Sommaire

Présidence de M. Jean-Pierre Caffet

Secrétaires :

MM. François Fortassin, Bruno Gilles.

1. Procès-verbal

2. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Article 33 septies D (nouveau)

M. Jean Desessard

Amendement n° 455 de M. Jean Desessard. – Retrait.

Amendement n° 838 rectifié de M. Bruno Retailleau. – Retrait.

Amendement n° 1761 rectifié du Gouvernement. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.

Amendement n° 1400 de Mme Éliane Assassi. – Devenu sans objet.

Articles additionnels après l'article 33 septies D

Amendement n° 130 rectifié bis de M. Dominique de Legge. – Rejet.

Amendement n° 573 rectifié de M. Hervé Maurey. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 33 septies

Amendement n° 1699 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles additionnels après l'article 33 septies

Amendement n° 969 rectifié ter de M. Jean-Pierre Leleux et sous-amendement n° 1791 de M. David Assouline. – Rejet du sous-amendement ; adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 1452 rectifié de M. Philippe Dallier. – Retrait.

Article 33 octies A (nouveau)

Amendement n° 1519 du Gouvernement. – Rejet.

Amendements identiques nos 194 rectifié decies de M. François Commeinhes et 591 rectifié de Mme Élisabeth Lamure. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Article additionnel après l'article 33 octies A

Amendement n° 135 rectifié de M. Albéric de Montgolfier. – Retrait.

Article 33 nonies (supprimé)

Article additionnel après l'article 33 nonies

Amendement n° 995 rectifié bis de Mme Catherine Morin-Desailly et sous-amendement n° 1792 de M. David Assouline. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié insérant un article additionnel.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

3. Questions d'actualité au Gouvernement

réforme des collèges

M. Patrick Abate, Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville

programme budgétaire

MM. François Marc, Manuel Valls, Premier ministre

programme de stabilité

MM. Vincent Delahaye, Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

programme de stabilité

MM. Jean Bizet, Manuel Valls, Premier ministre

politique du handicap

Mmes Hermeline Malherbe, Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

réforme des collèges

Mmes Corinne Bouchoux, Myriam El Khomri, secrétaire d’État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville

réforme des collèges

M. Jacques-Bernard Magner, Mme Myriam El Khomri, secrétaire d’État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville

programme de stabilité

MM. Albéric de Montgolfier, Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

politique vaccinale

M. Georges Labazée, Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

programme de stabilité

Mme Fabienne Keller, M. Manuel Valls, Premier ministre

zones blanches

MM. Philippe Adnot, Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

4. Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Sueur

5. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Article 34

M. Éric Bocquet

M. Patrick Abate

Amendements identiques nos 29 de Mme Éliane Assassi et 156 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet, par scrutin public, des deux amendements.

Amendement n° 1084 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1085 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1086 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 747 de Mme Élisabeth Lamure. – Adoption.

Amendement n° 796 de Mme Agnès Canayer. – Devenu sans objet.

Amendement n° 1087 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1088 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1089 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1092 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1569 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 1090 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1091 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Articles additionnels après l’article 34

Amendement n° 223 rectifié ter de M. Philippe Adnot. – Retrait.

Amendement n° 1455 rectifié bis de M. Francis Delattre. – Retrait.

Amendement n° 1722 de la commission et sous-amendement n° 1764 rectifié de M. Philippe Adnot. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié insérant un article additionnel.

Amendement n° 805 de M. Dominique de Legge. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 804 de M. Dominique de Legge. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 803 de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 237 rectifié de M. Alain Bertrand. – Devenu sans objet.

Amendement n° 243 rectifié de M. Jacques Mézard. – Devenu sans objet.

Amendement n° 802 de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 801 rectifié de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. – Retrait.

Suspension et reprise de la séance

6. Conférence des présidents

7. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Articles additionnels après l'article 34 (suite)

Amendement n° 1499 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 34 bis A (nouveau)

Amendements identiques nos 30 de Mme Éliane Assassi et 1520 du Gouvernement. – Adoption des deux amendements supprimant l’article.

Articles additionnels après l’article 34 bis A

Amendement n° 1496 rectifié bis du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 672 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur et sous-amendement n° 1720 rectifié de la commission. – Retrait de l’amendement, le sous-amendement devenant sans objet.

Article 34 bis B (nouveau)

Amendement n° 31 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.

Amendement n° 1571 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 34 bis C (nouveau)

Amendement n° 1093 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 34 bis

Amendement n° 1727 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 1094 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Articles additionnels après l'article 34 bis

Amendements identiques nos 94 rectifié septies de M. Michel Raison et 100 rectifié bis de M. Philippe Mouiller. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Amendement n° 1650 rectifié ter du Gouvernement et sous-amendement n° 1787 rectifié de la commission. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié insérant un article additionnel.

Article 35

Amendement n° 1095 de Mme Éliane Assassi. – Rejet par scrutin public.

Amendement n° 1096 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1726 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles additionnels après l’article 35

Amendement n° 1766 du Gouvernement. – Adoption.

Amendements identiques nos 175 rectifié bis de Mme Marie-Noëlle Lienemann et 752 rectifié de M. Francis Delattre. – Retrait des deux amendements.

Amendement n° 715 de M. Roger Karoutchi. – Rejet.

Amendement n° 812 rectifié ter de M. Jean-Marc Gabouty. – Retrait.

Amendements identiques nos 456 de M. Jean Desessard, 578 rectifié de Mme Françoise Laborde et 692 rectifié bis de M. Marc Daunis. – Rejet des trois amendements.

Renvoi de la suite de la discussion.

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

Secrétaires :

M. François Fortassin,

M. Bruno Gilles.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Articles additionnels après l’article 33 septies C (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 33 septies D (nouveau)

Croissance, activité et égalité des chances économiques

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (projet n° 300, texte de la commission n° 371, rapport n° 370, tomes I, II et III).

Nous poursuivons la discussion du texte de la commission spéciale.

TITRE II (suite)

INVESTIR

Chapitre Ier (suite)

Investissement

Section 1 (suite)

Faciliter les projets

M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de la section 1 du chapitre Ier du titre II, à l’article 33 septies D.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l'article 33 septies D

Article 33 septies D (nouveau)

Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :

1° La section 4 du chapitre II du titre Ier du livre II est complétée par un article L. 34-8-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 34-8-5. – Les zones, incluant les centre-bourgs ou des axes de transport prioritaires, non couvertes par tous les opérateurs de radiocommunications mobiles de deuxième génération, sont couvertes en services de téléphonie mobile de deuxième génération de voix et de données par l’un de ces opérateurs chargés d’assurer une prestation d’itinérance locale, dans les conditions prévues à l’article L. 34-8-1.

« Par dérogation au premier alinéa du présent article, la couverture en téléphonie mobile dans certaines zones est assurée, si tous les opérateurs de radiocommunications mobiles en conviennent, par un partage d’infrastructures entre les opérateurs.

« Les zones mentionnées au même premier alinéa sont identifiées par le représentant de l’État dans la région en concertation avec les départements et les opérateurs. En cas de différend sur l’identification de ces zones dans un département, les zones concernées sont identifiées au terme d’une campagne de mesures conformément à une méthodologie validée par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Le ministre concerné rend publique la liste nationale des zones ainsi identifiées et la communique à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

« Sur la base de la liste nationale définie au troisième alinéa et dans les deux mois suivant sa transmission aux opérateurs par le ministre, les opérateurs adressent audit ministre et à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes un projet de répartition entre les zones qui sont couvertes selon le schéma de l’itinérance locale et celles qui sont couvertes selon le schéma du partage d’infrastructures, un projet de répartition des zones d’itinérance locale entre les opérateurs, ainsi qu’un projet de calendrier prévisionnel de déploiement des installations passives et actives nécessaires, notamment les pylônes et les équipements et contrôleurs de stations de base. Le ministre approuve ce calendrier prévisionnel dans le mois suivant sa transmission par les opérateurs. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes se prononce sur les répartitions proposées, qui ne doivent pas perturber l’équilibre concurrentiel entre les opérateurs de téléphonie mobile, dans le mois suivant leur transmission par les opérateurs. La couverture d’une commune est assurée dans les trois ans suivant son identification par le ministre. » ;

2° Au second alinéa du 17° de l’article L. 32 et à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 34-8-1, les mots : « de deuxième génération » sont supprimés.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l’article.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons depuis hier soir des dispositions du projet de loi ayant trait aux ondes électromagnétiques et aux dangers que l’exposition à ces dernières peut représenter.

Un compromis sur ce sujet avait été trouvé au Sénat dans la loi du 9 février 2015 relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, dite « loi Ondes », qui avait d’ailleurs été repris par un vote conforme à l’Assemblée nationale.

Hier soir, monsieur le ministre, vous avez présenté un amendement n° 1501, qui portait sur trois points différents : l’un ne posait pas de problème ; un autre introduisait la notion de « présence prolongée », qui peut être considérée comme créant les conditions d’un flou juridique ; un dernier concernait certaines modalités techniques, et pouvait être sujet à interprétation. Cela dit, on peut penser que cet amendement respectait l’équilibre trouvé sur ce sujet par le Sénat et l’Assemblée nationale.

Monsieur le ministre, vous vous en êtes remis à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 333 présenté par Bruno Sido. Cela m’étonne, car le dispositif de cet amendement remet en cause l’équilibre trouvé dans la loi Ondes.

Bruno Sido n’a pas précisé la teneur de l’article L. 5232-1-2 du code de la santé publique que son amendement tendait à abroger, en prétendant ne pas la connaître. Cela peut se comprendre. Peut-être n’avait-il pas envie de le dire ?

Mme la rapporteur n’a pas non plus répondu à notre demande d’explication sur le sujet. Je considère que les équipes du Sénat ne doivent pas servir que la seule majorité ; elles doivent aussi aider les partis de la minorité sénatoriale à faire leur travail, en leur donnant les renseignements qu’ils demandent.

Je vais donc vous lire l’article en question, mes chers collègues, qui a été abrogé hier, car il m’intéressait d’en connaître les dispositions.

M. Hervé Maurey. C’est pour cela que vous êtes de mauvaise humeur !

M. Jean Desessard. Je suis de mauvaise humeur parce que je me suis senti floué, trompé, mon cher collègue. Ce n’est jamais agréable, vous en conviendrez !

M. Hervé Maurey. Tout à fait !

M. Jean Desessard. L’article L. 5232-1-2 du code de la santé publique disposait donc : « Est interdite toute publicité, quel que soit son moyen ou son support, ayant pour but la promotion de l’usage d’un téléphone mobile sans accessoire permettant de limiter l’exposition de la tête aux champs électromagnétiques émis par l’équipement. Le contrevenant est passible d’une amende maximale de 75 000 euros ».

En abrogeant cet article, mes chers collègues, on supprime la possibilité d’infliger une amende à celui qui ne respecte pas la loi.

Par ailleurs, le 1° de l’amendement n° 333 tendait à remplacer la notion de promotion « de l’usage » d’un téléphone mobile par celle de la promotion « directe ». Ce faisant, on autorise à ne prendre que le téléphone mobile en photo. Cela change tout ! Les publicités montrent généralement des personnes utilisant leur téléphone ; rarement le téléphone seul.

Dès lors, en s’en remettant à la sagesse du Sénat sur cet amendement n° 333 de M. Sido, monsieur le ministre, vous avez permis la suppression d’une disposition importante, qui interdisait la publicité pour les téléphones mobiles. Les opérateurs ont réussi à faire supprimer la possibilité d’infliger une amende, et à changer la nature même des dispositions de l’article du code de santé publique, puisque désormais l’encadrement de la promotion « de l’usage » d’un téléphone mobile, notion assez claire, est remplacé par l’encadrement de la promotion « directe », qui est très limitative.

Je regrette que nous n’ayons pas pris le temps de mieux étudier cette question hier soir. Je comprends qu’à minuit et quinze minutes, il n’est pas facile d’avoir un débat complètement documenté, d’autant que chacun d’entre nous aspire à voir la séance être levée quinze minutes plus tard…

M. Charles Revet. Il y avait tout de même beaucoup de sénateurs, cher collègue, et très attentifs encore !

M. Jean Desessard. C’est vrai, cher collègue. Je dois néanmoins reconnaître ne pas l’avoir été assez ; la résistance d’un Parisien n’est pas celle d’un Normand ! (Sourires.)

Je suis assez déçu que la loi Ondes, fruit d’un équilibre trouvé au Sénat et à l’Assemblée nationale, ait été ainsi remise en cause, monsieur le ministre.

Je suis aussi déçu de n’avoir pas eu plus de renseignements sur le sujet de la part de la commission spéciale.

Je regrette, enfin, que Bruno Sido ait voulu dissimuler les informations que nous lui demandions de donner. C’est qu’il avait peut-être un intérêt direct à ne pas le faire.

C’est en définitive un épisode à mon avis regrettable, mes chers collègues.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. Monsieur Desessard, il ne vous aura pas échappé que, lorsque nous avons examiné l’amendement n° 333 de M. Sido, la commission spéciale, n’ayant pas véritablement compris les implications sous-jacentes qu’aurait eues son adoption, et n’ayant pas disposé des informations nécessaires pour se prononcer sur le sujet lors de ses travaux, a pris le soin de demander l’avis du Gouvernement.

Il revenait donc au Gouvernement de vous donner son avis ! M. le ministre a préféré s’en remettre à la sagesse du Sénat, sans entrer véritablement dans le fond du sujet. Je renvoie donc au Gouvernement le soin de vous répondre, mon cher collègue.

Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. Très bien !

M. le président. L’amendement n° 455, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Le présent amendement vise à préserver des « zones blanches » pour les personnes électrosensibles.

Je note tout d’abord que l’article 33 septies D est redondant avec une disposition figurant dans le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou NOTRe, qui lui est identique. Pourquoi se répéter ?

Je comprends que tout le monde veuille une couverture en téléphonie mobile de l’ensemble du territoire. C’est le sens en effet du présent article, qui tend à mettre en œuvre une obligation de couverture des zones dites « grises » et « blanches » de téléphonie mobile, en recourant à la prestation d’itinérance locale ou à la mutualisation des infrastructures.

Je vous l’accorde, mes chers collègues, l’objectif de cet article est louable. Il s’inscrit dans la continuité de la proposition de loi visant à assurer l’aménagement numérique du territoire, dite « Leroy-Maurey », et vise à réduire la fracture numérique territoriale, pour qu’il n’y ait pas de citoyens de seconde zone, qui soient exclus des technologies de l’information.

M. Jean Desessard. Cependant, cette disposition passe sous silence un aspect important de la réalité du développement de la téléphonie mobile sur notre territoire : l’électrosensibilité. Un nombre croissant de nos concitoyens vivent en effet des souffrances, que de plus en plus de scientifiques imputent à l’exposition aux champs électromagnétiques. Il s’agit, plus précisément, du syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques.

Certains nient ce syndrome ; d’autres constatent en revanche un accroissement de l’hypersensibilité aux ondes électromagnétiques. Il serait d’ailleurs intéressant que les pouvoirs publics se saisissent du sujet, car, depuis l’étude menée en 2009 par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, force est de constater qu’aucun autre document officiel n’a abordé la question.

En résumé, nous sommes favorables à l’extension de la couverture, afin que chacun ait la possibilité d’utiliser un téléphone mobile. Sur ce point, nos positions convergent. Mais il faudrait tout de même prévoir des zones spéciales pour les personnes électrosensibles.

Certains d’entre nous ne supportent pas les ondes, et nous ne disposons pas, aujourd’hui, de lieu pour les accueillir. Jusqu’à présent, ces personnes pouvaient se réfugier dans les zones blanches. Mais si l’on fait disparaître complètement celles-ci, les personnes électrosensibles n’auront plus d’endroit où aller, ce qui constituera un facteur important d’exclusion sociale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. Nous ne contestons pas le fait que certains de nos concitoyens sont particulièrement sensibles à ce type d’ondes et peuvent vouloir s’en tenir écartés. Pour autant, la couverture des zones blanches et grises n’aboutira pas à une couverture complète du territoire. Seront uniquement concernés les villes et les hameaux, et encore selon des critères assez souples, puisque l’obligation de couverture concerne les seuls centres-bourgs. Dès lors, il restera un certain nombre de zones préservées.

Je rappelle que, selon le rapport de notre collègue Hervé Maurey consacré à l’aménagement numérique des territoires, rapport datant de 2011, 2,3 % de la surface du territoire métropolitain, soit environ 12 600 kilomètres carrés, n’est pas couverte par un seul opérateur.

La commission spéciale émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 455.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Je tiens tout d’abord à répondre à la première intervention de M. Jean Desessard et à rassurer celui-ci sur le fait que, dans la perspective de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, et si, faute d’une discussion suffisante, une erreur a été commise, je suis tout à fait prêt à revenir sur le sujet.

En m’en remettant, hier, à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement n° 333 de M. Bruno Sido, j’acceptais que l’on modifie l’article L. 5232-1-1 du code de la santé publique. J’en rappelle les termes : « Toute publicité, quel que soit son moyen ou son support, ayant pour but la promotion de l’usage d’un téléphone mobile pour des communications vocales mentionne de manière claire, visible et lisible l’usage recommandé d’un dispositif permettant de limiter l’exposition de la tête aux émissions radioélectriques émises par l’équipement ».

En fait, ce que nous avons supprimé, c’est une obligation de mentionner systématiquement l’oreillette dans la publicité.

M. Jean Desessard. C’est l’article L. 5232-1-2 qui pose problème !

M. Emmanuel Macron, ministre. De la même manière, cet article ne consacre pas une obligation de fond.

M. Jean Desessard. Il prévoit une amende de 75 000 euros.

M. Emmanuel Macron, ministre. Certes, mais, de nouveau, nous traitons, non pas d’une obligation de santé publique, mais d’une question de publicité. Je vois donc plutôt, dans les mesures adoptées, un élément de simplification, s’inscrivant dans la lignée de nos discussions d’hier. C’est bien l’obligation d’afficher systématiquement l’oreillette dans toute publicité qui est supprimée, ce qui n’a rien à voir avec une obligation de port de l’oreillette.

Ainsi, selon l’article L. 5232-1-2, « est interdite toute publicité, quel que soit son moyen ou son support, ayant pour but la promotion de l’usage d’un téléphone mobile sans accessoire permettant de limiter l’exposition de la tête aux champs électromagnétiques émis par l’équipement. Le contrevenant est passible d’une amende maximale de 75 000 euros. »

L’adoption de l’amendement n° 333 va donc dans le sens d’une simplification. Dans un souci de clarté des débats, pour que tout le monde comprenne bien ce dont il est question, je tenais à remettre le sujet en perspective, mais, entre nous, il m’apparaît comme un sujet de second rang au regard de notre discussion et des apports de la loi du 9 février 2015 relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, la loi ondes. Nous ne traitons ici, j’y insiste, que des questions d’obligations en matière de publicité.

Néanmoins, je suis prêt à reprendre la discussion à froid, monsieur Desessard, afin que vous n’ayez pas le sentiment d’avoir été lésé. Je m’engage donc à ce que ce dialogue ait lieu, en tout cas si nous avons raté un élément, mais le sujet me semble vraiment mineur.

Par ailleurs, vous avez soulevé, dans votre deuxième intervention, l’importante question des personnes électro-sensibles.

Il me paraît nécessaire, mesdames, messieurs les sénateurs, que, dans le cadre de vos débats sur le projet de loi de modernisation de notre système de santé, vous puissiez réfléchir aux dispositifs utiles sur le sujet, car, effectivement, c’est un problème avéré, qu’il faut considérer avec sérieux et ne pas négliger.

Je partage donc la préoccupation exprimée. Ce n’est pas parce que toutes les réponses n’ont pas encore été apportées sur le plan scientifique que la problématique est mineure, et nous devons veiller à la traiter sur le plan de la santé publique. Tel est, en tout cas, l’engagement que je voulais porter à la suite de l’intervention de M. Jean Desessard.

S’agissant maintenant de l’amendement n° 455, je pense que la commission spéciale a pris une bonne initiative en en relançant le sujet dans le cadre de ce projet de loi.

La discussion que nous menons depuis deux jours témoigne d’une approche cohérente de toutes les mesures relatives à la couverture du territoire en matière de téléphonie. Compte tenu de l’importance de l’enjeu économique, le Gouvernement a la volonté d’enrichir le texte de ces éléments. Mais le sujet rassemble à la fois des objectifs économiques, des objectifs environnementaux et de santé publique – nous venons de les évoquer – et des objectifs d’aménagement du territoire. Par conséquent, nous ne pouvons en faire l’économie ici.

Certes, la question a été déjà été traitée dans le cadre du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dit NOTRe. Mais, comme j’aurai l’occasion de l’expliquer en présentant l’amendement que le Gouvernement portera à cet article 33 septies D, le dispositif que nous proposons est un peu différent sur le plan juridique et a toute sa cohérence dans le présent texte. Le Gouvernement souhaite donc qu’il y soit intégré. Ainsi, nous aurons adopté, dans une rédaction plus précise, des mesures qui pourront entrer en vigueur plus rapidement, ce qui, compte tenu de l’importance de ces sujets, me semble préférable.

J’invite donc M. Desessard à retirer l’amendement n° 455, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je voudrais signaler à l’attention de mon collègue et ami Jean Desessard que, si certaines personnes sont électro-sensibles, on trouve aussi dans la population des « personnes électro-insensibles par contrainte » : les ruraux, sur une bonne partie du territoire !

Peut-être qu’en attendant de régler définitivement leur problème, nous pouvons recommander aux personnes électro-sensibles de s’installer dans ces villages où, par manque de couverture en téléphonie mobile, elles ne risquent strictement rien. Mais, dans l’immédiat, l’urgence me paraît tout de même d’assurer une couverture maximale du territoire. En effet, qu’on le veuille ou pas, la possibilité de faire usage d’un téléphone portable représente un élément de modernité n’ayant rien d’exceptionnel.

Bien évidemment, des précautions sont nécessaires, mais il est des urgences plus grandes, me semble-t-il. Je suis donc quelque peu étonné de voir, alors même que la couverture du territoire est insuffisante, que l’on se préoccupe en priorité de ce problème, celui-ci, au demeurant, me paraissant plutôt difficile à résoudre en dehors d’une pratique individuelle.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Dans mon intervention, j’ai tout de même expliqué comprendre que chacun devait pouvoir bénéficier d’une couverture. Mais il serait aussi problématique que personne ne prenne en compte une catégorie de la population qui souffre. Certes, on peut considérer le traitement des questions générales comme nécessaire et prioritaire, mais une personne électro-sensible qui ne peut plus résider ou travailler dans certaines zones rencontre une difficulté cruciale.

J’ai bien saisi, à l’écoute des différentes interventions, que le problème n’était pas nié. Je ne pense pas, monsieur Collombat, qu’il soit insoluble, même s’il est difficile à régler. M. le ministre m’a assuré que la question serait soit prise en compte dans le cadre de l’examen du projet de loi santé, soit mise à l’étude. Du fait de cette attention portée au sujet, j’accepte de retirer mon amendement n° 455.

Je remercie également M. le ministre d’avoir pris le temps de répondre à mon intervention liminaire. Je n’ai pas tout à fait la même lecture que lui, mais sa réponse a au moins le mérite d’expliciter les propos d’hier soir et l’avis qu’il a formulé. Pour ma part, je reste persuadé que la décision prise porte atteinte à l’équilibre de la loi Ondes.

M. le président. L'amendement n° 455 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 838 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, G. Bailly, Baroin, Bignon, Bizet, Bonhomme, Bouchet, Bouvard, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Chasseing, Commeinhes, Courtois, Danesi et Darnaud, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deromedi, Deseyne et di Folco, MM. Doligé et P. Dominati, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Emorine, Falco, Forissier, Fouché et B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grand, Gremillet, Grosdidier et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Houel, Huré et Hyest, Mme Imbert, MM. Joyandet, Kennel, Laménie et Laufoaulu, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Leleux, Lemoyne, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre, Pintat, Pinton et Portelli, Mme Primas, MM. de Raincourt, Raison, Revet, D. Robert, Saugey, Savin, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vasselle, Vogel et Dufaut, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Les zones non couvertes en services de radiocommunication mobile de deuxième et troisième générations à la date de promulgation de la présente loi et identifiées en tant que telles par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sont couvertes par ces technologies d’ici le 31 décembre 2016. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes formule des propositions d’amélioration de la couverture de ces zones.

Un décret en Conseil d’État fixe les modalités techniques permettant d’atteindre l’objectif mentionné au premier alinéa.

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Avec cet amendement, que, conjointement à d’autres collègues, j’ai eu l’honneur de déposer, mais aussi avec l’amendement suivant proposé par le Gouvernement, nous abordons la question de la couverture du territoire en matière de téléphonie mobile.

Comme nous tous, monsieur le ministre, vous avez lu les travaux de Christophe Guilluy sur la fracture territoriale française…

Mme Nicole Bricq. Ils sont contestés !

Mme Nicole Bricq. En tout cas, il y a débat !

M. Pierre-Yves Collombat. Il y a un problème aussi !

M. Bruno Retailleau. Les élections européennes et départementales ont malheureusement apporté, dans leur verdict, la confirmation de ces analyses : une partie des territoires de France – la ruralité, mais pas seulement – se sent abandonnée, en matière tant de présence des services publics que de couverture numérique du territoire.

Voilà exactement douze ans que j’ai entendu prononcer, pour la première fois, l’expression : « couverture des zones blanches ». À l’époque, un premier programme – gouvernemental – avait été lancé. Il prétendait régler le problème en quelques années. Nous étions en 2003, voilà de cela douze ans ! Un autre accord a été conclu en 2010, prévoyant notamment une mutualisation des fréquences, que l’on a désignée sous le terme barbare de « RAN sharing ».

Pourtant, aujourd’hui encore, de larges pans du territoire sont toujours situés en zone blanche. Il s’agit soit de zones classées comme telles, soit de zones qui ne sont pas considérées comme des zones blanches au sens de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, mais qui, de fait, le sont. Effectivement, la méthode de calcul utilisée, dans les études, pour identifier les zones blanches présente un biais.

J’ajoute que la qualité de service en matière de téléphonie mobile, qui n’est pas mesurée par l’ARCEP sur une très grande part du territoire, s’est dégradée, les opérateurs investissant sur la 4G – on ne peut pas leur en vouloir – et l’explosion du trafic – data, vidéo, et autres – ayant entraîné une dégradation des anciens réseaux.

Les zones blanches existent donc, et je prétends, mes chers collègues, qu’elles sont plus larges encore qu’elles ne l’étaient voilà quelques années.

Il faut donc mettre un terme à cette situation. Le Premier ministre a fait des annonces en ce sens, et cet amendement n° 838 rectifié vise un objectif précis, en fixant un délai de dix-huit mois pour régler l’affaire définitivement. Des moyens seraient alors demandés à l’ARCEP, peut-être par le biais d’un décret.

J’ajoute que le problème concerne non plus la 2G, mais à tout le moins la 3G. Imaginer que l’on puisse résoudre le problème des zones blanches en France avec la 2G, c’est effectivement faire insulte à tous les Français qui vivent dans ces zones périphériques, bien souvent abandonnées de tous.

M. le président. L'amendement n° 1761 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le chapitre Ier du titre V de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est complété par des articles 52-1 et 52-2 ainsi rédigés :

« Art. 52-1. – I. – La liste nationale mentionnée au III de l’article 52 est complétée par une liste comportant les zones suivantes :

« 1° Les centre-bourgs de communes qui répondent aux critères fixés au premier alinéa du même III ;

« 2° Les anciens centre-bourgs de communes ayant fusionné avec une autre commune au cours d’une période de cinquante ans précédant la date de promulgation de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques identifiés comme n’étant couverts par aucun exploitant d’un réseau mobile ouvert au public, titulaire d’une autorisation d’utilisation de fréquences radioélectriques.

« II. – Cette liste est arrêtée conjointement par le ministre chargé des communications électroniques et le ministre chargé de l’aménagement du territoire dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la loi n° … du … précitée, en concertation avec l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, les représentants des collectivités territoriales et les exploitants des réseaux précités.

« III. – Les zones inscrites dans la liste mentionnée au II du présent article sont couvertes en services de téléphonie mobile de deuxième génération dans les conditions prévues à l’article 52 avant le 31 décembre 2016 ou au plus tard dans un délai de six mois suivant la mise à disposition effective des infrastructures par les collectivités territoriales ou leurs groupements.

« Art. 52-2. – Les zones résiduelles du programme d’extension de la couverture par les réseaux de téléphonie mobile de deuxième génération sont couvertes en services de téléphonie mobile de deuxième génération avant le 31 décembre 2016 ou, lorsqu’une mise à disposition d’infrastructure par les collectivités territoriales ou leurs groupements est prévue, au plus tard dans un délai de six mois suivant leur mise à disposition effective.

« On entend par zones résiduelles du programme d’extension de la téléphonie mobile de deuxième génération :

« 1° Les zones de la liste nationale mentionnée au III de l’article 52 non couvertes en services de téléphonie mobile de deuxième génération à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ;

« 2° Les zones que les opérateurs de communications électroniques, titulaires, à la date d’entrée en vigueur de la même loi, d’une autorisation d’utilisation de fréquences radioélectriques pour l’exploitation d’un réseau mobile ouvert au public de deuxième génération, se sont engagés à couvrir par voie conventionnelle en services de téléphonie mobile de deuxième génération dans le cadre d’un partage des réseaux mobiles ouverts au public. »

II. – Après l’article 119 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, sont insérés des articles 119-1 et 119-2 ainsi rédigés :

« Art. 119-1. – I. – La couverture en services mobiles de troisième génération des zones identifiées en application de l’article 119 par les opérateurs de communications électroniques, titulaires, à la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, d’une autorisation d’utilisation de fréquences radioélectriques pour l’exploitation d’un réseau mobile ouvert au public de troisième génération, est réalisée au plus tard le 30 juin 2017.

« Lorsque l’une de ces zones est couverte en services mobiles de quatrième génération par ces mêmes exploitants, elle est réputée couverte au sens du premier alinéa du présent article.

« II. – Dans les deux mois suivant la promulgation de la loi précitée, les opérateurs de communications électroniques, titulaires, à la date d'entrée en vigueur de cette même loi, d’une autorisation d’utilisation de fréquences radioélectriques pour l’exploitation d’un réseau mobile ouvert au public de troisième génération, adressent conjointement à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et au ministre chargé des communications électroniques les projets de conventions portant sur les modalités techniques et financières du partage des installations de réseau de communications électroniques mobiles prévu à l’article 119, la répartition entre les opérateurs de la responsabilité du déploiement sur chacune des zones en cause, le calendrier prévisionnel de ce déploiement et de mise à disposition de prestations de partage par l’opérateur responsable sur chacune des zones, ainsi que le calendrier de disponibilité des services mobiles de chacun des opérateurs sur chacune des zones. Les prestations de chaque opérateur sont proposées dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires.

« L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes vérifie la conformité du projet au cadre réglementaire applicable et, le cas échéant, donne son approbation à ce projet.

« En l’absence de transmission conjointe par les opérateurs d’un projet, en cas de non-conformité de ce projet au cadre réglementaire applicable, ou en cas de défaut de mise en œuvre des conventions conclues, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes fixe la répartition des zones entre opérateurs et le calendrier de déploiement des zones concernées par chaque opérateur dans les conditions définies à l’article L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques et, le cas échéant, les modalités techniques et financières du partage d’installations actives dans les conditions définies à l’article L. 34-8 du même code.

« Art. 119-2. – La couverture des zones mentionnées à l’article 52-1 de la loi n° 2004-575 pour la confiance dans l’économie numérique en services mobiles de troisième ou quatrième génération est réalisée avant le 31 décembre 2016 ou au plus tard dans un délai de six mois suivant la mise à disposition effective des infrastructures par les collectivités territoriales ou leurs groupements, dans les conditions prévues au II de l’article 119-1 de la présente loi et à l’article L. 34-8-1-1 du code des postes et des communications électroniques, par les opérateurs de communications électroniques, titulaires d’une autorisation d’utilisation de fréquences radioélectriques pour l’exploitation d’un réseau mobile ouvert au public. »

III. – Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 34-8-4, il est inséré un article L. 34-8-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 34-8-5. – Dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, l’État, les représentants des collectivités territoriales et les opérateurs de communications électroniques, titulaires d’une autorisation d’utilisation de fréquences radioélectriques pour l’exploitation d’un réseau mobile ouvert au public, concluent une convention définissant les conditions dans lesquelles la couverture des zones où aucun service mobile n’est disponible à la date de publication de la loi n° … du … précitée est assurée, à l’exception des zones identifiées en application du III de l’article 52 ou des articles 52-1 et 52-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ou des articles 119, 119-1 et 119-2 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

« Elle prévoit notamment les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, après avoir constaté une carence d’initiative privée, mettre à disposition des exploitants une infrastructure comprenant un point haut support d’antenne, un raccordement à un réseau d’énergie et un raccordement à un réseau fixe ouvert au public, permettant d’assurer la couverture de la zone en cause en services mobiles de deuxième génération et de troisième ou quatrième génération, dans des conditions techniques et tarifaires raisonnables.

« Les opérateurs informent conjointement l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes des obligations individuelles qu’ils ont respectivement contractées dans le cadre de la mise en œuvre de la convention mentionnée au premier alinéa du présent article. » ;

2° L’article L. 35-1 est ainsi modifié :

a) Au 2°, les mots : « et électronique » sont remplacées par les mots : « ou électronique » ;

b) Le 3° est abrogé ;

c) Au 4°, les références : « , 2° et 3° » sont remplacées par la référence : « et 2° » ;

3° Au premier alinéa de l’article L. 35-2, les mots : « pour la composante du service universel mentionnée au 3° de l’article L. 35-1 ou » sont supprimés et les mots : « du même article » sont remplacés par les mots : « de l'article L. 35-1 » ;

4° Le premier alinéa de l’article L. 35-2-1 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « ou la composante du service universel mentionnée au 3° du même article » sont supprimés ;

b) À la seconde phrase, la référence : « ou au 3° » est supprimée ;

5° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 35-4, les mots : « et électronique » sont remplacés par les mots : « ou électronique » ;

6° Après le 5° de l’article L. 36-6, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° Les prescriptions applicables aux conditions techniques et tarifaires pour l’accès à l’infrastructure mentionnée à l’article L. 34-8-5, conformément aux I et IV de l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales. » ;

7° L’article L. 36-7 est complété par un 9° ainsi rédigé :

« 9° Fixe, le cas échéant, les obligations de chacun des opérateurs de communications électroniques, titulaires d’une autorisation d’utilisation de fréquences radioélectriques pour l’exploitation d’un réseau mobile ouvert au public de troisième génération, afin d’assurer la couverture en services mobiles de troisième génération des zones identifiées en application de l’article 119 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. » ;

8° Après l’article L. 36-10, il est inséré un article L. 36-10-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 36-10-1. – L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes a pour mission de veiller au respect :

« 1° Du III de l’article 52 et des articles 52-1 et 52-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ;

« 2° Des articles 119, 119-1 et 119-2 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ;

« 3° De la couverture en téléphonie mobile des zones mentionnées aux 1° et 2° du présent article, ainsi que de celles qui n’étaient pas couvertes en 2003 et qui l’ont été par la mise en œuvre d’un partage de réseau radioélectrique ouvert au public par voie conventionnelle entre les opérateurs ;

« 4° Des obligations contractées par chacun des opérateurs en application de l’article L. 34-8-5. »

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à préciser et à compléter l’initiative prise par la commission spéciale, et va dans le sens des dispositions présentées à l’instant par M. Bruno Retailleau. C’est pourquoi, d’ailleurs, je demanderai à ce dernier de bien vouloir retirer son amendement n° 838 rectifié au bénéfice de celui du Gouvernement, qui présente une solution plus complète, s’inscrivant dans la lignée des annonces faites par le Premier ministre le 13 mars dernier.

Je souscris pleinement aux propos qui viennent d’être tenus. D’ailleurs, on peut percevoir, depuis que nous évoquons ces sujets, un net consensus sur toutes les travées quant à cette question. Celle-ci fait partie de ces thématiques qui sont essentielles à la fois pour la reconquête économique, mais aussi pour la reconquête démocratique. Nous parlons d’une absence d’accès à la connaissance et à la capacité économique ! Et, indépendamment des statistiques officielles, que je rappelais l’autre jour et qui, on le voit bien, sont en décalage avec la réalité, cette privation est aujourd’hui devenue un élément de révolte.

Cet amendement vise donc à mettre en vigueur un plan d’action global, car, effectivement, nous avons trop attendu collectivement. Dans la lignée de nos discussions d’hier, et compte tenu de la pression accrue sur les opérateurs, il m’apparaît que des mesures concrètes s’imposent.

Nous devons mettre en œuvre un plan combiné, et non séquentiel, sur la 2G et la 3G. Vous avez raison, monsieur Retailleau, la 2G à elle seule ne suffirait pas, et nous ne pourrions considérer avoir traité le problème en nous contentant de mesures concernant la 2G.

Il n’en demeure pas moins que certaines zones ne sont couvertes ni en 2G ni en 3G. Nous procéderons donc à l’achèvement du programme de résorption des zones blanches de téléphonie mobile 2G, en actualisant la liste des communes à couvrir. La liste complète de ces communes sera rapidement arrêtée, en liaison avec le Commissariat général à l’égalité des territoires, les associations d’élus, l’ARCEP et les opérateurs. Notre but sera de permettre une couverture de l’ensemble des communes par tous les opérateurs d’ici à la fin de 2016.

Le programme « zones blanches » sera étendu à la 3G, avec un calendrier de réalisation. Il est proposé que les 2 900 sites restant à couvrir en 3G soient réalisés d’ici à la mi-2017.

Quel est le sens d’inscrire tout cela dans la loi en faisant par ailleurs référence à l’ARCEP ? L’idée est de définir à la fois la liste des communes, les objectifs dans le temps et de donner la possibilité à l’ARCEP de faire respecter le programme en usant de ses pouvoirs de sanction. Jusqu’à présent, tel n’était pas le cas. Nous ne nous étions jamais collectivement engagés. C’est la même philosophie qui sous-tend votre amendement, monsieur Retailleau : dorénavant, les opérateurs qui ne respecteront pas les engagements fixés par la loi pourront être sanctionnés par l’ARCEP. Une gradation des sanctions est prévue, passant par des amendes, mais pouvant aller jusqu’à des sanctions pénales ou des retraits de capacité à exploiter le réseau.

Deuxièmement, il est prévu de mettre en place un guichet permettant le financement de compléments locaux de couverture mobile, à la demande des collectivités. Notre idée est d’instaurer un guichet unique, et non plus une liste limitative, capable de traiter au fil de l’eau les demandes des collectivités territoriales. Ce guichet sera créé au sein de la Direction générale des entreprises, en lien avec le Commissariat général à l’égalité des territoires, en association avec l’Assemblée des départements de France, l’ADF, l’Association des régions de France, l’ARF, l’ARCEP et les représentants des opérateurs.

Cette entité – vous avez été plusieurs à le souligner hier, en particulier M. Retailleau – répond à l’idée selon laquelle l’État doit se donner plus de moyens. Vous avez raison. C’est l’objectif assigné à cette agence du numérique qui, en son sein, regroupera la mission « très haut débit ». Cette mission a permis d’organiser les choses, mais il convient de lui accorder davantage de moyens. Des fonctionnaires doivent notamment être à la disposition des collectivités territoriales. Il est important que ce guichet unique – ce sera inscrit dans la loi – vienne soutenir cette initiative. Il faut à la fois surveiller les actions qui sont conduites, mais également prévoir un appui intellectuel opérationnel. À cette fin, les collectivités bénéficieront d’un cofinancement par l’État des équipements installés auxquels l’ensemble des opérateurs auront l’obligation de se raccorder.

Troisièmement, je souhaite insister sur les mesures en vue d’accélérer la résorption des zones grises de la téléphonie et d’améliorer la couverture à l’intérieur des logements. Un accord à cet égard sera conclu rapidement avec les opérateurs mobiles pour la mise à disposition des solutions adaptées, qu’il s’agisse des femtocellules, des picocellules, etc. Je ne reviendrai pas sur ce débat que vous avez certainement dû avoir. Ces solutions sont à faibles coûts et interopérables, ce qui permettra de mieux satisfaire les besoins.

Ici, l’objectif du Gouvernement est de traduire les obligations en matière de couverture mobile des zones rurales, en proposant en parallèle que le service universel de télécommunication soit modernisé.

Quatrièmement, le corrélat de ces avancées et de cette mise sous contrainte est la suppression de la composante publiphonie du service universel. Aujourd'hui, les opérateurs se réfugient derrière l’existence des fameuses cabines téléphoniques, lesquelles ont été sous-investies. Si nous voulons les maintenir, il faudra réinvestir et trouver de l’argent. Nous sommes donc en quelque sorte dans un équilibre sous-optimal. Nous demandons aux opérateurs d’accroître leurs investissements et d’être plus exigeants en termes de couverture. Dans le même temps, nous proposons de sortir la publiphonie du service universel, mais de manière strictement parallèle : tant que les obligations en matière de couverture en 2G et 3G ne seront pas remplies, nous n’accepterons pas de recul en ce qui concerne la publiphonie.

Somme toute, à l’heure actuelle, l’accès au service universel n’est plus la cabine téléphonique, mais la couverture 3G. À partir du moment où les opérateurs se conformeront dans un endroit donné à leurs obligations en matière de couverture 3G, la notion de service universel sera remplie et nous pourrons nous désengager sur la publiphonie. Cette évolution répond aux préconisations de MM. Camani et Verdier dans leur rapport parlementaire sur l’évolution du service universel des communications électroniques : ils avaient bien constaté l’obsolescence de la publiphonie comme composante principale du service universel. C’est pourtant le régime sous lequel nous vivons…

La désaffection de l’utilisation des publiphones aujourd'hui est très rapide. Je citerai un chiffre, afin que nous l’ayons tous en tête : le trafic des cabines représentera, à la fin de l’année 2015, moins de 1 % de ce qu’il représentait en 2000. Notre exigence est donc non pas de réinvestir dans des cabines, dont l’obsolescence technologique nécessiterait de mettre sur la table plusieurs dizaines de millions d’euros, mais d’achever la couverture 2G et 3G. D’autres pays sont allés largement en ce sens, qu’il s’agisse de l’Allemagne, du Danemark ou du Luxembourg. Nous pourrons revenir sur ce point dans la suite du débat, si vous le souhaitez.

L’amendement du Gouvernement a pour objet de garantir à court terme la couverture mobile de l’ensemble des centres-bourgs des communes françaises. C’est la réponse légitime, me semble-t-il, à la préoccupation que vous avez exprimée hier comme aujourd'hui, et dont nous nous soucions. Nous sommes pleinement d’accord avec vous, raison pour laquelle nous proposons d’inscrire pour la première fois dans la loi des engagements fermes.

M. le président. L'amendement n° 1400, présenté par Mme Assassi, M. Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

… - L’article L. 1615-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les collectivités territoriales et leurs groupements bénéficient également des attributions du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre des dépenses d’investissement réalisées en vertu des dispositions de l’article de la loi n° … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. »

… - L’augmentation du prélèvement sur recettes découlant, pour l’État, de l’application du paragraphe ci-dessus, est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement tend à rendre éligibles les dépenses des collectivités pour l’équipement numérique de leur territoire au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA.

Sans rouvrir le débat sur les zones blanches et grises, je souligne que les collectivités délaissées préfèrent effectuer elles-mêmes les investissements nécessaires pour attirer les opérateurs, dans un objectif évident d’améliorer la vie de leurs concitoyens sur leur territoire. La question de la légitimité de ces investissements n’en demeure pas moins posée.

Nous l’avons encore rappelé hier soir, nous sommes favorables à un dispositif contraignant pour les opérateurs privés, les obligeant – il s’agit en effet d’un service d’intérêt général – à desservir toutes les zones quand bien même certaines d’entre elles ne constituent pas une source de bénéfices suffisante.

Cependant, a minima, nous pensons que les collectivités investissant pour supprimer les zones blanches et grises dans ce secteur doivent bénéficier du FCTVA.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement n° 838 rectifié a un objectif similaire à celui de l’article 33 septies D adopté par la commission spéciale dans le cadre de ses travaux, même si sa formulation est un peu différente et moins détaillée. Voilà pourquoi la commission s’en était remis à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Il se trouve qu’entre-temps le Gouvernement a déposé l’amendement n° 1761 rectifié qui devrait donner satisfaction aux auteurs de l’amendement n° 838 rectifié. Le Gouvernement répond aux attentes formulées par la commission, d’abord en intégrant dans le texte l’article 33 septies D actuel, qui est à l’initiative de Jacques Mézard, puis en émettant un avis de sagesse sur l’amendement de Bruno Retailleau qui vise à prévoir un système alternatif de couverture des zones blanches.

Cet amendement du Gouvernement nous paraît aller dans le bon sens. Pour autant, compte tenu de son dépôt tardif, de sa longueur et de sa complexité, il soulève un certain nombre de questions. Il ne nous a matériellement pas été possible d’en mesurer l’impact réel, même si M. le ministre, à l’instant, vient de compléter son argumentaire et d’apporter un certain nombre de réponses.

Néanmoins, nous sommes en droit de nous interroger sur la faisabilité du dispositif qui prévoit la fin du programme de couverture des zones blanches en 2G d’ici à la fin de l’année 2016, c'est-à-dire à très courte échéance. Selon les chiffres, 170 communes restent encore à couvrir. En raison des difficultés liées à l’implantation de nouvelles antennes, cela constitue un réel défi, vous nous l’accorderez.

Par ailleurs, des questions subsistent sur le coût pour les opérateurs qui auront à installer de nouvelles antennes. Monsieur le ministre, vous avez évoqué à l’instant la possibilité d’un cofinancement pour les collectivités. Cette solution demeure tout de même vague. Quelle sera la nature de ce cofinancement ? Pourriez-vous nous donner des informations supplémentaires sur ce point.

Vous avez également évoqué la création d’un guichet couverture unique ouvert aux collectivités souhaitant favoriser l’implantation de sites d’émission, mais sans préciser le périmètre de celui-ci. Quel sera-t-il ?

Enfin, en ce qui concerne la suppression de la composante publiphonie, vous avez cité des chiffres sur les cabines téléphoniques. La commission spéciale aurait souhaité disposer également d’une analyse d’impact de la mesure.

Pour toutes ces raisons, tout en estimant que l’amendement du Gouvernement constitue une avancée – elle a été permise, je le rappelle, à la fois par l’article 33 septies D introduit par la commission spéciale et par l’amendement n° 838 rectifié, défendu par M. Retailleau –, avancée que nous saluons les uns et les autres dans cet hémicycle, la commission spéciale s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 1761 rectifié.

L’amendement n° 1400 prévoit, quant à lui, que les collectivités bénéficient du financement des collectivités par le Fonds de compensation pour la TVA au titre de leurs investissements en matière d’aménagement numérique. Sa rédaction nous semble très floue. Elle ne détermine pas quel type d’investissement précis ces financements sont censés soutenir : référence est faite au présent projet de loi sans spécifier un article en particulier. En outre, les collectivités sont déjà éligibles au Fonds national pour la société numérique, qui dispose de 1 670 millions d’euros consacrés au développement des réseaux à très haut débit. Elles peuvent également requérir auprès de lui des subventions pour le financement des réseaux d’initiative publique. La commission spéciale a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° 838 rectifié. À défaut, il s’en remettra à la sagesse du Sénat. Certes, l’amendement du Gouvernement est plus détaillé que celui qu’a présenté M. Retailleau, mais nous poursuivons les mêmes fins.

Le Gouvernement est en revanche défavorable à l’amendement n° 1400 pour les raisons qui ont été évoquées par la commission spéciale. Si vous le voulez, nous pourrions de nouveau avoir ce débat sur les modalités de financement et le recours au FCTVA. J’en profiterai néanmoins pour répondre en creux à une question qui m’a été posée.

Votre amendement, monsieur Foucaud, vise à permettre aux collectivités territoriales de bénéficier du FCTVA pour les dépenses d’investissement en la matière. Lorsque les réseaux sont mis à la disposition de tiers non éligibles à la délégation de service public, la TVA ne peut être récupérée ni par la voie fiscale ni par le biais du FCTVA. Ce n’est donc pas, selon moi, la bonne façon de procéder si l’on veut envisager une éventuelle compensation.

En termes de financement, le Gouvernement a été clair dès le début. Le niveau de cofinancement sera significatif puisqu’une somme importante sera mobilisée sur le triennal. Nous mobiliserons surtout les opérateurs. C’est un critère important.

Le travail de la commission spéciale, tout comme l’amendement de M. Bruno Retailleau et celui du Gouvernement vont dans le même sens : il s’agit de veiller au respect dans le temps des obligations de couverture et de prévoir des sanctions à l’encontre des opérateurs s’ils ne mettent pas en œuvre les dispositions prévues par la loi. Sans cela, nous ferions peser sur eux des contraintes non encadrées en termes de déploiement, en particulier en ce qui concerne le mobile, ce qui pourrait donner lieu à des « manœuvres » dilatoires pouvant fragiliser le dispositif.

La commission spéciale m’a posé deux questions très précises. En ce qui concerne le guichet unique, le but est de pouvoir traiter plusieurs centaines de sites par an. Des discussions sont en cours avec les opérateurs. L’agence du numérique, qui consolidera l’ensemble des équipes compétentes, a précisément vocation à pouvoir traiter plusieurs centaines de sites par an ; nous y mettrons d’ailleurs les moyens. En ce qui concerne le déploiement des antennes, l’objectif dont il est question, à savoir la couverture de 170 sites identifiés, me semble totalement réalisable dans le délai imparti.

Il est beaucoup plus complexe, sur le plan technique et logistique, d’installer des antennes en milieu urbain qu’en milieu rural, qui est le secteur le plus concerné. L’objectif paraît donc réaliste. Il manquait uniquement une mise sous contrainte législative et la capacité pour l’ARCEP d’exercer des pouvoirs de sanction. Voilà pourquoi nous faisons aujourd'hui collectivement une avancée importante.

Madame la rapporteur, vous avez eu raison de mentionner le sénateur Jacques Mézard – j’ai moi-même tout à l’heure oublié de le faire lorsque j’ai fait référence à plusieurs travaux parlementaires –, qui est à l’origine de cette initiative. Il l’avait soutenue dans le cadre du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Son idée est ici reprise à la fois par les travaux de la commission et par l’amendement gouvernemental, preuve que toutes les sensibilités politiques se sont utilement mobilisées sur ce sujet.

M. le président. Monsieur Retailleau, l'amendement n° 838 rectifié est-il maintenu ?

M. Bruno Retailleau. Non, je vais le retirer. Il existe une convergence numérique, et l’amendement du Gouvernement complète utilement celui que nous avons déposé. Mais, au préalable, je voudrais faire une remarque et poser une question.

Il faut que nous puissions mobiliser les techniques qui nous permettent une bonne couverture. Cela revient au débat que nous avions hier soir sur la bande 700 mégahertz. On a des fréquences en or, dans la mesure où elles permettent de couvrir trois fois plus de distance vis-à-vis d’une seule antenne. Cela permet donc d’économiser des antennes et de tenir compte des personnes électrosensibles, au sens où Jean Desessard l’a évoqué tout à l’heure.

Il faut aussi recourir à l’ensemble des techniques de mutualisation, qu’il s’agisse de la mutualisation des sites passifs, mais aussi des fréquences. Il faut convaincre et sans doute parfois contraindre les opérateurs à utiliser tout l’éventail de ces techniques de mutualisation afin qu’il soit mis un terme à l’implantation des sites, parce que cela est compliqué et dure trop longtemps.

La question est la suivante, monsieur le ministre : par quelle voie – vous avez en effet bien compris que la corapporteur et nous-mêmes sommes assez hostiles au rapport – informerez-vous de l’avancée de ces travaux et de la couverture très exacte de l’ensemble du territoire ? Cela me paraît fondamental.

Je pense, enfin, qu’il faudra changer la méthodologie par laquelle on mesure justement les zones blanches. Le critère retenu par l’ARCEP, qui est un taux de réussite pour un appel de 95 % en statique, à l’extérieur des bâtiments, n’est pas bon ; aujourd'hui, on voit que les limites sont souvent atteintes.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Vous avez raison, monsieur Retailleau. D’abord, il y a le travail de l’ARCEP, et nous allons mettre cette dernière sous pression ; mais, au-delà, on perçoit bien la dimension politique sensible du sujet. Moi, je m’engage à venir devant les commissions compétentes, tous les trimestres, rendre compte de l’état d’avancée de cette mesure.

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Emmanuel Macron, ministre. Je tiens tous mes engagements, et celui-là ne dépend que de moi. Mais je pense que c’est la seule façon d’avancer.

M. Bruno Retailleau. Cela dépend de votre présence au Gouvernement…

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est exact. Merci de me ramener à ma condition…

M. Joël Guerriau. Nous avons confiance…

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Longue vie au ministre Macron… jusqu’à l’exécution du plan mobile ! (Sourires.)

M. Emmanuel Macron, ministre. En tout cas, je ferai le maximum. Nous avons là, en quelque sorte, une convergence d’intérêts. Tous les trimestres, je viendrai rendre compte devant les commissions compétentes de l’avancée de ces travaux. Je considère que c’est extrêmement important, que c’est l’un des points-clés sur le plan du développement économique du texte que nous discutons. Il nous faut regarder les choses ensemble, et la carte sera demandée à l’ARCEP, ce qui me permettra d’exercer une pression accrue sur le régulateur avec vous. Donc, tous les trois mois, je viendrai vous rendre compte et nous aurons ce débat. (Mme Nicole Bricq applaudit.)

M. le président. Compte tenu des éléments qui viennent de vous être apportés, confirmez-vous le retrait de votre amendement, monsieur Retailleau ?

M. Bruno Retailleau. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 838 rectifié est retiré.

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote sur l'amendement n° 1761 rectifié.

M. Daniel Chasseing. L’amendement n° 838 rectifié qui vient d’être retiré allait dans le même sens que d’autres amendements qui ont été présentés hier, par M. Requier notamment.

Pour les zones rurales et très rurales, comme celle où je réside, l’objectif d’une couverture en téléphonie mobile est très important. Je suis donc tout à fait satisfait de la position de M. le ministre. J’espère que l’annonce qu’il a faite aujourd'hui pourra effectivement se traduire dans les faits parce que, actuellement, dans certaines zones, on en est très loin.

Je pense qu’il ne pourra pas y avoir de fibre optique partout, ou alors il faudra renforcer très significativement les aides aux territoires ruraux. Actuellement, pour que la fibre soit installée non dans les maisons ou dans les villages, mais simplement à des points intermédiaires de raccordement, il faudrait que la communauté de communes de 5 000 habitants dont je suis membre dispose de 300 000 euros, ce qui est absolument impossible.

Je suis sensible à l’annonce que vous avez faite, monsieur le ministre, d’obtenir la couverture universelle pour les services de radiocommunication mobile d’ici à 2016. À défaut, vous l’avez dit, la fracture numérique entraînera une désertification des zones rurales.

L’un de nos collègues nous a expliqué hier les avancées qu’il avait pu réaliser dans sa commune ; je l’en félicite. Mais en tout cas, dans nos cantons ruraux, dans ma commune de 7 000 hectares en particulier, ce sera absolument impossible. Donc, on aura – vous l’avez dit, monsieur le ministre – des citoyens de seconde zone qui n’auront pas accès à la connaissance.

Permettez-moi de vous raconter une anecdote. Dans les années quatre-vingt-dix, le journaliste Léon Zitrone, dont les plus âgés d’entre vous se souviennent sûrement très bien, était venu dans mon canton, alors que j’étais conseiller général. À sa sortie de la voiture – j’étais au garde-à-vous pour l’accueillir ! (Sourires.) –, il m’a demandé s’il y avait l’électricité dans ma commune. (Rires.) Je fus étonné de cette parole un peu méprisante ! Mais actuellement, si un journaliste me rendait visite, il pourrait effectivement ne pas avoir internet dans une très grande partie de ma commune !

Toutes les zones ne seront pas couvertes, d’après les avis techniques que nous avons eus. Elles pourront l’être par des paraboles. Nous avons déjà procédé à des essais en différents points de ma commune, avec des résultats acceptables. Peut-être la technique pourra-t-elle s’améliorer.

En tout cas, vous avez dit, monsieur le ministre, que vous auriez un guichet unique avec l’ARCEP.

Je souhaite également que l’État reprenne un peu le pouvoir dans les départements et que le préfet puisse aussi disposer d’un guichet unique pour suivre l’avancée et les manques en matière de couverture de radiocommunication mobile. J’allais commettre un lapsus en parlant de couverture « radiosensible » parce que, effectivement, dans notre secteur, beaucoup de gens qui ne sont pas radiosensibles voudraient bien disposer de cette couverture. Je souhaite donc que les préfectures soient impliquées dans ce guichet unique afin de suivre l’avancée de ce travail extrêmement important pour les zones rurales.

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. J’avais prévu de poser cet après-midi une question d’actualité au Gouvernement sur les problématiques que nous évoquons maintenant. Ensuite, je me suis dit, compte tenu du travail de la commission, de M. Retailleau, du Gouvernement, que ce ne serait pas nécessaire. Eh bien, si, cela va être nécessaire, car tout ce que vous avez dit, monsieur le ministre, ne me rassure en rien !

M. Philippe Adnot. Il a fallu ce long article de plusieurs pages pour écrire, en réalité, que vos cartes ne concerneront que les centres-bourgs. Or le problème qui nous est posé n’a pas trait qu’aux seuls centres-bourgs.

Si, demain, vous affirmez que vous allez résoudre le problème des zones blanches en n’ayant traité que les centres-bourgs, vous aurez la révolution dans les campagnes, car les gens n’en peuvent plus !

M. Charles Revet. Ça, c’est vrai !

M. Philippe Adnot. On parle d’internet, mais ils nous disent : « On n’a même pas la téléphonie mobile ! »

J’ai demandé à la totalité des communes de mon département d’établir une carte à partir des éléments – téléphones, abonnements – qui leur ont été transmis, et elles ont fait le recensement de tous les points non couverts. Je peux vous dire qu’il ne s’agit pas de 170 zones blanches ni de 3 600 zones grises !

La question qui va être posée, c’est la définition des zones concernées. Il faut trois pages pour dire ce qui tient en une ligne : seul le centre-bourg est concerné !

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. C’est parce qu’on a bien travaillé !

M. Philippe Adnot. D'ailleurs, et c’est très intéressant, on peut lire dans l’objet de votre amendement que sera ouvert un guichet « couverture mobile » pour que les collectivités territoriales puissent s’occuper des zones blanches hors centres-bourgs. Cela veut dire, encore une fois, que, en France, l’aménagement du territoire, hors périmètre urbain, reste à la charge des collectivités.

M. Philippe Adnot. Cela ne va pas nous satisfaire ! Je vais donc interroger le Premier ministre cet après-midi. N’imaginez pas faire un effet formidable en disant : « je vais résoudre le problème des zones blanches et venir tous les trois mois devant le Parlement ». S’il s’agit simplement de rendre compte tous les trois mois de l’avancée des travaux relatifs à la carte des centres-bourgs, ce n’est même pas la peine de venir ! La question qui importe, c’est la totalité de la couverture ! Je vous le dis d’emblée : je ne suis satisfait par aucun des amendements qui sont présentés là ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.

M. Patrick Chaize. Monsieur le ministre, j’ai écouté avec attention vos explications et je voterai votre amendement n° 1761 rectifié.

Néanmoins, je voudrais vous faire part de plusieurs observations.

Vous avez pris l’engagement de venir devant les commissions afin de vous expliquer et de faire un état régulier de l’avancée de la couverture des zones. Étant membre de la Commission supérieure du service public des postes et communications électroniques, je suis étonné que cette commission n’ait pas été sollicitée pour avis sur votre amendement, qui – je tiens à le souligner – est important.

D’une façon générale, je voudrais aussi exprimer plusieurs réserves.

D’abord, il me paraît utile d’intégrer une notion de contrôle de l’économie générale, car il serait dommageable que l’économie faite par l’opérateur ne soit pas totalement réinvestie sur le réseau.

En outre, il faudrait s’assurer que les collectivités ne se voient pas imposer de fait des investissements dont elles n’auraient pas normalement la charge, et ne soient pas en quelque sorte prises en otage, s’agissant de ces opérations.

Par ailleurs, vous avez abordé le sujet de l’agence numérique. C’est une avancée intéressante. Je souhaiterais qu’on soit attentif à ce que cette agence numérique ne devienne pas une administration centrale, éloignée des élus et des dossiers concrets.

Enfin, monsieur le ministre, vous avez abordé le service universel. Il est peut-être temps aujourd'hui de s’interroger de manière que ce service universel soit possible sur la fibre optique, ce qui n’est pas le cas aujourd'hui.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. D’abord sur la forme, monsieur le ministre, je considère que déposer un amendement technique et complexe de cinq pages – même la commission a jugé qu’il était difficile d’en mesurer la portée ! – la veille du débat et le modifier le jour même du débat, ce n’est quand même pas, vous en conviendrez, très satisfaisant. Le numérique mérite peut-être mieux que ces amendements de dernière minute. J’ai entendu plusieurs fois le président de la commission spéciale et Mme la corapporteur dire qu’on tentait, au détour de ce texte, de régler ou de prétendre régler un peu trop de problèmes et, là, je crois que c’est vraiment le cas.

Des amendements « numériques » nous sont arrivés dans le projet de loi NOTRe, et il nous en arrive dans celui-ci. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que le Sénat a adopté, en 2012, une proposition de loi – elle a ensuite été rejetée purement et simplement, à la demande du Gouvernement, par l’Assemblée nationale – qui comportait des mesures visant à améliorer la couverture du territoire en téléphonie mobile. Donc, on a perdu trois ans pour arriver aujourd'hui à cet amendement !

Cet amendement va bien sûr dans le bon sens, et il est évidemment souhaitable de rouvrir le dossier de la couverture des zones blanches en 2G, même si, comme cela a été dit, la 2G, c’est aujourd'hui très insuffisant. Mais bien des élus me disent, surtout après avoir entendu à la radio la publicité pour la 4G alors qu’ils n’ont pas de 2G – cela a le don de les horripiler… – qu’il y a quand même un véritable problème.

Sur la 3G, vous évoquez dans votre amendement l’accord de RAN sharing – pour partage de réseau d’accès radioélectrique – 3G qui avait été signé en 2010 et qui devait être réalisé pour 2013. Aujourd'hui, en 2015, à peine un quart des engagements pris par les opérateurs ont été tenus, ce qui montre bien, monsieur le ministre, comme vous l’avez dit hier – j’espère que ce n’était pas qu’une formule –, qu’il faut mettre la pression sur les opérateurs.

Ce que vous proposez pour les centres-bourgs est opportun, mais, comme l’a indiqué notre collègue Philippe Adnot, il n’y a pas que les centres-bourgs, il y a aussi toute la partie rurale, pour laquelle rien n’est prévu si ce n’est de faire appel aux collectivités pour le financement. Évidemment, cela ne peut pas nous donner entière satisfaction !

J’aimerais vous poser un certain nombre de questions, auxquelles je n’ai trouvé de réponse ni dans le texte lui-même ni dans vos propos.

Quelle sera exactement l’aide de l’État ? On nous parle de la création d’un guichet, mais nous ne savons pas du tout comment cela va fonctionner. Quels seront le montant de l’aide et le pourcentage par rapport au projet ? De tout cela nous ne savons rien.

Quel sera le financement des opérateurs ? On a bien compris que ces derniers seraient allégés d’un certain nombre de charges, avec la suppression des cabines téléphoniques – et c’est très bien –, mais nous ignorons à quelle hauteur ils participeront. Comme je l’ai dit, la seule chose dont nous sommes sûrs, c’est qu’il sera fait appel aux collectivités pour le financement.

L’amendement du Gouvernement prévoit des conventions, mais tout cela m’a l’air un peu complexe : il y aurait des conventions entre les opérateurs et, semble-t-il, une seule convention entre les opérateurs, l’État et les collectivités. J’aimerais que vous m’apportiez des précisions sur ce point. Que se passera-t-il si les opérateurs ne veulent pas signer ? On ne peut pas forcer une partie à signer ! J’appelle votre attention sur le fait que certaines collectivités – j’ai des exemples dans mon département – sont dans une telle situation qu’elles sont prêtes à financer l’implantation d’une antenne-relais pour avoir une couverture en téléphonie mobile. Mais les opérateurs leur répondent : faites ce que vous voulez, nous ne l’utiliserons pas ! C’est un peu fort ! Va-t-on inscrire dans la loi que les opérateurs auront l’obligation d’utiliser ces équipements ?

Par ailleurs, vous parlez du pouvoir de sanction de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Mais, on le sait très bien – l’ARCEP elle-même le reconnaît –, elle a peu d’appétence à sanctionner les opérateurs. D’ailleurs, je crois qu’elle ne l’a jamais fait ou, en tout cas, elle ne l’a fait que très rarement. C’est bien de donner des pouvoirs de sanction à l’ARCEP, mais encore faudrait-il que celle-ci en use en cas de besoin ! Or cela aurait été nécessaire dans un certain nombre de cas.

En outre, je regrette que votre amendement ne définisse pas les critères de couverture en téléphonie mobile. Nous l’avions évoqué dans la proposition de loi adoptée par le Sénat en 2012, et certains de mes collègues l’ont souligné ce matin, le fait de considérer qu’une commune est couverte dès lors qu’un seul point l’est – éventuellement, le haut du clocher de l’église du village – n’est pas satisfaisant. Les chiffres relatifs au taux de couverture par rapport à la population ou au nombre de communes sont très flatteurs, mais la réalité est tout autre : le nombre de communes n’ayant pas de couverture est bien plus important qu’on ne le dit. J’ai découvert un jour que l’ARCEP considérait qu’il n’y avait aucun problème dans mon département. Venez dans l’Eure, monsieur le ministre, et vous verrez que ce n’est malheureusement pas le cas.

Enfin, vous avez parlé d’un consensus. Certes, le constat fait consensus, mais, sur ce sujet, comme sur bien d’autres d’ailleurs, il faut passer des paroles aux actes, pour reprendre le titre du rapport d’information que nous avions déposé en 2011 !

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. L’intervention de notre collègue Philippe Adnot était pleine de bon sens,…

M. Charles Revet. Comme d’habitude !

M. Thierry Foucaud. … et nous partageons son sentiment.

Cela étant, après avoir entendu Mme la rapporteur et M. le ministre, je suis prêt à retirer l’amendement n° 1400, pour reformuler notre demande différemment, mais encore faut-il que les collectivités puissent accéder au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. Lorsque les communes investissent dans ce domaine, il importe qu’on leur rembourse la TVA.

Il ne s’agit pas, un jour, de verser de grosses larmes sur les collectivités et, le lendemain, de repousser des amendements visant à leur permettre de récupérer un peu d’argent, de l’argent qu’on leur a d’ailleurs retiré. Comme l’a souligné hier soir notre collègue Hervé Maurey, il y a, d’un côté, les opérateurs, qui profitent, et, de l’autre, les collectivités, qui sont en difficulté. Or on rajoute des difficultés aux difficultés en ne voulant pas que celles-ci bénéficient du FCTVA pour ce qui concerne les travaux qu’elles réalisent en matière de téléphonie.

Bien sûr, il y a heureusement, madame la rapporteur, quelques subsides et subventions, mais, vous le savez très bien, cela ne suffit pas, car les collectivités sont déjà largement pénalisées eu égard à la baisse des dotations allouées aux collectivités, notamment de la DGF.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Tout le monde semble convaincu : l’amendement du Gouvernement va dans le bon sens. Mais que de temps perdu !

Toutes les villes sont couvertes par la 4G, alors que le déploiement de la 2G n’est même pas terminé dans une partie des campagnes. Je souscris donc tout à fait au diagnostic fait par les intervenants précédents. J’ai même parfois l’impression que la situation se dégrade,…

M. Pierre-Yves Collombat. … c’est en tout cas ce qui se passe dans mon département. Je suis aussi d’accord pour dire que les estimations sont complètement bidonnées, mais c’est le cas de toutes les statistiques...

Je partage les propos de notre collègue Adnot : on ne réglera pas le problème si l’on ne fait pas une interprétation un peu extensive de cet amendement.

