M. le président. Il faut conclure !

M. André Gattolin. Nous espérons, monsieur le ministre, que le gouvernement de la France saura prendre toutes ses responsabilités en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. le président de la commission des affaires européennes applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe politique.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Royaume-Uni va peut-être demander à sortir de l’Europe dans la foulée du référendum. Je dis « peut-être », car un chef d’entreprise irlandais me confiait, hier soir, qu’ils seraient obligés d’embaucher beaucoup de monde pour parer aux éventuelles difficultés que vont poser les doubles passeports. Sans parler de l’Écosse, dont nous ne savons pas encore ce qu’elle va faire.

Dans le contexte actuel, il serait utile que nous empruntions à nos voisins d’outre-Manche leur flegme. Si, pour une fois, nous arrêtions de donner à penser que tout est noir ou blanc. Vouloir faire croire, chaque fois qu’une consultation de ce type est organisée, que ce sera catastrophique ou merveilleux est une posture, qui sera, systématiquement, démentie par les faits.

L’Union européenne ne peut pas tout, elle n’est pas responsable de tout. Il existe des pays qui ne sont pas dans l’Union, et ils ne sont pas en faillite ; nous commerçons avec eux, et leur monnaie n’est pas nécessairement dévaluée.

Aussi, il serait utile que nous examinions la situation avec sang-froid, dans une approche pragmatique ; ce sera d’ailleurs pour nous l’occasion de vérifier si le Royaume-Uni recevait plus qu’il ne versait.

Cette situation devrait surtout nous conduire à réfléchir sur ce qui entraîne progressivement les pays européens à rejeter l’Europe d’aujourd’hui. Celle qui est tatillonne, qui veut s’occuper de tout – de la fessée, comme du contenu des menus des cantines –, une machine à produire des normes, des contraintes administratives, qui, dans les faits, peuvent même créer, entre les entreprises des États membres, une concurrence déloyale liée à des divergences de transposition, d’interprétation, etc.

Et si nous profitions de cette période pour redéfinir ce qui nous paraît essentiel ?

Nous avons la monnaie unique, c’est très clairement un progrès et un avantage.

Nous devions avoir une défense commune. Où est-elle ?

L’harmonisation fiscale devait aller de pair avec l’euro. Où en est-on ?

Où sont, enfin, les règles sociales harmonisées ? On ne les voit guère dans l’espace intracommunautaire de dumping social sur le marché du travail.

Moins d’Europe, mieux d’Europe : voilà ce qui devrait mobiliser nos forces. Redéfinir ce que nous devons mettre en commun est une urgence, et ce n’est pas la fuite en avant qui va faire aimer l’Europe aux peuples.

Finalement, nous verrons bien si les Britanniques vont matérialiser juridiquement leur intention de sortir. Dans ce cas, il existe des règles, appliquons-les !

Mais j’attire votre attention sur la nécessité de saisir l’occasion pour remettre à plat un certain nombre de dérives, sinon je crains que l’hémorragie ne se poursuive.

Au fait, si les Britanniques sortent, le français redeviendra-t-il la langue officielle de travail ?

Mme Chantal Jouanno. Bonne question !

M. Philippe Adnot. La Banque centrale européenne qui fonctionne, pour sa part, uniquement en anglais depuis sa création va-t-elle pouvoir continuer à utiliser la langue d’un pays hors Union ?

Je souhaitais, par ce trait qui pourrait relever de l’humour britannique, mettre en relief ce qu’il peut y avoir d’absurde dans notre façon d’organiser nos institutions, en cultivant l’espoir que ce Brexit réveille les consciences. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – M. Henri Tandonnet et Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du Rassemblement démocratique social et européen. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, Albion, une fois encore, a choisi le grand large (Sourires.),…

M. Jacques Mézard. … comme au temps où le soleil ne se couchait jamais sur son empire, en se tournant vers l’océan, elle a sans doute déclenché une tempête tant sur ses côtes que sur celles du continent. Mais, heureusement, la tempête se calme toujours.

