M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 501.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous venez donc d’adopter l’article 2, complété par votre commission. Cette disposition est importante, car elle met en cohérence l’ensemble des politiques publiques, nationales et territoriales, pour atteindre les objectifs fixés à l’article 1er.

Je voudrais remercier François Marc et Alain Richard de leurs interventions et leur dire que, en effet, le Gouvernement créera bien par voie réglementaire une Commission des comptes de l’énergie. Celle-ci s’appuiera sur les travaux du Conseil national de la transition écologique, dont elle intégrera un certain nombre de membres, ainsi que, bien entendu, des représentants du Sénat et de l’Assemblée nationale.

Il est juste d’affirmer que l’application de cette loi, que nous coconstruisons, mérite d’être accompagnée d’un appui économique clair et indiscutable, s'agissant des comptes. Cela permettra d’aider l’ensemble des décideurs politiques, au niveau de l’État comme des collectivités territoriales, dans leurs prises de décisions. Ainsi, celles-ci seront cohérentes et orientées vers l’application de la loi, mais aussi attentives à l’éventualité de distorsions économiques, fiscales ou sociales.

Je souhaite donc vous remercier tout particulièrement de cette proposition. Nous veillerons à ce que, avant la fin de nos débats, un projet de décret soit rédigé et vous soit communiqué.

Article 2
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte
Article 3 AA (Texte non modifié par la commission)

Article additionnel après l'article 2

M. le président. L'amendement n° 625 rectifié, présenté par Mme Jouanno et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement se fixe pour objectif, pour la composante carbone intégrée aux tarifs des taxes intérieures sur la consommation des produits énergétiques inscrites au tableau B du 1. de l’article 265 du code des douanes, d’atteindre une valeur de la tonne carbone de 56 euros en 2020 et de 100 euros en 2030.

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Mme Chantal Jouanno. Cet amendement vise la contribution climat-énergie, que vous avez mise en place, madame la ministre, après deux échecs. Elle avait été imaginée, à l’origine, à la suite des travaux de la commission Quinet, dont les conclusions proposaient la création. Il était suggéré de lui conférer de la prévisibilité, afin qu’elle prenne tout son sens et soit efficace. Sa pente de croissance devait donc être clairement exposée, de sorte que les acteurs économiques puissent anticiper son évolution dans leurs décisions d’investissement.

Je propose, au travers de cet amendement, de reprendre les conclusions de cette commission. Mes chers collègues, je vous rappelle que M. Quinet est un inspecteur des finances, qui a travaillé à la Caisse des dépôts et consignations, et qui était donc très au fait des problématiques économiques.

Dans ses conclusions, cette commission proposait de fixer une pente débouchant sur un tarif de 100 euros la tonne en 2030. Ce chiffre est d’ailleurs très en deçà des niveaux qui s’appliquent en Suède, un pays dont les taux de croissance et de chômage sont pourtant fort enviables…

Cet amendement tend donc à proposer de la visibilité aux acteurs économiques. Les autres amendements touchant à la fiscalité écologiques que j’ai déposés visaient le même objectif. J’aurais aimé pouvoir vous présenter en parallèle quelques amendements tendant à réduire les charges sociales, mais nous ne pouvons pas en discuter dans le cadre de ce texte. Je ne doute pas, toutefois, au vu de la teneur de nos discussions, que vous les voterez quand nous les présenterons en loi de finances !

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Lors de nos auditions, de nombreux interlocuteurs, y compris les acteurs économiques, nous ont dit l’importance de fixer une valeur du carbone suffisamment élevée et représentative des coûts réels du carbone, ainsi que la nécessité de disposer d’une visibilité sur l’évolution de cette valeur sur le long terme, afin d’orienter les comportements et les investissements en toute connaissance de cause.

Dès lors que nous avons posé le principe, en commission, d’une stricte compensation de cette hausse, et assuré ainsi le caractère non punitif de la fiscalité écologique, le relèvement proposé au travers de cet amendement, sur le niveau duquel nous attendons l’avis du Gouvernement, répond à cette préoccupation.

