M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l'article.

M. Hervé Maurey. L’article 24, qui concerne les ressources des collectivités locales, est particulièrement important pour notre Haute Assemblée.

En effet, et pour la première fois de notre histoire, il nous est proposé de réduire les dotations aux collectivités, notamment aux communes, qui plus est de manière significative.

La baisse sera de 1,5 milliard d’euros en 2014 et, nous a-t-on annoncé, de même montant en 2015. Mme la ministre chargée de la décentralisation a en outre récemment laissé entendre que la tendance allait vraisemblablement se poursuivre sur les exercices budgétaires suivants.

Faisons un peu d’histoire.

Voilà trois ans, lorsque le gouvernement précédent a proposé de geler les dotations aux collectivités locales, ce furent des hurlements sur la gauche de l’hémicycle : on assassinait les collectivités locales ; on contraignait les élus locaux à augmenter les impôts ; on tuait l’investissement ; on transférait l’impopularité d’une hausse d’impôts que l’État n’osait pas assumer. Bref, c’était abominable !

L’année suivante, en 2011, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2012, la majorité du Sénat, qui était alors passée à gauche, donc dans l’opposition par rapport à un gouvernement qui, lui, n’était pas encore de gauche, rejetait la dotation globale de fonctionnement, la DGF.

Et l’année dernière, les mêmes élus de gauche, en tout cas les membres du groupe socialiste, trouvaient tout à fait normal de maintenir le gel qu’ils avaient condamné les années précédentes.

Nous voilà en 2013, et, avec le projet de loi de finances pour 2014, le gel se transforme en fonte ! D’ordinaire, un tel phénomène s’observe plus en météorologie qu’en finances publiques. (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.) La baisse des dotations n’est pas anodine. Contrairement à ce que l’on tente de nous expliquer, elle devrait être de l’ordre de 4 % sur la partie forfaitaire de la DGF, qui, vous le savez, représente une part très importante des ressources des communes.

Qui plus est, il s’agit d’une baisse appliquée de manière aveugle : comme l’a souligné la Cour des comptes, la faculté contributive des différentes collectivités locales n’est nullement prise en considération.

Je dois dire, pour ne pas sombrer dans la démagogie, comme il s’en est trouvé pour le faire à une certaine époque, que nous pourrions comprendre cette baisse si, dans le même temps, le Gouvernement n’imposait pas de nouvelles charges aux collectivités. Pour ne pas être trop long, car on pourrait facilement multiplier les exemples de transferts de charges imposés aux collectivités, je n’en citerai qu’un, mais non des moindres : la mise en place de la réforme des rythmes scolaires. Il sera demandé à des communes de prendre en charge cette réforme, qui coûtera à peu près 200 euros par enfant, ce qui aura une incidence très importante sur leur budget, alors même que l’on diminue leurs ressources.

Nous pourrions mieux comprendre cet effort s’il était partagé avec l’État. Or, en réalité, l’essentiel de l’effort budgétaire de l’État est supporté par les collectivités locales : quand on nous parle de 9 milliards d’euros d’économies, il s’agit essentiellement de dépenses qui augmenteront moins vite, sauf pour la dotation de l’État aux collectivités locales qui, elle, diminuera réellement.

Cela me semble difficilement supportable et entraînera de graves conséquences sur la vie des collectivités locales, notamment des communes. Cela se traduira à n’en pas douter par une augmentation de fiscalité : alors que le contribuable est déjà largement matraqué par l’État, il risque de l’être également par les collectivités locales en raison de la baisse des dotations. Je pense même que, chose inédite, certaines communes, peut-être pas dès le budget de 2014, mais les années suivantes, ne pourront plus équilibrer leur budget de fonctionnement.

Mes chers collègues, si l’on diminue les recettes dans le même temps que l’on augmente les dépenses, il arrivera nécessairement un moment où l’exercice deviendra tout simplement impossible ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, sur l'article.

M. Francis Delattre. Mon collègue a fort bien résumé la situation. Je vais donc me contenter de compléter son propos.

La gauche réfléchirait donc au big-bang fiscal… Mais les collectivités sont-elles vraiment concernées par la réforme qui s’annonce ? Il faut reconnaître que le système, peu compréhensible et peu responsabilisant, est à bout de souffle. Monsieur le ministre, sommes-nous concernés par cette réforme ou s’agit-il d’une diversion ? (M. François Patriat proteste.)

