compte rendu intégral

Présidence de M. Thierry Foucaud

vice-président

Secrétaire :

Mme Valérie Létard.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 3 bis (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
Article additionnel après l'article 3 bis

Nouvelle organisation territoriale de la République

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (projet n° 636 [2013 2014], texte de la commission n° 175, rapport n° 174, avis nos 140, 150, 154, 157 et 184).

La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons longuement débattu, hier soir, de la politique de l’emploi.

Je voudrais, l’espace d’un instant, revenir sur ce sujet, qui nous tient particulièrement à cœur au Sénat.

Une région qui n’aurait entre ses mains que les seuls leviers que nous avons voulu lui donner en renforçant ses compétences en matière économique n’avancerait que d’un pas boiteux si elle ne se voyait pas reconnaître davantage de pouvoirs en matière de politique de l’emploi.

La commission s’est voulue extrêmement modérée dans sa réflexion. Dans notre esprit, reconnaître les pouvoirs du président du conseil régional était une avancée importante. Nous n’avons pas voulu aller jusqu’à mettre en cause les grandes structures organisées voilà quelques années avec la création de Pôle emploi, et nous nous sommes donc arrêtés avant d’envisager de telles réformes.

Je voudrais souligner un point important, en m’adressant directement au Gouvernement : le 28 octobre dernier, dans cet hémicycle, s’est tenu un débat long et clair avec le Premier ministre. Celui-ci, dans sa volonté d’ouvrir le dialogue avec le Sénat, et avant même que la question lui soit posée, a présenté une première avancée portant expressément – ce sont ses propres termes – sur la politique de l’emploi.

C’est dire si la commission ainsi que nombre de nos collègues sont très déçus de constater votre prudence selon nous excessive sur ce dossier, madame le ministre.

Pour notre part, nous allons continuer à réfléchir à l’affirmation d’une compétence du président de la région en matière d’emploi pour permettre à ce texte de devenir un véritable texte de décentralisation.

Les résultats de la politique de l’emploi au cours des dernières années, la flambée du chômage ne peuvent laisser supposer ni postuler que l’organisation actuelle est satisfaisante. Dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, nous considérons, nous qui avons foi et confiance dans les libertés locales, que l’affirmation du rôle des élus est sans doute l’une des voies à emprunter pour permettre à la politique de l’emploi, actuellement inefficace, de progresser.

M. Gérard Longuet. Le cri du cœur et de l’intelligence réunis !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président de la commission des lois, nous partageons le même constat.

L’Association des régions de France – je le rappelais encore hier ici même – a fait cette demande depuis plusieurs mois, avant même la discussion de la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. Les présidents de région et tous ceux qui, comme vous, constatent les difficultés sur le terrain expliquent que le problème majeur réside dans le nombre d’intervenants au sein des territoires. Je n’ai plus en tête le chiffre exact concernant ma région, mais sans doute le connaissez-vous pour la vôtre… Il y a énormément d’intervenants. Certes, ils agissent parfois dans le cadre de structures géographiquement rassemblées, ce qui leur permet de travailler ensemble. S’il s’agit alors d’un grand pas, ce n’est cependant pas ainsi partout. Nous avons déjà eu l’occasion de souligner qu’il était impossible au président de région de coordonner l’action de l’ensemble de ces intervenants sur son territoire.

En sus de cette grande difficulté, et comme Mme la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques le rappelait fort justement, beaucoup de communes et d’intercommunalités ont créé des observatoires, des agences pour répondre à la demande des citoyens. Ces autres structures essaient de répondre à notre plus grand défi : confronter l’offre et la demande, alors que près de 400 000 emplois ne sont pas pourvus. D’où la nécessité, comme je l’ai proposé avant la fin des états généraux de la démocratie territoriale en 2012, organisés par le Sénat, de décentraliser au maximum la formation professionnelle. Il s’agit de l’une des premières actions à entreprendre.