La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. La trajectoire déjà prévue pour la contribution climat-énergie est particulièrement dynamique : de 7 euros la tonne de CO2 en 2014, celle-ci passera à 14,5 euros en 2015 et à 22 euros en 2016, soit une multiplication par trois en trois ans.

Avant d’accentuer cette dynamique, il importe d’en faire l’évaluation. Vous le voyez, le signal prix sur le carbone est très important. C’est le gouvernement actuel qui a commencé à mettre en place cette contribution climat-énergie. En l’occurrence, vous n’aviez pas pu le faire, en raison de la censure par le Conseil constitutionnel de votre dispositif de taxe carbone.

Mme Chantal Jouanno. C’est la gauche qui avait saisi le Conseil constitutionnel !

Mme Ségolène Royal, ministre. Ces transferts de fiscalité sont extrêmement délicats à opérer. Le processus a commencé avec ce dispositif, qui permet de financer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Nous allégeons donc les taxes sur le travail et sur la production en en transférant la charge vers une taxe sur la pollution. Il s’agit donc très exactement de cette fiscalité écologique que l’on nous reproche pourtant à longueur de discours de ne pas avoir mise en place !

Ces décisions sont courageuses ; il n’est pas facile de créer une telle contribution, dont le produit est transféré vers l’allègement des charges des entreprises. C’est pourtant que nous sommes en train de faire.

Avant de tracer de nouvelles perspectives, et même si le dispositif devra bien aller dans cette direction, il convient d’en faire l’évaluation. Cette contribution ajoute en effet des charges supplémentaires sur les particuliers et sur les entreprises. Nous devons nous assurer que ce transfert n’entraîne pas de distorsions économiques, qui poseraient problème pour la compétitivité des entreprises et pour le pouvoir d’achat des ménages.

Madame Jouanno, reconnaissez que nous avons lancé ce dispositif de signal prix sur le carbone avec une dynamique réelle : multiplication par trois en trois ans, de 7 euros à 22 euros. Le processus est enclenché, et nous devons en évaluer les effets avant de l’amplifier.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Ma petite expérience de marin breton me fait penser que notre discussion de la loi sur la transition énergétique est un peu comme le temps en mer : cela change très vite ! (Sourires.)

J’étais tout à l’heure particulièrement sceptique quant à un certain nombre de prises de position du rapporteur et de la majorité de droite sur le nucléaire. Cette fois, je souligne le courage de la commission sur cet amendement de Chantal Jouanno, qui est à la fois important et extrêmement cohérent.

Michel Rocard – cette référence devrait être parlante pour certains, ici – expliquait que, pour réussir la régulation du climat, il fallait s’adresser à la fois aux entreprises et aux ménages.

S’agissant des entreprises, c’est toute la logique de l’ETS, le système de taxation des émissions des entreprises. À cet égard, je soutiens la proposition incluse dans la feuille de route issue de la troisième conférence environnementale, annoncée par Manuel Valls et Ségolène Royal, visant à rehausser l’ETS. Ces soixante-quatorze mesures ont été présentées la semaine dernière aux associations, et celles-ci s’en sont réjouies.

Toutefois, une part importante des émissions de carbone est liée aux consommations individuelles et aux consommations finales. Si nous voulons être cohérents, il faut nous attaquer aux deux. C’est ce que nous faisons au travers de cet amendement, qui vise non pas la consommation des entreprises, mais bien les consommations finales et la responsabilité de chacun.

Cet amendement tend donc à apporter de la cohérence, dans le cadre d’une régulation globale qui repose pour partie sur les entreprises et pour partie sur la responsabilité individuelle.

En outre, son adoption enverrait un signal extrêmement important dans la perspective de la COP 21. Même s’il n’y a pas d’étude d’impact, nous savons qu’un certain nombre de pays en Europe sont déjà à cent euros la tonne. C’est notamment le cas de la Suède. Jusqu’à preuve du contraire, ce pays ne se porte pas mal d’une taxe carbone de ce type, qui est ancienne et s’élève à de tels montants ; je me demande s’ils ne sont pas arrivés à cent vingt euros, mais ma mémoire peut me trahir.

