M. Philippe Kaltenbach. Ce n’est pas vous qui êtes visée !

M. Jean-Pierre Raffarin. La présidence du Sénat n’est pas vacante et nous respectons M. Bel !

M. Philippe Kaltenbach. Dans ce cas, soyez plus positifs ! Le texte sur les compétences a été déposé, et vous le connaissez. On pourrait commencer par l’examen du texte sur les compétences ou par celui qui concerne le découpage. Les deux textes sont sur la table.

Évidemment, l’amendement n° 47 constitue un piège tendu par le groupe UDI-UC avec lequel nous avons pourtant la volonté de débattre du texte.

Nous pensons pour notre part que le choix du Gouvernement consistant à examiner d’abord le projet de loi sur le découpage puis le projet de loi relatif aux compétences se défend.

Certains se renient : après avoir longtemps défendu les grandes régions, ils y sont maintenant moins favorables. Je leur conseille d’aller voir ce qui se passe dans la région Rhône-Alpes, qui rassemble déjà des territoires différents : le Dauphiné, la Savoie, Le Lyonnais, l’Ardèche, la région de Saint-Etienne.

M. Gérard Longuet. Cela ne nous a pas échappé !

M. Philippe Kaltenbach. Ce regroupement est particulièrement efficace d’un point de vue économique parce que la région Rhône-Alpes se développe et innove pour accompagner ses entreprises à l’exportation.

M. Gérard Longuet. C’est qu’il y a des capitaux !

M. Philippe Kaltenbach. C’est bien la preuve que de grandes régions sont plus efficaces.

M. René-Paul Savary. Cela n’a rien à voir !

M. Philippe Kaltenbach. Comme le propose le Gouvernement, remplaçons les petites régions repliées sur elles-mêmes par de grandes régions. Cela ne remet absolument pas en cause l’identité des différents territoires mais permet à ces derniers de s’allier pour des raisons économiques. Il ne s’agit pas d’un mariage d’amour,…

M. André Reichardt. Ah ! quand même !

M. Philippe Kaltenbach. … c’est une alliance pour mieux défendre les intérêts en matière économique.

Soyons constructifs, abordons le débat sur le découpage et avançons ! C’est le choix du Gouvernement, qui a la maîtrise de l’ordre du jour ; soyons positifs et constructifs, et ne cherchons pas de faux-semblants pour refuser le débat au fond.

C’est pourquoi le groupe socialiste votera contre cet amendement n° 47.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. Le rapporteur soulignait la qualité littéraire de l’amendement. Mais si l’on ne votait que sur ce critère-là, la bibliothèque serait envahie ! (M. le rapporteur s’exclame.)

La portée de cet amendement est néanmoins considérable, et je souscris tout à fait à ce texte.

Afin de ne pas allonger les débats pour éviter que le Sénat ne siège demain soir, je ne développerai pas mon opinion : elle a déjà été exprimée avec talent par les orateurs de mon groupe.

J’appellerai votre attention sur quelques remarques de bon sens comme on peut les exprimer, monsieur le ministre, quand on appartient à ce terroir sur lequel nous nous retrouvons régulièrement.

Devons-nous organiser le système électoral avant les compétences, ou bien l’inverse ?

J’entendais M. Kaltenbach dire : « Si on avait fait le contraire, vous auriez également protesté. » Chiche !

Je me référerai à une histoire récente en citant deux exemples. Premier exemple : la décentralisation. Sous le gouvernement de Pierre Mauroy, lorsque la loi a arrêté le système régional, on a commencé par déterminer les compétences des régions et des départements, et c’est seulement après qu’une loi a été votée pour organiser le système électoral qui a conduit aux élections de 1986. Le bon sens était du côté du Gouvernement et du Parlement qui l’a approuvé.

Second exemple : l’intercommunalité. Nous sortons d’une période de fusions de communautés de communes. À l’issue d’un processus mené avec les commissions départementales de coopération intercommunale, des fusions ont été décidées.

L’acte créateur de la fusion est un arrêté du préfet qui prévoit la fusion entre des EPCI, avec éventuellement des communes qui s’y rattachent. C’est dans le même arrêté que figurent les compétences du nouvel EPCI.