Ce constat est largement partagé, et depuis longtemps. J’ai reçu, dès la première lecture de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », non seulement les représentants des maires, des départements et des régions de France, mais aussi les présidents des missions locales. Tous ont exprimé une vraie crainte. Les missions locales redoutent en effet – le mot a été prononcé, et je crois que, si l’on ne nomme pas les choses, on ne pourra pas avancer – une tutelle de la région. . On m’a ainsi beaucoup opposé la crainte du remplacement d’un jacobinisme ancien – et analysé de diverses manières – par un jacobinisme régional. Ces termes, cette expression sont remontés de pratiquement toutes les délégations, lesquelles ne veulent pas de jacobinisme régional. Je pense donc que nous avons collectivement fait fausse route.

J’ai longtemps été parlementaire dans l’opposition avant d’être au Gouvernement. Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, soyons justes : c’est la première fois que j’entends un gouvernement dire à une famille politique n’appartenant pas à sa majorité – je ne parle naturellement pas de moi, mais du Premier ministre et de l’ensemble du Gouvernement – qu’elle a raison, qu’il faut bouger ; c’est la première fois que j’entends un gouvernement s’engager à prendre en compte une telle position, à la faire cheminer au cours de la navette parlementaire afin de trouver la meilleure réponse possible à ce qu’elle a proposé. C’est la première fois que je vois une telle ouverture. J’espère que l’on pourra dire ici que, pour la première fois, une majorité sénatoriale d’opposition a été entendue par le Premier ministre et son gouvernement, lesquels se sont engagés – j’insiste sur ce terme – à son égard.

Vous disiez être prêts à travailler, monsieur le président de la commission. Sachez que le Gouvernement est également prêt à travailler avec vous.

Hier soir, malgré l’heure tardive, je me suis penchée, comme beaucoup d’entre vous certainement, sur un certain nombre de questions de droit relatives à la coordination de toutes ces structures par la région. Beaucoup de choses sont à régler avant de trouver la bonne solution…

Je réitère l’engagement pris ici même par le Premier ministre le 28 octobre dernier. Le ministre du travail et moi-même allons rencontrer aussi vite que possible les représentants des missions locales pour tenter de répondre à leur opposition. La question des maisons de l’emploi, par exemple, qui drainent beaucoup de financements mais empêchent peut-être la coordination d’autres structures, est un vrai sujet.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Vous ne voulez rien comprendre…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Non, monsieur le président de la commission, nous ne voulons pas ne « rien comprendre » ! Nous voulons comprendre ! Nous voulons agir ! Un tel jugement n’est pas acceptable.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je pense qu’il y a beaucoup de conservatisme dans votre position.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Dans celle du Gouvernement tout du moins, pas forcément dans la vôtre, madame la ministre.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Tout à fait.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je veux bien être conservatrice, mais je peux vous dire, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, que je ne suis pas l’initiatrice du discours sur le jacobinisme régional. Pour beaucoup, il est parti d’ici…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Certes, mais dans d’autres matières.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Dans beaucoup d’autres matières… Et sur ce sujet-là, tout d’un coup, on le mettrait de côté ?

Pour ma part, et comme je le disais à l’instant, monsieur le président de la commission des lois, je m’engage à rencontrer le président de l’Union nationale des missions locales, l’UNML, ainsi qu’un certain nombre d’autres acteurs.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela ne changera rien !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il n’est pas donné acte des pas qui sont faits. Si vous ne nous donnons pas acte mutuellement des avancées réalisées, nous n’arriverons à rien.

Je m’engage, parce que le Premier ministre le veut, à ce que, entre hier soir et l’issue de la navette parlementaire, nous trouvions une solution à ces difficultés.

À titre personnel, je ne suis pas choquée, au contraire de certains maires, de certains départements, que le président du conseil régional soit également le président de la commission qui vient d’être créée le 1er janvier.