M. Gérard Longuet. La Suède est un pays nucléaire !

M. Ronan Dantec. Que la France, avant la COP 21, affirme son ambition de se mettre au même niveau de taxation carbone que les grands pays européens qui sont leaders sur ces questions – je le rappelle, la Suède a aujourd’hui un objectif de neutralité carbone – marquerait une dynamique forte.

C’est donc avec grand enthousiasme que nous soutiendrons l’amendement de Chantal Jouanno, mais aussi et surtout la prise de position du rapporteur et de la commission.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.

Mme Chantal Jouanno. M. le rapporteur a donné des arguments très justes sur cette contribution carbone. Le principe de compensation est acté.

Toutefois, on affirme que, aujourd’hui, nous serions à des taux déjà très importants et appelés à tripler… Pardonnez-moi, mais à six ou sept euros la tonne, nous sommes loin du compte. C’était le prix de marché quand il allait déjà très mal !

Je me souviens de nos débats lorsque nous avions fixé la contribution carbone. Nous avions commencé à un prix très bas, environ quatorze euros, et on nous avait affirmé que cela ne servait à rien. D'ailleurs, c’était la gauche qui tenait de tels discours à l’époque ; elle soutenait qu’il fallait fixer la contribution au minimum à trente euros. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Vous ne vous souvenez pas de ces débats, chers collègues ? Je crains d’avoir une assez bonne mémoire sur le sujet… (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

La commission Quinet préconisait de commencer à trente euros la tonne. Pourtant, son président n’était pas un écologiste ; il raisonnait en économiste. Aujourd’hui, on est très loin de ces chiffres.

Or, en fixant un objectif à cent euros, on offrirait de la visibilité aux acteurs économiques, ce qui est fondamental. Tous les acteurs qui investissent nous disent qu’il y a trop d’aléas fiscaux. La plupart des économistes l’affirment, cette pente, cette trajectoire, est nécessaire aux acteurs économiques. Il faut absolument leur donner de la visibilité.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je citerai une phrase de l’objet cet amendement : « De nombreux secteurs et certaines énergies sont exonérés de fait de contribution carbone, en étant partiellement ou totalement exemptés de TIC. C’est le cas par exemple du kérosène dans l’aviation ou du gazole en partie remboursé au transport routier ».

Je rappelle que seuls deux centimes sont remboursés, alors que les transporteurs routiers viennent de subir une augmentation de plus de quatre centimes du prix du gazole. Ainsi, affirmer que les transporteurs sont « en partie » exemptés, c’est un peu exagéré.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 625 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Titre II

Mieux rénover les bâtiments pour économiser l’énergie, faire baisser les factures et créer des emplois

Article additionnel après l'article 2
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte
Article 3 A

Article 3 AA

(Non modifié)

La France se fixe comme objectif de rénover énergétiquement 500 000 logements par an à compter de 2017, dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes.

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.

M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article est inscrit dans le titre Il du présent projet de loi, dont l’intitulé est ainsi rédigé : « Mieux rénover les bâtiments pour économiser l’énergie, faire baisser les factures et créer des emplois ».

Ces objectifs affichés sont tout à fait louables. Toutefois, compte tenu de la situation du logement dans notre pays, ces intentions nous interrogent. En 2014, moins de 300 000 logements ont été mis en chantier dans notre pays. Pourtant, quelque 10 millions de personnes seraient touchées de près ou de loin par la crise du logement.

À de nombreuses reprises, notre groupe a déploré que la politique menée en la matière se soit révélée incapable de répondre aux besoins sociaux et aux besoins de logements. Ainsi, rénover énergétiquement des logements anciens, c’est bien et c’est indispensable. Construire des logements neufs pour répondre à l’ensemble de la population, c’est encore mieux, car c’est indispensable !

La crise du logement constitue sans nul doute la face la plus visible et la plus criante de la crise économique et sociale que nous traversons. Elle concentre les plus grandes inégalités et discriminations.

Cette pénurie de logements est une réalité cruelle pour bon nombre de nos concitoyens pour qui le droit à un toit n’est pas du tout assuré. Trop nombreuses sont les familles considérées comme prioritaires au titre du droit au logement et pour lesquelles aucune solution concrète n’est proposée. Cette situation insupportable n’aurait jamais dû exister !

Nous allons discuter de la rénovation des bâtiments. Pour certains logements, cela pourrait être synonyme d’habitations insalubres. Combien de familles sont contraintes de vivre dans des conditions déplorables, faute de pouvoir se loger dignement ?

Le rapport de la Fondation Abbé Pierre dresse des constats alarmants en la matière, année après année, sans que rien change vraiment. Les chiffres du mal-logement augmentent régulièrement. Ce sont nos concitoyens les plus modestes qui font les frais de la politique du logement, qui ne prend pas en compte le droit fondamental à un toit.

Bien souvent, la rénovation énergétique est nécessaire dans des bâtiments anciens, où les petits propriétaires aux revenus modestes n’ont pas les moyens suffisants pour procéder aux travaux. Leur rêve d’accessibilité à la propriété peut vite se transformer en un cauchemar si les travaux sont trop importants pour leurs revenus trop faibles.

Tout le monde reconnaît qu’un grand plan de construction de logements publics, aux normes environnementales, serait bon pour l’emploi, le pouvoir d’achat et l’écologie. Aussi, comment ne pas s’interroger devant cet article qui nous propose de procéder à la rénovation énergétique de 500 000 logements par an ? Il indique également que ces logements à rénover doivent être occupés par des ménages aux revenus modestes.

Nous sommes tout à fait favorables à la rénovation énergétique des logements. C’est indispensable pour des millions de Français mal logés et qui paient cher leur facture énergétique. La précarité énergétique résulte justement de la situation du logement dans notre pays, insuffisant en nombre et souvent mal ou peu entretenu.

J’espère que nos débats sur cet article et ceux à venir permettront de réduire un peu plus l’inégalité sociale du mal-logement. En effet, comme l’écrivait Simone de Beauvoir, « ce qu’il y a de scandaleux dans le scandale, c’est qu’on s’y habitue ».

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il est presque minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit trente, afin d’aller plus avant dans l’examen de ce texte.

Je devrai lever la séance à minuit trente au plus tard, car nous devons impérativement commencer la séance de demain à neuf heures trente, pour le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.

Il n’y a pas observation ?…

Il en est ainsi décidé.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 887 rectifié, présenté par MM. Mézard, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier, Arnell et Barbier, est ainsi libellé :

Après les mots :

à compter de 2017

supprimer les mots :

, dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. L’article 3 AA, introduit à l’Assemblée nationale, vise à fixer un objectif de rénovation thermique de 500 000 logements par an à compter de 2017, dont au moins pour moitié des logements occupés par des ménages à revenus modestes.

Or la notion de ménages à revenus modestes ne fait l’objet d’aucune définition réglementaire. Un tel article est par conséquent simplement incantatoire et redondant avec les objectifs existants en faveur de la rénovation thermique des logements sociaux, ou encore les outils financiers – crédit d’impôt ou prêt à taux zéro par exemple – visant à encourager les travaux de rénovation énergétique.

Faute d’une définition précise et légale, il convient donc de le supprimer ou alors de donner un plafond chiffré, par exemple au revenu minimum ou au RSA.

M. le président. L'amendement n° 535, présenté par MM. Vaugrenard et Dilain, Mmes Lienemann, Bataille, Espagnac et Guillemot, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis, Duran, S. Larcher, Montaugé, Rome et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

la moitié est occupée

par les mots :

les deux tiers sont occupés

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Notre collègue, Yannick Vaugrenard a récemment rédigé un rapport sur la pauvreté dans notre pays. Dans ce document, il a montré à quel point la précarité énergétique était devenue l’un des éléments déterminants du basculement dans la pauvreté d’un certain nombre de foyers.

Nous partageons l’objectif fixé par cet article, à savoir rénover 500 000 logements par an. Par ailleurs, le projet de loi indique – l’Assemblée nationale a retenu cette précision – qu’au moins la moitié de ces logements doivent être occupés par des ménages à revenus modestes.