Qui paiera ? C’est la question qui fâche. (Sourires.) Et là, c’est un flou impressionniste ! J’ai cru comprendre que, comme d’habitude, les collectivités seraient chargées de l’installation de l’antenne-relais, d’amener l’énergie, etc. On espère que les opérateurs financeront les réémetteurs. Mais ce n’est pas certain…

Pourquoi ne pas généraliser la technique de financement mise en place pour La Poste, par le biais d’un fonds de péréquation, pour permettre au service public, appelé aujourd'hui universel, de couvrir tous les coins de notre territoire ? On prendrait un peu d’argent là où les opérateurs en gagnent beaucoup pour financer les opérations là où elles ne leur rapportent rien. Car il n’aura échappé à personne que le libéralisme, c’est très bien là où on peut gagner des sous ; ailleurs, ça ne marche pas !

M. Pierre-Yves Collombat. Faire semblant de croire qu’on va régler ce problème sans poser la question financière, ce n’est pas sérieux !

Dans les territoires ruraux, auxquels nous sommes un certain nombre à nous intéresser, le développement d’un réseau de communication performant concerne évidemment les particuliers, les entreprises, mais aussi la sécurité civile. Aussi serait-il souhaitable d’engager une réflexion commune pour voir quels dispositifs seront susceptibles de répondre à toutes les préoccupations. Or force est de constater que même les équipements existants ne sont pas utilisés de manière optimale. Notre collègue Hervé Maurey a rappelé le problème qu’il rencontre dans son département ; je pourrais moi aussi vous parler de l’utilisation des investissements réalisés en matière de fibre optique. Orange refuse de délivrer le service de la télévision à un endroit où les communes ont réalisé un investissement en fibre optique. Il y aurait là une obscure raison législative…

Monsieur le ministre, on ne pourra progresser que si l’on met cette question à plat et qu’on cesse de prendre, de temps en temps, ici ou là, des mesures, en espérant que la main de Dieu ou du marché finira par régler le problème, d’autant que, à y regarder de plus près, les sommes en jeu ne sont pas extraordinaires. Il faut donc s’y prendre autrement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Je voterai l’amendement du Gouvernement, qui va dans le bon sens, et je salue l’engagement de M. le ministre de venir tous les trois mois devant la commission compétente.

Rappelons-nous que le réseau électrique a été développé par les grandes compagnies dans les centres urbains. Les campagnes ayant été abandonnées, on a créé des syndicats intercommunaux. En 1936, au travers du FACÉ, le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, qui existe encore, les communes urbaines ont davantage contribué au financement de l’équipement électrique des communes rurales. Il s’agit, selon moi, d’un bon système. Et n’oublions pas non plus que, contrairement aux lignes téléphoniques, les lignes électriques appartiennent aux collectivités, ce qui est une bonne chose !

Par ailleurs, permettez-moi de proposer à notre collègue Desessard de lancer un appel à projets pour savoir quelles zones souhaitent rester blanches, sans téléphonie mobile : on verra si le Marais, le VIe ou le VIIIe arrondissement sont candidats à l’expérimentation… (Rires et applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. Marc Daunis. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

M. Gérard Roche. Je voterai cet amendement avec l’enthousiasme d’un médecin qui met un cataplasme sur une jambe de bois.

Je vous ferai part d’une grande déception et d’une colère vive.

Ma déception porte sur la téléphonie mobile. Le département de la Haute-Loire – cet exemple est transposable dans toutes les zones rurales – a mis en place trois plans d’installation de la téléphonie mobile, qui ont très bien fonctionné, avec des contrats d’itinérance entre les opérateurs. Or, depuis lors, le service se dégrade de mois en mois. La téléphonie mobile fonctionne beaucoup moins bien qu’il y a deux ou trois ans.

J’étais chez SFR. Je pensais que le réseau ne fonctionnait pas bien parce que cet opérateur mettait en place la 4G. Aussi, je suis allé chez Orange. Mais, si je puis dire, l’orange est très amère… Le réseau de téléphonie mobile ne marche pas mieux.

Le service de la téléphonie mobile se dégrade. Pourtant, nous avons investi de l’argent, nous avons installé des poteaux, nous avons passé des conventions d’itinérance avec les opérateurs. Le pire, c’est que les opérateurs disent aux habitants qui se plaignent : allez voir le conseil général ; c’est lui qui a monté le projet ! Non seulement on est « cocu », mais en plus on se fait attraper par-derrière !

Voilà pour la déception, mais ma colère est pire encore concernant le très haut débit.

Les quatre départements, la Haute-Loire, le Cantal, l’Allier, le Puy-de-Dôme, et la région ont monté une opération pour le très haut débit afin d’arriver à 100 mégabits soit par la fibre optique, le wifi ou le satellite. Nous avons mis en place un très beau projet, très innovant, qui fonctionne bien pour l’instant. J’espère que cela va continuer.

En tant que président du conseil général de la Haute-Loire, j’avais alors demandé 20 euros par habitant et par an pendant vingt-cinq ans. Dès lors, comment expliquer à nos concitoyens que les opérateurs se cantonnent aux grandes agglomérations, qui, parce qu’elles offrent une bonne rentabilité, leur permettent de s’en mettre plein les poches, laissant les zones rurales se débrouiller seules pour avoir cette autoroute du XXIe siècle propice au développement rural ? Mais c’est un service public quand même ! Où est la République française ?

Comment peut-on accepter de défendre le service public si l’on ne donne pas à la ruralité les moyens de s’équiper ? Pourtant, c’est essentiel pour attirer de nouveaux actifs ? Il s’agit là non pas d’une question annexe, mais d’une question essentielle pour sauver la ruralité. Or nous sommes totalement hors du service public. Et on s’étonnera ensuite que la ruralité se réfugie dans le vote protestataire ! Mais c’est le corollaire. C’est en œuvrant ainsi que cela arrive ! Le service public est actuellement bafoué pour ce qui concerne l’installation du très haut débit ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je veux remercier M. Retailleau d’avoir retiré son amendement et Mme la rapporteur d’avoir émis un avis de sagesse sur l’amendement du Gouvernement.

Nos collègues arguent du fait qu’il faut faire plus eu égard aux problèmes techniques et financiers posés, mais je tiens à rappeler que c’est la première fois qu’un gouvernement s’engage vraiment – nous l’avons dit durant toute la séance hier soir – à mettre la pression sur les opérateurs.

M. Hervé Maurey. On verra ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Pierre-Yves Collombat. C’est des sous qu’il nous faut !

Mme Nicole Bricq. M. le ministre vient de s’engager…

M. Hervé Maurey. Les paroles, ce n’est pas assez !

Mme Nicole Bricq. … à venir devant les commissions compétentes, avec une carte, présenter l’avancée des travaux. Il s’est aussi engagé à ce que les 170 communes en zone blanche soient couvertes par la 2G d’ici à la fin de l’année 2016. Mme la rapporteur a d’ailleurs relevé qu’il s’agit d’un véritable défi. Moi, je fais confiance au Gouvernement pour soutenir les collectivités.

Nous sortons de la campagne électorale pour les élections départementales. C’est encore tout frais ! Et, dans vos départements, mes chers collègues – je parle notamment aux présidents de conseil général –, vous vous êtes tous engagés, durant cette campagne, à ce que les zones blanches soient couvertes !

Mme Nicole Bricq. En la matière, l’État et les collectivités territoriales ont un intérêt commun. Ma région, l’Île-de-France, est aussi engagée aux côtés de mon département de la Seine-et-Marne.

Franchement, votons de bon cœur et en toute confiance l’amendement du Gouvernement, qui va faire avancer la cause des collectivités, que nous défendons. Pour ma part, je suis sûre qu’une pression très forte sera exercée sur les opérateurs, dont nous connaissons la difficulté à dépasser les bourgs. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Quand je pense que, hier, nous avons su apporter la lumière sur l’ensemble du territoire et, que, aujourd’hui, nous ne sommes pas capables d’apporter les nouvelles technologies partout…

Il est certain que l’adoption de l’amendement du Gouvernement marquerait une avancée. Néanmoins, madame Bricq, je n’ose imaginer la réaction des présidents de conseil départemental quand on va leur annoncer que le dispositif se limite aux centres-bourgs… Regardons la réalité ! Il y a dans tous nos départements des entreprises qui ne sont pas situées en centres-bourgs et qui sont donc complètement éliminées. Dans les départements ruraux, nous connaissons tous des délocalisations d’entreprises liées au fait que celles-ci n’avaient ni la téléphonie mobile ni internet.

Je pense aussi à la plupart des actes administratifs. Combien d’artisans répondent à des appels d'offres ? Or, aujourd'hui, ils ne peuvent le faire que par internet. S’ils ne bénéficient pas d’une couverture numérique, ils sont exclus de ces procédures, et donc d’une potentielle croissance de leur activité.

Il est absolument nécessaire d’aller plus loin que l’irrigation limitée aux centres-bourgs que vise votre amendement, monsieur le ministre, et de tenir compte de l’activité rurale qui a lieu sur nos territoires.

M. Daniel Gremillet. Certes, mais il faut le préciser.

M. Daniel Gremillet. On ne peut pas mettre en péril autant d’activités économiques. C’est pourquoi je souhaite des engagements complémentaires de votre part. Si l’on en reste à ses dispositions actuelles, cet amendement n’est pas satisfaisant.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

M. Gérard Bailly. Si j’ai cosigné l’amendement présenté par Bruno Retailleau, c’est parce qu’il visait les zones non couvertes en services de radiocommunication mobile de deuxième et troisième génération.

Il y a deux ans, j’ai rédigé, avec notre ancienne collègue Renée Nicoux, un rapport consacré à l’avenir des campagnes. Déjà, à l’époque, toutes les personnes que nous avons auditionnées étaient intervenues sur le sujet des communications – la téléphonie, bien sûr, mais aussi, vous vous en doutez, le haut débit. C’est pourquoi je regrette que notre collègue Bruno Retailleau ait retiré son amendement, dont le dispositif différait très fortement de celui du Gouvernement, qui, comme Daniel Gremillet vient de le dire, ne vise que les centres-bourgs des communes. Mais combien y a-t-il de communes où moins du quart des habitants habitent dans le centre-bourg ? Dans mon département, qui compte soixante hameaux, à Chapelle-Voland ou encore à Longchaumois, 700 des 1 000 habitants n’habitent pas dans le centre-bourg ! Imaginez leur déception si un tel amendement était adopté.

Pour ma part, le fait de voter un amendement qui ne concerne que les centres-bourgs me pose un problème de conscience. C’est pourquoi je ne le voterai pas, au risque de vous décevoir, madame Bricq. Ce serait abandonner encore des pans entiers de notre ruralité. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.) Comme Daniel Gremillet l’a indiqué, les exploitations agricoles sont aussi concernées par la dématérialisation – certes, nous débattons pour l’heure de la téléphonie mobile, mais il en ira de même pour le haut débit. En outre, on demande encore à des collectivités qui, souvent, n’ont pas beaucoup de ressources de mettre la main à la poche pour s’équiper, alors qu’on n’a rien demandé, sur ce plan, à des communes beaucoup plus riches.

Je le répète, je ne voterai pas cet amendement. À moins que M. le ministre ne le modifie pour y intégrer les « zones non couvertes » figurant dans l’amendement de M. Retailleau. C’est capital, mes chers collègues !

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Je ne pense pas que l’on puisse rejeter un amendement, fût-il du Gouvernement, qui constitue un réel progrès et permet la reconnaissance d’une situation territoriale problématique, celle des zones rurales. Il y a, sur ce sujet, une prise de conscience de la part du Gouvernement, relayée par l’ensemble des élus, qu’ils soient de droite, de gauche ou d'ailleurs. Je voterai donc sans aucune difficulté cet amendement, qui ne règle pas tout, mais qui constitue un progrès certain.

M. Requier m’a devancé en évoquant le Fonds d'amortissement des charges d'électrification. Effectivement, le FACÉ constitue un bon exemple. Il faudrait s’en inspirer pour résoudre la question du financement de la téléphonie mobile et, même, du très haut débit, à tout le moins pour accélérer son traitement.

Au-delà, se pose également la question de la fiscalité de tout ce qui est lié à la fois à la téléphonie mobile et au très haut débit et de la fiscalité assise sur le développement de l’économie du numérique. L’émergence de cette nouvelle économie joue un grand rôle dans la manière dont notre pays doit se réorganiser. Cette question doit être traitée.

Ma dernière remarque touche à l’aspect technique, si ce n’est technologique du sujet. Je m’interroge sur la question des coûts tout à fait considérables du développement des réseaux filaires, en particulier pour le très haut débit. On sait que, si la fibre optique peut constituer une solution presque idéale à la question du transport du très haut débit, des techniques, notamment satellitaires, se développent en parallèle, qui, à terme, seront peut-être tout aussi performantes et à des coûts probablement bien moindres. Le montant de l’argent public qui sera dépensé pour développer ces réseaux ne risque-t-il pas d’être reconsidéré dans quelques années ? C’est une vraie question, qui renvoie à celle de l’efficacité des sommes qui pourraient être engagées sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Tourenne. Chers collègues, je regrette que vous n’ayez pas manifesté cette véhémence, cette passion, cet attachement au secteur rural lorsque vous étiez au pouvoir et lorsque M. Sarkozy confiait aux organismes privés le soin de desservir les secteurs les plus rentables, en oubliant complètement le monde rural ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC. – Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Si nous en sommes là aujourd'hui, si nous sommes amenés à payer les erreurs du passé, c’est bien parce que vous vous targuez d’une virginité que vous donnerait votre appartenance à l’opposition.

Mme Sophie Joissains. Cela fait trois ans que vous êtes au pouvoir !

M. Jean-Louis Tourenne. Je sais que la mémoire est parfois volatile. C’est, semble-t-il, le cas de la vôtre : vous avez oublié que vous êtes à l’origine du péché originel qui nous place dans cette situation. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Or, pour une fois qu’un gouvernement fait les efforts nécessaires, l’appétit vous vient et vous réclamez encore davantage… Je vous invite à un peu d’humilité, de modestie et de mémoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Chers collègues, vous passez votre temps à nous parler de concurrence, de privatisation et de libéralisation et, quand vous passez à l’action, vous confiez au privé les secteurs urbains rentables – encore que les secteurs urbains ne sont pas toujours bien desservis –, avant de constater que, dans les secteurs moins rentables, notamment dans un certain nombre de zones rurales, l’intervention publique doit jouer les pompiers. Cette vision ne peut pas tenir, pour plusieurs raisons.

Vous avez accepté des directives européennes sans exiger des directives-cadres pour les services d’intérêt général. D'ailleurs, monsieur le ministre, je souhaite que le gouvernement français reprenne l’initiative, afin d’obtenir, en matière de réseaux et de ce que nous appelons, en France, les services publics, une directive-cadre relative aux services d’intérêt général. En effet, il faut parfois des compensations financières, des aides publiques, que les textes communautaires ne prévoient pas actuellement.

Monsieur le ministre, j’approuve la détermination à peser sur les opérateurs que vous avez exprimée hier. Le Gouvernement doit se faire entendre et s’en donner les moyens. Je me félicite aussi que vous ayez constaté que le fait de détenir du capital public dans une entreprise permet d’avoir du pouvoir – vous débattez aujourd'hui de ce sujet avec l’entreprise Renault. Mais les gouvernements passent et les opérateurs restent. Il faut donc que des moyens d’intervention, en particulier financiers, soient gravés dans la loi.

Pour ma part, j’approuve la proposition de notre collègue Collombat : la constitution d’un fonds de péréquation permettrait au moins qu’on ait des outils pour compenser le financement des zones qui ne sont pas couvertes. Je trouve cette solution efficace, et elle est probablement, pour l’heure, l’une des rares à être compatibles avec les règles européennes. (MM. Pierre-Yves Collombat et Bernard Lalande applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Je constate que la réforme du règlement voulue par le président du Sénat et soutenue par tous les groupes sera une bonne chose.

M. Didier Guillaume. Elle nous contraindra à nous organiser différemment, surtout lorsque chacun souhaite prendre la parole et qu’il reste 900 amendements à examiner. Cela étant, je vais prendre ma part dans la discussion. (Sourires.)

M. Pierre-Yves Collombat. Profitons-en ! (Nouveaux sourires.)

M. Didier Guillaume. Nous avons tous la même volonté : la couverture numérique et en téléphonie mobile partout sur nos territoires, mais pas seulement pour les villes ou les métropoles.

MM. Gérard Bailly et Charles Revet. Ou les centres-bourgs !

M. Didier Guillaume. Comme disait ma grand-mère, « il pleut toujours là où c’est mouillé ». (Sourires.) La preuve, les zones AMII, les zones d’appel à manifestations d’intentions d’investissement, c’était déjà dans les villes. Dès qu’on en sortait, il n’y avait plus rien !

Que s’est-il passé ? Toutes les collectivités locales ont fait un travail remarquable. Je pense aux agglomérations et, surtout, aux conseils généraux. Je veux d’ailleurs saluer le travail réalisé par Bruno Retailleau dans son département, qui, certes, n’est pas montagneux – c’est un peu plus simple –, et son engagement sur ces questions pendant toutes ces années.

Je veux aussi rendre hommage à Hervé Maurey, l’un des très rares sénateurs à s’être exprimés de manière forte. Nous l’avions d’ailleurs soutenu. Il y a quelques années, notre collègue a déclaré que les mesures prises pour assurer la couverture numérique du territoire étaient inadaptées. En effet, alors que nous avons tous été favorables à la création du schéma national d’aménagement numérique du territoire, quand le Fonds d’aménagement numérique des territoires a été créé, il a été doté de zéro euro. L’État n’a donc pas été capable de nous accompagner.

Beaucoup de nos collègues présidents de conseil général ont rappelé hier la mobilisation des collectivités locales, notamment des départements. Je pense à Bruno Sido, qui a été l’un des premiers à avancer. Nous avons donc pris nos responsabilités. Dans la mesure où les opérateurs ne finançaient rien, les collectivités locales ont payé des antennes-relais pour la téléphonie mobile et mis en place des réseaux publics de fibre optique. Tous ces équipements appartiennent maintenant au patrimoine départemental, au même titre que les lignes électriques et les routes.

Comme Mme Bricq l’a souligné, lors des récentes élections départementales, tous les candidats, de droite comme de gauche, y compris les nombreux présidents de droite qui viennent d’être élus, ont inscrit dans leur programme leur volonté forte d’une couverture numérique, en particulier dans les zones rurales.

Reste que nous avons déjà beaucoup avancé : la plupart des bourgs reçoivent aujourd’hui la fibre et le haut débit. Dans mon département, par exemple, c’est le cas de tous les centres-bourgs sans exception et des 135 zones artisanales et d’activité. En revanche, le problème persiste dans la ruralité.

Je ne vais pas défendre une politique des petits pas, mais l’amendement du Gouvernement, même s’il ne suffit peut-être pas, représente quand même une avancée. Ses dispositions offriront pour la première fois un cadre. Hervé Maurey se demande s’il ne s’agit pas que d’intentions. On verra bien !

M. Hervé Maurey. Oui, on verra !

M. Didier Guillaume. Je fais quand même remarquer que, jusque-là, nous n’avions même pas eu droit à des intentions, si je puis dire. En tout cas, soyons vigilants et faisons confiance aux élus pour aller plus loin.

M. Bartolone propose dans le rapport qu’il a remis au Président de la République que les énarques fassent leur stage en ville. C’est peut-être une idée judicieuse, mais j’aimerais qu’ils le fassent à la campagne pour se rendre compte de la vie des habitants dans les endroits où les services publics ont disparu, où les éducateurs manquent, où l’on souffre. Ils verraient ainsi qu’en dehors des grandes villes et de leur périphérie il existe une vie intense.

Favoriser l’accès à tous les services publics, à l’information permettra de retisser le lien entre le citoyen et la République. Personne ne doit se sentir déclassé, défavorisé. Le numérique n’est pas la seule réponse, mais c’est l’une des réponses possibles.

Si nous ne votons pas ces mesures, qui constituent une avancée, nous faillirons à notre mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Grand. Notre collègue Guillaume s’étonne que nous soyons nombreux à nous exprimer, mais il a lui-même dépassé son temps de parole !

C’est à l’honneur du Sénat que chacun puisse s’exprimer. Voyez ce qui se passe à l’Assemblée nationale, c’est un non-débat. Ici, c’est un vrai débat,…

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Grand. … et nos électeurs et nos électrices ont le sentiment d’être défendus.

Mes chers collègues, nous avons tous été interpellés par les maires lors des élections sénatoriales. Aujourd’hui, nous parlons en leur nom et non par plaisir ou pour voir notre nom figurer au Journal officiel, même si je comprends que les rapporteurs soient un peu fatigués et agacés d’entendre toujours rabâcher la même chose.

Je vous mets en garde contre cette volonté d’écourter le temps de parole et de faire comme à l’Assemblée nationale, monsieur Guillaume.

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas à moi qu’il faut le dire, c’est au président Larcher !

M. Jean-Pierre Grand. Aujourd’hui, je peux vous le dire par expérience, un député compte pour zéro ; en revanche, un sénateur est respecté. Modifiez le règlement pour nous empêcher de débattre et vous verrez que le Sénat sera rabaissé.

M. Didier Guillaume. C’est votre majorité qui veut modifier le règlement !

M. Jean-Pierre Grand. Arrêtons de prendre des décisions qui nous empêchent d’accomplir notre mission !

Concernant la couverture numérique et en téléphonie mobile, je me sens le devoir de prendre la parole, car les 360 maires de mon département souhaitent que l’on mette en place cette couverture le plus rapidement possible. Ma commune sera bientôt totalement couverte, mais je suis gêné vis-à-vis de mes collègues des hauts cantons, qui pourtant ont de l’industrie, notamment touristique. Dans ces communes, les clients doivent utiliser un téléphone fixe à l’hôtel, car rien d’autre ne passe.

Monsieur le ministre, nous devons trouver une solution. Face aux grandes fusions qui ont lieu, je suis inquiet : quel pouvoir aura demain le Gouvernement pour faire respecter les engagements pris ? Faisons en sorte qu’il y ait une égalité de traitement automatique. Si les opérateurs ne couvrent pas toutes les zones, par exemple, aucun marché ne pourra être passé avec eux pour les zones urbaines.

Mme Nicole Bricq. Comment ça, ils ne feront rien !

M. Jean-Pierre Grand. Certes, les zones urbaines en subiront les conséquences, mais les zones rurales et les zones non couvertes connaissent depuis longtemps cette situation. Ce serait une forme de respect pour elles.

Je ne sais pas sous quelle forme cette égalité de traitement pourra être assurée, c’est à vous de nous proposer quelque chose. Néanmoins, je trouve scandaleux de voir que les opérateurs se déploient dans les zones urbaines parce que c’est plus rentable, ils ne s’en cachent pas d’ailleurs, alors que dans les zones qui ne seraient pas rentables, ils restent l’arme au pied. Nous devons absolument assurer un lien entre ces deux zones !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, vous avez eu raison de déposer ce projet de loi, car cela nous permet de vous avoir durablement sous la main. Nous y éprouvons d’ailleurs un tel plaisir…

Mme Nicole Bricq. On ne s’en lasse pas !

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Jacques Mézard. … que nous allons tout mettre en œuvre pour prolonger au maximum ces grands moments de concertation. Au moins cela vous permet d’entendre le cri de nos territoires ruraux. Vous ne pourrez pas sortir de cette enceinte sans avoir été convaincu qu’il existe un réel problème. Je vous l’avais déjà exposé, mais cette fois-ci c’est un concert général que vous entendez.

La responsabilité de l’abandon des zones rurales est équitablement partagée entre les gouvernements de droite et de gauche qui se sont succédé.

M. Jacques Mézard. La téléphonie mobile n’est pas le seul problème. J’habite dans une petite commune à quinze kilomètres du centre de l’agglomération ; il nous arrive d’attendre plusieurs semaines, voire plus d’un mois, le dépannage du téléphone fixe. La situation n’est pas différente dans le département voisin du nôtre, j’ai pu en faire l’expérience, monsieur Requier. (Sourires sur les travées du RDSE.) Pour les habitants de certains hameaux isolés qui n’ont pas accès à la téléphonie mobile, c’est un véritable retour en arrière.

La création d’une autorité indépendante comme l’ARCEP n’a pas permis de régler le problème. Monsieur Guillaume, vous voulez instaurer d’autres autorités indépendantes et leur donner encore plus de pouvoir, mais regardez d’abord ce que cela donne. En effet, ces autorités sont indépendantes, sauf d’elles-mêmes. La solution est que l’État assume ses responsabilités.

Nous allons voter cet excellent amendement, qui représente un progrès. Pour une fois que les choses ne vont pas à reculons, nous le disons. Je souligne d’ailleurs le rôle des départements, que d’aucuns voulaient supprimer il n’y a pas si longtemps, pour résoudre ce problème. Néanmoins, je n’ai pas compris s’il fallait clarifier les compétences ou si tout le monde devait mettre la main à la poche…

Trouvons des solutions pour régler ce problème, qui s’est aggravé ces dernières années. Je vous donne un exemple : plusieurs d’entre nous ont vécu le passage du Sénat de SFR à Orange. Pour certains, cela a représenté une amélioration ; pour d’autres, cela a entraîné une coupure des communications.

M. Jean Bizet. Exactement !

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Monsieur le ministre, vous l’aurez compris, nous partageons une volonté commune dans cet hémicycle : nous souhaitons la mise en place d’une couverture numérique sur l’ensemble du territoire – je dis bien « sur l’ensemble du territoire » –, dans un souci d’équité et d’efficacité sur le plan économique.

Au Sénat, il nous arrive d’accepter de modifier notre texte après une longue discussion. C’est pourquoi j’aimerais vous faire une proposition qui permettra à votre amendement d’être adopté à l’unanimité : substituez au premier alinéa de votre texte le premier paragraphe de l’amendement de M. Retailleau.

M. Gérard Bailly. Très bien !

M. Charles Revet. Si vous acceptiez ma proposition – cela ne serait pas une nouveauté, puisque nous le faisons régulièrement –, vous répondriez aux attentes exprimées sur l’ensemble du territoire et vous donneriez satisfaction à tout le monde. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

M. Daniel Gremillet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Doineau. Le débat que nous avons ce matin fait écho à ce que nous entendons depuis des années dans nos territoires.

Dans les années soixante – vous n’étiez pas né, monsieur le ministre –, lorsque Fernand Raynaud a écrit son fameux sketch Le 22 à Asnières, une moitié des Français attendaient la tonalité, alors que l’autre moitié attendait le téléphone. Aujourd’hui, pour certains territoires, nous parlons de la 4G, tandis que d’autres attendent encore la 2G, et du très haut débit, quand certains n’ont pas encore accès à la téléphonie mobile.

C’est donc un véritable cri de douleur que nous poussons. J’aimerais tout de même dire que nous sommes tous responsables de cette situation. Voilà pourquoi nous ne devons pas nous heurter les uns aux autres.

Monsieur le ministre, même si vous n’avez pas pu proposer ces efforts plus tôt, je vous suivrai. Je veux croire en l’avenir, je veux croire en votre jeunesse et je veux croire que vous ne laisserez pas le monde rural loin de la modernité et des besoins contemporains. (Applaudissements sur quelques travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Au-delà de ce cri du cœur de la ruralité, ce débat touche à une question démocratique dont il est trop peu discuté dans cet hémicycle, celle des conséquences de la révolution numérique sur l’exercice simple de la citoyenneté et de la responsabilité.

Comme l’a dit M. Retailleau, les premiers engagements remontent à 2003 et 2010. Aujourd’hui, nous sommes obligés d’y revenir au regard de tout ce qui n’a pas été fait de 2003 à 2012. Si nous partageons tous une part de responsabilité, personne ne pouvait appréhender dès 2002 – décideurs, citoyens, scientifiques… – toutes les conséquences de cette révolution numérique.

À chaque fois qu’il a fallu investir, mettre le paquet pour aller plus loin, faire un saut technologique – câble, fibre… –, rester dans la course en matière de compétition internationale, nous avons su le faire, mais pas sur l’ensemble du territoire. Voilà dix ans, on se disait que ce n’était pas si grave, car tout ne dépendait pas encore du numérique. Mais, aujourd’hui, un citoyen qui n’a pas accès au haut débit est en situation de très grande difficulté, y compris pour obtenir des papiers administratifs de base.

M. David Assouline. Alors que nous nous apprêtons à discuter de la bande 700, il ne faudra pas opposer les investissements nécessaires au passage à la 4G à ceux qu’il reste à réaliser pour combler la fracture numérique et faire en sorte que chacun puisse avoir accès au haut débit. Il faudra mener ces chantiers de front, au risque de creuser encore cette inégalité non seulement territoriale, mais surtout civique.

Comme l’a dit M. Retailleau en dressant les bilans de 2003 et 2010, franchissons le pas qui nous est proposé. Une dynamique s’est enclenchée, le Gouvernement s’est engagé, le ministre est prêt à venir nous voir tous les trois mois… Nous pouvons nous appuyer sur ces avancées pour aller plus loin. Refuser de faire le premier pas en disant que c’est tout ou rien n’est pas dans la tradition pragmatique du Sénat ni de la ruralité.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Ce débat est intéressant, important et central pour l’ensemble des territoires et populations que nous représentons. La première leçon que l’on peut en tirer – sans m’appesantir –, c’est que, à l’évidence la mise en concurrence du secteur de la téléphonie n’a pas réglé les problèmes. Bien au contraire, c’est elle qui nous a conduits dans la situation que nous connaissons aujourd’hui.

La France a su bâtir son réseau de distribution d’électricité voilà quelques décennies, puis celui de téléphonie. L’enjeu, aujourd’hui, c’est l’accès à la 3G et à la 4G dans tous les territoires de notre République.

L’expérience montre que l’appel aux opérateurs privés ne règle pas systématiquement toutes les situations. La question s’est posée dans la métropole européenne de Lille : l’opérateur historique s’occupe des secteurs denses, urbains, au cœur de métropole – il a engagé des travaux ; un autre opérateur privé est censé se charger, par convention, des secteurs ruraux – las, les travaux n’ont pas encore commencé. Cette disparité inquiétante, gênante commence à susciter beaucoup d’émoi et d’inquiétude chez les élus.

Nous prenons acte de cet amendement et des intentions affichées par le Gouvernement. Toutefois, monsieur le ministre, quand vous dites que vous vous donnerez les moyens de faire en sorte que les opérateurs, quels qu’ils soient, agissent, investissent et règlent le problème, permettez-moi d’en douter quelque peu. Nous n’allons pas refaire l’histoire, mais nous nous sommes privés des outils idoines dont nous disposions voilà quelques années – c’est un fait ! –, et aujourd’hui nous éprouvons des difficultés pour assurer l’égalité d’accès à ce nouveau mode de communication.

À nos yeux, l’amendement de M. Retailleau répondait un peu mieux à cette problématique.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur Revet, je ne peux accéder à votre demande.

M. Charles Revet. Pourquoi ?

M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement du Gouvernement est articulé de telle façon qu’on ne peut écraser tous les délais et toutes les zones dans l’alinéa que vous proposez de remplacer. Je vais toutefois essayer de vous expliquer comment nous arriverons au même résultat.

Nous voulons d’abord nous occuper des centres-bourgs, puis du reste. Une lecture « pédestre » de l’amendement du Gouvernement montre bien quel est le cheminement que nous suivons. Aujourd’hui, 170 centres-bourgs ne sont pas couverts en 2G et 3 000 en 3G. Notre premier objectif est de les couvrir tous en 2G d’ici au 31 décembre 2016 et en 3G d’ici à la fin du premier semestre 2017.

À travers cet amendement, nous définissons les projets de convention qui devront être finalisés dans les deux mois et mettons en place un mécanisme permettant à l’ARCEP de sanctionner les opérateurs qui ne respecteraient pas leurs engagements. Jusqu’à maintenant, il a suffi d’une mise en demeure ou d’une notification pour que les opérateurs se rangent ; il en ira sans doute de même cette fois encore.

Voilà ce que nous proposons pour le premier bloc des centres-bourgs.

S’agissant des projets de convention, je reconnais que la rédaction de l’amendement est très alambiquée. C’est parce que nous avons dû mettre un coup d’accélérateur : je ne sais depuis quand durent les négociations avec les opérateurs, mais cela fait déjà six mois que je suis à Bercy et, manifestement, elles auront duré au moins autant. (Sourires.)

Avant la fin du mois, j’aurai rencontré tous les opérateurs. Les choses sont simples : soit les conventions sont conclues avant la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale et je pourrai alors les produire, soit nous continuons à patauger. Dans cette dernière hypothèse, je m’engage à modifier cette rédaction pour qu’il s’agisse non plus de projets de convention, mais d’obligations gravées dans le dur de la loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est le seul moyen d’avancer : si les opérateurs veulent négocier de bonne foi, nous finirons par faire aboutir ces conventions ; s’ils ne le veulent pas, nous aurons recours à la force de la loi !

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous sommes dans la même logique pour les autres zones : si nous n’arrivons pas à nous mettre d’accord sur des conventions, nous graverons ces obligations dans le dur de la loi.

Cet amendement vise donc également à modifier l’article L. 34-8-5 du code des postes et des communications électroniques pour créer le « guichet unique » dont je parlais voilà quelques instants, lequel permettra aux collectivités territoriales de bénéficier du cofinancement de l’État pour la couverture des zones rurales, indépendamment des centres-bourgs. L’extension de la couverture, à partir d’un centre-bourg, ne coûte pas un argent fou : environ 100 000 euros. Avec les 20 millions d’euros mobilisés à cet effet, nous pourrons déjà couvrir pas mal de zones.

Le principe est simple : les collectivités qui ne sont couvertes qu’au niveau du centre-bourg viendront à ce guichet pour définir les modalités de réponse et de financement de l’extension de la couverture. Une fois l’investissement réalisé, les opérateurs seront obligés de venir. Dans les centres-bourgs, ce sont eux qui construisent l’antenne et s’assurent ensuite du financement courant. Là, l’État prendra une part substantielle à l’investissement nécessaire à l’extension de la couverture au-delà du centre-bourg, mais ce sont ensuite les opérateurs qui assureront les financements courants.

Ces territoires ne sont donc pas abandonnés. Ils relèvent simplement d’un autre mécanisme, plus complexe, mais s’inspirant de la même logique : si je n’ai pas la garantie que les conventions seront conclues avec les opérateurs – c’est l’approche que nous privilégions aujourd’hui – d’ici à la fin du mois, nous inscrirons des obligations dans le dur de la loi, en termes de temps et de moyens.

À mes yeux, il ne s’agit pas seulement d’un premier pas, mais d’un dispositif pérenne. Vous avez raison de souligner que vous avez largement débattu de ce sujet et que des initiatives parlementaires ont été prises, notamment dans le projet de loi NOTRe. Le Premier ministre a pris un engagement au mois de mars. La parole publique a été donnée. Si je ne vous proposais qu’un premier pas, nous ferions le même constat dans six mois et que pourrions-nous répondre alors à nos concitoyens qui ne sont pas dans le centre-bourg ? La belle affaire ! Il s’agit donc d’une question de crédibilité collective. Ne pas agir, ce serait courir le risque de se ridiculiser collectivement.

Telles sont les clarifications que je voulais apporter, tels sont les engagements que je voulais prendre.

Par ailleurs, je ne crois pas à la création d’un fonds de péréquation. Nous parlons ici d’opérateurs privés qui gèrent des fréquences. Ils ont des obligations à respecter que nous pouvons légitimement inscrire dans la loi. Créer un fonds de péréquation reviendrait en quelque sorte à faire des sociétés d’économie mixte de téléphonie fixe et mobile.

Pour ma part, je pense que chacun doit rester à sa place et l’occuper tout entière. L’État n’a donc pas vocation à devenir opérateur de manière directe ou indirecte. Par contre, il doit prendre ses responsabilités et graver dans la loi, le cas échéant, les règles nécessaires à l’égalité d’accès de tous les territoires aux services de téléphonie. Tel est le rôle de la puissance publique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1761 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 33 septies D est ainsi rédigé, et l'amendement n° 1400 n'a plus d'objet.

Article 33 septies D (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 33 septies (Texte non modifié par la commission)

Articles additionnels après l'article 33 septies D

M. le président. L'amendement n° 130 rectifié bis, présenté par MM. de Legge et Retailleau, Mmes Gatel, Imbert et Mélot, MM. D. Laurent et Danesi, Mme Cayeux, M. G. Bailly, Mme Morhet-Richaud, MM. Commeinhes, Pierre, Houel, Mouiller et Calvet, Mme Gruny, MM. Milon et B. Fournier, Mme Primas, MM. Vaspart, Allizard, Trillard, Pinton, de Raincourt et Chasseing, Mme Des Esgaulx, MM. Gournac, Morisset, Sido, Laufoaulu, Revet et César, Mme Bouchart, MM. Mandelli, Houpert, Lefèvre, Laménie, Grosdidier, Buffet et de Nicolaÿ, Mme Hummel, M. Mayet, Mme Lamure et M. Saugey, est ainsi libellé :

Après l’article 33 septies D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le IV de l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque ces mêmes conditions sont réunies, les collectivités peuvent subventionner l’équipement des logements et locaux à usage professionnel en vue de leur connexion aux réseaux de communications électroniques ouverts au public. »

La parole est à M. Pascal Allizard.

M. Pascal Allizard. Le raccordement final des particuliers et des entreprises aux réseaux de communication électronique, à haut comme à très haut débit, peut avoir un coût élevé dans les zones rurales ou difficiles d’accès – le débat que nous venons d’avoir était parfaitement clair sur ce sujet – et notamment le raccordement à la boucle locale à très haut débit en fibre optique.

Les collectivités territoriales sont, dès lors, justifiées à intervenir afin de soutenir l’effort financier de ces particuliers et entreprises. Aussi convient-il de sécuriser le cadre de cette intervention en l’autorisant expressément à l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, qui fonde l’action des collectivités en matière de réseaux à haut et très haut débit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. Cet amendement vise à sécuriser juridiquement une pratique observée dans de nombreuses collectivités, tout en respectant le principe de neutralité technologique prévu par le droit européen. La commission a donc émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Comme vient de le dire Mme la rapporteur, cet amendement vise à sécuriser une pratique qui existe déjà. On le constate dans les projets soumis à la mission très haut débit. Il me semble donc satisfait. Par conséquent, le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, il s’en remettra à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.

M. Patrick Chaize. Je crains que cet amendement n’ouvre la porte à un financement par les collectivités dans les zones conventionnées. Il me semblerait donc utile et nécessaire de le rectifier afin de préciser que cette pratique se réalise hors zones conventionnées.

Mme Nicole Bricq. C’est n’est pas sérieux !

M. le président. Monsieur Allizard, qu’en pensez-vous ?

M. Pascal Allizard. Cette précision paraît assez sage. On peut effectivement craindre, comme le redoute notre collègue, que certains opérateurs profitent de l’ouverture prévue par cet amendement pour chercher à bénéficier d’aides sur des secteurs déjà conventionnés et rentables. Personnellement, je serais favorable à une telle rectification.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. La commission rappelle que MM. de Legge et Retailleau tiennent à l’intégrité du texte de l’amendement. Il nous semble difficile en leur absence de changer substantiellement son sens. C’est un problème de méthode.

M. le président. Monsieur Allizard, renoncez-vous à apporter cette rectification ?

M. Pascal Allizard. En tant que cosignataire de l’amendement, il me semble que la suggestion de notre collègue Chaize n’est pas dénuée de bon sens.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Cet amendement, qui émane du département d’Ille-et-Vilaine, et dont je suis également cosignataire, ne remet nullement en cause tout ce qui a été dit par nos collègues sur l’enjeu national de l’équilibre territorial en matière de déploiement du haut débit et sur la responsabilité – cela dit sans polémique – de l’État.

Il y a, dans ce territoire comme dans d’autres, une volonté des communes et des intercommunalités de se prendre en charge, conformément au précepte « Aide-toi, le ciel t’aidera ». Pour favoriser le développement économique, nous sommes amenés à prévoir qu’une commune ou une intercommunalité contribue financièrement au déploiement numérique, faute de quoi la ruralité continuera à se transformer en hyper-ruralité.

Pour en avoir discuté encore hier soir avec MM. de Legge et Retailleau, il me semble préférable, pour sécuriser la situation, de conserver l’amendement en l’état. En effet, aujourd'hui, on oppose aux collectivités l’arrêt du Conseil d’État Commune de Chauriat de 1993, qui leur interdit d’intervenir financièrement s’il n’existe pas de disposition législative précise.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Cet amendement me gêne. Pendant deux heures, nous avons répété que les collectivités locales mettaient trop d’argent et l’État pas assez et que c’était à ce dernier d’arroser partout : en ville comme dans les zones rurales.

Par cet amendement, il s’agit d’affirmer très clairement que les collectivités locales peuvent financer l’équipement des locaux à usage professionnel. À titre personnel, je le dis très tranquillement, je suis tout à fait opposé à une telle disposition. Selon moi, le rôle des collectivités locales, c’est d’amener les « tuyaux », de faire en sorte qu’il y ait des usages, d’assurer la couverture numérique.

Dans la mesure où une telle possibilité est déjà prévue par la loi, pourquoi serait-il nécessaire de l’écrire ici ? Si tel était le cas, connaissant bien les arcanes de l’État – je ne parle ni des gouvernements de droite ni de ceux de gauche, mais de l’État –, ne vous racontez pas d’histoires, mes chers collègues, seules les collectivités locales assureront ensuite le financement, l’État s’échappera.

Nous travaillons tous dans la même direction, pour obtenir la meilleure couverture possible et contribuer à l’équipement des locaux commerciaux. Mais quel sera le revers de la médaille ? L’État renverra en boomerang aux collectivités que c’est à elles de financer !

M. le président. Monsieur Allizard, que décidez-vous ?

M. Pascal Allizard. Je ne vais pas rectifier l’amendement. Je rappelle simplement qu’il tend à répondre à la problématique des coûts d’abonnement et de raccordement pour les entreprises. Les opérateurs, notamment dans les zones non conventionnées, proposent des tarifs généralement exorbitants.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 130 rectifié bis.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. L'amendement n° 573 rectifié, présenté par M. Maurey, Mmes Morin-Desailly et Férat, MM. Guerriau, Pozzo di Borgo, Revet, Bignon, Détraigne, Chaize et J.L. Dupont, Mme Gatel, MM. Roche et Marseille, Mme Billon et M. Kern, est ainsi libellé :

Après l’article 33 septies D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa du B du II de l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques, les mots : « au moins » sont supprimés.

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Cet amendement vise à améliorer la cohérence du dispositif prévu pour les projets d’installations radioélectriques par la loi du 9 février 2015 relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, dite « loi Abeille ». Ce texte tend notamment à renforcer l’information des maires et des présidents d’intercommunalité en cas d’installation d’antennes ou de modifications substantielles de leurs conditions d’utilisation.

L’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques, modifié par cette loi, prévoit un délai de deux mois entre le dépôt du dossier d’information et la demande d’autorisation d’urbanisme pour un projet portant sur une nouvelle installation radioélectrique. Le même article prévoit un délai d’« au moins deux mois » entre le dépôt du dossier d’information et le début des travaux pour un projet de modification substantielle d’une installation existante.

Or ces projets de modification présentent des enjeux de même importance, sinon moindres, que les projets de nouvelles installations. Les délais imposés manquent donc de cohérence. Le présent amendement vise ainsi à fixer précisément à deux mois le délai exigé pour un projet de modification substantielle d’une installation existante. C’est une question de bon sens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement paraît effectivement de bon sens. Le délai en question ne peut être plus long que celui qui est prévu pour le dépôt du dossier lié à l’implantation d’une nouvelle installation radioélectrique, puisque l’enjeu de cette dernière est plus important. Aligner ces deux délais pour les fixer à deux mois semble donc cohérent.

En conséquence, la commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 573 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 33 septies D.

Articles additionnels après l'article 33 septies D
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l'article 33 septies

Article 33 septies

(Non modifié)

La loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques est ainsi modifiée :

1° Au premier alinéa de l’article 20, après le mot : « publicitaire », sont insérés les mots : «, sur quelque support que ce soit, » ;

2° L’article 23 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les secteurs de la publicité digitale, les modalités d’application des obligations de compte rendu définies aux premier et troisième alinéas du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »

M. le président. L'amendement n° 1699, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les obligations de compte rendu peuvent être adaptées par décret en cas de diffusion du message publicitaire par voie de communications électroniques. »

La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1699.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 33 septies, modifié.

(L'article 33 septies est adopté.)

Article 33 septies (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 33 octies A (nouveau)

Articles additionnels après l'article 33 septies

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 969 rectifié ter, présenté par M. Leleux, Mme Morin-Desailly, M. Laufoaulu, Mme Mélot et MM. Houel, Commeinhes, J. Gautier, Grosperrin, Grand et Mouiller, est ainsi libellé :

Après l’article 33 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :

1° La dernière phrase du deuxième alinéa de l’article 3-1 est ainsi rédigée :

« Il veille au respect de la numérotation logique s’agissant de la reprise des services nationaux et locaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique, selon les modalités prévues à l’article 34-4, et au caractère équitable, transparent, homogène et non discriminatoire de la numérotation des autres services de télévision dans les offres de programmes des distributeurs de services. » ;

2° Le second alinéa de l’article 34-4 est ainsi rédigé :

« Les distributeurs de services dont l’offre de programmes comprend des services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique doivent proposer la numérotation logique définie par le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour ces services. Ils peuvent également proposer au téléspectateur la possibilité d’opter à tout moment, explicitement et de manière réversible, pour une numérotation différente qui présente un caractère équitable, transparent, homogène et non discriminatoire. Les conditions de mise à disposition de cette offre sont fixées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. »

II. – Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2016.

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.

M. Jean-Pierre Leleux. Il s’agit d’un amendement d’équilibre et de compromis, destiné à apaiser un débat qui a lieu depuis près de dix ans et qui oppose un certain nombre d’acteurs de l’audiovisuel.

Je rappelle que le Conseil supérieur de l’audiovisuel a la charge et la mission, de par la loi, de fixer les règles de la numérotation des chaînes. La loi du 30 septembre 1986 dispose en effet que « les distributeurs de services dont l'offre de programmes comprend l'ensemble des services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique, s'ils ne respectent pas la numérotation logique définie par le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour la télévision numérique terrestre, doivent assurer une reprise de ces services en respectant l'ordre de cette numérotation. Dans ce cas, la numérotation doit commencer à partir d'un nombre entier suivant immédiatement un multiple de cent ».

Un certain nombre d’opérateurs respectent la numérotation préconisée par le CSA, tandis que d’autres choisissent une numérotation par thématiques et regroupent à partir du numéro 300 le bloc TNT. Certains des éditeurs de la TNT gratuite souhaitent que l’ensemble des distributeurs respectent la numérotation prévue par le CSA, qui est qualifiée de logique, bien qu’elle ne le soit pas totalement.

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a souvent rappelé cette doctrine, affirmant que l’ensemble des distributeurs, quel que soit leur mode de diffusion, doivent respecter la numérotation dite logique. Les opposants à cette mesure font notamment valoir que la numérotation par thématiques, qui figure dans leur plan de services, assure une cohérence éditoriale entre les chaînes relevant des mêmes univers et répond à une attente des abonnés. Cette argumentation est cohérente et compréhensible. Beaucoup d’abonnés du réseau payant souhaitent en effet bénéficier d’une cohérence des lignes éditoriales, en fonction de thématiques.

Par ailleurs, ces opposants évoquent l’aspect économique, ce qui justifie mon intervention dans le cadre de ce projet de loi. Les distributeurs payants contribuent beaucoup plus à la production que les chaînes de la TNT, notamment les nouvelles.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, consciente des difficultés juridiques, a questionné le CSA pour connaître sa position actualisée sur le sujet. Dans sa réponse, adressée le 1er avril, le CSA confirme sa doctrine historique, mais ouvre une porte très intéressante en demandant que les intérêts économiques des distributeurs soient également reconnus.

Le présent amendement impose donc la numérotation logique tout en permettant aux opérateurs-distributeurs de proposer aux téléspectateurs une autre numérotation, transparente et placée sous la surveillance du CSA. On rend ainsi la main aux téléspectateurs, ce qui nous paraît constituer un progrès.

M. le président. Veuillez conclure !

M. Jean-Pierre Leleux. Mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir adopter cet amendement, qui satisfait une grande partie des acteurs.

M. le président. Le sous-amendement n° 1791, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Amendement n° 969 rectifié ter, alinéa 7

1° Première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et, conjointement et à tout moment, explicitement et de manière réversible, une numérotation différente qui présente un caractère équitable, transparent, homogène et non discriminatoire

2° Deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Les chaînes de la TNT, lancées en 2005, représentent une offre gratuite et diverse, mais ne constituent cependant qu’une partie du paysage audiovisuel français. Par le biais de leur mode de diffusion, elles sont très largement exposées et accessibles aux 27,2 millions de foyers français équipés d’un récepteur de télévision. Toutefois, seuls 30 % d’entre eux, soit 3,7 millions de foyers, ne reçoivent que la TNT.

Comme l’a expliqué notre collègue Leleux, il faut répondre aux attentes des téléspectateurs, quels que soient leurs modes de consommation. Il faut aussi trouver un équilibre permettant d’assurer une exposition suffisante des acteurs, quel que soit leur mode de distribution.

À la suite de l’amendement déposé par notre collègue Dallier en commission spéciale, la présidente de la commission de la culture a demandé au CSA de livrer son avis. Ce dernier s’est clairement prononcé en faveur d’une solution préservant à la fois les intérêts des téléspectateurs qui apprécient la numérotation par thématiques mise en place par les distributeurs et de ceux qui recherchent une numérotation uniforme sur l’ensemble des plateformes, hertziennes ou autres réseaux.

L’autorité de régulation a estimé qu’une solution permettant à la fois de présenter la numérotation « logique » sur toutes les offres des distributeurs et d’avoir accès à une numérotation par thématiques satisferait les téléspectateurs et préserverait, en outre, les intérêts économiques des chaînes de la TNT comme des groupes détenant des chaînes payantes.

L’amendement déposé par M. Leleux cherche à définir cette voie médiane. Dans la recherche de cet équilibre, il me semble qu’il convient de préciser la proposition de notre collègue afin de la renforcer. C’est précisément l’objet de ce sous-amendement.

On confie au CSA le soin de définir le dispositif, mais encore faut-il en préciser la mise en œuvre afin que le double système de numérotation ne privilégie pas un mode de distribution au détriment de l’autre. Nous souhaitons donc que les distributeurs qui, dans leurs offres, proposeront à la fois une reprise des chaînes TNT et d’autres services payants soient tenus d’accompagner ces offres du double système de numérotation, le téléspectateur-consommateur restant ainsi libre de choisir l’un ou l’autre.

M. le président. Veuillez conclure !

M. David Assouline. J’insiste donc sur cette liberté de choix de la numérotation par le téléspectateur et sur l’obligation pour les distributeurs d’offrir les deux systèmes, alors que l’amendement de M. Leleux prévoit pour sa part une simple faculté.

M. le président. L'amendement n° 1452 rectifié, présenté par MM. Dallier et G. Bailly, Mme Bouchart, MM. Calvet et Cambon, Mme Cayeux, MM. César, Charon, Commeinhes, P. Dominati et Delattre, Mmes Deromedi et di Folco, MM. Doligé et J. Gautier, Mme Gruny, M. Houel, Mmes Hummel et Imbert, MM. Karoutchi et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Longuet et Malhuret, Mmes Mélot et Micouleau et MM. Milon, Morisset, Mouiller, Pellevat, Perrin, Raison et Saugey, est ainsi libellé :

Après l’article 33 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :

1° Le deuxième alinéa de l’article 3-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« S’agissant des services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne en mode numérique, il veille au respect de la numérotation logique qu’il a préalablement définie dans les conditions prévues par la présente loi. » ;

2° Le premier alinéa de l’article 17-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce différend peut notamment concerner la numérotation des services de télévision dans les offres de programmes des distributeurs de service, à l’exception des services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique, dont la reprise selon la numérotation logique définie par le Conseil supérieur de l’audiovisuel est obligatoire, en application du second alinéa de l’article 34-4 de la présente loi. » ;

3° Le second alinéa de l’article 34-4 est ainsi rédigé :

« Les distributeurs de services dont l’offre de programmes comprend des services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne en mode numérique respectent la numérotation logique définie par le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour la télévision numérique terrestre. »

La parole est à Mme Jacky Deromedi.

Mme Jacky Deromedi. Les chaînes gratuites ont vocation à être accessibles par l’ensemble de la population, quel que soit le mode de réception de la télévision choisi par nos concitoyens.

Or, même si les chaînes de la TNT sont bien présentes dans les plans de services des différents distributeurs, le téléspectateur abonné n’est pas en mesure de les retrouver selon leur numérotation logique, contrairement au téléspectateur qui reçoit gratuitement la TNT sur son téléviseur. Ainsi, le téléspectateur abonné est littéralement perdu, ce qui est fortement préjudiciable à l’intérêt général des téléspectateurs, et donc des foyers français, dont l’engouement pour la TNT n’est plus à démontrer. À titre d’exemple non limitatif, BFM TV, dont la numérotation analogique attribuée par le CSA est le 15, se trouve reléguée au numéro 103 sur Canalsat et au numéro 43 sur Numericable. Il y va de même pour Chérie 25 et Gulli.

Il existe par conséquent une inégalité d’accès des téléspectateurs aux chaînes gratuites de la TNT, laquelle méconnaît manifestement les exigences d’intérêt général liées aux attentes légitimes des téléspectateurs vis-à-vis des chaînes autorisées par l’autorité sectorielle à occuper le domaine public. Une modification législative imposant, en toutes circonstances, aux distributeurs de services de respecter la numérotation logique définie par le CSA devrait s’imposer, tant il est manifeste que l’objectif d’intérêt général poursuivi n’est pas atteint.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission n’a pu émettre d’avis sur le sous-amendement n° 1791 en raison de son dépôt tardif. Ma collègue rapporteur Dominique Estrosi Sassone estime toutefois que ce sous-amendement complique plutôt la rédaction de l’amendement n° 969 rectifié ter et modifie l’équilibre trouvé après de longues et délicates négociations entre les différents acteurs concernés. Elle en sollicite donc le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Les amendements nos 969 rectifié ter et 1452 rectifié abordent le délicat et ancien problème de la numérotation des chaînes de télévision de la TNT.

Le débat sur la numérotation des chaînes oppose en réalité deux catégories de distributeurs.

Les distributeurs de la TNT gratuite, qui comptent vingt-cinq chaînes aujourd’hui, souhaitent que soit imposée à l’ensemble des distributeurs l’obligation de proposer ce qu’on appelle la « numérotation logique » des chaînes, qui s’appuie sur leur numéro logique attribué par le CSA.

Les distributeurs de la TNT payante demandent au contraire à ne pouvoir proposer qu’une numérotation « thématique » de l’ensemble des chaînes, c’est-à-dire une numérotation regroupant et organisant les chaînes par thème.

La loi sur l’audiovisuel du 30 septembre 1986, en l’état, prévoit un système hybride qui ne satisfait réellement personne.

Face aux demandes d’évolution, deux solutions sont envisageables.

Notre collègue Leleux, à travers l’amendement n° 969 rectifié ter, suggère une solution de compromis, qui laisse les distributeurs libres de proposer les deux types de numérotation, et à tout le moins la numérotation logique. C’est à l’usager qu’il reviendrait dans ce cas de choisir le type de numérotation qui lui convient le mieux.

Notre collègue Dallier, à travers l’amendement n° 1452 rectifié défendu par Jacky Deromedi, propose pour sa part une solution plus radicale, qui vise à imposer le respect de la numérotation logique à tous les distributeurs.

Nous préférons le premier amendement, qui prévoit une rédaction de compromis satisfaisant tous les acteurs, y compris le CSA, saisi par notre collègue Catherine Morin-Desailly. À l’opposé, l’autre amendement retient une solution un peu trop radicale, peu réaliste dans sa mise en œuvre, et dont le coût serait très élevé pour les chaînes concernées.

Nous avons donc émis un avis favorable sur l’amendement n° 969 rectifié ter et suggérons le retrait de l’amendement n° 1452 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 969 rectifié ter, de même que sur le sous-amendement n° 1791, qui lui semble utilement en préciser et en clarifier la rédaction. En revanche, il sollicite le retrait de l’amendement n° 1452 rectifié, dont la rédaction lui semble moins finalisée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Leleux. L’amendement que je vous propose d’adopter, mes chers collègues, est l’aboutissement d’un travail de plusieurs semaines de concertation avec l’ensemble des acteurs :…

M. David Assouline. Mon sous-amendement aussi !

M. Jean-Pierre Leleux. … CSA, tenants de la numérotation logique et partisans de la numérotation par thématiques.

Cet amendement, qui obéit à une rédaction extrêmement précise dans laquelle chaque mot compte, est aujourd’hui accepté par tout le monde, à défaut de soulever un enthousiasme généralisé, ce qui est rare dans un compromis. Je souhaite donc qu’il soit adopté en l’état, et je demande à notre collègue Assouline de bien vouloir retirer le sous-amendement n° 1791, qui, en rompant l’équilibre trouvé au terme de la concertation, risque de relancer l’opposition d’une partie du monde de l’audiovisuel.

M. David Assouline. Incroyable !

M. Jean-Pierre Leleux. Je comprends par ailleurs la logique de l’amendement n° 1452 rectifié. Toutefois, celui-ci cristallise la position historique du CSA, laquelle a considérablement évolué en même temps que le panorama audiovisuel, notamment pour des raisons économiques. Ne négligeons pas en effet la contribution des opérateurs câblés payants à l’industrie culturelle, en termes de création comme de production.

M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour explication de vote.

Mme Jacky Deromedi. Nous retirons notre amendement, et nous nous rallions à l’amendement n° 969 rectifié ter.

M. le président. L'amendement n° 1452 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. M. Leleux a fort bien rappelé l’équilibre délicat et subtil qui a été atteint après un assez long travail de concertation avec les acteurs concernés, de même que l’avis rendu par le CSA.

M. Assouline tente légitimement d’apporter sa pierre à l’édifice, animé d’un louable souci de clarté. Toutefois, les acteurs en présence, qu’il s’agisse des distributeurs de la TNT gratuite ou de ceux des chaînes payantes, ne demandent pas spécialement la modification de cet amendement. D’aucuns seraient même plutôt inquiets à l’idée que l’on puisse toucher au subtil équilibre qui a été atteint.

Le travail de longue haleine mené par la commission de la culture porte aujourd’hui ses fruits ; il serait sans doute plus prudent d’en rester à la sage rédaction de l’amendement défendu par M. Leleux.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Je ne veux pas qu’on laisse entendre dans l’hémicycle que la sagesse ne serait que d’un côté. Ma proposition s’inscrit dans la logique de l’amendement de M. Leleux, dont je soutiens les efforts de consensus, de rassemblement et de sagesse.

Cela fait un certain nombre d’années que, en tant que sénateur, je travaille avec une grande précision sur le secteur audiovisuel. Je connais les acteurs. Vous pensez bien que je les ai écoutés moi aussi avant de présenter ce sous-amendement.

Mon travail m’a appris une chose : quand on travaille sur le secteur audiovisuel, on se fait appeler par tout le monde tous les jours. Chacun défend ses intérêts en les présentant comme l’intérêt général ; c’est à ce titre que les acteurs s’adressent à nous. Du fait de ces pressions, de ce lobbying, l’intérêt général paraît contradictoire. J’ai toujours essayé – par exemple lorsque nous avons débattu de la question de la revente des fréquences – d’écouter tout le monde avant de définir ce qui me semblait être l’intérêt général. Cependant, même s’il faut rechercher le consensus, c’est à la représentation nationale, et à personne d’autre, qu’il appartient de décider.

Je défends un point de vue politique équilibré. Croyez-en mon expérience, le secteur connaît des bouleversements. L’acceptation de ce qu’on appelle la numérotation logique est remise en cause par la révolution numérique. Si on avait appris à nos enfants que la logique, c’est 1, 2, 3, 4, 5, ils ne seraient pas très bons en mathématiques ni en géométrie. Les choses sont en effet plus complexes. Il y a aujourd'hui un tel foisonnement de chaînes – on en compte parfois deux cents – qu’une numérotation par thématiques serait elle aussi logique. On pourrait ainsi choisir plus facilement entre les différentes chaînes d’information, sportives, culturelles, cinématographiques, etc. Je comprends que certains considèrent que la logique commande de classer les chaînes de 1 à 24, mais, plus une chaîne a un numéro élevé, moins elle est exposée ; il faut en tenir compte.

Le présent projet de loi ne concerne pas l’audiovisuel. On essaie tout de même d’y introduire des dispositions relatives à ce secteur. On devrait travailler à un texte sur l’audiovisuel – je le dis depuis longtemps –, car la révolution médiatique soulève mille problèmes. On pourrait ainsi prendre des mesures logiques sur la numérotation, la revente des fréquences, etc. Je pense à la polémique sur la chaîne Numéro 23. Pourquoi cette chaîne, qui a le souci de la création et de la diversité, devrait-elle nécessairement être placée avant la chaîne n° 300 – j’ai choisi cet exemple au hasard ?

Ma proposition va complètement dans le sens de l’équilibre : il s’agit d’avoir à la fois la numérotation logique et la numérotation par thématiques. Les chaînes qui ont un intérêt économique au maintien du premier système sont préservées. Les chaînes qui ont un intérêt économique à la mise en œuvre du second système – il s’agit notamment de grands groupes – le sont également. N’oublions pas que les chaînes ont des obligations en matière de culture et d’investissement. Par exemple, Canal+ doit investir dans le domaine du cinéma et qu’elle est concurrencée dans le domaine du sport.

Si l’on s’en tient à la rédaction actuelle de l’amendement, les distributeurs de services pourront – j’insiste sur ce verbe – proposer au téléspectateur la possibilité d’opter pour une numérotation différente. J’ai peur que cela leur permette d’établir une hiérarchie entre les deux types de numérotation. Je souhaite pour ma part qu’on mette en place les deux numérotations, en donnant le moyen au téléspectateur de faire son choix.

On pourra préciser d’autres choses à l’avenir, car la révolution va continuer : des chaînes vont disparaître, des fusions de groupes vont avoir lieu, des numéros et des bouquets vont changer. Pour l’instant, je vous demande d’accepter la mesure que je propose. Elle va complètement dans votre sens, monsieur Leleux. Elle est sage et précise. Elle tient compte des acteurs.

Le Parlement doit faire ses choix en toute indépendance. Lorsque j’ai proposé une taxation sur les reventes de fréquences au moment de l’affaire Bolloré-Canal+ – je suis donc à l’aise pour en faire de même concernant Numéro 23 –, certains ont pris l’un ou l’autre parti. C’était une erreur. Nous subissons des pressions de tous les côtés, mais nous devons rester au milieu.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1791.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 969 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 33 septies.

Articles additionnels après l'article 33 septies
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article additionnel après l'article 33 octies A

Article 33 octies A (nouveau)

La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code du tourisme est ainsi modifiée :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Des contrats relatifs à l’hôtellerie » ;

2° Au début, il est ajouté une sous-section 1 intitulée : « Rapports entre bailleurs et locataires des immeubles affectés à l’hôtellerie » et comprenant les articles L. 311-1 à L. 311-5 ;

3° Il est ajouté une sous-section 2 ainsi rédigée :

« Sous-section 2

« Des rapports entre hôteliers et plateforme de réservation en ligne

« Art. L. 311-5-1. – Le contrat entre un hôtelier et une personne physique ou morale exploitant une plateforme de réservation en ligne portant sur la location de chambres d’hôtel aux clients, ne peut être conclu qu’au nom et pour le compte de l’hôtelier et dans le cadre écrit du contrat de mandat mentionné aux articles 1984 et suivants du code civil.

« Nonobstant les dispositions du premier alinéa, l’hôtelier conserve la liberté de consentir au client tout rabais ou avantage tarifaire, de quelque nature que ce soit.

« Art. L. 311-5-2. – Le contrat prévu à l’article L. 311-5-1 fixe les conditions de rémunération du mandataire ainsi que les prix de la location des chambres et de tout autre service.

« La rémunération du mandataire est déterminée librement entre l’hôtelier et la plateforme de réservation en ligne.

« Art. L. 311-5-3. – Est puni d’une amende de 30 000 €, pouvant être portée à 150 000 € s’il s’agit d’une personne morale, le fait pour le représentant légal de la plateforme de réservation en ligne d’opérer sans contrat conclu conformément à l’article L. 311-5-1.

« L’absence de respect des dispositions prévues à l’article L. 311-5-2 est puni d’une amende de 7 500 €, pouvant être portée à 30 000 € pour une personne morale.

« Les infractions précitées sont constatées par les agents mentionnés à l’article L. 450-1 du code de commerce et dans les conditions prévues par ce même article.

« Art. L. 331-5-4. – Les dispositions de la présente sous-section s’appliquent quel que soit le lieu d’établissement de la plateforme de réservation en ligne dès lors que la location est réalisée au bénéfice d’un hôtel établi en France.

« Les contrats entre hôteliers et plateformes de réservation en ligne conclus antérieurement à la présente loi cessent de produire leurs effets dès l’entrée en vigueur de la présente loi. »

M. le président. L'amendement n° 1519, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. L’article 33 octies A prévoit de restreindre très fortement la liberté contractuelle des acteurs économiques en imposant le carcan d’un modèle unique de contrat. Une telle restriction nous paraît disproportionnée et inadaptée pour régler les difficultés actuelles de l’hôtellerie française. Les professionnels eux-mêmes le reconnaissent.

La mesure ne fait pas consensus au sein de la profession. Une partie des hôteliers doute fortement de son utilité pour améliorer leurs relations commerciales avec les sites de réservation en ligne. Ces relations sont aujourd'hui examinées de façon très approfondie par deux instances : l’Autorité de la concurrence, qui a été saisie par les syndicats professionnels et, plus récemment, par le groupe Accor – je l’ai moi-même consultée –, et le tribunal de commerce de Paris, qui doit se prononcer sur la légalité de certaines clauses des contrats des sites de réservation en ligne, car mes services ont déposé des assignations.

Il me paraît plus sage d’attendre les conclusions de ces deux instances. En faisant jurisprudence, pour celles du tribunal de commerce de Paris, et en éclairant le débat, pour celles de l’Autorité de la concurrence, elles devraient nous permettre d’améliorer le cadre régulatoire plutôt que d’imposer le carcan d’un modèle unique de contrat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 33 octies A, introduit par la commission spéciale sur l’initiative de Jean-Claude Lenoir, prévoit une obligation de conclure un contrat de mandat dans les relations commerciales entre hôteliers et plateformes de réservation en ligne, afin de mieux encadrer et ainsi de rééquilibrer ces relations. Nous avons souhaité marquer notre volonté d’avancer sur ce problème, qui est en instance depuis plusieurs années et porte préjudice à nos hôteliers. Cependant, nous avons indiqué dans le rapport que notre position en séance publique serait largement déterminée par les avancées les plus récentes.

Comme vient de l’indiquer M. le ministre, plusieurs consultations sont en cours. Dans l’attente de leurs conclusions, la commission a d'abord émis un avis de sagesse sur cet amendement, ainsi que sur les deux suivants, qui visent à supprimer une partie de l’article. Il nous paraît néanmoins intéressant de conserver l’article en l’état durant la navette, pour le cas où les conclusions des consultations ne seraient pas satisfaisantes ; il serait alors nécessaire de légiférer. C’est donc plutôt un avis de sagesse négative, voire très négative, que nous émettons sur les amendements de suppression totale ou partielle de l’article.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote.

Mme Michelle Demessine. Il est très important de conserver l’article 33 octies A, même si des procédures judiciaires sont en cours.

L’émergence des agences en ligne correspond à un nouveau mode de consommation, désormais incontournable. Ces agences et ce mode de consommation ont cependant imposé un modèle économique dangereux et intenable à long terme. Il faut savoir que les agences prennent une commission de 20 % sur des tarifs qu’elles négocient le plus bas possible auprès des hôteliers et des opérateurs de tourisme. Un autre problème est que les agences récupèrent à bon compte les fichiers clients.

Monsieur le ministre, vous avez dit qu’il n’existait pas de consensus au sein de la profession. Cela s’explique par la diversité des acteurs. Je pense que vous vouliez dire qu’il n’existait pas de consensus entre les gros opérateurs et les petits opérateurs ; ce sont ces derniers, très nombreux, qui maillent le mieux notre territoire. Il faut reconnaître que, dans beaucoup de domaines, l’émergence des nouvelles technologies nous place sous la domination totale d’opérateurs internationaux qui n’ont que faire de notre intérêt général.

