut conserver toutes les autres compétences liées à sa qualité d’autorité organisatrice de la mobilité au sens de l’article L. 1231–1 du code des transports.

Elle peut intégrer un syndicat mixte de type SRU chargé de coordonner, d’organiser et de gérer les transports collectifs urbains de la métropole de Lyon et les transports collectifs réguliers du département du Rhône et des autres autorités organisatrices de ce département.

La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. Il s’agit de l’amendement que j’évoquais tout à l'heure lorsque nous avons adopté celui de M. Mézard.

J’avais dit qu’il viserait à pouvoir créer par la suite, avec le département du Rhône, un syndicat mixte permettant de conjuguer mobilité urbaine et mobilité au sein du futur département.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Vandierendonck, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Même avis, dans la logique de l’amendement de M. Mézard qui avait été accepté.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Cet amendement est extrêmement utile en termes de coordination.

Toutefois, et même si la qualité rédactionnelle de la loi se dégrade de plus en plus, il m’est franchement difficile d’accepter les termes : « de type SRU ». Ne pourrait-on les supprimer ? (Marques d’approbation sur plusieurs travées.)

M. René Vandierendonck, rapporteur. Ce serait mieux !

M. Michel Mercier. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest. Le langage courant, c’est très sympathique, mais ici, nous faisons les lois ! Ne tombons pas aussi bas !

Mme la présidente. Monsieur Collomb, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens proposé par M. Hyest ?

M. Gérard Collomb. Tout à fait, madame la présidente.

Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 232 rectifié bis.

Quel est l’avis de la commission ?

M. René Vandierendonck, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 232 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 228, présenté par M. Collomb, est ainsi libellé :

Alinéas 148 à 163

Remplacer ces alinéas par dix-neuf alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 3642–2. - I. - 1° Sans préjudice de l’article L. 2212–2 et par dérogation aux dispositions de l’article L. 1311–2 et du deuxième alinéa de l’article L. 1331–1 du code de la santé publique, les maires des communes situées sur le territoire de la Métropole de Lyon transfèrent au président du conseil de la Métropole les attributions lui permettant de réglementer en matière d’assainissement.

« Par dérogation aux dispositions de l’article L. 1331–10 du code de la santé publique, le président du Conseil de la métropole de Lyon arrête ou retire les autorisations de déversement d’effluents non domestiques.

« Les infractions aux règlements d’assainissement peuvent être recherchées et constatées par des agents des services de désinfection et des services d’hygiène et de santé de la Métropole de Lyon habilités et assermentés dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État ;

« 2° Sans préjudice de l’article L. 2212–2 et par dérogation aux dispositions de l’article L. 2224–16, les maires des communes situées sur le territoire de la Métropole de Lyon transfèrent au président du conseil de la Métropole les attributions lui permettant de réglementer la collecte des déchets ménagers. Les infractions au règlement de collecte des déchets ménagers peuvent être recherchées et constatées par des agents des services de désinfection et des services d’hygiène et de santé de la Métropole de Lyon, habilités et assermentés dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État ;

« 3° Par dérogation aux dispositions de l’article 9 de la loi n° 2000–614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, les maires des communes situées sur le territoire de la Métropole de Lyon transfèrent au président du conseil de la Métropole les attributions relatives au stationnement des résidences mobiles des gens du voyage ;

« 4° Les maires des communes situées sur le territoire de la Métropole de Lyon transfèrent au président du conseil de la Métropole les prérogatives qu’ils détiennent en application de l’article 23 de la loi n° 95–73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité pour assurer la sécurité des manifestations culturelles et sportives organisées dans les établissements de la Métropole ;

« 5° Sans préjudice de l’article L. 2212–2 et par dérogation aux dispositions des articles L. 2213–1 à L. 2213–6–1, les maires des communes situées sur le territoire de la Métropole de Lyon transfèrent au président du conseil de la Métropole leurs prérogatives en matière de police de la circulation et du stationnement ;

« 6° Les maires des communes situées sur le territoire de la Métropole de Lyon transfèrent au président du conseil de la Métropole leurs prérogatives en matière de police de la conservation sur les voies du domaine public routier de la Métropole de Lyon ;

« 7° Sans préjudice de l’article L. 2212–2 et par dérogation aux dispositions de l’article L. 2213–33, les maires des communes situées sur le territoire de la Métropole de Lyon transfèrent au président du conseil de la Métropole leurs prérogatives pour délivrer les autorisations de stationnement sur la voie publique aux exploitants de taxi.