Le conservatisme n’est pas forcément du côté où vous voulez le mettre. Quand on entend un maire dire qu’il ne veut pas que le président du conseil régional s’occupe de sa mission locale, il ne s’agit pas du Gouvernement (M. le rapporteur opine.). Lorsque l’Association des maires de France, l’AMF, nous dit de faire attention au jacobinisme régional, il ne s’agit pas non plus du Gouvernement. C’est bien l’AMF, toutes tendances politiques confondues, qui nous demande d’être prudents sur le rôle à donner au président du conseil régional.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous sommes prudents !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous devons prendre en compte ce qui a été fait par le Sénat, mais également entendre ce que disent l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France et l’Association des régions de France.

Pourquoi n’avons-nous pas le meilleur des textes qui soit ? Ce que disait Claudy Lebreton – et je lui rends ici hommage – est juste : parce que ces trois associations n’ont pas réussi à faire des propositions. Elles ont passé plus de temps à s’opposer aux propositions qu’à en construire. C’est une réalité.

Portant les textes de décentralisation au nom du Gouvernement depuis deux ans et demi, je peux vous dire, monsieur le président de la commission des lois, que les conservatismes ne sont pas incarnés par ma seule personne. J’en ai rencontré beaucoup d’autres, chez des personnes de bonne foi. Je n’ai d’ailleurs pas rencontré de conservateurs par essence.

Nous devons donc faire un effort. Si la commission veut continuer à travailler avec le Gouvernement, le plaisir sera immense pour ce dernier. Nous nous engageons à travailler sur le texte pour tenter de trouver un point d’accord.

Je le répète, c’est la première fois depuis que je suis les travaux parlementaires que je vois un gouvernement faire preuve d’une telle ouverture et s’engager, devant une famille politique qui n’est pas la sienne, à trouver une solution avec elle.

M. Michel Mercier. Ce n’est pas faux…

M. le président. Nous poursuivons la discussion des articles.

TITRE Ier (Suite)

Des régions renforcées

Chapitre unique (suite)

Le renforcement des responsabilités régionales

M. le président. Nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, à l’examen d’un amendement portant article additionnel après l’article 3 bis.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
Article 4

Article additionnel après l'article 3 bis

M. le président. L'amendement n° 847, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tous les ans, un rapport du Gouvernement est établi sur l’impact économique et social des mesures prévues à l’article 3 bis concernant le service public de l’emploi.

La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Avant de présenter cet amendement, je voudrais revenir sur les propos que vient de tenir Mme la ministre, à la suite de l’interpellation du président de la commission des lois.

Nous pouvons partager la position du président Philippe Bas qui souhaite que ce texte dépasse le cadre d’un projet de loi de clarification pour devenir un véritable projet de loi de décentralisation.

La proposition de la commission de transférer une part de la responsabilité de la politique de l’emploi aux régions est un sujet qui mérite réflexion. Pour autant, à ce stade, je partage l’opinion de Mme la ministre : nous devons faire preuve de prudence en la matière.

Il faut d’abord bien analyser les raisons du manque d’efficacité des structures existantes, qui ne sont pas que des structures étatiques.

Certes, Pôle emploi connaît des difficultés, liées notamment à des réorganisations incessantes et à une diminution de ses moyens. Dans mon département, je reçois régulièrement des délégations des personnels de Pôle emploi qui ne comprennent pas ces changements permanents qui les éloignent des demandeurs et réduisent leur capacité de répondre aux usagers. Un vrai problème de moyens se pose.

Mais au-delà de Pôle emploi, toute une série de structures relevant des collectivités et travaillant également sur l’emploi rencontrent les mêmes difficultés. Il nous faut ainsi faire le bilan des missions locales, dont tout le monde n’est pas satisfait.

Par ailleurs, que dire des maisons de l’emploi, qui viennent s’ajouter à d’autres structures déjà existantes ? Peut-être faudrait-il porter un regard assez critique sur l’évaluation mise en place ?

En tout cas, le groupe CRC est absolument opposé à tout désengagement de l’État en matière de politique de l’emploi. Il souhaite donc, de ce point de vue, obtenir des garanties.