Mme Michelle Demessine. Vous le savez, l’économie touristique est très importante pour notre pays. Elle est très importante non seulement pour l’emploi, mais aussi pour l’aménagement du territoire ; ce n’est pas un petit enjeu. Je pense que la mise en place de règles est une impérieuse nécessité si nous voulons préserver la diversité de notre tourisme. C’est cette diversité qui nous permet d’être la première destination touristique du monde.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Il me semble utile de conserver l’article 33 octies A durant la navette. C'est pourquoi Mme la rapporteur a émis un avis de sagesse très négative. La suite du processus législatif nous permettra peut-être de peaufiner le dispositif, en dialogue avec le Gouvernement et l’Assemblée nationale.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1519.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 194 rectifié decies est présenté par MM. Commeinhes, Lefèvre, Vaspart, César, Milon, Vogel, Buffet, Guerriau, Grosdidier, Calvet, Laufoaulu et Bockel, Mme Deromedi et MM. Doligé et Kern.

L'amendement n° 591 rectifié est présenté par Mme Lamure et M. Houel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. François Commeinhes, pour présenter l’amendement n° 194 rectifié decies.

M. François Commeinhes. Lors de la clôture des Assises du tourisme, à l’été 2013, François Hollande a décrété une mobilisation générale pour redynamiser le tourisme français. Il a même érigé le tourisme en cause nationale. L’ambition du Président de la République est d’accueillir 100 millions de touristes étrangers par an d’ici à 2030, alors que le marché mondial devrait atteindre les 2 milliards de touristes.

Pour réussir ce pari, la France s’est dotée d’une agence de développement touristique, Atout France, qui est chargée de promouvoir le tourisme dans son ensemble. Surtout, cet organisme unique en son genre doit nous éclairer sur les difficultés du secteur touristique. Le rapport parlementaire afférent a pointé plusieurs transformations qui affectent ce secteur. La première est la désintermédiation numérique, c'est-à-dire l’utilisation d’outils numériques. Dorénavant, il existe non plus un mais des tourismes : on voit se développer le « e-tourisme » sur le web, le « m-tourisme » sur les mobiles ou encore le « tourisme social » sur les réseaux sociaux.

Aujourd’hui, plus de 80 % des touristes préparent et réservent leurs voyages sur internet. La maîtrise du numérique est donc devenue indispensable, ce que les professionnels du tourisme français ont mis du temps à comprendre. Ils ont également tardé à en tirer les conséquences, faute, bien souvent, des ressources nécessaires pour un tel investissement. Cependant, la contribution des professionnels du tourisme en ligne à l’économie du tourisme en France et à sa modernisation est significative et le sera encore. Le rapport présenté par Mme la députée Pascale Got, en février 2015, est venu confirmer cette observation.

Les hôteliers, en particulier les indépendants et les plus modestes, qui n’ont pas les moyens de développer eux-mêmes une stratégie internet, peuvent avoir recours aux agences de tourisme en ligne pour atteindre une clientèle étrangère et pallier les baisses d’activité saisonnières. Seulement, les services que rendent ces agences ont un coût que les hôteliers n’ont parfois pas la capacité d’endosser eux-mêmes. Or ce n’est pas au titre d’un éventuel gain sur la clause de parité tarifaire que les petites et moyennes structures hôtelières pourront se permettre un tel investissement.

Actuellement, beaucoup de consommateurs pensent instinctivement que les prix sont plus élevés sur internet à cause de la présence d’un intermédiaire. Sans clause d’accès au prix le plus bas, les hôtels proposeraient des tarifs moins attractifs sur les sites d’agents de voyage en ligne que ceux qu’ils pourraient proposer directement au consommateur. Comme ces sites deviendraient de simples annuaires, les agences de voyage s’en désengageraient, comme peut-être les touristes étrangers, qui, n’ayant pas accès au meilleur prix, opteraient pour d’autres destinations. Les hôteliers finiraient ainsi par ne plus avoir accès à la même qualité de service, et la réputation de la France comme destination privilégiée des touristes du monde entier n’en sortirait pas grandie.

Si les hôteliers ne souffriront assurément qu’à moyen terme de la disparition de la clause, qui est un élément central des relations commerciales entre hôtels et agences de voyage en ligne, les consommateurs en feront les frais aussitôt.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. François Commeinhes. Pour ces raisons, il semble opportun de ne pas maintenir dans le texte de cet article l’alinéa suivant : « Nonobstant les dispositions du premier alinéa, l'hôtelier conserve la liberté de consentir au client tout rabais ou avantage tarifaire, de quelque nature que ce soit. »

En novembre 2014,…

M. le président. Il faut conclure !

M. François Commeinhes. … le ministère des affaires étrangères a demandé à l’Autorité de la concurrence de se prononcer sur l’opportunité de rendre obligatoire le recours à un contrat de mandat entre hôteliers et agences.

M. le président. Je vous demande vraiment de conclure !

M. François Commeinhes. Ayant commencé mon propos avec un Président prénommé François, je le terminerai avec un autre, à savoir François Mitterrand,…

M. le président. Vous en êtes à plus de quatre minutes !

M. François Commeinhes. … pour qui il était primordial de laisser du temps au temps. Cette attitude serait bien à propos en l’occurrence.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l’amendement n° 591 rectifié.

Mme Élisabeth Lamure. Il se trouve qu’en commission j’avais voté en toute bonne foi l’amendement de notre collègue Jean-Claude Lenoir. Néanmoins, toute médaille ayant son revers, il ne faudrait pas que, en voulant répondre à la demande des hôteliers à court terme, nous ne les désavantagions à plus long terme. C’est un peu l’objet de cet amendement de compromis.

En dehors de la réciprocité qui régit le contrat de mandat, il ne saurait être permis aux hôteliers de proposer directement aux consommateurs des prix plus bas que ceux qu’il propose par le biais des agences de voyage en ligne. En effet, une telle possibilité dissuaderait les touristes de réserver sur ces sites, pénaliserait les touristes étrangers et empêcherait ces agences de se rémunérer pour la visibilité internationale qu’elles offrent aux hôteliers français. Cela nuirait finalement beaucoup à l’économie française du tourisme.

La clause d’accès au meilleur prix, qui est examinée actuellement pas l’Autorité de la concurrence, garantit que les consommateurs pourront bien effectuer leur choix en toute transparence sur les sites des agences de voyage en ligne et qu’ils ne bénéficieront pas automatiquement de prix plus bas directement à l’hôtel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous avons déjà largement expliqué pourquoi nous souhaitions que cet article fasse partie de la navette. Je demande donc le retrait de ces deux amendements. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Commeinhes, l’amendement n° 194 rectifié decies est-il maintenu ?

M. François Commeinhes. Oui, monsieur le président.

Mme Élisabeth Lamure. Je maintiens également mon amendement, monsieur le président !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 194 rectifié decies et 591 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 33 octies A.

(L'article 33 octies A est adopté.)

Article 33 octies A (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 33 nonies

Article additionnel après l'article 33 octies A

M. le président. L'amendement n° 135 rectifié, présenté par MM. de Montgolfier, Revet, Husson et Perrin, Mme Deseyne, MM. de Nicolaÿ, Longuet, Pierre, Paul, Karoutchi, Calvet, Raison et Commeinhes, Mme Des Esgaulx, M. César, Mme Lopez, M. Leleux, Mmes Deromedi, Micouleau, Primas, Gruny et Duchêne, MM. Doligé, Mandelli et Bignon, Mme Imbert, MM. Mayet et B. Fournier, Mme Canayer, MM. Lefèvre, Darnaud, Morisset, Charon et Milon, Mme Lamure, MM. Gremillet, Laménie, Grand, Houpert et Grosdidier et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :

Après l’article 33 octies A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 621-27 du code du patrimoine sont supprimés.

La parole est à Mme Chantal Deseyne.

Mme Chantal Deseyne. L’objet de cet amendement est de clarifier la procédure de travaux sur les monuments historiques en prévoyant une seule et même autorisation au titre du code du patrimoine, au sein d’un guichet unique.

La suppression de l’autorisation au titre du code de l’urbanisme pour les immeubles inscrits au titre des monuments historiques s’inscrirait dans la logique de simplification des procédures de travaux : un même régime d’autorisation pour tous les monuments historiques, qu’ils soient inscrits ou classés, avec, éventuellement, une modulation en fonction du niveau de protection.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement tend à supprimer deux alinéas de l’article L. 621-27 du code du patrimoine, lequel précise les modalités de contrôle des travaux réalisés sur les bâtiments inscrits au titre des monuments historiques, à savoir l’obligation, pour le propriétaire d’un monument inscrit, d’informer l’administration de tout projet de travaux sur ce monument dans un délai d’au moins quatre mois.

Le régime de protection renforcée des bâtiments inscrits à l’inventaire des monuments historiques a, certes, introduit de la complexité, mais il a une motivation forte : la protection de notre patrimoine, qui demande à être maniée avec prudence. La simplification ne doit pas signifier la disparition incidente d’une protection utile à notre patrimoine. Il faut examiner le dispositif dans son ensemble pour voir si, comme l’a estimé le Conseil constitutionnel à la fin de 2011, il est équilibré ou bien si sa complexité freine inutilement la restauration ou l’entretien de ces immeubles, nuisant ainsi à l’activité du bâtiment.

Le projet de loi relatif au patrimoine, que le Gouvernement nous annonce pour cette année, comprend des mesures de simplification, en particulier la fusion des procédures et formulaires d’autorisation de travaux entre monuments classés et inscrits. Pour la commission, il serait plus sage de légiférer dans ce cadre précis, afin d’examiner les avantages et les inconvénients de cette proposition.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

Mme Chantal Deseyne. Je le retire, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 135 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 33 octies A
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article additionnel après l'article 33 nonies (début)

Article 33 nonies

(Supprimé)

Article 33 nonies
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article additionnel après l'article 33 nonies (interruption de la discussion)

Article additionnel après l'article 33 nonies

M. le président. L'amendement n° 995 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly, MM. Retailleau, Bizet et Lenoir, Mme Jouanno et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l’article 33 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Tout exploitant d’un moteur de recherche susceptible, compte tenu de son audience, d’avoir un effet structurant sur le fonctionnement de l’économie numérique :

1° Met à disposition de l’utilisateur, sur la page d’accueil dudit moteur, un moyen de consulter au moins trois autres moteurs de recherche sans lien juridique avec cet exploitant ;

2° Met à disposition des utilisateurs des informations portant sur les principes généraux de classement ou de référencement proposés ;

3° Veille à ce que le moteur de recherche considéré fonctionne de manière loyale et non discriminatoire, sans favoriser ses propres services ou ceux de toute autre entité ayant un lien juridique avec lui ;

4° Ne peut obliger un tiers proposant des solutions logicielles ou des appareils de communications électroniques, à utiliser, de façon exclusive, ledit moteur de recherche pour accéder à Internet.

II. – On entend par moteur de recherche tout service en ligne dont l’activité consiste à trouver des informations, de nature générale ou commerciale, se rapportant à un ou plusieurs sujets de recherche, délimités et spécifiques, proposés au public sur l’ensemble ou une partie substantielle du réseau Internet, sous forme de texte, d’image ou de vidéo et à les mettre à disposition de l’utilisateur en réponse à une requête exprimée par ce dernier, selon un ordre de préférence.

III. – L’article L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« … Veille au bon fonctionnement des marchés de l’économie numérique et encourage la diffusion de bonnes pratiques qui peuvent être élaborées en concertation avec les entreprises du secteur et les associations de consommateurs ou d’utilisateurs. »

IV. – En cas de manquement à l’une des obligations prévues au I du présent article, l’Autorité de régulation des communications électronique et des postes peut infliger une sanction pécuniaire à l’encontre de l’exploitant du moteur de recherche, dans le respect de la procédure prévue par l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques. Par dérogation aux dispositions dudit article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, le montant de la sanction pécuniaire peut s’élever jusqu’à 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les manquements ont été réalisés. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante.

V. - Un décret en Conseil d’État, pris après consultation de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, précise les conditions d’application du présent article.

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Nous avons beaucoup parlé du déploiement des réseaux, lesquels sont essentiels au développement de notre économie. Je voudrais que l’on parle également des usages et de la maîtrise de l’écosystème qui fait vivre désormais toute notre économie.

Les craintes face au pouvoir de monopole des géants de l’internet américains ne cessent de croître non seulement en France et en Europe, mais également aux États-Unis, où, voilà quelques semaines, la très officielle FTC, l’autorité de régulation, a mis en exergue les pratiques anticoncurrentielles du moteur de recherche Google, après des investigations qui ont d’ailleurs été enterrées en 2013. Nos collègues sénateurs américains sont en train d’enquêter sur ce sujet.

En novembre dernier, le Parlement européen a adopté une résolution pour la défense des droits des consommateurs sur le marché numérique, qui appelait la Commission européenne à envisager des propositions afin de mieux séparer les moteurs de recherche d’autres services appartenant à ces mêmes groupes. Cette préoccupation pour les moteurs de recherche s’explique tout simplement par le fait qu’ils sont la principale porte d’entrée à internet. Il s’agit donc d’acteurs structurants, qui sont désormais incontournables.

Or le comportement de certains d’entre eux porte parfois atteinte au pluralisme des idées et des opinions, nuit à l’innovation et entrave la liberté d’entreprendre et de commercer. La question de la loyauté de ces opérateurs à l’égard des acteurs français et européens est ainsi essentielle, comme l’a relevé le Conseil d’État, dans son étude annuelle 2014 intitulée Le numérique et les droits fondamentaux.

Le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui vise justement à instaurer une concurrence saine sur plusieurs marchés susceptibles de libérer l’activité économique et de créer de l’emploi, ne peut laisser de côté le secteur du numérique, qui constitue l’un des principaux relais de la croissance économique. À vrai dire, le numérique ne constitue pas une industrie comme les autres, car il concerne, aujourd’hui et demain, toutes les industries.

C’est une des préoccupations du Sénat, qui a été notamment exprimée voilà quelques mois dans le rapport de la mission commune d’information sur le nouveau rôle et la nouvelle stratégie pour l’Union européenne dans la gouvernance de l’internet, que j’ai eu l’honneur de présenter. L’Europe ne peut plus rester une « colonie du monde numérique », et il est plus que temps que nos sociétés, de plus en plus dépendantes d’internet, réagissent.

Il est donc urgent de se donner les moyens d’encadrer les pratiques de ces moteurs de recherche, compte tenu des conséquences néfastes et avérées qu’occasionnent certaines de leurs pratiques pour nos entreprises, pour l’innovation, pour les consommateurs. Bien sûr, l’atteinte de cet objectif passe par la mise en place d’une régulation ex ante.

Le classement des résultats par un moteur de recherche conditionne très largement la visibilité effective d’une information sur internet et, partant, l’attention que lui porte l’internaute. Or ce dernier a tendance à accorder une confiance abusive aux résultats des algorithmes, perçus comme objectifs et infaillibles, notamment parce qu’il ne dispose d’aucune information quant aux méthodes utilisées et que, du fait d’accords d’exclusivité, il n’a parfois pas d’autre choix que de se référer aux résultats d’un unique moteur.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Catherine Morin-Desailly. C’est un amendement important, monsieur le président.

M. le président. Je n’en doute pas !

Mme Catherine Morin-Desailly. En outre, par le truchement du paramétrage de son algorithme et, dans certains cas, de ses conditions générales d’utilisation, un moteur de recherche peut refuser de référencer ou de classer, ou bien déréférencer ou déclasser, tout site internet.

M. le président. Madame Morin-Desailly, veuillez conclure en deux mots !

Mme Catherine Morin-Desailly. Le présent amendement vise à préserver la liberté d’entreprendre des opérateurs économiques français, ainsi que le droit à l’existence numérique qui en découle, et à confier un rôle de régulation et de contrôle à l’autorité idoine, à savoir l’ARCEP.

M. le président. Le sous-amendement n° 1792, présenté par M. Assouline, est ainsi libellé :

Amendement n° 995 rectifié bis, alinéa 4

Après les mots :

trois autres moteurs de recherche

insérer les mots :

, dont au moins un dont le siège social de la société qui l’exploite se situe en France,

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. C’est un sujet que nous portons à la commission de la culture depuis longtemps.

Avec l’avance et maintenant le monopole qu’ont quasiment acquis des entreprises aussi verticales que Google, il est très difficile de mettre en place des régulations qui ne contreviennent pas, notamment, au droit européen, auquel nous sommes soumis, même si nous ne sommes pas toujours d’accord avec lui.

Mme Morin-Desailly a souhaité déposer cet amendement pour exprimer une volonté politique unanime. En effet, nous voyons bien à quels abus cette situation de monopole peut conduire, notamment dans les domaines culturel et de l’information : elle peut aller jusqu’à la captation d’une grande partie de la création française et de ses droits.

J’ai voulu le sous-amender pour renforcer l’expression de cette volonté. Si Mme Morin-Desailly estime qu’il faut trois autres moteurs de recherche, je propose de préciser qu’il y en ait au moins un dont le siège social est en France, ce qui serait de nature à encourager celles des entreprises françaises qui se positionnent sur ce créneau.

Je le répète, l’amendement de Mme Morin-Desailly et mon sous-amendement ont vocation à exprimer une volonté politique. J’ai bien conscience qu’ils ne tiennent peut-être pas complètement la route au regard tant du droit européen que de notre droit constitutionnel. Néanmoins, cette volonté doit être réaffirmée ici.

En réalité, à cause de ce retard et de ce monopole, nous cherchons sans arrêt à réguler, à imposer des barrières, qui tombent devant la puissance de ces géants. Or l’Europe, depuis bientôt dix ans, aurait dû s’engager dans la construction d’une vraie concurrence à leur opposer. Si tous les États européens savaient s’unir, avec leurs scientifiques, leurs savoir-faire dans le domaine du numérique, nous pourrions être les premiers. S’il y avait un véritable concurrent en face de Google, peut-être n’aurait-il pas construit ce monopole.

Donc, il faut réguler, mais il faut surtout accélérer la mise en commun de nos capacités à l’échelon européen. En nous plaçant dans la perspective de ce que sera le numérique dans dix ans, si nous agissons maintenant, peut-être qu’un acteur européen sera devant Google et devant ceux qui détiennent aujourd’hui ce monopole numérique au plan international.

La régulation n’est pas seule en jeu, même si je suis d’accord pour que l’on avance dans ce domaine.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. David Assouline. Il faut aussi envisager ce que l’on peut faire concrètement du point de vue économique, pour que les acteurs en position de monopole aujourd’hui affrontent une vraie concurrence qui n’existe pas pour l’instant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale n’a pas pu examiner le sous-amendement n° 1792, puisqu’il vient de nous être distribué. Au pied levé, si vous me permettez cette expression triviale, il me semble que la conformité de ce sous-amendement au droit européen de la concurrence est très incertaine. M. Assouline l’a d’ailleurs reconnu, ajoutant que le même reproche pouvait être adressé à l’amendement de Mme Morin-Desailly, ce qui est moins sûr. Si tel devait être le cas, la commission spéciale estime qu’il n’est pas utile d’aggraver cette incertitude. C’est pourquoi elle demande à M. Assouline de bien vouloir retirer son sous-amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 995 rectifié bis, quant à lui, vise un nouveau sujet, qui ne figurait pas dans le texte initial, à savoir les moteurs de recherche et la façon dont ils traitent et livrent l’information à leurs utilisateurs. Nous savons tous que l’un de ces moteurs de recherche exerce une position dominante, sur le marché français notamment : la très grande majorité des demandes de recherche formulées par les internautes transite en effet par lui. Or cet éditeur de services est régulièrement mis en cause pour un traitement « biaisé » des informations qui le conduirait à ne pas faire preuve d’une totale objectivité dans les résultats qu’il fournit à ses utilisateurs, en mettant en avant soit ses propres services, soit des opérateurs qui sont ses clients.

Il en résulterait ainsi une forme de tromperie de l’usager, qui pense que les résultats de la recherche sont parfaitement objectifs et rationnels, alors que le moteur privilégie certains au détriment d’autres selon son seul intérêt. Il en résulterait également une mise à l’écart des acteurs d’internet qui n’« entrent pas dans le jeu » du moteur dominant, et se trouvent déclassés dans les résultats de recherche, ce qui signifie pour eux la mort économique à plus ou moins long terme.

Pour faire face à une telle situation, les auteurs du présent amendement proposent de faire respecter des obligations de transparence, de loyauté et de non-discrimination dans le fonctionnement de tout moteur de recherche dominant et assortissent cette obligation de sanctions pécuniaires.

Sur le principe, la commission spéciale est tout à fait favorable à cet amendement. Cependant, des interrogations subsistent quant à l’applicabilité de ses dispositions, puisque celles-ci sont assez intrusives dans le fonctionnement du moteur dominant et pourraient brouiller la lisibilité par les internautes des résultats obtenus. En outre, la commission spéciale a du mal à apprécier la robustesse juridique de telles mesures au regard, notamment, du principe de la liberté du commerce. C’est pourquoi, quoique bienveillante sur le principe de l’amendement, elle s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je sollicite le retrait de cet amendement et de ce sous-amendement. De toute façon, s’ils ne sont pas retirés, ils seront adoptés,…

M. François Pillet, corapporteur. Non, pas forcément !

M. Emmanuel Macron, ministre. … parce qu’il est satisfaisant d’exprimer une insatisfaction face à Google. Maintenant que je me suis habitué à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que vous ne parviendrez pas à réprimer votre enthousiasme collectif.

Je veux néanmoins plaider devant vous en faveur d’un retrait, qui me semble la meilleure formule.

Tout d’abord, hier, un événement s’est produit : la Commission européenne a pris ses responsabilités dans une procédure, qui, il faut le reconnaître, a commencé en 2010…

M. Emmanuel Macron, ministre. Vous avez raison, madame la sénatrice !

Nous avons constamment appuyé, à tous les niveaux, cette prise de décision, laquelle est importante. Nous avons accompagné les dix-huit opérateurs français qui ont intenté cette action contre Google et, hier, la Commission européenne, après de longues investigations, a trouvé une base lui permettant de contraindre Google à clarifier ses engagements. Elle a notamment annoncé avoir notifié à Google des griefs sur son comparateur de prix. Elle a pu démontrer que l’algorithme utilisé par le moteur de recherche avait favorisé le comparateur de prix de Google indépendamment de ses performances qui s’étaient trouvées améliorées, ce qui créait une discrimination par rapport aux autres acteurs. En même temps, une procédure formelle a été ouverte contre la plateforme mobile Android.

La Commission européenne prend donc ses responsabilités et c’est la commissaire à la concurrence Margrethe Vestager qui mène cette action. Le Gouvernement est constamment intervenu pour pousser la Commission à agir en ce sens. J’ai rappelé notre position lors de chacun de mes contacts avec la nouvelle commissaire. Nous avions été très exigeants avec le précédent commissaire, M. Almunia, à la fin de son mandat, afin qu’il ne conclue pas un compromis hâtif avec les opérateurs sans tests de marché, comme cela avait été à un moment envisagé. Nous continuons donc à avancer.

Je vous incite à retirer votre amendement pour une raison essentielle que vous connaissez parfaitement, madame Morin-Desailly : il s’agit d’un sujet européen. Le bon échelon d’intervention, à la fois en termes de compétences et de taille critique, n’est pas le niveau national, et vous l’avez vous-même écrit dans votre rapport, au mois de mars 2013 : « l’échelon national n’est assurément pas l’échelon pertinent pour appréhender la révolution numérique : seule l’Union européenne a la masse critique pour peser dans le cyberespace. »

C’est doublement vrai ! Tout d’abord, le problème que vous voulez aborder relève en fait de la compétence exclusive de la Commission européenne. Ensuite, l’Union européenne est le seul bon niveau d’intervention. En effet, on peut s’amuser à envoyer des signaux très forts à Google – et on le fait ! –, mais adopter des dispositions du type de la « taxe Google » revient à exposer des acteurs français à des mesures de représailles unilatérales et crée des biais dans l’avancée européenne.

Nous devons continuer à travailler pour convaincre les autres États membres. Dans quelques semaines, au-delà des engagements pris par les chefs d’État et de gouvernement, nous allons proposer un texte qui esquissera les grands traits d’une stratégie numérique franco-allemande pour éclairer la stratégie numérique que la Commission européenne doit annoncer au début du mois de mai. C’est la seule méthode efficace face à ces acteurs qui sont devenus des plateformes mondiales. D’ailleurs, leurs pays d’origine se posent aujourd’hui la même question que les États-Unis voilà plus d’un siècle au sujet de la Standard Oil, à savoir celle du démantèlement. Ces pays ont créé des champions dont les marchés critiques ne sont plus à la taille d’un État : c’est donc le marché européen qui doit être pris en compte si l’on veut « faire mal » à Google, si j’ose dire.

Je pense par conséquent que le procédé que vous avez choisi n’est pas pertinent et risque de déstabiliser l’action groupée qui doit être menée à l’échelon européen, conjointement aux acteurs que nous défendons, dans un dialogue constant avec la Commission européenne pour peser sur la définition de sa stratégie numérique.

Cela étant, vous proposez d’encadrer le comportement des moteurs de recherche en instaurant un régime d’obligations et de sanctions. Sur ce point, je souhaite entrer dans le détail, puisque je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous êtes sensibles à la fabrique du droit – j’ai aussi beaucoup appris sur ce point depuis dix jours !

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Et ce n’est pas fini !

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour qualifier juridiquement « un effet structurant sur le fonctionnement de l’économie numérique » qui entraînerait l’imposition d’une obligation, on peut se référer au droit de la concurrence, mais, dans ce cas, on est ramené au régime actuel. Le droit sectoriel, comme celui des télécommunications, recourt quant à lui à des analyses exhaustives des marchés en cause avant d’imposer des remèdes, parce qu’il repose sur la base du droit européen. Je pense donc que la qualification que vous retenez, madame Morin-Desailly, vous empêche de reprendre une simple notion de droit de la concurrence, parce qu’il s’agit du secteur des télécommunications et qu’il faudra aller plus loin.

Vous prévoyez ensuite quatre types d’obligations.

La première de ces obligations consisterait, en quelque sorte, à demander à Renault d’afficher sur le pare-brise de ses véhicules qu’il est aussi possible d’acheter une voiture de marque Peugeot ou Fiat. La Commission européenne vient de relever le biais que le moteur de recherche introduisait dans le fonctionnement du comparateur de prix. Une telle obligation ex ante que vous proposez d’imposer est à la fois peu praticable et exagérée. En outre, elle serait vraisemblablement jugée inconstitutionnelle, car elle porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre.

La deuxième obligation vise l’information du consommateur. Sur ce point, je vous soutiens. Je pense que nous pouvons faire beaucoup dans ce domaine ; c’est d’ailleurs l’un de nos leviers d’action. Le manquement à cette obligation ne peut néanmoins pas faire l’objet du type de sanction que vous prévoyez, j’y reviendrai plus précisément.

La troisième obligation que vous proposez est au cœur de la procédure engagée par la Commission européenne, car elle est déjà couverte par le droit de la concurrence, à l’échelon national et européen. Il ne vous aura d’ailleurs pas échappé que la procédure européenne que je viens d’évoquer a franchi une étape importante avec la notification des griefs qui est intervenue hier : elle porte sur les conditions de traitement de ses propres services par Google, dans les résultats affichés par son moteur de recherche. L’ouverture d’une phase contentieuse va permettre d’avancer sur ce point. Je déplore comme vous les délais, mais cette étape est significative.

La quatrième obligation que vous prévoyez confond deux sujets : le moteur de recherche et la fourniture des systèmes logiciels pour les terminaux, comme le fait Google avec Android. Ce n’est plus le moteur de recherche qu’il faut encadrer, mais ces systèmes logiciels, ce qui montre que le sujet est bien plus large que le seul objet de votre amendement. Il faut appréhender cette question non seulement dans le cadre de la politique de la concurrence européenne, mais aussi dans une approche beaucoup plus englobante, qui traitera également des logiciels pour terminaux que ne mentionne pas votre amendement. Vous êtes déjà en retard par rapport à ce que Google a fait !

Ces réflexions m’amènent au deuxième volet de votre amendement, à savoir le régime de contrôle et de sanction. Vous proposez de confier ce rôle à l’ARCEP.

En premier lieu, je ne pense pas qu’il soit souhaitable de donner à un régulateur, dont la compétence est circonscrite aux télécommunications, une compétence générale de supervision du « bon fonctionnement des marchés de l’économie numérique », pour reprendre vos propres termes. En effet, le périmètre de ces marchés est évolutif et dépasse largement les compétences de l’ARCEP. J’en veux pour preuve que, à l’échelon européen, c’est non pas la direction générale sectorielle qui s’est saisie de ces sujets, mais bien la commissaire chargée de la concurrence. L’ARCEP n’est donc pas le bon levier.

Je ne vais pas m’exposer à de nouveaux reproches de votre part en disant que l’Autorité de la concurrence serait sans doute plus compétente ! (Sourires.) J’observe cependant que vous invoquez « l’effet structurant sur le fonctionnement de l’économie », qui est une notion de droit de la concurrence et non de droit des télécommunications que l’ARCEP est chargée de faire respecter. Il y a donc un décalage : vous utilisez la base juridique du droit de la concurrence pour fonder une obligation et vous demandez à un régulateur sectoriel de l’appliquer !

Ensuite, l’ARCEP se verrait dotée d’un pouvoir de sanction des moteurs de recherche. Or l’essentiel de son pouvoir de sanction en matière de télécommunications relève du cadre réglementaire européen, qui ne lui donne aucun pouvoir dans ce domaine et ne lui en donnera pas. Votre régime de sanctions risque donc d’être inopérant.

Plus globalement, l’amendement échappe à la logique sur laquelle sont fondées les différentes régulations sectorielles et qui permet justement de déroger à la liberté d’entreprendre. Or c’est là que nous voulons enfoncer un coin aujourd’hui. Cette logique impose d’identifier, à l’échelon européen, un marché pour lequel les remèdes concurrentiels ne permettent pas d’établir des conditions satisfaisantes de marché, de mettre en place un cadre réglementaire ad hoc et de déterminer au plan national des remèdes et leviers d’intervention ex ante permettant d’assurer un encadrement structurel ou comportemental des entreprises en cause. C’est cette base que nous souhaitons mettre en œuvre en Europe s’agissant des plateformes numériques, mais cela suppose de continuer la démarche sur le terrain de la concurrence et de construire cette feuille de route numérique qui n’existe pas encore. Cette politique a été esquissée par le Conseil européen de l’automne 2013 qui a posé le principe des plateformes numériques, des places de marché, des systèmes d’exploitation, mais il faut maintenant construire ses éléments de droit.

Vous l’avez bien compris, madame Morin-Desailly, je vise le même objectif que vous, mais je pense que la méthode que vous avez adoptée n’est pas la bonne. En effet, elle est défaillante et sera donc inopérante. En plus, elle se trouve en décalage.

Si l’on envisage la situation de l’opérateur que vous voulez réguler, Google, il ne se trouve pas en France, où il n’a qu’une régie publicitaire ; il n’a même pas de moteur de recherche en tant que tel qui soit situé dans notre pays. Par conséquent, les dispositions que vous voulez introduire se heurteraient à ces limites de même qu’au droit européen. En effet, les autorités communautaires ne manqueraient pas d’y voir des mesures contraires au principe de libre prestation au sein de l’Union européenne. Paradoxalement, si cet amendement était adopté, nous serions pris à contre-pied !

Néanmoins, que faire ? Selon moi, il nous faut continuer avec vigueur. Le débat que nous avons montre toute la sensibilité de ce sujet. Il faut donc le poursuivre fortement, médiatiquement, l’accompagner, montrer la préoccupation de la Haute Assemblée et celle du Gouvernement – je veux en cet instant la réaffirmer – pour aller en ce sens, et plus vite.

Cela, la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, l’a compris, et elle a pris depuis le début de ses fonctions toutes ses responsabilités sur ce dossier. Celui-ci, en effet, était plutôt mal emmanché...

Mme Nicole Bricq. C’est clair !

M. Emmanuel Macron, ministre. Je veux ici rendre hommage à Mme Vestager. Lors de ma première rencontre avec elle, cela faisait seulement deux jours qu’elle occupait ses fonctions ; elle s’est pourtant engagée à prendre en compte nos revendications sur ce sujet et à défendre les intérêts français, qui sont nombreux. Et ces engagements, elle les a tenus.

Nous devons donc continuer à avancer dans cette direction, en trouvant éventuellement des éléments à l’échelon national. Pour ma part, je suis prêt à vous suivre, même si je pense que le présent amendement ne convient pas.

Une autre voie me semble mieux convenir, et il conviendrait de l’expertiser. Il s’agit de l’amélioration de la protection des droits des utilisateurs français, point sur lequel je souhaite conclure.

En effet, la bonne approche pour réguler les opérateurs et les plateformes se situe au plan européen et non français, car les acteurs ne se trouvent pas dans notre pays et parce que nous n’avons pas de levier.

Cette bonne approche, elle doit être le fait des utilisateurs. C’est ainsi que nous parviendrons à rattraper ces grands groupes dont nous parlons, lesquels – c’est là le plafond de verre de notre raisonnement ! – ne sont pas à Bruxelles, Berlin ou Londres, mais à Mountain View, en Californie !

Nous devons donc, encore une fois, avancer beaucoup plus vite et avec plus de force sur la question du droit des utilisateurs.

La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation nous fournit une base juridique. Au chapitre Ier du titre I du livre Ier du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de son article 147, elle a en effet inséré un article L. 111-5 réglementant les comparateurs de prix qui ont leur siège en France. Je vous renvoie à sa lecture.

Aux termes de ce texte, la voie à suivre ne consiste pas à réguler la plateforme, ce qui est du ressort de l’Union européenne, mais à donner aux individus des droits qu’ils puissent faire valoir. C’est sur cette base que nous devons avancer, d’abord en lançant des contrôles, comme nous avons commencé à le faire – j’ai pu saisir, sur ce fondement, l’Autorité de la concurrence –, ensuite en travaillant à une amélioration du cadre législatif, pour aller plus loin.

Je m’engage, pour ma part, devant le Sénat, à examiner les moyens de renforcer la défense des droits des utilisateurs.

Toutefois, je le répète, les voies et moyens prévus dans votre amendement ne sont pas les bons, ni en opportunité ni en droit, pour aller dans le sens que vous souhaitez. Voilà pourquoi, madame Morin-Desailly, je vous demande de le retirer, et j’espère que mes explications vous auront convaincue.

Mme Catherine Deroche et M. François Pillet, corapporteurs. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, il nous faudra suspendre la séance à treize heures. Or nous devons entendre un certain nombre d’explications de vote. De deux choses l’une, donc, ou bien les orateurs s’efforcent d’être succincts, ou bien je serai contraint d’interrompre la séance au beau milieu des interventions.

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Le ministre a fait des propositions argumentées. Nous souhaitons tous dissocier le débat sur le moteur de recherche de celui qui est relatif aux produits d’application. Cet objectif est également partagé par l’Autorité de la concurrence européenne.

La commissaire européenne à la concurrence a repris un dossier qui avait été complètement encalminé par l’ancien commissaire, Joaquin Almunia, qui – était-ce volontaire ou non ? – ne s’était pas occupé de cette affaire, et elle a agi.

Il faudrait donc que Mme Morin-Desailly nous dise ce qu’elle répond à l’argumentation de M. le ministre et à ses propositions de travail.

L’objectif des deux grands régulateurs, l’Europe et les États-Unis, est, à terme, d’aboutir à la neutralité des plateformes. Tel n’est pas le cas à l’heure actuelle : il est clair que Google écrase la concurrence. Dans le secteur du voyage, que je connais bien, plus de la moitié du marché est occupée par internet. Comme Google a son propre service de voyages, je vous laisse imaginer les performances qu’il peut réaliser grâce à son moteur de recherche...

En France, nous disposons d’une très belle pépite. Il faudrait qu’elle puisse grandir – c’est l’un de nos problèmes ! – et devenir, demain, un grand groupe. En outre, dans le cadre du travail que nous menons avec les Allemands, nous devons faire en sorte d’avoir un champion européen. Nous avons pris trop de retard en la matière.

Je considère que l’amendement de Mme Morin-Desailly est la traduction d’un signal que la France veut donner par rapport à ces objectifs, que nous partageons tous. Il est clair, cependant, que nous nous situons dans le contexte du droit européen. Or il se trouve que, hier soir, la commissaire Vestager a agi pour la première fois, et Google a deux mois pour lui répondre.

Il y a donc une volonté politique, à l’échelon européen, de régler ce problème. Il est clair, aussi, qu’il y a une volonté politique française, comme en atteste cet amendement. J’attends donc la réponse de Mme Morin-Desailly.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.

M. Jean Bizet. Vous avez totalement raison, monsieur le ministre, de considérer que le bon échelon d’intervention est le niveau européen. Mais la réaction de la Commission est toute récente ! Vous connaissez le jugement que je porte tant sur l’Autorité de la concurrence communautaire que sur ses déclinaisons nationales...

Il est vrai que le précédent commissaire à la concurrence n’avait pas sur ce sujet, pas plus que sur nombre d’autres, de vision européenne ou mondiale.

M. Marc Daunis. C’est indéniable !

M. Jean Bizet. Ayant eu l’occasion, avec le président Larcher, de rencontrer M. Juncker, ainsi que, très récemment, le commissaire à l’économie numérique, Günther Oettinger, je puis vous dire que ce sujet compte parmi les dossiers phares, prioritaires, de la Commission européenne.

Cet amendement fondamental, auquel j’ai adhéré et que j’ai cosigné, permet de lancer le débat. Mais il nous faut aussi, et c’est très important, récupérer la gouvernance européenne de l’internet, car l’Europe ne saurait être une colonie numérique d’un certain nombre d’opérateurs.

Comme l’a dit Catherine Morin-Desailly, les algorithmes ne sont ni objectifs ni infaillibles, mais ils sont le bras armé de ces opérateurs, dont la plupart – ce n’est sans doute pas un hasard ! – sont américains.

Nous avons sur la place de Paris un enseignement en mathématiques fondamentales d’une qualité exceptionnelle, on parle même de l’« École de Paris ». Quant aux chercheurs et ingénieurs français, ils sont particulièrement appréciés dans le monde informatique. Il ne nous reste donc plus qu’à gravir un deuxième échelon : se réapproprier la gouvernance de l’internet. Il nous faut y réfléchir.

Je prends note de votre volonté, monsieur le ministre, de mettre votre ministère au service de cette réflexion en vue de trouver une solution. Celle-ci, c’est bien évident, ne pourra être que de dimension européenne. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Bien que n’étant pas supporter de l’Olympique de Marseille, j’irai droit au but ! (Sourires.)

Si cet amendement est maintenu, comme nous le souhaitons, nous le voterons. Il serait donc adopté, comme vous l’aviez prévu, monsieur le ministre, et ce à l’unanimité. C’est notre souhait !

Tout d’abord, cet amendement est pertinent. Il est positif, en effet, que ce sujet arrive dans la sphère politique, laquelle doit s’en emparer.

Il ne s’agit pas de nier l’importance de l’aspect économique de ces questions, mais il a été démontré au cours des derniers mois et des dernières années que la problématique des grands groupes a bousculé considérablement la sphère économique en France, en Europe et dans le monde. Le « Politique », avec un grand P, doit donc s’emparer de ce sujet, c’est une évidence.

Les Américains le font, et les Britanniques aussi. Souvenez-vous, mes chers collègues, de ces interviews musclées menées au Parlement britannique par la parlementaire travailliste Margaret Hodge, qui interrogeait, en les secouant un peu, les dirigeants de Starbucks, Google, etc. Cela faisait du bien, même si cela ne réglait pas tous les problèmes !

Jean Bizet vient d’ajouter un deuxième volet à ce dossier : la gouvernance de l’internet. J’appuie tout à fait sa démarche.

J’y ajouterai, pour ma part, un troisième élément : le volet fiscal, dont on ne peut pas faire abstraction.

Ces derniers temps, au sein de l’Europe, un certain nombre de questions se sont posées. Je pense à l’affaire LuxLeaks, dans laquelle des rescrits fiscaux très avantageux ont été accordés par l’un de nos partenaires historiques de l’Union européenne à de grands groupes, notamment du secteur de l’internet.

Ce problème apparaît donc aujourd’hui dans la sphère politique ; il faut s’en féliciter.

Rappelons tout de même que le groupe qui fabrique nos téléphones intelligents, devenus nos compagnons inséparables, ne paie que 2 % d’impôt ! C’est une vraie question... Car si les États, et eux seuls, peuvent lever l’impôt, c’est pour défendre l’intérêt général et développer une société un peu plus humaine, ou un peu moins inhumaine.

Si cet amendement pertinent était maintenu, je le répète, nous le voterions très volontiers.

M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.

M. Marc Daunis. Ce débat est très important. Ce qui est en jeu avec la position dominante de Google et son incidence sur l’économie, c’est bien sûr la question du moteur de recherche et des applications qui y sont liées, mais aussi la recherche européenne dans le domaine du numérique.

Aujourd’hui, du fait de cette position dominante, ce sont des pans entiers de l’innovation dans le domaine du numérique qui sont tués dans l’œuf. Je le vois bien dans mon département, avec la technopole de Sophia Antipolis : les start-up de ce secteur connaissent des difficultés objectives de développement.

Votre réponse, monsieur le ministre, est juridiquement implacable, du fait de sa rigueur et de sa cohérence. Vous avez aussi posé la question essentielle : que faire ? Nous ne pouvons pas, en effet, rester les bras ballants !

On constate une évolution. Je note même que le Sénat américain a lancé une enquête sur l’échec de la régulation, notamment à l’égard de Google.

Il me paraît important, cependant, que nous adoptions cet amendement, en dépit des imperfections, réelles, qui ont été mises au jour. Faisant cela, d’une part, nous répondrons à la demande du ministre, qui souhaite qu’un travail soit mené en la matière, et, d’autre part, au-delà de la navette parlementaire, nous aurons marqué dès aujourd’hui une volonté, et le Sénat aura accompli un acte fort.

Il nous faut désormais rédiger une réponse mieux construite juridiquement et, en liaison avec le Gouvernement, trouver la réponse la plus adéquate et la plus adaptée. En tant que parlementaire, je n’aime pas beaucoup ce type de démarche, mais, compte tenu de l’importance du sujet, je suis prêt à m’y plier. Cela me paraît être la moins mauvaise solution, au vu de cette situation extrêmement préoccupante pour l’avenir de la recherche européenne en matière de numérique. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)

M. Jean Bizet. Très bien !

Mme Nicole Bricq. Il faut le dire, nous n’avons rien fait dans ce domaine...

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Leleux. Ce sujet, nous en sommes tous convaincus, est de dimension européenne.

Oui, il faut soutenir et encourager, tant que faire se peut, la création en Europe d’un groupe international puissant, qui puisse rétablir une forme de concurrence loyale avec les grands opérateurs américains.

Oui, nous constatons que la Commission européenne a fait, hier, preuve d’ouverture.

Mais n’oublions pas que – et c’est la raison pour laquelle je souhaite que Mme Morin-Desailly maintienne son amendement –,...

M. Jean Bizet. Très bien !

M. Jean-Pierre Leleux. ... si la doctrine européenne avance, c’est parfois sous les coups de boutoir de nos amendements, de nos propositions de résolution, de nos propositions de loi !

Même si cet amendement n’est destiné qu’à faire avancer la situation, sans pour autant aboutir immédiatement, je pense qu’il faut le maintenir, car c’est un signal supplémentaire envoyé à la Commission européenne. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Constatons que les États-Unis défendent mieux leurs intérêts que nous : jusqu’à présent, la Commission européenne a consacré autant d’énergie et d’entrain à ouvrir nos frontières à la concurrence américaine qu’à constituer l’Europe en tant que puissance autonome !

Lorsque l’on veut enterrer une question, on nomme une commission, disait-on autrefois. Aujourd’hui, on fait du droit ! Peut-être faudrait-il faire, aussi, autre chose… Ce problème, en effet, n’est pas seulement juridique ou technique. Nous l’avons tous dit, c’est un problème politique. Nul ne sait ce qu’il deviendra. C’est en tout cas une façon de dire à la Commission européenne que nous en avons assez de ce qui se passe et qu’il est temps d’agir. Est-ce pour autant la bonne méthode ?

Ce message politique est tout sauf anodin. Pour une fois que nous pouvons apporter notre concours à la Commission européenne et la soutenir ! Pour ma part, je ne veux pas manquer ce plaisir ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je maintiens bien évidemment cet amendement. J’ai écouté avec beaucoup d’attention la réaction de mes collègues et les différents points de vue qui se sont exprimés.

Monsieur le ministre, j’ai conscience que cet amendement n’est pas parfait, mais, d’ici à la commission mixte paritaire, nous avons le temps d’en améliorer ensemble la rédaction, poursuivant ainsi le travail collectif qui a été accompli au Sénat. En effet, cette proposition n’arrive pas par hasard : elle est le fruit de quatre ans de travail de la commission des affaires européennes, de la mission commune d’information sur le nouveau rôle et la nouvelle stratégie pour l’Union européenne dans la gouvernance mondiale de l’internet à laquelle ont participé de nombreux collègues issus de diverses commissions et appartenant à des groupes politiques différents. Sur le diagnostic comme sur les propositions à formuler, l’unanimité a toujours prévalu.

Nous ne cessons de le répéter depuis des années : tout se joue à l’échelon européen. D’ailleurs, ce n’est pas le seul chantier à mener. Pour un meilleur partage de la valeur ajoutée, il faut une démarche offensive de la régulation de l’écosystème numérique qui joue à la fois sur le levier de la fiscalité et sur celui de la juste concurrence. Cela suppose aussi un régime réaliste de protection de nos données personnelles.

Le lobbying outre-Atlantique est tel que, aujourd’hui, le règlement relatif aux données n’est toujours pas adopté, alors qu’il était sur le point d’aboutir. Or les données personnelles, c’est l’or noir du numérique, c’est ce qui alimente la machine de guerre en quelque sorte.

Il ne faut pas oublier non plus l’éducation et la formation au numérique, ainsi qu’une politique industrielle extrêmement puissante pour faire émerger des champions européens.

Monsieur le ministre, sur tous ces chantiers, nous souhaitons continuer à travailler et faire avancer les choses. Malheureusement, les procédures européennes sont extrêmement lentes. Certes, une enquête vient d’avoir lieu et la liste des griefs a été communiquée, mais combien de temps faudra-t-il encore avant que cette affaire ne soit réglée ?

Nous connaissons aussi l’habileté du lobbying de Google auprès des autorités bruxelloises pour tenter des négociations, endormir les uns les autres par de belles promesses. Cette stratégie a échoué.

Pour ma part, je considère qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Cet amendement doit être envisagé comme un marchepied à notre participation au débat européen. Cela me semble essentiel. Comment rester les bras ballants alors que tant d’entreprises nous signalent leurs difficultés, nous expliquent que les moteurs de recherche structurants ont désormais droit de vie ou de mort sur leur activité ? Or de telles pratiques sont contraires à la liberté de commercer, à la liberté de choix du consommateur. Il y a donc urgence à agir dans ce domaine.

Selon certains de mes collègues, les dispositions de cet amendement poseraient un problème de constitutionnalité au regard de la politique européenne de la concurrence.

Mme Catherine Morin-Desailly. L’article 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne interdit « le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante ».

Le droit européen de la concurrence ne sanctionne pas les positions dominantes en tant que telles, il s’attaque seulement aux abus. Or c’est bien de cela qu’il s’agit ! Une position est « dominante » lorsqu’une entreprise peut mener la politique qu’elle désire sans se préoccuper de celle de ses concurrents sur le marché. Là encore, c’est bien cette logique qui nous anime.

Rien ne nous empêche de faire pression à l’échelon européen pour que des décisions soient prises et d’inscrire ce type de disposition dans notre droit positif pour agir au plan national.

Les acteurs de l’économie numérique ont besoin d’un signe fort. La situation a trop duré et sera bientôt irréversible si nous ne sommes pas capables de prendre très rapidement des mesures pour inverser la tendance et faire de nous des acteurs et des bénéficiaires sur le marché numérique et pas seulement des consommateurs. Or, pour l’instant, c’est vers cela que l’on veut nous entraîner.

Les procédures sont tellement lentes et prennent tellement de temps que, en attendant, ce sont des emplois et des entreprises qui disparaissent. Il est urgent d’agir !

J’aurais encore beaucoup à dire pour répondre aux arguments des uns et des autres, mais ce débat n’a que trop duré. Le travail n’est pas terminé.

Le sous-amendement n° 1792…

M. Jean Bizet. Il n’est pas communautaire !

Mme Catherine Morin-Desailly. Exactement ! Et c’est le président de la commission des affaires européennes qui le dit !

Je comprends l’état d’esprit qui anime David Assouline. Il s’agit de montrer que nous apportons un soutien fort à l’entreprise. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe CRC. – M. Jean Desessard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Ma chère collègue, vous dites être d’accord avec ce sous-amendement, mais déplorez qu’il ne soit pas conforme au droit européen. Or, pour défendre votre propre amendement, quand le ministre vous fait le même reproche, vous répondez qu’il faut manifester une volonté politique.

Je vous demande de faire montre de la même volonté politique pour que, parmi les trois opérateurs, figure au moins un moteur de recherche français. Si ce n’est pas le cas, pour la France, rien ne sera vraiment différent. Voilà le paradoxe ! Nous verrons ensuite ce qui se passera.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1792.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte le sous-amendement.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 995 rectifié bis, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 33 nonies. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du RDSE et du groupe CRC.)

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article additionnel après l'article 33 nonies (début)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Discussion générale

3

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur France 3.

Je rappelle également que l'auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse, à l’exception de M. le Premier ministre, qui bénéficie toujours d’un traitement de faveur au Sénat ! (Sourires.)

réforme des collèges

M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour le groupe CRC.

M. Patrick Abate. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Quarante ans après la loi Haby, le collège est le maillon faible de notre système éducatif. Parce qu’il aggrave les difficultés, il n’est pas le lieu de l’égalité des chances et de l’émancipation. Alors que les collégiens sont à l’âge de la construction individuelle, de la quête d’autonomie, le collège, moment charnière entre l’école et le lycée, est un lieu de sélection, d’échec et de relégation pour un trop grand nombre de nos jeunes.

Nous sommes, comme la ministre, attachés au collège unique, qui ne peut être un collège uniforme. À cet égard, la réforme des collèges soulève un certain nombre de questions.

Le resserrement des programmes autour du socle commun de connaissances et de compétences et la suppression de trois à quatre heures au profit des enseignements pratiques interdisciplinaires, les EPI, sont justifiés par le caractère prétendument austère des enseignements fondamentaux, par opposition au caractère supposé ludique, et donc attractif, des enseignements pratiques. De telles mesures sont-elles véritablement de nature à permettre de lutter contre le décrochage scolaire ?

Le rééquilibrage entre les enseignements fondamentaux et les EPI permettra-t-il d’assurer avec le même niveau d’exigence l’égalité entre ceux qui peuvent bénéficier de l’entrée dans les apprentissages en dehors du système scolaire et ceux qui n’ont que l’école pour apprendre ?

L’organisation des EPI en toute autonomie dans chaque établissement ne risque-t-elle pas de mettre en concurrence les matières entre elles, tout comme les établissements entre eux, et de creuser de fait les inégalités sociales et territoriales ?

Pour ceux qui, comme nous, considèrent avec un grand intérêt l’apprentissage des langues vivantes et anciennes, et qui regrettent que celui-ci soit un moyen de sélection, l’objectif est de rendre cet apprentissage accessible à tous.

La suppression des classes européennes et internationales au profit de l’enseignement de la deuxième langue en cinquième, tout comme la suppression de l’enseignement à titre d’option du latin et du grec au profit d’une sensibilisation dans les EPI ne dissimulent-elles pas en réalité un manque de moyens incompatible avec l’objectif recherché ?

La question des moyens ne peut en effet être écartée : le nombre de 4 000 équivalents temps plein pour 7 100 collèges publics et privés nous paraît insuffisant au regard des défis qui doivent être relevés.

Enfin, nous déplorons l’absence de moyens prévus pour la formation des enseignants, en particulier pour la formation continue, comme le montre un récent rapport de la Cour des comptes.

Eu égard à ces constats, comment sera-t-il possible d’assurer le développement d’un collège de haut niveau, adapté à tous sur l’ensemble du territoire et permettant de lutter contre les inégalités et l’échec scolaire, conditions pourtant sine qua none pour que le collège devienne le terreau du développement des valeurs de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.

Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche qui est actuellement en déplacement en Suisse avec le Président de la République.

Vous le savez, le collège d’aujourd’hui aggrave les inégalités. Najat Vallaud-Belkacem a donc lancé une réforme du collège pour 2016, afin que tous les élèves réussissent et apprennent mieux. Cette réforme consolide les apprentissages fondamentaux, dont le français, les mathématiques et l’histoire. Aucune matière ne perd d’heures. Parallèlement, les programmes sont entièrement revus afin d’être cohérents de la maternelle jusqu’à la troisième.

Il a effectivement été décidé d’intégrer, à l’instar de ce qui se passe dans de très nombreux pays dont les élèves réussissent mieux, des enseignements pratiques interdisciplinaires : il s’agit d’ouvrir les perspectives, de croiser les sujets, de faire travailler les élèves en équipe. Dans la mesure où ce sont les enseignants qui connaissent le mieux les besoins des élèves, la réforme octroie 20 % du temps aux conseils d’administration de chaque collège afin de leur permettre d’organiser ces enseignements interdisciplinaires. Grâce à ces marges de manœuvre, les enseignants pourront répondre au mieux aux besoins des élèves, au plus près de leurs besoins.

La liberté pédagogique donnée aux enseignants est régulée. Les inquiétudes sont compréhensibles, mais il n’est nullement question de fragiliser le cadre national. Cette liberté est encadrée par les horaires nationaux, par les programmes et par les huit nouveaux thèmes de travail définis dans les programmes.

Afin que tous les élèves réussissent, un accompagnement personnalisé sera également mis en place. C’est pour vous comme pour nous une priorité, monsieur le sénateur. Ces temps d’apprentissage en petits effectifs représenteront trois heures en sixième et au moins une heure en cinquième, en quatrième et en troisième.

Pour concrétiser ces engagements, les collèges bénéficieront de nouveaux moyens d’enseignement afin de faciliter les démarches. Ainsi, 4 000 équivalents temps plein travaillé accompagneront la réforme du collège.

Je tiens maintenant à vous répondre précisément sur l’apprentissage des langues, monsieur le sénateur : non, la réforme du collège ne remet pas en cause l’enseignement du latin ; non, les sections internationales ne seront pas supprimées ; non, la réforme ne pénalise pas l’enseignement, par exemple, de l’allemand, auquel, je le sais, vous êtes attaché, ce bien au contraire. Demain, les 13 % d’élèves qui étudient l’allemand comme deuxième langue vivante pourront en commencer l’apprentissage un an plus tôt.

Vous le constatez, la réforme permettra aux élèves des collèges de mieux apprendre et de mieux réussir, en maîtrisant davantage les savoirs fondamentaux et les compétences du monde actuel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

programme budgétaire

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour le groupe socialiste.

M. François Marc. Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement vient de faire connaître la teneur du programme de stabilité 2015-2018. Celui-ci repose sur un déficit public de seulement 4 % en 2014, alors qu’un taux probable de 4,4 % était annoncé. Ce taux est donc encourageant. Chacun sait en effet dans cette enceinte d’où nous venons : le déficit public avait atteint des niveaux abyssaux en 2009 et en 2010. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. François Marc. Il s’élevait encore à 103 milliards d’euros en 2011. La stratégie du Gouvernement visant à la fois au redressement de l’économie française et à la poursuite de l’assainissement des comptes publics commence donc à produire des résultats (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.), en ce qui concerne tant les investissements et l’exportation que la confiance des ménages et la consommation.

Ce qui est d’ores et déjà démontré, c’est la capacité de la France à assainir ses comptes publics par une maîtrise accrue de ses dépenses, ce sans augmentation des prélèvements obligatoires, il faut le souligner. (Très vives protestations sur les mêmes travées.)

M. Didier Guillaume. Réjouissez-vous !

M. François Marc. Je note d’ailleurs, s’agissant des prélèvements, que ceux qui, à droite, réclament du Gouvernement une maîtrise fiscale accrue ont été les premiers à augmenter fortement les impôts dans les villes qu’ils gouvernent depuis un an ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations outrées sur les travées de l'UMP.)

M. Didier Guillaume. Contrairement à leurs promesses électorales !

M. François Marc. J’en viens maintenant à un sujet essentiel : le rythme de la réduction des déficits structurels de la France durant les trois années à venir.

Le Conseil de l’Union européenne a donné à la France jusqu’à 2017 pour repasser sous la barre des 3 % de déficit public. Il lui recommande par ailleurs une réduction soutenue de son déficit structurel.

M. Francis Delattre. Tout va très bien, madame la marquise !

M. François Marc. Faut-il suivre ce conseil jusqu'au bout et prendre le risque de freiner la croissance frémissante ? La réponse du Gouvernement est, j’en suis convaincu, la bonne : il faut à la fois réduire le déficit et préserver les perspectives de croissance – jugées d’ailleurs prudentes par le Haut Conseil des finances publiques – de 1 % en 2015 et de 1,5 % en 2016 et 2017.

M. Francis Delattre. Avec 100 000 chômeurs supplémentaires cette année ?

M. François Marc. Ma question est la suivante, monsieur le Premier ministre : pouvez-vous nous préciser quels arguments vous allez utiliser pour convaincre nos partenaires européens que, dès lors qu’une trajectoire est bonne pour la croissance et l’emploi en France, elle l’est aussi pour la croissance et l’emploi en Europe ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Didier Guillaume. Excellente question !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, mon gouvernement a un cap, et il s’y tient fermement. Il fallait redresser le pays, rétablir nos comptes publics et restaurer la compétitivité de nos entreprises. Progressivement, en faisant preuve à la fois de lucidité, de modestie bien sûr, et de détermination, nous sommes en train d’y parvenir.

Oui, vous l’avez dit fort justement, il fallait redresser le pays après dix ans d’échec de la politique économique menée par la majorité précédente. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mon gouvernement a en effet présenté hier matin son programme de stabilité. Christian Eckert l’a soumis, avec talent je suppose, à la commission des finances du Sénat. Ce programme dessine la stratégie des finances publiques de la France pour les trois prochaines années et fixe des objectifs clairs, que vous avez rappelés : le redressement de l’économie française et la poursuite de l’assainissement de nos comptes publics. (M. Alain Vasselle s’exclame.)

Oui, les comptes publics étaient dégradés. Nous les remettons à flot en réalisant des économies sur les dépenses publiques, comme aucun gouvernement ne l’a fait par le passé : ces économies atteindront 50 milliards d’euros sur la période 2015-2017. Depuis 2012, nous avons fait preuve de sérieux budgétaire.

M. François Grosdidier. Sur le dos des communes !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le déficit public pour 2014 s’établit à 4 %. C’est mieux que prévu et, dans un contexte difficile, c’est mieux que les années précédentes ! En outre, pour la première fois depuis 2009, les prélèvements obligatoires se sont stabilisés.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ces résultats sont à mettre au crédit de notre politique et de cette majorité. (M. François Grosdidier s’exclame.)

Quant à ceux qui expliquent qu’ils augmentent les impôts locaux pour compenser la baisse des dotations (Vives protestations sur les travées de l'UMP.), qu’ils songent à l’exemple de Toulouse. Quand on se présente devant les électeurs en leur promettant de ne pas augmenter les impôts…

M. François Grosdidier. À dotations constantes !

M. Manuel Valls, Premier ministre. … afin d’obtenir leurs suffrages et que l’on fait le contraire un an plus tard, on ment ! Assumez donc vos responsabilités dans vos communes et devant vos électeurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Didier Guillaume. Voilà ! Assumez devant vos électeurs !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Cette dynamique de redressement des comptes publics va se poursuivre, à un rythme ne remettant pas en cause la reprise de la croissance, car nos priorités sont de préparer l’avenir, de lutter contre les inégalités et de tout faire pour la croissance et pour l’emploi. C’est pour cela que nous avons décidé de conforter le pouvoir d’achat des ménages. Ainsi la baisse de l’impôt sur le revenu que nous avons décidée l’année dernière concernera-t-elle 9 millions de ménages à la rentrée.

Ne faites donc pas croire que les impôts augmentent à cause de nous quand ils sont aujourd'hui en hausse à cause de l’opposition (Très vives protestations sur les travées de l'UMP) et alors que nous allons les diminuer à l’échelon national. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Un sénateur du groupe UMP. Ce n’est pas vrai !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous avons mis en œuvre des politiques de soutien aux entreprises, qu’il s’agisse du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou du pacte de responsabilité et de solidarité, pour un montant de 40 milliards d’euros sur quatre ans.

M. Francis Delattre. Et vous tuez le secteur du bâtiment !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ces politiques ont permis de diminuer le coût du travail, certes dans un contexte européen et international qui s’améliore, du fait, bien sûr, de la baisse du prix du carburant et du pétrole. Si ce dernier coût avait augmenté, on nous aurait demandé de prendre un certain nombre de mesures, mais tel n’est pas le cas, et c’est tant mieux pour nos entreprises et pour les ménages.

La France a obtenu une baisse des taux d’intérêt et de l’euro, comme elle le réclamait depuis trois ans et comme je l’avais appelé de mes vœux dans mon discours de politique générale. Je me réjouis que, sur cette question comme sur celle des investissements prévus dans le plan Juncker, la parole du Président de la République ait été entendue par nos partenaires européens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Par ailleurs, vous le savez, j’ai présenté la semaine dernière des mesures fortes visant à dynamiser l’investissement, privé comme public.

En outre, conscient des difficultés des collectivités territoriales, je présenterai à la mi-mai un certain nombre de mesures, qui sont actuellement en cours de discussion avec les associations d’élus, notamment l’AMF, l’Association des maires de France.

En tout cas, le message est clair : nous menons une politique de sérieux, une politique de redressement !

Néanmoins, dans un contexte où les indicateurs de croissance évoluent dans le bon sens, rien ne sera fait – je l’ai d’ailleurs indiqué devant la Commission européenne – qui pourrait mettre en cause la croissance.

Telle est la politique de la France, celle qu’a présentée hier le secrétaire d’État chargé du budget, et tel est le cap que nous maintiendrons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)

programme de stabilité

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour le groupe UDI-UC.

M. Vincent Delahaye. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez décidé de ne pas débattre des nouvelles orientations pluriannuelles de nos finances publiques avec la représentation nationale. De ce fait, vous bafouez la démocratie et les droits du Parlement !

Faut-il rappeler au Président de la République que les parlementaires ont eux-aussi été élus pour représenter le peuple français et que, dans une démocratie parlementaire, ce sont eux qui ont le dernier mot ?

En réalité, chacun y voit très clair : vous refusez tout débat en raison de l’absence de consensus dans votre majorité à l’Assemblée nationale et des divisions au sein de votre parti politique. Pris dans un étau entre vos orientations politiques et l’aile gauche du parti socialiste qui ne vous soutient plus, vous pratiquez l’esquive !

La France, compte tenu de son bilan économique et de ses 5,9 millions de chômeurs, mériterait pourtant un examen du pacte de stabilité et de croissance au Parlement.

Faut-il également rappeler que le nombre de chômeurs a augmenté en l’espace d’une année de 160 000, alors qu’il diminuait sur la même période d’environ 900 000 dans la zone euro ?

Faut-il enfin rappeler que le nombre de défaillances d’entreprises a atteint le triste record de 62 500 en 2014 ?

Nous aurions aimé vous entendre confirmer l’abandon de la promesse du Président de la République de rétablir l’équilibre des comptes publics en 2017.

Nous aurions aussi aimé comprendre comment vous pouvez continuer à présenter des déficits colossaux comme étant de nature conjoncturelle, alors que ceux-ci existent depuis des années, voire des décennies !

Nous aurions aimé vous convaincre, à tout le moins tenter une nouvelle fois, que seule une poursuite de la baisse des dépenses publiques qui s’appuierait sur de véritables réformes de structure conduirait, enfin, à la sortie de déficits que vous estimez conjoncturels.

Nous aurions aimé expliquer à nos concitoyens, une fois encore, que votre stratégie de réduction du déficit se fonde en réalité sur la réduction des dotations budgétaires aux collectivités locales et s’effectue donc, si je puis dire, sur le dos des contribuables locaux qui vont voir leurs impôts augmenter !

Nous aurions en outre aimé que vous ayez le courage d’affronter le Parlement et surtout les divisions internes de votre parti.

Je déplore la légèreté avec laquelle le Président de la République se dispense de la représentation nationale au bénéfice de son parti politique.

M. Jean-Louis Carrère. Quelle est la question ?

M. Vincent Delahaye. En définitive, nous aimerions que vous changiez d’avis. Il est encore temps de le faire ! La démocratie en sortirait grandie car, dans une démocratie parlementaire, les prévisions budgétaires du Gouvernement, lorsqu’elles n’ont pas reçu l’aval de la représentation nationale, ne peuvent engager le pays.

M. Simon Sutour. C’est minable !

M. Vincent Delahaye. Il s’agit du point de vue défendu par le groupe UDI-UC. Est-ce le vôtre, monsieur le secrétaire d’État ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur plusieurs sujets, dont celui des relations qu’entretient le Gouvernement avec le Parlement, ainsi que de la transparence et de la disponibilité dont il fait preuve pour informer le Parlement et pour débattre avec lui.

En la matière, je dispose d’innombrables exemples de débats qui ont eu lieu, parfois pendant de très longues durées, jour et nuit, samedi et parfois dimanche compris. (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.) Nous avons eu l’occasion – je crois que vous pouvez m’en donner acte – de passer ensemble des dizaines, voire des centaines d’heures, pour débattre de tous les textes budgétaires.

Si vous n’en étiez pas informé, je vous indique que tous les décrets, je pense notamment aux décrets d’avance, ont été transmis à la Haute Assemblée. Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat a ainsi pu en disposer et la commission des finances dans son ensemble a pu les examiner. Hier, Michel Sapin et moi-même avons d’ailleurs passé plus de deux heures avec les membres de cette commission.

Monsieur le sénateur, nous sommes donc à votre disposition, y compris pendant les vacances ! Nous serons par exemple présents lors de la réunion de la commission des finances de l’Assemblée nationale prévue mercredi prochain. Nous assisterons également au débat de politique générale que l’Assemblée nationale a décidé d’organiser la semaine suivante.

Au-delà de la forme, vous appelez de vos vœux davantage d’économies en faveur du pays.

Tout d’abord, les résultats de l’exécution budgétaire de 2014 ont été particulièrement positifs, puisque l’État a réduit ses dépenses entre 2013 et 2014, vous le savez, de 3,3 milliards d’euros ! (Protestations sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. Francis Delattre. C’est faux !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, examinez avec nous la loi de règlement ! Ce sont 3,3 milliards d’euros de moins ! Les chiffres sont têtus !

Ensuite, vous affirmez certes vouloir aller plus loin, mais nous attendons vos propositions !

J’aurai l’occasion, au cours de cette séance, de revenir sur cette question, car je suis attaché à respecter autant mon temps de parole que le Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

programme de stabilité

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour le groupe de l’UMP.

M. Jean Bizet. Ma question s'adressait à M. le ministre des finances et des comptes publics que je n’aperçois pas dans l’hémicycle.

Alors même que nous examinons et modifions le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dit « projet de loi Macron », afin d’en faire un véritable texte en faveur de la croissance, alors même que la France, si j’en juge par l’absence de réformes prévues avant 2017, s’enfonce lentement mais sûrement dans l’immobilisme, je veux me faire le relais du profond mécontentement que le refus du Gouvernement d’organiser au Sénat un débat sur le programme de stabilité européen avant l’envoi de son projet aux instances communautaires suscite.

La Commission européenne invite le Gouvernement à des efforts budgétaires structurels bien précis ? Il en propose d’autres ! Elle réclame des réformes ? Le Gouvernement refuse pourtant tout débat avec le Parlement !

Il s’agit d’une curieuse attitude : l’irrespect à l’égard du processus démocratique le dispute aux imprécisions entretenues sur la trajectoire de nos finances publiques. Ces imprécisions ont d’ailleurs été soulignées par le Haut conseil des finances publiques, même s’il accorde au Gouvernement, c’est sa seule concession, sa prudence en matière d’estimation sur la croissance.