« 8° Sans préjudice de l’article L. 2212–2 et par dérogation aux dispositions de l’article L. 2213–32, les maires des communes situées sur le territoire de la Métropole de Lyon transfèrent au président du conseil de la Métropole les attributions lui permettant de réglementer la défense extérieure contre l’incendie.

« II. - Lorsque le président du conseil de la Métropole prend un arrêté de police dans les matières prévues au I du présent article, il le transmet pour information aux maires des communes intéressées dans les meilleurs délais.

« III. - Dans un délai de six mois suivant la date de l’élection du président du conseil de la Métropole de Lyon, un ou plusieurs maires peuvent s’opposer, dans chacun des domaines mentionnés au I du présent article, au transfert des pouvoirs de police. À cette fin, ils notifient leur opposition au président du conseil de la Métropole de Lyon. Il est alors mis fin au transfert pour les communes dont les maires ont notifié leur opposition.

« Si un ou plusieurs maires des communes concernées se sont opposés au transfert de leurs pouvoirs de police, le président du conseil de la Métropole de Lyon peut renoncer, dans chacun des domaines mentionnés au I du présent article, à ce que les pouvoirs de police spéciale des maires des communes situées sur le territoire de la Métropole de Lyon lui soient transférés de plein droit. Il notifie sa renonciation à chacun des maires des communes situées sur le territoire de la Métropole de Lyon dans un délai de six mois à compter de la réception de la première notification d’opposition. Dans ce cas, le transfert des pouvoirs de police prend fin à compter de cette notification.

« IV. - Les agents de police municipale recrutés par la Métropole de Lyon ou mis à disposition par les communes situées sur son territoire et les agents de la Métropole de Lyon habilités et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État peuvent assurer, sous l’autorité du président du conseil de la Métropole, l’exécution des décisions prises en vertu du I du présent article.

« À la demande des maires de plusieurs communes situées sur le territoire de la Métropole, la Métropole de Lyon peut recruter, après délibération des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci, ou de la moitié au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population, un ou plusieurs agents de police municipale, en vue de les mettre à disposition de l’ensemble de ces communes. Leur nomination en qualité de fonctionnaires stagiaires ne fait pas obstacle à leur mise à disposition.

« Les agents de police municipale ainsi recrutés exercent, sur le territoire de chaque commune où ils sont affectés, les compétences mentionnées à l’article L. 511–1 du code de la sécurité intérieure, sans préjudice des compétences de police judiciaire qui leur sont dévolues par le code de procédure pénale et par les lois pénales spéciales. Pendant l’exercice de leurs fonctions sur le territoire d’une commune, ils sont placés sous l’autorité du maire de cette commune.

« Les agents de police municipale recrutés par la Métropole de Lyon sont nommés par le président du conseil de la Métropole, agréés par le représentant de l’État dans la Métropole et le procureur de la République, puis assermentés dans les conditions prévues à l’article L. 511–2 du code de la sécurité intérieure.

« L’agrément peut être retiré ou suspendu par le représentant de l’État dans la Métropole ou le procureur de la République après consultation du président du conseil de la Métropole. Toutefois, en cas d’urgence, l’agrément peut être suspendu par le procureur de la République sans qu’il soit procédé à cette consultation.

« V. - Le représentant de l’État dans la Métropole peut, dans le cas où il n’y aurait pas été pourvu par le président du conseil de la Métropole de Lyon, et après une mise en demeure de ce dernier restée sans résultat, exercer les attributions du président du conseil de la Métropole prévues au 5° du I du présent article. » 

La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. Il s’agissait d’essayer de distinguer, dans les pouvoirs de police, ce qui dépendrait des communes de qui relèverait de la métropole. Je présente de nouveau cet amendement. Cependant, je crains que le Gouvernement n’ait une vision assez différente et donc que mon amendement n’ait pas beaucoup de succès.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Vandierendonck, rapporteur. Je donne acte au maire de Lyon qu’il aura jusqu’au bout essayé de préserver le pouvoir de police de l’ensemble des maires.

