Mme Françoise Gatel, rapporteur. La loi du 26 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a prévu un mécanisme de dégressivité de la rémunération des fonctionnaires momentanément privés d’emploi.

D’origine sénatoriale, cette mesure a fait consensus en commission mixte paritaire. Toutefois, dans la pratique, les employeurs territoriaux s’interrogent beaucoup quant à son application dans le temps. En effet, l’appréciation de celle-ci est extrêmement complexe.

Notre collègue Catherine Di Folco a interrogé le Gouvernement sur ce sujet dans le cadre de son avis budgétaire sur les crédits de la fonction publique. Le Gouvernement a confirmé que la mise en œuvre temporelle de ce dispositif devait être précisée.

Je soutiens le mécanisme proposé par Mme Di Folco : si le fonctionnaire territorial est privé d’emploi depuis plus de deux ans, la dégressivité débutera à la date d’entrée en vigueur du présent texte ; si le fonctionnaire territorial est privé d’emploi depuis moins de deux ans, la dégressivité débutera deux ans après la date de sa prise en charge.

Le présent amendement vise à permettre un ajustement technique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Kanner, ministre. Madame la rapporteur, vous le savez, cette approche avait, à l’origine, inspiré des réserves au Gouvernement. Toutefois, il faut savoir évoluer : tout bien réfléchi, cette solution de compromis nous paraît utile. Nous la soutenons donc.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Di Folco, pour explication de vote.

Mme Catherine Di Folco. Le présent amendement tend à préciser l’application concrète d’une disposition inscrite dans la loi du 26 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, à savoir la dégressivité de la rémunération des fonctionnaires momentanément privés d’emploi.

Madame la rapporteur, je tiens à vous remercier d’avoir accepté de défendre cet amendement. Contrairement à ce que M. Guillaume a affirmé à l’issue de la discussion générale, la disposition n’a rien d’un cavalier législatif : elle présente un lien direct avec le volet du présent projet de loi consacré à la fonction publique. Elle ne constitue pas non plus une attaque contre les fonctionnaires, comme j’ai pu l’entendre dire. En tant que présidente d’un centre de gestion de la fonction publique territoriale, j’ai réellement à cœur de défendre le statut de la fonction publique.

En l’occurrence, il s’agit d’apporter aux centres de gestion de la fonction publique territoriale et au CNFPT une réponse précise à une question que nous avons posée à Mme la ministre de la fonction publique dès le mois de mai dernier. Cette réponse est également attendue par les collectivités territoriales qui supportent les rémunérations des fonctionnaires concernés.

Cet amendement a été préparé en concertation avec le cabinet de Mme la ministre de la fonction publique. À l’origine, le Gouvernement était censé le défendre, mais il y a renoncé à la dernière minute. Voilà pourquoi Mme la rapporteur a été conduite à le reprendre.

Mes chers collègues, sur le fond, permettez-moi de vous apporter quelque éclairage quant au bien-fondé de ce dispositif.

Les collectivités contribuent à hauteur de 150 % pendant les deux premières années de prise en charge des fonctionnaires territoriaux momentanément privés d’emploi, à 100 % pendant la troisième et à 75 % à partir de la quatrième. La dégressivité s’applique donc également à elles !

À l’heure actuelle, on dénombre 450 fonctionnaires momentanément privés d’emploi en France. Certains d’entre eux se trouvent dans cette situation depuis vingt-sept ans, la moyenne étant de six ans ! Or on sait que, après deux ans d’inactivité, il devient très difficile de retrouver un emploi. Par ce dispositif, il s’agit d’inciter les fonctionnaires à se donner les moyens de réussir à trouver un emploi.

Le compromis atteint nous satisfait. Sur ce sujet également, je vous demande de bien vouloir nous faire confiance, en adoptant le présent amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 746 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 36 octies.