Tout d’abord, respectons le vote des Anglais : c’est un peuple qui n’a pas de leçon de démocratie à recevoir. Disons-leur : « Bon vent ! »

Nos décisions consécutives à ce Brexit doivent être fermes, conformes aux intérêts de notre nation et de la sauvegarde de l’Europe, mais non vexatoires à l’égard d’un peuple ami dont nous n’oublions pas que, voilà cent ans, des centaines de milliers de jeunes soldats tombaient sur la Somme pour la liberté (M. Alain Bertrand applaudit.), cette liberté qu’a su si magnifiquement incarner, vingt-cinq ans après, Winston Churchill. (Applaudissements sur les travées du RDSE ainsi que sur plusieurs travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Loin de sombrer dans le catastrophisme, faisons une analyse des raisons du choc qui ont amené un grand pays démocratique à mettre en jeu son unité territoriale et son développement économique pour se réconforter avec lui-même ou se recroqueviller sur lui-même.

Cette analyse faite, sur laquelle nous reviendrons, n’hésitons pas à rechercher les aspects éventuellement positifs de cette rupture.

Attaché à la construction européenne, notre groupe l’est viscéralement. Comment oublierions-nous que Maurice Faure a signé, au nom de la France, le traité de Rome ? (M. Robert del Picchia applaudit.)

Considérons tout d’abord que cet électrochoc a un côté positif en ce qu’il met l’Union européenne au pied du mur : ou elle modifie drastiquement son fonctionnement, ou elle sombrera. Ne donnons pas aux Anglais en plus la satisfaction d’avoir à dire : « Nous avons eu la sagesse de quitter le navire avant son naufrage ».

La sortie de l’Angleterre va modifier le centre de gravité européen au niveau géopolitique : moins d’atlantisme, moins de culte de la concurrence.

La situation impose des mesures rapides, d’abord à l’égard de l’Angleterre : elle ne saurait imposer son calendrier et jouer la montre.

L’Angleterre est entrée à reculons dans l’Europe, elle doit en sortir avec fair-play !

L’Angleterre ne peut avoir le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière. (Sourires.) L’article 50 doit être appliqué avec, pour objectif, de conclure dans les deux ans. Dans ce laps de temps, il paraît opportun de régler la question des rabais sur rabais défavorables à la France, et aussi, celle de ramener la langue anglaise à son nouveau poids dans l’Europe, celui de l’Irlande et de Malte.

Une évidence : les concessions faites à l’Angleterre pour qu’elle adhère et qu’elle reste ont été inutiles, voire néfastes.

Cependant, ne jetons pas la pierre aux Anglais : c’est une responsabilité collective, et rien ne dit qu’un référendum en France n’aurait pas la même issue ! (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mes chers collègues, l’Union européenne s’est coupée des citoyens européens par l’absence de responsabilité politique suffisante. La belle idée européenne pour construire une paix durable et le développement économique a été dévastée par ce qui est chaque jour vécu comme un pouvoir technocratique non démocratique, une machine à fabriquer des directives, le temple de la concurrence et de la finance à la sauce anglo-saxonne, une technostructure faisant du Conseil européen le secrétariat général de la Commission, ce qui est un comble ! La nature a horreur du vide, et c’est encore plus vrai en politique.

Nier l’immense déficit démocratique serait irresponsable ; les rejets populaires du traité constitutionnel de 2005, le « non » irlandais au traité de Lisbonne étaient des alertes rouges. Mais le déni s’est poursuivi, et nous le payons tous aujourd’hui.

Nous avons laissé se mettre en place une Europe technocratique trop occupée à réglementer la taille des cages à palmipèdes gras (M. Jean-Louis Carrère opine.), mais incapable de régler la dette autrement que par l’austérité ou encore incapable de s’entendre rapidement sur les moyens de gérer les migrants. Nous avons laissé s’installer une Europe qui se passe de l’avis des parlements nationaux sur des dossiers aussi fondamentaux que celui de la négociation du traité transatlantique, par exemple.

Avant de donner des leçons aux autres, commençons par balayer devant notre porte, et ce, si j’ose dire, en procédure accélérée (Sourires.) – et ce n’est pas là un message subliminal !

L’élection des députés européens en France est une palinodie,…

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jacques Mézard. … avec des circonscriptions artificielles, une machine à recycler les surplus des partis dominants (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Mézard. … et une tribune pour les anti-européens, des députés qui, malgré quelques heureuses exceptions, sont déconnectés des citoyens.

Ensuite – et c’est une seconde urgence ! –, notre Parlement, avec le concours du Gouvernement, doit donner toute sa place aux affaires européennes, avec une véritable information systématique des parlementaires et de vrais débats préalables aux conseils européens !