J’ai rédigé, avec l’excellent sénateur Pillet, un rapport d’information sur ces questions. Concernant cet amendement qui a recueilli un avis défavorable de la commission, le mieux que je puisse faire est de m’en remettre à la sagesse du Gouvernement. (Sourires.) Je précise que la commission était toutefois clairement défavorable à cet amendement, qui pose un problème d’articulation des niveaux de compétences.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. J’entends le bon sens des uns et des autres. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison d’imaginer que le Gouvernement n’allait pas être très favorable à votre amendement.

Dans la mesure où la métropole de Lyon est une collectivité à statut particulier, permettre aux maires de s’opposer à l’exercice de certains pouvoirs de police par l’exécutif de la métropole serait contraire au principe de non-tutelle d’une collectivité sur une autre.

Dans ces conditions, comme vous l’aviez suggéré, nous sommes tout à fait prêts à accepter le retrait que vous ne manquerez pas de proposer. (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir. C’est gentiment dit !

Mme la présidente. Monsieur Collomb, l'amendement n° 228 est-il maintenu ?

M. Gérard Collomb. Oui, madame la présidente. Je me résoudrai à ce qu’il ne soit pas adopté.

Mme la présidente. Vous voulez donc mourir debout, comme M. Collombat ! (Nouveaux sourires.)

M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est qu’il y a Villeurbanne derrière !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 228.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 229 rectifié, présenté par MM. Collomb et Mercier, est ainsi libellé :

Alinéa 229

Après la référence :

Art. L. 3662–12. -

insérer une phrase ainsi rédigée :

Pour l'application des articles L. 3662–10 et L. 3662–11, les indicateurs de ressources utilisés tant pour la métropole de Lyon que pour le département du Rhône, tiennent compte du montant de la dotation de compensation métropolitaine définie à l'article L. 3663–7.

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Cet amendement vient utilement compléter celui qui a été proposé par le Gouvernement devant l’Assemblée nationale.

J’ai souhaité le présenter moi-même afin de remercier M. Collomb d’avoir compris que, pour bien fonctionner, la métropole devait avoir à côté d’elle un département qui fonctionne également bien.

Nous avons donc travaillé ensemble, sous l’égide de la présidence de l’État, à la construction d’un système financier équilibré qui donne au futur département du Rhône les moyens de vivre. Il y aura donc une dotation de compensation métropolitaine au profit du département. Nous verrons quel en sera exactement le montant à la fin de l’année 2014. Ce que l’on sait déjà, c’est qu’il s’agit d’une dotation extrêmement importante, de l’ordre de 80 millions à 90 millions d’euros par an.

M. Gérard Collomb. Pas trop ! (Sourires.)

M. Michel Mercier. C’est pourquoi je ne vous ai donné que le bas de la fourchette, afin de ménager l’effet de surprise. (Nouveaux Sourires.)

Pour le département, il s’agit d’une assurance très forte dont il faut tenir compte : on ne peut à la fois demander à la métropole de verser cette dotation au futur département du Rhône et, en même temps, ne pas en tenir compte dans les contributions qui lui seront demandées au titre des diverses péréquations.

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé, Gérard Collomb et moi-même, cet amendement, qui témoigne de notre accord. La dotation versée par la métropole au département viendra en diminution des indicateurs de ressources de la métropole et, inversement, en augmentation des indicateurs de ressources du département, ce qui est logique et qui en fait une opération neutre pour l’État.

Je tiens d’ailleurs à signaler que la seule métropole qui ne recevra rien de l’État en termes financiers, c’est Lyon ! Toutes les autres, qui sont très imparfaites, ont reçu de l’argent – plusieurs centaines de millions d’euros – et la seule qui soit parfaite a reçu zéro ! Elle n’avait d’ailleurs rien demandé !

M. Jacques Mézard. Elle est parfaite !

M. Michel Mercier. Voilà pourquoi j’espère que le Gouvernement soutiendra cet amendement qui éviterait à la métropole lyonnaise de donner deux fois la même chose.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Vandierendonck, rapporteur. S’agissant d’une collectivité territoriale à statut particulier, la commission a estimé, mon cher collègue, que ce caractère sui generis justifiait amplement qu’elle s’en remette à l’avis du Gouvernement. (Rires sur plusieurs travées de l’UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Le Gouvernement ne peut que se réjouir des conditions dans lesquelles le département et la communauté urbaine de Lyon ont travaillé ensemble, sous l’égide des services de l’État (M. Michel Mercier opine.) – je veux d’ailleurs saluer le travail accompli au sein de la direction générale des collectivités locales –, afin de parvenir à un texte de consensus, donnant droit à la commune comme au département.