M. Gérard Longuet. Exactement !

M. Jean-Claude Lenoir. Là encore le bon sens l’a emporté.

Dans ces deux exemples, dont un récent, qui résultent des lois votées, que nous ne contestons pas, les compétences du nouvel établissement public sont déterminées au moment du mariage. C’est ce que nous souhaitons, monsieur le ministre.

Concernant la réforme territoriale, il y a convergence d’idées sur bien des travées de cette assemblée.

En revanche, la méthode employée n’est pas la bonne. Nous vous demandons donc – c’est aussi le sens de l’amendement n° 47 défendu par le groupe UDI-UC – de pouvoir déterminer les compétences des régions avant d’en organiser le regroupement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Le groupe écologiste votera cet amendement, qui peut aussi nous servir de feuille de route pour nos débats de ce jour, en nous permettant d’avoir les idées claires sur la manière dont nous allons travailler par la suite.

J’entends les arguments de Philippe Kaltenbach, mais, globalement, cet amendement reste tout de même assez littéraire ; et compte tenu du calendrier envisagé, la carte ne sera de toute façon mise en œuvre qu’après le vote du Parlement sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Le vote de cet amendement n’aura donc pas beaucoup de conséquences, sauf qu’il permettra de refixer le cadre politique de cette réforme.

Nous sommes actuellement dans une situation assez paradoxale. Si l’on en juge par les réactions sur le terrain, cette loi, fondamentalement, est voulue, y compris en Bretagne et dans les Pays de la Loire – en effet, en tant qu’habitant de la Loire-Atlantique, j’ai un peu un pied dans chacune de ces deux régions !

Qu’il s’agisse des acteurs économiques ou de la population en général, personne ne se manifeste pour le statu quo. Il est extrêmement important de le souligner. Le dernier sondage Louis Harris pour la presse quotidienne régionale, paru hier, montre que nos concitoyens sont favorables à la réforme, y compris en Bretagne : loin des craintes de dilution de l’identité bretonne que l’on aurait pu imaginer, l’on constate au contraire que les habitants de cette région seraient peut-être même prêts à aller jusqu’à la fusion avec les Pays de la Loire.

Ainsi, cette réforme est voulue, et elle doit réussir. Je vois bien que des collègues favorables et des collègues opposés à cette réforme vont se retrouver pour voter cet amendement. Mais le plus important, me semble-t-il, est de réussir cette réforme. Et nous sommes à cet égard dans une situation paradoxale, parce que cette dynamique de modification de la carte des régions, globalement soutenue par la population française et les acteurs économiques, se heurte à la méthode choisie.

Je comprends certes le raisonnement du Gouvernement. Il se dit que, s’il donne du temps au débat, s’il introduit de la souplesse, s’il laisse des départements quitter des régions, il ouvre la boîte de Pandore et court à l’échec. Il reprend donc la méthode utilisée en 1962 par Serge Antoine, lequel s’était notamment fondé sur les flux de courrier entre départements pour essayer d’établir un découpage somme toute assez technocratique. En tant que Breton de Loire-Atlantique, je n’adhère certes pas totalement au découpage de Serge Antoine. Je voudrais néanmoins rendre hommage à cet homme qui, par la suite – les itinéraires sont parfois étonnants –, fut l’un des rédacteurs du chapitre « collectivités territoriales » de l’Agenda 21 de Rio et passa une bonne partie de sa vie, y compris au sein du Club de Rome, à défendre les valeurs du développement durable.

Il n’en demeure pas moins que le choix de faire comme en 1962 est une véritable erreur politique. Nous ne sommes plus en 1962 ! Le tournant de 1981 et la première décentralisation sont passés par là, et les territoires ne peuvent pas être aujourd’hui dépossédés de ce débat. On ne peut pas imposer une carte d’en haut, et il faut se laisser un peu de temps pour voir comment les mouvements s’opèrent sur le terrain.

Pour reprendre l’exemple de la Bretagne et des Pays de la Loire, après un premier temps de sidération, durant lequel quelques voix fortes se sont élevées en faveur du statu quo, nous sommes désormais entrés dans le temps du débat, dans le temps d’un affrontement positif entre, d’une part, ceux qui considèrent qu’un rapprochement aboutirait à une Bretagne élargie majoritairement bretonne, et, d’autre part, ceux qui redoutent encore que l’identité bretonne n’imprègne trop fortement cette région Bretagne-Loire. Et je suis sûr que, cet automne, nous pourrons dégager, à défaut de consensus, tout au moins des majorités d’action.