Lors de la réunion de la conférence des présidents, le Gouvernement s’était cependant engagé à satisfaire la demande du Sénat d’organiser un débat sur le programme de stabilité. La Haute Assemblée l’avait programmé aujourd’hui même !

Il s’agit pourtant, vous en conviendrez, d’un débat primordial avant la transmission du projet du Gouvernement aux instances communautaires, au regard du semestre européen ou plus précisément de l’esprit du traité de Lisbonne.

J’avoue être inquiet et soucieux de cette attitude, qui consiste à refuser de débattre au Sénat comme à l’Assemblée nationale.

Je me permettrai de reprendre les propos que M. Sapin a tenus dans le journal Le Monde publié hier dans lesquels il précisait que la transmission du programme de stabilité « permet à la Commission européenne d’exercer un droit de regard, et éventuellement un droit de critique sur la stratégie budgétaire. »

Le Gouvernement accepte un débat sur ses orientations devant la Commission européenne qui, d’après mes informations, aura bien lieu. En revanche, il vient d’en priver la représentation nationale !

Je ne poserai qu’une seule question : pourquoi cette attitude et ce silence ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je vous réponds bien volontiers. Christian Eckert vient de répondre à une question proche de la vôtre et aura l’occasion d’intervenir de nouveau sur cet important sujet. Je tiens à mon tour à excuser l’absence de Michel Sapin, car celui-ci participe à une réunion du Fonds monétaire international à Washington. J’estime qu’il est important que le ministre des finances représente notre pays lors des réunions qui se tiennent régulièrement dans ces enceintes internationales.

Tout d’abord, je souhaite vous dire que ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement n’organise pas un vote sur le programme de stabilité.

M. Vincent Delahaye et Mme Fabienne Keller. Mais si !

M. Manuel Valls, Premier ministre. En 2012, François Fillon, alors Premier ministre, ne l’avait pas fait non plus. Cependant, comme l’a rappelé Christian Eckert voilà un instant…

M. Francis Delattre. Quel bon soldat !

M. Manuel Valls, Premier ministre. … et comme l’a dit Michel Sapin hier à l’Assemblée nationale, le Parlement est souverain puisqu’il vote les lois de finances ! Il est donc inutile de créer un faux débat !

M. Jean Bizet. Mais précisément, il n’y a pas de débat !

M. Manuel Valls, Premier ministre. En revanche, il me paraît fondamental, monsieur Bizet, de débattre devant les Français des sujets qui les intéressent vraiment, c’est-à-dire de nos actions et propositions pour redresser les finances du pays.

Le Gouvernement a élaboré une stratégie : rétablir l’équilibre des comptes publics, compte tenu de l’état dans lequel vous nous les avez laissés en 2012 (Protestations sur les travées de l'UMP.), et réaliser tous les efforts possibles pour relancer la croissance, tout en affichant les priorités suivantes : l’éducation nationale, la sécurité et la justice, et l’emploi !

Au-delà des faux débats, le groupe UMP devrait présenter des contre-projets et des contre-arguments ! Or, pour redresser les finances du pays, vous proposez de baisser les déficits de 100 milliards d’euros à 150 milliards d’euros. C’est du moins la proposition de Nicolas Sarkozy. Pendant la campagne présidentielle de 2012, celui-ci proposait même de réduire de 10 milliards d’euros les dotations aux communes.

Aujourd’hui, vous nous expliquez pourtant que nos exigences à l’égard des collectivités territoriales sont trop élevées ! Indiquez donc aux Français le nombre de postes d’enseignants que vous voulez supprimer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) Indiquez-leur le nombre de postes de militaires, le nombre de postes de policiers et de gendarmes que vous voulez supprimer ! (Mêmes mouvements.) Indiquez-leur enfin le nombre de services publics que vous voulez supprimer dans les départements ruraux !

Au lieu de mener avec démagogie une campagne sur ce sujet, dites-nous enfin la vérité, monsieur Bizet, vous et votre groupe, sur votre programme en matière de réduction des déficits publics !

M. Jean Bizet. Mais précisément, organisez un débat !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Quant à nos relations avec l’Union européenne, nous avons toujours dit que nous cherchions à atteindre l’objectif d’une baisse du déficit nominal. La France suit en effet une trajectoire claire en matière de déficit structurel. Toutefois, nous avons clairement annoncé à la Commission européenne que nous ne suivrions pas les préconisations pouvant mettre en cause notre stratégie en matière de croissance.

La parole de la France est forte. Il faut y croire ! C’est vrai tant en termes de réduction des déficits publics qu’en matière d’investissements, comme le montre le plan de 315 milliards d’euros annoncé par Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne.

C’est ainsi, monsieur le sénateur, que nous bâtissons notre stratégie économique et budgétaire.

Je vous demande de faire preuve de plus de clarté devant les Français ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.)

politique du handicap

M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour le groupe du RDSE.

Mme Hermeline Malherbe. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.

Cette question, qui sera sans doute moins partisane et peut-être plus concrète pour les populations que nous représentons, porte sur l’évolution potentielle des politiques de handicap à l’échelon départemental.

Trois lois encadrent actuellement le champ du handicap : la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975, la loi en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés du 10 juillet 1987 et la loi pour l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées du 11 février 2005. Celle-ci a permis la création d’un lieu unique destiné à faciliter les démarches des personnes handicapées : les maisons départementales des personnes handicapées, ou MDPH.

Dans chaque département, les MDPH permettent un accès unifié aux droits et aux prestations prévus pour les personnes handicapées. Malheureusement, de trop nombreuses charges administratives pèsent sur leurs personnels. Leur volume d’activité est en hausse depuis 2006 malgré des effectifs constants.

Afin d’y remédier, l’association des directeurs de maison départementale des personnes handicapées a adressé, le 23 mai 2014, onze propositions de simplification des démarches aux autorités publiques et aux différents acteurs du handicap, afin de permettre aux MDPH de mieux remplir leurs missions.

Lors de la conférence nationale du handicap, qui s’est déroulée le 11 décembre 2014 à l’Élysée, le Président de la République a annoncé « des mesures concrètes de simplification pour améliorer le quotidien des plus fragiles ». Il a également promis la dématérialisation des échanges entre MDPH et caisses d’allocations familiales, afin d’accélérer le traitement des demandes d’allocations pour adultes handicapés et de prestations compensatrices du handicap.

Madame la secrétaire d’État, ma question sera simple : quel est l’état d’avancement des travaux annoncés dans le cadre du choc de simplification qui permettraient de dégager du temps humain, autrement dit qui permettraient aux personnels des MDPH de disposer de davantage de temps pour l’accompagnement et la prise en charge adaptée des personnes handicapées ? Plus généralement, quelles sont les adaptations prévues pour accroître le soutien au service public local dans son action quotidienne auprès des personnes handicapées ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame la sénatrice, je voudrais commencer mon propos en vous félicitant pour votre brillante réélection à la tête de votre magnifique département – département que je connais bien –, les Pyrénées-Orientales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)

Je connais votre investissement quotidien au service de nos concitoyens, et l’intérêt que vous avez toujours porté à la politique du handicap. Je ne suis donc pas du tout étonnée que vous m’interrogiez sur les MDPH et leur rôle essentiel dans l’orientation et l’accompagnement des personnes.

Vous l’avez dit, les MDPH constituent des lieux uniques d’orientation et d’accompagnement, qui concentrent les compétences pour l’évaluation et le suivi des personnes handicapées. La création de ce guichet unique, dans la loi de 2005, a constitué une avancée, malgré toutes les difficultés que les MDPH peuvent rencontrer aujourd’hui.

Il y a eu, vous l’avez souligné, une très forte montée en charge entre 2006 et aujourd’hui. Je peux néanmoins vous rassurer, madame la sénatrice : les demandes se stabilisent désormais, et ce depuis 2012. Les délais de réponse sont certes encore trop longs – ils sont d’un peu plus de quatre mois pour les adultes, et de trois mois environ pour les enfants –, mais ils s’améliorent régulièrement.

Comment faire pour diminuer les tâches administratives et améliorer l’accompagnement humain dans ces MDPH ? Nous avons pris un certain nombre de mesures en ce sens.

Nous poursuivons d’abord le travail de dématérialisation que vous avez évoqué, ainsi que de simplification du formulaire de demande dans les MDPH.

Nous venons également d’étendre la durée d’attribution de ce que l’on appelle l’« AAH 2 », l’allocation adulte handicapé de type 2, qui était de deux ans et pourra désormais être prolongée jusqu’à cinq ans.

Nous venons en outre d’allonger la durée de validité des certificats médicaux qui sont adjoints aux demandes ; de trois mois actuellement, elle pourra être étendue à six.

Enfin, les départements peuvent désormais mettre en place le tiers payant pour les aides techniques qui permettra d’éviter aux personnes d’avancer des sommes importantes pour l’acquisition d’un fauteuil roulant, par exemple.

Grâce à l’ensemble de ces mesures, le traitement des demandes sera renforcé, les délais de réponse seront réduits et le travail des agents sera facilité.

Pour terminer, je veux insister sur un point, madame la sénatrice. Les départements sont les premiers acteurs de l’action sociale en France.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Vous qui êtes présidente d’un département, vous le savez bien. C’est vous qui avez la connaissance des territoires ; c’est vous qui avez la connaissance des habitants ; c’est vous qui savez le mieux ce qui est le plus ou le moins efficace. C’est donc ensemble, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous pouvons continuer à améliorer les MDPH. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. Merci de cet hommage au département, madame la secrétaire d’État !

réforme des collèges

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour le groupe écologiste.

Mme Corinne Bouchoux. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

La réforme du collège, qui se fera pour l’essentiel par décret en 2016, est une impérieuse nécessité. Nous en partageons tous, me semble-t-il, les finalités : favoriser le travail de groupe, permettre davantage d’interventions conjointes et de pratiques interdisciplinaires des équipes enseignantes sont en effet des mesures essentielles.

L’augmentation des heures d’accompagnement nous conduit à nous interroger, dans la mesure où ces aides ne font l’objet d’aucune analyse des pratiques en aval, et de peu de formations permettant de les concevoir en amont, si l’on en croit le référé sur la formation continue des enseignants rendu par la Cour des comptes le 14 avril dernier, ainsi que l’excellent rapport qu’elle a produit sur l’aide individuelle.

La question – de forme comme de fond – se pose de l’articulation de la réforme du collège et des choix curriculaires et interdisciplinaires du Conseil supérieur des programmes, ou CSP. Qu’en est-il ?

Par ailleurs, toutes ces réformes seront vaines si rien ne bouge en matière de « non-mixité sociale » de nombreux collèges, où l’homogénéité des publics scolaires grandit.

En face, des enseignants ont profité, grâce à la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, de quelques formations à la coopération, à la coproduction numérique, au travail en équipe. Un accompagnement des équipes, associant les acteurs éducatifs, pour poursuivre l’apprentissage du travail en commun serait néanmoins le bienvenu.

« Mieux apprendre pour mieux réussir », tel est le slogan choisi pour cette réforme. Pour ce faire, ne faut-il pas d’abord et surtout accompagner au sein même des collèges l’évolution des pratiques pédagogiques ? Ne faut-il pas aussi que les collèges comptent des publics plus mélangés ?

Cette question, mes chers collègues, est dédiée à Claude Dilain, ainsi qu’aux enseignants, aux familles, au personnel et à l’équipe de direction du collège Jean Lurçat d’Angers. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville.

Mme Myriam El Khomri, secrétaire d’État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville. Madame la sénatrice, la ministre de l’éducation nationale a lancé cette réforme du collège pour l’année 2016, afin de lutter, justement, contre les inégalités, de consolider les apprentissages fondamentaux, tout en permettant l’interdisciplinarité et un meilleur apprentissage des langues vivantes.

L’accompagnement personnalisé pour tous les élèves est un axe fort de la mise en œuvre de la nouvelle organisation du collège. Tous les élèves jouiront, pendant les vingt-six heures hebdomadaires d’enseignement, de trois heures d’accompagnement personnalisé en classe de sixième, et d’au moins une heure d’accompagnement personnalisé en classe de cinquième, de quatrième et de troisième.

Cet accompagnement leur permettra d’acquérir des méthodes, de progresser dans différentes matières et d’approfondir leurs connaissances.

Mais, vous avez raison, madame la sénatrice, pour que cette ambition se concrétise, un accompagnement des équipes est primordial. Celles-ci pourront ainsi profiter de formations pour les accompagner dans la mise en œuvre de leurs futurs projets tout au long de l’année scolaire 2015-2016. Les principaux, les inspecteurs pédagogiques seront guidés dès ce printemps, de sorte que des formations puissent être organisées sur site, dans les collèges.

Vous le soulignez, vous le préconisez même, l’articulation entre la réforme du collège et les programmes scolaires, entre la forme et le fond, est nécessaire. C’est précisément la mission qui a été confiée au CSP, lequel a publié le 13 avril dernier les projets de contenu des enseignements au collège, dans le cadre de cette nouvelle organisation.

Dans la mesure où cette réforme est globale, nous agissons aussi pour lutter contre la ghettoïsation et pour favoriser la mixité sociale. Sur la base d’un diagnostic partagé avec les collectivités territoriales, grâce à l’appui d’outils mis à disposition par les différents acteurs, notamment le ministère compétent, de nouveaux secteurs de recrutement des collèges pourront être définis avec les conseils départementaux volontaires, pour regrouper plusieurs établissements et favoriser ainsi une meilleure mixité sociale.

Dans ce cas, une procédure d’affectation renouvelée sera mise en place. C’est l’une des mesures fortes qui a été prise lors du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté du 6 mars dernier qui s’est tenu sous l’égide du Premier ministre.

Vous avez eu raison de rendre hommage à Claude Dilain dans votre intervention, car cette mesure est extrêmement importante pour tous les habitants des quartiers populaires, notamment. En tant que secrétaire d’État chargée de la politique de la ville, je peux vous dire que la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et moi-même travaillons ensemble, et de façon extrêmement forte, en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)

réforme des collèges

M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour le groupe socialiste.

M. Jacques-Bernard Magner. Ma question s’adressait à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais j’ai bien compris que Mme la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville y répondrait.

Après la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, qui donnait la priorité à l’école primaire, le Gouvernement a souhaité réformer le collège, qui constitue le deuxième pilier du socle commun de connaissances, de compétences et de culture de notre système éducatif.

Nous le savons tous, les évaluations nationales et internationales montrent que le collège actuel aggrave la difficulté scolaire, en particulier pour ce qui concerne les disciplines fondamentales.

Ainsi, les études PISA témoignent que, en France, entre 2002 et 2012, les collégiens ont régressé en français, en mathématiques et en histoire-géographie, contrairement à ceux des autres pays de l’OCDE, lesquels, en moyenne, ont progressé. En France, la proportion d’élèves ne maîtrisant pas les compétences de base en français est de 12 % en cours moyen deuxième année et de 25 % en troisième. En mathématiques, cette proportion est de 9 % en cours moyen deuxième année et de 13 % en troisième.

Sans mettre en cause la compétence et l’engagement des enseignants, il faut reconnaître que le collège est profondément inégalitaire, triant les élèves davantage qu’il ne les accompagne dans la réussite. Il est peu adapté au développement des compétences nécessaires à la future insertion des collégiens et, on le constate malheureusement, il reste peu efficace dans la lutte contre l’échec scolaire et le décrochage de trop nombreux élèves.

On peut donc dire que le collège actuel est insuffisamment motivant et efficace pour les élèves, souvent anxiogène pour les parents et parfois frustrant pour les professeurs.

Il fallait par conséquent sortir de l’impasse dans laquelle nous sommes arrivés, quarante ans après la création du collège unique et l’ambition républicaine dont il était porteur.

Aujourd’hui, il est nécessaire de prolonger la refondation globale de l’école qui est au cœur du redressement de notre pays voulu par le Président de la République. L’enjeu de cette refondation est contenu dans le double défi de rétablir la performance de notre système éducatif en assurant la réussite du plus grand nombre et en luttant contre le déterminisme social, tout en faisant partager les valeurs de la République.

Madame la secrétaire d’État, comment redonner de l’efficacité éducative et réactiver la promesse républicaine en réformant le collège ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville.

Mme Myriam El Khomri, secrétaire d’État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville. Monsieur le sénateur, vous avez raison de le rappeler, le collège est le maillon faible de la scolarité des élèves français. (M. Éric Doligé s’exclame.) Depuis quinze ans, le nombre d’élèves en difficulté n’a cessé d’augmenter. À la fin du collège, 25 % des élèves ne maîtrisent pas les compétences de base en français, et 13 % celles qui sont nécessaires en mathématiques.

Sans mettre en cause – il est important de le préciser – ni les compétences ni l’engagement des enseignants, force est de reconnaître que le collège est inégalitaire ; il est monolithique dans son approche disciplinaire ; il est inadapté au développement des compétences indispensables à la future insertion des collégiens ; il est peu efficace en matière d’orientation et de lutte contre le décrochage.

C’est pour cela que la ministre de l’éducation nationale a engagé une démarche pragmatique et globale. Pragmatique, parce qu’il faut partir de ce qui marche déjà sur le terrain, et libérer les capacités d’initiative des enseignants. Globale, parce que nous devons repenser en même temps les contenus, les pratiques d’enseignement et l’organisation pédagogique pour répondre aux enjeux du collège de 2016.

C’est cette ambition qui guide la refonte de l’ensemble des programmes, engagée pour que tous les élèves acquièrent le socle commun de connaissances, de compétences et de culture. C’est cet impératif qui doit nous conduire à améliorer la façon de transmettre pour les professeurs, et d’apprendre pour les élèves. Sera donnée aux équipes une marge de manœuvre de 20 % du temps d’enseignement, dans le respect, bien sûr, des horaires disciplinaires : ce temps dédié à un apprentissage différent des savoirs fondamentaux, par le travail en petits groupes, des enseignements pratiques interdisciplinaires, ou un accompagnement individuel particulièrement renforcé est au cœur de la nouvelle organisation du collège.

L’un des problèmes qui se pose au collège, aujourd’hui, c’est l’ennui qui conduit parfois les élèves au décrochage. Le développement du numérique, l’apprentissage d’une deuxième langue vivante dès la cinquième et de la première langue vivante dès le cours préparatoire constituent des réponses décisives.

Enfin, le nouveau collège deviendra un lieu d’épanouissement et de construction de la citoyenneté. Chaque établissement devra notamment inscrire dans son projet de vie, au collège, le civisme et la célébration des symboles de la République. Chaque collège favorisera la création de médias par les élèves pour mieux appréhender l’information et mieux lutter contre les théories du complot, entre autres. La démocratie collégienne sera également développée.

C’est donc, vous le constatez, une réponse globale et cohérente qui est aujourd’hui apportée pour résoudre les problèmes que connaît le collège en France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

programme de stabilité

M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Albéric de Montgolfier. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres et secrétaires d’État, mes chers collègues, je voudrais d’abord remercier par anticipation M. le secrétaire d’État chargé du budget des félicitations qu’il ne manquera pas de m’adresser au sujet de ma réélection à la tête du conseil départemental, ainsi que vient de le faire Ségolène Neuville à l’égard de Mme Malherbe. (Mêmes mouvements.)

Hier, lors de son audition devant la commission des finances et la commission des affaires européennes du Sénat, Michel Sapin a indiqué que le Gouvernement ferait les 50 milliards d’euros d’économies, tous les 50 milliards, mais rien que les 50 milliards. Cette affirmation ne saurait nous surprendre puisque, depuis son annonce au début de l’année 2014, le programme de 50 milliards d’euros d’économies reste invariable.

Toutefois, cette constance peut déconcerter, alors même que le Gouvernement multiplie les annonces nouvelles en termes de recettes comme de dépenses. Je pense notamment au plan en faveur de l’investissement, qui a été annoncé par le Premier ministre la semaine dernière, et qui a fait l’objet d’un amendement hier au Sénat. Ce plan comprend des mesures dont le coût atteint 3,9 milliards d’euros pour la période 2015-2019.

À cet égard, en dépit de nos nombreuses demandes – nous en avons fait une hier encore –, vos indications concernant la compensation du coût de ces mesures demeurent particulièrement floues, monsieur le secrétaire d’État. Comment allez-vous financer ces 3,9 milliards d’euros ? Serait-il possible de nous apporter des précisions à ce sujet ?

Par ailleurs, la Commission européenne nous invite avec insistance à adopter des mesures additionnelles de consolidation des comptes publics, dont le montant approche 60 milliards d’euros pour les années 2015 à 2017. Il faut d’ailleurs rappeler que la Commission n’identifie que la moitié des 50 milliards d’euros d’économies annoncés par le Gouvernement qui restent fort peu documentés, sauf peut-être pour les collectivités territoriales.

Enfin, le projet de programme de stabilité indique que « le Gouvernement serait […] prêt à prendre les mesures complémentaires nécessaires pour assurer le respect des cibles nominales ». N’y a-t-il, pas monsieur le secrétaire d’État, une contradiction avec votre volonté de ne pas aller au-delà des 50 milliards d’euros d’économies annoncés, et celle de respecter votre trajectoire de réduction des prélèvements obligatoires ?

Pour résumer, comment allez-vous financer les mesures nouvelles annoncées en faveur de l’investissement ? Comment ferez-vous pour atteindre vos objectifs budgétaires si la conjoncture économique s’avérait moins favorable qu’espéré ? Doit-on craindre, dans cette hypothèse, une hausse de la pression fiscale ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président du conseil départemental d’Eure-et-Loir (Sourires.), au nom du Gouvernement, je vous présente mes félicitations, ainsi qu’à toutes celles et ceux parmi vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui justifient des mêmes qualités ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

Je vous remercie de votre question. Vous nous interrogez sur la façon de financer les mesures que nous prenons. Je vous éclairerai tout d’abord sur la manière dont nous ne les financerons pas.

Premièrement, nous ne les financerons pas par l’endettement, contrairement à ce que certains ici présents ont fait entre 2002 et 2012, ce qui est clairement inscrit dans les bilans !

M. Roland Courteau. C’est déjà bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Deuxièmement, nous ne les financerons évidemment pas par des hausses d’impôts. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Le Président de la République a été très clair sur ce point, ainsi que le Premier ministre. J’ai moi-même eu l’occasion de dire devant le Parlement que je me ferai le greffier de cet engagement.

M. François Grosdidier. Vous ferez peser les dépenses sur les autres !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Rassurez-vous, monsieur le sénateur, tout va bien se passer ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Si jamais je manquais à mes devoirs de greffier, monsieur de Montgolfier, je vous les invite à me les rappeler !

Je le disais donc, nous financerons ces mesures non par l’endettement ou par des hausses d’impôts, mais par des économies.

M. Charles Revet. Comment ?

Mme Catherine Procaccia. Sur les retraites !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je citerai quelques exemples et fournirai quelques preuves. Nous avons mis en place depuis le 1er janvier de cette année – c’était d’ailleurs une nécessité – un certain nombre de mesures pour lutter contre le djihadisme et assurer la sécurité de notre pays. Cet objectif a recueilli d’ailleurs un consensus. Le montant de l’ensemble de ces dépenses, plus quelques autres, s’est élevé très exactement à 960 millions d’euros. Nous les avons financées – vous le savez puisque vous avez reçu communication des décrets d’avance – en trouvant des crédits dans d’autres ministères, de façon parfaitement transparente.

Nous devrons réaliser 4 milliards d’euros d’économies. Je vous les ai décrites hier, même si mes réponses ne semblent jamais suffisamment précises à votre goût. Quoi qu’il en soit, je vous renvoie notamment à l’exécution budgétaire de l’année dernière. Nous avons financé, conformément à ce que nous avions promis, 3,6 milliards de mesures nouvelles en cours d’année, et le déficit s’est révélé moins élevé que prévu.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. N’ayez donc aucune inquiétude à ce sujet, monsieur de Montgolfier, nous travaillons ensemble et vous recevrez toutes les assurances que vous souhaiterez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.)

politique vaccinale

M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, pour le groupe socialiste.

M. Georges Labazée. Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

La semaine européenne de la vaccination commence lundi prochain, le 20 avril. C’est l’occasion pour l’ensemble des acteurs du secteur de la santé de mettre en place des dispositifs, afin de favoriser une meilleure compréhension de la protection vaccinale, tant du point de vue de ses atouts que de la maîtrise de ses risques.

Madame la ministre, tout récemment, des événements tragiques ont mis une fois de plus en cause la sécurité des vaccins. Il s’agissait de vaccins contre les rotavirus. Mais c’est en permanence que les autorités et les professionnels de santé doivent rassurer. Pourquoi une telle méfiance ?

Le vaccin est un médicament particulier à plusieurs titres.

Il est tout d’abord un médicament préventif, qui s’adresse en conséquence à des personnes le plus souvent jeunes et en bonne santé. Le vaccin est ensuite un médicament solidaire, dans la mesure où il n’entraîne pas seulement un bénéfice sur la santé sur le plan individuel, mais permet également de protéger l’entourage des personnes vaccinées. Le vaccin présente enfin une dimension politique, parce que l’obligation vaccinale est définie par la puissance publique. La décision rendue par le Conseil constitutionnel le 20 mars dernier confirme, d’ailleurs, le caractère obligatoire de la vaccination, affirmant ainsi qu’il n’est pas contraire à la Constitution de 1958 et rappelant la compétence du Parlement pour « définir une politique de vaccination afin de protéger la santé individuelle et collective ».

Il convient donc aujourd’hui d’utiliser la vaccination de manière adaptée et acceptable pour la population. Cette semaine européenne est l’occasion de répondre aux questions suivantes. Comment faciliter l’accès aux vaccins ? Comment clarifier le rôle des instances participant à la prise de décision ? Comment personnaliser le suivi ? Comment éduquer à la vaccination ?

L’examen prochain par le Sénat du projet de loi relatif à la santé sera pour nous l’occasion de prolonger le débat. Madame la ministre, quelles réponses le Gouvernement entend-il apporter à cette urgence ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le sénateur, la semaine européenne de la vaccination doit être pour nous, comme vous le soulignez, l’occasion de rappeler avec force l’importance de la vaccination. Cette dernière n’appartient pas au passé. Elle a permis de sauver des millions de vies, d’endiguer la propagation de maladies graves, d’éradiquer, par exemple, la variole.

Nous avons de grandes perspectives ; nous avons bon espoir de disposer d’un vaccin contre la dengue. Notre mobilisation reste cependant nécessaire. En effet, le risque de voir ressurgir des maladies existe. De plus, monsieur le sénateur, nous nous inquiétons de la résurgence de foyers de certaines maladies. Ainsi, un foyer de rougeole a été découvert dans un collège alsacien voilà quelques jours, chez des enfants qui n’avaient pas été vaccinés.

Par ailleurs, je veux vous faire part de l’une de mes préoccupations. Aujourd'hui le taux de vaccination des personnes âgées est insuffisant, et les comportements réfractaires s’expriment publiquement. Si nos concitoyens adhèrent de plus en plus à la vaccination – 61 % des Français y étaient favorables en 2010, contre près de 80 % aujourd'hui –, nous constatons que les personnes âgées et à risque ne se font pas vacciner suffisamment. Trois orientations ont donc été adoptées.

Tout d’abord, j’ai mis en place un programme national d’amélioration de la politique vaccinale, et fait le choix de la simplification et de la clarification du calendrier vaccinal.

Ensuite, le projet de loi de modernisation de notre système de santé, dont nous débattrons dans cette enceinte, comporte plusieurs mesures pour renforcer la couverture vaccinale, notamment l’élargissement de la possibilité de réaliser des vaccins dans les centres de planification et les centres de santé. Les sages-femmes pourront, par exemple, vacciner.

Enfin, le Premier ministre a confié à Mme la députée Sandrine Hurel une mission pour formuler des recommandations visant à améliorer le taux d’adhésion de la population et des professionnels de santé à la vaccination.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous le constatez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est mobilisé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)

programme de stabilité

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Fabienne Keller. Monsieur le Premier ministre, vous allez peut-être trouver la majorité sénatoriale insistante puisque, après Albéric de Montgolfier, Jean Bizet et Vincent Delahaye, j’aborderai de nouveau dans mon intervention le pacte de stabilité et de croissance et l’équilibre budgétaire.

M. Didier Guillaume. Les réponses sont un vrai bonheur !

Mme Fabienne Keller. Vous nous avez très énergiquement indiqué que vous prépariez le pays après dix ans d’échec. Je vous laisse libre de cette analyse. Néanmoins, avec près de 600 000 chômeurs supplémentaires en trois ans, la politique de François Hollande n’est pas à proprement parler une réussite ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le ministre des finances et des comptes publics nous répète à l’envi que les trajectoires de réduction du déficit budgétaire défendues par le Gouvernement correspondent à celles de Bruxelles. À l’en croire, le débat sur des sanctions européennes « est aujourd’hui complètement dépassé ». Pourtant, la France fait partie du petit groupe des quatre pays de la zone euro dont le solde public est le plus dégradé, avec la Slovénie, le Portugal et l’Espagne. Pourtant, sur les 4 milliards d’euros d’économies qui ont été annoncés hier, une moitié seulement est liée à un changement structurel.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mais non !

Mme Fabienne Keller. L’autre moitié est due à la conjoncture, notamment à la baisse du prix du pétrole et surtout à la diminution de la charge de la dette. Nous vivons là un effet anesthésiant de cette situation favorable. Ces bonnes nouvelles de court terme ne couvrent pas la période d’engagement demandée à Bruxelles et ne correspondent pas à des orientations de structure, de fond, dont a besoin notre pays.

Monsieur le Premier ministre, quelles sont vos orientations structurelles et durables pour faire face, au cours de la période 2015-2017, à l’effet de la baisse des investissements des collectivités qui entraînera mécaniquement une diminution des recettes de l’État ? Ce paramètre n’est absolument pas pris en compte dans le budget.

M. Simon Sutour. C’est laborieux !

Mme Fabienne Keller. Quelles sont également vos orientations pour financer l’amortissement accéléré des investissements des entreprises, même si nous sommes plutôt d’accord avec vous sur cette politique ?

Comment allez-vous financer le montage prévu pour le respect des engagements de la loi de programmation militaire, le tout sans augmenter les impôts, comme nous le promet Christian Eckert ? En matière d’impôt, les Français ne croient que ce qu’ils voient…

Bref, pourriez-vous nous expliquer en quoi les mesures proposées consolideront durablement la structure du budget de la France ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la sénatrice, c’est un plaisir de répondre aux questions posées au Sénat. Vous n’ignorez pas la considération que j’ai pour votre assemblée.

M. le président. Vous me l’avez écrit, monsieur le Premier ministre !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame Keller, je suis d’accord avec vous sur un point : il n’est pas particulièrement utile que nous nous livrions les uns et les autres à une bataille de chiffres à propos de l’emploi et du chômage, sinon il nous faudrait vous rappeler le million de chômeurs supplémentaires que nous avons trouvés en 2012, citer les 600 milliards d’euros de plus de dette pour le pays, sans parler du niveau de déficit ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

À un moment où les Français doutent de l’action publique et de la parole publique, je souligne que malheureusement notre pays s’est habitué depuis des années à un niveau de chômage de masse insupportable pour nos compatriotes, ainsi qu’à un niveau de déficit beaucoup trop élevé. La mission de ceux qui gouvernent est de réduire ces déficits – c’est le sérieux budgétaire. La trajectoire du Gouvernement a été rappelée par Christian Eckert : après avoir obtenu un résultat meilleur que prévu, c'est-à-dire 4 % au lieu de 4,4 % en 2014, abaisser le déficit à 3,8 % du PIB en 2015, à 3,3 % en 2016 et à 2,7 % en 2017. À cette date, nous devrions nous trouver sous la barre des 3 % du PIB. Cette trajectoire a fait l’objet d’un vote unanime de la Commission européenne et du Conseil.

Pour ce qui concerne le déficit structurel, l’objectif est de 0,5 point en 2016, grâce à un certain nombre de mesures qui seront effectivement d’ordre budgétaire. Bien évidemment, nous intégrons dans nos calculs le niveau de l’inflation, qui est l’un des éléments négatifs de la projection budgétaire. C’est ainsi que nous agissons sans mettre en cause la croissance, qui est désormais de retour. Le rythme du redressement prévu n’est donc pas modifié.

Pour parvenir à nos objectifs, du fait du recul très net de l’inflation qui réduit les rendements des mesures d’économie déjà adoptées, un redressement complémentaire de l’ordre de 4 milliards d’euros en 2015 et de 5 milliards d’euros en 2016 sera nécessaire. Ces cibles sont exigeantes, mais elles sont réalistes. Nous devons réduire les déficits de 50 milliards d’euros sur trois ans, en tenant compte de l’inflation. C’est ça gouverner sérieusement et gérer sérieusement nos finances locales !

Par ailleurs, pour la première fois depuis longtemps, nous observons un redressement de la croissance, sans doute encore fragile, tant dans la zone euro qu’en France. Il convient de comparer ce qui est comparable, notamment par rapport à la situation dans les pays du Nord ou en Allemagne. L’Espagne est souvent prise en exemple. Mesdames, messieurs les sénateurs, pardonnez-moi de vous rappeler que les Espagnols partent d’un niveau beaucoup plus bas que nous, ce qui explique le rebond qu’ils connaissent aujourd'hui.

Nous devons donc conforter à la fois cet objectif de croissance et nos finances nationales. C’est ainsi que nous préparons l’avenir ! Nous préservons nos priorités. Je les ai rappelées, et Christian Eckert vient également de le faire. Nos priorités, ce sont la sécurité, l’école, mais aussi le soutien aux entreprises ! C’est le sens des mesures en faveur de l’investissement privé que j’ai déjà annoncées et des mesures en faveur de l’investissement public que j’annoncerai à la mi-mai.

Madame Keller, nous attendons vos propositions et celles de vos amis pour la croissance ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jacques Chiron. Ils n’en ont pas !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le débat sur le texte présenté par Emmanuel Macron a lieu actuellement. J’attends aussi vos propositions précises en matière de réduction des déficits.

Vous ne pouvez pas affirmer à la fois qu’il ne faut pas réduire les dotations aux collectivités territoriales, qu’il faut augmenter le budget de la défense et qu’il faut préserver nos engagements en matière de sécurité ! Vous avez diminué le nombre de policiers et de gendarmes sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Vous ne pouvez pas expliquer qu’il faut baisser les impôts ; vous les avez augmentés de 30 milliards d'euros quand vous étiez au pouvoir !

Madame Keller, il faut mettre de l’ordre dans ses idées pour être crédible auprès des Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

zones blanches

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Elle est doublement d’actualité.

À l’instar de nombreux collègues ayant participé à la campagne des élections départementales, j’ai été interpellé lors de chaque réunion sur la problématique de la téléphonie mobile, des zones blanches, des zones grises, ainsi que sur internet. J’ai même cru un temps que la totalité des zones blanches et des zones grises de la France étaient rassemblées dans mon département ! (Sourires.)

Le Premier ministre a dû lui aussi entendre ce « ras-le-bol », puisqu’il a proposé un plan de résorption des 170 zones blanches et des quelques zones grises en matière de téléphonie.

Le sujet a été débattu dans le cadre du volet investissement de votre projet de loi, monsieur le ministre de l’économie. Je pensais que tout pourrait être réglé.

Mais, à la lumière des débats, je reste inquiet sur la définition de la « zone blanche ». Si, demain, nous devions avoir les mêmes critères qu’aujourd’hui, l’incompréhension et la colère de la population seraient totales.

Je le rappelle, il suffit qu’un appel passe devant la mairie pour que la zone soit déclarée non blanche. Or, nous le savons bien, de nombreux villages qui répondent à ce critère n’ont pas de couverture satisfaisante.

Nos concitoyens voyagent et observent ce qui se passe dans d’autres pays, parfois beaucoup moins développés que le nôtre. Ils n’admettent plus la situation actuelle.

Je vous pose donc la question suivante, monsieur le ministre : les mesures que vous allez mettre en œuvre ne concerneront-elles que les centres-bourgs ou bien couvriront-elles tout le territoire ? Faudra-t-il encore que les collectivités locales mettent la main à la poche, accentuant ainsi encore le sentiment de nos concitoyens d’une France à deux vitesses ?

Par ailleurs, monsieur le ministre, nous connaissons votre volonté de dynamiser l’économie. Mais, vous le savez, cela passe par une accélération de l’investissement.

Je souhaite également aborder l’équipement haut débit internet. Pourrait-on accélérer la mobilisation du Fonds national pour la société numérique, le FSN, et des fonds européens qui peuvent les compléter ? Surtout, pouvez-vous nous assurer que nous aurons votre soutien ?

M. le président. Il faut conclure !

M. Philippe Adnot. Il y a eu des évolutions positives. Elles devraient permettre que la montée en débit relève du financement du FSN, puisque 95 % des investissements de la montée en débit seront utiles pour le très haut débit FTTH, Fiber to the home, ou fibre optique jusqu’au domicile. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur Adnot, vous l’avez rappelé, nous avons eu ce matin un long débat qui a conduit à l’adoption d’un article important, faisant suite aux engagements pris par M. le Premier ministre au mois mars dernier et à de nombreuses initiatives émanant, me semble-t-il, de l’ensemble des groupes de votre Haute Assemblée.

Je remercie d'ailleurs les intervenants, toutes sensibilités confondues, de la qualité du débat qui a eu lieu ce matin. Tous ont exprimé les besoins en la matière.

Des interrogations persistent. Qu’est-ce qui sera réellement couvert ? Comment le financement sera-t-il réparti ?

La priorité, ce sont les centres-bourgs ; vous l’avez rappelé.

Les engagements seront inscrits dans la loi, et ils auront, pour la première fois, force contraignante. Cela permettra de couvrir l’ensemble des centres-bourgs non couverts à ce jour d’ici à la mi-2017. Cela signifie 170 communes pour la 2G et environ 2 600 communes pour la 3G ou la 4G. C’est une obligation qui s’imposera aux opérateurs. Ceux qui y contreviendront pourront être sanctionnés par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP. Ce n’était pas le cas jusqu’à aujourd'hui.

Mais, comme vous l’avez souligné, ce n’est pas suffisant.

Au-delà des centres-bourgs, il reste des zones blanches. Ces zones, qui sont imparfaitement mesurées aujourd'hui par les indicateurs – d’ailleurs, ceux qui ânonnent les statistiques selon lesquelles la totalité du territoire serait couverte suscitent souvent l’indignation –, pourront dorénavant faire l’objet d’une demande devant un guichet.

L’organisation est structurée, autour de la mission « Très haut débit ». L’État assure la mise en œuvre de moyens humains et financiers. Ce sera la certitude de couvrir dans la même période les zones concernées de relais complémentaires, afin qu’il n’y ait plus du tout de zones blanches.

Cela suppose un financement. C’est le deuxième volet de votre question.

Le financement relèvera d’abord des opérateurs. Ces derniers seront contraints par l’engagement que je viens d’évoquer. Ils financeront l’entretien.

L’État apportera les financements complémentaires pour les zones blanches hors centres-bourgs avec les collectivités territoriales, en mobilisant 20 millions d'euros du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous apporterons tous ces projets au guichet du plan Juncker et à celui du FSN, pour que la part de l’État et celle de l’Europe soient maximales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Sueur. Mon rappel au règlement concerne la manière dont il a été rendu compte, notamment par M. le président de la commission des lois, de la réunion de la commission qui s’est déroulée hier matin. Les conclusions qui en ont été tirées sont fallacieuses.

M. le rapporteur du projet de loi relatif à la réforme de l’asile a indiqué que la Cour des comptes avait publié un rapport ou des éléments d’information sur le droit d’asile et que, dès lors, nous ne pouvions pas examiner les amendements.

J’ai pris la parole pour faire observer que la Cour des comptes avait publié un communiqué pour démentir cette assertion ; seuls des travaux préparatoires étaient en cours, et ils ont donné lieu à des fuites. À ce jour, il n’y a donc pas de rapport sur le sujet. Mais M. le rapporteur a maintenu sa position, et nous n’avons pas pu nous prononcer sur les amendements.

Cela constitue un précédent. Va-t-on désormais indexer les travaux du Sénat et du Parlement sur les fuites qui se produiront dans la presse à propos de rapports éventuels, hypothétiques et virtuels ? C’est une véritable question, monsieur le président. Je vous prie de bien vouloir relayer mes propos auprès de M. le président du Sénat.

Je voudrais également évoquer un autre problème, à l’origine d’une mauvaise interprétation.

À la fin de notre séance de travail, nous avons constaté que le projet de loi relatif à la réforme de l’asile était inscrit à l’ordre du jour des travaux du Sénat le mardi 5 mai, en fin d’après-midi. Or nous savons que l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ne sera pas achevé.

C’est pourquoi nous avons demandé à M. le président de la commission des lois de saisir la conférence des présidents. Nous ne souhaitons pas nous départir – je parle à tout le moins pour le groupe socialiste – du souci qui est le nôtre de délibérer dans les meilleurs délais. La réforme du droit d’asile n’a que trop attendu. De sérieux problèmes se posent quant à la durée des procédures, sans parler du récent drame humain qui s’est produit en mer Méditerranée.

Or, sous prétexte d’un prétendu rapport de la Cour des comptes, la commission des lois a décidé de reporter sine die l’examen du projet de loi relatif à la réforme de l’asile.

M. François Pillet. Pas sine die !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais nous n’avons absolument pas formulé une telle demande ! Seul M. le rapporteur a pris une telle initiative, qui pose problème. Et, comme l’a indiqué la Cour des comptes elle-même, le rapport en question n’existe pas.

Nous souhaitons que la Haute Assemblée puisse débattre rapidement de ce texte – je pense qu’une conférence des présidents se réunira bientôt !–, en y consacrant le temps nécessaire pour aborder ces questions avec tout le sérieux qu’elles requièrent. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

5

Article additionnel après l'article 33 nonies (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 34

Croissance, activité et égalité des chances économiques

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 34.

Section 2

Améliorer le financement

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l’article 34 (début)

Article 34

I. – (Non modifié) Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le I de l’article 80 quaterdecies est ainsi rédigé :

« I. – L’avantage salarial correspondant à la valeur, à leur date d’acquisition, des actions attribuées dans les conditions définies aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du code de commerce est imposé entre les mains de l’attributaire, selon les modalités prévues au 3 de l’article 200 A du présent code. » ;

2° Après le treizième alinéa du 1 quinquies de l’article 150-0 D, il est inséré un 7° ainsi rédigé :

« 7° En cas de cession d’actions attribuées dans les conditions définies aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du code de commerce, à partir de la date d’acquisition prévue au sixième alinéa du I du même article L. 225-197-1. » ;

3° À la première phrase du 2 du I de l’article 182 A ter, la référence : « L. 225-197-3 » est remplacée par la référence : « L. 225-197-6 » ;

4° Le 3 de l’article 200 A est ainsi rétabli :

« 3. L’avantage salarial mentionné à l’article 80 quaterdecies est retenu dans l’assiette du revenu net global défini à l’article 158, après application, le cas échéant, des abattements prévus au 1 de l’article 150-0 D et à l’article 150-0 D ter. » ;

5° À la quatrième phrase du dernier alinéa du I de l’article 223 A, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « septième ».

II. – (Non modifié) Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

A. – Le 6° du II de l’article L. 136-2 est ainsi rédigé :

« 6° L’avantage mentionné au I de l’article 80 bis du code général des impôts ; »

B. – Au e du I de l’article L. 136-6, après le mot : « impôts », sont insérés les mots : « , de l’avantage mentionné à l’article 80 quaterdecies du même code » ;

C. – L’article L. 137-13 est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Au troisième alinéa, la référence : « L. 225-197-5 » est remplacée par la référence : « L. 225-197-6 » ;

b) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette contribution ne s’applique pas aux attributions d’actions gratuites décidées par les sociétés qui n’ont procédé à aucune distribution de dividendes depuis leur création et qui répondent à la définition des petites et moyennes entreprises donnée à l’annexe de la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises, dans la limite, par salarié, du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du présent code. Cette limite s’apprécie en faisant masse des actions gratuites dont l’acquisition est intervenue pendant l’année en cours et les trois années précédentes. L’ensemble de ces conditions s’apprécie à la date de la décision d’attribution. Le bénéfice de cet abattement est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis. » ;

c) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« En cas d’attribution d’actions gratuites, cette contribution s’applique sur la valeur, à leur date d’acquisition, des actions attribuées. » ;

2° Le II est ainsi rédigé :

« II. – Le taux de cette contribution est fixé à :

« 1° 30 % sur les options consenties dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186-1 du code de commerce. Elle est exigible le mois suivant la date de décision d’attribution des options ;

« 2° 20 % sur les actions attribuées dans les conditions prévues aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du même code. Elle est exigible le mois suivant la date d’acquisition des actions par le bénéficiaire. » ;

D. – Au premier alinéa de l’article L. 137-14, les références : « des articles 80 bis et 80 quaterdecies » sont remplacées par la référence : « de l’article 80 bis » ;

E. – Le 1° de l’article L. 137-15 est complété par les mots : « et de ceux exonérés en application du quatrième alinéa du I du même article ».

II bis. – La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 225-102 du code de commerce est ainsi rédigée :

« Sont également prises en compte les actions nominatives détenues directement par les salariés en application des articles L. 225-187 et L. 225-196 du présent code dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2001-152 du 19 février 2001 sur l’épargne salariale, de l’article L. 225-197-1 du présent code, de l’article L. 3324-10 du code du travail, de l’article 31-2 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique et de l’article 11 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée. »

III. – Le I de l’article L. 225-197-1 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Les troisième, quatrième, avant-dernière et dernière phrases du deuxième alinéa sont supprimées ;

2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les pourcentages mentionnés au deuxième alinéa sont portés à 30 % lorsque l’attribution d’actions gratuites bénéficie à l’ensemble des membres du personnel salarié de la société. Au-delà du pourcentage de 10 % ou de 15 %, l’écart entre le nombre d’actions distribuées à chaque salarié ne peut être supérieur à un rapport de un à cinq. » ;

3° Au début du troisième alinéa, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « L’assemblée générale extraordinaire » ;

4° à 6° (Supprimés)

7° (nouveau) Après le septième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les sociétés qui répondent à la définition des petites et moyennes entreprises donnée à l’annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, la durée de la période d’acquisition mentionnée au cinquième alinéa du I ne peut être inférieure à un an et la durée cumulée de cette période d’acquisition et de l’obligation de conservation mentionnée au sixième alinéa du I ne peut être inférieure à deux ans. »

III bis. – (Non modifié) Au premier alinéa de l’article L. 3332-14 du code du travail, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « sixième ».

III ter. – (Non modifié) À la troisième phrase du premier alinéa de l’article 32-3 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « sixième ».

IV. – (Non modifié) Les I à III s’appliquent aux actions gratuites dont l’attribution a été autorisée par une décision de l’assemblée générale extraordinaire postérieure à la publication de la présente loi.

V. – (Non modifié) L’article L. 225-197-1 du code de commerce, dans sa rédaction résultant du présent article, est applicable dans les îles Wallis et Futuna.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.

M. Éric Bocquet. La « triangulation », cette attitude politique qui consiste à utiliser les thématiques de l’autre camp pour les détourner de leur objet « naturel » et à s’en servir pour renforcer son propre camp, trouve quelque illustration avec cet article 34, qui concerne l’épargne salariale.

Le Gouvernement nous propose de revisiter de fond en comble l’ensemble des problématiques de l’épargne salariale, de la détention du capital de l’entreprise par les salariés, de l’intéressement, de la participation et de l’épargne-retraite.

Nous attendions, entre autres, une démarche volontariste en direction du secteur bancaire, qui n’est pas toujours convaincu du bien-fondé de soutenir l’effort d’investissement des sociétés dites « non financières », mais qui est toujours aussi attentif à la « tenue de marché » et au rendement de produits dérivés, de plus en plus tentants dans un marché obligataire quelque peu souffreteux ces temps-ci.

Nombre de mesures sont destinées à assurer le financement de l’économie, non par mobilisation du secteur bancaire, pourtant favorisé par les récentes initiatives de la Banque centrale européenne, mais par sollicitation et détournement des gains de productivité du travail sous forme d’instruments financiers les plus divers. Le contenu de l’article en témoigne.

Il s’agit clairement ici de substituer à la légitime revalorisation des rémunérations, qui est éventuellement liée au développement de l’entreprise, une politique de distribution d’actions gratuites, qui sont représentatives d’une sorte de hausse des salaires potentielle et se traduisent en plus-values latentes, donc, de fait, en niches fiscales et sociales.

Bien entendu, les actionnaires recherchent la rentabilité financière de l’investissement de départ.

Les entreprises concernées sont les entreprises dites « de la nouvelle économie », les « incubateurs d’entreprise », où l’espace des bureaux est largement ouvert, dans une proximité qui encourage évidemment à la promiscuité, ces sociétés en devenir, où il vous arrive de rester à votre poste de travail jusqu’à vingt-deux heures, voire bientôt le dimanche si nous en décidons ainsi !

Dans ces entreprises, le développement est l’affaire de tous. Tout le monde est sur le même bateau. Le problème, et nous l’avons constaté à plusieurs reprises, c’est que les entreprises de cette « nouvelle économie » sont parfois positionnées sur des créneaux tellement étroits que leur chute est aussi rapide que ne l’avait été leur ascension.

De fait, la question de la distribution des actions gratuites et de leur « potentiel » de rémunération est clairement posée sur la durée. Il suffit ainsi d’observer l’évolution du marché du renseignement téléphonique entre son ouverture à la concurrence et aujourd’hui.

Une action gratuite valant 100 euros et revendue 12 euros quatre ou cinq ans après n’est pas d’un grand intérêt pour le salarié sur la durée !

Vous le savez, nous sommes très réservés et lucides sur le mythe d’un système partagé, où des intérêts contradictoires se fondraient dans une espèce d’« eldorado » commun.

M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, sur l'article.

M. Patrick Abate. Monsieur le ministre, vous allez devoir faire un important effort de pédagogie !

Mme Nicole Bricq. Il peut le faire !

M. Patrick Abate. Certes, c’est un exercice dans lequel vous êtes plutôt brillant, à défaut d’être convaincant à nos yeux ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mais il vous faudra beaucoup de talent pour arriver à démontrer à notre Haute Assemblée que les dispositions prévues à l’article 34 du projet de loi ne sont pas un gros cadeau à destination de ceux qui n’en ont pas forcément le plus besoin !

Vous proposez d’accentuer l’attractivité des actions gratuites. Ce dispositif, mis en place par le gouvernement de M. Raffarin en loi de finances pour 2004, permet aux dirigeants d’entreprise de décider la distribution d’actions gratuites dans le cadre d’une nouvelle attribution de capital social de l’entreprise. La mesure était déjà tout à fait favorable aux nouveaux détenteurs, notamment en matière de cessions de plus-values.

Avec l’adoption du présent projet de loi, ce qui était déjà un joli bonus pour les dirigeants les plus importants de l’entreprise – les actions gratuites leur étaient, pour l’essentiel, attribuées – va devenir un véritable cadeau, prélevé sur la collectivité publique !

Sauf erreur de notre part, l’article 34 allège fortement l’impôt dû par les contribuables sur les plus-values ainsi opérées.

Or, je le répète, les personnes concernées n’appartiennent pas aux catégories les plus modestes de la population. Avant la réforme, un contribuable dont les revenus relèvent pour partie de la tranche à 45 % de l’impôt sur le revenu était exposé à un taux d’imposition de 64,5 % sur ces actions. Avec cette réforme, le taux d’imposition pourra descendre jusqu’à 31,8 % en cas de détention d’actes de plus de huit ans. Vous proposez donc très discrètement un avantage fiscal considérable : une réduction de plus de la moitié de l’imposition pour les plus aisés.

Les personnes dont une partie des revenus relève de la tranche à 30 % de l’impôt sur le revenu – ils sont un peu moins riches, mais ils ne sont quand même pas trop malheureux – verront leur taux d’imposition sur ces actions passer de 46,5 % à 25,5 %. Est-ce cela que vous appelez « l’égalité des chances économiques » ?

La commission spéciale du Sénat n’est pas trop désagréable avec cet article 34. Elle ne fait que regretter l’absence d’étude d’impact permettant de chiffrer l’incidence budgétaire de la réforme sur l’impôt sur le revenu.

Il est rappelé dans les premières lignes du rapport que le régime fiscal coûte aujourd'hui 33 millions d’euros à la collectivité. Ce n’est que six pages plus loin que l’on apprend que le coût annuel de la suppression de la cotisation sociale est estimé à 25 millions d’euros et que le coût annuel de la réduction de la contribution sociale prévue par l’article 34 est estimé à 100 millions d’euros. Cependant, contrairement à leurs homologues de l’Assemblée nationale, les corapporteurs du Sénat ne précisent pas que, selon l’étude d’impact, le coût total de la mesure était estimé à 75 millions d’euros pour 2015 et à 191 millions d’euros sur l’année 2016.

En réalité, il est proposé de porter à 200 millions d’euros, voire plus, si je comprends bien l’évaluation chiffrée du rapport sénatorial, le coût pour l’ensemble des contribuables d’une mesure qui, chacun le sait, concerne essentiellement les plus hauts dirigeants d’entreprises du CAC 40 !

Comme Mme Karine Berger l’a d'ailleurs indiqué devant la commission spéciale de l’Assemblée nationale, « l’article 34 ne propose pas autre chose qu’une baisse de l’impôt et des prélèvements sociaux pour les plus gros détenteurs d’actions ». D'ailleurs, notre collègue députée a souligné à plusieurs reprises que cet article est fortement inspiré de la « révolte des pigeons », ce mouvement patronal qui s’était dressé contre toute éventuelle volonté de François Hollande de tenir ses promesses électorales.

À notre sens, l’article 34 ne permet en rien à dynamiser la croissance. Monsieur le ministre, les arguments dont vous usez sur ce point relèvent plutôt du leurre : le seul objectif est de répondre à l’attente de l’actionnariat le plus puissant.

Par conséquent, le groupe CRC s’opposera sans ambiguïté à une telle disposition.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 29 est présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 156 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Jourda.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 29.

M. Dominique Watrin. L’article 34 a des conséquences graves. Il remet en cause notre système de fiscalité et de cotisations sociales, qui est fondé sur des objectifs de solidarité nationale et d’intérêt général.

Aujourd’hui, les actions gratuites sont soumises à l’impôt sur le revenu selon les règles de droit applicables aux traitements et aux salaires. L’article 34 vise à revenir sur ce système, en prévoyant de simplifier et, surtout, d’alléger les modalités d’acquisition de ces titres.

Ce dispositif, qui est présenté comme un « coup de pouce » aux PME, aux entreprises de taille intermédiaire, les ETI, et aux start-ups, ressemble plutôt à un cadeau aux grandes entreprises. Les actions gratuites sont, pour l’essentiel, prisées par les entreprises du CAC 40, qui en ont distribué à leurs actionnaires pour 6,4 milliards d’euros en 2014, soit, selon les révélations du journal Le Canard enchaîné, 90 % des actions gratuites.

D’ailleurs, cette mesure ne pourrait qu’encourager les grandes entreprises à transformer les gros salaires en actions gratuites. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)

En réalité, le recours à la distribution d’actions gratuites, qui est encouragé fiscalement et socialement, crée un dangereux précédent à l’encontre des modes collectifs et normaux de rémunération du travail.

Comme le précisait d’ailleurs le député Nicolas Sansu, les traders pourraient être les grands bénéficiaires de votre proposition d’allégement. En vertu d’une réglementation européenne, ils doivent toucher en actions la moitié de leur bonus.

Une telle mesure affaiblirait aussi et surtout les rentrées fiscales de l’État, à hauteur, selon l’étude d’impact, de 191 millions d’euros. Peut-être démentirez-vous ce chiffre, monsieur le ministre ?

Soyons clairs ! Vous nous proposez de défiscaliser une partie de la rémunération des hauts dirigeants du CAC 40 et des traders. Comment pouvons-nous l’accepter alors que les actionnaires du CAC 40 ont déjà accumulé 56 milliards d’euros de profits l’année dernière ? Avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE, et le crédit d’impôt recherche, ou CIR, vous avez déjà offert plusieurs dizaines de milliards d’euros à des entreprises, dont certaines – je pense à Sanofi – ne se privent pourtant pas de licencier tout en accumulant des profits. Comment justifier un énième cadeau fiscal à la finance alors que les ménages et les salariés souffrent ?

Il n’est pas acceptable de rendre légales de nouvelles mesures d’optimisation fiscale pour ces grandes entreprises. Selon nous, elles doivent, comme chaque ménage et chaque entreprise, contribuer à l’effort de solidarité nationale.

Pour toutes ces raisons, il nous semble que la majorité de gauche de cette assemblée devrait jouer pleinement son rôle, c’est-à-dire défendre le travail, en ne votant pas cet article.

C’est pourquoi nous appelons à la suppression de l’article 34.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 156 rectifié.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Avec ma collègue Gisèle Jourda, nous avons également déposé un amendement de suppression de l’article 34.

Cet article comprend plusieurs dispositions qui ne répondent pas du tout aux priorités économiques du moment. En plus, elles seront coûteuses pour les finances publiques et risquent d’accroître les inégalités dans notre pays.

Tout d’abord, la baisse des prélèvements sociaux patronaux et des prélèvements sur les salaires, ainsi que l’alignement de la fiscalité des actions gratuites sur les mécanismes de plus-values immobilières ne se justifient ni budgétairement ni socialement.

En outre, la baisse de l’incitation à détenir des parts de société à moyen terme ne va pas dans le sens de l’investissement salarié pour soutenir l’entreprise sur le long terme.

Mais je veux insister sur le mécanisme des actions gratuites. C’est ce qui me paraît le plus révélateur.

Vous nous proposez de rompre avec une logique. L’engagement présidentiel avait consisté à taxer les revenus du capital comme ceux du travail ; le Gouvernement issu des urnes en 2012 avait décidé de taxer ces fameuses actions gratuites de la même manière que les revenus salariés. Vous affirmez maintenant que le mécanisme n’est pas incitatif et qu’il faut aligner le régime des actions gratuites sur celui des plus-values mobilières.

L’engagement du Président de la République était essentiel ! Nous le savons, le capital est mieux rémunéré que le travail, et de plus en plus. C’est l’une des raisons des crises structurelles de nos sociétés dans le monde contemporain.

De surcroît, le cadeau que vous faites est extrêmement important du point de vue financier ! Nous n’en avons pas d’évaluation précise, mais il s’établirait autour de 200 millions d’euros. Cela peut vous paraître peu, mais c’est la moitié des aides à la pierre ! Hier, nous parlions du financement des HLM. Sachez que 200 millions d’euros, c’est la moitié de la subvention versée pour la construction de 150 000 logements sociaux ! La construction de 75 000 logements sociaux ne serait-elle pas plus créatrice d’emplois ? Ne serait-ce pas préférable pour la croissance ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)

Monsieur le ministre, j’en prends le pari, vous n’arriverez pas à m’expliquer que ces cadeaux à des salariés de haut niveau permettront plus de soutenir la croissance et l’emploi que l’aide à la pierre !

Mme Catherine Procaccia. La confiance règne !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je vois une autre raison de m’inquiéter. Aucune distinction n’est faite entre les entreprises des nouvelles technologies émergentes, dont nous savons bien qu’elles ne peuvent pas immédiatement rémunérer correctement leurs dirigeants de haut niveau, et les autres.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Nicole Bricq. On ne l’arrêtera pas ! (Sourires.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Aujourd’hui, 98 % des dépenses bénéficient aux cadres du CAC 40.

Monsieur le ministre, je ne peux pas accepter l’argumentaire, que vous avez développé à l’Assemblée nationale, selon lequel les entreprises du CAC 40 doivent bien rémunérer les hauts cadres pour pouvoir continuer à recruter les meilleurs ! Je ne crois pas à cette société de l’argent !

M. le président. Veuillez conclure, madame Lienemann !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je reprendrai la parole pour explication de vote. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

On ne peut pas expliquer que la République, c’est l’égalité, proclamer que nous sommes tous « Charlie » et, dans le même temps, prendre des décisions qui ne feront qu’accroître les inégalités entre salariés et entre citoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. La commission spéciale a émis un avis défavorable sur tous les amendements visant à supprimer ou à détricoter l’article 34.

L’actionnariat salarié permet d’associer les salariés à la performance et à la gouvernance de leur société. Pour l’entreprise, c’est un moyen de fidéliser et de motiver le personnel salarié.

Surtout, le dispositif des actions gratuites présente l’intérêt évident de permettre aux PME et aux ETI d’attirer des compétences fortes et des dirigeants expérimentés, qu’elles ne peuvent pas encore rémunérer à leur juste valeur.

Cet article vise à revenir sur les différentes hausses d’impôts adoptées ces dernières années par le Gouvernement. Celles-ci ont conduit à un taux marginal d’imposition sur le gain d’acquisition très élevé, jusqu’à 64,5 %, qui décourage les entreprises.

Je tiens à le rappeler, même en cas d’adoption de l’article 34, le taux marginal d’imposition sur le gain d’acquisition resterait élevé. Pour une durée de détention de sept ans, un contribuable actuellement imposé à 64,5 % sur le gain d’acquisition le serait encore à 39 % !

À titre de comparaison, en Allemagne ou au Royaume-Uni, les actions gratuites peuvent être totalement exonérées d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales, sous certaines conditions. C’est précisément ce différentiel qui explique la volonté de ne pas limiter l’allégement du cadre fiscal et social aux seules ETI et PME, afin de limiter les risques de fuite des centres de décision des grands groupes. Toutefois, un dispositif plus incitatif est prévu pour les PME.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avec votre permission, je m’exprimerai de manière détaillée sur l’article 34 avant de donner l’avis du Gouvernement sur les amendements.

De grâce, madame Lienemann, ne mêlez pas les événements du début de l’année à ce débat ! (Marque d’approbations sur plusieurs travées du groupe socialiste et sur quelques travées de l'UMP.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas ce que j’ai fait !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce n’est pas à la hauteur ! Ce que ces événements nous rappellent, c’est que nous avons une responsabilité collective ! Nous pouvons avoir des désaccords, par exemple sur la fiscalité, mais nous avons un devoir moral et politique de ne pas recourir à ce type d’arguments !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’ai parlé d’égalité, monsieur le ministre !

M. Emmanuel Macron, ministre. Je vous répondrai sur l’égalité. Mais, encore une fois, ne faites pas ce hors-sujet : c’est une faute ! (MM. Francis Delattre et Gérard Longuet applaudissent.)

Dans votre intervention, vous avez mélangé le dispositif proposé, la dynamique actionnariale française et les dividendes versés en cours d’année… Ce n’est pas la même chose ! La mesure que nous proposons vise à permettre de verser aux salariés des actions, comme un élément de rémunération. On peut regretter la politique de dividendes des entreprises françaises, mais, vous en conviendrez, ce n’est pas le sujet.

Regardons ensemble avec lucidité quelle est la situation de l’économie française. À défaut, ce débat n’a pas de sens.

Ces dernières décennies, nous n’avons pas été en mesure de développer une base actionnariale « domestique », c’est-à-dire française. Notre tissu économique est composé de très grands groupes. Je ne m’associe pas à leur stigmatisation. Ils font partie de la vitalité de l’économie française et ils tirent les filières ; nous en avons besoin.

M. Emmanuel Macron, ministre. Ils sont le fruit de notre histoire industrielle !

Aujourd’hui, la majorité du capital est détenue par des actionnaires étrangers, notamment anglo-saxons.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. À cause des privatisations !

M. Emmanuel Macron, ministre. Cela n’a rien à voir, madame la sénatrice ! À moins qu’il ne faille, selon vous, mobiliser tout le capital public français dans les entreprises…

En France, contrairement à d’autres pays, nous avons été incapables de développer un capital privé domestique ! Il faudrait peut-être s’interroger sur la cohérence de l’ensemble de nos politiques, y fiscales, à cet égard. Si les Allemands ont des grands champions, c’est parce qu’il y a du capital privé allemand !

Notre fiscalité n’est pas étrangère à l’absence de capital privé français. C’est un fait. Si l’on ne regarde pas cette vérité en face, on ne peut avoir de discours cohérent sur le sujet ! (Mme Sophie Primas applaudit.)

Aujourd’hui, nos entreprises sont majoritairement détenues par des capitaux étrangers. Je souscris à votre constat selon lequel la politique de dividendes des grandes entreprises françaises est excessive. Mais on ne peut pas légiférer au-delà de ce qui a déjà été fait.

Grâce à cette majorité, une différenciation de l’impôt sur les sociétés en matière de dividendes a, pour la première fois, été instaurée. C’était l’objet de la taxe sur les dividendes. Nous débattrons dans quelques instants du suramortissement sur l’investissement productif. Notre dispositif permet de moduler la fiscalité selon que les entreprises investissent ou distribuent des dividendes. Le taux normal de l’impôt sur les sociétés, l’IS, est de 33,33 % ; pour la clarté des débats, je mets la surtaxe pour les très grandes entreprises à part. Nous avons ajouté 3 points de fiscalité pour les entreprises qui distribuent des dividendes. Une entreprise qui distribue 100 euros de dividendes payera 36,33 % de fiscalité. Le suramortissement que, j’espère, vous adopterez tout à l’heure permet un avantage fiscal de 13,33 points d’IS, ainsi ramené à 20 %. En clair, l’entreprise qui réinvestit 100 % paiera 20 % d’IS ; celle qui verse des dividendes paiera 36,33 % d’IS. Voilà, me semble-t-il, une politique qui va dans le sens que vous appelez de vos vœux !

Mais, pour aller au bout de la logique, nous devons reconstituer une base actionnariale française, publique et privée. Nous nous sommes dotés de la Banque publique d’investissement pour qu’elle investisse ! Or elle investit aussi en se dégageant d’autres actifs publics où elle est moins importante !

Nous devons collectivement œuvrer pour que cette politique actionnariale se relâche. Il y a aujourd’hui une pression très forte des marchés pour que les dividendes versés soient élevés. Je le déplore avec vous. Je pense qu’il faut mener la bataille, non seulement sur le plan fiscal, mais aussi en montant au capital de certaines entreprises et en incitant nos entreprises à réinvestir dans leur capital productif. Une entreprise qui verse des dividendes, c’est une entreprise qui ne réinvestit pas dans le capital productif. C’est la réalité de la situation actuelle. Considérons l’historique des entreprises françaises : durant la période de reconquête industrielle, elles distribuaient très peu de dividendes ! De même, depuis sa création, le groupe Amazon, dont on parle beaucoup ces jours-ci, ne distribue pas non plus de dividendes. Quand on a des projets d’entreprise, on ne verse pas de dividendes.

C’est un vrai débat politique et industriel ! Mais cela ne relève pas de l’article 34 du projet de loi.

L’enjeu de l’actionnariat salarial, c’est notre capacité à retenir ou à attirer les talents dans l’entreprise. Le sujet, ce n’est pas la politique de dividendes. Nous parlons de la capacité des entreprises à verser des actions à leurs salariés, à hauteur de 10 %. Vous l’avez vu, le dispositif envisagé concerne la totalité des salariés. (Mme Nicole Bricq acquiesce.)

Mme Annie David. C’est de la théorie !

M. Gérard Longuet. Non ! C’est de la pratique !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce n’est pas de la théorie, madame David ! Regardez la Société Générale ou le groupe Eiffage ! Regardez qui a des actions dans ces entreprises ! Regardez qui les sauve quand elles se font attaquer par des groupes extérieurs !

M. Gérard Longuet. Ce sont les salariés actionnaires !

M. Emmanuel Macron, ministre. Madame Lienemann, nous avons un profond désaccord. Notre pays est dans une économie ouverte, où les talents bougent. On peut le regretter, mais c’est en ainsi ! Et, de ce point de vue, votre discours est incohérent.

Madame Assassi, je vous entendais hier déplorer ce qui se passe chez Alcatel. Je vais prendre cet exemple pour vous expliquer dans quel monde nous vivons !

Mme Éliane Assassi. Je le sais sûrement mieux que vous !

M. Emmanuel Macron, ministre. Regardons la situation ouvertement !

Alcatel est une grande entreprise française. Voilà encore deux, elle avait un patron, M. Verwaayen, qui n’était pas français ! Et il n’y a pas un Français parmi les numéros deux du groupe ! À ce jour, il y a plus de Français au comité exécutif de Nokia qu’à celui d’Alcatel ! Pourquoi ? Tout simplement parce que nous sommes incapables de les garder en France ! Nous en sommes incapables ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Tous les collaborateurs des comités exécutifs de nos grands groupes partent ! Comparons avec l’Allemagne ou l’Angleterre ! Nous pouvons toujours plastronner la main sur le cœur qu’Alcatel est une grande entreprise française ; les cadres sont partis ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est l’UMP qui vous applaudit maintenant !