L’opinion publique comme la presse considèrent aujourd'hui que l’ensemble des collectivités dévorent les crédits et les moyens. Ce jugement est malheureusement étayé par un certain nombre de statistiques.

Les régions ont augmenté leurs effectifs de 175 % en dix ans, sans avoir acquis de compétences nouvelles. Les intercommunalités ont accru leur personnel de 174 %. La communauté urbaine de Lille, que préside Mme Aubry, compte trente-deux vice-présidents. M. Fabius a quarante-cinq vice-présidents à Rouen. Évidemment, j’ai moins d’exemples d’élus locaux de l’opposition, puisque nous gérons peu de collectivités ou de communautés importantes. Quoi qu’il en soit, ces chiffres interpellent et alimentent la critique sur le coût du fameux « millefeuille ».

Il nous semble que l’effort demandé est tout de même important. Il traduit un véritable désengagement de l’État par rapport aux collectivités territoriales.

Permettez-moi un bref historique de la notion de « dotation ». Dans le mot « dotation », il y a l’idée de don. La dotation générale serait un don de l’État aux collectivités. Or, historiquement, ce n’est pas du tout cela. En réalité, lorsque la TVA a été créée et que toutes les taxes locales ont été fondues, on a décidé qu’une partie du produit de la TVA serait reversée aux collectivités. Ce principe a été quelque peu oublié et, selon les époques et les gouvernements, le rapport entre la TVA collectée par l’État et les sommes redistribuées aux collectivités a pu varier.

Aujourd'hui, nous sommes en quelque sorte gérés au fil de l’eau, et la méthode est, pour le coup, catastrophique. Comme mon collègue l’a excellemment souligné, nous sommes passés de 200 millions d’euros à 4,5 milliards d’euros en deux ans. C’est un chiffre d’une tout autre ampleur. Dans le même temps, on multiplie les dépenses et les réformes, par exemple celle des rythmes scolaires.

Les collectivités, mes chers collègues, vous le savez tous, assurent près des trois quarts des investissements publics. Naturellement, elles risquent de voir leurs capacités d’investissement fortement réduites, ce qui se traduira inévitablement par une réduction des investissements : les sections de fonctionnement ne pourront plus produire le minimum d’autofinancement nécessaire pour réaliser les investissements.

L’article 24 illustre assez bien, monsieur le ministre, la philosophie générale de votre budget : il accompagne la récession, mais il ne la combat pas. Quand on se sert de cette façon de l’outil de l’investissement civil, cela pose un vrai problème. Les investissements que les collectivités ne pourront pas consentir auront une incidence sur les emplois de demain. Ce sont eux que vous condamnez en prenant de telles mesures !

Je ne résiste pas à la tentation de citer l’engagement n° 54 du programme de François Hollande (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) : « Un pacte de confiance et de solidarité sera conclu entre l’État et les collectivités locales garantissant le niveau des dotations à leur niveau actuel. » Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on est loin du compte !

M. Michel Savin. Une fois de plus !

M. Francis Delattre. Une des raisons du malaise qui règne dans ce pays est l’écart entre les annonces de campagne et la réalité des actes.

Croyez-moi, les collectivités locales et leurs élus sont au cœur des enjeux économiques.

Monsieur le rapporteur général, vous vous indigniez à l’époque quand 200 millions d’euros étaient réclamés aux collectivités. « Cela entraîne, pour les élus locaux, disiez-vous alors, une totale incertitude quant à la capacité qu’ils auront demain de financer des projets d’investissement. La question du maintien d’un service public de proximité est donc posée. »

Vous vous inquiétiez, à juste titre : « si le Gouvernement ne prend pas conscience du besoin d’améliorer le financement des collectivités territoriales, je crains que nous n’allions au-devant de très lourdes catastrophes ».

Que pourrais-je ajouter, alors que l’effort demandé aujourd’hui est de 4,5 milliards d’euros ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, cet article 24 lance le débat relatif aux collectivités territoriales. Il porte, d’une part, sur la baisse de la dotation globale de fonctionnement – 1,5 milliard d’euros pour l’année 2014 – et, d’autre part, sur la fixation des enveloppes de compensation de la fiscalité locale, utilisées comme variables d’ajustement depuis de nombreuses années dans nos budgets.