Je trouve pour ma part la rédaction de l’amendement assez forte. Il me semble en particulier essentiel d’insister sur la nécessité d’une gestion différenciée des territoires français. Et je suis heureux de retrouver à mes côtés, pour défendre cette idée, des groupes qui, dans mon esprit, restaient attachés à une certaine vision jacobine de la France. Comme quoi tout évolue dans le bon sens !

Mme Cécile Cukierman. Le jacobinisme, ce n’est pas l’uniformité !

M. Ronan Dantec. Il est en effet trop tôt aujourd’hui pour se focaliser sur la carte. Il faut laisser le temps du débat, cet été et au début de l’automne, et permettre aux territoires d’avancer vers plus de consensus. Il faut aujourd’hui que nous fassions œuvre de pédagogie et que nous autorisions plus de souplesse sur la carte. Un certain nombre d’amendements intéressants sont justement sur la table aujourd’hui, qui visent à fournir aux territoires une boîte à outils pour construire des régions cohérentes, soutenues par la population et les acteurs économiques. Nous sommes dans ce temps-là aujourd’hui, et, si certains considèrent que cet amendement est un peu littéraire, je pense pour ma part qu’un peu de littérature pourrait contribuer à la réussite de cette réforme. Celle-ci manque pour l’instant d’un récit commun, et cet amendement en constitue une amorce.

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.

M. Christian Favier. L’amendement n° 47 de François Zocchetto a le grand mérite de corriger une incohérence de méthode – elle a été soulignée par nombre de nos collègues – qui consiste à vouloir dessiner la carte des régions avant de définir les compétences. Comment pourrait-on en effet délibérer sur une carte sans savoir ce que seront réellement, demain, les compétences de ces grandes régions ?

Évidemment, cette démarche dissimule une petite manœuvre qui n’aura échappé à personne : elle permet en effet d’éviter pour l’heure le débat sur l’avenir des départements, l’objectif du Gouvernement étant, à terme, de les supprimer, même si j’ai pu entendre, hier, que face à la montée des mécontentements qui s’expriment un peu partout dans le pays, l’exécutif pourrait partiellement reculer et faire une distinction entre les départements ruraux et les départements urbains, les premiers étant seuls légitimes à conserver leur conseil général.

Il s’agit d’ailleurs, à mon avis, d’une vision assez fausse de la réalité. En effet, les inégalités sociales et territoriales sont parfois plus grandes en zone urbaine qu’en zone rurale. La région d’Île-de-France est ainsi à la fois la plus puissante et la plus riche de France – et l’une des plus riches d’Europe –, et celle où s’expriment avec le plus de force les inégalités sociales et territoriales. Or les départements ont précisément pour fonction la réduction de ces inégalités sociales, par le biais de l’action sociale. Nous avons évidemment besoin de cette solidarité sur tous les territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains.

Le fait de prendre en compte la diversité des territoires n’est pas forcément contradictoire avec le respect de l’unicité de la République et le besoin de traiter de manière égale les citoyens, quels qu’ils soient et où qu’ils résident. C’est ainsi que nous interprétons cet amendement.

Tout cela pose bien évidemment la question du rôle de l’État. En effet, si l’on veut respecter cette égalité des citoyens sur le territoire, il faut aussi que l’État intervienne là où les difficultés sont les plus grandes pour corriger ces inégalités dans les territoires qui en ont le plus besoin. Nous ne voyons donc pas de contradiction entre la volonté de prendre en compte cette diversité des territoires et la volonté de conserver une république unique et cohérente.

En conséquence, nous voterons cet amendement.

M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.

M. François Grosdidier. J’approuve les propos de l’ensemble de nos collègues, y compris ceux de Philippe Kaltenbach, qui s’est livré à un excellent plaidoyer en faveur d’un texte unique. Il a fait la démonstration de ce que le texte aurait dû évoquer aussi les compétences des régions. Effectivement, doit-on parler d’abord de la délimitation des périmètres ou d’abord des compétences ? On peut plaider en faveur des deux solutions.

Je me souviens que, lorsque nous avions examiné le texte sur le conseiller territorial, l’opposition de l’époque – majorité d’aujourd’hui – nous avait reproché de réformer le couple département-région et d’instituer ce conseiller territorial avant d’examiner la question des compétences.