M. Emmanuel Macron, ministre. Madame la sénatrice, je me moque de savoir qui m’applaudit ; je vous parle de la situation de notre pays !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous fragilisez les faibles !

M. Emmanuel Macron, ministre. Arrêtez de caricaturer !

Madame la sénatrice, si ne nous sommes pas capables de garder les talents en France, ils continueront à partir ! Et ils entraîneront d’autres avec eux ! Des salariés moins qualifiés qui veulent travailler en France seront privés d’emploi ! Un cadre supérieur qui part, c’est, en moyenne, cinq postes moins qualifiés qui sont détruits ! On peut continuer à se bander les yeux et à trouver cela injuste, mais c’est la réalité !

Regardez les chiffres ! Aujourd’hui, pour verser 100 euros à un salarié sous forme d’actions de performance, il faut en débourser 320 euros. Cela vous semble raisonnable ? Le résultat, c’est que ces actions ne sont plus distribuées !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Supprimer les stock-options !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce n’est pas le sujet !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. François Hollande avait dit qu’il les supprimerait !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ne confondons pas tout, madame la sénatrice !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est très proche !

M. Emmanuel Macron, ministre. Si l’on s’invective sans cesse, on n’avancera pas beaucoup !

Vous pouvez déplorer le mécanisme des stock-options ! Vous pouvez aussi décider d’avoir un régime soviétique dans un seul pays ; l’Histoire a montré que cela ne marchait pas ! (Protestations sur les travées du groupe CRC. – Rires sur les travées de l'UMP. – Brouhaha.)

Je ne suis pas en train de vous parler de Singapour ou des États-Unis ! Je vous parle de ce qui se passe à quelques centaines kilomètres de chez nous ! En Allemagne, pour verser 100 euros à un salarié, il ne faut verser que 190 euros. En France, il faut verser 320 euros. Résultat, nos comités exécutifs se délocalisent ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Vous pouvez déplorer le rapprochement entre Lafarge et Holcim. La réalité, c’est que tous les centres productifs et les centres de recherche et de développement restent en France, parce que nous avons le CIR et que nous sommes compétitifs.

J’invite donc à la responsabilité toutes celles et tous ceux qui remettent en cause chaque année le CIR ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) Moi aussi, je peux m’énerver ! C’est de notre économie qu’il s’agit ! Le groupe Lafarge, de manière très pragmatique et cynique, a considéré que son comité exécutif serait mieux en Suisse ! Regarder les grands groupes financiers ou industriels : le comité exécutif d’Alcatel est parti ! Nous pouvons continuer à nous voiler la face, mais nous n’aurons plus une entreprise du CAC 40 ! (Mme Nicole Bricq acquiesce.)

On peut faire de la démagogie et accuser le Gouvernement de protéger les plus forts au détriment des faibles. Mais il faut regarder la réalité économique en face !

D’ailleurs, ce débat n’est pas nouveau. Le PCF et la CGT n’ont pas toujours tenu les mêmes positions que vous, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC ! Beaucoup sont productivistes. Le productivisme se fait dans la réalité, et non dans les belles idées ! Comme l’a dit Hegel voilà bien longtemps, les belles idées, ce sont des âmes qui errent ! Et elles ne vont pas bien loin…

Si vous croyez au productivisme, si vous croyez que notre pays a besoin d’un projet industriel, si vous croyez qu’il faut embaucher, vous avez besoin de cadres supérieurs, de managers de talent ! Nous devons attirer les meilleurs ! Nous ne pouvons pas avoir un système fiscalo-social deux fois plus lourd qu’en Allemagne et quatre à cinq fois plus lourd que dans certains autres pays. Cela ne fonctionne pas ! La meilleure étude d’impact, elle est dans le réel !

Je suis exigeant à l’égard de nos grandes entreprises lorsqu’elles ne se comportent pas bien ; je crois l’avoir démontré la semaine dernière. Je continuerai à le faire. Mais ne leur donnons pas de prétextes rationnels pour partir ou pour délocaliser les comités exécutifs !

Ce sont des entreprises ouvertes. Aujourd’hui, les talents sont de toutes nationalités. Pour qu’une entreprise réussisse sur tous ses marchés, elle doit garder et attirer les meilleurs. C’est vrai pour les petites entreprises comme pour les plus grandes !

L’amendement du Gouvernement, dont vous serez saisis tout à l’heure, vise à restaurer le dispositif dans toutes ses composantes. Si l’on croit dans l’économie de notre pays, si l’on a une ambition industrielle et productive, il est important de considérer que nous sommes dans une économie où le marché des talents est ouvert. Aujourd’hui, l’économie, elle est faite par les meilleurs. C’est cruel, mais c’est ainsi !

Nous devons être exigeants à l’intérieur. Nous devons avoir une politique de filières exigeante et faire de la justice fiscale. Mais, pour nos entreprises, les petites comme les grandes, il faut au moins restaurer l’égalité de traitement avec nos voisins allemands. Pour qu’un salarié ait 100, il faut que ça coûte 190 à l’entreprise. Je ne vois d’ailleurs pas en quoi ce serait un « cadeau » ; pour l’entreprise, cela coûte quasiment le double ! Nous ne contrevenons à aucune promesse.

La reconquête industrielle et le redressement du pays ne se feront pas sans les grandes entreprises ; ils ne se feront pas sans les meilleurs ! Nous devons être exigeants avec eux. Mais il faut admettre que nous sommes dans un monde ouvert, un monde ouvert qui impose, certes, de la redistribution, mais aussi de lucidité : il faut regarder la réalité en face !

J’assume donc avec conviction ces actions de performance pour les petites, pour les moyennes et pour les grandes entreprises. La France, sans le CAC 40, c’est l’Espagne ! C’est la réalité macroéconomique !

Madame la sénatrice, si l’on vit mieux chez nous, c’est aussi grâce à nos grandes entreprises ! La réussite industrielle ne se fera pas sans les talents, ceux-là mêmes qui font travailler les ouvriers les moins qualifiés et qui tirent les entreprises vers le haut ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme Catherine Procaccia. On vote Macron ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Nous entamons l’examen d’une série de dispositions très importantes. Certes, le débat qui s’amorce va peut-être dépasser notre hémicycle pour se poursuivre – si j’ai bien compris, c’est parfois l’objectif – rue de Solférino ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)

Les articles dont nous nous apprêtons à débattre traitent de l’actionnariat salarié, de l’épargne salariale, c’est-à-dire des salariés et de leur rémunération, soit à la performance, soit en raison d’investissements dans des plans épargne-retraite. Nous allons aussi parler du financement des entreprises de notre capacité à trouver des mécanismes performants. Les banques, même françaises, montrent peu d’entrain à y participer.

La ligne politique du Gouvernement consiste à améliorer l’attractivité et la compétitivité de nos entreprises. Améliorer la capacité d’investissement privé et public, c’est aussi permettre à notre tissu productif, qui accuse un retard important depuis de nombreuses années, de se réarmer en vue de la compétition mondiale.

Il a pu y avoir quelques pas de côté. Il est même arrivé que l’on fasse un peu de surplace. Mais le message est clair : la ligne politique passe par le redressement de notre économie, et nous continuons à réformer !

Il serait tout de même dommage de commencer en supprimant l’article 34, qui traite d’une formule d’actionnariat salarié. Nous cherchons à nous replacer dans la compétition européenne. Il est question non pas des États-Unis, mais de l’Europe, notre continent : M. le ministre a démontré avec fougue et conviction que nous n’étions pas dans la course, notamment par rapport aux Allemands et aux Anglais.

Le tissu productif français est fait de telle manière que l’on a besoin de tout le monde : grands, moyens, petits… Notre système capitalistique est vertical, et il s’appuie sur des filières industrielles. Et même si les grands ont pris leur envol international, leurs sièges sociaux restent en France, ils paient des impôts en France, peut-être pas suffisamment aux yeux de certains, et soutiennent toute une filière. Quand on construit des centrales nucléaires en Chine, ce sont quatre-vingts entreprises françaises de la filière, petites ou moyennes, qui travaillent. Or quand on sait faire de la robinetterie pour le nucléaire, on sait en faire pour tout ! D’ailleurs, la Chine a d’énormes besoins en matière d’équipements des ménages.

En Allemagne, le tissu industriel est beaucoup plus horizontal, et les liens avec les banques sont plus forts. En France, il faut que l’État agisse. C’est ce qu’il fait.

Monsieur le ministre, le groupe socialiste vous apportera bien évidemment tout son soutien, car nous partageons votre ligne politique.

Mme Nicole Bricq. Pour autant, j’accepte complètement le débat. Je ne dirai jamais qu’il n’y a qu’une seule politique possible. Ce que je sais, c’est que, en matière économique, il y a de bonnes politiques et de mauvaises politiques. Je considère que celle du Gouvernement va dans la bonne direction et qu’il y a encore beaucoup à faire.

M. le ministre nous proposera de revenir à la version adoptée par l’Assemblée nationale. Mme le corapporteur, en commission spéciale, vous avez amodié le dispositif sur la durée de conservation. Or, après vérification, il apparaît que le dispositif anglais ne connaît pas de durée obligatoire de conservation.

Monsieur le ministre, nous voterons bien entendu votre proposition et nous nous engageons avec résolution dans ce mouvement en vue d’améliorer la compétitivité de nos entreprises en France. En outre, il ne faut pas l’oublier, des entreprises étrangères qui investissent en France, ce sont des salariés et des emplois à la clé !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir placé le débat là où il devait être.

Au fond, cet amendement est un prétexte. Vous avez déclaré vouloir partir du monde tel qu’il est, et non de principes fumeux… Mais, monsieur le ministre, le « monde tel qu’il est », ce n’est pas Dieu qui l’a fait, ou alors il y a très longtemps ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) Le monde tel qu’il est, il résulte d’une politique menée de manière continue depuis une quarantaine d’années par des gouvernants de droite ou des gouvernements dits « de gauche » ! Je ne suis donc pas étonné que vous ayez été largement applaudi du côté droit de cet hémicycle.

Vous posez les enjeux d’une manière telle que nous ne pouvons que vous donner raison ! Pour survivre, il faut aller dans le sens du vent.

M. Roger Karoutchi. Le sens de l’Histoire !

M. Pierre-Yves Collombat. Il faut des salaires de plus en plus bas, des règles de plus en plus laxistes, une libre circulation de l’argent… Je me souviens du débat sur la prétendue séparation des activités bancaires : tout ce qui pouvait faire un peu grincer des dents BNP Paribas ou quelques autres a été évacué ! (Mme Annie David acquiesce.)

Bientôt, ne pas nous aligner sur le Bangladesh, ce sera aller à contre-courant, agir contre les intérêts des entreprises françaises, donc des Français en général !

Simplement, je commence à m’interroger sur ce qu’est une « entreprise française » ou un « groupe français ». Que sont ces fameuses grandes entreprises, dont certaines pratiquent l’optimisation fiscale et dont le capital est parfaitement international ? Peut-on encore parler d’« entreprise française » ? Je suppose d’ailleurs que la langue véhiculaire au sein des organes dirigeants ne doit pas être le français. En outre, ce ne sont pas forcément celles qui emploient le plus de salariés en France.

Par ailleurs, nous discutons « économie », « relance », mais peut-être faudrait-il aussi s’interroger sur les retombées politiques de cette façon de concevoir l’économie. Quand il y a un malaise, on dit aux gens de se serrer la ceinture ; on dit à ceux qui arrivent de s’intégrer. Mais à quoi doivent-ils s’intégrer ? C’est quoi, la France ?

M. Jean-Louis Carrère. Vous philosophez, mon cher collègue !

M. Pierre-Yves Collombat. Je philosophe peut-être, monsieur Carrère. Mais avez-vous vu les résultats des dernières élections ? Et des prochaines ?

M. David Rachline. Surtout des prochaines !

M. Pierre-Yves Collombat. Vous, on en reparlera le coup d’après !

J’ai entendu qu’on allait réformer les programmes et enseigner ce qu’est la France ! Mais on n’enseigne pas ce qu’est la France en faisant des prêches ; on l’enseigne en la faisant vivre !

On ne peut pas faire litière des dégâts politiques d’une telle politique économique ! Un certain nombre de pays, par exemple le Danemark, ont réussi à conserver, par des biais juridiques, un capital local. (Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.)

Vous pouvez rire, mes chers collègues. Je sais que mes propos vous semblent parfaitement exotiques, vieillots, ringards. Mais regardez ce qui se passe chez nous ! Regardez ce qui se passe dans un certain nombre de pays, par exemple, où les résultats des dernières élections sont vraiment très « encourageants » ! Vous réaliserez que ce que vous considérez comme la « vérité » risque de nous coûter extrêmement cher. Peut-être faudrait-il se réveiller avant qu’il ne soit trop tard ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. M. Pierre-Yves Collombat vient de m’ôter les mots de la bouche.

Monsieur le ministre, vous avez en effet placé le débat là où il devait être. Il s’agit d’un débat politique sur le projet de société que nous voulons mettre en œuvre. Comme Pierre-Yves Collombat l’a souligné, il est question des grosses entreprises.

Mme Nicole Bricq. Mais non !

Mme Éliane Assassi. Laissez l’oratrice s’exprimer, madame Bricq !

Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous souhaitez « garder les talents ». Or, vous le savez bien, l’actionnariat salarié dont vous parlez concerne seulement certains salariés. Qui sont ces talents que vous ne voulez pas voir partir à l’étranger ? Ce sont les cadres dirigeants d’entreprise !

Je comprends que vous vouliez les maintenir en France. Contrairement aux clichés que certains à la droite de cet hémicycle peuvent véhiculer, nous ne sommes pas contre les grandes entreprises, sous réserve qu’elles se comportent correctement.

J’aimerais d’ailleurs vous interroger sur la responsabilité sociale des entreprises. À quel moment comptez-vous parler de ces grands groupes qui s’installent en France, bénéficient des infrastructures publiques mises en place par les collectivités, utilisent les avantages fiscaux pour faire de l’optimisation et profitent de tout ce que la France a de meilleur à proposer à l’ensemble de ses concitoyennes et de ses concitoyens ?

Ces entreprises-là viennent. Elles prennent ce qui les intéresse et utilisent les salariés pour les jeter ensuite à la rue, une fois qu’elles n’en ont plus besoin ! D’ailleurs, cela ne concerne pas seulement les grandes entreprises françaises. Nous avons évoqué Sanofi, mais il y a d’autres cas. J’ai travaillé dans un grand groupe américain installé en France depuis très longtemps : les dirigeants ont beau avoir de nombreux avantages, ils enchaînent les plans de licenciement dès qu’ils le peuvent !

Malgré ce que chacun pourra bien dire, nous savons tous à qui l’article 34 s’adresse ! Ce qui est en jeu, c’est bien un projet de société pour notre pays. Monsieur le ministre, au groupe CRC, nous refusons votre projet de société. Nous sommes attachés à ce qui a fait la grandeur et la beauté de la France : la solidarité, la fraternité, l’égalité, le fait que chacun contribue à cette solidarité pour pouvoir bénéficier en contrepartie des services publics et de tout ce que notre pays est capable de mettre en œuvre ! Or les entreprises en question ne veulent pas participer à cette solidarité.

Nous maintenons donc notre amendement de suppression. Nous demandons d’ailleurs qu’il soit mis aux voix par scrutin public. Il faut que chacun se positionne sur le projet de société qu’il souhaite pour demain, pour nos enfants, pour nos familles, pour notre pays ! Le nôtre est à l’opposé de la philosophie de l’article 34 !

Mme Sophie Primas. Dinosaure !

M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Patrick Abate. Je partage ce qui vient d’être dit par mes collègues Marie-Noëlle Lienemann et Annie David.

Ceux qui, dans notre hémicycle, ont vu avec douleur notre pays s’enfoncer dans un dogmatisme dans ce qui paraît être le chemin absolument indiscutable du bien-être se trouvent sur nos travées !

Monsieur le ministre, chers collègues de droite, vous êtes aussi dogmatiques qu’ont pu l’être les Soviétiques ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mme Éliane Assassi. Plus encore ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)

M. Patrick Abate. Eux aussi étaient enfoncés dans une croyance absolue qui les rendait aveugles à leurs propres erreurs ! (Nouvelles exclamations sur les travées de l'UMP.)

Qu’on me prouve que le départ de ces « talents », les plus hauts dirigeants de nos entreprises grandes ou moyennes, a posé une seule fois un problème à une entreprise ! Avons-nous dans l’histoire du monde microéconomique en France un seul élément qui le démontre ? Cela n’existe pas !

Nous sommes attentifs aux problèmes des entreprises. Nous savons que la fiscalité ne prend pas suffisamment en compte l’utilisation qui est faite des résultats. Nous ne sommes pas opposés au fait que la fiscalité favorise l’investissement, la recherche, la redistribution. On pourrait même imaginer – je parle de manière très libre, comme nous le sommes tous au sein de notre groupe – de diminuer largement la fiscalité sur les entreprises et les actionnaires lorsqu’ils investissent. Peut-être nous disputerions-nous tout de même un peu ; mais, sur le fond, vous nous trouveriez assez compréhensifs.

Mais votre discours est dogmatique, monsieur le ministre ! Affirmer qu’il faut faciliter la vie fiscale de gens qui n’en ont pas forcément besoin pour éviter qu’ils ne partent à l’étranger et ne mettent en danger nos entreprises, c’est du dogmatisme !

Qui sont les véritables talents dans nos entreprises ? Qui fait de la recherche, travaille, produit, innove ? Les actionnaires ?

Mme Sophie Primas. Il y a des salariés actionnaires !

M. Patrick Abate. Nous sommes très attachés aux grands groupes. Le problème, c’est que le tissu industriel est extrêmement faible, du fait de l’insuffisance du nombre d’entreprises moyennes. Il nous manque de belles PME, ce qui n’est pas le cas des pays anglo-saxons. C’est d’ailleurs là l’une de leurs forces.

Dans ma région, en Lorraine, les actionnaires des belles PME n’ont que faire de la fiscalité qui pèse sur leurs actions ; ils investissent massivement.

À la porte de chez moi, de très belles entreprises de 150 à 200 employés sortent de la crise. Dans ces entreprises familiales, depuis deux ou trois générations, personne ne s’est jamais servi de manière excessive ; on ne recherche pas l’avantage individuel !

Il ne s’agit pas d’opposer les propriétaires aux salariés ; ils ont un intérêt commun. Mais ce n’est pas une raison de demande à ceux qui rencontrent le plus de difficultés de faire encore des efforts, à cause des suppressions ou des réductions dans les services publics, au moment où vous vous inquiétez des prétendus talents qui partiraient à l’étranger !

Cela me fait penser à l’histoire de ce ministre de l’économie qui suggérait au roi d’imposer des efforts aux plus pauvres ; quand le monarque objectait que ces derniers n’en pouvaient plus, le ministre répondait qu’ils présentaient l’avantage d’être les plus nombreux ! Il serait tout de même regrettable d’en rester à une telle vision des choses !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Patrick Abate. Au demeurant, si les talents s’exportent, ce n’est pas si mal ! C’est l’image de la France qui se diffuse ainsi dans les arts et le management. Ce n’est pas la vraie difficulté de notre économie aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.

M. Francis Delattre. Monsieur le ministre, j’ai un peu d’expérience politique, et j’ai l’impression que nous venons de vivre votre moment de vérité. Sachez que nous le respectons, d’autant que nous partageons bien des orientations de votre projet de loi et que votre analyse de la situation de notre pays est assez voisine de la nôtre.

La France a effectivement beaucoup de difficultés à financer son économie. Par idéologie, des gouvernements ont refusé les fonds de pension…

M. Francis Delattre. … et les outils que de nombreux pays utilisent aujourd'hui. Nous le voyons bien, le financement des PME et des PMI dépend à 90 % ou 95 %, des décisions des banques. Nous avons là l’amorce d’une possibilité nouvelle. Notre camp politique est attaché depuis longtemps à une association des salariés aux résultats de leur entreprise. On appelle cela la participation.

Philosophiquement, nous ne pouvons que voter contre les amendements de suppression de l’article 34.

Monsieur le ministre, vous avez indiqué l’autre jour que nous avions une attitude « gramscienne ». Aussi, pour parodier Gramsci, je dirai que le vieux monde tarde à disparaître, que le nouveau monde tarde à apparaître et que, dans ce clair-obscur, des dangers surgissent. Ces dangers, nous les voyons bien ; il suffit d’écouter les discours de M. Collombat ou de nos collègues du groupe CRC ! (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)

Il faudra bien que nous nous rassemblions sur l’essentiel et que nous dressions le bilan des réformes dont le pays a besoin.

L’article 34 ne constitue qu’une toute petite partie du projet de loi. Mais il est révélateur d’un état d’esprit. Et cet état d’esprit, nous le partageons largement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos propos.

En démocratie, il me paraît essentiel de mettre en œuvre ce que l’on a dit aux citoyens et de ne pas changer de ligne au milieu du gué !

Si vous pensez que les « talents », c’est-à-dire les hauts cadres, doivent être mieux rémunérés parce qu’ils sont compétitifs au niveau mondial et qu’ils risquent de partir ailleurs, si vous pensez qu’il faut revoir la fiscalité, si vous pensez que le chômage est dû à une excessive protection des salariés aux Français, présentez-vous aux élections et dites-le aux citoyens ! Mais il ne me semble pas que nous ayons été élus sur ce thème !

Vous caricaturez la situation ! Bon nombre de vos soutiens d’aujourd’hui étaient des gauchistes quand moi j’étais socialiste ! En 1971, j’étais déjà socialiste, et je le suis toujours !

Le soutien aux grandes entreprises, ce n’est pas le soutien aux cadres ! Pouvez-vous me dire que le patron et les cadres d’Acome, l’un des premiers groupes exportateurs français, qui est une coopérative, ont moins de talents que je ne sais quel haut cadre de ce fonds d’investissement qui a fait du déficit en distribuant plein d’actions gratuites ?

Je ne demande pas la suppression de l’aide aux actions gratuites. Je demande que l’on n’accroisse pas les inégalités et que l’on ne remette pas en cause ce que nous avons voté avec M. Ayrault. Les formes de rémunération gratuites doivent être aidées financièrement de la même manière que le travail ; elles doivent être taxées de la même manière que le travail !

Monsieur le ministre, puisque vous voulez soutenir les talents, utilisez l’argent pour aider nos doctorants et ingénieurs, qui, eux, sont très mal rémunérés ! Financez des programmes de recherche, qui sont bénéfiques aux grandes entreprises françaises, pour leur permettre de rester dans notre pays ! Je préfère financer ceux-là, plutôt que les cadres financiers, qui, la plupart du temps, n’apportent pas vraiment une super-compétence supplémentaire rendant discriminante l’efficacité des grandes entreprises !

Quand il a fallu aller négocier pied à pied à Bruxelles les normes pour les automobiles en matière de pollution ou les normes environnementales, j’ai toujours défendu l’industrie française, parfois avec des retards à l’allumage, toujours pour éviter qu’on désindustrialise notre pays.

Ce n’est pas la même chose de défendre l’industrie et de défendre les hauts cadres ! C’est comme si vous me disiez qu’il fallait rémunérer à mort les traders pour que nos banques soient performantes !

C’est cela que je conteste, surtout au moment où l’on demande des efforts partout et l’où on a du mal à financer la recherche et l’investissement, y compris privé ! J’avais déposé, avec d’autres collègues, des amendements visant à favoriser l’investissement privé. Vous les aviez refusés ; aujourd'hui, vous les jugez nécessaires.

Et ne nous accusez pas de ne pas être attentifs à l’avenir de notre pays ! Dans la République française, le premier moteur, ce n’est pas l’argent ou les inégalités ; en la matière, notre modèle républicain n’est pas optimal… C’est parce qu’il se fonde sur l’humanisme et non pas sur la mise en concurrence des forts, pour écraser les faibles, que notre modèle est le meilleur !

Le Premier ministre vient d’ailleurs de signer un texte dont je n’approuve pas toutes les idées, mais dont bien des éléments philosophiques peuvent nous réunir. Il est notamment écrit ceci : « Les inégalités minent la confiance et la croissance, sans lesquelles un pays ne peut aller de l’avant. […] Activons tous les leviers pour les combattre : la redistribution… » Ce que nous faisons là, ce n’est pas de la redistribution ! (M. Dominique Watrin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Je ferai cinq remarques.

Premièrement, je suis toujours sceptique quand on nous dit qu’il faut attirer les talents et que, pour avoir les meilleurs, il faut payer. N’y aurait-il donc que la motivation liée à la rémunération ? J’en doute beaucoup ! Nous finirons par fonctionner comme ces grands clubs sportifs professionnels, qui « achètent » des stars internationales pour garantir des résultats et gagner de l’argent. D’ailleurs, ces clubs sont de plus en plus souvent gérés par des actionnaires !

Deuxièmement, et vous en conviendrez avec moi, monsieur le ministre, depuis quelques années, au sein des conseils d'administration des grands groupes, siègent de plus en plus de financiers, et de moins en moins de grands capitaines d’industrie. Cela a une incidence sur les choix industriels et d’investissement qui sont faits. Ces grands groupes, vous les avez évacués fort habilement de votre raisonnement pour ce qui concerne la fiscalité. Or, vous le savez, ils payent proportionnellement moins d’impôts que les PMI-PME, dont l’imposition atteint 33,33 %, alors que, pour les grands groupes du CAC 40 – c’est le Conseil des prélèvements obligatoires qui l’affirme dans un rapport de 2009 –, elle est, en moyenne, de 8 %, voire moins. Je pense que la situation s’est encore dégradée depuis 2009. Il y a donc là un problème d’égalité de traitement.

Quatrièmement, comme le disait un illustre dirigeant du XXe siècle : « Le capitalisme n’est pas acceptable dans ses conséquences sociales, il écrase les plus humbles. » Le même homme a également écrit : « Comment voulez-vous qu’on aille toujours plus loin vers l’enrichissement des riches et l’appauvrissement des pauvres ? » Ce n’est pas du Maurice Thorez ; c’est du Charles de Gaulle !

M. Gérard Longuet. C’est pour cela que le général de Gaulle était pour la participation !

M. Éric Bocquet. Cinquièmement, j’ai beaucoup de respect pour votre compétence, votre talent et votre fougue à défendre ce texte, monsieur le ministre. Bien que vous l’ayez défendu avec la même fougue à l’Assemblée nationale, ce n’est qu’après le recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution qu’il est parvenu jusqu’à nous. Je n’ai donc pas le sentiment que vous ayez convaincu l’Assemblée nationale, y compris votre majorité, avec les arguments que vous déployez aujourd'hui.

Notre collègue Pierre-Yves Collombat l’a rappelé, lors des élections départementales, un certain message a été envoyé. Vous pouvez choisir de ne pas en tenir compte et de faire fi de l’expression populaire. Mais vous en paierez les conséquences. Faites donc preuve d’un peu de sagesse et de modestie ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Monsieur le ministre, vous venez de nous tenir un discours revigorant et vivifiant, mais sans doute partiel.

Tout d’abord, vous l’avez tenu à propos d’un dispositif particulier visant à distribuer des actions gratuites. Nous attendons de voir, dans la suite du débat, sur d’autres sujets, si nous assistons à la même conversion au réel du Gouvernement, voire de la majorité à l’Assemblée nationale. Sur ce sujet en tout cas – je vous en donne acte, monsieur le ministre –, vous faites des propositions. La commission spéciale va, bien entendu, les examiner.

Ensuite, ce discours de vérité n’engage visiblement pas toute la majorité. Nous l’avons vu à l’Assemblée nationale, et la lecture des motions en discussion pour le congrès du parti socialiste montre bien que ce discours de conversion n’est pas assumé par tous. Vous l’assumez courageusement, monsieur le ministre, mais les Français et les acteurs économiques écoutent l’ensemble de ceux qui s’expriment. Le ministre de l’économie exprime, certes, une voix salutaire, mais le Gouvernement dans son ensemble et le Président de la République gagneraient à tenir un discours plus clair.

En outre, si ce discours est utile et s’il constitue effectivement un bon début, proposer des mesures, c’est encore mieux ! Et puis, nous n’oublions pas qu’il s’agit tout de même d’un revirement.

En tant que maire du Bourget, j’ai plus particulièrement en tête un fameux discours prononcé dans ma commune un certain jour du mois de janvier 2012,…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très beau discours !

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. … où la France entière a appris que l’ennemi, c’était la finance, que le monde économique obéissait à une division binaire avec les bons d’un côté, les mauvais de l’autre et que la présidence de la République était destinée à remettre tout cela en ordre !

Monsieur le ministre, quand je vous entends à présent, j’ai envie de comparer les deux discours. Il fallait sans doute abjurer le discours du Bourget. Vous l’avez fait à l’instant, mais je voudrais que ce soit clair pour tout le monde. Il reste encore du chemin à parcourir, me semble-t-il.

Par ailleurs, quand je parle de revirement, c’est aussi parce que le discours que vous nous tenez prend l’exact contre-pied de la pratique que nous avons connue depuis trois ans. (Mme Nicole Bricq le conteste.) Certaines mesures fiscales qui ont été prises ont contribué à bloquer la croissance, à décourager l’économie et les inventeurs et à encourager un certain nombre de départs à l’étranger. Il est bien d’en prendre conscience, mais il faudra peut-être aussi déployer d’autres moyens et prendre d’autres mesures. Même si vos propos sont substantiels, revigorants et positifs, il reste encore une certaine distance à parcourir sur le chemin de la conversion à la réalité !

La commission spéciale et la majorité sénatoriale ont proposé d’insérer un certain nombre de mesures dans le projet de loi. Au-delà de la distribution d’actions gratuites, il existe des points de blocage sous-jacents dans ce texte. Des questions se posent, notamment sur la réalité du marché du travail aujourd’hui, avec, là encore, la nécessité d’avoir des points de comparaison avec ce qui se passe en Europe et dans le monde.

Sur certains sujets, comme les seuils ou le temps de travail, la commission et la majorité sénatoriale ont fait des propositions. Sur tous les thèmes, nous allons suggérer des mesures qui constitueront, pour vous, l’épreuve de vérité. Après votre déclaration d’intentions, nous vous invitons donc à passer aux travaux pratiques ! Chiche ? (Sourires.)

Mme Lienemann vous a fort justement interpellé tout à l’heure, en vous suggérant de vous présenter aux élections. C’est en effet un moment de vérité, où l’on tient souvent un autre discours.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous êtes bien placé pour le savoir, avec votre « président du pouvoir d’achat » !

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Tant que le parti socialiste se présentera aux élections en refusant de tenir un discours de réalité, un discours de conversion au monde d’aujourd’hui, le problème subsistera ! En effet, au-delà des batailles qui sont les nôtres, le pays gagnerait à ce que toutes les forces politiques sachent parfois s’unir pour expliquer certains sujets importants à nos compatriotes et moderniser le pays.

Je souhaite que vous arriviez à faire progresser les choses dans les mois qui viennent, monsieur le ministre. Il faut que, au Sénat, nous ayons le courage de tenir un discours de vérité à nos compatriotes. Nous devons proposer des mesures qui contribueront à moderniser le pays. Ces mesures troubleront parfois, interrogeront certainement. Mais nous préférons cela plutôt que d’entendre nos compatriotes penser, à chaque élection, que la classe politique ne sert à rien, parce qu’elle ne pose pas les vraies questions.

Merci donc d’avoir posé les vraies questions, monsieur le ministre. Maintenant, passons ensemble aux actes ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Monsieur le ministre, le groupe UDI-UC a beaucoup apprécié les propos empreints de bon sens que vous avez prononcés tout à l’heure. Bien entendu, nous partageons aussi ceux qu’a tenus à l’instant M. le président de la commission spéciale : nous devons aller encore plus loin.

Le développement économique et la création d’emplois sont essentiels pour notre pays. Nous devons tout mettre en œuvre pour que cela devienne réalité. Avec la délégation aux entreprises du Sénat, présidée par Élisabeth Lamure, nous avons rencontré depuis plusieurs mois un grand nombre de chefs d’entreprises. Tous ont appelé à lever d’urgence un certain nombre de contraintes administratives qui bloquent la création d’emplois dans notre pays.

Parallèlement, dans le cadre de la commission d’enquête sur le CIR, présidée par Francis Delattre, nous avons aussi entendu, de la part de nombreux acteurs économiques, que la France était le pays dans lequel les activités de recherche étaient les plus favorisées et dans lequel les entreprises pouvaient le plus s’épanouir. Le CIR constitue effectivement un outil intéressant pour l’attractivité de notre pays. Nous devons continuer dans cette direction.

Monsieur le ministre, certaines mesures, dont vous n’êtes sans doute pas responsables, allaient toutefois dans un sens différent. Je pense par exemple à la taxe à 75 %, qui incite clairement les talents à aller exercer leur activité à l’étranger et à ne plus siéger au sein des conseils d’administration français. Toutefois, nous ne doutons pas que nous reviendrons sur la voie de la « sagesse », pour reprendre le terme employé par Éric Bocquet tout à l’heure.

Le groupe UDI-UC ne comprend pas les amendements visant à supprimer l’article 34. Il s’agit d’associer les salariés au capital des entreprises et de faire en sorte qu’ils soient également propriétaires de leur entreprise. Toutes ces mesures ne peuvent que favoriser l’implication des salariés dans leur entreprise et la création d’emplois. Nous pensons que tous les salariés doivent pouvoir participer à la conduite du développement de leur entreprise. Nous ne pouvons pas nous satisfaire du nombre de demandeurs d’emploi dans notre pays. Nous devons tout faire pour réduire le chômage.

Certaines des propositions que vous formulez vont dans ce sens, monsieur le ministre. Mais, comme M. le président de la commission spéciale l’a souligné tout à l’heure, nous devrons aller encore plus loin. Si vous choisissez de le faire, vous nous trouverez à vos côtés !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Je veux tout d’abord saluer l’intervention de M. le ministre. Elle me semble non pas dogmatique, mais, au contraire, pragmatique et réaliste.

Dans cet hémicycle, nous sommes nombreux à être élus depuis un certain nombre d’années et avoir assisté aux mutations économiques de notre pays.

J’ai représenté pendant vingt ans à l’Assemblée nationale une circonscription industrielle. En 1993, lors de mon élection, sur les dix plus grandes entreprises, tous des grands groupes, dans cette vallée de montagne, trois étaient à capitaux étrangers et sept à capitaux français. Aujourd’hui, la proportion s’est inversée.

Nous avons une industrie qui s’est complètement internationalisée, avec des mouvements dans les deux sens. Quelques grands groupes français ont racheté des entreprises étrangères, comme Saint-Gobain ou Placoplatre, et beaucoup d’entreprises françaises sont passées sous pavillon étranger. En vérité, dans tous ces groupes industriels, l’activité se fait à l’international, de même que l’activité du tourisme se fait à l’international dans toutes nos grandes stations.

Nous avons besoin de garder en France les centres de décision, c’est-à-dire non seulement les sièges sociaux, mais aussi les centres de recherche. Si l’on ne prévoit pas un minimum d’intéressement pour celles et ceux qui représentent les talents évoqués par M. le ministre – ce n’est pas honteux de le dire –, s’il n’y a pas un minimum de retour, nous allons bien évidemment perdre de la substance.

Il ne s’agit pas de ne rien vouloir donner aux autres. Mais si l’on ne crée ni croissance ni richesse, il n’y a rien à redistribuer ! Telle est la vérité première, fondamentale. À quoi bon avoir des écoles d’ingénieurs et des centres universitaires de haut niveau si les jeunes que nous formons partent ensuite à l’étranger, parce qu’ils ne trouvent pas en France les conditions pour se réaliser et avoir une existence conforme à leurs espérances ?

J’ai bien entendu la citation du général de Gaulle. Mais, lorsque Charles de Gaulle réfléchissait à Londres à la reconstruction de la France, c’est l’association, et non l’opposition du capital et du travail qu’il envisageait ! Cette association passe justement par l’intéressement et la participation. Dans le monde d’aujourd’hui, la distribution d’actions gratuites et les conditions de la fiscalité des actions ne peuvent pas être dissociées.

Je suis élu d’une collectivité sans doute parmi les plus interventionnistes de ce pays. Nous avons beaucoup œuvré pour le développement économique. Nous avons distribué des actions gratuites pour les personnels d’encadrement des stations de sports d’hiver, parce que des ingénieurs ont innové en développant de nouvelles machines et de nouvelles techniques, que nous avons ensuite exportées. Si nous l’avons fait, c’est parce que nous souhaitions qu’ils restent, et afin de récompenser leur talent.

Je suis donc heureux d’entendre votre discours, monsieur le ministre. Je n’ai aucun état d’âme par rapport à ces dispositions. Bien évidemment, nous devons parallèlement avoir des exigences en matière sociale, d’aide au développement, de formation des salariés et de promotion interne. Mais aucune société ne peut fonctionner en excluant celles et ceux qui sont les plus créateurs, les plus novateurs ! Nous devons leur apporter un retour, qui ne peut pas se limiter à de la considération. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, si je vous disais que votre intervention a été excellente, cela ne vous aiderait pas, en tout cas au sein de votre camp !

M. Michel Bouvard. Mais cela aide le pays, et c’est essentiel !

M. Roger Karoutchi. Je me contenterai donc de vous dire que vous mettez le doigt là où ça fait mal.

En effet, tous les partis politiques, tous les parlementaires et tous les élus sont confrontés à la réalité de l’obsession du chômage, la réalité de l’effritement et de la disparition progressive de la classe ouvrière dans notre pays – les mots ne me font pas peur –, la réalité de la délocalisation de nos industries et la réalité de la difficulté de se représenter ce qu’est aujourd’hui l’économie française.

Je suis gaulliste. Il fut un temps où j’ai moyennement accepté l’édification de l’Europe. J’étais eurosceptique, j’ai fait campagne contre Maastricht,…

M. Gérard Longuet. Ce n’est pas bien ! (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. … en affirmant que l’Europe allait détruire un certain nombre de valeurs ou d’éléments de l’économie française.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est ce qui s’est passé !

M. Roger Karoutchi. Mais, progressivement, nous voyons les évolutions.

Tous les parlementaires, dans leur commune, connaissent des personnes qui viennent leur dire que tout va mal, que leur entreprise ferme. En tant que responsables publics, nous répondons presque toujours que nous n’y pouvons rien, que c’est à cause de l’État, de l’Europe ou de la mondialisation !

Dans la vision gaullienne, gaulliste ou étatiste – peu importe la formule ; pour ma part, je ne renie en rien les citations du général de Gaulle –, l’État est garant de la solidarité ; il assure l’équilibre, afin de faire en sorte que tout Français, quel que soit son rang social, se sente chez lui, et s’y bien.

Mes chers collègues, on peut avoir une vision un peu rousseauiste sur le thème « recentrons-nous, refermons-nous ». Mais la réalité de l’économie a changé. Elle nous a peut-être échappé en grande partie. Nous ne maîtrisons ni les flux de capitaux ni les flux de la recherche et des brevets !

Que nous soyons communistes, socialistes, UMP, UDI-UC, nous voulons tous que l’État intervienne. Mais il n’a plus le pouvoir de tout cadrer, tout encadrer ! C’est peut-être dramatique ; c’est peut-être insupportable pour nous – je suis issu d’une famille pour laquelle l’école publique, l’État et la République, c’était tout –, mais c’est la vérité !

Nous devons tous opérer une espèce de révolution mentale. Exigeons beaucoup de l’État ! Toujours. Parce que la République, c’est cela. Mais ne demandons pas à l’État d’intervenir constamment dans la vie de nos entreprises, d’encadrer tout ce qui n’est pas encadré.

Car le résultat, c’est que les entreprises et les investisseurs préfèrent aller ailleurs au lieu de s’installer chez nous ! Et nous n’avons plus de quoi encadrer l’activité, verser des aides, créer des emplois et des richesses pour organiser la solidarité. Aujourd'hui, on se demande ce que l’on va bien pouvoir faire.

Dans mon département, il y avait autrefois des industries, notamment dans l’automobile et l’aéronautique. Il n’y en a plus une seule ! Il en va de même dans d’autres départements.

Monsieur le ministre, peut-être êtes-vous là pour faire en sorte qu’une partie de votre camp fasse sa révolution. Notre camp doit lui aussi faire la sienne. Dans notre camp, il faut convaincre les plus libéraux de l’importance de l’État et de la solidarité. Dans votre camp, il faut convaincre ceux qui ne croient qu’à l’intervention de l’État qu’ils ne peuvent pas tout encadrer, sous peine de ruiner le pays ! Il faut un équilibre entre une économie qui fonctionne et un État fort. Monsieur le ministre, vous devez d'abord en convaincre votre propre camp. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Le RDSE s’exprime dans sa diversité. Simplement, nous, nous en avons l’habitude.

Mme Nicole Bricq. Nous aussi ! (Sourires.)

M. Jacques Mézard. Certes, mais avec d’autres conséquences. (Nouveaux sourires.) Il est tout à fait normal que la diversité des opinions s’exprime.

Nous voterons très majoritairement contre la suppression de l’article 34.

Mme Annie David. C’est bien dommage !

M. Jacques Mézard. C’est peut-être dommage, mais il est normal que nous votions selon notre sensibilité. Vous le faites vous-même, et je me garderai bien de vous le reprocher.

Dans notre beau pays de France, il y a ce qu’on appelle « l’exception culturelle française ». Mais il y a aussi l’exception politique française : nous éprouvons une difficulté considérable à sortir de schémas auxquels nous sommes souvent viscéralement attachés. C’est une réalité.

Regardons ce qui se passe ailleurs. Cela ne signifie pas qu’il faut systématiquement s’y conformer, en adoptant une attitude suiviste. Il s’agit de tenir compte – vous l’avez fait, monsieur le ministre – de réalités profondes que l’on ne peut pas ignorer.

Certains gardent le souvenir d’un temps passé. Regardez ce qui se passe aujourd'hui sur les différents continents. Ce n’est pas la Chine qui nous dira que le capitalisme est une catastrophe ! Le tournant pris est exceptionnel : on peut avoir un parti unique et des comportements ultra-capitalistiques. Un certain rapport à l’économie se développe sur tous les continents. Je comprends qu’on puisse le déplorer, parce que cette évolution se produit souvent au détriment des plus faibles. Sur ce point, il faut être extrêmement prudent, mais aussi extrêmement volontaire. Cependant, on ne peut pas s’enterrer dans des visions passéistes. Nous devons, les uns et les autres, caler davantage nos visions sur la réalité.

Roger Karoutchi le sait, je n’ai jamais été gaulliste, et je ne le serai jamais.

M. Alain Joyandet. Personne n’est parfait !

M. Jacques Mézard. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que vous-mêmes soyez restés gaullistes sur tous les sujets… (Approbations sur les travées du groupe CRC.) Mais nous n’allons pas nous lancer ce genre d’accusations à la figure.

La construction de l’Europe est indispensable. Elle se fait dans la douleur, et cela continuera. Dire qu’il faut en sortir, ce n’est pas sérieux !

Aujourd’hui, nous avons le vrai débat de fond. Nous devons réaliser des efforts pour que la France continue à être ce qu’elle est, c'est-à-dire un pays où le rôle de l’État existe toujours. Le rôle de l’État, c’est de protéger les plus faibles. Cela implique de permettre à l’économie de se développer.

Monsieur le ministre, je suis d'accord avec vous sur l’essentiel : il faut faciliter la production. Ensuite, le rôle de l’État est de faire en sorte que la distribution soit la plus équitable possible. À mon avis, quand on a dit cela, on a dit l’essentiel. Les vrais clivages idéologiques devraient porter là-dessus.

L’article 34 ouvre un débat de fond légitime. Nous voterons très majoritairement contre sa suppression.

Monsieur le ministre, je vous remercie de la manière dont vous avez dit les choses. Certes, nous ne sommes pas d'accord avec toutes les dispositions du projet de loi.

Mme Nicole Bricq. Par exemple sur l’Autorité de la concurrence !

M. Jacques Mézard. Pas seulement, ma chère collègue. Je pourrais aussi évoquer les professions réglementées.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je venais pour présenter un amendement. Mais, au rythme où nous avançons, je pense que cela n’arrivera jamais. (Sourires.)

Je suis très intéressé par le débat présent. Roger Karoutchi a dit à M. le ministre qu’il ne souhaitait pas le mettre en difficulté auprès de ses amis. Le président de la commission spéciale a rappelé que des propos sur la finance avaient été tenus lors du discours du Bourget.

Mes chers collègues, la première fois où je me suis présenté à une élection législative, voilà trente-quatre ans, j’ai reçu – je l’ai conservé depuis –un mot de soutien de Pierre Mendès France, qui était venu parler de Jean Zay. À cette époque, j’étais rocardien ; je le suis encore. Je ne voudrais pas que l’on accrédite des caricatures, comme s’il y avait d’un côté les adeptes du tout-État, et de l’autre les partisans du tout-marché ou du tout-entreprise. C’est une vision archéologique ; je ne l’ai jamais partagée.

Lorsque Michel Rocard a déclaré, au sein du parti socialiste, qu’il fallait prendre en compte le marché et que la régulation de ce dernier était globale, de tels propos étaient difficiles à prononcer et à entendre. N’est-ce pas, madame Gillot ? (Mme Dominique Gillot le confirme.)

Nous nous battons depuis des décennies pour dire que nous avons besoin de l’État. Je ne désespère pas de l’État. Nous avons besoin de la puissance publique. Aujourd'hui, elle doit être européenne, voire mondiale sur certains sujets, comme internet.

M. Pierre-Yves Collombat. C’est du « jacquesattalisme » ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons besoin de solidarité, et il n’y a pas de solidarité sans puissance publique !

En même temps, si on ne produit rien, on ne peut rien distribuer. Notre socialisme est celui qui permettra au plus grand nombre de citoyens d’entreprendre, de prendre des initiatives, d’être des acteurs, d’être responsables, et non pas d’être seulement des citoyens passifs !

On peut avoir des points de vue divers sur les différentes parties du projet de loi. Mais ce texte réalise une synthèse nécessaire entre la puissance publique et l’esprit d’entreprise et le marché. Partout où l’on a supprimé le marché, on a supprimé la liberté. Pour autant, le marché ne suffit pas à garantir la liberté. Au Chili, du temps de la dictature, il y avait un marché, mais il n’y avait pas de liberté.

Il faut à la fois une régulation du marché, de la liberté pour les entreprises, de la solidarité et un État qui fasse son travail. Il y a des dichotomies, des binarismes, des discours qui sont complètement archéologiques ! Permettez à certains d’entre nous de dire qu’ils ne s’y retrouvent absolument pas. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.

M. Alain Joyandet. Je voudrais revenir sur le débat qui a eu lieu tout à l'heure sur les rapports entre les élites et la base. Je souhaite faire passer un message à M. le ministre au sujet de nos entreprises.

J’ai entendu beaucoup de remarques de bons sens, y compris sur les travées de mes adversaires politiques. On parle beaucoup des élites et des grandes entreprises. La gestion des finances publiques est aujourd'hui très difficile. Monsieur le ministre, je veux attirer votre attention sur un point : le peu d’argent qu’on trouve pour faire des exonérations fiscales ou alléger les charges des entreprises doit absolument être réparti de manière équitable.

Je veux attirer votre attention sur la situation des PME. Tout à l'heure, une chose intéressante a été dite. Cela me permet d’introduire le débat sur la distinction entre le capitalisme familial et le capitalisme financier. On a besoin des deux, mais je préfère de loin le capitalisme familial !

Pourquoi un certain nombre de PME-PMI, TPE et d’entreprises familiales sortent-elles de la crise ? Parce que, pendant quinze ans, elles n’ont pas distribué de dividendes ; elles ont stocké de la trésorerie. Pendant les deux années difficiles, elles ont consommé 50 %, 60 % ou 80 % de leur trésorerie. Elles sortent maintenant de la crise, avec des salariés qui travaillent, grâce à cela.

En revanche, dans les grandes entreprises, on distribue souvent les dividendes à toute vitesse. Du coup, lorsque la crise arrive, la variable d’ajustement n’est pas la trésorerie ; c’est le personnel.

Je ne suis pas devenu socialiste ou collectiviste. Je suis resté gaulliste. Le général de Gaulle disait en substance que le collectivisme et le libéralisme à outrance avaient montré leurs dégâts et qu’il existait une voie moyenne entre les deux : la participation.

Monsieur le ministre, si vous pouvez dégager des moyens budgétaires, n’oubliez pas les PME-PMI, dont on ne parle pas suffisamment et qu’on n’aide pas assez ! Plus de 60 000 d’entre elles ont disparu l’année dernière sans crier gare. Quand une grande entreprise est en difficulté, il y a des manifestations et on en parle beaucoup, mais ces 60 000 PME-PMI ont disparu sans qu’on en parle !

Il y a une réforme urgente à faire : l’allégement des charges. Or, pour alléger les charges, il faut réformer l’État. La réforme qu’on ne fait pas, c’est celle de l’administration centrale. Entre 1995 et 2002 – j’étais alors rapporteur du budget de la sécurité sociale –, les effectifs de la direction générale de la santé ont augmenté de 16 %. Qui paie, sinon le système productif, c'est-à-dire les travailleurs et les entreprises ?

Cela dit, je suis contre cet amendement de suppression.

Enfin, un de nos collègues a parlé du Danemark. Il se trouve que je suis allé dans ce pays pour voir comment les choses s’y passent. Exemplaires en ce qui concerne la flexisécurité, les Danois appliquent en revanche une fiscalité insupportable.

M. Pierre-Yves Collombat. On sait tout cela !

M. Alain Joyandet. Écoutez bien, mes chers collègues : les cadres européens, notamment français, qui vont travailler au Danemark sont obligés de repartir au bout de trois ans. Pourquoi ? La fiscalité est là-bas tellement élevée que ce pays a été obligé de mettre en place un régime spécial pour les cadres venant de l’extérieur, mais il en a limité le bénéfice dans le temps : au terme d’un délai de trois ans, les grands groupes sont donc obligés de renouveler leurs cadres !

La problématique posée par M. le ministre existe bel et bien : nous devons toujours avoir en tête la compétition internationale.

Pour conclure, je dirai à nos collègues du CRC que je ne suis pas d’accord avec eux lorsqu’ils prétendent qu’il n’y a pas d’exemple de capitaine d’industrie qui aurait sauvé une grande entreprise, même avec une fiscalité attractive.

Hélas, il y a bien des exemples où des capitaines d’industrie, qui n’étaient sans doute pas suffisamment à la hauteur, ont conduit des grands groupes, et leurs salariés, à la catastrophe. Mais on a vu arriver à leur suite d'autres dirigeants pour relever la situation.

M. Patrick Abate. C’est autre chose !

M. Alain Joyandet. Oui, une personne de très haut niveau et de très grand talent peut sauver des dizaines de milliers d’emplois. Ces gens veulent venir travailler en France, nous n’avons pas le droit de les obliger à quitter notre pays par la suite pour des raisons fiscales.

C’est pourquoi je pense qu’il ne faut pas supprimer cet article, mais, en même temps, je demande que ce qui est prévu pour les grands groupes soit aussi possible pour les petites et moyennes entreprises.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Alain Joyandet. Je termine, monsieur le président.

Les PME n’ont pas tellement besoin d’allégement de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur les dividendes. Elles ont surtout besoin de l’allégement des charges qui pèsent dans leur compte de résultat, pour simplement continuer à exister.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour clore ce débat au cours duquel quinze d’entre vous se sont exprimés, mes chers collègues. Nous passerons ensuite au vote sur ces deux amendements identiques.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je veux apporter quelques précisions. Au fond, je trouve beaucoup de convergences dans les sensibilités qui ont pu s’exprimer. Si l’on croit à la lutte contre les inégalités, on croit d’abord à la capacité à produire dans le pays.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cet article n’enlève rien à personne. Il n’alourdit pas les efforts de qui que ce soit.

M. Emmanuel Macron, ministre. Pas du tout, madame la sénatrice, c’est là où vous vous trompez, mais je vais y revenir.

Il a seulement pour objet d’aligner le traitement fiscal et social d’un dispositif pour le rendre attractif, opératoire, afin de tenir compte de la situation mondiale et européenne. Il s’agit donc de nous mettre en capacité de produire en France et de conserver la force de production en France.

Je parlais des talents, parce que ce sont les plus mobiles. C’est bien à ce niveau que ce dispositif est un élément d’attractivité et de compétitivité. Pour les PME, comme pour les grandes entreprises, il est nécessaire, mais il n’est pas fléché uniquement sur les cadres supérieurs.

L’entreprise Eiffage, que je citais, a 80 % de ses salariés en France, qui bénéficient de l’actionnariat salarié. C’est la même chose pour le groupe Auchan, qui est aussi largement ouvert à l’actionnariat salarié.

M. Michel Bouvard. Idem à Saint-Gobain !

M. Emmanuel Macron, ministre. Il n’y a donc pas de fatalité à ce que le dispositif soit réservé aux cadres supérieurs.

L’actionnariat salarié est un élément d’attractivité, mais surtout d’ouverture du capital : telle est sa philosophie, sa logique.

Je voulais également apporter une précision technique importante, qui porte en elle le sens politique profond de cette mesure : si l’on croit à la production, on croit à l’actionnariat de long terme.

Le texte prévoit une durée minimale de détention des actions de deux ans, et la durée est portée à huit ans pour pouvoir bénéficier du plein avantage fiscal. Nous débattions de 195 versus 190, mais celui qui détient l’action doit la garder pendant huit ans pour avoir l’avantage personnel. Il doit de toute façon la conserver pendant au minimum deux ans. C’est donc une incitation à l’actionnariat long.

Enfin, certains ont parlé du coût financier. Je déplore que l’on ait toujours un raisonnement statique sur ces sujets-là. Songez à toutes celles et à tous ceux qui ne créent pas de richesse ici, toutes celles et tous ceux qui quittent le pays pour les raisons que j’évoquais :c’est autant d’impôt sur le revenu de moins, c’est autant d’impôt sur les sociétés qui s’évapore. (M. le président de la commission spéciale applaudit.)

L’Inspection générale des finances nous a remis le rapport sur les grands groupes français que j’avais demandé, et les chiffres sont éloquents : quand un cadre supérieur quitte le territoire français, quand un décideur s’en va, ce sont quinze à vingt emplois qui disparaissent !

M. André Trillard. C’est comme avec l’ISF !

M. Emmanuel Macron, ministre. Voilà, madame Lienemann, où se trouve la perte fiscale ! C’est autant d’argent que l’on n’aura plus pour financer les doctorats (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.), pour financer nos politiques publiques.

Cette mesure a donc un coût net, mais elle représente in fine un gain pour notre économie, car elle permet de produire. Au total, je suis profondément convaincu que ce dispositif rapportera. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 29 et 156 rectifié tendant à la suppression de l’article 34.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 148 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l’adoption 34
Contre 311

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 1084, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Annie David.

M. Gérard Longuet. Même vote ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)

Mme Annie David. Mes chers collègues, en effet, ce sera le même vote sur cet amendement, mais je vais quand même le présenter.

Vous vous en doutiez, n’est-ce pas ?

M. Michel Bouvard. Effectivement ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)

Mme Annie David. Par cet amendement, nous proposons de supprimer les alinéas 1 à 9 de l’article 34.

En préambule, je voudrais revenir rapidement sur l’actionnariat salarié.

Mme Annie David. Nous sommes toujours sur le même article, mon cher collègue.

Pour compléter ce qui a été dit, je vous fais remarquer que les patrons bénéficient déjà largement de ces actions gratuites, les entreprises du CAC 40 ayant distribué, en 2014, 6,4 milliards d’euros d’actions gratuites à leurs dirigeants.

En revanche, monsieur le ministre, j’ai eu beau chercher, je n’ai pas trouvé la somme versée en actions gratuites aux salariés des collèges 1 et 2 des entreprises industrielles, par exemple. Pouvez-vous nous dire combien de salariés en ont bénéficié et pour quel montant ? Cette information nous donnerait une idée du rapport entre les salariés et les patrons à cet égard.

Donc, pendant que les entreprises du CAC 40 versaient 6,4 milliards d’euros d’actions gratuites à leurs dirigeants, les salariés de ces mêmes entreprises s’entendaient dire que les augmentations de salaires, bien évidemment, n’étaient pas possibles, car elles n’étaient pas bonnes pour la compétitivité.

Au sujet, toujours, de ces entreprises du CAC 40, il faut aussi savoir que les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté de 30 % l’an dernier, pour arriver à 56 milliards d’euros, qui s’ajoutent donc aux 6,4 milliards d’euros d’actions gratuites versés aux dirigeants. Après, monsieur le ministre, on vient nous parler de la compétitivité des entreprises…

Je le reconnais, vous vous êtes exprimé, il y a peu, dans la presse, concernant le patron du groupe Vivarte, qui a touché un chèque de départ de 3 millions d’euros, alors que l’entreprise a annoncé 1 600 suppressions.

Je vous ai posé la question, mais vous ne m’avez pas répondu, donc je la pose à nouveau : à quel moment allons-nous mettre le sujet de la responsabilité sociale des entreprises sur la table ? En effet, il me semble que cette responsabilité sociale devrait être un peu plus encouragée, ce qui, pour le coup relève pleinement du rôle de l’État.

J’ai bien entendu M. Joyandet nous parler de la participation, dont je rappelle qu’elle date de 1969…

Mais, comme mon temps de parole est écoulé, monsieur le président, je reviendrai sur le sujet en explication de vote. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale émet le même avis défavorable que précédemment, monsieur le président, car, si nous ne sommes plus devant une suppression pure et simple, ce que l’on nous propose ici revient cependant à un détricotage de l’article.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

J’ajoute que nous n’avons absolument pas trouvé confirmation du chiffre de 6,4 milliards d’euros cité par Mme David. En France, le montant des actions gratuites distribuées s’élève à 800 millions d’euros. Par ailleurs, les chiffres de l’ACOSS, qui permettent de ventiler la distribution selon la catégorie d’entreprises, montrent que 3 500 entreprises, dont deux tiers de PME, sont concernées.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote. (Protestations sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du CRC.)

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, je considère que les débats se sont déroulés de manière sereine depuis le début de la discussion de ce texte. Beaucoup d’interventions étaient d’ailleurs très intéressantes.

Le groupe UMP ne défend pas du tout les mêmes positions que le groupe communiste, républicain et citoyen, ce dont, croyez-le bien, je me félicite ! Cependant, nous avons respecté sa volonté d’intervenir sur certains sujets, sans émettre d’objection – nous avons même pu apprendre un certain nombre de choses à cette occasion, reconnaissons-le.

J’en appelle donc au président du groupe UMP : souffrez, monsieur Retailleau, que nous puissions intervenir en toute sérénité sur des sujets dont nous considérons qu’ils revêtent une certaine importance !

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Monsieur le président, vous l’avez rappelé, quinze orateurs sont intervenus ces deux dernières heures, donc quatre seulement appartenaient à notre groupe. Nous ne sommes donc pas les plus nombreux à nous exprimer. En outre, si notre groupe est plus petit que les autres, il n’empêche que nous sommes nombreux à être présents en séance !

Monsieur le ministre, on peut faire dire ce que l’on veut aux chiffres, en positif ou en négatif, selon ce que l’on souhaite démontrer. Vous m’annoncez un chiffre, je vous en annonce un autre : chacun pourra se plonger dans ses sources pour vérifier lequel de ces deux chiffres est le bon !

M. Emmanuel Macron, ministre. L’ACOSS est une meilleure source que Le Canard enchaîné !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1084.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1085, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 11 à 13

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Je reviendrai sur le débat de fond en défendant l’amendement suivant.

Nous demandons la suppression des alinéas 11 à 13 de l’article 34, parce qu’ils entérinent une déduction de CSG des revenus imposables qui ne nous semble pas justifiée au regard de la situation des finances publiques.

La CSG est un impôt destiné à participer au financement de la protection sociale. Il est assis sur l’ensemble des revenus des personnes résidant en France : les revenus d’activité et de remplacement – allocations chômage, indemnités journalières –, les revenus du patrimoine, les produits de placement, les sommes engagées ou redistribuées par les jeux.

Il est possible de déduire une partie de la CSG des revenus imposables. Cette déduction s’opère à hauteur de 5,10 % pour les revenus d’activité, de 4,2 % pour les pensions de retraite et d’invalidité et les allocations de préretraite, et de 3,8 % pour les autres revenus de remplacement. Pour les revenus du patrimoine, la déduction s’opère à hauteur de 5,1 %.

La déduction proposée ici au profit des distributions d’actions gratuites ne nous semble absolument pas justifiée. Elle constitue en effet une énième niche fiscale qui atteint de plus un niveau élevé : une déduction de 5,1 %, contre 4,2 % pour les pensions de retraite et d’invalidité, je le rappelle.

En conclusion, nous pensons que ces alinéas contribuent à la mise en place d’un système fiscal encore plus injuste, alors même qu’il serait urgent de réfléchir à une vraie réforme fiscale pour plus de justice et plus de solidarité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Même avis que sur les précédents amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis !

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Dans cette affaire de distribution d’actions gratuites, qui fait un effort ? Les autres actionnaires, en acceptant que leur part dans le capital soit diluée. Mais c’est leur choix ! Pourquoi le font-ils ? Un vieux proverbe nous donne la réponse : « Il vaut mieux être plusieurs sur une bonne affaire, que seul sur une mauvaise ». (Sourires.)

Les actionnaires choisissent donc de diminuer leurs espérances de gain au profit de l’entreprise. À l’intérieur de l’entreprise, la direction décide un plan de répartition d’actions gratuites.

Pour répondre à votre observation, ma chère collègue, on peut se demander s’il existe un exact rapport de proportion entre la réussite de l’entreprise et le travail individuel de chacun des bénéficiaires de la distribution d’actions gratuites. La réponse est négative, car c’est la synergie de l’ensemble des collaborateurs qui permet un résultat. Il se trouve cependant que les entreprises ont des directions, certes soutenues par les actionnaires, mais qui s’en distinguent, et ces directions estiment que, pour mobiliser l’entreprise, il faut répartir les actions d’une certaine façon.

Nous ne sommes pas dans la logique du contrat de travail, avec un rapport d’autorité, mais nous nous situons dans une logique de projet collectif où prévaut, comme le disait mon collègue Roger Karoutchi, l’association du capital et du travail, où la rémunération n’est pas déterminée à raison d’heures de travail ou d’objectifs précis, qui sont rémunérés par des salaires ou par des primes.

La distribution d’actions gratuites est un sacrifice consenti par les actionnaires existants, décidé et géré par la direction de l’entreprise au bénéfice de salariés qu’elle désigne, à proportion non pas de leur travail, mais d’un engagement global. Tel est le sens même de l’entreprise et de la collectivité.

J’ai profité de notre discussion pour exprimer cet acte de foi, qui explique que je combattrai cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1085.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1086, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 15 à 20

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Vous proposez, monsieur le ministre, d’abaisser de 30 % à 20 % le taux de la contribution patronale spécifique.

Cette contribution patronale, qui vient en sus des prélèvements sociaux classiques comme la CSG et la CRDS, porte soit sur la valeur des actions telle qu’elle est estimée pour l’établissement des comptes consolidés, soit sur la valeur des actions à la date de la décision d’attribution. Le taux de cette contribution était de 30 % pour les actions attribuées depuis le 18 août 2012, comme le précise le rapport écrit. La contribution est même supprimée dans certaines conditions pour les PME.

Enfin – mais je me demande si j’ai bien compris le dispositif, tant il me semble exagéré –, la contribution ne serait plus même calculée sur la juste valeur, c’est-à-dire la valeur à l’instant du prélèvement de la contribution, mais sur la valeur de l’action à l’acquisition. Si tel est le cas, ce mode de calcul ne nous paraît pas correct, car on peut, bien entendu, observer des écarts importants de valeurs, la plupart du temps dans le sens de la hausse.

Monsieur le ministre, après avoir porté un coup à la solidarité au niveau de l’impôt sur le revenu, en proposant une forte diminution de ce dernier sur les revenus d’actions gratuites, vous proposez ici de réduire la participation des mêmes contribuables au financement de la sécurité sociale. Il faut le rappeler, chaque fois que l’on abaisse un taux de contribution, on réduit une source de financement de la sécurité sociale : c’est mathématique ! Le coût annuel de la réduction de la cotisation patronale serait, dans le cas présent, de 100 millions d’euros. Ce n’est tout de même pas rien !

À l’Assemblée nationale, devant la commission, vous avez justifié cet article 34 de la sorte : « Bref, il est évident que nous ne sommes plus compétitifs par rapport à l’écosystème qui nous entoure. Ces mesures ne visent qu’à nous remettre dans la norme ». Tel était également le sens du discours que vous avez tenu devant nous.

Nous ne pouvons pas nous satisfaire de ces explications, car, au-delà des mots, ces mesures s’analysent en réalité comme des actes de dérégulation fiscale et sociale, et nous les désapprouvons, car nous avons une autre conception de l’efficacité de l’économie.

Beaucoup, dans cet hémicycle, nous renvoient à des modèles libéraux appliqués chez nos proches voisins, mais, lorsque l’on cite des modèles libéraux, il faut tout dire.

Ce matin, à l’occasion d’une réunion de la délégation sénatoriale aux entreprises, le modèle anglais nous a été présenté : de plus en plus de flexibilité et de mobilité pour les salariés, deux ans de période d’essai dans les contrats, de moins en moins d’impôt sur les sociétés, une fiscalité sur les plus-values limitée à 10 %, quatre fois moins de contrôles fiscaux qu’en France, et j’en passe.

Mais la médaille a son revers, et il faut aussi le montrer : c’est l’explosion du nombre de salariés pauvres qui ont recours aux organisations caritatives ; ce sont ces jeunes qui subissent des niveaux de salaire minimum différents selon l’âge. Je vais citer ces taux, parce qu’ils figurent dans le document qui nous a été distribué ce matin : pour les moins de 18 ans, 4,50 euros de l’heure ; pour les jeunes de 18 ans à 21 ans, 6 euros de l’heure,…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Dominique Watrin. … et, pour les plus de 22 ans, 7,50 euros.

Est-ce ce projet de société que vous défendez ?

M. le président. L’amendement n° 747, présenté par Mme Lamure, M. Adnot, Mme Billon, MM. Bouchet, Cadic et Danesi, Mme Deromedi, MM. P. Dominati, Forissier, Joyandet et Kennel, Mme Primas et M. Vaspart, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 18, première phrase

Après le mot :

procédé

insérer les mots :

soit à aucune distribution de dividendes depuis trois exercices et qui répondent à la définition d’entreprises de taille intermédiaire à l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, soit

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Lors de ses déplacements sur le terrain, la délégation sénatoriale aux entreprises, à laquelle notre collègue faisait allusion à l’instant, a entendu les responsables de plusieurs entreprises de taille intermédiaire, ou ETI, déplorer que de nombreuses aides soient réservées aux seules PME.

Pourtant, les ETI apportent une contribution privilégiée à la croissance et à l’emploi dans les territoires : ces entreprises sont des leviers de compétitivité et leurs performances en termes de productivité, de taux d’investissement, d’exportations et de création d’emplois dépassent celles des PME ou celles des grandes entreprises. Or la France compte trois fois moins d’ETI que l’Allemagne et deux fois moins que le Royaume-Uni ou l’Italie.

Cet amendement vise donc à permettre aux ETI qui n’ont procédé à aucune distribution de dividendes depuis trois ans de bénéficier de l’exonération de la contribution patronale que le Gouvernement souhaite accorder aux PME qui n’ont pas procédé à une distribution de dividendes depuis leur création, dans la limite du plafond de la sécurité sociale pour chaque salarié.

En effet, si la volonté des pouvoirs publics est de développer l’actionnariat salarié, il n’y a pas de raison objective de réserver ce dispositif incitatif aux seules PME.

De plus, le critère de non-distribution de dividendes depuis trois ans proposé dans cet amendement est pertinent, car il permet de cibler les ETI qui ont privilégié l’investissement et l’emploi pour préparer leur avenir et renforcer leur compétitivité, de préférence au versement de dividendes aux actionnaires. Or les entreprises non financières distribuent désormais 85 % de leurs bénéfices en dividendes.