Dans les deux cas, l’option choisie par le Gouvernement est celle de la réduction du concours apporté aux collectivités territoriales, désolante continuité que l’on devrait constater encore en 2015, voire au-delà, et dont les collectivités pâtissent, car elle pèse sur leur financement.

Je ne reviens pas sur les termes d’un débat que l’on connaît bien : il y aurait trop de communes, trop de cantons et d’établissements publics de coopération intercommunale, trop de départements ou de régions, et ce « trop » serait très lourd pour les finances publiques.

L’avenir serait à la métropole, cette structure pourvue de toutes les compétences et ayant réponse à tout, ou à presque tout. Quand notre collègue Francis Delattre laisse entendre que les collectivités territoriales ont trop de moyens à leur disposition, il tient un peu le même discours, même s’il demande ensuite que les dotations ne soient pas diminuées.

Mais aujourd'hui, l’avenir proposé par le texte aux collectivités locales, c’est surtout celui des économies.

On nous dit que les collectivités territoriales devraient prendre leur part du fardeau de la réduction des déficits publics. Or cela fait trente ans que les collectivités locales, devenues majeures depuis les lois de décentralisation, prennent largement leur part, et peut-être même plus que leur part, à la réduction des déficits publics.

En trente ans, les collectivités locales ont créé plusieurs centaines de milliers d’emplois, mais elles ont soutenu aussi l’économie des territoires. Elles ont également assuré une solidarité non négligeable.

On parle souvent au Sénat de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. Rappelons-nous, tout de même, qu’il a été demandé à cette caisse de faire preuve de solidarité à l’égard des caisses déficitaires. Au lieu de la mettre en situation d’améliorer le sort des retraités de nos collectivités, on nous a sollicités pour financer cette surcompensation, et nos cotisations ont augmenté !

Les collectivités locales supportent aujourd’hui la majeure partie des investissements publics – 70 % –, et nul ne doute que leur capacité d’autofinancement, née en particulier de la juste allocation des concours budgétaires de l’État, souffrira de la décision de réduire de 1,5 milliard d’euros la DGF.

Je rappelle que les dotations qui nous ont été octroyées jusqu’à maintenant sont, pour une bonne part, des compensations d’anciennes fiscalités locales qui existaient autrefois.

Mme la présidente de Lille Métropole Communauté Urbaine, Martine Aubry, que M. Delattre a évoquée à l’instant, a publiquement regretté, lors du débat d’orientation budgétaire de son intercommunalité, le choix opéré par le Gouvernement de restreindre ainsi les concours de l’État aux collectivités locales, rappelant qu’elle était contre ces mesures quand c’était un gouvernement de droite qui les mettait en œuvre et que le fait que le Gouvernement ait changé ne les rendait pas plus admissibles.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Quand elle sera au Gouvernement, elle sera pour !

Mme Marie-France Beaufils. On retire 1,5 milliard d’euros aux collectivités locales, alors même que l’on connaît parfaitement l’usage qu’elles peuvent en faire et, la même année, on laisse partir 9,76 milliards d’euros au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dispositif dont l’efficacité est loin d’être assurée…

Dans la dernière période, c’est le secteur public qui a créé le plus de valeur ajoutée, et non le secteur privé. Le secteur public a produit 18,3 % de la valeur ajoutée de l’économie nationale en 2012, contre 17,7 % en 2006, et le tiers secteur non marchand est passé, pour sa part, de 1,6 % à 1,8 % du total de la valeur ajoutée.

Le secteur marchand a augmenté de 23 milliards d’euros, quand le secteur public progressait de 28,2 milliards d’euros et le tiers secteur non marchand de 3,5 milliards d’euros de 2008 à 2012. C’est dire si, pour nous, le choix opéré par le Gouvernement est antiéconomique, un choix que rien ne justifie, surtout avec une reprise aussi fragile que celle que nous observons.

L’investissement local est un élément-clé de la relance économique. L’article 24, en l’état, affaiblirait les capacités économiques dans nos territoires et créerait des difficultés nouvelles pour atteindre les objectifs de sortie de la crise. C’est pourquoi nous sommes opposés à son adoption.