C’est oublier que nous avions aboli la clause de compétence générale, rétablie par l’actuelle majorité, et que nous avions institué comme principe la possibilité de répartir différemment les compétences entre le département ou la région en fonction du souhait des élus en début de mandat et des problématiques locales propres.

On aurait en effet pu imaginer de grandes régions où collèges et lycées auraient été de compétence départementale et de petites régions où même les collèges auraient été gérés par la région, parce que cela serait apparu comme le choix le plus pertinent.

Aujourd’hui, vous décidez de former de très grandes régions, qui iront pour certaines de Langres à la Baie de Somme, ou de Bourges à La Rochelle.

On dira tout à l’heure tout le mal que l’on en pense. Quoi qu’il en soit, une telle démarche ne peut s’envisager pour reprendre des compétences départementales comme les collèges ou le micro-tourisme ; elle est envisageable seulement pour gérer des compétences nouvelles résultant d’un nouveau transfert de la part de l’État, qui permettrait, par exemple, d’achever le transfert des routes départementales ou d’aller plus loin dans la décentralisation ferroviaire.

En revanche, cela n’a aucun sens aujourd’hui de délimiter des régions sans savoir si celles-ci vont gérer de nouvelles compétences nationales ou vont simplement reprendre des compétences du département, comme les collèges ou certaines compétences sociales, dont on risque de se rendre compte, dans quatre ans, qu’il n’est pas pertinent de les transférer à des communautés de communes, y compris de plus de 20 000 habitants, qui ne seront pas en capacité de mener une politique de solidarité suffisante sur leur territoire.

Merci donc, monsieur Kaltenbach, d’avoir ajouté à la démonstration faite par tous nos autres collègues. Il aurait en effet fallu prévoir pour cette réforme un texte unique abordant à la fois le format des collectivités et leurs compétences ; et c’est précisément ce qui justifie un aussi large consensus pour voter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

M. Gérard Roche. Je trouve que la matinée commence de façon très grave. En effet, même si cet amendement ne constitue pas à proprement parler un acte intellectuel, c’est Descartes qui, par ce biais, s’invite dans notre assemblée et introduit une dose de bon sens : le droit à la spécificité des territoires, et surtout la primauté du fond sur la méthode : quid des compétences, quels territoires pour quelles compétences, et quel financement pour ces compétences – sur ce dernier point, le silence est assourdissant ? Autant de sujets qui posent un cas de conscience à chacun d’entre nous. Que devons-nous faire ?

Nous sommes au pied d’une haute montagne que l’on nous propose de gravir en short et en baskets (Sourires sur les travées de l'UMP.), sans équipement et dans des conditions climatiques très difficiles !

M. André Reichardt. En effet, cela ne peut que mal se passer !

M. Gérard Roche. Devons-nous partir faire cette course en montagne que le Gouvernement a l’air de vouloir nous imposer ?

Je livre ce dilemme à la réflexion de chacun d’entre vous, mes chers collègues. C’est vraiment un problème difficile à résoudre, pour nous qui avons le souci que la France se réforme et aille dans le bon sens.

M. René-Paul Savary. Très bien ! Une course en short, en baskets… et de nuit !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je voudrais en quelques minutes répondre à ces interventions, qui reprennent toutes des éléments essentiels du débat.

Trois sujets ont été plus particulièrement évoqués par les orateurs des différents groupes.

Premièrement, est-il bien nécessaire de faire des grandes régions ? Est-ce pertinent sur le plan économique ? Ces nouvelles régions vont-elles être dotées de pouvoirs supplémentaires ? C’est la question posée notamment par Gérard Longuet ; elle est légitime et mérite une réponse.

Deuxièmement, dans la foulée de l’amendement lui-même, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin s’est interrogé sur la visibilité de l’ensemble de la réforme. Je comprends très bien cette question : nous ne pouvons pas aborder un débat sur ce texte sans avoir une lecture globale de la réforme portée par le Gouvernement ; nous ne pouvons pas examiner les problèmes les uns derrière les autres sans cohérence, sans volonté de donner un contenu, un sens, une visibilité, un relief à l’organisation des territoires de la République.