Chapitre IV

Dispositions améliorant la lutte contre le racisme et les discriminations

Section 1

Dispositions modifiant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et le code pénal

Article additionnel après l'article 36 octies
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Article 37 (début)

Article additionnel avant l'article 37

M. le président. L'amendement n° 386, présenté par MM. Rachline et Ravier, n'est pas soutenu.

Article additionnel avant l'article 37
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Article 37 (interruption de la discussion)

Article 37

I et I bis. – (Supprimés)

II. – La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :

1° L’article 24 est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° La peine de stage de citoyenneté prévue à l’article 131-5-1 du code pénal. » ;

2° L’article 32 est complété par un 2° ainsi rédigé :

« 2° La peine de stage de citoyenneté prévue à l’article 131-5-1 du code pénal. » ;

3° L’article 33 est ainsi modifié :

a) Au troisième alinéa, les mots : « de six mois d’emprisonnement et de 22 500 euros d’amende » sont remplacés par les mots : « d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende » ;

b) (Supprimé)

c) Il est ajouté un 2° ainsi rédigé :

« 2° La peine de stage de citoyenneté prévue à l’article 131-5-1 du code pénal. » ;

3° bis (nouveau) L’article 46 est ainsi rédigé :

« Art. 46. – L’action civile en réparation d’un dommage causé par une infraction prévue par la présente loi peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique, sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil. » ;

3° ter (nouveau) L’article 49 est abrogé ;

3° quater (nouveau) À l’article 50, les mots : « à peine de nullité du réquisitoire de ladite poursuite » sont supprimés ;

4° À l’article 50-1, après la référence : « 24 bis », sont insérées les références : « , par les deuxième et troisième alinéas de l’article 32 et par les troisième et quatrième alinéas de l’article 33 » ;

5° Le second alinéa de l’article 51 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il en est de même pour la saisie des tracts ou des affiches dans les cas prévus aux septième et huitième alinéas de l’article 24, aux deuxième et troisième alinéas de l’article 32 et aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33. » ;

5° bis (nouveau) À l’article 53, la dernière phrase est supprimée ;

5° ter (nouveau) À l’article 54, les mots : « outre un jour par cinq myriamètres de distance » sont supprimés ;

6° Après l’article 54, il est inséré un article 54-1 ainsi rédigé :

« Art. 54-1. – En cas de poursuites engagées en application des articles 50 ou 53, la juridiction de jugement peut, dans le respect du principe du contradictoire, requalifier l’infraction. » ;

7° L’article 55 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article est également applicable devant la juridiction de jugement si celle-ci requalifie l’infraction. » ;

7° bis (nouveau) Le premier alinéa de l’article 65 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque les infractions ont été commises par l’intermédiaire d’un service de communication au public en ligne, sauf en cas de reproduction du contenu d’une publication diffusée sur support papier, l’action publique et l’action civile se prescrivent par trois mois révolus, à compter de la date à laquelle cesse la mise à disposition du public du message susceptible de déclencher l’une de ces actions. » ;

8° L’article 65-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour ces délits, le deuxième alinéa de l’article 65 n’est pas applicable. » ;

9° Après l’article 65-3, il est inséré un article 65-4 ainsi rédigé :

« Art. 65-4. – Les articles 54-1 et 65-3 et le dernier alinéa de l’article 55 sont applicables aux contraventions prévues par le code pénal réprimant les faits prévus aux septième et huitième alinéas de l’article 24, aux deuxième et troisième alinéas de l’article 32 et aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 lorsque ces faits ne sont pas commis publiquement. »

M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, sur l'article.

Mme Christine Prunaud. Cet article 37 nous pose problème, et ce à plusieurs niveaux.

Il est proposé que le juge civil puisse requalifier un acte ou un écrit en délit de presse en dehors du cadre fixé par la loi de 1881. Cette perspective nous inquiète, d’autant que les propositions concernant les médias commencent à se multiplier à l’approche de l’élection présidentielle. Pour dire les choses simplement, certaines et certains rêvent d’une presse sans investigations et sans recherches, allant ainsi à l’encontre tant du principe de la liberté d’expression que de la tradition historique de la presse française.