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, sur l'article.

M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a donc décidé de diminuer drastiquement les dotations de l’État aux collectivités locales. Après deux années de gel, 4,5 milliards de moins, cela fait beaucoup !

Néanmoins, il faut, pour avoir une vision exacte, examiner l’ensemble des autres dispositions du budget relatives aux collectivités locales, notamment l’article 58 et, surtout, l’article 58 bis, qui est extrêmement important. L’article 58 bis de la loi de finances initiale pour 2014 prévoit en effet expressément que l’État procédera à un prélèvement de 0,35 point sur l’assiette des droits de mutation, que le département augmente ou non ces derniers.

Je ne vous reprocherai pas de diminuer les dotations de l’État vers les collectivités locales. Il me paraît normal que chacun prenne sa part dans la lutte pour le rétablissement des comptes publics.

En revanche, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas opérer de tels prélèvements sans réformer les structures locales. Quelle façon très particulière de faire les choses sans les dire ! Étouffer les collectivités locales plutôt que de les réformer n’est pas acceptable.

Je regrette fort que le Gouvernement ne fasse pas de vraies propositions. Si vous pensez que l’on ne peut plus fonctionner comme on l’a fait jusqu’à présent – peut-être est-ce vrai –, faites-nous des propositions de réforme qui soient cohérentes avec les montants de dotations que vous pouvez nous offrir.

Je reconnais bien volontiers que le Gouvernement a consenti un véritable effort pour les communes nouvelles. C’est bien, mais il n’y en a que douze dans le pays…

Permettez-moi de prendre un exemple chiffré pour illustrer les conséquences de cette politique purement financière et fiscale, qui n’est pas une politique globale de l’État en direction des collectivités locales.

L’année prochaine, le département du Rhône subira un premier prélèvement sur les DMTO de 17 millions d’euros au titre de la péréquation, puis un deuxième de 11 millions d’euros au titre de la nouvelle péréquation prévue à l’article 58 bis,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Voilà !

M. Michel Mercier. … un troisième de 7 millions d’euros sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, un quatrième de 15 millions d’euros sur la DGF,…

M. Michel Mercier. … soit, au total, 50 millions d’euros en moins !

Mme Gisèle Printz. Avant, c’était pareil !

M. Michel Mercier. Si c’était la même chose qu’avant, il n’y aurait pas 50 millions d’euros de prélèvements en plus, madame Printz ! Il faut d’ailleurs encore ajouter 13 millions d’euros au titre de la CVAE, dont nous avons reçu hier la notification par les services de l’État : nos ressources se trouvent donc diminuées au total de 63 millions d’euros.

En regard, je pourrais dresser la liste des augmentations de charges que nous devons supporter. Sachez simplement que le RSA coûtera 40 millions d’euros de plus au département du Rhône. Par rapport à l’an dernier, il nous faut donc trouver 100 millions d’euros supplémentaires pour boucler le budget. Heureusement que c’est le dernier !...

Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas diminuer les dotations de l’État aux collectivités locales sans mettre en œuvre une réforme structurelle. Ce que je vous reproche, c’est de ne vous occuper que des comptes, et non de la réalité du terrain ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, sur l'article.

M. Yvon Collin. L’article 24 prévoit une diminution de la dotation globale de fonctionnement de 1,5 milliard d’euros, au titre de la participation des collectivités locales au redressement des finances publiques. Cette réduction sans précédent a été entérinée par le pacte de confiance et de responsabilité conclu entre l’État et les collectivités locales en juillet dernier.

Il est d’ailleurs intéressant de souligner que, dans les soixante propositions du candidat Hollande, ce pacte était appelé « pacte de confiance et de solidarité » : le choix des mots en dit long sur la façon dont les collectivités locales sont désormais perçues !

Cela étant, les membres du groupe RDSE ne contestent pas le fait que les collectivités locales doivent contribuer au redressement des comptes publics. Cependant, comme pour l’ensemble des mesures fiscales, nous voulons que la répartition de cet effort soit véritablement juste et équitable, ce qui passe par la montée en puissance de la péréquation.