Il importe de souligner que le coût de cet amendement est bien inférieur à 200 millions d’euros, montant que vous aviez estimé correspondre, monsieur le ministre, à une extension de l’avantage accordé aux PME à l’ensemble des entreprises, et non aux seules ETI.

M. le président. L’amendement n° 796, présenté par Mme Canayer, MM. Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Bignon, Bouchet, Buffet, Calvet, Cambon et Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Commeinhes, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mme Deromedi, M. Doligé, Mme Duranton, MM. Duvernois, Emorine, Forissier, B. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mmes Hummel et Imbert, MM. Joyandet, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, Leleux, de Legge, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Paul, Pellevat et Pierre, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 18, première phrase

Remplacer les mots :

donnée à l’annexe de la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises,

par les mots :

et des entreprises de taille intermédiaire donnée à l’article 3 du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique,

II. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

… - Le b du 1° du C du II s’applique aux sommes versées à compter du 1er janvier 2016.

… – La perte de recettes résultant pour l’État du II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement permet de faire bénéficier les salariés des ETI de l’allégement de la fiscalité sur les attributions gratuites d’actions dans les mêmes conditions que celles qui sont applicables aux salariés des PME. Son adoption serait un gage fort donné au développement de ces entreprises et à la fidélisation de leurs salariés.

Par ailleurs, cette nouvelle rédaction fait référence au décret du 18 décembre 2008, qui introduit la nomenclature européenne des entreprises telle que décrite dans la recommandation de la Commission européenne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 1086, et je vous renvoie aux explications données précédemment.

En revanche, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 747, dont l’adoption serait bénéfique pour les entreprises de taille intermédiaire, en leur permettant d’attirer des compétences pointues et des dirigeants expérimentés qu’elles ne peuvent pas encore rémunérer à leur juste valeur.

Comme l’a dit Mme Lamure, le coût de cet amendement n’est pas celui qui a été annoncé et est plus que compensé par les modifications apportées par notre commission spéciale au texte issu de l’Assemblée nationale.

Lors de la discussion générale, monsieur le ministre, nous vous avions prédit tout le plaisir que vous prendriez à débattre au Sénat – je pense que c’est confirmé. Nous étions également convenus que, s’agissant d’un texte qui n’est pas un projet de loi de finances, nous ne pouvions pas marcher sur nos deux jambes et que, lorsque nous présenterions des mesures ayant un coût, elles seraient parfaitement équilibrées. Nous vous présenterons la facture, si j’ose dire, à la fin du débat !

En ce qui concerne l’amendement n° 796, je demande à ses auteurs de le retirer, puisque la commission spéciale préfère la rédaction de l’amendement n° 747.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Tout d’abord, je ne suis pas certain d’avoir saisi l’argumentation du groupe CRC sur les travailleurs pauvres en Grande-Bretagne. Je l’ai déjà dit, cela n’a rien à voir avec le dispositif proposé ici.

La modification prévue des prélèvements sociaux sur l’actionnariat salarié est avant tout une réforme de simplification. Cette mécanique étant assez subtile, je rappellerai en quelques mots en quoi elle consiste.

Il s’agit de corriger un archaïsme hérité du passé.

Tout d’abord, nous intégrons les actions de performance dans le droit commun de l’actionnariat salarié en instaurant le forfait social à 20 % et en supprimant la contribution patronale spécifique de 30 %.

Jusqu’à présent, cette contribution spécifique de 30 % ne touchait que les actions de performance, en se substituant aux cotisations sociales, tout comme le forfait social pour les autres compléments de salaires.

Quand ces prélèvements ont été mis en place, le taux du forfait social était en effet de 2 %, ce qui pouvait justifier une taxation spécifique des actions de performance. Ce forfait social ayant été porté à 20 %, cette surtaxe de 30 % n’était plus légitime.

Ensuite, afin de tenir compte de la situation particulière des PME en croissance, qui manquent de liquidités, et compte tenu de leurs besoins d’investissements, le forfait social ne sera pas dû par certaines entreprises ; je pense, en particulier, aux PME n’ayant jamais distribué de dividendes depuis leur création. Cette exonération s’applique dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale par période de quatre ans.

Vous proposez, madame Lamure, d’étendre cette mesure aux ETI. Je comprends votre point de vue, mais j’émettrai deux réserves.

La première est budgétaire. On peut avoir de la sympathie personnelle pour la mesure que vous portez : il est vrai qu’elle permet de clarifier les choses et les ETI constituent une priorité, à tous égards, pour la réussite de nos filières. Mais cette mesure à un coût, et il n’est pas gagé. Il est effet évalué à environ 200 millions d’euros pour l’ensemble des catégories. Par déduction, vous avez raison, c’est cela de moins pour les ETI.

Seconde réserve, si l’on étendait ce dispositif au-delà du seuil reconnu au niveau européen, nous devrions notifier le dispositif à la Commission européenne, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Cette contrainte existe, et je tiens à la porter à votre connaissance.

Vous le voyez, madame Lamure, cet avis est défavorable non par principe ou par conviction, mais parce que la mesure que vous proposez n’est pas gagée et à cause de cette contrainte communautaire.

Dans notre mécanique de simplification, après les cotisations sociales sur les actions de performance, il est une seconde mesure, qui concerne l’impôt sur le revenu et permet de coordonner les différents mécanismes avec les plus-values mobilières.

Je ne reviendrai pas sur ce que nous avons proposé à propos des gains réalisés, lors de la cession, sur les prélèvements sociaux.

Grâce à une disposition spécifique qui existait déjà, et qui est applicable à toutes ces catégories, en sus du forfait, nous harmonisons le système : il n’y a plus qu’un seul prélèvement social sur l’entreprise, au lieu des deux qui existaient jusqu’à présent – l’un au moment de l’attribution, l’autre au moment de la cession –, ce qui était devenu objectivement incohérent.

Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1086.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l’amendement n° 747.

M. René-Paul Savary. Quelle déception, monsieur le ministre ! Quand il s’agit de passer à l’acte, vous renoncez...

Pourtant, lorsque vous avez eu cette tirade pour vanter l’économie capitalistique, j’étais littéralement scotché à mon siège ! (Sourires.) Avec tout votre talent, vous êtes parvenu à me convaincre et je pensais que votre discours serait suivi d’actes. Or, quelques minutes plus tard, alors que nous vous proposons une mesure tout à fait concrète, vous passez à côté.

Il faut aller jusqu’au bout ! On ne pas continuer à séparer les types d’entreprises. Ces effets de seuils, vous les combattez, comme nous.

Prévoir différents seuils, avec la perte d’avantages induite lors du passage d’une catégorie à l’autre, cela n’incite pas les entreprises à grossir et à devenir des ETI. Il y a trop de politiques de chiffres dans ce pays !

Nous avons l’occasion unique de passer à l’acte avec cet amendement. Pour cette raison, je le soutiens bien volontiers.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 747.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 796 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 1087, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 21 à 24

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement concerne une autre partie de ce long article 34, qui réserve décidément bien des surprises.

Ainsi ses alinéas 21 à 24 prévoient-ils d’abaisser la contribution sociale patronale spécifique, qui passerait de 30 % à 20 % pour les actions gratuites, et qui est maintenue à 30 % pour les stock-options. Elle est supprimée pour les PME qui n’ont procédé à aucune distribution de dividendes.

À propos des stock-options et des actions gratuites, le candidat François Hollande s’insurgeait : « Comment peut-on en France, pays de l’égalité, accepter que celles et ceux qui s’enrichissent en dormant laissent les autres, ceux qui travaillent, être dans la peine ou dans l’inquiétude ? » C’était en 2012, mes chers collègues !

M. Gérard Longuet. C’était avant !

Mme Annie David. Notre collègue maire du Bourget en a déjà parlé...

Dans la foulée, et dans un élan « de gauche », le Parlement avait voté, en juillet 2012, une taxation accrue des stock-options – sans les supprimer pour autant, malheureusement –, ainsi que le passage de 14 % à 30 % des cotisations supportées par les entreprises sur les attributions gratuites d’actions.

Deux ans et plusieurs défaites électorales plus tard, il nous est proposé de revenir partiellement sur cette décision. Nous ne nous expliquons pas ce revirement. À moins qu’il ne traduise l’influence de certains dirigeants d’entreprise sur Bercy...

Nous nous l’expliquons d’autant moins que le coût annuel de cette disposition est estimé à 100 millions d’euros par an, qui pèseront sur les comptes de la sécurité sociale, alors même que celle-ci affiche un déficit de 10,5 milliards d’euros.

Tandis que l’on nous répète à longueur de temps quand nous discutons d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale qu’il faut « faire des économies », « réduire les dépenses », revenir sur certaines prestations, telles que les allocations familiales cette année, d’autres reçoivent des cadeaux !

Cette politique du « deux poids, deux mesures » n’est pas acceptable.

D’un côté, on demande aux familles et aux retraités de se « serrer la ceinture », et l’on rejette, entre autres, notre proposition de loi visant à supprimer les franchises médicales et participations forfaitaires, en invoquant « la discipline budgétaire ». De l’autre, on ponctionne 100 millions d’euros de ressources de la sécurité sociale pour permettre à certains patrons de se distribuer des actions gratuites à moindres frais !

Non seulement nos appels à agir sur le volet « recettes » en taxant davantage les revenus du patrimoine, par exemple, ne sont jamais écoutés, mais les recettes sont continuellement remises en cause par cette politique injustifiable d’exonérations !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1087.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1088, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 25 et 26

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Par cet amendement, nous nous opposons aux deux avantages accordés, en matière de prélèvements sociaux, aux attributions d’actions gratuites.

Les paragraphes D et E de cet article consacrent en effet, d’une part, la non-application de la cotisation salariale de 10 % grevant les distributions d’actions gratuites, et, d’autre part, la non-application du forfait social. Dans tous les cas de figure, il s’agit, de manière manifeste, d’une puissante incitation à la mise en œuvre de ces plans d’attribution d’actions gratuites.

La quasi-absence de prélèvements sociaux constitue, en effet, une perte de recettes non négligeable pour la sécurité sociale et crée, à l’égard du salaire brut conventionnel, une distorsion favorable aux formes atypiques de rémunération. Opposer ainsi salaire et épargne, quelle que soit la forme utilisée, ne peut évidemment recevoir notre assentiment.

En appliquant aux nouvelles distributions d’actions gratuites la fiscalité des valeurs mobilières, et non celle des salaires, le Gouvernement reconnaît de manière implicite que les sommes ainsi distribuées ne sont plus une rémunération directe du travail et que, de fait, elles n’ouvrent pas droit à la moindre prise en compte en termes de congé maladie, de points de retraite ou de tout autre revenu social de remplacement destiné à compenser l’interruption ou l’achèvement de la vie salariale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1088.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1089, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 29 à 36

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Ces alinéas 29 à 36 de l’article 34 ont pour but d’assouplir la procédure d’attribution des actions gratuites.

Premièrement, l’écart entre le nombre d’actions distribuées à chaque salarié pourra désormais être supérieur au rapport de 1 à 5 actuellement en vigueur, et ce lorsque le nombre total des actions attribuées gratuitement n’excède pas 10 % du capital social, et 15 % pour les PME non cotées. Notons que la limite de 10 % était déjà prévue en droit.

Selon l’OCDE, la rémunération moyenne d’un dirigeant d’entreprise en France est 104 fois plus élevée que la rémunération d’un salarié ! Le Gouvernement avait promis de revenir sur ce rapport de 1 à 104, en imposant un rapport de 1 à 20...

Pour vous donner un ordre d’idées, selon Les Échos, la rémunération moyenne des patrons du CAC 40 était de 2,25 millions d’euros en moyenne en 2013, soit 130 salariés payés au SMIC.

Nous sommes bien dans la réalité !

Courons-nous le risque que les patrons français soient recrutés par de « grandes boîtes anglo-saxonnes », comme je l’ai entendu dire au cours du débat ?

La rémunération moyenne des dirigeants d’entreprise aux États-Unis est de 9 millions d’euros annuels. Mes chers collègues, de deux choses l’une : soit nous choisissons de tendre vers ces rémunérations, soit nous actons le fait – faisons un peu d’humour ! – que nos dirigeants restent en France parce qu’ils l’ont choisi ou parce que personne ne les a recrutés pour émigrer aux États-Unis...

Non, nos patrons ne travaillent pas 104 fois plus et ne sont pas 104 fois plus nécessaires, productifs et efficaces qu’un salarié moyen !

Le propre d’un gouvernement de gauche serait, à notre sens, de lutter contre ces écarts de rémunération totalement scandaleux. Or, non seulement vous ne le faites pas, monsieur le ministre, mais vous adaptez les dispositions relatives à l’attribution d’actions gratuites pour qu’elles aussi puissent être le théâtre d’inégalités flagrantes entre quelques dirigeants et l’ensemble des salariés !

Cette disposition aura aussi un effet certain en termes de gouvernance : les salariés et leurs intérêts seront moins représentés, tandis que quelques-uns, qui disposeront de l’essentiel des actions distribuées, pourront imposer leurs vues, forcément différentes de celles des porteurs minoritaires.

Deuxièmement, le délai de portage est réduit.

Nous considérons que le délai de portage abrégé participe d’un outil d’intégration des salariés à la stratégie générale de l’entreprise, mais ne garantit absolument rien quant à la pérennité de l’actionnariat salarié dans l’entreprise.

M. le président. L’amendement n° 1092, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. Alinéa 32

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les pourcentages mentionnés au deuxième alinéa sont portés à 50 % lorsque l’attribution d’actions gratuites bénéficie à l’ensemble des membres du personnel salarié de la société. Au-delà du pourcentage de 10 % ou de 15 %, le nombre d’actions distribué est le même pour chaque salarié. » ;

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Dans son essence, l’article 34 vise à permettre aux salariés de jouer le rôle de « partenaires obligés » des actionnaires de leur propre entreprise. Disposant d’une part minoritaire du capital de leur entreprise, ils viendraient ainsi jouer les utilités lors de l’assemblée générale des actionnaires, se rangeant, de fait – c’est du moins ce que l’on peut supposer –, aux côtés de leur employeur, détenteur du plus grand nombre de parts sociales.

Les actionnaires salariés, dans ce cas de figure, deviennent en quelque sorte la force d’appoint nécessaire pour faire passer en assemblée générale les résolutions que le chef d’entreprise entend faire adopter avec la majorité des autres actionnaires. Les dividendes qu’ils sont autorisés à voter viennent notamment compenser l’absence ou la faiblesse des hausses de salaires.

Nous proposons, avec cet amendement, deux modifications.

La première modification consiste à rendre possible la distribution de 50 % des parts sociales d’une entreprise aux salariés. On pourrait en effet se demander pourquoi une entreprise ne pourrait, pour une part déterminante de son capital, supérieure à la seule minorité de blocage, être détenue par ses propres salariés.

La seconde modification que nous préconisons vise à faire en sorte que les actions distribuées soient équitablement réparties à partir de 10 % ou 15 % du capital, afin qu’aucun salarié ne puisse, comme c’est le cas aujourd’hui, en avoir cinq fois plus ou cinq fois moins qu’un autre.

Un peu de travaux pratiques, maintenant !

Soit une entreprise au capital de 7 500 euros répartis en 75 actions d’une valeur nominale de 100 euros. Cette entreprise enregistre, pour une année, un résultat bénéficiaire de 20 000 euros qu’elle décide, pour une part, de transformer en émission d’actions gratuites aux fins d’accroître son capital social. L’entreprise comptant quinze salariés à temps plein, 7 500 euros sont donc convertis en actions gratuites à la même valeur nominale de 100 euros, soit 75 titres.

On prend donc 75 titres pour quinze salariés et chaque salarié se voit attribuer au total cinq actions, soit 500 euros en valeur nominale, de son entreprise.

Quelles incidences cela peut-il avoir par la suite ?

Tout simplement, cela permet une certaine stabilité du capital de l’entreprise et favorise - c’est là le sens de notre amendement – la prolongation de l’activité de l’entreprise après la retraite éventuelle de son fondateur.

Donnons ainsi un vrai sens à la démocratie actionnariale !

Voilà donc exposés brièvement les motifs pour lesquels nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 1569, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 34

Rétablir les 4° à 6° dans la rédaction suivante :

4° À la première phrase du cinquième alinéa, les mots : « deux ans » sont remplacés par les mots : « un an » ;

5° Le sixième alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « fixe également » sont remplacés par les mots : « peut également fixer » ;

b) À la fin de la deuxième phrase, les mots : « , mais ne peut être inférieur à deux ans » sont supprimés ;

6° Le septième alinéa est ainsi rédigé :

« La durée cumulée des périodes d’acquisition et de conservation ne peut être inférieure à deux ans. » ;

II. – Alinéas 35 et 36

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. L’article 34 de ce projet de loi vise à améliorer les régimes fiscal et social des salariés de toutes les entreprises, de les adapter notamment au regard des standards internationaux.

Les gains d’attribution et de cession sont imposés selon les modalités applicables aux plus-values mobilières, qui avaient elles-mêmes fait l’objet, en 2013, d’une réforme prévoyant un abattement progressif en fonction de la durée de détention, entre deux et huit ans.

La contribution salariale spécifique est supprimée, les gains d’acquisition sont soumis aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine. Pour les entreprises, le taux de contribution patronale passe de 30 % à 20 %.

Les objectifs de fidélisation des salariés et de stabilisation du capital social sont atteints par les abattements pour durée de détention s’appliquant à la fois sur le gain d’acquisition et le gain éventuel de cession, qui incite à conserver les actions sur une longue durée. L’abattement maximal est applicable après une durée de détention de huit ans.

Cet ensemble de mesures permet ainsi d’améliorer substantiellement le droit commun applicable à l’actionnariat salarié, quelle que soit la taille de l’entreprise, même s’il est important de souligner que le Gouvernement cible volontairement les PME, en prévoyant, sous certaines conditions, une exonération de cotisation patronale spécifique.

Le Gouvernement cherche à établir un niveau de fiscalisation modernisé qui permette d’inciter au développement de l’actionnariat parmi les salariés, tout en cherchant à parvenir à une fiscalité plus juste et mieux équilibrée.

Il n’est donc pas envisageable pour le Gouvernement de revenir sur les dispositions adoptées en première lecture à l’Assemblée nationale.

La commission spéciale du Sénat a modifié les durées d’acquisition et de conservation des actions gratuites selon la taille des entreprises, contrairement à l’intention du Gouvernement, qui est de laisser aux assemblées générales extraordinaires une plus grande marge d’appréciation dans la fixation de ces durées, et quelle que soit la taille de l’entreprise.

Cette évolution donne plus de souplesse au dispositif, mais il ne s’agit que de durées minimales et les entreprises peuvent faire le choix de périodes plus longues d’acquisition et de conservation en fonction de leurs spécificités et de leurs intérêts.

À cet égard, il convient de rappeler que les durées minimales respectivement de sept ans, en Allemagne, et de cinq ans, au Royaume-Uni, ne sont pas des durées de conservation obligatoires, mais conditionnent seulement une exonération totale des prélèvements fiscaux et sociaux sur les attributions gratuites d’actions.

Enfin, l’introduction d’une durée d’acquisition et de conservation de deux ans par la commission spéciale du Sénat pour les entreprises hors PME entraînerait une perte d’encaissement de l’ordre de 267 millions d’euros en 2016, de 220 millions d’euros en 2017 et de 90 millions d’euros en 2018.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Sur l’amendement n° 1089, l’avis de la commission est défavorable, comme précédemment.

La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement 1092. En effet, cet amendement conduirait à surexposer les salariés au risque de faillite de leur entreprise et à imposer des contraintes trop rigides aux entreprises. Le droit en vigueur permet déjà de porter le pourcentage maximal du capital social pouvant être attribué gratuitement de 10 % à 30 % lorsque l’attribution bénéficie à l’ensemble du personnel salarié.

Par son amendement n°1569, le Gouvernement souhaite revenir au texte issu de l’examen par l’Assemblée nationale. La commission a émis un avis défavorable. En effet, l’aménagement qui avait été adopté par la commission spéciale s’inspirait des recommandations de l’Autorité des marchés financiers, qui demande d’encourager une application exigeante des obligations, de façon à satisfaire aux objectifs de fidélisation des salariés et de stabilisation du capital social des entreprises.

Revenir sur cet aménagement réalisé par notre commission spéciale serait contradictoire. Ce serait prendre le risque que le surcroît de motivation des bénéficiaires ne se transforme en fuite en avant, l’équipe de direction recherchant une sortie rapide plutôt qu’une véritable création de valeur à moyen terme.

Vous avez fait des comparaisons internationales : les dispositifs d’attribution d’actions gratuites imposent une durée minimale de détention de sept ans en Allemagne et de cinq ans au Royaume-Uni. Si ces durées ne sont pas respectées, les gains sont alors soumis à l’impôt sur le revenu ou aux cotisations sociales selon les règles de droit commun. Il s’agit donc bien en pratique, de durées de détention quasi obligatoires, car la sanction est extrêmement dissuasive.

En conséquence, la réduction des périodes minimales légales d’acquisition et de conservation ne se justifie, aux yeux de la commission, que pour les PME, qui sont souvent soutenues par des investisseurs dont l’horizon d’investissement est nécessairement limité. Elle nous apparaissait plus discutable pour les entreprises matures et les filières industrielles classiques.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 1089 et 1092 ?

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Sur les deux amendements, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1089.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1092.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l'amendement n° 1569.

M. Dominique Watrin. Cet amendement du Gouvernement ne figurait aucunement dans le texte initial du projet de loi et semble être apparu au gré de la discussion tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.

Il s’agit de laisser toute latitude aux assemblées générales d’actionnaires pour décider de l’importance et des conditions de la mise en œuvre du plan de distribution d’actions gratuites.

À la vérité, le but du Gouvernement apparaît de plus en plus au fil de la discussion : faire de la distribution d’actions gratuites un cadeau plus présentable que les stock-options et intégrer les salariés dans leur ensemble aux objectifs des actionnaires.

Dans les faits, tous les salariés de la même entreprise peuvent être concernés par un plan de distribution d’actions gratuites, ce qui met un terme à la suspicion qui pouvait exister lorsque les plans d’options étaient réservés aux seuls cadres dirigeants et leurs servaient de bonus salarial souvent significatif.

Cependant, le système proposé ici est également source de grosses inégalités. Tirer le meilleur parti possible de la distribution d’actions gratuites sera évidemment réservé à ceux qui pourront porter leurs titres sans avoir besoin, sur huit ans, de liquider l’actif en cédant les actions détenues.

Nous avons d’ailleurs, dans l’affaire, toute la palette des situations. On acquiert plus ou moins d’actions gratuites, on les garde plus ou moins longtemps, on encaisse ou non les éventuels dividendes et l’épargne se trouve récompensée par la quasi-absence de fiscalité au bout de l’exercice.

Enfin, problème de fond, ce traitement favorable à l’épargne et au placement financier met en question le salaire en tant que rémunération et valorisation du travail.

C’est pourquoi nous voterons contre cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1569.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1090, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 37 à 40

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Il s’agit d’un amendement de cohérence ; il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1090.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1091, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La mise en œuvre du I est conditionnée à la conclusion d’un accord sur les matières prévues par la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Par cet amendement, nous vous proposons d’empêcher que ces attributions d’actions gratuites ne se substituent aux légitimes évolutions de rémunération. En effet, dans cet article, c’est une baisse de l’impôt et des prélèvements sociaux pour les plus gros détenteurs d’actions qui est proposée, ni plus ni moins.

L’expérience nous montre que les détenteurs de ces actions gratuites sont bien les cadres dirigeants des entreprises et non pas les salariés des collèges 1 ou 2 dans l’industrie, que ce soit dans les PME ou dans les ETI, et encore moins dans les grands groupes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1091.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 34, modifié.

(L'article 34 est adopté.)

Article 34
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l’article 34 (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l’article 34

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 223 rectifié ter, présenté par MM. Adnot, Bizet et G. Bailly, Mme Deromedi, MM. Mandelli, Doligé, Lenoir, Laménie, Türk, Mouiller, D. Laurent et Delattre, Mme Lamure et MM. Détraigne, Cigolotti, Longeot, Bonnecarrère et Kern, est ainsi libellé :

Après l’article 34

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le III de l’article 150-0 A du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ... – Aux titres cédés, dont le produit de cession aura été, avant le 31 décembre 2015, intégralement réinvesti en titres dans le plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises défini à l’article L. 221-31 du code monétaire et financier, soumis au régime fiscal du plan d'épargne en actions visé au 5° bis de l'article 157 et à l'article 163 quinquies D du présent code, pour le seul impôt sur le revenu de 2015, et sous réserve de la conservation desdits titres ainsi réinvestis, en continu, pendant cinq ans, à compter du réinvestissement. »

II. – Les obligations déclaratives du cédant afférentes à la cession visée au I sont fixées par décret.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, outre cet amendement, j’ai souhaité prendre la parole à ce moment de notre discussion pour souligner l’importance des sujets abordés : le financement des PME et la transmission d’entreprises.

La délégation sénatoriale aux entreprises va depuis janvier à la rencontre des entrepreneurs dans les départements. Parmi les préoccupations récurrentes que les entrepreneurs nous confient à chacun de nos déplacements figurent en effet les difficultés de financement, d’une part, et la complexité de la transmission, d’autre part.

C’est pourquoi j’ai cosigné l’amendement n° 223 rectifié ter qui permettrait de donner un coup de fouet à l’investissement vers les PME et les ETI en exonérant d’impôt sur les plus-values pour 2015 les cessions dont le produit serait intégralement réinvesti au sein d’un PEA-PME, dans la limite d’un plafond de 75 000 euros.

Ce serait une réponse à tous les chefs d’entreprise que nous avons pu rencontrer et qui déplorent la frilosité des banques. Certains ont fait état de l’extrême défiance des banques, qui invoquent les nouvelles normes prudentielles. D’autres nous ont parlé des garanties excessives qu’elles leur demandent pour leur octroyer des prêts.

Le récent rapport du Médiateur national du crédit confirme que le niveau des garanties demandées est plus élevé en France que dans les autres pays de la zone euro. Il atteste aussi que les difficultés de financement sont surtout rencontrées par les PME, puisque 97 % des dossiers traités par le Médiateur national du crédit concernent des sociétés de moins de cinquante salariés.

Autre sujet majeur, la complexité et le coût de la transmission. Ce sujet nous a été signalé dans chacun des trois départements où s’est rendue la délégation sénatoriale aux entreprises. Nous y avons visité de très belles entreprises familiales : en Vendée, l’entreprise de construction modulaire Cougnaud, que font vivre quatre frères, mais aussi la boulangerie industrielle Fonteneau, développée par une famille dynamique ; dans la Drôme, l’entreprise Vignal-Artru, spécialisée dans la petite mécanique de haute précision, qui a contribué à la fabrication du premier cœur artificiel implanté l’an dernier chez un patient ; dans le Rhône, les groupes Cepovett, leader en vêtements d’image, et Saint-Jean Industries, équipementier automobile très innovant.

Les dirigeants de ces entreprises peinent à en organiser la transmission. Certains envisagent même de créer une holding pour diminuer le coût de l’opération. D’autres cherchent par tous les moyens à éviter le rachat par un actionnaire seulement soucieux de son retour sur investissement.

L’objet de mon intervention n’est pas de défendre une quelconque vision patrimoniale de l’entreprise. L’enjeu est bien de garantir un projet industriel d’avenir pour chacune de ses entreprises, qui font vivre nos territoires.

C’est pourquoi j’espère que le Gouvernement prêtera une oreille attentive quand nous défendrons les amendements nos°805 et suivants que j’ai cosignés avec mes collègues du groupe UMP et qui visent à faciliter et sécuriser la transmission d’entreprise. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. L'amendement n° 1455 rectifié bis, présenté par MM. Delattre et Trillard, Mme Imbert, MM. Carle, de Nicolaÿ, Laufoaulu, Vasselle, Mouiller, J. Gautier, Portelli, D. Laurent et Mayet, Mme Micouleau, M. Bouchet, Mme Lamure, MM. Bignon, Milon et Calvet, Mme Mélot, MM. G. Bailly, Pierre, Doligé et Mandelli, Mme Troendlé, M. Laménie, Mmes Gruny et Duchêne, M. Houel, Mme Primas et MM. Leleux, Béchu, P. Dominati et Malhuret, est ainsi libellé :

Après l’article 34

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le III de l’article 150-0 A du code général des impôts est complété par un 8 ainsi rédigé :

« 8. Aux titres cédés, dont le produit de cession aura été intégralement réinvesti dans un plan d’épargne en actions, destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire, tel que défini aux articles L. 221-32-1 à L. 221-32-3 du code monétaire et financier, avant le 31 décembre 2015, pour le seul impôt sur le revenu acquitté au titre de l’exercice de 2015. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Après une année d’existence, le PEA-PME connaît un succès populaire avec plus de 80 000 plans ouverts, mais la collecte n’est pas supérieure à 300 millions d’euros, soit une somme moyenne de 4 000 euros par plan, alors même que le PEA est plafonné à 75 000 euros. Or, si seulement 5 000 PEA-PME étaient pleinement investis, le montant global de la collecte serait multiplié par deux.

Il s’agit donc d’exonérer d’impôt sur les plus-values pour une durée déterminée, à savoir l’année 2015, les cessions de titres ou parts de FCP ou de SICAV - actuellement conservées à durée indéterminée pour éviter les impacts fiscaux ou données dans le cadre de libéralités, pour éviter ce même impact -, dès lors que les produits des cessions ainsi réalisées, dans la limite d’un plafond de 75 000 euros, seraient intégralement réinvestis dans un PEA-PME. Cela permettrait ainsi de relancer l’investissement vers les PME-ETI.

Cette solution présente trois avantages.

Premièrement, elle est de nature à augmenter considérablement la collecte du PEA-PME, avec toutes les retombées inhérentes, dans un contexte de forte diminution des encours des fonds éligibles - on constate un repli d’environ 100 millions d’euros entre les mois d’octobre et de septembre.

Deuxièmement, elle n’aggrave pas la situation budgétaire. Hors de ce cadre, les plus-values n’auraient de toute façon pas été réalisées. Au contraire, elle provoque une rentrée immédiate de CSG-CRDS dans les caisses publiques, qui, sans le dispositif proposé, n’aurait pas lieu d’être.

Troisièmement, elle donne une nouvelle visibilité à ce dispositif.

M. le président. L'amendement n° 1722, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 34

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Lorsque les conditions prévues au II sont remplies, les gains nets mentionnés à l’article 150-0 A du code général des impôts sont réduits, par dérogation au 1 ter de l’article 150-0 D du même code, d’un abattement égal à :

1° 50 % de leur montant lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis moins de quatre ans à la date de la cession ;

2° 75 % de leur montant lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins quatre ans et moins de huit ans à la date de la cession ;

3° 90 % de leur montant lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession.

II. – L’abattement mentionné au I s’applique lorsque sont réunies les conditions suivantes :

1° La cession est intervenue entre le 1er juin 2015 et le 31 mai 2016 ;

2° Les actions, parts ou droits cédés ne sont pas éligibles au plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire mentionné à l’article L. 221-32-1 du code monétaire et financier ;

3° Le produit de la cession est, dans un délai de trente jours, versé sur un plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises et investis en titres mentionnés à l’article L. 221-32-2 du code monétaire et financier ;

4° Le contribuable s’engage à détenir les titres mentionnés au 3° de manière continue pour une durée minimale de 5 ans.

III. – Un décret précise les obligations déclaratives nécessaires à l’application du présent article.

IV. – La perte de recettes pour l’État résultant des I et II du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à instaurer un dispositif d’abattement exceptionnel afin d’inciter à l’investissement au sein d’un PEA-PME, produit qui est actuellement assez peu recherché.

Il s’agirait d’appliquer un abattement majoré aux cessions de titres non éligibles au PEA-PME dont le produit est réinvesti en totalité dans un PEA-PME pour une durée minimale de cinq ans.

Cet abattement majoré tient compte de l’ancienneté de la détention au moment de la date de la cession. La commission spéciale a souhaité prévoir une durée minimale de cinq ans, pour éviter un effet d’aubaine, le risque étant que des titres détenus depuis peu soient cédés fin décembre et réinvestis dès janvier dans le PEA-PME.

Parce que l’objectif est bien d’apporter du financement aux PME, il faut prévoir une durée suffisamment longue.

Il est clairement précisé que les titres dont la cession bénéficie d’un abattement majoré n’étaient pas éligibles au PEA-PME. Sans cette mention, on pourrait redouter des montages de cessions croisées élaborés pour transférer des parts de PME d’un compte-titre vers un PEA-PME, ce qui relèverait de l’abus de droit et serait qualifié comme tel.

Ce dispositif est plus « bordé » que celui que prévoient les autres amendements. En outre, il a une durée un peu plus longue, puisqu’il prendrait fin le 31 mai 2016.

M. le président. Le sous-amendement n° 1764 rectifié, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :

Amendement n° 1722,

I. – Alinéa 6

Remplacer le taux :

90 %

par le taux :

100 %

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :

... – La perte de recettes résultant pour l’État de l’alinéa 6 est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Nous sommes en désaccord avec la commission spéciale sur le taux d’abattement. Pour éviter d’inutiles calculs d’apothicaire, il serait plus judicieux de porter ce taux à 100 %.

Si ce sous-amendement était adopté, je me rallierais à l'amendement de la commission spéciale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 223 rectifié ter et 1455 rectifié bis, ainsi que sur le sous-amendement n° 1764 rectifié ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale émet un avis favorable sur ce sous-amendement ; ce sera en effet plus simple. Par conséquent, elle demande le retrait des amendements nos223 rectifié ter et 1455 rectifiés bis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Il est proposé d’exonérer d’impôt sur le revenu les gains de cessions de valeurs mobilières et droits sociaux des particuliers, lorsque le produit de cession est réinvesti dans un PEA-PME. Cette mesure est justifiée par la nécessité de soutenir l’investissement dans les PME-ETI.

Le Gouvernement n’y est pas favorable.

Tout d’abord, l’adoption de ces amendements conduirait à exonérer d’impôt sur le revenu l’ensemble des gains de cession réinvestis dans un PEA-PME, quelle que soit la nature des titres cédés, et non pas seulement les titres de FCP ou de SICAV, comme il est indiqué dans les exposés des motifs des deux premiers amendements en discussion commune.

Je rappelle l’ensemble des mesures spécifiques qu’a mis en place le Gouvernement pour le soutien au financement des entreprises, en particulier des PME.

Vous voulez aller au-delà de la réforme du PEA de l’année dernière, qui comprend une revalorisation du plafond du PEA, porté de 132 000 euros à 150 000 euros, et, surtout, la création du PEA-PME dédié aux titres de PME et ETI dont le plafond de versement est fixé à 75 000 euros.

Comme vous le savez, les plus-values de cession des titres réalisées dans le cadre du PEA et du PEA-PME sont définitivement exonérées d’impôt sur le revenu lorsque la détention du plan excède une durée de cinq ans. Toutefois, le PEA-PME n’est pas le seul outil fiscal mis au service du financement des PME. La loi de finances pour 2014 a réformé le régime des gains de cession de valeurs mobilières des particuliers pour en garantir l’attractivité et la lisibilité.

L’investissement dans les PME a fait l’objet d’un traitement spécifique, puisque les gains de cessions de valeurs mobilières peuvent bénéficier d’un abattement renforcé pouvant atteindre 85 % lorsque la souscription ou l’acquisition des titres cédés est intervenue à une date où l’entreprise était une PME de moins de dix ans, nonobstant son développement ultérieur.

Je rappelle également l’attachement du Gouvernement aux dispositifs de soutien à l’investissement que sont la réduction d’impôt sur le revenu dite « Madelin » et la réduction d’impôt de solidarité sur la fortune « ISF-PME ».

Toutes ces mesures visent à favoriser la prise de risque dans les entreprises, dans les PME en particulier. Elles sont donc de nature à répondre à vos préoccupations, mesdames, messieurs les sénateurs, sans qu’il soit nécessaire d’aller au-delà en exonérant d’impôt sur le revenu les gains de cession de titres sous condition de remploi du prix de vente dans un PEA-PME.

De surcroît, l’instauration d’un régime dérogatoire d’exonération des gains considérés, fût-elle conditionnelle et temporaire, nuirait à la lisibilité et à la stabilité de la norme fiscale.

Je pense que, sur le régime des gains de cession de valeurs mobilières, nous avons atteint un point d’équilibre qu’il convient de ne pas remettre en cause trop radicalement, notamment par des mesures du type de celles que vous proposez, qui sont extrêmement complexes en gestion.

Enfin, cette mesure, bien que limitée à une année, engendrerait une perte importante pour les finances publiques – même si elle n’est pas évaluée précisément –, à contre-courant de l’objectif de réduction des déficits publics.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de ces amendements et du sous-amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je partage l’avis du Gouvernement, même si, comme souvent, la démarche de Philippe Adnot part d’un bon sentiment : il faut booster le PEA-PME, car, il est vrai, ce nouvel outil ne rencontre pas un grand succès.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il ne marche pas du tout, même !

Mme Nicole Bricq. Je tenais à dire au Gouvernement que les banques n’étaient pas très allantes sur ce produit. Elles ne le proposent pas spontanément et, quand on leur en parle, elles ne sont pas enthousiastes. De ce point de vue, elles ne font pas leur travail.

Ce n’est pas la proposition de Philippe Adnot qui résoudra le problème, d’autant que le coût fiscal du sous-amendement est élevé.

Par conséquent, le groupe socialiste suivra l’avis du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. La commission spéciale s’est prononcée favorablement sur l’amendement n° 1722 de Mme la rapporteur, mais a rejeté la proposition de Philippe Adnot. Or, en séance publique, Mme la rapporteur s’y rallie et accepte de porter le taux d’abattement à 100 %, et ce sans réunir la commission spéciale.

Ce n’est pas la première fois que Mme la rapporteur émet un avis différent de celui qui a été arrêté par la commission spéciale. (Mme Catherine Deroche, corapporteur, proteste.)

Mes chers collègues, je suis membre de la commission spéciale ; celle-ci a été spécifiquement créée pour l’examen de ce texte. Un certain nombre de réunions ont été organisées, qui nous ont occupés longuement et qui ont mobilisé plus longuement encore les trois corapporteurs et le président.

Si, en séance publique, les avis rendus par la commission spéciale ne sont pas respectés, nous donnons du grain à moudre à nos détracteurs et nous agissons contre la démocratie. En effet, que donnons-nous à voir, sinon une institution qui ne respecte pas les travaux des commissions spéciales qu’elle a elle-même mises en place ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

C’est la raison pour laquelle le groupe CRC votera contre ce sous-amendement et contre l’amendement de la commission spéciale.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je souhaite apporter deux précisions.

En premier lieu, la commission spéciale a adopté l’amendement de Mme le corapporteur.

En second lieu, Philippe Adnot a déposé le sous-amendement n° 1764 rectifié entre la dernière réunion de la commission spéciale et la séance publique d’aujourd'hui. Par conséquent, la commission spéciale n’a pu l’examiner et Mme le corapporteur a estimé, à titre personnel, que ce sous-amendement pouvait recueillir un avis favorable.

Les choses sont donc très claires et il n’y a aucun problème.

Mme Annie David. C’est ce que vous dites !

M. le président. Monsieur Adnot, l'amendement n° 223 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Philippe Adnot. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 223 rectifié ter est retiré.

Madame Lamure, l'amendement n° 1455 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Élisabeth Lamure. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1455 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 1764 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1722, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34.

L’amendement n° 823 rectifié bis n’est pas soutenu.

L'amendement n° 805, présenté par MM. de Legge, Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Bignon, Bizet, Bouchet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Commeinhes et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et Des Esgaulx, M. Doligé, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Forissier, Fouché et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, M. Houel, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Pellevat, Pierre et Pointereau, Mmes Primas et Procaccia et MM. de Raincourt, Raison, Retailleau, Revet, Savary, Sido, Trillard, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 34

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- Le dernier alinéa du b de l’article 787 B du code général des impôts est supprimé.

II.- La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Cet amendement vise à mettre fin à une insécurité fiscale.

L'article du code général des impôts visé par le présent amendement prévoit que l’abattement sur les droits de mutation à titre gratuit ne vaut que si aucune modification n’intervient dans les participations pendant une durée de deux ans. Cela signifie que, pour continuer à bénéficier de cette exonération, aucun changement ne doit avoir lieu.

Cette disposition étant un nid à contentieux, nous proposons de la supprimer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

Comme l’a dit Mme Procaccia, cette disposition est un véritable nid à contentieux. L’assouplissement proposé est bienvenu. Il ne remet en cause ni l’esprit ni l’objet du dispositif Dutreil.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, comme sur tous ceux que nous examinerons à la suite de celui-ci et qui visent à réformer le pacte Dutreil.

Le Gouvernement a confié à une mission parlementaire le soin de formuler des recommandations pour faciliter et accompagner les transmissions et reprises d’entreprises, en particulier des TPE et des PME. Nous souhaitons attendre de connaître ces recommandations, qui seront remises au mois de juin, avant d’envisager toute modification du pacte Dutreil.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Le temps que le projet de loi Macron soit adopté, le rapport que vous évoquez, madame la secrétaire d’État, aura été publié. Je propose donc à mes collègues de voter notre amendement, laissant à la commission mixte paritaire le soin de décider.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 805.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34.

L'amendement n° 804, présenté par MM. de Legge, Allizard, Bignon et Bizet, Mme Canayer, MM. Cardoux, Commeinhes et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et Des Esgaulx, M. Doligé, Mme Duranton, MM. Forissier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, M. Houel, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Magras, Mandelli et Mayet, Mme Mélot, MM. Milon, Morisset, Mouiller et Pellevat, Mmes Primas et Procaccia et MM. de Raincourt, Retailleau, Revet, Savary, Sido, Trillard, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 34

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le b de l’article 787 B du code général des impôts est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Dans l’hypothèse où les titres sont détenus par une société possédant directement une participation dans la société dont les parts ou actions peuvent être soumis à un engagement collectif de conservation visé au a, ou lorsque la société détenue directement par le redevable possède une participation dans une société qui détient les titres de la société dont les parts ou actions peuvent être soumis à un engagement de conservation, l’engagement collectif de conservation est réputé acquis lorsque les conditions cumulatives ci-après sont réunies :

« - Le redevable détient depuis deux ans au moins, seul ou avec son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, les titres de la société qui possède une participation dans la société dont les parts ou actions peuvent être soumises à un engagement collectif, ou les titres de la société qui possède les titres de la société dont les parts ou actions peuvent être soumises à un engagement de conservation ;

« - Les parts ou actions de la société qui peuvent être soumises à un engagement collectif, sont détenues par la société interposée, depuis deux ans au moins, et atteignent les seuils prévus au premier alinéa du présent b ;

« Le redevable ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité exerce depuis plus de deux ans au moins, dans la société dont les parts ou actions peuvent être soumises à un engagement collectif, son activité professionnelle principale ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque la société est soumise à l'impôt sur les sociétés. »

II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2016.

III. – La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. L’engagement collectif « réputé acquis » permet au donataire d’une société de bénéficier de l’exonération partielle sur les droits de donation, sans qu’un pacte formel ait été conclu.

Ainsi, au jour de la donation, la période de conservation collective des titres transmis est considérée comme déjà accomplie lorsque le donateur détient, seul ou avec son conjoint ou partenaire de PACS, les titres de la société depuis plus de deux ans, et lorsque le donateur, ou son conjoint ou partenaire de PACS, dirige la société depuis plus de deux ans.

Les holdings non animatrices, qui structurent pourtant de nombreux groupes, ne peuvent pas bénéficier de l’engagement collectif « réputé acquis ». Or tel qu’il est actuellement rédigé, l’article 787 B laisse entendre qu’il n’est pas applicable aux titres d’une société interposée.

Le refus d’appliquer ce dispositif aux sociétés interposées marque une discrimination inacceptable à raison de la structuration juridique d’un groupe de sociétés et/ou des modes de détention d’une société opérationnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’assouplissement proposé permettrait de remédier à une différence de traitement injustifiée entre détention directe et indirecte. Dans la mesure où il ne remet en cause ni l’esprit ni l’objet du dispositif Dutreil, la commission spéciale y est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 804.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 803, présenté par Mme Des Esgaulx, MM. Allizard, G. Bailly, Bas, Bignon, Bizet, Bouchet et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Charon, Chasseing, Commeinhes et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mme Deromedi, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Forissier, Fouché, B. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, M. Houel, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nougein, Pellevat et Pointereau, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 34

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le second alinéa du e de l’article 787 B du code général des impôts est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« À compter de la transmission et jusqu'à l'expiration de l'engagement collectif de conservation visé au a, la société est tenue d’adresser, sur demande expresse de l’administration, une attestation certifiant que les conditions prévues aux a et b sont remplies au 31 décembre de chaque année.

« À compter de la fin de l'engagement collectif de conservation visé au a, et jusqu’à l’expiration de l’engagement visé au c, les héritiers, donataires ou légataires qui ont bénéficié de l’exonération partielle, sont tenus d’adresser, sur demande expresse de l’administration, une attestation certifiant que les conditions prévues aux a, b et c, sont remplies au 31 décembre de chaque année. »

II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2016.

III. – La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Sophie Primas.

Mme Sophie Primas. Lorsqu’une entreprise est transmise sous le bénéfice de l’exonération partielle « Dutreil », les donataires doivent adresser, au plus tard le 31 mars de chaque année, une attestation certifiant que toutes les conditions du régime Dutreil sont satisfaites.

Une simple omission de leur part remet en cause l’avantage fiscal, alors même que les conditions du régime Dutreil sont effectivement respectées.

Cette obligation déclarative annuelle doit être supprimée. Le contribuable serait en revanche tenu de fournir cette attestation sur première demande de l’administration.

Il s’agit d’une mesure de simplification à la fois pour les services de l’État et pour les citoyens.

M. le président. L'amendement n° 237 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Requier, Mézard, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Arnell, Barbier et Collombat, est ainsi libellé :

Après l’article 34

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa du e de l’article 787 B du code général des impôts est ainsi rédigé :

« À l’expiration de l’engagement collectif de conservation visé au a, la société doit adresser, dans un délai de trois mois, une attestation certifiant que les conditions prévues aux a et b ont été constamment remplies, ainsi que l’ensemble des justificatifs en attestant. »

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai également l’amendement n° 243 rectifié, dont l’objet est identique.

Les propositions que nous faisons sont un peu plus complètes que celles qui viennent d’être présentées.

Nous pensons que, au lieu d’exiger une attestation annuelle, ce qui est tout de même assez contraignant, nous pourrions prévoir une attestation soit à la demande de l’administration, ce qui paraît tout à fait logique, soit à la fin du délai de garde requis.

M. le président. L’amendement n° 243 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :

Après l’article 34

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa du e de l’article 787 B du code général des impôts est ainsi rédigé :

« À la première demande de l'administration et dans tous les cas, à l’expiration de l’engagement collectif de conservation visé au a, la société, au cours de l'engagement collectif, ou les bénéficiaires de la transmission, au cours de la période de l'engagement individuel, doivent adresser, dans un délai de deux mois, une attestation certifiant que les conditions prévues aux a et b ont été constamment remplies, ainsi que l’ensemble des justificatifs en attestant. »

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Même si cette simplification paraît bienvenue – elle aurait même été suggérée dans le rapport Mandon –, elle soulève en réalité deux problèmes.

Une obligation de déclaration in fine ou à la demande de l’administration pose le problème de la prescription lorsque l’administration découvre tardivement qu’un engagement de conservation n’a pas été respecté.

Compte tenu des enjeux fiscaux importants attachés au dispositif Dutreil, l’administration sera encline, dans ces conditions, à réclamer chaque année un justificatif qui lui est pour l’instant systématiquement transmis.

Finalement, la simplification recherchée risque de conduire à de plus grandes difficultés tant pour les déclarants que pour l’administration.

La commission spéciale demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Même avis !

M. le président. Monsieur Collombat, les amendements nos 237 rectifié et 243 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Pierre-Yves Collombat. Je n’en reviens pas !

S’il y a prescription, c’est que l’administration n’a pas fait son travail. Elle n’a donc qu’à le faire ! L’adoption de ces amendements inciterait l’administration à réclamer les pièces dans les délais.

Il ne me semble pas extraordinaire de prévoir la fourniture d’une attestation sur la demande de l’administration et à la fin de la période. Il paraît que l’on est à la recherche de mesures de simplification : en voilà une !

J’ignore qui a bien pu inventer cet argumentaire : est-ce l’administration, afin de se donner le temps d’agir, ou de ne pas agir, d’ailleurs ?

Très franchement, j’avoue ne pas comprendre cette fin de non-recevoir, alors que nous proposons une mesure de bon sens.

Je maintiens les amendements !

M. le président. Madame Primas, l'amendement n° 803 est-il maintenu ?

Mme Sophie Primas. Malgré notre loyauté envers la commission spéciale et notre collègue rapporteur, nous maintenons cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Non, monsieur Collombat, l’administration n’est pas à l’origine de notre argumentaire.

Même si nous partageons votre souci de simplification, nous pensons, je le répète, que l’administration demandera chaque année un justificatif afin d’éviter l’écueil de la prescription.

M. Pierre-Yves Collombat. Qu’elle le fasse !

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cela étant dit, nous n’allons pas en faire un casus belli !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 803.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34, et les amendements nos 237 rectifié et 243 rectifié n’ont plus d'objet.

L'amendement n° 802, présenté par Mme Des Esgaulx, MM. Allizard, G. Bailly, Baroin, Bignon et Bizet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Commeinhes et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mme Deromedi, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Duvernois, Emorine, Forissier, B. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, M. Houel, Mme Imbert, MM. Joyandet et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Pellevat et Pointereau, Mmes Primas et Procaccia et MM. de Raincourt, Retailleau, Revet, Savary, Sido, Trillard, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 34

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le f de l’article 787 B du code général des impôts est ainsi rédigé :

« f. En cas de non-respect des conditions prévues aux a ou c, par suite d'un apport partiellement rémunéré par la prise en charge d'une soulte consécutive à un partage ou d'un apport pur et simple de titres d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale à une société dont l'objet unique est la gestion de son propre patrimoine constitué exclusivement de participations dans une ou plusieurs sociétés du même groupe que la société dont les parts ou actions ont été transmises et ayant une activité, soit similaire, soit connexe et complémentaire, l'exonération partielle n'est pas remise en cause si les conditions suivantes sont réunies :

« 1° La société bénéficiaire de l'apport est détenue en totalité par les personnes physiques bénéficiaires de l'exonération. Le donateur peut toutefois détenir une participation directe dans le capital social de cette société, sans que cette participation puisse être majoritaire. Elle est dirigée directement par une ou plusieurs des personnes physiques bénéficiaires de l'exonération. Les conditions tenant à la composition de l'actif de la société, à la détention de son capital et à sa direction doivent être respectées à l'issue de l'opération d'apport et jusqu'au terme de l’engagement mentionné au c ;

« 2° La société bénéficiaire de l'apport prend l'engagement de conserver les titres apportés jusqu'au terme de l'engagement prévu au c ;

« 3° Les héritiers, donataires ou légataires, associés de la société bénéficiaire des apports doivent conserver, pendant la durée mentionnée au 2°, les titres reçus en contrepartie de l'opération d'apport. »

II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2016.

III. – La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. À la suite d’une donation réalisée sous le bénéfice de l’exonération « Dutreil », le donataire ne peut pas apporter les titres reçus à une société holding tant que l’engagement collectif n’est pas achevé. Il peut en revanche le faire si l’engagement individuel a débuté.

Très souvent, le donateur attribue l’entreprise à l’un de ses enfants, à charge pour ce dernier de dédommager les autres par le biais d’une soulte, via une donation-partage. Pour financer cette soulte, le donataire est souvent amené à constituer une société qui détiendra, à l’actif, les titres reçus, et, au passif, la dette de la soulte.

Au surplus, le code civil prévoit que la soulte due par le repreneur est susceptible d’être réévaluée si, au moment de son règlement, la valeur des biens partagés a augmenté ou diminué de plus du quart.

Cette impossibilité de réaliser un tel apport immédiatement après la donation a donc pour conséquence de fragiliser l’opération de transmission dans son ensemble.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Avis favorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 802.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34.

L'amendement n° 801 rectifié, présenté par Mme Des Esgaulx, MM. Allizard, G. Bailly, Baroin, Bignon, Bizet, Bouchet et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon, Commeinhes, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mme Deromedi, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Duvernois, Emorine, Forissier, B. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet, Grosdidier et Houel, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nougein et Pellevat, Mmes Primas et Procaccia et MM. de Raincourt, Retailleau, Revet, Savary, Sido, Vasselle, Courtois, Darnaud, Savin et Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 34

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'avant-dernier alinéa de l’article 787 B du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Lorsque le donateur est âgé de soixante-dix ans ou moins, les dispositions du présent article s'appliquent en cas de donation avec réserve d'usufruit à la condition que les droits de vote de l’usufruitier soient statutairement limités aux décisions n’ayant pas pour effet de modifier les statuts sociaux. Lorsque le donateur est âgé de plus de soixante-dix ans, les dispositions du présent article s’appliquent en cas de donation avec réserve d’usufruit à la condition que les droits de vote de l’usufruitier soient statutairement limités aux décisions concernant l’affectation des bénéfices ou des pertes. »

II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2016.

III. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Cet amendement vise également à encourager les transmissions anticipées, en particulier les transmissions familiales – si elles sont permises dans le droit français, elles sont très compliquées –, en préservant les droits de vote du donateur lorsqu’il se réserve l’usufruit des droits sociaux donnés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement semble contraire à l’objet du dispositif Dutreil, qui est de favoriser la bonne transmission des entreprises, laquelle justifie l’avantage fiscal octroyé.

Le but de cet avantage est de favoriser les transmissions d’entreprises réelles, c’est-à-dire le transfert effectif du pouvoir décisionnel dans l’entreprise. Maintenir le droit de vote du donateur, fût-il usufruitier, revient à faire de ce dispositif un simple montage patrimonial défiscalisant, sans justification économique.

S’il est tout à fait vrai qu’il est souvent utile que le donateur usufruitier accompagne ses successeurs, il peut le faire sans se substituer à eux. Sinon, le transfert n’est que formel et la bonne transmission de l’entreprise n’est pas assurée.

La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Défavorable !

M. le président. Madame Procaccia, l'amendement n° 801 rectifié est-il maintenu ?

Mme Catherine Procaccia. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 801 rectifié est retiré.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Articles additionnels après l’article 34 (début)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Discussion générale

6

Conférence des présidents

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de procéder à la lecture des conclusions de la conférence des présidents, je voudrais vous informer que M. le président du Sénat a souhaité, en lien avec le Gouvernement, réunir de nouveau, de manière impromptue, la conférence des présidents pour faire le point sur l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Notre « braquet », constant depuis le début de la discussion du texte, est d’environ douze amendements par heure. Il reste 837 amendements à examiner. Comme l’a dit M. le président de la commission spéciale, les cols sont durs à monter…

Conformément à l’attente des groupes et de tous les sénateurs, nous avons précisé l’ordre du jour relatif à la suite et à la fin de l’examen de ce projet de loi.

Le Gouvernement a accepté que nous ne siégions plus le samedi 18 avril, le matin et l’après-midi. En contrepartie, nous nous sommes engagés à siéger le vendredi 17 avril, le matin, l’après-midi, le soir et la nuit jusqu’à 6 heures du matin. (Exclamations.)

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas raisonnable !

M. le président. Pour la suite de l’examen de ce texte, nous siégerons, comme prévu, les lundi 4 mai et mardi 5 mai. Le Gouvernement a, en outre, accepté d’ajouter le mercredi 6 mai et le jeudi 7 mai si nécessaire.

Les explications de vote des groupes et le vote sur l’ensemble du texte sont donc programmés le mardi 12 mai.

Compte tenu des engagements pris par les uns et les autres, nous comptons sur chaque groupe politique pour que cet ajustement de programme soit respecté. Cela suppose que chacun d’entre nous fasse un effort de concision lors de la présentation des amendements qu’il reste à examiner et lors des explications de vote.

Mme Laurence Cohen. C’est scandaleux !

M. le président. Ce nouveau calendrier implique par ailleurs de reporter à une date ultérieure l’important débat sur les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte, initialement prévu le mardi 12 mai. Ce débat sera programmé à nouveau en juin.

M. Roger Karoutchi. Et voilà !

M. le président. La conférence des présidents, qui s’est réunie ce soir, jeudi 16 avril 2015, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Vendredi 17 avril 2015

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et la nuit :

1°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas relatif à la coopération insulaire en matière policière à Saint-Martin (texte de la commission, n° 385, 2014-2015).

2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le conseil des ministres de la République d’Albanie portant sur l’application de l’accord entre la Communauté européenne et la République d’Albanie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier (texte de la commission, n° 397, 2014-2015).

3°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de la convention n° 188 de l’Organisation internationale du travail relative au travail dans la pêche (texte de la commission, n° 399, 2014-2015).

(Pour ces trois projets de loi, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée. Selon cette procédure, les projets de loi sont directement mis aux voix par le président de séance.)

4°) Suite du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (texte de la commission, n° 371, 2014-2015).

SUSPENSION DES TRAVAUX EN SÉANCE PLÉNIÈRE :

du lundi 20 avril au dimanche 3 mai 2015

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Lundi 4 mai 2015

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 10 heures, à 14 heures 30, le soir et la nuit :

Suite du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Mardi 5 mai 2015

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30, le soir et la nuit :

Suite du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Mercredi 6 mai 2015

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 et le soir :

Suite du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

En outre, à 14 heures 30 :

Désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l’organisation, de l’activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes.

(Les candidatures à cette commission d’enquête devront être remises au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle avant le mardi 5 mai, à 16 heures.)

Jeudi 7 mai 2015

À 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’arrangement concernant les services postaux de paiement (texte de la commission, n° 412, 2014-2015).

2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la Convention postale universelle (texte de la commission, n° 413, 2014-2015).

(Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée. Selon cette procédure, les projets de loi sont directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le mardi 5 mai, à 17 heures, qu’un projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle.)

3°) Projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et l’Ukraine, d’autre part (procédure accélérée) (texte de la commission, n° 401, 2014-2015).

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 6 mai, à 17 heures.)

4°) Projet de loi modifiant la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer (procédure accélérée) (texte de la commission, n° 408, 2014-2015).

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 6 mai, à 17 heures ;

- au lundi 4 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des finances se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 6 mai matin.)

5°) Suite du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

De 15 heures à 15 heures 45 :

6°) Questions cribles thématiques sur la forêt française (Diffusion en direct sur France 3 et Public Sénat).

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.)

À 16 heures et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

7°) Suite de l’ordre du jour du matin.

8°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la réforme de l’asile (n° 193, 2014-2015).

(La commission des lois se réunira pour le rapport le mardi 5 mai matin et après-midi (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 mai, à 12 heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 6 mai, à 17 heures ;

- au jeudi 7 mai, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le lundi 11 mai matin.)

SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE

Lundi 11 mai 2015

Ordre du jour fixé par le Gouvernement (en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution) :

À 14 heures 30 et le soir :

Suite du projet de loi relatif à la réforme de l’asile.

Mardi 12 mai 2015

À 9 heures 30 :

1°) Questions orales.

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 1038 de Mme Dominique Estrosi Sassone à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports ;

(Possibilité d’effectuer un service civique auprès des bailleurs sociaux)

- n° 1041 de M. Christian Favier à M. le ministre des finances et des comptes publics ;

(Révision des valeurs locatives et concertation)

- n° 1044 de M. Jean-Patrick Courtois à M. le ministre de l’intérieur ;

(Situation des sans domicile fixe dans les centres-villes)

- n° 1047 de Mme Corinne Imbert à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ;

(Incertitudes liées au projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement)

- n° 1051 de M. Yannick Botrel à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ;

(Incitation à la méthanisation agricole)

- n° 1052 de M. Cyril Pellevat à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

(Aménagement des conditions de transport pour les élèves de formation biqualifiante)

- n° 1053 de M. Richard Yung à M. le ministre de l’intérieur ;

(Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France)

- n° 1055 de Mme Françoise Cartron à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ;

(Prise en charge du traitement des malades touchés par le syndrome d’Arnold Chiari)

- n° 1057 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam à M. le ministre de l’intérieur ;

(Délivrance d’un duplicata du permis de conduire aux Français de l’étranger)

- n° 1058 de Mme Gisèle Jourda à Mme la ministre de la culture et de la communication ;

(Devenir de la profession des guides-conférenciers)

- n° 1059 de M. Marc Laménie à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche ;

(Avenir de la ligne SNCF de TER entre Charleville-Mézières et Givet)

- n° 1060 de M. Franck Montaugé à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ;

(Modalités de financement pour les établissements de santé isolés géographiquement)

- n° 1061 de M. Bruno Sido à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

(Place de l’éducation nationale dans le système de formation par apprentissage)

- n° 1063 de M. Daniel Chasseing à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ;

(Situation des éleveurs français)

- n° 1064 de M. Michel Canevet à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

(Classement du collège Kerhallet de Brest en réseau d’éducation prioritaire renforcé)

- n° 1065 de M. Mathieu Darnaud à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, transmise à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ;

(Restriction de l’écobuage en zone rurale)

- n° 1069 de M. Gilbert Roger à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international ;

(Situation des Chrétiens d’Orient)

- n° 1075 de M. Daniel Reiner à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche ;

(Autoroute A31 bis)

- n° 1081 de Mme Sylvie Robert à M. le secrétaire d’État chargé des sports ;

(Encadrement des droits-télé de football au niveau européen et équité sportive)

- n° 1084 de M. Pierre-Yves Collombat à M. le ministre de l’intérieur ;

(Décrets d’application de la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations)

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 14 heures 30 :

2°) Explications de vote des groupes sur le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

(La conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 11 mai, à 17 heures.)

De 15 heures 15 à 15 heures 45 :

3°) Vote par scrutin public sur le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

(La conférence des présidents a décidé que le scrutin public serait organisé en salle des Conférences pendant une durée de trente minutes à l’issue des explications de vote, en application du chapitre XV bis de l’instruction générale du Bureau.)

À 15 heures 45 :

4°) Proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

À 16 heures :

5°) Débat sur l’avenir industriel de la filière aéronautique et spatiale face à la concurrence (demande du groupe CRC).

(La conférence des présidents a :

- attribué un temps d’intervention de dix minutes au groupe CRC ;

- fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 11 mai, à 17 heures.)

À 17 heures 30 :

6°) Question orale avec débat n° 10 de M. Joël Labbé à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie sur les risques inhérents à l’exploitation de l’huître triploïde (demande du groupe écologiste).

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 11 mai, à 17 heures.

Conformément à l’article 82, alinéa 1, du Règlement, l’auteur de la question et chaque orateur peuvent utiliser une partie de leur temps de parole pour répondre au Gouvernement.)

Le soir :

7°) Débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe (demande des groupes UMP et UDI-UC).

(La conférence des présidents a :

- attribué un temps d’intervention de dix minutes respectivement au groupe UMP et au groupe UDI-UC ;

- fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 11 mai, à 17 heures.)

Mercredi 13 mai 2015

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 14 heures 30 :

Proposition de résolution tendant à réformer les méthodes de travail du Sénat dans le respect du pluralisme, du droit d’amendement et de la spécificité sénatoriale, pour un Sénat plus présent, plus moderne et plus efficace, présentée par M. Gérard Larcher, président du Sénat (n° 380, 2014-2015).

(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 6 mai matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 mai, à 12 heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 12 mai, à 17 heures ;

- au lundi 11 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 13 mai matin.)

SEMAINE SÉNATORIALE

Lundi 18 mai 2015

À 14 heures 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement (en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution) :

1°) Suite du projet de loi relatif à la réforme de l’asile.

Ordre du jour fixé par le Sénat :

2°) Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2014-1539 du 19 décembre 2014 relative à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon (procédure accélérée) (texte de la commission, n° 416, 2014-2015) (demande du Gouvernement).

(La conférence des présidents a fixé :

- à trente minutes la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 15 mai, à 17 heures ;

- au lundi 11 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 13 mai matin.)

Mardi 19 mai 2015

De 14 heures 30 à 18 heures 30 :

Ordre du jour réservé au groupe CRC :

1°) Proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur l’utilisation et la commercialisation d’armes de quatrième catégorie, et à interdire leur utilisation par la police ou la gendarmerie contre des attroupements ou manifestations, présentée par Mme Éliane Assassi et plusieurs de ses collègues (n° 2, 2014-2015).

(La commission des lois se réunira pour le rapport le mardi 12 mai matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 11 mai, à 12 heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 18 mai, à 17 heures ;

- au lundi 18 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 19 mai matin.)

2°) Débat sur le rétablissement de l’allocation équivalent retraite.

(La conférence des présidents a :

- attribué un temps d’intervention de dix minutes au groupe CRC ;

- fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 18 mai, à 17 heures.)

Mercredi 20 mai 2015

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 14 heures 30 :

1°) Proposition de loi simplifiant les conditions de saisine du conseil national d’évaluation des normes, présentée par MM. Jean-Marie Bockel et Rémy Pointereau (n° 120, 2014-2015) (demande des groupes UMP et UDI-UC).

(La commission des lois se réunira pour le rapport le mardi 12 mai matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 11 mai, à 12 heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 19 mai, à 17 heures ;

- au lundi 18 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 20 mai matin.)

2°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires (n° 277, 2014-2015) (demande du groupe UMP).

(La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées se réunira pour le rapport le mercredi 13 mai matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 11 mai, à 12 heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 19 mai, à 17 heures ;

- au lundi 18 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 20 mai matin.)

Jeudi 21 mai 2015

De 9 heures à 13 heures :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste et apparentés :

1°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales (n° 375, 2014-2015).

(La commission des lois se réunira pour le rapport le mardi 12 mai après-midi (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 11 mai, à 12 heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 20 mai, à 17 heures ;

- au lundi 18 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 20 mai matin.)

2°) Proposition de loi relative au parrainage civil, présentée par M. Yves Daudigny et les membres du groupe socialiste et apparentés (n° 390, 2014-2015).

(La commission des lois se réunira pour le rapport le mardi 12 mai après-midi (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 11 mai, à 12 heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 20 mai, à 17 heures ;

- au lundi 18 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 20 mai matin.)

À 15 heures :

3°) Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3 et Public Sénat).

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.)

De 16 heures 15 à 20 heures 15 :

Ordre du jour réservé au groupe UDI – UC :

4°) Proposition de loi tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police, présentée par M. Yves Pozzo di Borgo et plusieurs de ses collègues (n° 391, 2014-2015).

(La commission des lois se réunira pour le rapport le mardi 12 mai matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 11 mai, à 12 heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 20 mai, à 17 heures ;

- au lundi 18 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 20 mai matin.)

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 26 mai 2015

À 9 heures 30 :

1°) Questions orales.

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 1056 de Mme Anne-Catherine Loisier à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

(Baisse programmée des dotations horaires de collèges en Côte-d’Or)

- n° 1066 de M. Daniel Chasseing à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche ;

(TGV Limousin)

- n° 1067 de M. Henri de Raincourt à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique ;

(Crise économique dans le secteur des travaux publics)

- n° 1068 de Mme Sophie Joissains à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice ;

(Avenir du pôle judiciaire d’Aix-en-Provence)

- n° 1070 de M. Michel Vaspart à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale ;

(Réalisation des schémas de mutualisation et fusion de communautés de communes)

- n° 1071 de M. Philippe Mouiller à M. le ministre de l’intérieur ;

(Dotation de solidarité rurale et fraction « bourg-centre »)

- n° 1072 de Mme Colette Mélot à Mme la ministre de la culture et de la communication ;

(Site des archives nationales de Fontainebleau)

- n° 1073 de M. René Danesi transmise à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité ;

(Fin de l’instruction des autorisations du droit du sol par l’État pour le compte des collectivités territoriales)

- n° 1074 de Mme Catherine Procaccia à M. le secrétaire d’État chargé du budget ;

(Révision des valeurs locatives des locaux professionnels et logements particuliers)

- n° 1076 de M. Gilbert Roger à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ;

(Fermeture de l’agence de la caisse primaire d’assurance maladie de Bondy)

- n° 1077 de M. Alain Fouché à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire ;

(Gaspillage alimentaire et dates de péremption)

- n° 1078 de M. François Bonhomme à M. le ministre de la défense ;

(Avenir du 31ème régiment du génie de Castelsarrasin)

- n° 1095 de M. Georges Labazée à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;

(Avenir de l’organisme intermédiaire des plans locaux pour l’insertion et l’emploi Sud Aquitaine)

- n° 1097 de Mme Anne Emery-Dumas à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ;

(Recrudescence et surenchère de contrôles en exploitation des agriculteurs)

- n° 1100 de M. Dominique Watrin à M. le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire ;

(Milliers de dossiers d’anciens combattants en souffrance à la sous-direction des pensions de La Rochelle)

- n° 1102 de Mme Valérie Létard à M. le ministre des finances et des comptes publics ;

(Réorganisation des services des douanes du Valenciennois)

- n° 1106 de M. Dominique Bailly à M. le ministre de l’intérieur ;

(Validité prolongée de la carte nationale d’identité comme document officiel de voyage)

- n° 1107 de M. Jean-Jacques Filleul à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ;

(Avenir de l’établissement français du sang Centre-Atlantique)

- n° 1108 de M. Roland Courteau à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche ;

(Travaux de regénération de la ligne ferroviaire Carcassonne-Quillan)

- n° 1112 de M. Éric Bocquet à M. le ministre des finances et des comptes publics ;

(Information des parlementaires sur la mise en oeuvre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi)

À 14 heures 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

2°) Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, portant nouvelle organisation territoriale de la République (n° 336, 2014-2015).