Dans ces conditions, je ne peux que souscrire à l’amendement rectifié, qui permet d’enlever de l’indicateur de richesse de la métropole ce qu’elle verse au département et de l’ajouter à l’indicateur de richesse du département, mesure de bon sens et d’équité dont les modalités seront reprises dans le cadre d’une loi de finances, peut-être en 2015, à moins que ce ne soit fait au préalable par ordonnance. L’avis est donc favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 229 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 20, modifié.

(L'article 20 est adopté.)

……………………………………………………………………………………………

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

Article 20 (début)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Discussion générale

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

aide juridictionnelle

M. le président. La parole est à M. Stéphane Mazars.

M. Stéphane Mazars. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame la garde des sceaux, la réalité d’un État de droit se mesure au degré de libre accès à la justice de ses citoyens, et notamment des plus démunis d’entre eux.

Les membres de mon groupe et moi-même n’avons cessé de dénoncer la situation désastreuse de l’aide juridictionnelle, victime d’un sous-financement chronique. Nous avons combattu, en 2011, la création de la contribution pour l’aide juridique de 35 euros, qui touche l’immense majorité des justiciables et restreint d’autant leur accès à la justice.

Madame la garde des sceaux, peu de temps après votre prise de fonction, vous aviez annoncé votre souhait d’abroger cette contribution et de trouver des modes de financement pérennes et justes pour l’aide juridictionnelle.

Malheureusement, les derniers arbitrages du Gouvernement ne vont pas dans ce sens et nous inquiètent.

M. Alain Gournac. C’est vrai !

M. André Reichardt. Nous aussi !

M. Stéphane Mazars. En effet, il ressort du projet de loi de finances pour 2014 que la suppression de cette contribution, d’un rendement de 60 millions d’euros, s’accompagnerait d’une économie supplémentaire de 32 millions d’euros sur le budget de l’accès au droit, dont 15 millions d’euros ponctionnés sur les avocats au travers d’une diminution pouvant aller jusqu’à près de 12 % de leur unité de valeur.

Ce projet a déjà été rejeté par le Conseil national de l’aide juridique et par le Conseil national des barreaux, de même qu’il suscite de fortes réserves de la part de la Commission nationale consultative des droits de l’homme. J’ajoute qu’une grève des audiences aura lieu demain dans nombre de départements.

Si, en outre, la Chancellerie persistait dans l’idée d’une taxation sur le chiffre d’affaires de ceux qui assument le poids réel de l’aide juridictionnelle, vous engendreriez alors, face à une injustice inacceptable, des réactions légitimes encore plus fortes.

L’enjeu dépasse de très loin les seuls professionnels du droit. L’enjeu – vous le savez, madame la garde des sceaux ! – c’est l’accès à la justice pour tous, et le droit élémentaire de tout citoyen à être simplement défendu.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Stéphane Mazars. J’ajoute que cette question de l’aide juridictionnelle fait actuellement l’objet de nombreuses réflexions. Je pense, par exemple, aux travaux de nos collègues Sophie Joissains et Jacques Mézard. Pourquoi ne pas attendre leurs conclusions ?

Surtout, madame la garde des sceaux, mesurez-vous bien les conséquences d’une telle décision ? Pouvez-vous nous rassurer sur vos intentions visant à permettre à la justice d’être accessible à tous ? S’agit-il encore de l’une des priorités du Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Mazars, je connais l’engagement de votre groupe parlementaire sur cette question depuis de nombreuses années. Cela donne d’autant plus de poids à votre question.

L’aide juridictionnelle relève d’une politique de l’État, une politique publique qui consiste à garantir aux plus démunis l’accès au juge et à l’avocat. Vous le savez, cette aide juridictionnelle concerne les justiciables, qui en bénéficient, les juridictions, qui la gèrent, et les avocats, qui accomplissent en réalité une mission de service public, pour laquelle ils sont rémunérés – j’en conviens, absolument pas à la hauteur de la qualité de la mission assurée.

Nous devons veiller aux intérêts de chacune de ces trois parties.