Mmes Sylvie Goy-Chavent et Chantal Jouanno. Tout à fait !

M. Jacques Mézard. Une troisième mesure simple, mesdames, messieurs les ministres : que le Gouvernement, par le canal des préfectures, fasse passer chaque mois dans toutes les mairies une information systématique, synthétique, pratique sur les dossiers européens avec des interlocuteurs dédiés dans chaque département !

Je pourrais décliner nombre d’autres propositions, mais j’insisterai sur l’impérieuse nécessité de rendre pour nos collectivités, nos agriculteurs, nos entreprises, les procédures de dossiers européens praticables : pour tous ceux qui y ont recours, c’est l’usine à gaz, le comble de la bureaucratie aggravée par la nôtre, qui est un modèle en la matière.

Il est plus que temps de donner la main au Parlement ; il est plus que temps que des commissions spéciales soient créées en lien avec le Gouvernement pour mettre à plat tous ces problèmes et tenter de les résoudre au plus vite.

Sur la question européenne, c’est en concertation avec le Parlement que l’exécutif doit élaborer une politique, car l’Europe se réformera ou se disloquera. Et, disons-le, la campagne pour l’élection présidentielle ne va pas faciliter les choses pour résoudre l’équation : « oui » à l’expression du peuple, mais « non » au populisme.

Notre commission des finances et son rapporteur Albéric de Montgolfier ont rédigé un excellent rapport sur les conséquences du Brexit ; les impacts financiers et économiques sont réels, mais ne justifient pas une dramatisation excessive.

Le risque et le débat sont d’abord politiques.

Concernant les institutions européennes, comment supporter le carcan d’une Commission hyper technocratique, qui ne devrait être que le secrétariat général du Conseil des ministres ? Premier enjeu : redonner le pouvoir aux représentants du peuple.

Comment recentrer les directives européennes sur les grands sujets et ne plus accabler nos territoires de directives portant sur la couleur des oranges, les remorques des tracteurs, j’en passe et de pires ?

M. Jacques Mézard. Débat sur le nécessaire recentrage de l’action européenne sur un « noyau dur », mais plus large que les six pays fondateurs. Une Europe à vitesse variable, c’est déjà le cas avec l’euro ; c’est donc possible.

Débat sur la logique pour les pays de l’euro de rechercher une harmonisation fiscale et sociale, sauf à s’exposer encore à des difficultés dramatiques.

Débat sur la définition d’une stratégie économique : on a laissé la porte ouverte à tout vent aux marchés sans même protéger la frontière européenne, tout en appliquant à nos entreprises des contraintes administratives absurdes.

Débat sur une plus grande solidarité du noyau dur en matière d’immigration et de défense. La France peut-elle et doit-elle continuer à assumer quasi seule les missions extérieures ?

Pour avancer sur toutes ces questions, il faut une vraie volonté politique dénuée de visions électoralistes, une volonté d’homme d’État !

Sous la IVe République, après l’échec de la CED, la Communauté européenne de défense, nos gouvernements ont provoqué la conférence de Messine, au cours de laquelle les épures du traité de Rome furent posées. Oui, il faut une nouvelle conférence de Messine, avec des propositions fortes.

Mes chers collègues, à l’ère des grands empires qui se constituent ou se reconstituent, de la Chine aux USA en passant par l’Inde, la Russie et d’autres encore, le choix ne peut être au lâche délitement de l’Europe, qui entraînera aussi inexorablement le délitement des nations autour de régionalismes indépendantistes.

C’est avec les nations qui fédèrent chacun de nos peuples et les rassurent que doit poursuivre et réussir l’Europe que nous voulons, celle d’un espace de liberté d’expression et de pensée, de création, de libertés de circuler, d’entreprendre sans diktat ni de la finance ni de la bureaucratie. L’Europe doit être non pas celle de la souffrance sociale, mais celle de la recherche, de l’innovation et des grands travaux.

Cela, c’est une belle aventure, c’est le beau projet pour les générations qui viennent. Y renoncer serait indigne de notre Histoire. Mais, pour ce faire, il nous faut à tous de la volonté et de la confiance dans notre peuple. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains ainsi que sur quelques travées groupe socialiste et républicain. – M. André Gattolin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe UDI-UC.

M. François Zocchetto. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le peuple britannique a décidé de quitter l’Union européenne quarante-trois ans après l’avoir rejointe. C’est évidemment un choix crucial pour le Royaume-Uni, mais qui aura des conséquences lourdes pour ses vingt-sept partenaires.