Troisièmement, s’agissant de l’amendement lui-même, faut-il le voter, dès lors que l’on considère que cette lecture est nécessaire ?

Je répondrai à ces trois questions.

Premièrement, est-il économiquement pertinent de rassembler les régions ?

Si nous le faisons, c’est que nous le jugeons indispensable. Nous ne le faisons pas simplement pour faire une réforme, pour créer du vacarme dans les hémicycles et dans le pays en suscitant des oppositions. Nous le faisons parce que c’est nécessaire !

D’ailleurs, beaucoup d’excellentes choses ont déjà été accomplies en matière de coopération économique interrégionale par les précédents gouvernements, y compris par les gouvernements que vous souteniez, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition. Faut-il rappeler ce que les pôles de compétitivité, qui traversent les frontières des régions, ont apporté ?

Messieurs Philippe Bas et Jean-Claude Lenoir, dans notre propre région de Basse-Normandie, que le Gouvernement propose de réunir à la Haute-Normandie, des rapprochements ont été entrepris avec les Hauts-Normands en matière d’automobile, à travers le pôle Mov’eo, dans la filière équine et dans d’autres domaines.

D’autres régions ont développé des pôles de compétitivité. Dès lors qu’ils seront gérés par des régions rassemblées, ces pôles permettront de réaliser des investissements utiles et d’accompagner davantage les filières. Cela constitue-t-il, monsieur Longuet, une rupture par rapport à ce qui a déjà été fait ? Non ! Il s’agit d’un prolongement, d’un approfondissement. Grâce à des coopérations économiques intelligentes, qui ont été louées, il sera possible d’aller plus loin et de créer les conditions d’une unité de pilotage et de coordination de l’action économique, ce qui donnera de la force aux régions. Je pourrais prendre d’autres exemples et évoquer les investissements dans les infrastructures.

Ensuite, l’objectif étant celui que je viens de dire, le découpage des régions que nous proposons est-il le bon ? L’examen de l’article 1er sera l’occasion de débattre de cette question.

Si nous proposons de rassembler des régions, c’est parce que nous pensons que c’est pertinent d’un point de vue économique. En outre, comme je l’ai déjà dit hier, ces rassemblements rendront possibles des mutualisations, lesquelles permettront de dégager des marges de manœuvre et d’investir dans l’économie. Dans un contexte où l’argent public est rare, c’est une nécessité.

On peut discuter à l’infini de l’opportunité de constituer ou non de grandes régions. Je ne veux pas rouvrir ce débat, il a eu lieu hier. Sur toutes les travées, il y a d’ailleurs eu des parlementaires pour considérer qu’il fallait rassembler les régions.

Nous prenons donc le risque de le faire pour les raisons économiques que je viens d’indiquer. À cet égard, je précise, à l’intention de Gérard Longuet, que nous ne le faisons pas à pouvoirs des régions inchangés.

Je rappelle en effet que le Gouvernement a déposé un projet de loi, que vous connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, sur la répartition des compétences. Ce texte a été adopté en conseil des ministres, et il est sur le bureau du Sénat depuis le 18 juin dernier.

Ce projet de loi s’inscrit dans le droit fil de la loi du 13 août 2004, monsieur Raffarin. Il permet aux régions de faire des schémas d’aménagement du territoire et de développement économique prescriptifs. Il prévoit également que la région aura toutes les compétences économiques infrarégionales, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. Il prolonge donc l’ambition que vous avez portée, monsieur Raffarin, lorsque vous avez clarifié les compétences des régions dans la loi du 13 août 2004.

Le texte relatif à la répartition des compétences entre les départements et les régions prévoit enfin qu’un pouvoir normatif d’adaptation réglementaire pourra être confié aux régions dans le domaine du développement économique.

Je réponds le plus précisément et le plus scrupuleusement possible à Gérard Longuet : nous nous inscrivons dans une démarche de continuité. Ce que nous voulons, c’est donner une plus grande force économique aux régions, et ce en leur donnant des pouvoirs nouveaux, dans l’esprit de la décentralisation, en poussant plus loin la logique de la loi du 13 août 2004 présentée par Jean-Pierre Raffarin.

Je tenais à faire cette réponse, car elle est importante pour la clarté du débat.