Or, monsieur le rapporteur général, quand je lis, à la page 326 de votre rapport, que « cette baisse de la DGF représente un effort important, mais qui apparaît supportable, d’autant plus qu’elle s’accompagne d’un renforcement de la péréquation, afin de soulager les collectivités les plus fragiles », je ne peux m’empêcher d’avoir quelques doutes, que vous allez certainement dissiper dans un instant.

De quoi parle-t-on quand on parle d’un renforcement de la péréquation ? Des 119 millions d’euros supplémentaires de péréquation verticale, qui sont à mettre en regard de la diminution de la DGF de 1,5 milliard d’euros ?

Certes, la péréquation horizontale est renforcée par ce projet de loi de finances. Cela correspond à une demande constante des membres du RDSE. Toutefois, ce développement de la péréquation horizontale ne doit pas souffrir d’une excessive complexité, qui mettrait à mal sa mise en œuvre ; or, monsieur le ministre, la complexité me semble malheureusement une caractéristique trop souvent présente dans ce projet de loi de finances pour 2014.

Ainsi, l’article 73 renforce le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, ce dont je me réjouis, mais il revoit aussi une nouvelle fois les critères d’attribution.

L’article 26, quant à lui, prévoit d’affecter aux départements les recettes des frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties, soit 827 millions d’euros, de façon « péréquée ». Or les critères de répartition de la fraction « péréquée » de ces nouvelles ressources n’ont pas été définis en amont. Ils l’ont été au cours de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, par le biais d’un amendement du Gouvernement, ce qui me semble être, monsieur le ministre, une méthode assez problématique, d’autant qu’elle nous rappelle les mauvais souvenirs liés à la réécriture complète et en catimini, par l’Assemblée nationale, des articles du projet de loi de finances pour 2013 relatifs aux fonds de péréquation des DMTO et de la CVAE, alors que le Sénat ne pouvait plus se prononcer.

Cette année, à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a également fait adopter un article 58 bis qui crée un nouveau prélèvement, venant s’ajouter au fonds de péréquation des DMTO existant. Là encore, ce dispositif me semble excessivement complexe. En outre, les critères de répartition de ce nouveau fonds de péréquation ne sont pas définis, le texte renvoyant cela à un décret. Or priver le Parlement de la possibilité de se prononcer sur la répartition du produit de la péréquation horizontale me semble un choix extrêmement préoccupant.

Je considère donc, avec les membres de mon groupe, que la baisse de la DGF doit être compensée par une péréquation horizontale véritablement ambitieuse, dont les critères soient clairs et permettent de concourir effectivement à la réduction des inégalités territoriales.

M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, sur l’article.

M. Albéric de Montgolfier. Monsieur le ministre, vous aimez beaucoup nous rappeler à la réalité des chiffres. Or cette réalité, nous la connaissons : 295,2 milliards d’euros de dépenses inscrites au budget général de 2013 et 294,5 milliards d’euros à celui de 2014, soit 700 millions d’euros d’économies. Pour les collectivités, la réalité des chiffres, c’est 1,5 milliard d’euros de DGF en moins, pour la seule année 2014…

La question des dotations de l’État aux collectivités locales n’est pas taboue, et l’on a le droit de débattre d’une éventuelle modulation ou baisse, mais l’article 24, dont nous allons proposer la suppression, m’inspire trois critiques.

Premièrement, aucune modulation n’est prévue. Baisser la dotation de 5 %, ce n’est pas forcément la même chose selon qu’il s’agit d’une commune rurale ou d’une métropole. Le coup de rabot est aveugle, il touche de manière uniforme toutes les collectivités, sans tenir compte de leurs capacités financières et de leurs marges de manœuvre.

Deuxièmement, il n’est absolument pas tenu compte des efforts de gestion consentis par certaines collectivités ; là encore, la baisse de la DGF s’applique de manière totalement aveugle.

Troisièmement et surtout, il n’est pas tenu compte des charges nouvelles.

Lors d’une récente réunion du Comité des finances locales, j’ai demandé quel était le montant des dépenses nouvelles – largement d’origine réglementaire – mises à la charge des collectivités locales. Il m’a été répondu qu’il atteignait 2 milliards d’euros en année pleine, entre le financement de la CNRACL, la revalorisation du RSA, l’augmentation de la TVA, la mise en place de la réforme des rythmes scolaires, etc.