Puisque les peuples nous enjoignent de parler d’Europe sans langue de bois, disons-le clairement : vendredi matin, ce fut un choc.

Bien sûr, nous pourrions nous rassurer en constatant que le Royaume-Uni s’est toujours perçu à part. Que son histoire et sa géographie justifiaient un traitement dérogatoire et un quasi-droit de veto sur les aspirations majoritaires de ses partenaires.

Nous pourrions également nous demander si ces accommodements successifs n’ont pas engendré chez les Britanniques le sentiment qu’ils seraient dans leur droit de sortir de l’Europe le jour où ils estimeraient qu’ils n’en tireraient plus suffisamment d’avantages, portés ainsi par une logique utilitariste sans idéal.

Mais l’heure n’est pas aux regrets, elle est au sursaut. L’histoire peut nous inciter à l’optimisme, mes chers collègues : depuis soixante-dix ans, l’Europe avance en surmontant des crises successives. Nous pouvons faire du vote de jeudi dernier un électrochoc dont nous nous dirons dans dix ans qu’il aura servi à quelque chose.

Là est notre responsabilité, celle des États membres et de la France en particulier, d’abord pour mettre en œuvre la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et relancer en parallèle la construction européenne.

Cette sortie doit être rapide et sans ambiguïté. Elle doit être menée sans ressentiment, mais également sans complaisance.

Sans ressentiment, car les électeurs britanniques ont exprimé ce que beaucoup de citoyens européens pensent. Nos concitoyens s’interrogent sur l’utilité de l’Union européenne, considérant souvent qu’elle est la cause de nombre de leurs difficultés et encore plus souvent qu’elle ne sert à rien.

Sans ressentiment également, car les dirigeants britanniques ne sont pas les seuls et les premiers à avoir instrumentalisé l’Europe pour des calculs parfois médiocres. Souvenons-nous de 2005. Ne négligeons pas notre capacité à incriminer l’Europe au quotidien en lieu et place de nos faiblesses, de nos lâchetés répétées.

Sans ressentiment encore, car n’oublions pas notre collègue Jo Cox, lâchement assassinée il y a quelques jours seulement. (Mmes Nathalie Goulet, Sylvie Goy-Chavent et Chantal Jouanno ainsi que M. Olivier Cadic applaudissent.)

Sans ressentiment, mais sans complaisance. Les Britanniques ont fait un choix éclairé après avoir été informés. Ils doivent désormais l’assumer, sans entraîner les 450 millions d’habitants des vingt-sept autres pays dans la spirale de la dislocation.

Cela signifie deux choses. D’abord que les négociations de sortie doivent s’engager sans délai, dès le mois de juillet prochain. Comme cela a déjà été souligné, il ne revient pas à celui qui a décidé unilatéralement de partir de dicter également son agenda. Les Britanniques doivent désigner maintenant un Premier ministre qui aura la légitimité de conduire les négociations. Celles-ci doivent être rapides. Deux ans paraissent un délai maximal.

Cela signifie également qu’il ne peut y avoir d’ambiguïté sur l’issue des négociations. L’objectif n’est plus de ménager la chèvre et le chou, d’espérer trouver un compromis qui permettrait aux Britanniques de conserver l’essentiel des avantages d’un pays membre tout en échappant aux obligations et aux contraintes d’une démarche collective.

Nous paierons tous un prix à ne plus être que vingt-sept, les Britanniques et nous-mêmes. Mais cela ne nous empêchera pas d’être intelligents et de trouver des formules conciliables avec nos intérêts respectifs. Disons-le, ce sont les intérêts de l’Union européenne à vingt-sept qui doivent être défendus sans état d’âme dans cette négociation.

Je le dis, car, si nous n’avons pas cette franchise, si nous ne sommes pas guidés par cette règle, si nous ne sommes pas clairs et fermes, nous courons le risque d’un délitement de l’Union européenne. Tous les populistes vont s’engouffrer dans la brèche, en affirmant à des opinions abusées que les dommages d’une sortie de l’Europe sont finalement minimes et qu’on pourrait après tout essayer. Il nous faut tuer dans l’œuf cette perspective qui n’est pas seulement théorique et qui s’approche dans de nombreux pays.