Nous considérons que, au regard des soixante et un articles relatifs aux délits de presse figurant encore dans la loi de 1881, la mesure présentée est celle de trop.

La réforme proposée des délais de prescription pose également problème.

Oui, la question de l’émergence d’internet et celle de la liberté d’expression doivent être posées. Le Sénat y a d’ailleurs consacré un débat, au mois de mars 2015, ainsi qu’une mission d’information, dont découle le présent article. Ce dernier organise ni plus ni moins que la discrimination entre presse numérique et presse papier, allant même jusqu’à ouvrir un droit de tolérance pour la presse numérique reprenant des contenus issus de la presse papier.

Par ailleurs, quand la mise à disposition du public cesse-t-elle ? Sur internet, jamais ou presque : toutes les données peuvent être retrouvées et restent plus ou moins accessibles.

Enfin, la question des abus sous anonymat doit être posée, mais pas en ces termes, pas en mettant en danger l’ensemble des journalistes de presse en ligne : si le présent texte est adopté, ces derniers se trouveront potentiellement dans l’impossibilité de mener de réelles investigations.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.

M. David Assouline. Probablement sans s’en rendre totalement compte – du moins, je l’espère –, la commission spéciale a touché à un équilibre patiemment construit par l’élaboration de la loi de 1881, puis par son application et toute la jurisprudence à laquelle elle a donné lieu.

La loi de 1881 est fondatrice de la liberté de la presse dans la République.

M. André Gattolin. Tout à fait !

M. David Assouline. Songerait-on à toucher à la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 au détour d’un amendement déposé sur un texte dont le principal objet est tout autre ? La laïcité fait débat dans la société française, mais si un jour il voulait ne serait-ce que modifier une virgule de cette loi, le législateur devrait procéder avec beaucoup de précautions, en associant tous les acteurs au travers d’un débat public.

Tel n’a pas été le cas en l’occurrence. Certes, la révolution numérique provoque des bouleversements dans le secteur de la presse et il faut en tenir compte. Les problèmes sont nombreux et des adaptations législatives sont nécessaires, par exemple en matière de délai de prescription pour les délits de discrimination commis sur internet.

Pour autant, on ne saurait remettre en cause sans débat public, au sein d’une commission spéciale, les fondements mêmes de la loi de 1881 en prévoyant que les délits de presse commis sur internet soient pour ainsi dire imprescriptibles, à l’instar des crimes contre l’humanité, pour l’heure seuls à l’être dans notre droit !

La liberté et l’indépendance de la presse sont de plus en plus malmenées, attaquées. On accuse les journalistes de tout tourner en dérision ou de chercher à créer des polémiques alors qu’ils se livrent simplement à un travail d’investigation. Cela suffit !

On ne peut entreprendre une telle réforme en catimini, sans débat de fond ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. François Pillet, sur l'article.

M. François Pillet. Mes chers collègues, permettez-moi de formuler quelques observations liminaires.

Beaucoup a été dit, écrit et même tweeté au sujet du présent article, à cause d’amendements strictement identiques émanant de Thani Mohamed Soilihi, d’Alain Richard et de moi-même. Je me dois de clarifier les termes d’un débat que je qualifierai, pour rester mesuré, de surréaliste !

Thani Mohamed Soilihi et moi-même avons publié, au mois de juillet dernier, un rapport relatif à l’équilibre de la loi du 29 juillet 1881 à l’heure d’internet. Cette question a donc déjà donné lieu à des débats, monsieur Assouline.

Le constat posé était clair, et il a été admis de manière unanime : la loi du 29 juillet 1881 doit rester le texte fondateur de la liberté d’expression et le seul texte sanctionnant l’ensemble des abus de celle-ci. Toutefois, la loi de 1881 n’est pas propre aux journalistes : elle régit la liberté d’expression des citoyens, qu’ils soient auteurs ou victimes de ces abus.

M. David Assouline. C’est bien ce que je dis !

M. François Pillet. Or ce texte n’est plus adapté : en 1881 n’existaient ni les blogs, ni les plateformes, ni les forums, ni Facebook, ni Twitter !