(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 13 mai matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 11 mai, à 12 heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 22 mai, à 17 heures ;

- au jeudi 21 mai, à 15 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 26 mai matin et le mercredi 27 mai matin.)

Mercredi 27 mai 2015

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 et le soir :

- Suite de la deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Jeudi 28 mai 2015

À 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Suite de la deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

De 15 heures à 15 heures 45 :

2°) Questions cribles thématiques (Diffusion en direct sur France 3 et Public Sénat).

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.)

À 16 heures et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

3°) Suite de la deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Vendredi 29 mai 2015

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :

Suite de la deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Y a-t-il des observations sur les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?

Ces propositions sont adoptées.

7

Articles additionnels après l’article 34 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l'article 34 (suite)

Croissance, activité et égalité des chances économiques

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 34.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 34 bis A (nouveau)

Articles additionnels après l'article 34 (suite)

M. le président. L'amendement n° 1499, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 34

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa du I de l’article L. 512-1 du code des assurances, les mots : « et regroupant les professions de l’assurance concernées » sont remplacés par les mots : « et composé de membres issus des domaines de l’assurance, de la banque et de la finance ».

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Il s’agit d’un amendement un peu technique tendant à modifier l’article L. 512-1 du code des assurances pour sécuriser juridiquement la représentation des intermédiaires de la banque et de la finance au sein de l’organisme pour le registre des intermédiaires en assurance, l’ORIAS. Cet organisme est une association chargée de l’immatriculation des intermédiaires en assurance, en banque et en finance. Aujourd’hui, sa composition doit être mise en conformité avec ses missions, dont le champ a été élargi récemment. Tel est l’objet du présent amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. L’avis de la commission est favorable. L’adoption de cet amendement est nécessaire en raison de l’extension du champ d’intervention de l’ORIAS aux secteurs de la banque et de la finance, du fait de la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1499.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34.

Articles additionnels après l'article 34 (suite)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l’article 34 bis A

Article 34 bis A (nouveau)

Après la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 131-1 du code des assurances, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Le contrat d’assurance, sous réserve qu’il comporte un montant minimum exprimé en unités de comptes de 125 000 €, peut prévoir que le règlement est effectué par la remise de parts de fonds communs de placement à risques ou de fonds professionnels spécialisés investis en titres financiers de PME ou d’ETI non admis à la négociation sur un marché réglementé, dans une proportion n’excédant pas la part du capital garanti exprimé en unités de comptes constituées de telles parts ou actions, laquelle part est plafonnée à 10 % du montant total du contrat. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 30 est présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 1520 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l’amendement n° 30.

M. Thierry Foucaud. Nous souhaitons supprimer l’article 34 bis A, qui a été adopté par la commission spéciale.

L’objectif visé au travers de cet article est pourtant louable, puisqu’il s’agit d’augmenter le financement des petites et moyennes entreprises, les PME, des très petites entreprises, les TPE, et des petites et moyennes industries, les PMI.

En réalité, la mise en œuvre de son dispositif permettrait à un certain nombre de nos concitoyens parmi les plus fortunés, disposant d’un contrat d’assurance-vie en unités de compte d’une valeur supérieure à 125 000 euros, d’alimenter ces nouveaux contrats en France plutôt qu’à l’étranger. Il est à souligner que les flux enregistrés à ce titre vers le Luxembourg pour le compte de résidents français restent très soutenus et même progressent.

Le dispositif de l’article 34 bis A offrirait ainsi une solution à de riches épargnants souhaitant transférer, sans subir d’imposition supplémentaire, des capitaux qui dorment actuellement dans des fonds monétaires. Ces épargnants seraient en effet nombreux à laisser leur argent dans des véhicules dont la rentabilité, comme le taux d’intérêt, est désormais proche de zéro, afin d’éviter de payer l’impôt sur les plus-values latentes.

Cette clause de remploi pour la seule année 2015 vise donc à réorienter une épargne de court terme vers le financement des TPE, des PME ou des PMI, avec un taux de croissance moyen espéré de plus de 15 % par an.

Sans nul doute, il s’agirait d’une véritable aubaine pour ces épargnants fortunés, mais nous estimons que d’autres sources de financement peuvent être mobilisées pour soutenir ces entreprises. On pourrait notamment changer les règles et critères de distribution du crédit par les banques, modifier les rapports entre grands donneurs d’ordres et sous-traitants, en obligeant les grandes sociétés à coopérer avec les PME pour partager les résultats de leurs recherches ou encore permettre à ces petites entreprises d’augmenter considérablement le niveau de qualification de leurs salariés.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 1520.

M. Emmanuel Macron, ministre. L’objet est identique à celui de l’amendement qui vient d’être présenté, mais la finalité est profondément différente. En effet, je proposerai de récrire cet article au travers d’un amendement que je présenterai dans un instant.

Je propose de supprimer cet article relatif aux règlements en titres financiers de contrats d’assurance-vie, qui crée la possibilité pour l’assureur, si le contrat le prévoit, de régler de sa propre initiative le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie au moyen de ces titres, de sorte que le bénéficiaire assumerait seul le risque de liquidité.

Par ailleurs, l’article 34 bis A comporte certains risques d’optimisation fiscale en ne prévoyant pas suffisamment de restrictions quant aux titres financiers au moyen desquels le contrat peut être réglé.

La possibilité encadrée de régler en titres ne doit pas conduire à dénaturer les contrats d’assurance-vie, dont l’objet n’est pas de permettre la gestion et la transmission de parts de sociétés particulières sans mutualisation entre les assurés.

Tel qu’il est rédigé, l’article 34 bis A pose plusieurs problèmes d’ordre technique, ce qui me conduit à en demander la suppression, afin de pouvoir ensuite en proposer, au travers d’un amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 34 bis A que je présenterai dans un instant, une réécriture en des termes plus adéquats, qui ont d’ailleurs fait l’objet de discussions avec plusieurs d’entre vous, dont M. Adnot.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ces deux amendements tendent à supprimer le présent article pour des raisons totalement différentes, en effet. La commission y est favorable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. J’ai apprécié le travail que nous avons pu mener avec la commission spéciale, qui a repris l’amendement que j’avais déposé. Il y a eu en la matière une réelle volonté de compréhension mutuelle.

J’ai également apprécié le travail que nous avons fait avec le cabinet du ministre. Là encore, une véritable volonté de compréhension mutuelle s’est manifestée, ce qui n’est pas si fréquent et mérite d’être souligné.

Notre but est rigoureusement le même : créer des conditions permettant de rendre utile de l’argent qui dort en l’orientant vers le financement des entreprises.

Je n’ai pas encore d’opinion sur l’amendement n° 1496 rectifié bis du Gouvernement. Il est, de prime abord, tellement plus large, plus favorable, moins bordé que le texte de la commission que l’on peut légitimement s’en étonner.

La commission avait en effet introduit dans le dispositif une précaution, afin d’éviter qu’un risque éventuel ne soit supporté par les petits épargnants. Avec des placements de ce type, les rendements peuvent être certes plus importants, mais les risques aussi !

Le dispositif de l’amendement déposé par le Gouvernement, que j’ai lu rapidement, ne comporte plus cette précaution, ni le plafond de 10 %. Je pourrais dire que nous sommes plus que satisfaits, si ce n’est que les actifs visés ne sont plus exactement les mêmes. C’est peut-être un peu dommage, mais j’attendrai vos explications, monsieur le ministre, avant d’arrêter ma position.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 30 et 1520.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 34 bis A est supprimé.

Article 34 bis A (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 34 bis B (nouveau)

Articles additionnels après l’article 34 bis A

M. le président. L’amendement n° 1496 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 34 bis A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 131-1 du code des assurances, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :

« Dans le respect des actifs éligibles en représentation des engagements en unités de compte, le contractant peut également opter lors de la souscription pour la remise de titres ou de parts non négociables lors du rachat, total ou partiel, du contrat. Ce paiement en titres ou parts non négociables ne peut s’opérer qu’avec des titres ou parts qui ne confèrent pas de droit de vote, et qu’à la condition que le cocontractant, son conjoint, leurs ascendants, leurs descendants ou leurs frères et sœurs n’aient pas détenu directement ou indirectement, au cours des cinq années précédant le paiement, des titres ou parts de la même entité que ceux remis par l’assureur. »

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je voudrais préciser en quoi consistent les dispositifs anti-abus que nous avons introduits dans ce texte.

Le code des assurances pose aujourd’hui le principe d’un règlement en espèces des contrats d’assurance-vie et, sous certaines conditions limitatives, en titres négociables. Ces limites peuvent constituer un frein à la mobilisation des encours d’assurance-vie pour le financement de l’économie. Les assureurs pourraient investir davantage dans des actifs moins liquides, par exemple au bénéfice des PME, si, dans certaines conditions, ils n’avaient pas à régler en espèces, et donc à liquider ces titres, dans des délais courts, fixés à un mois aujourd’hui.

Il s’agit toutefois de ne pas dénaturer les contrats d’assurance-vie, dont l’objet n’est pas de permettre la gestion et la transmission de parts de sociétés particulières avec une fiscalité allégée et sans mutualisation entre assurés. Nous voulons en effet éviter les stratégies d’optimisation, par exemple qu’un assuré place son petit commerce dans un tel contrat pour pouvoir ensuite le transmettre à ses enfants sans payer les droits de succession normalement requis.

C’est pourquoi il est précisé dans le texte de l’amendement que « ce paiement en titres ou parts non négociables ne peut s’opérer qu’avec des titres ou parts qui ne confèrent pas de droit de vote, et qu’à la condition que le cocontractant, son conjoint, leurs ascendants, leurs descendants ou leurs frères et sœurs n’aient pas détenu directement ou indirectement, au cours des cinq années précédant le paiement, des titres ou parts de la même entité que ceux remis par l’assureur ». Tel est le dispositif qui vise à prévenir les abus.

Si vous souhaitez réintroduire des éléments dans le dispositif de l’amendement, monsieur Adnot, nous pouvons y travailler d’ici à la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. J’y suis tout à fait ouvert : on peut sans doute encore faire mieux. Je ne considère pas que le dispositif soit désormais parfait, même s’il me paraît plus satisfaisant qu’auparavant. Son champ se limite aux contrats en unités de compte. Il est en tout cas équilibré, me semble-t-il, puisque les possibilités aujourd’hui offertes par le code des assurances sont étendues, sous certaines conditions, aux titres non négociables, ce qui était votre objectif ; il est également prévu que le paiement en titres non négociables ne pourra s’opérer par des voies détournées.

Par ailleurs, le Gouvernement est soucieux d’éviter à la fois tout risque d’optimisation fiscale et le caractère pervers de la liquidation rapide des titres, ce qui était un autre de vos objectifs, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Le sujet est technique. J’avais cru comprendre, lors de mes échanges avec votre cabinet, monsieur le ministre, que la formulation retenue serait non pas « lors du rachat », mais « lors de la souscription ». Est-ce bien cela ? Ce point est important, car la seconde rédaction est beaucoup plus protectrice et, surtout, n’aura pas d’incidence négative pour les assureurs. En effet, les règles issues de la directive Solvabilité II empêchent le contractant de se voir remettre une partie des titres ou des parts non négociables éligibles en représentation des unités de comptes lors du rachat. La situation est très différente si le choix se fait au moment de la souscription. Si l’on veut que cela fonctionne, il faut que tout le monde ait envie de jouer le jeu.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Il faut, monsieur le sénateur, se référer au texte de l’amendement n° 1496 rectifié bis : le contractant peut opter lors de la souscription pour la remise de titres ou de parts non négociables lors du rachat, total ou partiel, du contrat.

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. C’est une avancée que je tiens à saluer.

Il reste un sujet sur lequel nous n’avons peut-être pas assez progressé : les fonds communs de placement pourraient être également concernés, pour créer un effet de taille. Néanmoins, puisque vous me dites, monsieur le ministre, être disposé à y travailler encore, je ne serai pas plus royaliste que le roi : je me range à votre avis et à celui de la commission spéciale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission s’était déclarée favorable à l’amendement n° 1496 rectifié, dont nous découvrons en séance une rectification tardive…

Cela dit, cette dernière ne semble pas devoir remettre en cause l’avis de la commission, même si le nouveau dispositif oblige à une vigilance particulière quant au bon respect, par l’assureur, de son obligation de conseil. Il est important, lors de la souscription du contrat, que le souscripteur soit bien informé de ce qu’il pourra se passer lors du rachat total ou partiel du contrat. En effet, le paiement par remise de titres n’est pas fait pour un épargnant peu averti.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il semble par ailleurs, monsieur le ministre, que les règlements aux bénéficiaires ne sont pas visés par la rédaction proposée, non plus que les titres avec droit de vote.

M. Emmanuel Macron, ministre. Tout à fait !

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Sous les réserves mentionnées, j’émets un avis plutôt favorable sur cet amendement, que la commission n’a pu examiner.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je voudrais souligner que nous travaillons dans des conditions épouvantables.

Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas nouveau !

Mme Laurence Cohen. On nous annonce que nous siégerons demain jusqu’à 6 heures du matin, que nous devrons raccourcir nos interventions, ce qui est un coup de griffe porté au fonctionnement démocratique du Sénat, et voilà maintenant que nous effectuons en séance un travail de commission en discutant d’un amendement rectifié très tardivement, sans que la commission spéciale ait pu l’examiner !

On marche sur la tête ! C’est une atteinte grave à la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Je fais miens les propos tenus par Laurence Cohen : nous travaillons vraiment dans de drôles de conditions, avec un ministre qui donne tantôt un coup de barre à gauche, tantôt un coup de barre à droite, pour contenter les uns et les autres… (Exclamations amusées.)

Mme Laurence Cohen. Pas tellement à gauche !

M. Thierry Foucaud. C’est vrai ! D’ailleurs, cet amendement tend à accorder un avantage fiscal supplémentaire aux souscripteurs de contrats d’assurance-vie déjà assortis d’un avantage fiscal significatif. Nous ne pouvons donc que voter contre.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1496 rectifié bis.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 34 bis A.

L'amendement n° 672 rectifié, présenté par MM. Sueur et Guillaume, Mme Bricq, M. Botrel et les membres du groupe socialiste et apparentés et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’article 34 bis A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 132-22-l du code des assurances est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette dernière limite ne s’applique pas aux formules de financement d’obsèques mentionnées à l’article L. 2223-33-1 du code général des collectivités territoriales. »

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Nous devons cet amendement à la sagacité de notre collègue Jean-Pierre Sueur, qui n’a pu rester avec nous ce soir, compte tenu de la longueur de nos débats de la journée… (Exclamations ironiques.)

Cette sagacité l’a conduit à remarquer une discordance entre la rédaction de l’article 5 de la loi du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence, dite loi Eckert, et l’exposé des motifs.

Nous avons examiné la question au fond et constaté que, aux termes de la rédaction introduite par l’article 5 pour l’article L. 132-22-1, « le montant des frais à l'entrée et sur versement mis à la charge » du souscripteur « au cours d'une année donnée ne peut excéder 5 % du montant des primes versées cette même année ». Cela revient à lever le plafond des frais sur les contrats obsèques. On accorde ainsi un avantage très important aux assureurs, alors que ces contrats obsèques concernent surtout des foyers modestes. En effet, les personnes les plus aisées savent que, de toute façon, leurs obsèques seront réalisées conformément à leurs volontés par leur famille.

Il faut régler ce problème. Si le Gouvernement s’engageait le faire, par exemple à l’occasion d’une loi de finances, nous pourrions retirer cet amendement.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. C’est vrai, ce problème doit être réglé.

M. le président. Le sous-amendement n° 1720 rectifié, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement n° 672 rect

I. – Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

souscrites avant le 31 décembre 2018

II. – Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :

... – Le septième alinéa de l'article 6 de l'ordonnance n° 2015-378 du 2 avril 2015 transposant la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (Solvabilité II) est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette dernière limite ne s’applique pas aux formules de financement d’obsèques mentionnées à l’article L. 2223-33-1 du code général des collectivités territoriales souscrites avant le 31 décembre 2018. »

La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Le plafond de 5 % du montant des primes versées semble difficile à appliquer aux contrats obsèques ; il nous a été dit qu’il devrait plutôt être fixé à 15 %.

La commission a néanmoins souhaité encadrer ces contrats qui, comme l’a dit Mme Bricq, sont surtout souscrits par des personnes plutôt modestes, afin de ne pas donner un « chèque en blanc » aux assureurs. C’est pourquoi la commission a proposé d’établir une période transitoire durant laquelle ces derniers puissent, en concertation avec le Gouvernement, élaborer un dispositif convenable. J’attends moi aussi d’entendre la réponse de M. le ministre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Il est clair en effet que nous devons prévoir un traitement différencié pour les contrats obsèques.

Néanmoins, l’adoption de l’amendement tel qu’il est rédigé aurait une conséquence paradoxale : les frais supportés par les assurés, qui sont plafonnés dans le droit actuel, ne le seraient plus.

On voit bien que l’application mécanique du plafonnement actuel n’est pas adaptée à ce type de contrats. Par conséquent, il faut vraisemblablement corriger le dispositif, comme le proposent les auteurs de l’amendement, dont l’adoption aboutirait cependant à réduire la protection des assurés.

Le problème est identifié et reconnu. Comme vous l’avez dit vous-même, madame Bricq, les textes financiers de la fin de l’année constituent vraisemblablement le bon véhicule législatif pour le traiter. Le Gouvernement s’engage à travailler avec vous et M. Sueur afin d’élaborer une rédaction qui, tout en apportant les modifications nécessaires en ce qui concerne le plafonnement des frais sur les contrats obsèques, ne pénalise pas les souscripteurs.

Je vous invite donc, à la lumière de cet engagement, à retirer l’amendement.

M. le président. Madame Bricq, l'amendement n° 672 rectifié est-il maintenu ?

Mme Nicole Bricq. Non, je le retire, monsieur le président, conformément à ce que j’avais annoncé. Il faut corriger cette erreur ou cette mauvaise rédaction dans une loi de finances.

M. le président. L'amendement n° 672 rectifié est retiré.

En conséquence, le sous-amendement n° 1720 rectifié n’a plus d’objet.

Articles additionnels après l’article 34 bis A
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 34 bis C (nouveau)

Article 34 bis B (nouveau)

La première phrase de l’article L. 213-14 du code monétaire et financier est ainsi rédigée :

« Les obligations émises par les associations dans les conditions prévues à la présente sous-section ne peuvent être détenues, directement ou indirectement, par les personnes physiques dirigeantes de droit ou de fait de l’association émettrice. »

M. le président. L'amendement n° 31, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. La rédaction actuelle de l’article 34 bis B n’est, selon nous, pas satisfaisante. Aussi pensons-nous que la suppression de l’article permettra de se donner, d’ici à la nouvelle lecture du texte par l’Assemblée nationale, le temps de l’ajuster et de la peaufiner.

Les sociétés coopératives de l’économie sociale et solidaire, que nous soutenons bien évidemment, peuvent fort bien dégager des excédents de gestion, c’est-à-dire un résultat comptable positif, quand bien même leur vocation n’est pas le profit. De fait, elles peuvent émettre un certain nombre de titres participatifs, représentant tout ou partie de ces excédents de gestion.

La rédaction de l’article 34 bis B ne règle pas tous les problèmes. En effet, interdire aux personnes physiques dirigeantes de l’association de disposer d’une forme détournée de rémunération ne suffit sans doute pas. Ainsi, il suffit, pour ne donner qu’un seul exemple, que les obligations soient acquises par une fondation dont elles sont parties prenantes pour qu’un tel détournement s’opère finalement. On peut imaginer ce que cela peut donner si ces personnes physiques sont également les dirigeants d’une personne morale finançant les activités de l’association concernée…

Dans l’absolu, le texte de l’amendement gouvernemental est un peu plus proche de nos préoccupations. Néanmoins, nous pensons qu’il convient de supprimer cet article. Je crois savoir qu’il est également possible qu’un excédent de gestion ne soit pas transformé en titres participatifs, mais porté aux réserves et réinvesti dans l’activité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 34 bis B, introduit par la commission spéciale sur l’initiative de notre collègue Didier Mandelli.

Or l’article 34 bis B vient utilement corriger un effet indésirable de la loi relative à l’économie sociale et solidaire, en permettant aux personnes morales administratrices d’une association de souscrire les obligations émises par cette dernière. Ces personnes morales peuvent ainsi apporter leur soutien financier à l’association. Le risque d’abus lié à une rémunération déguisée est beaucoup plus réduit que pour les dirigeants personnes physiques.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, pour les mêmes raisons.

L’amendement n° 1571 du Gouvernement répond à l’une des préoccupations évoquées par M. Thierry Foucaud. Afin d’éviter que le dispositif visant à interdire les abus prévu à l'article L. 213-14 du code monétaire et financier ne limite trop l’effet des autres dispositions prises en faveur du développement des obligations associatives, il est proposé de revenir au principe de prohibition des émissions obligataires qui seraient motivées par la distribution d’excédents de gestion établi à l’égard de toute personne. De telles émissions obligataires doivent être justifiées par le développement économique de l’association, comme le dispose l’article 70 de la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.

Il s’agit par exemple de faire en sorte qu’une émission obligataire d’une chambre régionale de l'économie sociale et solidaire puisse être souscrite par les banques coopératives et les mutuelles qui en sont membres, à condition que ce ne soit pas au titre de la distribution d’un excédent de gestion.

Je sollicite le retrait de votre amendement de suppression, monsieur Foucaud, au bénéfice de l’amendement n° 1571.

M. le président. Monsieur Foucaud, l'amendement n° 31 est-il maintenu ?

M. Thierry Foucaud. Non, je le retire, monsieur le président. De toute façon, il ne serait pas adopté…

M. le président. L'amendement n° 31 est retiré.

L'amendement n° 1571, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 213-14 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :

« Art. L. 213-14. – Les obligations émises par les associations dans les conditions prévues à la présente sous-section ont pour but de répondre à des besoins de développement et de financement et non de distribuer à leurs souscripteurs des excédents de gestion constitués par les associations émettrices.

« Les souscriptions et transferts d’obligations intervenus en violation du premier alinéa sont frappés de nullité absolue ».

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement qui récrit entièrement l’article 34 bis B adopté par la commission spéciale et permet aux personnes morales de détenir les obligations émises par une association qu’elles dirigent, mais maintient l’interdiction pour les personnes physiques.

Cet amendement n’apporte rien par rapport au dispositif adopté en commission spéciale et détricote une mesure anti-abus introduite dans la loi relative à l’économie sociale et solidaire sur l’initiative de la commission des finances du Sénat, pour la remplacer par un principe vague et invérifiable.

Le Gouvernement entend supprimer totalement l’interdiction faite aux dirigeants personnes physiques de souscrire les obligations dont ils ont eux-mêmes décidé l’émission, dont ils ont fixé le taux d’intérêt et dont ils décident du montant du remboursement.

Je rappelle que cette mesure anti-abus est justifiée par la forte revalorisation instaurée par la loi relative à l’économie sociale et solidaire du taux d’intérêt que peuvent servir les obligations émises par les associations.

Je constate que l’objet de l’amendement présenté par le Gouvernement ne tient pas compte du dispositif adopté par la commission spéciale, puisqu’il est indiqué qu’« il est crucial que des projets associatifs puissent être soutenus par des dirigeants ayant des capacités d’investir comme les mutuelles et les banques coopératives. Il en va notamment des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, qui sont des associations réunissant toutes les familles de l’ESS. »

Or le dispositif adopté par la commission spéciale permet précisément cet investissement réalisé par des personnes morales telles que les mutuelles, les banques coopératives et les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire. Je regrette, monsieur le ministre, que vous n’ayez pas regardé ce qu’avait fait le Sénat avant de proposer de tout effacer…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1571.

M. Jean Desessard. Je vote avec le Gouvernement !

M. Roger Karoutchi. C’est nouveau !

M. Jean Desessard. C’est pour ça que je le fais remarquer ! (Sourires.)

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 34 bis B.

(L'article 34 bis B est adopté.)

Article 34 bis B (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 34 bis (Texte non modifié par la commission)

Article 34 bis C (nouveau)

Au II de l’article L. 18 du livre des procédures fiscales, le mot : « six » est remplacé par le mot : « quatre ».

M. le président. L'amendement n° 1093, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. La situation des comptes publics justifie-t-elle que le présent projet de loi serve de véhicule à l’adoption d’un certain nombre de dispositions relatives à la fiscalité, ainsi qu’une loi de finances initiale ou une loi de finances rectificative ?

Raccourcir le délai de réponse de l’administration fiscale en renforçant l’efficacité du rescrit-valeur pose évidemment le problème immédiat de l’expertise de celui-ci. Nous souhaiterions connaître l’avis du Gouvernement sur un dispositif qui ressemble tout de même fortement à un nouveau cadeau fiscal pour des contribuables déjà largement préservés.

Prenons l’exemple d’une entreprise non cotée – c’est bien entendu beaucoup plus intéressant dans ce cas-là – dont le capital social est resté relativement faible et dont l’activité a permis de majorer sensiblement les fonds propres par report à nouveau des résultats bénéficiaires sans intégration dans le capital social des réserves.

Le chef d’entreprise de cette société entend céder son affaire et pose, par principe, un prix de reprise où le capital social est relativement augmenté de ces réserves et au-delà, ce en raison de la valeur commerciale estimée de l’entreprise, largement fondée sur sa renommée ou sur celle de ses produits.

Dans ce cas de figure, aujourd’hui, l’administration fiscale dispose de six mois pour procéder à l’expertise de l’évaluation produite, fait générateur d’une éventuelle plus-value, et donc d’une éventuelle recette fiscale pour les comptes publics.

Une telle évaluation n’est pas sans demander un peu de temps, ne serait-ce que parce que les cessions de titres de sociétés non cotées se font souvent sur des bases purement subjectives, de « gré à gré », en dehors des conditions « objectives » facilitées, par exemple, par la cotation des entreprises sur les marchés boursiers.

Un risque évident d’optimisation fiscale est donc inscrit dans la démarche de rescrit-valeur ici favorisée.

En fixant à quatre mois au lieu de six mois le temps accordé pour vérifier l’estimation du prix de vente des parts d’une entreprise, notamment en cas de changement d’exploitation, ne risquons-nous pas, mes chers collègues, de favoriser l’évasion fiscale, ce que n’encourage pas le Sénat depuis quelques années, me semble-t-il ? C’est pourtant bien ici ce qui risque de se produire. Voilà pourquoi je vous invite à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable, puisque cet amendement vise à supprimer l’article 34 bis C, adopté par la commission spéciale sur l’initiative de notre collègue Jacques Mézard. Cet article vise à faire passer de six à quatre mois le délai de réponse de l’administration fiscale concernant les demandes de rescrit-valeur pour les donations de parts d’entreprise.

La réduction de ce délai est une mesure favorable à la transmission des entreprises qu’il convient de maintenir. Nous sommes donc opposés à la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

La législation fiscale prévoit une procédure de rescrit général, sans délai de réponse, et des procédures de rescrit spécifiques, avec accord implicite en cas d’absence de réponse de l’administration sous un délai de trois ou six mois – je vous renvoie aux articles L. 80 C et L. 64 B du livre des procédures fiscales – à compter de la réception de la demande complète.

Le rescrit relatif à la valeur d’une entreprise ou des titres d’une société, prévu à l’article L. 18 du livre des procédures fiscales, constitue une exception en ce qu’il exige que, au terme de son instruction, l’administration envoie une réponse expresse, favorable ou défavorable, à l’auteur de la demande.

En cas de divergence sur la valeur de l’entreprise ou des titres de la société objet du rescrit, cette procédure particulière permet une phase orale, au cours de laquelle a lieu un échange de vues.

Par ailleurs, ce type de rescrit nécessite une expertise technique approfondie qui se réalise à travers l’étude de multiples éléments tant internes – actifs, passifs, etc. – qu’extérieurs à l’entreprise ou à la société à évaluer –environnement économique, marchés, etc. Le plus souvent, une étude du groupe constitué de plusieurs sociétés détenues par la société objet du rescrit est nécessaire.

L’administration fiscale s’attache à améliorer le délai de traitement des dossiers en effectuant ses instructions le plus rapidement possible, afin de répondre à l’attente des contribuables. Toutefois, certaines demandes exigent un délai d’instruction compris entre quatre et six mois.

Le délai de six mois prévu à l’article L. 18 du livre des procédures fiscales constitue donc un gage de sécurité juridique pour l’auteur du rescrit dès lors que sa durée permet de garantir la qualité technique de l’instruction de sa demande et le maintien d’un dialogue avec l’administration, ainsi que de la phase orale, qui est importante. Il n’est donc pas souhaitable de réduire le délai à quatre mois. Voilà pourquoi je suis favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, vous venez de nous faire du Bercy dans le texte !

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est vrai, mais c’est du bon Bercy ! (Sourires.)

M. Jacques Mézard. Vous voulez simplifier, raccourcir les délais, mais lorsque l’on demande à Bercy de donner l’exemple, il n’y a plus personne !

M. Roger Karoutchi. C’est la règle !

M. Jacques Mézard. Réduire le délai de six mois à quatre mois, ce n’est tout de même pas la mer à boire ! Il serait bon que l’administration donne l’exemple et suive les orientations du Parlement, et non l’inverse…

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est un débat que nous avons depuis plusieurs jours. Chaque fois que je peux pousser l’administration à réduire les délais et à simplifier, je le fais, monsieur Mézard.

Quelle est la réalité derrière ces procédures ? En l’espèce, ce qui prend du temps, c’est la phase orale, l’instruction d’un dossier étant parfois compliquée.

Ramenons les choses à leurs justes proportions : objectivement, le fait de passer de six à quatre mois ne constitue pas une révolution ; il n’y a là rien de dramatique. Plutôt que de faire de petites réformes qui peuvent avoir un effet contreproductif, il me semble préférable de s’en tenir à un cadre qui garantisse le maintien de l’instruction orale et de toutes les diligences.

Vous l’aurez compris, je n’en fais ni un cas majeur ni un « marqueur », comme on le dit aujourd'hui, de l’esprit de réforme qui sous-tend ce texte. La solution de prudence présentée, qui n’insulte en rien le législateur et ne vise en aucune façon à donner un pouvoir exorbitant à Bercy, apparaît au Gouvernement comme la plus sage au vu de la complexité de ces procédures.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1093.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 34 bis C.

(L'article 34 bis C est adopté.)

Article 34 bis C (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l'article 34 bis

Article 34 bis

(Non modifié)

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 214-34, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« À titre accessoire, les organismes de placement collectif immobilier peuvent acquérir, directement ou indirectement, en vue de leur location, des meubles meublants, des biens d’équipement ou tous biens meubles affectés aux immeubles détenus et nécessaires à leur fonctionnement, à leur usage ou leur exploitation par un tiers. » ;

2° Le I de l’article L. 214-36 est ainsi modifié :

a) Au 1°, après le mot : « location, », sont insérés les mots : « ainsi que des meubles meublants, biens d’équipement ou biens meubles affectés à ces immeubles et nécessaires à leur fonctionnement, à leur usage ou à leur exploitation par un tiers, » ;

b) Au b des 2° et 3°, après la première occurrence du mot : « location, », sont insérés les mots : « ainsi que des meubles meublants, biens d’équipement ou biens meubles affectés à ces immeubles et nécessaires à leur fonctionnement, à leur usage ou à leur exploitation par un tiers, » ;

3° Au 1° de l’article L. 214-51, après le mot : « immobiliers », sont insérés les mots : « , y compris les loyers issus de biens meublés, ».

M. le président. L'amendement n° 1727, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :

A . Alinéa 3

Remplacer les mots :

à leur fonctionnement, à leur usage ou leur exploitation

par les mots :

au fonctionnement, à l'usage ou à l'exploitation de ces derniers

B. Alinéas 5 et 6

Remplacer les mots :

à leur fonctionnement, à leur usage ou à leur exploitation

par les mots :

au fonctionnement, à l'usage ou à l'exploitation de ces derniers

La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1727.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1094, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le même 1° de l’article L. 214-51 du code monétaire et financier, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis Les loyers issus de biens meublés ne peuvent être supérieurs de plus de 5 % aux loyers issus de biens immobiliers non meublés de qualité équivalente. »

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à modifier l’article 34 bis, qui a été introduit à l’Assemblée nationale. Il s’agit de permettre aux organismes de placement collectif immobilier, les OPCI, d’acquérir, à titre accessoire, des meubles et biens d’équipement affectés à des biens immobiliers placés en location.

Cet article se rapporte au fameux dispositif de la « pierre papier », qui permet d’investir dans l’immobilier sans passer par un notaire. Si le marché immobilier donne des signes de faiblesse, en ce qui concerne tant les bureaux que le logement, la pierre papier continue d’afficher des rendements impressionnants.

Cet amendement vise à mieux encadrer les pratiques des OPCI en matière de mise en location de biens meublés. Il est impératif d’éviter d’éventuelles dérives du niveau des loyers.

Au travers de cet amendement, nous proposons que les loyers issus de biens meublés ne puissent dépasser de plus de 5 % les loyers issus de biens immobiliers non meublés de qualité équivalente. Répondre au besoin de financement de locaux meublés est une bonne chose. Garantir un égal accès au logement est mieux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

Outre que cet amendement n’a pas forcément sa place dans la discussion du présent texte, il pose une série de problèmes. Pourquoi cibler particulièrement les OPCI ? Par ailleurs, le plafond de 5 % semble avoir été fixé de façon arbitraire, puisqu’il s’appliquerait quelle que soit la manière dont le bien est meublé. De plus, la rédaction est peu claire : est-ce la somme des loyers qui doit respecter la limite ou le loyer de chaque bien ? De même, la notion de « qualité équivalente » est particulièrement vague. L’inscription du dispositif dans le code monétaire et financier le rend inopérant et risque de rendre inopérant tout l’article visé, qui dresse la liste des composantes du résultat net de l’exercice d’un OPCI.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1094.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 34 bis, modifié.

(L'article 34 bis est adopté.)

Article 34 bis (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 35 (Texte non modifié par la commission)

Articles additionnels après l'article 34 bis

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 94 rectifié septies est présenté par MM. Raison et Guerriau, Mme Deromedi, MM. Médevielle, Bizet, Gabouty, Morisset, Grosperrin, Calvet, Joyandet, Mayet, Longuet, de Nicolaÿ, Vasselle, Masseret, Pellevat, Kennel, Chasseing, Milon, Vaspart, Trillard, Chaize, Darnaud, Genest, Pierre, Cornu, Béchu et G. Bailly, Mme Lamure, MM. Houpert, Vogel et Doligé, Mme Bouchart et MM. Laménie et Gremillet.

L'amendement n° 100 rectifié bis est présenté par M. Mouiller, Mmes Cayeux et Imbert, M. Gilles, Mme Procaccia, MM. Bignon, P. Leroy, Chatillon, Commeinhes, Houel, D. Laurent, Bouchet, Lefèvre et Revet, Mmes Canayer et Primas, MM. Leleux, Kern, Bonhomme, César et Longeot, Mme Mélot et MM. B. Fournier, Mandelli, Perrin et Husson.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 34 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les personnes physiques titulaires d’un plan d’épargne-logement prévu aux articles L. 315-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation, peuvent, avant le 31 décembre 2017 et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, affecter une fraction de cette épargne exclusivement à l’acquisition de meubles meublants à usage non professionnel. Ce retrait partiel n’entraîne pas la résiliation du plan. Ce dernier est cependant réputé résilié pour la détermination du droit à versement de la prime d’épargne-logement.

II. – L’article L. 315-2 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : « , et d’acquisition de meubles meublants à usage non professionnel » ;

2° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , et d’acquisition de meubles meublants à usage non professionnel » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La fraction du prêt d'épargne-logement utilisée pour financer l’acquisition de meubles meublants n'est pas prise en compte pour l'octroi de la prime d'épargne-logement mentionnée à l'article L. 315-4. »

III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Michel Raison, pour présenter l’amendement n° 94 rectifié septies.

M. Michel Raison. Il s’agit d’un amendement important, qui devrait pouvoir être adopté sans difficulté : non seulement il est contenu dans le temps, mais il réserve la possibilité de renvoyer à un décret la fixation des modalités d’application de la mesure.

L’idée est de permettre de recourir aux ressources d’un plan épargne logement, ou PEL, pour acheter du mobilier meublant. En commission, on m’a objecté qu’un tel dispositif profiterait plutôt aux meubles d’importation.

M. Michel Raison. Penser cela, c’est méconnaître le dossier.

M. Michel Raison. Je rappelle que le meuble représente en France 125 000 salariés, contre 135 000 pour le secteur de l’automobile. Par ailleurs, l’ameublement ne se réduit pas à Ikea, qui compte d’ailleurs des usines en France, dédiées à la fabrication de panneaux : il y a aussi, par exemple, la société Parisot et autres fabricants de meubles en kit. Ajoutons que des menuisiers et des agenceurs conçoivent des cuisines et des dressings. Le secteur du meuble est donc une source importante d’emplois, mais il souffre.

Autre point essentiel, à la lecture des chiffres de l’INSEE, il apparaît que le marché du meuble est toujours lié à celui de l’immobilier.

Bien évidemment, des meubles sont importés. Mais chaque fois que nous votons une mesure en faveur d’un secteur d’activité, qu’elle soit fiscale ou incitative, l’importation en bénéficie également. Lorsque l’on construit une maison, une partie des matériaux est importée.

L’adoption de la mesure que nous préconisons, qui s’appliquerait jusqu’en 2017, serait très positive pour la croissance : elle donnerait un coup de fouet à l’emploi dans le secteur du meuble.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour présenter l'amendement n° 100 rectifié bis.

Mme Catherine Procaccia. Cet amendement est identique à celui qui vient d’être défendu par mon collègue Michel Raison.

Environ 13 millions de PEL sont ouverts, mais ils servent de moins en moins à financer l’achat d’un logement, hors de la portée d’un nombre croissant de nos compatriotes. De plus, les taux d’emprunt du marché sont plus intéressants que ceux qui sont associés aux PEL. L’adoption de cet amendement permettrait de relancer la filière de l’ameublement, surtout le secteur de la pose des meubles et des cuisines. Elle n’aurait en outre aucune incidence budgétaire. J’ajoute que des dispositions de ce type prises en 1980 et en 1996 avaient permis de relancer le marché.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Même si elle comprend tout à fait les motivations de nos collègues, qui défendent à juste titre la filière française du meuble, la commission a émis un avis défavorable.

Tout d’abord, le risque est réel que l’avantage soit capté par les grandes enseignes – les trois principales représentent 40 % du marché – et les fabricants étrangers. Surtout, accepter un tel amendement ouvrirait la porte à d’autres demandes tout aussi légitimes provenant d’autres filières françaises, au détriment de la destination initiale du PEL : l’épargne en vue de l’acquisition d’un logement.

La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.

M. Michel Raison. Je ne retirerai pas cet amendement, auquel je crois énormément.

Comme vient de le dire Mme Procaccia, on a déjà connu, dans le passé, un certain nombre d’expériences concluantes du même ordre, en France, mais aussi en Italie ou en Espagne.

Les quelque 13 millions de PEL détenus par les Français représentent plus de 200 milliards d’euros de dépôts, dont 1 milliard d’euros, soit entre 0,5 % et 1 % des encours, pourrait être mobilisé en faveur de la relance de la filière du meuble, qui souffre énormément dans notre pays.

Je maintiens donc mon amendement, en souhaitant que mes collègues fassent la sourde oreille aux avis du Gouvernement et de la commission ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. Nous avons déjà eu une telle discussion, voilà quelques années, à propos de la mobilisation d’une partie de la réserve spéciale de participation au profit de la relance du secteur automobile. Il avait alors été objecté que d’autres filières méritaient tout autant d’être aidées. Cette objection peut également être opposée à la présente proposition : outre que le véhicule législatif choisi n’est pas le bon, pourquoi favoriser le secteur du meuble plutôt que d’autres ? Pour ces raisons, je ne voterai pas ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Personnellement, je voterai cet amendement. Il y a un lien direct entre le logement et l’équipement du logement. Certains meubles, comme ceux qui équipent les salles de bain et sont fixés au sol ou aux murs, constituent des immobilisations par destination.

Cette forme de mesure de relance, tout à fait conjoncturelle, me paraît d’autant plus judicieuse qu’elle ne coûterait rien aux finances publiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 94 rectifié septies et 100 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34 bis.

L'amendement n° 1650 rectifié ter, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 34 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le 1° du I de l’article L. 312-20 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue de l’article 1er de la loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour les plans d’épargne logement dont le titulaire ne détient aucun autre compte au sein du même établissement de crédit, le délai de dix ans est porté à vingt ans à compter de la date du dernier versement. »

II. – Le III de l’article L. 312-20 du même code dans sa rédaction issue de l’article 1er de la loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° De dix ans à compter de la date de leur dépôt à la Caisse des dépôts en application du 1° du I pour les plans d’épargne logement dont le titulaire ne détient aucun autre compte au sein du même établissement de crédit. »

III. – Le 1° du II de l’article 13 de la loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce délai est compris entre vingt et trente ans pour les plans d’épargne logement visés au I de l’article L. 312-20 du code monétaire et financier. »

IV. – L’avant-dernier alinéa du III de l’article L. 315-5-1 du code de la construction et de l’habitation est supprimé.

V. – Après l’article L. 83 D du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 83 E ainsi rédigé :

« Art. L. 83 E. – La société mentionnée au dernier alinéa de l’article L. 312-1 du code de la construction et de l’habitation peut communiquer à l’administration fiscale, spontanément ou à sa demande, tous les renseignements et documents recueillis dans le cadre de sa mission mentionnée à l’article L. 315-5-1 du même code. »

VI. – Après l’article L. 103 B du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 103 C ainsi rédigé :

« Art. L. 103 C. – L’administration peut communiquer à la société mentionnée au dernier alinéa de l’article L. 312-1 du code de la construction et de l’habitation, sans méconnaître la règle du secret professionnel, les renseignements destinés à lui permettre de remplir sa mission de contrôle des opérations d’épargne-logement. »

VII. – L’article L. 316-3 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, après la référence : « 1° », il est inséré le mot : « Sur » ;

2° À la deuxième phrase du dernier alinéa, les mots : « société de gestion du fonds de garantie de l’accession sociale à raison des activités exercées au titre du troisième alinéa de l’article L. 312-1, de l’article L. 315-5 » sont remplacés par les mots : « société mentionnée au dernier alinéa de l’article L. 312-1 à raison des activités exercées au titre du troisième alinéa du même article, de l’article L. 315-5-1 ».

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit ici des PEL inactifs, sujet quelque peu technique, mais néanmoins important.

Les PEL ne peuvent plus être alimentés et sont donc susceptibles d’être considérés comme inactifs au bout de dix ans. Si un tel PEL est détenu par quelqu’un qui n’a plus aucun autre compte dans l’établissement bancaire concerné, il est mécaniquement déclaré inactif et transféré à la Caisse des dépôts et consignations, en vertu de la loi dite Eckert, si son titulaire ne peut être contacté ou ne se manifeste pas dans les six mois après l’avoir été. Ce PEL devient alors « orphelin ».

Un grand nombre de nos concitoyens détiennent un PEL qu’ils laissent en sommeil après avoir transféré leurs autres comptes dans un établissement bancaire concurrent. Ainsi, au 31 décembre 2014, on dénombrait 532 000 PEL inactifs, dont une proportion inconnue de PEL orphelins, pour un encours de 24,8 milliards d'euros. (Mme Isabelle Debré marque son étonnement.)

S’agissant des opérations d’épargne-logement, deux types de sanctions sont aujourd'hui prévues par les textes : celles relatives à l’application de sanctions résultant des contrôles de la Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété, la SGFGAS, prévues à l’article L. 315-5-1 du code de la construction et de l’habitation, et celles appliquées par la Direction générale des finances publiques, la DGFiP, dans le cadre de ses contrôles de l’épargne réglementée, conformément à l’article 1739 du code général des impôts.

La coexistence de deux régimes de sanctions pour un type de contrôles touchant au même sujet apparaît contraire au principe non bis in idem.

Aussi, afin d’éviter le risque de double sanction, tout en recherchant la meilleure efficacité possible des contrôles, il est proposé, d’une part, de maintenir un seul mode de sanction, en l’espèce celui de la DGFiP, et donc de supprimer les sanctions prévues à l’article L.315-5-1 du code de la construction et de l’habitation, et, d’autre part, d’organiser une transmission d’informations par la SGFGAS à la DGFiP des constatations individuelles liées à ses contrôles sur pièces et sur place. En retour est prévu un échange entre ces deux services sur les montants de sanctions appliquées aux établissements bancaires, pour éviter d’éventuels excès.

Cet amendement vise à préciser ces différents points.

Les I, II et III concernent le traitement des PEL dans le cadre de la loi sur les comptes bancaires inactifs. Ils prennent donc en compte la spécificité du PEL, en ouvrant aux titulaires de PEL orphelin un délai plus long que six mois pour se manifester.

Les IV, V et VI visent à clarifier l’organisation du contrôle des opérations entre la SGFGAS et la DGFiP que je viens de mentionner.

Le VII de l’amendement, quant à lui, apporte des corrections de forme sur lesquelles il est inutile de s’étendre.

M. le président. Le sous-amendement n° 1787 rectifié, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement n° 1650 rectifié bis

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

IV. - Au début de l'avant-dernier alinéa du III de l’article L. 315-5-1 du code de la construction et de l’habitation, sont insérés les mots : « En cas de manquement aux dispositions législatives et réglementaires relatives aux prêts d'épargne-logement, ».

La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 1787 rectifié et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 1650 rectifié ter.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ce sous-amendement tend à conserver le pouvoir de sanction de la SGFGAS pour les manquements aux dispositions législatives et réglementaires relatives aux prêts d’épargne-logement, car la DGFiP ne dispose pas de pouvoir de sanction en la matière, l’article 1749 du code général des impôts ne lui permettant que de sanctionner les irrégularités touchant les comptes eux-mêmes.

L’amendement du Gouvernement a été rectifié depuis son examen par la commission, qui avait alors émis un avis défavorable parce que devoir attendre vingt ans avant d’appliquer les dispositions de la loi Eckert à un PEL inactif nous paraissait excessif ; on avait bien dit qu’on ne touchait pas à la loi Eckert. Néanmoins, le Gouvernement a rectifié son amendement pour réserver l’application de ce dispositif à des PEL véritablement considérés comme inactifs. J’émets un avis favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 1787 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 1787 rectifié ?

M. Emmanuel Macron, ministre. J’étais défavorable à ce sous-amendement dans sa rédaction initiale. Compte tenu de la rectification apportée, j’y suis désormais favorable.

L’allongement des délais a fait l’objet d’une concertation avec la Caisse des dépôts et consignations. Ce sont des délais raisonnables, qui évitent le traitement automatique que j’évoquais tout à l’heure.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, pour ce qui est du PEL, la banque a-t-elle des obligations d’information et de suivi, comme elle en a maintenant en matière de contrats d’assurance-vie ou de comptes bancaires en déshérence ? Si tel n’est pas le cas, il serait souhaitable de faire évoluer les choses. En ce qui concerne les contrats d’assurance-vie, par exemple, la banque peut désormais consulter le fichier des personnes décédées lorsqu’elle recherche les titulaires.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour les contrats et les comptes en déshérence, la loi Eckert confie la recherche des bénéficiaires aux notaires. Cela concerne les comptes bancaires, des produits associés, dont les PEL, et les contrats d’assurance-vie.

Ce que nous voulons corriger, c’est le classement automatique en PEL inactif au bout de dix ans, et donc le transfert à la Caisse des dépôts et consignations, indépendamment de toutes recherches. Les diligences prévues continuent à exister par ailleurs. Elles concernent aussi les PEL et elles incombent aux notaires.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1787 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1650 rectifié ter, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34 bis.

Articles additionnels après l'article 34 bis
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l’article 35 (début)

Article 35

(Non modifié)

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

A. – L’article 163 bis G est ainsi modifié :

1° Le second alinéa du I est ainsi modifié :

a) Après le mot : « société », sont insérés les mots : « dans laquelle il a bénéficié de l’attribution des bons » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« Pour l’appréciation du respect de cette durée, il est tenu compte, pour les bénéficiaires mentionnés au premier alinéa du II, de la période d’activité éventuellement effectuée au sein d’une filiale, au sens du deuxième alinéa du II, et, pour les bénéficiaires mentionnés au même deuxième alinéa, de la période d’activité éventuellement effectuée au sein de la société mère. » ;

2° Le II est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« II. – Les sociétés par actions peuvent attribuer des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise, incessibles et émis dans les conditions prévues aux articles L. 228-91 et L. 228-92 du code de commerce, aux membres de leur personnel salarié et à leurs dirigeants soumis au régime fiscal des salariés.

« Elles peuvent également attribuer ces bons aux membres du personnel salarié et aux dirigeants soumis au régime fiscal des salariés des sociétés dont elles détiennent au moins 75 % du capital ou des droits de vote.

« Pour l’application des deux premiers alinéas du présent II, les sociétés mentionnées au premier alinéa doivent respecter les conditions prévues aux 1 à 5. Les filiales mentionnées au deuxième alinéa doivent respecter ces mêmes conditions à l’exception de celle prévue au 2. » ;

b) À la dernière phrase du 2, les mots : « la Communauté » sont remplacés par les mots : « l’Union » ;

c) Sont ajoutés des 4 et 5 ainsi rédigés :

« 4. Pour les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers français ou étranger dont le fonctionnement est assuré par une entreprise de marché ou un prestataire de services d’investissement ou tout autre organisme similaire étranger, ou sont admis aux négociations sur un tel marché d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, la capitalisation boursière de la société, évaluée selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, notamment en cas de première cotation ou d’opération de restructuration d’entreprises, par référence à la moyenne des cours d’ouverture des soixante jours de bourse précédant celui de l’émission des bons, est inférieure à 150 millions d’euros ;

« 5. La société est immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis moins de quinze ans. » ;

3° Le II bis est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, la référence : « du premier alinéa » est supprimée ;

b) Sont ajoutés des 3° et 4° ainsi rédigés :

« 3° Une société créée dans le cadre d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes peut attribuer des bons, sous réserve des conditions suivantes :

« a) Toutes les sociétés prenant part à l’opération répondent aux conditions prévues aux 1 à 5 du II ;

« b) Le respect de la condition mentionnée au 4 du II est apprécié, à la suite de l’opération, en faisant masse de la capitalisation de l’ensemble des sociétés issues de l’opération qui répondent aux conditions du présent article ;

« c) Le respect de la condition mentionnée au 5 du II est apprécié, pour les sociétés issues de l’opération, en tenant compte de la date d’immatriculation de la plus ancienne des sociétés ayant pris part à l’opération ;

« 4° Dans le cas où une société attribue des bons aux personnes mentionnées au deuxième alinéa du II, le respect de la condition mentionnée au 4 du même II est apprécié en faisant masse de la capitalisation de la société attributrice et de celle de ses filiales dont le personnel a bénéficié de distributions de la part de la société attributrice au cours des douze derniers mois. » ;

B. – Au premier alinéa du II de l’article 154 quinquies, les mots : « des gains et avantages imposés dans les conditions prévues » sont remplacés par les mots : « des plus-values, gains et avantages imposés dans les conditions prévues à l’article 39 quindecies, à l’article 163 bis G, ».

II. – A. – Le A du I s’applique aux bons attribués à compter de la publication de la présente loi.

B. – Le B du I s’applique à compter de l’imposition des revenus de l’année 2015.

M. le président. L'amendement n° 1095, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Le dispositif actuel de l’article 163 bis G du code général des impôts, relatif au régime fiscal des bons de souscription de parts de création d’entreprise, les BSPCE, se suffit à lui-même tel qu’il est codifié.

En effet, aux termes d’un rapport du Sénat, « le mécanisme des BSPCE est comparable à celui des options de souscription ou d’achat d’actions. Le BSPCE, qui est incessible, ouvre à son bénéficiaire le droit de souscrire aux titres de la société au prix fixé lors de l’attribution de ce droit. Le bénéficiaire réalise une plus-value si la valeur de la société a augmenté entre le moment de l’attribution du bon et la revente des titres. Le gain réalisé lors de la cession de ces titres est imposé au taux de droit commun des plus-values de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux, soit 26 %, prélèvements sociaux additionnels compris, lorsque le bénéficiaire, à la date de la cession, a été pendant au moins trois ans salarié de la société émettrice. Si cette dernière condition d’ancienneté n’est pas respectée, la plus-value est taxable à un taux majoré de 40 %. Ces modalités d’imposition sont donc particulièrement attrayantes, par rapport tant au taux marginal de l’impôt sur le revenu – 54 % – qu’à celui généralement applicable aux stock-options – 40 %. »

L’extension du champ d’application de ce dispositif prévue par l’article 35 laisse la porte ouverte à des opérations d’optimisation fiscale sans beaucoup d’intérêt du point de vue tant du financement direct des entreprises que des contribuables. On rappellera d'ailleurs pour mémoire que le régime actuel concerne, selon les derniers éléments connus, moins de 300 foyers fiscaux en France.

De plus, nous ne pouvons souscrire à l’idée que l’on puisse accepter un salaire « raboté » en contrepartie de l’entrée au capital de la société, assortie de perspectives de valorisation à terme de cette participation. Nous ne souscrivons pas davantage à l’idée qu’un salarié puisse être récompensé via ce mécanisme au lieu d’être tout simplement augmenté.

Nous proposons donc de supprimer cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

En effet, l’assouplissement des conditions d’attribution des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise répond aux spécificités des jeunes entreprises, sans pour autant créer un risque d’optimisation.

Il est nécessaire de tenir compte du fait que de nombreuses jeunes entreprises ont besoin de se rapprocher d’une autre ou de créer une filiale lorsqu’elles sont amenées à développer plusieurs activités.

Les risques d’optimisation sont limités par l’appréciation des conditions tenant à la capitalisation boursière et à la jeunesse des sociétés prenant part aux différentes opérations.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Sont ciblées les entreprises de moins de quinze ans, non cotées ou présentant une capitalisation boursière inférieure à 150 millions d’euros.

Ce dispositif permet à de jeunes entreprises en forte croissance, souvent actives dans des secteurs technologiques, mais pas uniquement, de pouvoir payer des talents convoités aussi par de grands groupes en leur proposant un intéressement en complément du salaire. N’oublions pas toutefois qu’un risque est associé aux bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise.

Nous y reviendrons lors de l’examen de votre prochain amendement, la fiscalité est avantageuse, mais elle n’est pas ridicule : les taux d’imposition et de prélèvements sociaux sont respectivement de 19 % et de 15,5 % pour une sortie du dispositif après trois ans et de 30 % et de 15,5 % en cas de sortie du dispositif plus précoce.

Nous voulons aménager ces dispositifs qui ont montré leur efficacité au cours de ces dernières années pour les adapter à la vie des jeunes entreprises concernées, en permettant à celles-ci d’attribuer des BSPCE aux filiales qu’elles créent dans le cadre d’une restructuration, d’une concentration ou d’une fusion. Lorsqu’une société mère crée une société fille qu’elle détient à hauteur de 75 % au moins, elle pourra intéresser les salariés de cette entreprise dans les mêmes conditions que les siens propres. Cela permettra à ces entreprises de se développer pour faire face à la compétition internationale.

Cette réforme a donc un sens. Le sujet est plus circonscrit que celui de l’actionnariat salarié dont nous avons longuement débattu au début de l’après-midi. Les mesures proposées sont extrêmement importantes pour les jeunes sociétés des secteurs technologique et biomédical notamment. Aujourd’hui, la rigidité du dispositif des BSPCE est telle qu’une société ayant racheté une entreprise concurrente ne peut pas accorder le même intéressement aux salariés de celle-ci qu’aux siens.

Par exemple, parmi ces start-up qui font la gloire de la France, l’entreprise de covoiturage BlaBlaCar a racheté son principal concurrent européen, une société allemande. C’est une formidable réussite, dans un secteur qui se développe rapidement. Aujourd'hui, eu égard à la rigidité de la législation en vigueur, BlaBlaCar ne peut pas distribuer de BSPCE aux salariés de l’entreprise qu’elle vient de racheter. C’est ridicule ! Cela n’a aucun sens ! Pourquoi les meilleurs salariés de l’entreprise allemande n’auraient-ils pas droit aux BSPCE qui sont distribués à ceux de BlaBlaCar ? Nous proposons d’aménager la loi pour lever ce frein et permettre à cette société d’en racheter une troisième, et de réussir encore mieux !

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Les articles 34 et 35 constituent un ensemble.

Si je vous comprends bien, monsieur le ministre, la réforme que vous proposez d’engager, au travers de ces articles, a pour enjeu d’inciter les entreprises à associer plus largement les salariés à leur capital, au-delà du cercle des cadres dirigeants. Elle doit également améliorer l’attractivité de la France pour les cadres les plus mobiles.

Au-delà de ces beaux principes, comparons, comme l’a fait le mensuel Alternatives économiques, les conditions en vigueur en matière d’attribution et de fiscalité des actions gratuites avec celles qui sont prévues dans ce projet de loi.

Actuellement, les actions gratuites doivent être conservées au moins quatre ans avant que l’on puisse les vendre. Avec votre texte, monsieur le ministre, cette durée de détention minimale avant une éventuelle vente sera réduite à deux ans, ce qui transforme la nature de ces actions : elles ne sont plus qu’une modalité de rémunération légèrement décalée dans le temps.

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce n’est pas le même article !

M. Thierry Foucaud. De plus, la fiscalité est profondément modifiée : s’appliquera désormais le régime des plus-values mobilières, avec un taux maximal d’imposition de 42 %.

Prenons le cas d’un P-DG d’une entreprise importante qui vient de bénéficier d’actions gratuites pour une valeur de 4 millions d’euros.

Avec la législation actuelle, il pourra vendre ses actions dans quatre ans et recevoir, après imposition, un montant de 1,44 million d’euros net d’impôts et de contributions sociales. Avec votre texte, il pourra vendre ses actions dans deux ans et recevoir 2,32 millions d’euros nets d’impôts et de contributions sociales, soit 880 000 euros de plus…

Prenons maintenant le cas d’un ouvrier de cette même grande entreprise disposant d’un revenu annuel de 20 000 euros, non soumis à l’impôt sur le revenu, qui se voit attribuer des actions gratuites pour une valeur de 5 000 euros.

Avec la législation actuelle, il vendra ses actions dans quatre ans et recevra 4 100 euros nets, déduction faite des prélèvements sociaux et salariaux. Avec la loi Macron, il recevra, dans deux ans, 4 225 euros, soit 3 % de plus, ou un cadeau royal de 125 euros… Cherchez l’erreur !

En fait, vous proposez d’abord, monsieur le ministre, de mettre en place une forme de rémunération déguisée pour les grands patrons salariés, qui leur permettra d’être imposés à un taux maximal de 42 %, au lieu de 67 % aujourd’hui, sans chercher le moins du monde à récompenser, comme vous l’affirmez, « le risque pris au sein de l’entreprise ».

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. On peut prendre plaisir à débattre, monsieur le sénateur, mais, de grâce, ne revenons pas sur les articles déjà adoptés ! Toute votre intervention concerne non pas l’article 35, mais l’article 34. Il me semble que nous avons déjà eu un débat nourri sur celui-ci.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je veux rappeler que le dispositif des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise a été créé par le gouvernement Jospin. (Mme Isabelle Debré s’exclame.)

Eh oui ! J’étais députée à l’époque, j’avais voté pour et je l’assume. Ce dispositif a effectivement été mis en place pour renforcer l’attractivité de notre pays et aider les start-up. Il ne s’agit pas ici des grands patrons. Je remercie le Gouvernement de réactiver cette mesure.

Cet article vise à permettre aux entreprises ciblées de distribuer des BSPCE aux salariés de leurs filiales et, en cas de fusion, aux salariés de la nouvelle société. C’est une sorte de droit de suite. Il s’agit de revivifier un dispositif qui s’était un peu endormi.

Votons cet article dont les dispositions feront du bien à nos jeunes entreprises !

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Il faut encourager le développement des entreprises en France…

Mme Nicole Bricq. Eh oui ! C’est le problème !

M. Michel Canevet. … et favoriser la participation des salariés au capital. C’est le meilleur moyen de conserver nos entreprises sur le territoire national. Il est particulièrement regrettable qu’un certain nombre d’amendements remettent en cause cette orientation. Au contraire, prenons des dispositions visant à la promouvoir ! C’est ainsi que se développeront l’initiative et l’esprit d’entreprise dans notre pays, ce à quoi est attaché le groupe UDI-UC : nous voulons que notre pays puisse prospérer et nos entreprises se développer !

Mme Isabelle Debré. La participation !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1095.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 149 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l’adoption 19
Contre 309

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1096, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le I de l’article 163 bis G du code général des impôts est ainsi rédigé :

« I. – Le gain net réalisé lors de la cession des titres souscrits en exercice des bons attribués dans les conditions définies aux II à III est imposé selon les règles propres aux traitements et salaires. »

II. – Les pertes éventuelles de recettes résultant pour l’État du I sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. M’étant déjà exprimé sur l’article, je ne m’étendrai pas davantage.

Cet amendement s’inscrit dans notre combat contre les niches fiscales. Il est grand temps que les mêmes règles fiscales s’appliquent à tous les revenus !

M. le président. L'amendement n° 1726, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 23

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

C. – À la seconde phrase du premier alinéa du I de l’article 182 A ter, la référence : « I de l’article 163 bis G » est remplacée par la référence : « II de l’article 163 bis G ».

La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 1096.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 1726 est rédactionnel.

La commission est défavorable à l’amendement n° 1096, pour les raisons déjà évoquées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Comme je l’ai rappelé tout à l'heure, pour une sortie du dispositif au-delà de trois ans, le taux d’imposition s’élève à 19 % et celui de cotisations sociales à 15,5 %, soit un taux global de prélèvements de 34,5 %. Si le bénéficiaire exerce son activité dans la société depuis moins de trois ans à la date de la cession, le taux d’impôt sur le revenu passe à 30 %, soit une imposition totale de 45,5 %. On le voit, ce régime ne conduit pas à une exonération de tout impôt.

Je suis donc défavorable à l’amendement n° 1096.

En revanche, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 1726 de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1096.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1726.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 35, modifié.

(L'article 35 est adopté.)

Article 35 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l’article 35 (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l’article 35

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1766, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 35

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 39 decies du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 39 decies. - Les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu selon un régime réel d’imposition peuvent déduire de leur résultat imposable une somme égale à 40 % de la valeur d’origine des biens hors frais financiers, affectés à leur activité et qu’elles acquièrent ou fabriquent à compter du 15 avril 2015 et jusqu’au 14 avril 2016 lorsque ces biens peuvent faire l’objet d’un amortissement selon le système prévu à l’article 39 A et qu’ils relèvent de l’une des catégories suivantes :

« 1° matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication ou de transformation ;

« 2° matériels de manutention ;

« 3° installations destinées à l'épuration des eaux et à l'assainissement de l'atmosphère ;

« 4° installations productrices de vapeur, de chaleur ou d’énergie à l’exception des installations utilisées dans le cadre d’une activité de production d’énergie électrique bénéficiant de l’application d’un tarif réglementé d’achat de la production ;

« 5° matériels et outillages utilisés à des opérations de recherche scientifique ou technique.

« La déduction est répartie linéairement sur la durée normale d’utilisation des biens. En cas de cession du bien avant le terme de cette période, elle n’est acquise à l’entreprise qu’à hauteur des montants déjà déduits du résultat à la date de la cession, qui sont calculés prorata temporis.

« L’entreprise qui prend en location un bien neuf mentionné au premier alinéa dans les conditions prévues au 1 de l’article L. 313-7 du code monétaire et financier en application d’un contrat de crédit-bail ou dans le cadre d’un contrat de location avec option d’achat, conclu à compter du 15 avril 2015 et jusqu’au 14 avril 2016, peut déduire une somme égale à 40 % de la valeur d’origine du bien hors frais financiers, au moment de la signature du contrat. Cette déduction est répartie sur la durée mentionnée à l’alinéa précédent. Si l’entreprise crédit-preneuse ou locataire acquiert le bien, elle peut continuer à appliquer la déduction. La déduction cesse à compter de la cession ou de la cessation par celle-ci du contrat de crédit-bail ou de location avec option d’achat ou du bien et ne peut pas s’appliquer au nouvel exploitant.

« L’entreprise qui donne le bien en crédit-bail ou en location avec option d’achat ne peut pas pratiquer la déduction mentionnée au premier alinéa. »

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à traduire dans la loi l’annonce, faite par le Premier ministre la semaine dernière, de la mise en place d’un suramortissement pour l’investissement productif industriel.

Il me semble que la Haute Assemblée partage largement les prémisses du raisonnement du Gouvernement, comme l’ont montré vos débats sur les dernières lois de finances. Notre économie souffre d’un manque d’investissement productif. Par rapport aux autres économies européennes, l’investissement total, en particulier l’investissement public, s’est plutôt bien tenu dans notre pays. Cependant, si l’investissement privé se maintient à un niveau assez haut, cela est largement dû à l’investissement immobilier, et insuffisamment à l’investissement dit productif.

Cela pose d’abord un problème d’obsolescence du capital productif et, à terme, un problème de compétitivité. En effet, quand on n’investit pas dans le capital productif, on perd la bataille de la robotisation, de l’automatisation, de la montée en gamme : c’est la recette de la défaite industrielle de demain !

Le défi qui s’impose à nous aujourd'hui est de remédier à nos insuffisances en matière de compétitivité-coût. Ainsi, c’est pour permettre aux entreprises d’améliorer leurs marges que le Gouvernement a décidé la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et du pacte de responsabilité et de solidarité. Compte tenu de notre décrochage en termes de compétitivité-coût par rapport à l’Allemagne durant les années 2000, il importe aujourd'hui de préparer la nouvelle étape de la montée en gamme, et donc l’investissement dans le capital productif.

Pour encourager l’investissement privé, il faut d’abord assurer la stabilité de la politique macroéconomique. C’est l’objectif du pacte de responsabilité et de solidarité. Il faut donner aux acteurs économiques de la visibilité en termes de dépenses publiques et d’allégements fiscaux et sociaux. À cet égard, l’instauration du triennal, innovation décidée par le Gouvernement à la suite des annonces faites par le Président de la République au début de l’année 2014, est l’une des mesures les plus efficaces en vue de la relance de l’investissement privé.

Il faut ensuite enclencher un mouvement de réformes microéconomiques. C’est l’un des objets de ce texte. Il s’agit de montrer qu’une modernisation de l’économie est en marche, qui passe par le déverrouillage de certains secteurs, des simplifications, une modernisation du marché du travail.

Telles sont les mesures structurelles qui permettent de relancer l’investissement. Mais, pour leur donner leur pleine efficacité à court terme, il faut les accompagner d’une mesure de relance conjoncturelle. C’est l’objet du présent amendement, qui vise à créer un mécanisme de suramortissement fiscal : quand on investira 100 dans le capital productif, on pourra amortir 140 sur les durées d’amortissement classiques, qui s’établissent entre trois et cinq ans selon les types d’investissements.

Plusieurs types d’investissements sont visés par l’amendement, qui, comme je viens de l’évoquer, couvre l’ensemble des investissements dits productifs, hors immobilier.