Après le Brexit, aucun doute ne doit être possible : la sortie du Royaume-Uni ne peut pas être un précédent, qui permettrait la sortie d’autres pays. Selon les membres du groupe UDI-UC, la construction européenne n’est pas réversible. L’Union n’est pas un aimable club auquel on pourrait adhérer et que l’on pourrait quitter à sa guise. L’Union européenne est un processus destiné à aller plus loin, là et quand elle est utile aux peuples.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, face à l’immensité de la tâche, je vous propose d’associer les parlementaires français, qu’ils soient nationaux ou européens, à vos travaux. Il serait pertinent de créer très vite un comité de suivi transpartisan avec lequel le Gouvernement pourrait dialoguer. (M. le président de la commission des affaires européennes opine.) Plus vous serez transparents et à l’écoute, plus nous pourrons soutenir la position française. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. le président de la commission des affaires européennes applaudit également.)

La relance de l’idéal européen doit être menée simultanément. Plutôt que de relance, je parlerai même de « renaissance », car l’Europe se retrouve dans une situation critique. Elle est désormais privée de soutien populaire. Elle ne sait plus démontrer que nos situations individuelles seraient bien plus fragiles sans elle. Nous devons donc réviser les principes de notre association.

La famille politique que je représente ici a la chance d’être unie sur la question de la construction européenne. Nous avons la conviction que les citoyens seront mieux protégés dans l’Union européenne à condition que celle-ci soit plus forte, plus intégrée et, surtout, davantage tournée vers ses habitants.

Bien sûr, et malheureusement, l’option d’une sortie de crise par le haut, c'est-à-dire vers plus de fédéralisme, n’est pas audible aujourd’hui par nos concitoyens tant la défiance envers le projet européen s’est installée. En conséquence, nous devrons passer par une étape intermédiaire, qui consiste à recréer ce que j’appellerai « une envie d’Europe », qui n’existe plus aujourd'hui chez bon nombre de nos concitoyens.

Le politique doit de nouveau primer dans le processus de décision européen. Il doit supplanter la technostructure, qui n’est que le reflet de nous-mêmes, quand bien même celle-ci serait la mieux intentionnée. Pour ce faire, nous devons changer de gouvernance. Les députés que nous envoyons à Strasbourg doivent être les meilleurs. (Ah ! sur quelques travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Pierre Médevielle applaudit.) Nos ministres doivent être à Bruxelles lorsque les décisions qui impactent la vie des gens se prennent. (M. Vincent Capo-Canellas applaudit.)

Sur le plan des symboles qui crispent, nous ne pouvons laisser la Commission imposer la rigueur à tous, sauf à elle-même.

M. François Zocchetto. Il nous faut surtout revenir aux fondamentaux de l’équilibre entre l’Union européenne et les États membres. La subsidiarité, dont on parle tant, doit être redéfinie et elle doit enfin prévaloir.

Au stade où nous en sommes, l’Europe doit se mobiliser sur quelques enjeux essentiels : la sécurité, intérieure et extérieure ; la politique migratoire ; l’harmonisation des politiques fiscales, sociales et environnementales ; l’identification de projets industriels cruciaux qui prévalent sur le dogme du libre-échange absolu et sur la priorité qui a été trop donnée au monde de la finance.

Selon nous, le départ des Britanniques constitue à cet égard une réelle opportunité. Pour le reste, laissons vivre nos spécificités et laissons prospérer les initiatives sans immédiatement les traduire en normes, comme nous le faisons depuis trop longtemps. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UDI-UC.) L’Europe doit incarner des réalisations fortes, utiles aux citoyens et qui parlent à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains et du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Michel Delebarre applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain et citoyen. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Pierre Laurent. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, avec le résultat du référendum britannique, qui a donné la victoire aux partisans du Brexit, un grand peuple européen vient de décider de quitter l’Union européenne. C’est un terrible échec pour l’Union européenne. Ce résultat intervient au terme d’une année de surenchères libérales et xénophobes orchestrées par les classes dirigeantes de la droite britannique (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) qui ont voulu ce référendum, de David Cameron à Nigel Farage, en passant par Boris Johnson.

Mais surtout, ce résultat signe la faillite du projet libéral et « austéritaire » européen, entièrement tourné vers la mise en concurrence. Ce projet, que la plupart d’entre vous ont soutenu – vous aviez raison, monsieur Raffarin, les responsabilités sont ici ! –, divise et conduit à la dislocation. Il est incapable d’unir les peuples européens vers un destin commun fait de paix, de justice et de progrès social partagé.