Je voudrais rassurer M. Mézard et nos collègues du RDSE : toute la politique du logement fait référence au concept de revenus modestes, c’est-à-dire qui correspond à des plafonds de ressources. Ces derniers sont définis en proportion des aides perçues, à travers toute une série de graduations. Ils ne sont jamais écrits dans la loi, puisque, vous le savez, il faudrait tous les ans changer le niveau de ces plafonds de ressources au regard de l’évolution des prix.

Au travers de cet amendement, nous proposons que la part de logements rénovés qui sont occupés par des foyers à revenus modestes soit fixée à deux tiers, et cela pour deux raisons.

Premièrement, il existe déjà un accord sur 130 000 logements HLM, attribués sous plafonds de ressources.

Deuxièmement, la rénovation dans le parc privé pose problème. Il nous paraît donc essentiel d’orienter l’action publique et les priorités de l’État sur le parc privé occupé par des foyers à revenus modestes. En effet, ce sont eux qui, la plupart du temps, vivent dans des passoires thermiques. Vous le savez, mes chers collègues, il est rarissime que des gens appartenant aux classes moyennes supérieures habitent dans de tels logements. Il est donc fondamental de concentrer tous nos efforts sur les foyers à revenus modestes.

L’objectif que nous proposons est certes ambitieux. Néanmoins, si nous le diluons trop, nous nous retrouverons avec une série d’aides publiques, notamment celles de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, qui ne seront pas systématiquement, prioritairement et massivement orientées vers ce type de foyers et vers ce type de logements.

Par conséquent, nous voterons contre l’amendement proposé par nos collègues du RDSE, avec qui nous avons pourtant souvent des convergences sur la question du logement social.

Nous défendrons l’idée des deux tiers de logements rénovés pour des foyers modestes. Et si nous ne parvenions pas convaincre nos collègues du bien-fondé de cet objectif, nous soutiendrions l’amendement de Mme Jouanno, qui sera examiné dans quelques instants ; j’aurai l’occasion d’y revenir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Si les auteurs de l’amendement n° 887 rectifié souhaitent supprimer la référence aux revenus modestes, c’est non pas parce qu’ils refusent que ces 250 000 logements concernent les foyers à revenus modestes, mais parce qu’ils considèrent que la définition de ces derniers est impropre, qu’elle n’existe pas et qu’il ne faut donc pas la retenir.

Mes chers collègues, je vous signale que si nous prenons en compte tous les logements rénovés dans nos départements au titre de l’ANAH, nous avons une idée de ce que représentent les revenus modestes. Aussi, ce serait une erreur, me semble-t-il, que de supprimer cette référence.

Je demande donc aux auteurs de l'amendement n° 887 rectifié de bien vouloir retirer leur amendement.

Concernant l’amendement n° 535, l’objectif affiché, comme l’a souligné Mme Lienemann, est particulièrement ambitieux.

Ma chère collègue, sur les 500 000 logements rénovés par an à compter de 2017 – je ne suis d’ailleurs pas du tout certain qu’il soit possible d’atteindre cet objectif, déjà ambitieux ! –, vous souhaitez que 350 000 d’entre eux soient occupés par des ménages aux revenus modestes, contre 250 000 prévus dans le projet de loi. Mais trouverez-vous preneurs ? Je n’en suis pas certain.

Avec ce chiffre fort et ambitieux, il faut que vous trouviez demain suffisamment de ménages ayant les moyens de réaliser les travaux pour supprimer les fameuses passoires énergétiques. Nous en sommes tous convaincus, certains logements sont prioritaires par rapport à d’autres. Toutefois, si les Français n’ont pas les moyens de rénover leur logement, ce sera un échec !

L’objectif de 500 000 logements est déjà ambitieux. En demandant non plus à 250 000, mais à 350 000 ménages aux revenus modestes de réaliser des travaux, vous placez la barre très haut. Déjà, il n’est pas sûr que 250 000 ménages puissent réaliser ces travaux. Peut-être ne va-t-on réussir à trouver que 200 000 ménages aux revenus modestes et à peine 250 000 aux revenus un peu plus confortables…

Pourquoi l’Allemagne a-t-elle réussi à rénover 750 000 logements par an ? Tout simplement parce qu’il n’existe pas de plafond de ressources dans ce pays. Le système y est très simple. Contrairement à la France, qui propose actuellement quatre dispositifs d’aides au logement, auxquels vous en ajoutez deux, madame la ministre, il n’en existe là-bas qu’un seul : la banque d’État, la KfW, accorde à tout le monde, sans aucune condition de revenus, les subventions et les prêts. C’est pour cette raison que le patrimoine rénové chaque année est aussi important.