Nous ne sommes pas opposés, bien sûr, à ce que les régions en fassent plus dans ce domaine ; encore faudrait-il, néanmoins, qu’elles précisent avec quels moyens.

La question de l’égalité des citoyens sur le territoire se pose. Je le répète, nous n’accepterons pas que certains citoyens soient moins bien traités que d’autres à cause de l’insuffisance des moyens ou de l’engagement mis par leur région en la matière.

Cela pose un vrai problème démocratique, mes chers collègues. Je suis donc partisan, à ce stade, d’une réunion avec l’ensemble des présidents de région. Ce travail de concertation en commun pourrait nous permettre de nous interroger sur les moyens d’améliorer le dispositif, et de nous demander comment les régions peuvent en faire davantage.

Par ailleurs, pour être le véritable texte de décentralisation que nous appelions de nos vœux, d’autres sujets auraient pu être abordés dans le présent projet de loi. Les universités, par exemple, doivent-elles toujours être gérées par l’État ?

M. Gérard Longuet. Peuvent-elles être gérées par elles-mêmes ?

M. Christian Favier. Les régions, qui ont déjà la responsabilité des lycées, ne pourraient-elles pas avoir également celle des universités, au lieu, soit dit en passant, de se voir confier la gestion des collèges, compétence actuellement détenue par les départements ? Quand on connaît le rôle extrêmement important des universités en matière de développement économique, de recherche et d’innovation, le lien entre la région et l’université paraît en effet très important.

Sur la question de l’emploi, j’y reviens, la prudence s’impose à ce stade. Il faut entendre ce qu’en disent les personnes travaillant dans ce domaine, dans les missions locales par exemple, tout en continuant à tenter de réduire le chômage dans nos départements. Des efforts peuvent encore être fournis en la matière.

S’agissant de l’amendement n° 847, le transfert aux régions d’une partie de la politique de l’emploi représenterait un changement important ; le groupe CRC estime donc nécessaire d’évaluer de manière régulière l’efficacité – ou l’inefficacité – de ce nouveau dispositif, raison pour laquelle il propose, par cet amendement, que le Gouvernement rédige un rapport annuel sur le sujet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Il revient au Parlement d’évaluer les politiques publiques. La demande de rapports – en général, monsieur Favier, non pas la vôtre en particulier ! – rencontre donc une hostilité assez partagée, d’autant que ces productions sont souvent assez peu exploitées.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Étant assez allergique aux rapports qui ne servent pas à grand-chose, je ne voterai pas cet amendement.

Cette explication de vote me permet de revenir sur le fond de notre discussion, que je trouve assez étonnante. Le problème, selon moi, n’est pas d’être conservateur ou réformiste. Personnellement, je suis conservateur quand il s’agit de conserver ce qui fonctionne ;…

M. Gérard Longuet. Évidemment !

M. Pierre-Yves Collombat. … les départements par exemple !

M. Gérard Longuet. Oui, cela fonctionne bien !

M. Pierre-Yves Collombat. En revanche, en matière de chômage, à mon sens l’un des problèmes majeurs – si ce n’est le principal – de notre époque, je suis réformateur !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Bien sûr !

M. Pierre-Yves Collombat. La lutte contre le chômage revêt naturellement plusieurs dimensions.

La politique macroéconomique, d’abord. En l’espèce, je ne pense pas que se serrer la ceinture soit le bon moyen pour créer des débouchés. Que vous le vouliez ou non, mes chers collègues, on n’embauche et on n’investit que si les perspectives de vente existent. Mais je sais que, sur ce sujet, je suis très minoritaire ; j’arrête donc là ma démonstration.

Cette lutte, ensuite, passe également par l’amélioration de la compétitivité – via l’amélioration du matériel, notamment –, mais aussi par la mobilité du personnel ; c’est sur ce dernier point qu’une politique de l’emploi peut intervenir.