Ce vote est un désaveu cinglant pour tous ceux qui, depuis des années, ont poussé les feux d’une construction libérale de l’Union européenne, sans jamais écouter les alertes successives venues des peuples européens, à commencer par le nôtre. La dernière décennie est jalonnée de dénis démocratiques : le sort réservé au référendum de 2005 en France, que nombre d’entre vous ici ont méprisé ; les votes des Grecs en 2015, qui ne demandaient pas seulement à rester dans l’Europe, mais à échapper à des politiques d’austérité, qui leur sont d’ailleurs toujours imposées aujourd'hui.

M. Pierre Laurent. Voilà le résultat de ces dénis démocratiques successifs !

La leçon est donc claire : respecter les peuples et leur vote est la seule méthode qui vaille pour construire une union reposant sur la solidarité, dans laquelle chacun voudra rester pour coopérer. Il est grand temps de l’entendre si nous ne voulons pas voir l’Europe continuer à sombrer dans le fracas des guerres économiques, où les morts ont pour véritable nom chômeurs, précaires et migrants !

M. Pierre Laurent. Le projet « austéritaire », qui a été imposé aux peuples européens depuis le traité de Lisbonne et la crise du capitalisme financier de 2008, doit être stoppé. Le temps est venu de procéder à une refondation progressiste de l’Europe tournée vers le progrès social. Il faut d’urgence mettre le cap vers la sortie de l’austérité. Aujourd’hui, toute tentation de tergiverser avec cette exigence serait pure folie ! Elle laisserait une place grandissante à toutes les dérives racistes et xénophobes qui défigurent déjà largement l’Europe, à toutes les rivalités nationalistes et leurs cortèges de conflits, de tensions et de guerres.

Il faut le dire : les premières déclarations sur le sujet ne sont pas rassurantes. Les dirigeants européens vont-ils une nouvelle fois chercher à fuir leurs responsabilités et à faire payer aux peuples du Royaume-Uni la faillite de leurs dirigeants avant de continuer à faire comme si de rien n’était ? Nous vous le disons clairement, il faut arrêter de jouer avec le feu !

Le choix souverain du peuple britannique doit être respecté sans aucun chantage ni aucune menace de représailles. Les négociations sur le Brexit doivent également être menées de manière responsable, d’autant que, manifestement, personne ne semble avoir réellement préparé ce retrait, pas plus les dirigeants britanniques qui ont poussé à la tenue du référendum que les autres. Il ne suffira pas d’invoquer l’article 50 pour régler tous les problèmes !

Ce n’est pas la finance – après tout, c’est de cela que nous devrions débattre ! – qui doit une nouvelle fois être protégée, mais tous ceux qui font la richesse des nations, c’est-à-dire les travailleurs, les citoyens et les migrants ! Le Royaume-Uni est l’un de nos grands voisins. Anglais, Gallois, Écossais, tous doivent être écoutés, comme doivent l’être les Irlandais, dont l’avenir au sein du Royaume-Uni est de nouveau questionné en raison de cette situation inédite.

Nous proposons la création d’une commission parlementaire spéciale sur le suivi du Brexit, commune aux deux assemblées et transpartisane, afin que toutes les décisions soient prises en toute transparence et sous le contrôle du Parlement pour tout ce qui concerne la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Je le répète : l’essentiel, c’est l’engagement déterminé de la France dans la bataille pour une refondation progressiste de l’Europe. Le temps est venu d’avancer vers une nouvelle union refondée, une union de peuples et de nations libres, souverains et associés, tournée vers le progrès humain et la justice sociale, débarrassée de l’emprise prédatrice de la finance. Cette nouvelle union solidaire et coopérative impliquera d’avancer par étapes avec de nouveaux traités. Ceux-ci devront être élaborés sous le contrôle des peuples européens, selon de nouvelles procédures démocratiques, en respectant la souveraineté de tous. L’Europe autoritaire, c’est fini, il serait temps de le comprendre !

La France doit prendre l’initiative d’un immense débat public national et européen, d’une ampleur inédite. À cet égard, nous faisons deux propositions.

À l’échelle européenne, la France doit proposer le lancement d’états généraux pour une refondation progressiste (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) en commençant par mobiliser les gouvernements, les forces politiques, sociales et citoyennes disponibles,…