Nous comprenons bien qu’il y a un problème de recettes, de déficit du budget de l’État. J’ai une proposition à vous faire, qui ne coûte rien : nous pourrions peut-être accepter la baisse des dotations, à condition que vous reveniez sur toutes ces dépenses nouvelles. Revenez sur la réforme des rythmes scolaires – dont la mise en œuvre coûte quelques centaines de millions d’euros –, sur la revalorisation de 10 % du RSA, et nous pourrons alors discuter de la baisse des dotations. Sinon, pour les collectivités territoriales, ce sera la double peine : baisse des dotations et dépenses nouvelles. Nous savons tous qu’il en résultera une diminution de leur effort d’investissement, sachant que celui-ci représente 75 % des investissements publics réalisés dans notre pays. Des secteurs entiers s’en trouveront fragilisés, notamment le bâtiment et les travaux publics. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Germain, sur l’article.

M. Jean Germain. Bien entendu, toutes les collectivités territoriales s’inquiètent des conséquences pour leur budget de la diminution de 1,5 milliard d’euros des dotations. Pour autant, elles ne peuvent pas être exonérées de l’effort nécessaire. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Je rappelle que le gouvernement précédent avait également prévu de les solliciter.

M. André Reichardt. Pour 200 millions d’euros !

M. Jean Germain. À la lecture des programmes d’un certain nombre de partis politiques, il apparaît qu’un effort continuera de leur être demandé s’il y a une alternance.

Il s’agit donc non pas de protester systématiquement contre la baisse des dotations, mais de voir comment les collectivités territoriales vont pouvoir s’adapter pour conserver néanmoins un élan, notamment en termes de capacités d’investissement.

Il me semble que le grand traumatisme, pour l’ensemble des collectivités territoriales, a été provoqué par les modalités de la suppression de la taxe professionnelle. La taxe professionnelle était peut-être un impôt complètement stupide,…

M. Jean Germain. … mais il n’empêche que la façon dont on s’y est pris pour la supprimer a finalement déstabilisé les comptes de toutes les collectivités territoriales. (Murmures sur les travées de l'UMP.)

Mme Michèle André et M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !

M. Jean Germain. Cela étant, on ne pourra pas longtemps diminuer de 1,5 milliard d’euros chaque année les dotations aux collectivités territoriales. (Ah ! sur les travées de l’UMP.) On ne pourra pas, dans la conjoncture actuelle, poursuivre au même rythme la péréquation sans opérer un certain nombre de modifications.

C’est pourquoi je suis de ceux qui considèrent que l’on doit aller plus loin dans la décentralisation et ne pas se contenter de moderniser l’action de l’État. Nous devrons alors prendre, les uns et les autres, nos responsabilités sur un certain nombre de sujets. J’ai déjà eu l’occasion de dire que, tant que l’on conservera la compétence générale aux régions, aux départements, quasiment à tout le monde, il ne faudra pas s’étonner de l’existence d’un certain nombre d’imperfections.

M. André Reichardt. C’est ce que vous proposez !

M. Jean Germain. Je comprends l’action du Gouvernement mais, en même temps, je milite pour un nouvel acte de la décentralisation. Monsieur le ministre, je pense qu’il serait dangereux de méconnaître un certain mécontentement quant aux objectifs à moyen terme.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Sans être exhaustif, je voudrais revenir sur quelques-uns des sujets abordés par les différents intervenants.

Messieurs Delattre et de Montgolfier, vous avez indiqué qu’une diminution de 1,5 milliard d’euros des dotations aux collectivités territoriales cette année condamnerait l’investissement. Je peux comprendre le raisonnement suivi, mais il ne me paraît pas de bonne foi, pour les raisons que je vais indiquer.

Permettez-moi de vous lire un article de presse en date du 17 décembre 2011 : « L’UMP risque d’aggraver son cas auprès des élus. Elle a annoncé, en présentant le chiffrage de son projet pour 2012, son intention de baisser de 2 milliards d’euros par an, soit 10 milliards sur l’ensemble du quinquennat 2012-2017, les dotations aux collectivités locales. »

C’est sur ce projet que votre candidat a fait campagne pour l’élection présidentielle ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)