Depuis plusieurs années, en raison de la pesanteur de certaines règles procédurales, cette loi a déjà fait l’objet de contournements par le législateur. Le Gouvernement, en particulier, a eu tendance à déplacer les délits de presse vers le code pénal, à l’instar de l’apologie ou de la provocation à des crimes terroristes, à créer directement dans le code pénal de nouveaux délits qui constituent pourtant des abus de la liberté d’expression, comme le délit de fausse information dans le but de faire croire à une destruction ou à un sinistre.

Nous entendons procéder à un rééquilibrage. Nous n’avons jamais mis en cause les journalistes professionnels qui ont adhéré à une charte déontologique, mais seulement les journalistes ou analystes autoproclamés.

Le texte qui nous occupe a confirmé nos craintes. Personne ne l’a remarqué, mais il prévoit la suppression de l’excuse de provocation pour les injures publiques, la possibilité, pour le juge des référés, d’interrompre un service de communication en ligne, la suppression de la protection spécifique accordée à la presse en matière de saisie pour les délits à caractère discriminatoire, l’allongement du délai de prescription pour les contraventions et – nous le devons à l’Assemblée nationale – la remise en cause de l’interdiction de principe de la requalification des délits.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. C’est dans le texte du Gouvernement !

M. David Assouline. Cela ne concerne que les injures à caractère racial !

M. François Pillet. Pour notre part, nous voulons trouver un équilibre.

M. le président. Votre temps de parole est écoulé, mon cher collègue.

M. François Pillet. Aux termes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

Après l’apparition d’internet, le silence de la loi ne doit pas venir aggraver le sort des victimes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, sur l’article.

Mme Catherine Morin-Desailly. En insérant dans ce vaste texte relatif à l’égalité et à la citoyenneté un article traitant de la répression des infractions de presse, le Gouvernement n’avait sans doute pas mesuré à quel point il touchait à un sujet sensible.

En outre, c’est la deuxième fois en moins de quinze jours que nous discutons du droit des médias. Ce débat intervient en effet quelques jours à peine après l’examen en nouvelle lecture de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias. Le Conseil constitutionnel n’a pas encore rendu sa décision sur ce texte controversé, dont l’encre n’est même pas encore sèche, qu’il nous faut déjà évoquer la loi du 29 juillet 1881, grand texte fondateur de la liberté de la presse !

Je sais gré à nos collègues de la commission des lois d’avoir mené un travail de fond sur l’adaptation de cette loi à la réalité du monde numérique, dans la perspective, notamment, d’apporter des réponses face aux dérives constatées sur internet, qui sont le plus souvent le fait d’anonymes.

Nous partageons tous l’objectif de réprimer ceux qui prétendent à l’impunité au seul motif qu’ils s’expriment sur internet. Pour autant, il ne saurait être question de confondre les corbeaux du net, qui agissent anonymement, avec les professionnels de la presse, dont le métier est d’informer en faisant preuve de toute la rigueur nécessaire. La loi pour une République numérique aurait d’ailleurs pu et dû traiter de ce sujet.

M. David Assouline. Bien sûr !

Mme Catherine Morin-Desailly. Pour répondre aux problèmes ainsi identifiés, il me semble délicat de prendre l’initiative de modifier le régime de responsabilité prévu par la loi de 1881, alors même que les entreprises de presse ont engagé, dans des conditions économiques très difficiles, une mutation en profondeur afin de relever le défi numérique, condition de leur survie.

Le droit des victimes doit certes être reconnu, et nul ne saurait s’exonérer de ses responsabilités, mais, comme beaucoup d’entre nous, je suis sensible au respect de l’impératif de prévisibilité de la loi. Je crains que nous ne bouleversions un équilibre savamment mis en place au fil du temps, constituant la garantie d’une presse libre et multiple, sans considération d’ailleurs des supports de l’information – le papier et de plus en plus, aujourd’hui, le numérique.