En tant que rapporteur, je n’ai pas souhaité modifier l’objectif ambitieux affiché par le Gouvernement : même si j’ai quelques doutes, j’espère que celui-ci pourra être atteint. Néanmoins, si vous placez la barre plus haut encore, on risque vraiment, je le crois sincèrement, d’aller à l’échec.

C'est la raison pour laquelle je vous demande, chère collègue, de bien vouloir retirer l’amendement n° 535, pour en rester au texte initial.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. L’argumentaire du rapporteur est assez convaincant. Je comprends bien les objectifs visés par les auteurs de ces deux amendements.

Comme l’a relevé M. le rapporteur, l’amendement n° 887 rectifié vise non pas à écarter du dispositif les ménages aux revenus modestes, mais à souligner que la notion de revenus modestes ne fait l’objet d’aucune définition légale. Or on se réfère, pour cela, aux critères d’éligibilité aux aides de l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, ou au logement social.

En ce qui concerne l’amendement n° 535, je me demande si son adoption ne risquerait pas d’être contre-productive. Les aides de l’ANAH sont accordées sous condition de ressources ; il faut, par définition, avoir des revenus modestes.

Sur les 500 000 logements visés, 120 000 sont des logements sociaux. Après de très longs débats, les députés ont estimé que la moitié des logements devaient être occupés par des ménages aux revenus modestes. Aller plus loin, en prévoyant que les deux tiers des ménages soient modestes, pourrait porter atteinte aux classes moyennes.

En effet, il nous faut aussi aider les classes moyennes à réaliser des travaux de rénovation énergétique, d’autant que les personnes modestes, non imposables, bénéficient déjà, comme je l’ai dit, d’aides spécifiques, telles que les aides de l’ANAH ou au logement social.

M. Marc Daunis. Bien sûr !

Mme Ségolène Royal, ministre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement a créé des dispositifs visant à aider les ménages imposables à réaliser des travaux de rénovation, tels que le crédit d’impôt pour la transition énergétique – une mesure qui atteindra son plein effet pour les catégories moyennes et moyennes inférieures n’ayant pas aujourd'hui les moyens de réaliser des travaux – ou le prêt à taux zéro.

Ainsi, 100 000 prêts à taux zéro ont été demandés aux banques, qui bénéficient en contrepartie, je le rappelle, d’avantages fiscaux. Or de nombreux emprunteurs se sont vu refuser ce prêt. C’est pourquoi j’ai demandé aux préfets de mobiliser les banques sur les territoires pour qu’il en soit autrement.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit la création de sociétés de tiers financement, que certaines régions ont déjà mises en place, pour éviter aux ménages aux revenus moyens d’avancer les fonds relatifs aux travaux.

La combinaison de ces aides doit donc permettre aux ménages aux revenus moyens d’accéder – enfin ! – aux travaux de rénovation énergétique. Il serait contre-productif de les écarter de ce dispositif.

Je le répète, l’article 3 AA fixe comme objectif de rénover 500 000 logements par an, dont la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes, lesquels bénéficient d’aides spécifiques. Il s’agit donc d’un bon équilibre.

Si je puis me permettre, je vous suggère, madame Lienemann – vous avez d’ailleurs évoqué cette possibilité –, ainsi qu’à M. Requier, de vous rallier à l’amendement n° 679 rectifié de Mme Jouanno, qui sera examiné dans quelques instants et qui me paraît plus globalisant en termes de réduction de la précarité énergétique à l’horizon de 2020. En effet, ses dispositions n’écartent pas les classes moyennes, qui, je le répète, doivent pouvoir réaliser des travaux de rénovation énergétique, en vue de faire baisser leur facture énergétique et, donc, de gagner en pouvoir d’achat.

M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 887 rectifié est-il maintenu ?