J’indique que le débat sur une meilleure répartition des compétences des collectivités territoriales englobe depuis quelque temps la question de la politique de l’emploi. Je citai hier, par exemple, le rapport de la mission d’information présidée par Claude Belot ; il nous était apparu, à l’époque, que lier la compétence de l’action économique et la compétence de la politique de l’emploi à l’échelon de la région, maille intéressante pour ce faire, surtout avec la création de grandes régions, n’était pas une mauvaise idée. L’observation de la situation de certains pays sur ce point le confirme.

C’est ce dont on s’aperçoit sur le terrain également : les régions souffrent d’un manque de main-d’œuvre dans certaines professions et d’un excès dans d’autres. Si la formation professionnelle relève du domaine de la région, il n’y aurait rien d’extraordinaire à lui confier également cette branche de la politique de l’emploi ; ce serait même tout à fait logique.

En matière de politique de l’emploi, et même si je comprends que la commission ait voulu aller doucement sur cette voie, je suis étonné qu’on parle seulement de bureaucratie ou de gestion des flux, alors que le problème porte plutôt sur les moyens d’améliorer la formation et la mobilité des demandeurs d’emploi.

Encore une fois, je ne comprends pas bien la position du Gouvernement ; à moins que je ne la comprenne trop : il est révolutionnaire pour les autres, mais dès qu’il s’agit de toucher à ce qui l’intéresse directement – j’aurai plusieurs exemples à citer –, il ne bouge absolument pas !

Quant à savoir si le transfert de cette responsabilité aux régions produira des inégalités entre les citoyens, je n’en crois rien. Toute opération de décentralisation passe par des transferts de compétences réalisés de manière encadrée, avec des obligations qui permettent d’éviter l’écueil des inégalités de situations. La compétence d’urbanisme, par exemple, a été transférée aux collectivités territoriales ; ce n’est pas pour cela que l’exercice de cette compétence a créé des inégalités entre les citoyens.

Je ne méconnais pas les problèmes posés par ce type d’évolutions ; certaines ont d’ailleurs été annoncées. Cependant, je m’étonne seulement que le Gouvernement, qui envisage froidement de supprimer les départements, sans que cela le gêne outre mesure, et sans même se poser la question de l’après, refuse de bouger d’un pouce quand il s’agit seulement de nommer trois personnes de plus au conseil d’administration de je ne sais quel organe. Une véritable levée de boucliers !

Encore une fois, s’il y a quelque chose à faire en matière de décentralisation, c’est bien de lier politique économique et politique de l’emploi.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. J’interprète l’amendement déposé par M. Favier comme une manière de prendre acte de l’adoption par le Sénat de l’article 3 bis. Cela signifie en effet que l’on prend pour acquises les dispositions qui ajoutent au pouvoir du président de région en matière d’emploi et que l’on veut les évaluer.

En vérité, nous sommes tous d’accord, je crois, sur la nécessité de procéder à une évaluation quand un changement de cette importance a lieu. Nous avons seulement des réticences à imposer un nouveau rapport au Gouvernement, alors que la Commission nationale de la négociation collective, qui réunit notamment les partenaires sociaux auprès du ministre du travail, fera chaque année le bilan, soumis à délibération, de la politique de l’emploi et le rendra public.

Je voudrais également insister sur un autre point. Au débat entre conservateurs et réformistes se superpose celui entre jacobins et girondins. Puisque Mme la ministre se posait la question, je voudrais lui dire que, s’il y a bien un jacobinisme régional, il y a aussi un girondisme régional.

Je vais vous expliquer la différence, mes chers collègues. Est jacobin celui qui veut aspirer à l’échelon régional des compétences déjà décentralisées ; est donc l’auteur d’une nouvelle forme de centralisme régional, en l’occurrence « super-régional », les nouvelles régions étant très vastes, celui qui veut siphonner les compétences de collectivités territoriales de proximité pour les faire s’exercer à un échelon plus éloigné. Cela, c’est du jacobinisme régional, ou du centralisme super-régional.