Un texte que je qualifierai de « fourre-tout » ne me semble pas offrir le meilleur véhicule pour traiter de ces questions dans le cadre d’un débat éclairé. (Applaudissements sur de nombreuses travées de l’UDI-UC. – M. André Gattolin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, sur l’article.

M. Jacques Mézard. Il y a environ deux ans, sur l’initiative du groupe du RDSE, nous avions débattu du thème suivant : internet et la loi de 1881.

Plusieurs de nos collègues ont ensuite pris l’initiative –heureuse – de mener une mission sur cette question, puis eu le courage de déposer en commission les amendements qui nous occupent maintenant. Pour dire les choses en termes courtois – certains ayant qualifié le texte de « fourre-tout » –, le Gouvernement leur a offert un véhicule législatif spacieux… (Sourires.)

S’agissant d’un sujet aussi sensible, il me semble important de mener une réflexion de fond, en reconnaissant la nécessité d’une évolution, car les choses ont changé.

Pour notre part, nous avons toujours été profondément attachés à la liberté d’expression. J’observe que certains qui invoquent la liberté d’expression à propos d’autres amendements, d’ailleurs d’origine gouvernementale, la mettent en réalité en cause…

M. André Reichardt. Exactement !

M. David Assouline. De quoi parlez-vous ?

M. Jacques Mézard. Nous y viendrons !

Ce sujet est si important qu’il m’apparaît nécessaire de prendre le temps de la réflexion pour aboutir à une évolution. Nous connaissons tous les problèmes économiques que rencontre la presse en général, et la presse quotidienne régionale en particulier, mais il est nécessaire d’avancer.

La presse publie sur internet des articles extrêmement intéressants, qui suscitent des réactions anonymes mettant en cause des personnes de façon strictement inacceptable ! Ce n’est pas ainsi que l’on fait avancer la démocratie : arrive un moment où il est nécessaire de rappeler à la presse qu’il existe une responsabilité collective.

Nous souhaitons que l’on progresse vers des solutions consensuelles et constructives. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.

M. Philippe Bas. Le sujet est évidemment sensible et nous sommes tous également attachés à la liberté de la presse.

Il était juste que nous débattions de ce thème, afin, tout simplement, de pouvoir démontrer que les dispositions adoptées par la commission et les amendements présentés par son rapporteur n’affectent nullement la liberté de la presse.

Cette démarche n’est pas improvisée. Jacques Mézard et François Pillet l’ont rappelé : nous en avons déjà débattu voilà deux ans et un rapport de la commission des lois a été adopté au mois de juillet dernier. La réflexion est aujourd’hui arrivée à maturité.

En érigeant une cloison étanche entre la répression des abus de la liberté d’expression commis par la presse et celle des abus de la liberté d’expression commis par n’importe quel citoyen, nous entendons simplement poser des règles là où il n’y en a plus du fait de l’irruption et de la diffusion des nouvelles technologies de l’information.

La rédaction du texte de la commission spéciale et de l’amendement présenté par Mme Gatel offre toutes garanties que, dès lors qu’un texte diffusé sur internet se rattache de près ou de loin à un organe de presse – imprimée ou numérique –, dès lors qu’il est signé par un journaliste, un correspondant de presse ou un pigiste, le régime de la loi de 1881 s’applique. Il n’y a sur ce point aucune difficulté.

En revanche, les mêmes règles doivent s’appliquer pour réprimer des abus de la liberté d’expression relevant du registre des injures, de la diffamation ou de la calomnie, que les propos en cause soient tenus sur internet ou dans la rue.

Un tel cadre est ainsi à la fois protecteur de la liberté de la presse et susceptible d’éviter la diffusion sur une large échelle de propos répréhensibles qui, avant l’émergence d’internet, restaient confidentiels. Nous avons, me semble-t-il, trouvé un bon équilibre entre des exigences contradictoires : c’est la marque de fabrique du Sénat.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Sur la forme, tout d’abord, j’ai entendu notre collègue David Assouline, que l’on a connu plus nuancé, affirmer que les dispositions dont nous discutons aujourd’hui auraient été votées en catimini par la commission spéciale. Il ne faut tout de même pas exagérer !