Pour ce qui concerne les justiciables, je me suis effectivement engagée l’année dernière à supprimer le timbre de 35 euros, qui entravait, pour les plus démunis, l’accès au juge. Cette parole est tenue, puisque le Gouvernement, qui s’y était engagé, – c’est un engagement du Président de la République – a abondé le budget du ministère de la justice de 60 millions d’euros. Cette somme permet de compenser l’abrogation du timbre de 35 euros, qui rapportait 55 millions d’euros.

Cet abondement signifie que le justiciable ne connaît plus d’entrave dans l’accès au juge. Il n’a pas d’entrave non plus dans l’accès à l’avocat, car nous n’avons modifié aucun critère d’accès, ni le plafond de ressources, ni les procédures.

Cependant, la démodulation de l’unité de valeur, qui est une égalisation de cette unité de valeur sur l’ensemble du territoire, pénalise certains barreaux.

La question de fond est celle de la pérennisation de l’aide juridictionnelle. Depuis plusieurs mois, je travaille avec la profession pour essayer de trouver les ressources nécessaires pour consolider et pérenniser l’aide juridictionnelle.

Ce qui se passe aujourd’hui concerne la rémunération des avocats. Celle-ci n’a pas augmenté depuis plusieurs années. Néanmoins, je vous rappelle que, l’année dernière, ce gouvernement avait accru de 16 % l’enveloppe de l’aide juridictionnelle.

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous allons construire une aide juridictionnelle durable avec la profession. Nous allons le faire parce que la profession manifeste son désir d’y travailler, un dispositif durable étant la condition pour assurer l’accès à la justice.

Aujourd’hui, des contentieux de masse, qui concernent les plus démunis, ne sont pas couverts par l’aide juridictionnelle. Nous voulons mettre un terme à cette injustice.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous allons le faire avec la profession, avec l’aide de vos travaux. En effet, les éléments de réflexion du rapport Mézard-Joissains viendront s’ajouter au rapport de l’Inspection générale, à qui j’ai confié la charge d’évaluer cette politique publique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

comité d’éthique

M. le président. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Alain Milon. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

Selon le site du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, ou CCNE, « la loi assure au CCNE une pluridisciplinarité et un pluralisme qui permet de croiser les regards et les opinions sur chaque question ». Il précise que, parmi les 39 membres nommés pour quatre ans, cinq le sont en raison de leur appartenance « aux principales familles philosophiques et spirituelles ».

Ne dépendant d’aucune autorité de tutelle – situation rarissime –, le CCNE, créé en 1983, rend ses avis en totale indépendance.

Comment y croire encore après le renouvellement quelque peu précipité de ses membres ?

À l’approche des états généraux de la bioéthique, organisés par le CCNE, et à la veille d’importants débats parlementaires susceptibles de modifier la législation en vigueur, en matière de PMA et de fin de vie,…

M. Alain Milon. … le Président de la République, chargé de nommer les représentants des courants de pensée au sein du CCNE, a décidé que les représentants officiels des religions concernées seront remplacés par des laïcs appartenant à la religion considérée.

Une telle exclusion, dans son principe, est choquante à plusieurs titres.

M. Alain Milon. D’abord, elle modifie le fondement de la composition du CCNE concernant les représentants des principales familles de pensée dans notre pays…

M. Alain Milon. … et porte atteinte au pluralisme de ses membres, institué par un décret du Président de la République – François Mitterrand, en 1983 – et confirmé dès la première loi de bioéthique, en 1994.

Ensuite, elle laisse supposer un nouveau concept de la laïcité, qui, au lieu d’intégrer les courants religieux à travers leurs représentants hiérarchiques, les rejette de la plus haute instance éthique nationale, dont on sait que les avis se limitent à n’être que consultatifs.

En outre, elle se laisse interpréter comme la volonté d’une instrumentalisation politique du CCNE,…

M. Charles Revet. Bien sûr !

M. Alain Milon. … qui pourrait perdre ainsi tout ou partie de son indépendance et, par voie de conséquence, sa crédibilité auprès des scientifiques et, plus largement, de notre société.

Enfin, elle fait voler en éclats le modèle du Comité consultatif national d’éthique français, le premier du genre, qui a été repris par une trentaine de pays (M. Roland Courteau s’exclame.), ce qui ne peut que ternir son image, pérennisée depuis 30 ans.

N’est-ce pas jouer avec la loi, la biaiser, que d’agir ainsi ?