Le girondisme régional, c’est la décentralisation de pouvoirs exercés jusqu’alors par l’État, pour les confier aux collectivités territoriales. C’est un schéma classique ; on l’a observé dans toutes les lois de décentralisation depuis 1982, voire avant cela. Il s’agit de prendre à l’État des compétences exercées par les bureaux des ministères à Paris, pour les déléguer à des élus proches des forces vives d’un territoire. Cela, c’est le girondisme régional ou la décentralisation.

Madame la ministre, puisque vous souhaitez que nous échappions à la discussion entre conservateurs et réformistes, je voulais vous démontrer que le Sénat était une chambre réformatrice et de proximité, et que le Gouvernement, sur ce point, voulait aller moins loin que lui. Cela me semble objectif.

Sortons maintenant, j’y consens, de ce débat ; et admettons ensemble qu’il oppose plutôt les girondins, qui veulent plus de régions sur certains points, et les jacobins, qui veulent moins de départements sur d’autres.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 847.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 bis
Dossier législatif : projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
Article additionnel après l'article 4 (début)

Article 4

Tourisme

I. – (Supprimé)

II. – Le code du tourisme est ainsi modifié :

1° L’article L. 111-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 111-2. – I. – Les collectivités territoriales et leurs groupements compétents sont associés à la mise en œuvre de la politique nationale du tourisme.

« II. – La région élabore le schéma régional de développement touristique qui fixe les orientations stratégiques d’aménagement, de développement et de promotion des destinations touristiques. Il précise les actions des collectivités territoriales ou de leurs groupements compétents en matière de promotion, d’investissement et d’aménagement. Le schéma peut prévoir la mutualisation ou la fusion d’organismes de tourisme de la région, des départements, des communes et de leurs groupements. Le schéma peut prévoir la mutualisation ou la fusion d’organismes de tourisme issus de régions différentes.

« La région associe à l’élaboration du schéma les collectivités territoriales ou leurs groupements compétents sur l’ensemble de son territoire, selon des modalités fixées par délibération du conseil régional.

« La région conclut des conventions avec les départements de son territoire afin de définir les actions contribuant à l’exécution des objectifs et les modalités de mise en œuvre fixés par le schéma régional.

« Le schéma régional tient lieu de convention territoriale d’exercice concerté de la compétence en matière de tourisme, adopté selon les modalités prévues à l’article L. 1111-9-1 du même code. » ;

2° L’article L. 131-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 131-3. – Le conseil régional peut créer un comité régional du tourisme qui prépare et met en œuvre la politique touristique de la région.

« Par délibérations concordantes de leurs organes délibérants, plusieurs régions peuvent s’associer pour conduire leurs actions touristiques au sein d’un comité du tourisme commun. Dans ce cas, les conseils régionaux exercent conjointement les attributions dévolues au conseil régional par le présent chapitre. » ;

3° L’article L. 132-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 132-1. – Dans chaque département, le conseil général est chargé, sur son territoire, d’assurer la mise en œuvre opérationnelle des orientations définies par le schéma régional de développement touristique, prévu à l’article L. 111-2. » ;

3° bis L’article L. 132-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 132-2. – Le comité départemental du tourisme, créé à l’initiative du conseil général, met en œuvre les objectifs et les modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre le département et la région et fixés par le schéma régional visé à l’article L. 111-2.

« Plusieurs départements peuvent, par délibérations concordantes, mettre en place un comité de tourisme commun afin de conduire des actions touristiques communes. » ;

3° ter L’article L. 132-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 132-4. – Le comité départemental du tourisme contribue à assurer l’élaboration, la promotion et la commercialisation de produits touristiques, en collaboration avec les professionnels, les organismes et toute structure locale intéressés. » ;

4° À la fin du second alinéa de l’article L. 161-3, les références : « les articles L. 131-7 et L. 131-8 » sont remplacés par la référence : « l’article L. 131-8 » ;

5° Les articles L. 131-1, L. 131-6, L. 131-7 et L. 132-1 sont abrogés.

III. – Le présent article est applicable à compter du prochain renouvellement général des conseils régionaux.