Je rappelle qu’il s’agit d’un texte du Gouvernement,…

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. … qui nous parvient de l’Assemblée nationale. Il a été examiné par la commission spéciale il y a un mois. Le texte sur lequel nous sommes en train de délibérer est donc fixé sur le papier depuis un mois ! Comment peut-on affirmer que la commission spéciale a œuvré en catimini ?

Les membres de la commission spéciale peuvent témoigner qu’il y a eu des échanges. La commission spéciale a arrêté une position, qui a suscité des réactions. Nous avons alors entendu celles et ceux qui estimaient que la liberté de la presse était compromise, comme c’était notre rôle. Nous avons repris la réflexion, et deux amendements ont été déposés par Mme la rapporteur.

Comme l’a dit excellemment Philippe Bas – par ailleurs normand (Sourires.) –, il faut ériger une cloison étanche entre les délits qui sont commis par les journalistes, les pigistes ou les correspondants de presse et ceux qui le sont par des citoyens, dans la rue ou sur internet.

Ainsi, un amendement de Mme la rapporteur vise à préciser explicitement que le dispositif ne concerne pas les journalistes, les pigistes et les correspondants de presse. Ne feignons pas de l’ignorer ! Le texte qui vous est soumis peut recueillir l’assentiment de tous. Du reste, la lecture de la presse d’aujourd’hui devrait vous en convaincre.

Ne considérons pas seulement le texte adopté il y a un mois par la commission spéciale, mais également les amendements proposés par notre rapporteur et soutenus par la commission. De leur adoption résultera un texte tout à fait équilibré, qui mettra à terre les observations particulièrement excessives que nous avons entendues. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Dubois applaudit également.)

M. le président. L’amendement n° 405 rectifié ter, présenté par M. Carvounas, Mmes Claireaux et Meunier, MM. Kaltenbach, Marie et Courteau, Mme Ghali, M. Lalande, Mme Monier et M. Raoul, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

…° L’article 24 est ainsi modifié :

a) Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’un des faits mentionnés aux deux précédents alinéas a été commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, l’infraction est punie de deux ans d’emprisonnement et de 90 000 euros d’amende. » ;

b) Au neuvième alinéa, les mots : « deux alinéas » sont remplacés par les mots : « trois alinéas ».

La parole est à M. Luc Carvounas.

M. Luc Carvounas. Cet amendement vise à instaurer une circonstance aggravante pour les personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public condamnées pour incitation à la discrimination à raison des origines, du sexe, de l’orientation sexuelle, du handicap ou de la religion d’une personne ou d’un groupe de personnes.

S’il est indéniable que la corruption d’un élu ou d’un agent public doit être sanctionnée avec une extrême sévérité, les propos incitant à la discrimination doivent faire l’objet de la même intransigeance. Je pense par exemple à l’ancien maire de Roquebrune-sur-Argens condamné en 2014 pour des propos tenus au sujet de l’incendie d’un camp de Roms voisin de sa commune.

Qu’une personne publique élue par ses administrés pour porter les valeurs de notre République profère de telles paroles est intolérable. Nous considérons que de tels manquements à ses devoirs doivent être plus sévèrement réprimés que ceux commis par tout autre citoyen.

C’est la raison pour laquelle cet amendement tend à doubler les peines encourues en cas d’incitation à la haine discriminatoire par des personnes dépositaires de l’autorité publique et chargée d’une mission de service public.

Cette mesure ne vise pas uniquement les élus, mais également tout individu qui détient un pouvoir de contrainte sur des personnes ou sur des choses dans l’exercice de ses fonctions. Sont donc concernés les préfets, les ministres, les policiers, les gendarmes, les notaires ou encore les militaires.

Une telle évolution de notre droit me semble nécessaire et répond à une demande de nos concitoyens.