Deuxièmement, avançons-nous à l’aveugle ? Ne faudrait-il pas, dès lors que nous commençons par le découpage, que l’amendement n° 47 soit adopté afin d’avoir une vision globale de ce que doit être l’organisation territoriale de la République ?

Cette vision globale – mais peut-être n’ai-je pas été assez clair ? –, je vous en ai fait part hier dans mon propos. Nous n’avançons pas à l’aveugle, mesdames, messieurs les sénateurs : le texte établissant la répartition des compétences a été examiné en conseil des ministres, vous en avez pris connaissance, vous n’ignorez pas son contenu et nos intentions.

Permettez-moi cependant de rappeler quelles sont nos intentions. Nous voulons des intercommunalités plus fortes, dans un pays où l’émiettement intercommunal est puissant. Nous souhaitons parachever l’organisation territoriale et la moderniser, dans la continuité de ce qui a déjà été engagé. Nous voulons une administration déconcentrée de l’État plus puissante, non pas pour remettre en cause la décentralisation, mais afin qu’il y ait un transfert entre l’État central et l’État déconcentré, pour donner plus de force à l’administration déconcentrée, au plus près du terrain. Nous voulons une nouvelle carte régionale et une répartition des compétences clarifiée entre les départements et les régions.

Nous avons donc dit ce que nous voulions faire. Nous ne disons pas au Sénat : « Prenez cette carte, nous vous dirons ce qui va se passer après. »

Depuis hier, je dis au Sénat : « Voici quelle organisation nous voulons pour la République, voici l’organisation de ses territoires. » Nous jouons cartes sur table, nous disons quel est le chemin. Nous comprenons qu’il soit contesté, mais vous ne pouvez pas dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Sénat, l’Assemblée nationale et le pays ne sont pas informés de l’organisation républicaine cohérente, globale, que nous souhaitons pour nos territoires. Je réponds, disant cela, à la préoccupation très légitime exprimée par Jean-Pierre Raffarin et par d’autres orateurs.

Troisièmement, l’amendement n° 47, dès lors qu’il s’inscrit dans cette perspective, pourrait être adopté s’il ne posait deux problèmes.

Le premier problème, c’est qu’il est dénué de portée normative. Or il est souhaitable qu’une assemblée comme le Sénat, qui produit du droit, n’introduise pas dans la loi, si l’on veut que celle-ci ait un sens, des dispositions n’ayant aucune conséquence ni portée normative. Si nous faisions cela, indépendamment de l’intérêt de l’amendement, nous créerions des textes peu précis, dont l’orientation pourrait parfois être aléatoire. Un projet de loi est d’autant plus fort qu’il a du sens et qu’il produit des normes précises et succinctes.

Le second problème, c’est que le dernier alinéa de l’amendement tend à prévoir l’inverse de ce que nous faisons. Nombreux sont ceux d’entre vous qui considèrent qu’il aurait fallu commencer par la répartition des compétences et terminer par la carte.

Vous avez vous-même expliqué tout à l’heure, monsieur Grosdidier, que, lorsqu’il s’est agi du conseiller territorial, la précédente majorité s’est vu reprocher d’avoir commencé par une loi électorale et par la carte avant de se préoccuper des compétences. Je pourrais plaider pendant dix minutes l’intérêt de commencer à travailler sur la carte avant de réfléchir sur les compétences, en étant tout aussi pertinent que vous l’êtes lorsque vous défendez le contraire. C’est un débat sans fin !

Ce débat aurait un intérêt si vous ne saviez pas où nous allons. Or vous le savez. Je viens de le redire à l’instant.

Essayons donc de donner au présent texte un caractère normatif. Évitons les amendements politiques, surtout s’ils visent à reprendre les intentions du Gouvernement, qui a clarifié sa copie sur ces sujets.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 47.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.

Je rappelle que la commission a émis un avis favorable et que le Gouvernement a émis un avis défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 207 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 217
Contre 124

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 1er.

L’amendement n° 100, présenté par MM. Favier et Le Cam, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La République une et indivisible assure l’égalité de tous les citoyens. Son organisation est décentralisée, tout en gardant un État central garant de l’unité et de la solidarité entre les territoires et les populations qui y vivent, garant que la loi s’appliquera à tous et partout sans aucune discrimination, ni sociale, ni religieuse, ni philosophique, ni territoriale.

La parole est à M. Christian Favier.