Ayant lu le contraire à plusieurs reprises, je tiens à préciser que les investissements dans l’informatique sont bien évidemment inclus dans le champ du dispositif, lorsqu’ils sont de nature productive. En revanche, les dépenses informatiques courantes – par exemple, un abonnement à un logiciel – ne sont, par définition, pas éligibles à la mesure, puisqu’elles ne constituent pas des investissements et ne s’amortissent pas. Mais les investissements en robotique, en logiciels embarqués dans des investissements productifs, en imprimantes 3D, dans tous les composants de l’« usine du futur » sont inclus dans son périmètre.

Contrairement à l’amortissement accéléré, qui est la solution classiquement adoptée, le dispositif de suramortissement ne constitue pas une mesure de trésorerie, ce qui lui confère une efficacité particulière. Il s’agit d’une subvention à l’investissement, au travers d’une baisse de 13,3 points du taux de l’impôt sur les sociétés sur le montant investi. Le taux appliqué à celui-ci passe ainsi de 33,33 % à 20 %, soit une réduction de l’imposition de 40 % correspondant au taux de suramortissement.

Cette mesure est donc particulièrement incitative. Elle concerne toutes les décisions d’investissement qui seront prises entre le 15 avril 2015 et le 15 avril 2016. Il n’est pas nécessaire que le bien ait été acheté ou livré en totalité durant cette période pour que l’investissement soit éligible au dispositif. C’est l’accord sur le prix et la chose qui constitue l’élément déclencheur.

Une fois l’annonce faite par le Premier ministre il y a huit jours, le choix du Gouvernement a été de faire voter au plus vite ce dispositif pour donner toute visibilité aux acteurs économiques et ne pas geler l’investissement. En effet, le risque est que les investisseurs attendent de connaître tous les détails de la mesure avant de prendre leurs décisions. J’ai exposé hier toutes les modalités du dispositif devant la commission spéciale afin qu’il puisse être soumis aujourd’hui au vote de la Haute Assemblée.

Enfin, je tiens à préciser que ce dispositif fera l’objet d’une instruction fiscale qui sera prise dans les toutes prochaines semaines, afin de clarifier totalement les choses et de ne laisser subsister aucune incertitude.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai tâché de vous présenter cet amendement avec le maximum de détails, afin de lever tout éventuel malentendu. Bien évidemment, je répondrai à toutes les questions que vous voudrez bien me poser.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 175 rectifié bis est présenté par Mmes Lienemann et Claireaux et M. Leconte.

L'amendement n° 752 rectifié est présenté par MM. Delattre, Allizard, G. Bailly, Baroin, Béchu, Bignon, Bizet, Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Charon, Commeinhes, Cornu et Danesi, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deromedi, Des Esgaulx et di Folco, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Duvernois, Emorine, Forissier, Fouché, B. Fournier, Frassa, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet, Grosdidier, Houel et Houpert, Mme Imbert, MM. Joyandet et Karoutchi, Mme Keller, MM. Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nougein, Paul, Pellevat, Pointereau et Poniatowski, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vasselle, Bas, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 35

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 39 A du code général des impôts, il est inséré un article 39 ... ainsi rédigé :

« Art. 39 .... – L’amortissement des matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication ou de transformation, acquis ou fabriqués par les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l’annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, peut être calculé suivant un système d’amortissement dégressif, compte tenu de la durée d’amortissement en usage dans chaque nature d’industrie.

« Les taux d’amortissement dégressif sont obtenus en multipliant les taux d’amortissement linéaire par un coefficient fixé à :

« a) 2 lorsque la durée normale d’utilisation est de trois ou quatre ans ;

« b) 3 lorsque cette durée normale est de cinq ou six ans ;

« c) 4 lorsque cette durée normale est supérieure à six ans. »

II. – Le I s’applique aux biens acquis ou fabriqués entre le 1er juin 2015 et le 30 juin 2017.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 175 rectifié bis.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Une fois n’est pas coutume, monsieur le ministre, je suis d’accord avec votre diagnostic et avec les propositions du Gouvernement pour relancer l’investissement industriel productif.

Lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, nous avons déjà eu l’occasion de débattre d’amendements visant à créer un système d’amortissement accéléré pour les investissements productifs. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, un tel dispositif a d'abord un effet positif sur la trésorerie des entreprises. Il ne coûte rien à l’État et encourage les entreprises à investir.

Pour être franche, je pense que le dispositif que vous proposez est encore plus incitatif, dans la mesure où il apporte une aide supplémentaire au travers d’une baisse de l’impôt sur les sociétés. Le fait qu’il ne concerne que les décisions d’investissement prises au cours de l’année à venir aura un effet accélérateur, que vous avez parfaitement expliqué.

Je me propose donc de retirer notre amendement au bénéfice du vôtre, mais il n’en reste pas moins que son dispositif a l’avantage de s’inscrire dans la durée et de répondre aux deux besoins suivants.

Premièrement, il faut créer une culture favorable à une modernisation plus rapide. Ce n’est pas la tendance naturelle de l’industrie française depuis quinze ou vingt ans, puisque l’on investit très peu. Il importe donc d’encourager l’investissement, surtout au moment où l’euro est faible, ce qui facilite les exportations.

Deuxièmement, j’ai toujours soutenu, avec d’autres, que la compétitivité hors coût était un élément déterminant en France, car c’est sur ce plan que nous avons accumulé le plus gros retard. Plutôt que de mettre en place le CICE, dispositif non ciblé et non conditionné dont on découvre aujourd'hui qu’il favorise très peu l’investissement, j’aurais préféré que l’on investisse massivement dans la modernisation, la montée en gamme, la transition énergétique.

À cet égard, tendanciellement, la modernisation conduit à une réduction de la consommation énergétique. Nous avons beaucoup de retard en la matière : l’âge moyen du parc de machines de production est de dix-neuf ans en France, contre dix ans en Allemagne.

Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur le fait que votre dispositif, de par sa nature même, ne concernera pas les coopératives industrielles. Envisagez-vous de prendre, à titre de compensation, quelques mesures en faveur du secteur coopératif ? Je pense, par exemple, à des prêts bonifiés de BpiFrance financés sur l’enveloppe de l’économie sociale. Nous avons de belles coopératives industrielles, qu’il me paraîtrait judicieux de soutenir, notamment en accompagnant leur modernisation le cas échéant.

M. le président. Veuillez conclure !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Enfin, les crédits du plan Robot Start PME, lancé par votre prédécesseur, sont presque entièrement consommés. Ils ont profité à la moitié des PME qui constituaient la cible du dispositif. Ne pensez-vous pas qu’il serait important, pour compléter votre démarche, d’affecter de nouveaux crédits à ce plan qui permet de soutenir la robotisation des PME ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter l'amendement n° 752 rectifié.

M. Jean-Noël Cardoux. Il s’agit d’une variante du dispositif du Gouvernement, plus simple et beaucoup plus ciblée sur les PME et les TPE. Notre proposition s’inspire du système de l’amortissement dégressif, tel qu’il est pratiqué depuis des années, mais en l’assortissant de coefficients croissant avec la durée, afin de pouvoir aller encore plus loin en matière de soutien à l’investissement par les petites entreprises.

J’observe, monsieur le ministre, que le calcul que vous nous avez présenté à l’instant repose sur un taux d’impôt sur les sociétés de 33,33 %. Or il existe des TPE qui pourraient bénéficier de l’amortissement dégressif et qui sont encore soumises à l’impôt sur le revenu, au titre des bénéfices industriels et commerciaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission s’est réunie hier pour entendre M. le ministre sur le dispositif de l’amendement n° 1766. Ce dispositif choc correspond à ce que nous attendions depuis des mois en termes de mesures favorables à la croissance et à l’activité. La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

Concernant les deux amendements identiques, la commission sollicite leur retrait au bénéfice de celui du Gouvernement. Leurs dispositions relèvent plutôt de mesures de trésorerie. Nous aurions émis un avis favorable en l’absence de l’amendement n° 1766.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 175 rectifié bis et 752 rectifié ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement sollicite leur retrait, pour les raisons qui ont été évoquées.

Le dispositif que nous proposons concerne toutes les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, bien sûr, mais aussi celles qui sont assujetties à l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices agricoles ou des bénéfices industriels et commerciaux. En revanche, il est vrai que son champ ne couvre pas le secteur non lucratif, sauf à ce que ses acteurs décident de se soumettre à l’impôt sur les sociétés, ce qui est toujours une option possible. Certains d’ailleurs s’organisent à cette fin.

Un abondement complémentaire de 2 milliards d’euros a été consenti au titre des prêts de développement de BpiFrance, qui servent à soutenir la montée en gamme et l’investissement productif des PME et des ETI, tous secteurs confondus. Il s’agit de prêts bonifiés sans garantie, assortis d’un délai de deux ans pour le premier remboursement. Ce dispositif est très important pour favoriser l’accélération de l’industrialisation. L’enveloppe a été portée au total à 8 milliards d’euros sur le triennal.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote sur l’amendement n° 1766.

Mme Élisabeth Lamure. On peut regretter que cet amendement du Gouvernement arrive un peu tardivement, mais dans la mesure où il constitue une bonne nouvelle, nous le soutenons bien volontiers !

Mme Nicole Bricq. On ne l’avait jamais fait !

Mme Élisabeth Lamure. Si la consommation des ménages est repartie à la hausse depuis quelques mois – cela tient davantage à des facteurs extérieurs qu’aux réformes du Gouvernement –, le moral des entreprises est au plus bas. Il était donc urgent de prendre des mesures afin de favoriser l’investissement.

On peut regretter que ce dispositif ne comporte pas de fléchage en direction des PME, mais vous avez expliqué devant la commission, monsieur le ministre, que cela n’était pas possible. Peut-être pourrez-vous nous indiquer si, comme on l’entend dire, vous préparez un projet de loi en faveur des PME ?

En tout état de cause, je souscris complètement au dispositif prévu par cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le ministre, le dispositif de suramortissement que vous présentez est effectivement séduisant : il paraît devoir être efficace pour relancer l’investissement et avoir un effet à court terme sur la compétitivité des entreprises. Par conséquent, je l’approuve complètement, même s’il s’agit d’un dispositif d’amorçage, qui a donc un caractère conjoncturel.

Néanmoins, je formulerai trois remarques d’ordre technique, en insistant particulièrement sur la première.

En premier lieu, les dates retenues – du 15 avril 2015 au 14 avril 2016 – me semblent inappropriées, pour plusieurs raisons.

Fonder l’éligibilité des investissements sur la commande passée ne me paraît pas pertinent. Il faudrait plutôt retenir comme référence la date de l’installation physique du matériel, celle du bon de livraison ou, éventuellement, la date du paiement. Sinon, on laisse la porte ouverte à des pratiques qui relèvent de l’effet d’aubaine.

La passation et l’exécution de la plupart des commandes d’équipement, à partir d’une certaine importance, prennent un certain temps, le délai de livraison pouvant parfois être de plusieurs mois. Par conséquent, il me paraîtrait plus raisonnable que la disposition s’applique du 1er juillet 2015 au 31 décembre 2016, voire jusqu’au 31 décembre 2017.

Ma deuxième remarque concerne les biens pris en location en application d’un contrat de crédit-bail. Il me semblerait préférable et plus en adéquation avec la réalité de l’entreprise que la déduction soit répartie sur la durée dudit contrat, sachant qu’elle peut varier selon les matériels considérés.

Troisième remarque, l’accélération de l’investissement en neuf que produira la mise en œuvre du dispositif aura un effet pervers, à savoir une augmentation du stock sur le marché de l’occasion, qui entraînera nécessairement une baisse des prix des matériels d’occasion. Ainsi, ce que l’entreprise gagnera sur l’acquisition de matériel neuf, elle pourra le perdre en partie sur la revente du matériel d’occasion. J’ajoute que les petites entreprises n’ont pas toujours les moyens d’investir dans du matériel neuf et préfèrent parfois se tourner vers le marché de l’occasion pour s’équiper. Par conséquent, il aurait été utile de compléter le dispositif par un suramortissement moindre pour les matériels d’occasion, avec un taux de majoration qui aurait pu être fixé à 20 %, au lieu de 40 % pour les matériels neufs.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, je tiens d’abord à vous adresser des remerciements : c’est la première fois que, sur des sujets économiques, le Sénat et, en tout cas, les écologistes du Sénat auront la primeur de la décision sur une proposition du Gouvernement. D’habitude, en effet, de telles dispositions sont soumises en premier à l’Assemblée nationale.

Mme Annie David. Mais nous n’avons pas été les premiers à savoir !

M. Jean Desessard. C’est vrai ! La presse sait toujours tout avant nous, même lorsque nous n’avons pas encore voté !

Cet amendement vise à mettre en œuvre l’une des mesures annoncées il y a une semaine par le Premier ministre afin de soutenir l’investissement.

Il s’agit d’un crédit d’impôt permettant aux entreprises de « suramortir » de 40 % leurs investissements industriels, c’est-à-dire d’augmenter d’autant les sommes qu’elles déduisent de leurs résultats pour prendre en compte la perte de valeur de leurs investissements. Toutes les entreprises et tous les outils productifs sont concernés par le dispositif.

Cet amendement amorce un changement de vision bienvenu par rapport au CICE et au pacte de responsabilité. Si les précédents outils mis en place par le Gouvernement soutenaient les entreprises indistinctement, sans considération de l’utilisation qu’elles faisaient de cet argent, le dispositif prévu par cet amendement cible spécifiquement l’investissement productif.

Ce dispositif s’appliquera au bénéfice de l’industrie, des PME innovantes et les entreprises qui mobilisent les outils productifs faisant vivre notre pays. Contrairement au CICE, il ne pourra pas servir à rémunérer le capital par le biais des dividendes, et cela doit être souligné.

Aujourd’hui, les entreprises qui investissent et qui renouvellent leurs machines, ce sont notamment les industries de la transition énergétique, lesquelles font l’objet de l’un des cinq volets de votre amendement, monsieur le ministre.

Cet amendement vise donc à engager une modernisation de notre appareil productif, mais aussi à encourager les entreprises qui ont fait le choix de mettre l’écologie au cœur de leur modèle de développement.

Les écologistes saluent cette volonté de ciblage du Gouvernement quant à l’aide apportée aux entreprises. Soutenir l’investissement sans rémunérer davantage le capital et amorcer un renouvellement de l’appareil productif vers les technologies durables, telle que la robotisation des services à la personne, voilà une initiative que les écologistes soutiendront !

Pour revenir sur les débats que les écologistes ont eus avec vous, monsieur le ministre, principalement à l’Assemblée, mais également au Sénat, concernant la politique de l’offre et la politique de la demande, je tiens à préciser que nous ne sommes pas nécessairement opposés à une politique de l’offre ; simplement, celle-ci doit être ciblée et conditionnée de manière à soutenir avant tout les secteurs d’avenir et les entreprises qui ont effectivement besoin d’être soutenues.

Nous sommes opposés à une politique de l’offre qui permettrait d’augmenter les dividendes, car cela n’a aucune utilité.

Et les écologistes ne sont pas, non plus, systématiquement favorables à une politique de la demande, surtout si celle-ci revient à encourager l’achat de produits importés ou de produits qui n’ont pas d’intérêt social ou écologique.

Les écologistes ont toujours été pour des politiques ciblées, qu’il s’agisse de l’offre ou de la demande. Or le mécanisme que vous nous proposez, monsieur le ministre, permet justement de cibler ces politiques et de définir des objectifs précis.

Sans doute pourrait-on discuter du fait de savoir si ces 2,5 milliards d’euros ne pourraient pas être utilisés différemment, mais nous tenons à saluer un geste, une volonté qui vont dans le bon sens. Dans les mois qui viennent nous espérons voir se poursuivre cette politique ciblée.

Les écologistes voteront cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. À travers cet amendement, il est proposé de recourir à une arme déjà utilisée par le passé : la mise en place d’un dispositif d’amortissement dégressif des investissements nouveaux. Il s’agit, disons-le clairement, d’une niche fiscale supplémentaire ou, du moins, « réactivée ». Cela justifie, monsieur le ministre, que nous posions quelques questions.

Première question : a-t-on procédé, avant que cette idée – lumineuse – ne surgisse au détour d’un arbitrage interministériel, à la moindre évaluation des dispositifs d’amortissement dégressifs existants, lesquels doivent aujourd’hui coûter environ 20 millions d’euros au budget de l’État, sans que l’on sache quelle incidence ces mécanismes ont sur le niveau réel d’équipement de nos entreprises et sur celui de l’emploi.

Vérifier, c’est tout de même important ! Nous voyons bien, aujourd’hui, que le CICE est en pleine débandade ! Ce que nous affirmions à propos de ces 40 milliards d’euros d’aides est confirmé par les faits, et le Gouvernement commence à demander aux entreprises de justifier l’emploi des sommes attribuées. Cela étant, le problème reste entier : ce dispositif censé favoriser la compétitivité des entreprises a notamment profité à Carrefour et Auchan, qui achètent des fruits et légumes à l’étranger tandis que nos producteurs brûlent leurs fruits et légumes, parce que les Françaises et les Français, faute d’un pouvoir d’achat suffisant, ne peuvent les acheter.

Nous voyons là toutes les contradictions d’un système dans lequel nous ne devons plus tomber. C’est pourquoi nous devons être attentifs à l’utilisation des deniers publics et procéder à des évaluations.

Deuxième question : ce dispositif est-il plus avantageux pour le pays que tous ceux, innombrables, qui existent déjà ? Il s’avère, par exemple, que le « rendement » du crédit impôt recherche est très élevé pour les entreprises qui en bénéficient, mais beaucoup moins au regard de l’emploi scientifique et technique.

D’après un rapport fait au Sénat en juillet dernier, mais jamais publié – cherchez l’erreur ! –, 213 milliards d’euros d’exonérations de cotisations patronales ont été accordés entre 1993 et 2012 sans que cela ne crée un seul emploi.

Aussi faut-il également chercher à évaluer ces dispositifs en termes d’emplois créés.

Soyons clairs : on ne peut accepter que soient prises ou reconduites, année après année, des mesures qui ne créent aucun emploi, qui sont seulement destinées à aider certains quand d’autres se serrent la ceinture.

Depuis l’arrivée de ce gouvernement aux affaires, en 2012, nous sommes passés de 3,5 millions à 5 millions de chômeurs. Dans le même temps, on a mis en place le CICE – 40 milliards d’euros ! – et d’autres dispositifs qui ne marchent pas.

C'est la raison pour laquelle nous demandons, dans le cadre de notre pouvoir de contrôle, une évaluation de la mesure qui est ici proposée. Il est logique que des parlementaires demandent au ministre combien d’emplois une telle mesure va créer à quoi elle va servir précisément !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Thierry Foucaud. Inciter les entreprises à investir en remplaçant les plus vieilles machines par des neuves est très positif. Ce que nous recherchons avant tout, c’est l’emploi productif. (Manifestations d’impatience sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Il faut conclure !

M. Thierry Foucaud. Je ne citerai aucun nom, monsieur le président, mais certains collègues, voilà quelques instants, ont dépassé d’une minute et demie leur temps de parole. Je demande que le même traitement s’applique à tout le monde : c’est une question de justice et d’égalité !

M. le président. Il vous reste vingt secondes !

M. Roger Karoutchi. Non, il a dépassé de vingt secondes !

M. Thierry Foucaud. Faut-il privilégier les machines ou le pouvoir d’achat pour faciliter la création d’emplois et la croissance ? Si nos concitoyens n’ont pas les moyens d’acheter les produits, les entreprises ne pourront les produire !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. M. le ministre nous a donné à l’instant et hier, en commission spéciale, des explications utiles et particulièrement claires sur ce dispositif.

Lors de la discussion générale, un certain nombre d’orateurs avaient déjà appelé à mettre en place des mesures pour la croissance. Or il s’agit ici d’une mesure significative, qu’il nous faut saluer.

Je pense que l’ensemble des groupes, notamment les groupes de la majorité, ont su se montrer à la hauteur du sujet.

Un diagnostic s’impose s’agissant de l’économie française : l’investissement est en panne. La volonté de le faire repartir a guidé nos travaux en commission spéciale et en séance.

Je veux remercier les uns et les autres d’avoir pris conscience de l’importance de l’enjeu et d’en avoir tiré les conséquences. Je me félicite que le consensus soit large : des groupes politiques opposés ont su se réunir autour de cette mesure ; c’est à l’image de la qualité des débats que le Sénat peut mener.

Peut-être notre assemblée a-t-elle joué un rôle précurseur : dès le projet de loi de finances, nous proposions, dans un arc assez large, réunissant notamment le groupe socialiste, le groupe UMP et le groupe centriste, un dispositif proche. Le vôtre, monsieur le ministre, diffère en ce qu’il est plus étendu et plus puissant, et nous vous en donnons acte.

À l’époque, nous avions plus étroitement ciblé le dispositif afin d’en limiter le coût. Votre collègue du budget nous disait qu’il était néanmoins coûteux. Je me réjouis de voir que, aujourd’hui, cette mesure, plus large, peut être financée. Vous avez donc résolu cette question, ainsi que celle des éventuelles requalifications européennes. Il s’agit, là encore, d’un point positif.

Nous avons cru comprendre qu’une certaine porosité s’était installée entre le financement de ce dispositif et celui du CICE. Nous pourrions d’ailleurs nous inquiéter de la marche réelle de ce dernier, mais je crois que mieux vaut nous en tenir au sujet qui nous occupe.

Le financement est maintenant disponible : tant mieux. Nous y veillerons tout de même, avec le rapporteur général de la commission des finances, qui a été associé, fût-ce indirectement, à notre réflexion.

Monsieur le ministre, il s’agit d’un moment important du débat : vous ajoutez une pièce majeure à la construction de cette loi dite « Macron » et le Sénat montre qu’il sait dépasser les clivages quand il s’agit d’emploi et de relance de notre économie.

Voilà ce que je souhaite retenir, en espérant que, demain, nous pourrons poursuivre dans la voie de la construction de consensus sur des sujets d’intérêt général, nonobstant nos différences.

J’espère que le vote sera à la hauteur de l’enjeu. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Jean Bizet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je souhaiterais apporter quelques précisions en réponse à certaines interventions.

Monsieur Gabouty, prendre la date de livraison comme référence, plutôt que l’accord sur le prix et la chose, produirait des effets pervers beaucoup plus importants que vous ne l’imaginez. D’abord parce qu’une décision d’investissement prise aujourd’hui n’entraînant pas nécessairement une livraison dans l’année, il faudrait étendre la période, ce qui induirait une perte d’efficacité. Ensuite et surtout parce que vous seriez confronté à un effet d’aubaine maximal : à partir du 15 avril vont intervenir de très nombreuses livraisons correspondant à des décisions d’achat prises antérieurement à l’entrée en vigueur de ce dispositif.

C'est la raison pour laquelle je pense que l’accord sur le prix et la chose est le bon critère : c’est bien cet accord qui entérine la décision d’investir.

Par ailleurs, il est juste et raisonnable de borner à un an la durée d’application du dispositif : s’il était pérenne, il s’agirait d’une réforme structurelle de l’impôt sur les sociétés ; s’il était plus court, il serait inefficace. Un an, c’est la bonne fenêtre de tir, à condition de retenir comme critère l’accord sur le prix et la chose, et non la livraison.

Vous avez également soulevé la question du crédit-bail. Le texte précise que l’avantage bénéficie au crédit preneur, c’est-à-dire à celui qui dispose de l’option d’achat, et en aucun cas à l’établissement qui porte le crédit-bail, sous peine d’entraîner un effet pervers massif. Il s’agit d’une restriction qu’il fallait apporter.

Enfin, il est important de viser les équipements neufs, puisqu’il s’agit de soutenir le renouvellement productif, l’activité et donc l’emploi.

Les types d’investissements concernés par ce dispositif sont extrêmement variés : cela va des investissements en recherche et développement au renouvellement d’un appareil de chauffage, en passant par une installation d’épuration, la bétonneuse d’un artisan, un four à pain ou une moissonneuse-batteuse…

Monsieur le président Foucaud, le choix macroéconomique des aides aux entreprises s’est opéré par sédimentation. On pourrait décider collectivement de baisser l’impôt sur les sociétés, de revenir sur des dispositifs structurels de compensation ou d’allégements de charges. Il reste que nous avons construit l’histoire économique des trente dernières années sur de telles mesures.

Quand on parle des 200 milliards d’euros d’aides aux entreprises, on additionne très souvent des choux et des carottes, et notamment tous les allégements de charges décidés par l’ensemble des gouvernements pour accompagner le passage aux 35 heures. Je veux bien qu’on se fasse plaisir en disant qu’il s’agit d’aides aux entreprises, mais ces mesures ont accompagné des choix macroéconomiques votés de toutes parts.

Je persiste à considérer que le crédit d’impôt recherche est un élément clé de notre efficacité collective. Si vous voulez évaluer l’impact du crédit impôt recherche, je vous suggère de vous demander pourquoi, dans les deux opérations de fusion récentes Lafarge-Holcim et Alcatel-Lucent-Nokia, dont on peut déplorer une partie des caractéristiques, les grands champions mondiaux qui se créent à travers ces rapprochements décident d’installer leurs quartiers généraux dans les autres pays, mais gardent leurs centres de recherche et développement en France ? C’est grâce au crédit impôt recherche, dont l’efficacité est ainsi prouvée !

Nous avons en effet besoin d’y aller plus fort et plus vite en matière d’investissement : notre retard est évalué à 17 milliards d’euros, soit environ un an d’investissement productif privé. Ce dispositif est un élément qui contribuera à le renforcer.

Enfin, je veux dire que le travail collectif commencé en commission spéciale hier et poursuivi au cours de la discussion d’aujourd'hui est à la hauteur de l’ensemble de nos débats.

Vous l’avez vu, je défends ce texte avec fougue : j’y crois. Certes, nous pouvons avoir des désaccords, mais le souci constant de l’intérêt général qui se manifeste ici et la qualité des travaux que nous menons ensemble me donnent raison : j’avais en effet plaidé au sein du Gouvernement pour que cet amendement arrive en discussion au Sénat, quelle que soit la sensibilité qui y prévaut.

Depuis le début, vous avez toutes et tous démontré votre volonté de faire repartir notre économie et de défendre l’intérêt général.

M. Jean Desessard. C’est un investissement que vous avez amorti, monsieur le ministre ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1766.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 35.

L’amendement n° 175 rectifié bis est-il maintenu, madame Lienemann ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n°175 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 752 rectifié est-il maintenu, monsieur Cardoux ?

M. Jean-Noël Cardoux. Je suis dans une situation délicate : voilà un amendement dont je ne suis pas le premier signataire et qui a été signé par quatre-vingt-dix membres du groupe UMP. C’est une lourde responsabilité qui m’échoit !

Mais je vois Mme la corapporteur me faire des signes d’encouragement et, quitte à subir des foudres, je le retire. (Sourires.)

M. le président. L’amendement n° 752 rectifié est retiré.

L'amendement n° 715, présenté par MM. Karoutchi, B. Fournier et Pellevat, Mme Mélot, MM. Legendre, Lefèvre et de Legge, Mme Lopez, MM. Leleux et Poniatowski, Mme Cayeux, MM. Buffet, Trillard et J.P. Fournier, Mmes Troendlé et Deromedi, M. Laménie, Mmes Imbert et Canayer et MM. Pierre, Delattre, Mandelli, Laufoaulu, Kennel, Calvet et Vasselle, est ainsi libellé :

Après l'article 35

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le V de la Ire sous-section de la section II du chapitre Ier du titre Ier de la Ire partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un article 81 quinquies ainsi rédigé :

« Art. 81 quinquies. – I. – Sont exonérés de l’impôt sur le revenu :

« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail, définies à l’article L. 3121-11 du code du travail, et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures, prévues à l’article L. 3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3123-7 du même code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l’article L. 3122-4 du même code, à l’exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure.

« L’exonération mentionnée au 1° est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l’article L. 3121-44 du même code, à des jours de repos dans les conditions prévues à l’article L. 3121-45 du même code ;

« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies au 4° de l’article L. 3123-14 et aux articles L. 3123-17 et L. 3123-18 ;

« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu’ils réalisent ;

« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants et L. 423-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles au titre des heures supplémentaires qu’ils accomplissent au-delà d’une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures, ainsi que les salaires qui leur sont versés au titre des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable ;

« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu’ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;

« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu’ils effectuent ou, dans le cadre de conventions de forfait en jours, les salaires versés en contrepartie des jours de repos auxquels les salariés ont renoncé au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours.

« II. – L’exonération prévue au I s’applique :

« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :

« a) Des taux prévus par la convention collective ou l’accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;

« b) À défaut d’une telle convention ou d’un tel accord :

« – pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au premier alinéa de l’article L. 3121-22 du code du travail ;

« – pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;

« – pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue à l’article L. 3121-46 du même code, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre d’heures de travail prévu dans le forfait, les heures au-delà de la durée légale étant pondérées en fonction des taux de majoration applicables à leur rémunération ;

« 2° À la majoration de salaire versée dans le cadre des conventions de forfait mentionnées au second alinéa du 1° et au 6° du I, dans la limite de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait, majorée de 25 % ;

« 3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I, dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.

« III. – Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.

« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d’autres éléments de rémunération au sens de l’article 79 du présent code, à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.

« De même, ils ne sont pas applicables :

« – à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l’article L. 3123-15 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l’horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret ;

« – à la rémunération d’heures qui n’auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 1er octobre 2014, de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l’article L. 3122-4 du même code. »

II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 241-16, il est rétabli un article L. 241-17 ainsi rédigé :

« Art. L. 241-17. – I. – Toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quinquies du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par les dispositions de cet article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.

« Ces dispositions sont applicables aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa du présent article.

« II. – La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l’ensemble de sa rémunération.

« III. – Le cumul de cette réduction avec l’application de taux réduits en matière de cotisations salariales, d’assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ou avec l’application d’une autre exonération, totale ou partielle, de cotisations salariales de sécurité sociale ne peut être autorisé que dans des conditions fixées par décret. Ce décret tient compte du niveau des avantages sociaux octroyés aux salariés concernés.

« IV. – Le bénéfice de la réduction est subordonné à la mise à disposition du service des impôts compétent et des agents chargés du contrôle, mentionnés à l’article L. 243-7 du présent code et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par l’employeur, d’un document en vue du contrôle des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-8, L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret. » ;

2° L’article L. 241-18 est ainsi rédigé :

« Art. L. 241-18. – I. – Toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l’article L. 241-13, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quinquies du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.

« II. – Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I du présent article est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l’article 81 quinquies du même code.

« III. – Le montant mentionné aux I et II est cumulable avec les autres dispositifs d’exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l’employeur, et, pour le reliquat éventuel, dans la limite des cotisations salariales de sécurité sociale précomptées, au titre de l’ensemble de la rémunération du salarié concerné.

« Ce montant est déduit des sommes devant être versées par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime.

« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II du présent article est subordonné au respect des conditions prévues au III de l’article 81 quinquies du code général des impôts.

« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I du présent article est subordonné au respect des dispositions du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.

« IV. – Les employeurs bénéficiant de la déduction forfaitaire se conforment aux obligations déclaratives prévues au IV de l’article L. 241-17 du présent code. »

III. – L’article L. 241-18 du code de la sécurité sociale est applicable aux rémunérations perçues à raison des heures de travail accomplies à compter du 1er janvier 2015.

IV. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

V. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Je n’aurai pas besoin de défendre longuement cet amendement, car je sens que M. le ministre va tout de suite l’accepter ! (Sourires.)

Monsieur le ministre, vous venez de faire une très belle démonstration, en expliquant qu’il faut redonner confiance et recréer du dynamisme.

Pour ma part, je vous propose de revenir à la défiscalisation des heures supplémentaires, telle qu’elle avait été mise en place en 2007.

Mme Isabelle Debré. Bonne idée !

M. Roger Karoutchi. Voilà un amendement sympathique, dont l’adoption permettrait de faire enfin un geste en faveur du pouvoir d’achat !

Je me permets de signaler aux uns et aux autres qu’un rapport de 2011, cosigné par le député socialiste Jean Mallot et le député UMP Jean-Pierre Gorges, avait conclu que les résultats de cette mesure étaient plutôt satisfaisants et qu’elle permettait aux ménages concernés de jouir d’un supplément de pouvoir d’achat représentant environ 500 euros par an.

En 2012, sur des fondements idéologiques, vous avez supprimé cette disposition. Enfin, ce n’était pas vous, monsieur Macron, puisque, depuis lors, le Gouvernement a quelque peu évolué… J’ai d’ailleurs souvenir d’avoir débattu, en 2013 ou 2014, avec certains députés socialistes, dont M. Mandon ; celui-ci reconnaissait que la suppression très rapide de cette mesure avait sans doute été une erreur.

Puisqu’on fait des gestes en faveur des entreprises, de l’investissement et de l’amortissement, pourquoi ne pas en faire un en faveur de l’ensemble des citoyens ?

Entre 7 millions et 9 millions de personnes – les estimations varient – bénéficiaient de la défiscalisation des heures supplémentaires. Et les salariés concernés n’étaient pas des « riches » ! Il s’agissait en majorité d’employés, d’ouvriers et de cadres moyens, qui ont évidemment regretté la disparition de cette mesure. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que cela ait aidé à la popularité du gouvernement d’alors… Si j’en crois les sondages de l’époque, c’était l’une des mesures les plus regrettées par l’opinion publique.

Je suis sûr que, ce soir, dans un élan de sympathie et parce que je vous sens disponible pour réussir, vous émettrez un avis favorable sur cet amendement. Il s’agit de vous aider, monsieur le ministre ! (Sourires.)

Je viens en effet de lire une dépêche absolument extraordinaire : le ministre allemand des finances, M. Wolfgang Schäuble, affirme que M. Sapin et vous-même n’arrêtez pas de dire au gouvernement allemand que, si vous arriviez à convaincre le Parlement français de faire des réformes, vous seriez ravis. (Rires sur les travées de l'UMP.) Je viens donc vous aider, car je ne voudrais pas que vous vous mettiez en contradiction vis-à-vis de nos amis allemands.

Allez, un beau geste : rétablissez du pouvoir d’achat ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Notre collègue Roger Karoutchi a bien expliqué ce qu’était le dispositif contenu dans la loi TEPA, et il est vrai que c’était un bon dispositif.

Néanmoins, je l’ai dit lors de la discussion générale, nous avons souhaité proposer, dans le cadre de ce texte – nous ne sommes pas en loi de finances –, des mesures de relance de la croissance qui ne dégradent pas l’équilibre budgétaire. Il s’agit à la fois d’une demande du rapporteur général, mais aussi du président de notre groupe.

Ce serait sans doute une bonne mesure, mais elle donnerait lieu à 1 milliard d’euros de perte de recettes fiscales et à 1,5 milliard d’euros de perte de cotisations sociales.

N’oubliez pas, monsieur Karoutchi, que je me suis engagée à présenter au ministre, à la fin de l’examen de ce texte, une opération blanche au regard des finances publiques. Or votre proposition ferait exploser ma facture ! (Sourires.)

La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur Karoutchi, c’est tout de même très cher…

M. Roger Karoutchi. Mais je suis cher ! (Sourires.)

M. Emmanuel Macron, ministre. Nos amis allemands, dont vous avez parlé, et qui nous regardent, sont très vigilants sur ce sujet. Ils sont les premiers à nous reprocher les déficits budgétaires quand nous les laissons filer. C’est parce que cette mesure coûtait 4,4 milliards d’euros au total, parts salariale et patronale comprises, que nous avons été amenés à la supprimer.

L’heure tardive et la confiance qui règne entre nous nous permettent de nous parler franchement. À titre personnel, je pense que la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires n’a pas été comprise parce qu’elle a été perçue comme injuste par celles et ceux qui en bénéficiaient.

Je ne vous contredirai pas sur les deux points que vous avez évoqués en faisant référence aux sondages et au rapport parlementaire sur cette question. Il reste que la mesure elle-même n’était pas très juste socialement parce qu’elle profitait à celles et ceux qui avaient déjà un emploi et pouvaient donc accéder aux heures supplémentaires.

M. Emmanuel Macron, ministre. Par ailleurs, elle avait un coût important.

Par conséquent, sur le plan rationnel comme sur le plan économique, il était juste de rapporter cette mesure et de procéder à de nouveaux arbitrages.

Puisque nous nous disons les choses franchement, j’ajouterai que, en termes de pouvoir d’achat, le choix du Gouvernement en faveur des tranches les plus basses de l’impôt sur le revenu était tout de même plus juste.

D’un point de vue macroéconomique, la décision qu’a prise le Gouvernement en 2012 était donc bonne.

Cela étant, comment expliquer à quelqu’un qui gagne le SMIC et touche 200 euros de plus par mois grâce à cette mesure qu’il est plus juste socialement de la supprimer ? C’est tout le problème de la décision politique, à laquelle nous sommes parfois collectivement confrontés !

Je comprends donc la démarche qui vous a conduit, monsieur Karoutchi, avec un certain nombre de vos collègues, à déposer cet amendement. Je comprends également ce qu’ont pu ressentir celles et ceux qui ont eu à subir la suppression de cette mesure. Toutefois, à mes yeux, la restaurer ne serait pas le meilleur choix macroéconomique. Mieux vaut cibler l’investissement, de manière à accompagner la dynamique de reprise, et prendre des mesures relatives à la progressivité de l’impôt sur le revenu.

Il y a un énorme travail à faire sur le temps de travail et les mesures d’allégement. Je continue à défendre le CICE et le pacte de responsabilité, mais on peut aller plus loin pour favoriser la reprise de l’emploi.

S’il a été particulièrement douloureux de « débrancher » la mesure de défiscalisation des heures supplémentaires, ce serait une erreur de la réintroduire aujourd’hui.

Au demeurant, si j’ai bien suivi l’évolution conceptuelle de votre camp, vous êtes en train de vous orienter vers d’autres voies. Ainsi, votre défense de la défiscalisation des heures supplémentaires ne me paraît pas cohérente avec le positionnement de certains de vos amis qui plaident, eux, pour l’abandon des 35 heures : on ne peut pas vouloir revenir sur la limitation des heures de travail et, en même temps, défiscaliser les heures supplémentaires. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)

Vous m’avez fait l’amitié de vous mettre à ma place, monsieur Karoutchi ; permettez donc que je me mette un instant à la vôtre ! (Sourires.) J’ai peur que vous ne vous mettiez vous-même en porte à faux avec votre propre camp.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cela me gênerait, alors que certains veulent promouvoir des mesures plus révolutionnaires, que vous soyez pris de revers. (Nouveaux sourires.)

Mais je redeviens plus sérieux. La situation n’est ni toute blanche ni toute noire. Il reste que non seulement les contraintes pesant sur les finances publiques, mais aussi une vision complète du contexte m’incitent à vous demander le retrait de cet amendement, même si je comprends les prémisses du raisonnement qui vous ont conduit à le déposer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Je reviens brièvement sur le problème des dates que j’ai soulevé tout à l'heure pour vous dire, monsieur le ministre, que ne suis pas convaincu par l’explication que vous avez fournie, car elle est à double tranchant.

S’agissant de la défiscalisation des heures supplémentaires, il est vrai que, dans les entreprises, cette mesure était extrêmement populaire auprès des salariés qui en ont bénéficié et qu’il est évidemment toujours très douloureux de se voir privé d’un avantage qu’on vous a accordé.

Cette mesure pouvait se justifier en 2007, avant la crise de 2008, alors que nous étions dans une conjoncture économique plutôt florissante. Elle pouvait faciliter les choses dans certains secteurs où le marché du travail était particulièrement tendu ; je pense en particulier au BTP et à l’hôtellerie-restauration.

Rétablir aujourd'hui une défiscalisation des heures supplémentaires serait la plus grande des absurdités économiques. Il faut le rappeler, les heures supplémentaires sont gouvernées par les conventions collectives, qui prévoient des règles de déclenchement. Tout cela est très encadré. Un salarié ne peut pas refuser une heure supplémentaire, étant entendu qu’il existe des délais de prévenance. Ce qui détermine le déclenchement les heures supplémentaires, c’est le plan de charge de l’entreprise, et celui qui en décide, c’est le chef d’entreprise, non le salarié.

L’introduction de cette mesure a permis une augmentation aléatoire du pouvoir d’achat. En outre, celle-ci a été relativement injuste vis-à-vis de tous les salariés qui ne pouvaient pas en bénéficier. Dans une même entreprise, certaines personnes font des horaires normaux de huit heures, tandis que d’autres sont en travail posté. Or le travail posté en trois-huit ne permet pas de bénéficier d’heures supplémentaires. Ainsi, le revenu net de salariés faiblement qualifiés s’est rapproché de celui de salariés qui avaient une qualification beaucoup plus élevée, mais qui travaillaient en équipe.

Un tel dispositif avait donc des effets pervers importants.

S’il a pu être un accompagnateur de croissance dans un certain contexte, celui de 2007, il s’est révélé beaucoup moins pertinent les années suivantes.

J’ajouterai, en tant que chef d’entreprise, que la défiscalisation des heures supplémentaires n’est pas un encouragement à la productivité pendant le temps de travail normal. En effet, il n’y a aucune raison d’accélérer son rythme de travail si l’on bénéficie, à la fin, d’une « heure pactole ». Par conséquent, au regard de la productivité des entreprises, la défiscalisation des heures supplémentaires engendre également un effet pervers.

De plus, cette mesure a représenté une dépense non pas de 2,5 milliards d’euros, mais de 4 milliards d’euros. Il s’agissait essentiellement d’une relance par la consommation, d’une introduction aléatoire de pouvoir d’achat, certes très populaire. Malgré cet aspect positif, il convient de trouver d’autres moyens pour relancer l’économie.

L’erreur, à l’époque, a été de ne pas avoir un vrai débat permettant de prendre en considération le point de vue des entreprises. Pour celles-ci, ce qui compte, ce sont les charges qui pèsent sur la première heure de travail, et non pas les heures supplémentaires. Si des entreprises font faire des heures supplémentaires, c’est qu’elles sont déjà dans une situation privilégiée, et ce ne sont pas celles-là qu’il faut aider. Je regrette d’ailleurs que la TVA sociale, qui s’applique dès la première heure de travail, n’ait pas été mise en place plus tôt. Elle a été proposée à la fin du quinquennat précédent, puis rejetée par la nouvelle majorité et, enfin, reprise à travers le CICE.

Pratiquant les heures supplémentaires depuis une trentaine d’années, je sais comment elles fonctionnent et j’émets donc des réserves techniques sur le bien-fondé de cette proposition.

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est minuit et je vous propose de poursuivre nos travaux jusqu’à zéro heure trente.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je veux tout d’abord saluer le talent avec lequel Roger Karoutchi a su présenter une mesure symbolique. Celle-ci a été défendue par la majorité sénatoriale, mais nous avions estimé que son coût, trop élevé au regard de l’état actuel des finances publiques, ne permettait pas de l’inscrire dans le projet de loi de finances pour 2015.

M. Karoutchi a également su vous inviter, monsieur le ministre, à clarifier votre approche du sujet et vos intentions. Vous avez reconnu – je ne crois pas trahir votre pensée – que le retrait de ces heures supplémentaires avait en effet été vécu comme une injustice par nos concitoyens.

Pour ma part, je pense que cette mesure a aussi jeté un certain trouble lorsqu’elle a été instituée parce que tous les Français n’étaient pas susceptibles d’en bénéficier. Il reste que la supprimer a incontestablement été une maladresse.

Grâce à cet amendement, grâce à la présentation qu’en a faite Roger Karoutchi et grâce à la réponse que vous lui avez apportée, monsieur le ministre, nous allons plus loin dans l’« opération vérité » qui a commencé tout à l’heure.

Vous nous avez dit que vous étiez prêt à approfondir la réflexion sur d’autres sujets, notamment le temps de travail. Sur ce thème, nous ferons des propositions efficaces, justes et techniquement réalisables, à défaut d’être « décoiffantes ». Mme la corapporteur les présentera ultérieurement.

Mme Deroche l’a dit, nous avons aussi dû faire des choix et ceux-ci ont été principalement guidés par des considérations budgétaires. Avec M. le rapporteur général de la commission des finances, nous avons veillé à nous inscrire dans une perspective « iso-ressources » et « iso-dépenses ». C’est pourquoi la commission a sollicité le retrait de cet amendement.

Nous attendons maintenant d’aller plus loin ensemble, monsieur le ministre. La commission proposera d’autres mesures, qui vont marquer des différences avec le Gouvernement et devraient permettre d’avancer sur la pénibilité, sur l’accord de maintien de l’emploi, sur le temps de travail et sur les seuils.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. M. Karoutchi a en effet beaucoup de talent, mais aussi beaucoup d’influence puisque son amendement n’a pas été frappé par l’article 40 de la Constitution, qui a en revanche été opposé à l’un de mes amendements, alors que ce dernier visait simplement à ce que la régulation soit assurée, non par l’Autorité de la concurrence, mais par le ministère. Là, on a sorti le bazooka de l’article 40 ! (Sourires.)

Sur le fond, je reconnais que la question du pouvoir d’achat est centrale au regard de la croissance de notre économie. Bien sûr, nous devons mener une politique équilibrée entre l’amélioration de notre offre à l’exportation et la modernisation de notre appareil productif, mais nous ne pouvons pas vivre non plus sans demande intérieure, car celle-ci permet aussi de remplir les carnets de commande. Cela suppose d’apporter un certain soutien soit à des investissements précisément ciblés, soit au pouvoir d’achat.

En revanche, monsieur Karoutchi, la mesure que vous préconisez n’est pas bonne. Notre collègue centriste a fort bien démontré le caractère injuste de ce mécanisme des heures supplémentaires. Nous avions contesté cette mesure hier et nous maintenons que ce ne serait pas une bonne décision aujourd'hui.

Non sans réalisme, M. le ministre a indiqué que la suppression d’une mesure qui donnait du pouvoir d’achat aux ménages ne se faisait généralement pas dans la joie et l’allégresse, surtout si rien ne se substitue à cette mesure.

Pour avoir bien suivi l’élaboration de notre programme de campagne, celui qui aurait dû être mis en œuvre, je me souviens qu’était aussi prévue une réforme fiscale visant à rendre la CSG progressive. Or alléger la CSG pour les revenus les plus modestes aurait été de nature à compenser en grande partie la perte de pouvoir d’achat que certains ont pu subir après la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, tout en offrant à d’autres, qui en ont également bien besoin et qui ne bénéficiaient pas de ces heures supplémentaires, un complément de revenu.

C’est donc la coïncidence de ces deux mesures qui aurait été de nature à éviter le sentiment, pour certains, d’être privés d’une part de leur pouvoir d’achat.

Mais ne refaisons pas l’histoire ! Ce n’est plus le sujet d’aujourd’hui. Nous aurons de toute façon l’occasion de reparler de la CSG progressive puisque le Premier ministre vient de signer un texte dans lequel il dit espérer que l’on pourra, dès 2016, s’engager dans cette voie et aller vers la convergence entre l’impôt sur le revenu et la CSG du point de vue de la progressivité.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je ne retirerai pas cet amendement ! (Manifestations de désappointement feint.) Soyons sérieux ! (Sourires.)

Mme Lienemann, pour qui j’ai beaucoup de considération, met en avant les côtés injustes de cette mesure, notamment pour ceux qui n’en bénéficiaient pas. Il est évident que l’exonération des heures supplémentaires ne profitait pas, par définition, à celles et ceux qui n’avaient pas d’emploi !

En 2012, d’un trait de plume, le Gouvernement a supprimé cette mesure qui profitait à 7 millions ou 8 millions de personnes.

Depuis trois ans, on entend beaucoup de promesses, mais on ne voit aucun geste d’envergure sur le pouvoir d’achat.

M. Emmanuel Macron, ministre. Et la baisse de l’impôt sur le revenu pour les catégories les plus modestes ?

M. Roger Karoutchi. Je n’ai pas le sentiment de dire des énormités…

Il s’agit principalement d’un amendement d’appel, auquel le Gouvernement réservera le sort qu’il voudra à l’Assemblée nationale.

Nous ne devons pas seulement avoir des gestes à l’égard des entreprises. Le pouvoir d’achat, cela compte aussi !

Vous reconnaissez vous-même, monsieur le ministre, le mécontentement des millions de Français qui ont perdu le bénéfice de cette exonération des heures supplémentaires. En effet, quand vous retirez du pouvoir d’achat à nos concitoyens, vous ne pouvez pas vous attendre à ce qu’ils soient satisfaits !

Que peut-on faire immédiatement en faveur du pouvoir d’achat ? Nous n’ignorons pas les mesures prises par le Gouvernement en matière fiscale. Mais, très sincèrement, elles ne procurent pas le même sentiment de gain de pouvoir d’achat que l’exonération des heures supplémentaires.

J’entends aussi ce que dit Jean-Marc Gabouty : il y aurait sans doute moins d’entreprises concernées qu’en 2007, et donc moins d’heures supplémentaires exonérées. Mais la mesure coûterait alors moins cher, et l’on enverrait néanmoins un signal fort à tous ceux qui travaillent et qui agissent.

L’Assemblée nationale et la CMP décideront du sort à réserver à cet amendement, mais je ne vois pas pourquoi je renoncerais à proposer de réintroduire une mesure populaire, qui avait donné le sentiment à des millions de Français de gagner du pouvoir d’achat. Je comprends très bien tous les éléments de macroéconomie que vous avez avancés, monsieur le ministre, mais, à un moment, il faut prendre en compte le quotidien des gens. Or celui-ci avait été amélioré en 2007 par cette mesure.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Vous vous en doutez, mes chers collègues, nous ne voterons pas en faveur de cet amendement de M. Karoutchi puisque nous avons toujours été partisans de la suppression de cette mesure. Nous avions donc voté ici même, avec grand plaisir, la suppression de ce pan de la fameuse loi TEPA.

Comme je l’ai dit à M. le ministre en commission spéciale lorsqu’il nous a présenté l’amendement n° 1766, que le Sénat vient d’adopter, il donne toujours satisfaction à celles et ceux qui prônent encore plus de libéralisme, sans jamais parvenir à les satisfaire complètement. En effet, à peine un amendement est-il adopté que d’autres sont déjà proposés qui vont encore plus loin dans la demande d’exonérations et de cadeaux aux entreprises.

M. Robert del Picchia. En l’occurrence, ce n’est pas un cadeau aux entreprises !

Mme Annie David. Soyez honnêtes : cette mesure constituait sans doute un gain de pouvoir d’achat pour les salariés, mais les entreprises en profitaient également. Ce dispositif était bien présenté à l’époque comme relevant du « gagnant-gagnant », pour les entreprises et pour les salariés.

L’amendement relatif au plan d’investissement vient tout juste d’être adopté et vous en demandez déjà un peu plus, tout comme hier où, durant une réunion de la commission spéciale, l’un de vos collègues demandait que l’on aille plus loin dans la libéralisation du travail et l’allégement des contraintes du code du travail.

Je voudrais enfin apporter une petite correction. J’ai lu dans la presse que M. le ministre se félicitait de ce que l’amendement n° 1766 du Gouvernement ait été adopté à l’unanimité des membres de la commission spéciale. Je précise qu’il s’agissait des seuls membres présents. En effet, lors de la présentation de cet amendement en commission, j’ai fait part de la colère de mon groupe et nous avons quitté la réunion – la présidente de notre groupe a par la suite procédé à un rappel au règlement en séance sur ce sujet. Si nous avions été présents en commission, nous aurions évidemment voté contre cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Monsieur Karoutchi, d’un point de vue macroéconomique, votre amendement représente une très grossière erreur dans le contexte actuel.

Selon les chiffres communiqués par l’INSEE voilà quelques jours, c’est la consommation qui marche dans notre pays. De fait, l’inflation étant très faible, le pouvoir d’achat est orienté dans un sens positif.

De plus, si l’on dresse le bilan du CICE, on voit que son utilisation ne s’est pas portée prioritairement sur l’investissement, mais sur les augmentations de salaires.

Votre mesure n’intervient donc pas au bon moment, mon cher collègue.

Nous sommes surtout confrontés à un vieillissement de l’appareil productif et à une panne de l’investissement privé. Pour ce qui concerne l’investissement public, comme l’a annoncé le Premier ministre, il y aura des mesures pour que les collectivités locales puissent bénéficier, par le biais de la Caisse des dépôts et consignations, d’une trésorerie mise à disposition au titre du remboursement de la TVA.

Vous voulez revenir sur un dispositif que nous avons supprimé. C’est vrai que cette décision nous a coûté assez cher en termes de popularité. Mais un gouvernement doit avant tout œuvrer pour le bien de la Nation.

Le rajeunissement de notre appareil productif accuse un retard. Nos entreprises sont parmi les moins robotisées d’Europe. Est-ce normal ?

La mesure favorable à l’investissement que nous avons votée tout à l'heure est cohérente avec une politique qui vise à remettre sur pied notre appareil productif. Il ne sert à rien de relancer un moteur qui marche déjà !

Il y a une guerre des prix dans la grande distribution. Elle a abouti – d’une manière assez dramatique, du reste – à une baisse des prix, notamment pour les produits alimentaires. Les ménages en ont bénéficié. La baisse des cours du pétrole profite également aux ménages. La baisse de l’euro peut, quant à elle, profiter aux entreprises. Ce n’est donc pas sur l’accélérateur de la consommation qu’il faut appuyer en ce moment !

En outre, nous n’aurions pas suffisamment de produits pour répondre à une demande accrue. Celle-ci se porterait donc vers des produits importés.

Puisque c’est l’heure de vérité, je vous donne ma vérité : d’un point de vue macroéconomique, l’adoption de votre amendement serait une erreur.

Au début, je vous l’avoue, monsieur Karoutchi, je n’ai pas pris votre proposition au sérieux. Je pensais qu’il s’agissait d’un amendement d’appel, ou d’une posture politique. Je ne vous reconnais d’ailleurs pas vraiment dans cette démarche.

Je le répète, l’adoption de votre amendement serait une erreur – et j’emploie ce terme pour être polie.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. La majorité de notre groupe votera cet amendement. Nous avons déjà déposé et voté des amendements similaires dans cet hémicycle depuis 2012. Or je n’ai pas l’habitude de prendre des positions successives incohérentes.

Mais il y a aussi des arguments de fond. Il est rare que les mesures économiques – y compris les mesures d’ordre macroéconomique, madame Bricq – n’aient que des avantages. Sinon, nous serions tous d'accord pour les prendre ! L’immense majorité des mesures ont certains avantages et certains inconvénients.

Le premier avantage de la défiscalisation des heures supplémentaires, c’est qu’elle crée du travail. On dit parfois qu’elle empêcherait aussi des embauches. C’est faux : si les entreprises avaient la possibilité d’embaucher davantage, elles le feraient ! La défiscalisation des heures supplémentaires a cet effet positif de créer du travail, et donc de la richesse, ce qui n’est pas négligeable.

On a d'ailleurs vu les réactions qu’a suscitées la suppression de cette mesure. À l’époque, j’ai assisté à certaines réunions de la majorité, au plus haut niveau. Je me souviens que les opinions étaient pour le moins…

Mme Nicole Bricq. … diverses !

M. Jacques Mézard. … diverses, en effet. Pour ma part, j’ai toujours eu la même opinion.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Nous sommes opposés à votre amendement, monsieur Karoutchi.

J’en profite pour dire que, à nos yeux, la réflexion sur la TVA sociale mérite d’avoir lieu.

Madame Bricq, vous vous êtes réjouie de la baisse des prix des produits alimentaires. Je ne suis pas sûr qu’il faille toujours se réjouir de la baisse des prix. Cette baisse peut avoir un coût : elle peut signifier que les conditions de travail ou de rémunération se sont dégradées.

Mme Nicole Bricq. Absolument !

M. Jean Desessard. Ce qui pose vraiment problème, surtout dans les grandes villes, ce ne sont pas les prix des produits alimentaires, c’est la part croissante du loyer dans le budget des ménages, et c’est sur ce point qu’il faut rapidement trouver une solution.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 715.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 812 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty et Médevielle, Mme Gatel, MM. Cadic et Pozzo di Borgo, Mme Loisier, MM. Guerriau, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l’article 35

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Dans le cadre de l'application de la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués confie, en liaison avec les collectivités territoriales concernées, à des entreprises de l'économie sociale et solidaire, au sens de l'article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire et satisfaisant aux conditions de l'article 2 de la même loi, la gestion de biens définitivement confisqués ou le produit de l'aliénation de ces biens, en vue de la réalisation d'actions telles que définies à l'article 2 de ladite loi.

Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article.

II. - Le 3° de l'article 706-163 du code de procédure pénale est complété par les mots : « et sauf lorsque la gestion ou le produit de l'aliénation d'un bien définitivement confisqué est confié à une entreprise de l'économie sociale et solidaire satisfaisant aux conditions de l'article 2 de la loi n° 2014-856 relative à l'économie sociale et solidaire ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. La loi du 9 juillet 2010 organise la gestion des biens confisqués dans le cadre de procédures judiciaires sous forme de saisies de patrimoine, immobilier ou mobilier, ou de droits incorporels. Quand la saisie devient définitive par voie de justice, l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, l’AGRASC, a pour mission de les vendre. Pour mémoire, en 2012, 38 294 biens ont été saisis, pour un montant évalué à 773 millions d'euros ; le stock géré par l'Agence était, quant à lui, estimé à 980 millions d'euros.

Cet amendement vise à permettre à l'AGRASC de confier la gestion des avoirs saisis et confisqués, dont l'État resterait bien entendu propriétaire, à des entreprises de l'économie sociale et solidaire répondant aux critères de l'utilité sociale définis à l'article 2 de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. Les collectivités territoriales concernées par ces réalisations seraient impliquées.

L'intérêt de cette mesure de recyclage – à proximité, dans la mesure du possible – des avoirs saisis au profit de la population est d'impliquer la société civile, afin de lutter contre toute forme, aussi marginale soit-elle, de bienveillance ou de tolérance vis-à-vis du crime organisé.

Utilisé depuis 1996 en Italie, où il a produit des résultats assez significatifs – sur 80 000 biens saisis, 15 000 ont été réaffectés à la société civile – et depuis 2008 en Serbie, le dispositif a radicalement changé le visage de la lutte contre le crime organisé.

La directive du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l’Union européenne invite par ailleurs les États membres à adopter des dispositifs favorisant la réutilisation des biens mafieux confisqués à des fins prioritairement sociales.

La mesure que nous proposons associe la morale et l’efficacité sociale.

M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 456 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 578 rectifié est présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Malherbe et MM. Mézard, Requier et Collombat.

L'amendement n° 692 rectifié bis est présenté par M. Daunis, Mmes Lienemann et Guillemot, MM. M. Bourquin, Duran, Courteau et Vaugrenard et Mme Espagnac.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 35

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans le cadre de l’application de la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale et du mandat exercé par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, il peut être confié à des entreprises de l’économie sociale et solidaire, au sens de l’article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire et satisfaisant obligatoirement aux conditions de l’article 2 sur l’utilité sociale, la gestion de biens définitivement confisqués ou le produit de l’aliénation de ces biens, en vue de la réalisation d’actions telles que définies à l’article 2 de la loi n° 2014-856 précitée et de leur financement.

Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 456.

M. Ronan Dantec. Notre amendement est proche de celui qu’a présenté Jean-Marc Gabouty. La principale différence est que nous ne proposons pas de compléter le 3° de l’article 706-163 du code de procédure pénale.

Il est important de rappeler que la directive européenne du 3 avril 2014 invite les États membres à adopter des dispositifs permettant de redistribuer, à des fins prioritairement sociales, les biens saisis de même nature que ceux que gère l'AGRASC.

Bien mal acquis et saisi doit être mis prioritairement au service de l’intérêt général : voilà comment je résumerai l’objet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° 578 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Ce sont chaque année 450 millions d'euros de biens mal acquis qui sont saisis. Nous proposons, nous aussi, qu’ils soient réinjectés dans l’économie sociale et solidaire, ce qui présenterait plusieurs avantages. Tout d'abord, cela empêcherait les organisations mafieuses de racheter les biens en sous-main, comme elles le font souvent. Ensuite, cela créerait des emplois utiles à la collectivité. De plus, ce serait un moyen concret de réaffirmer les valeurs de citoyenneté et de solidarité dans les quartiers sensibles. Enfin, cela permettrait d’aligner la pratique française sur la pratique italienne et de montrer l’exemple à nos autres partenaires européens.

M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour présenter l'amendement n° 692 rectifié bis.

M. Marc Daunis. J’apporterai simplement deux éléments d’explication.

Si nous ne proposons pas de compléter le 3° de l’article 706-163 du code de procédure pénale, c’est parce qu’il est apparu, lors des débats à l’Assemblée nationale, que c’était l’un des points qui empêchaient le Gouvernement de retenir le dispositif.

L’affectation au secteur de l’économie sociale et solidaire apparaît particulièrement bienvenue puisque beaucoup de travailleurs de ce secteur interviennent utilement dans des quartiers connaissant un certain nombre de difficultés, auprès de populations se trouvant dans des situations très compliquées. Cette proposition me semble donc aller vraiment dans le sens de l’intérêt général.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Même si elle comprend l’intention des auteurs de ces amendements, la commission a émis un avis défavorable.

La mesure proposée revient à verser une aide indue à certaines entreprises. Les entreprises de l’économie sociale et solidaire bénéficient déjà de mesures de soutien financier qu’il ne paraît pas opportun d’élargir, quelles que soient les qualités de ces entreprises. Par ailleurs, comment justifier le versement d’une aide à ces entreprises plutôt qu’à des associations intervenant elles aussi dans le champ de l’économie sociale et solidaire ?

Le versement des avoirs définitivement saisis aux victimes et créanciers puis, le cas échéant, à l’État, permet de garantir le retour des biens volés à la collectivité spoliée par les agissements criminels. Je rappelle que, une fois la confiscation devenue définitive, le produit des biens saisis est versé par l’AGRASC, d'une part, aux victimes et, d'autre part, au budget général ou au fonds de concours « Stupéfiants », dont bénéficie la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la MILDECA.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements, et ce pour plusieurs raisons techniques.

Je voudrais d’abord préciser la nature des biens mal acquis dont il s’agit ici. Ce ne sont pas forcément des biens mafieux, issus du crime organisé. Ce sont aussi des biens confisqués, parfois à des États étrangers, qui peuvent avoir vocation à être rendus auxdits États. En disposer comme il est proposé par les auteurs de ces amendements ne me paraît donc pas être de bonne méthode.

Je peux souscrire à la finalité de ces amendements, puisqu’il s’agit du financement de l’économie sociale et solidaire. Toutefois, compte tenu de la définition de l’assiette utilisée, je pense que cette solution n’est pas juridiquement robuste. Ce premier point est, à mes yeux, rédhibitoire.

Ensuite, l’AGRASC assure une gestion centralisée, sur un compte ouvert à la Caisse des dépôts, de toutes les sommes saisies lors de procédures pénales. Elle peut aussi procéder à la vente de biens saisis et donc rendre liquides des actifs qui ne le sont pas par nature. Cependant, attribuer ces sommes, qui plus est au financement de l’économie sociale et solidaire, me semble difficilement faisable.

En effet, l’AGRASC procède aux ventes avant jugement de biens meubles saisis si et seulement si elles sont décidées par les magistrats, lorsque ces biens meubles ne sont plus utiles à la manifestation de la vérité et s’ils sont susceptibles de dépréciation. Dans ce cas, la somme issue de la vente est consignée sur le compte que je viens d’évoquer, et elle est restituée au propriétaire du bien si celui-ci bénéficie d’un acquittement, d’un non-lieu ou d’une relaxe, ou si le bien ne lui est pas confisqué.

Vous le voyez, ces biens peuvent certes, à un moment donné, être rendus liquides par décision d’un magistrat, mais on ne peut pas les libérer tant que la procédure n’est pas parvenue à son terme puisqu’ils peuvent être restitués in fine.

L’utilisation des autres biens ou sommes non restitués, et donc entrés dans le domaine public, fait encore aujourd’hui l’objet de discussions techniques interministérielles. Cette question a besoin d’être bien bordée pour que le bon fonctionnement de l’AGRASC soit assuré.

En résumé, par rapport à l’ensemble de la masse des biens saisis, il y a d’abord un problème de qualification. Ensuite, il y a un problème tenant au caractère liquide ou non des biens saisis. Enfin, vous l’avez compris, la partie de ces biens saisis rendue liquide par décision du juge doit rester immobilisée, l’hypothèse d’une restitution à l’issue de la procédure ne pouvant être exclue.

La vraie question technique, qui fait encore l’objet, je le répète, de discussions entre les ministères compétents, sous l’autorité de Mme la garde des sceaux, porte donc sur ceux de ces biens qui tombent dans le domaine public à la suite d’une décision de justice.

La somme de ces biens n’équivaut pas au montant qui a été évoqué, mais, en ce qui les concerne, je pense que l’on peut avancer dans le sens que vous suggérez. Toutefois, aujourd’hui, les éléments techniques ne sont pas stabilisés et les rédactions proposées ne sont pas satisfaisantes, car elles n’offrent pas l’ensemble des garanties nécessaires.

Je comprends l’objectif visé, mais qu’il nous faut encore travailler sur la question, compte tenu des contraintes que je viens d’évoquer. Aussi, je ne peux que demander le retrait de ces amendements, faute de quoi j’y serai défavorable.

M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.

M. Marc Daunis. Relisez bien mon amendement, monsieur le ministre. Il est écrit : « il peut être confié ». Il ne s’agit donc nullement d’une obligation ; c’est une opportunité d’utilisation des biens saisis qui est ouverte. Dès lors, l’argument de la qualification que vous nous opposez ne me paraît pas pouvoir être retenu.

Par ailleurs, il avait été convenu à l’Assemblée nationale qu’une consolidation juridique était nécessaire. Je constate qu’elle n’a toujours pas abouti, ce que je regrette.

Aussi, je suis plutôt tenté de maintenir mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Je fais mienne l’observation de M. Daunis. J’y ajoute que, au moins dans les trois amendements identiques, il est question de la « gestion de biens définitivement confisqués ou du produit de l’aliénation de ces biens ». Je ne vois donc pas où est la difficulté.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je veux, moi aussi, mettre l’accent sur l’utilisation du verbe « pouvoir », qui répond aux objections de M. le ministre.

L’idée est de flécher des biens spécifiques, avec une dimension pédagogique dans leur réaffectation. Il s’agit d’une possibilité offerte, sur des opérations assez précises. Nous allons donc également maintenir notre amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. La rédaction de mon amendement ne contenant pas le mot « peut », je crains de ne pouvoir le maintenir.

Je comprends que le dispositif n’est pas mûr en raison de difficultés techniques de mise en œuvre. Cependant, je rappelle que, lors de la discussion du texte sur l’économie sociale et solidaire à l’Assemblée nationale, en mai 2014, Mme Valérie Fourneyron, alors secrétaire d’État, à propos d’amendements de même nature, déclarait : « N’allons pas trop vite : nous ne mesurons pas l’impact d’une telle mesure et son cadre n’est pas encore assez précis. »

Si l’Italie, qui n’est peut-être pas un pays dont l’organisation est exemplaire, a réussi à mettre un dispositif en place, je pense que nous devrions être capables de faire de même dans notre pays.

Néanmoins, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 812 rectifié ter est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 456, 578 rectifié et 692 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 68 amendements au cours de la journée ; il en reste 812.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Articles additionnels après l’article 35 (début)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 35 bis A (supprimé)

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 17 avril 2015, à neuf heures trente-cinq, à quatorze heures trente, le soir et la nuit :

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas relatif à la coopération insulaire en matière policière à Saint-Martin (n° 355, 2014-2015) ;

Rapport de Mme Hélène Conway-Mouret, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 384, 2014-2015) ;

Texte de la commission (n° 385, 2014-2015).

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le conseil des ministres de la République d’Albanie portant sur l’application de l’accord entre la Communauté européenne et la République d’Albanie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier (n° 354, 2014-2015) ;

Rapport de M. Bernard Fournier, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 396, 2014-2015) ;

Texte de la commission (n° 397, 2014-2015).

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de la convention n° 188 de l’Organisation internationale du travail relative au travail dans la pêche (n° 353, 2014-2015) ;

Rapport de M. André Trillard, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 398, 2014 2015) ;

Texte de la commission (n° 399, 2014-2015).

Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n° 300, 2014-2015) ;

Rapport de Mmes Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale (n° 370, tomes I, II et III, 2014-2015) ;

Texte de la commission (n° 371, 2014-2015).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 17 avril 2015, à zéro heure trente-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART