Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à prendre en compte l’ancienneté des collaborateurs parlementaires dans les conditions d’accès aux concours internes de la fonction publique territoriale.

Comme l’a précisé ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin, avec une durée moyenne de 3,7 ans en poste, les collaborateurs parlementaires ont besoin d’évoluer dans leur carrière : l’accès à la fonction publique territoriale pour des personnes qui se sont investies en faveur de l’intérêt général dans l’institution qui représente les territoires nous semble être cohérent.

En commission, le rapporteur Philippe Bas a estimé que le débat devrait avoir lieu en séance publique. Nous nous en félicitons.

L’idée des syndicats de collaborateurs parlementaires est d’accéder à des passerelles vers la fonction publique territoriale. En effet, si les contrats de travail des collaborateurs parlementaires sont des contrats de droit privé, l’accès aux concours administratifs, y compris via la troisième voie, n’est pas une revendication sans intérêt.

Alors que l’expérience dans le secteur associatif ou syndical peut être prise en considération dans les années ouvrant la troisième voie, il semblerait logique que l’ancienneté puisse être reconnue pour les collaborateurs parlementaires dans les conditions d’accès aux concours internes de la fonction publique territoriale.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l'amendement n° 149 rectifié bis.

M. Jean-François Longeot. Cet amendement s’inscrit dans le prolongement de notre débat sur la définition des garanties légales que nous pouvons apporter à la profession de collaborateur parlementaire. Il s’agit plus particulièrement ici de parler de leur avenir après le travail parlementaire.

Nous proposons d’ouvrir aux assistants parlementaires et aux collaborateurs des groupes politiques du Parlement la possibilité de se présenter aux concours internes de la fonction publique.

Actuellement, les assistants parlementaires et les secrétaires des groupes politiques, du fait de la nature de leurs contrats de travail, de droit privé, peuvent se présenter soit aux concours externes de la fonction publique, soit au troisième concours réservé d’ordinaire aux cadres du secteur privé et associatif. Pour information, nous parlons de huit postes en moyenne au cours de ces dix dernières années pour l’École nationale d’administration. Certaines institutions n’ont pas de troisième concours : c’est le cas du Sénat et de l’Assemblée nationale.

Sur le fond, il est impossible d’assimiler parfaitement les collaborateurs politiques à des salariés de droit commun. Ces collaborateurs sont rémunérés au moyen de fonds issus de deniers publics. Ils assistent les parlementaires dans l’accomplissement de leurs fonctions de législation, d’évaluation et de contrôle, fonctions qui sont toutes énumérées par la Constitution. Ils concourent, par leur action, à permettre aux élus nationaux de faire vivre le principe, lui aussi constitutionnel, du pluralisme. Enfin, ils sont employés soit directement par des élus, soit par des associations composées exclusivement d’élus, c’est-à-dire des employeurs dont l’activité est exclusive de tout intérêt économique ou commercial.

Cette rapide description correspond aux critères traditionnellement retenus par le Conseil d’État pour constater l’existence d’une activité de service public administratif entraînant ainsi, conformément à une jurisprudence constante, l’application aux salariés concernés d’un régime de droit public assimilable à celui d’un fonctionnaire.

Une telle reconnaissance contreviendrait bien évidemment à la souplesse nécessaire à l’exercice de fonctions politiques. Pour autant, l’absence de reconnaissance actuelle d’un statut du collaborateur politique ne permet pas de rendre compte des aspects spécifiques de ces emplois et laisse, dans le flou du droit, la porte ouverte aux dérives les plus diverses.

Cet amendement offre une solution de compromis permettant à la fois de reconnaître la nature particulière de ces emplois par rapport aux salariés de droit commun, sans pour autant faire des assistants parlementaires et des secrétaires de groupe des fonctionnaires. Il s’agit de leur ouvrir la possibilité de se présenter aux concours internes de la fonction publique, en leur donnant ainsi l’opportunité de reconversion et de valorisation d’un engagement qui, quoique politique, reste fondé sur un attachement certain à l’intérêt général.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Nous vivons des temps nouveaux, qui ne cessent de me surprendre et de me réjouir : j’ai rarement vu le groupe CRC et le groupe Union Centriste présenter un amendement en tous points identique. (Sourires.)

M. Loïc Hervé. C’est la convergence ! (Sourires.)

M. Philippe Bas, rapporteur. Cela signifie que le renouvellement de notre vie publique n’est pas un vain mot ; madame la garde des sceaux, vous êtes, vous aussi, bien placée pour le savoir.

Face à ces amendements, je reste sans voix… Néanmoins, je dois porter celle de la commission, qui, après en avoir longuement délibéré, a émis un avis favorable, sous réserve d’une rectification visant à inclure les trois versants de la fonction publique. Je me félicite, et vous félicite que cela ait été fait.

Il existait déjà une voie d’accès à la fonction publique pour nos collaborateurs, avec le concours de la troisième voie. Nous avions jusqu’à présent considéré que ceux-ci étaient liés à nous par un contrat de droit privé, qui ne leur permettait pas d’avoir accès aux concours internes de la fonction publique. Mais les auteurs de ces amendements nous ont rappelé que, même s’il s’agit de contrats de droit privé, il est difficilement contestable que nos collaborateurs concourent au service public de la législation et du contrôle du Gouvernement.

Par conséquent, après avoir moi-même un peu hésité, et compte tenu du fait que l’accès à la fonction publique par la troisième voie ne comporte qu’un nombre de places limitées, je me suis résolu, avec la commission, à émettre un avis favorable sur ces amendements.

M. Loïc Hervé. Excellent !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Nous sommes tout de même un petit peu loin du sujet (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)…

M. Philippe Bas, rapporteur. Cette question figure dans le texte du Gouvernement !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … mais je vous entends. Comme il s’agit de nouveau de la question des collaborateurs parlementaires, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Malgré ma sympathie pour les temps nouveaux, il me semble que l’on fait, sur ce sujet, une improvisation hasardeuse.

Un deuxième concours est organisé pour tous les concours de la fonction publique et, en fonction de principes du droit qui tombent sous le sens, il est réservé aux agents publics. Au cours des années, une troisième voie a été développée à destination des personnes ayant une expérience professionnelle, associative ou syndicale dans le secteur privé, très souvent liée à l’intérêt général. Il en est ainsi pour les personnes ayant longtemps été des délégués syndicaux ou des représentants de syndicat.

Honnêtement, je rejoins l’argumentation défendue par Mme la garde des sceaux pendant une partie de l’après-midi : on crée là une situation privilégiée au sens propre du terme.

Parmi des dizaines de catégories d’agents de droit privé, qui ont des missions d’intérêt général, la seule qui aurait accès à la fois à la troisième voie et au deuxième concours – ce serait naturellement cumulatif – serait cette catégorie-là. Cela ne me paraît pas présenter d’intérêt social. Pardonnez-moi, mais tous les praticiens le savent, les chances de succès sont bien meilleures par la troisième voie que par le biais du second concours. Nous créons donc une anomalie dans notre droit de la fonction publique.

Mais ce sera voté quand même parce que c’est la mode…

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas pour cette raison !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.

Mme Françoise Cartron. L’idée qui sous-tend cet amendement est de permettre aux collaborateurs d’évoluer dans leur carrière, en termes tant de qualifications que de débouchés.

Depuis un an et demi, en vertu d’une convention signée par l’AGAS avec la Sorbonne, six collaborateurs parlementaires bénéficient chaque année de la formation préparatoire au concours de l’ENA. Le coût de leur formation et leur salaire sont intégralement pris en charge par l’AGAS, et ils sont déchargés de leur travail auprès du parlementaire pour pouvoir se préparer au concours dans les meilleures conditions possible.

C’est déjà là une réponse, certes partielle, mais qui rencontre un vif intérêt parmi nos collaborateurs.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. J’entends le propos d’Alain Richard, mais il faut bien saisir que la situation des collaborateurs parlementaires est tout à fait particulière : recrutés sur des contrats de droit privé, ils collaborent au jour le jour avec les services de l’État et les fonctionnaires du Sénat pour nous assister dans notre travail d’élaboration de la loi et de contrôle de l’action du Gouvernement.

M. Alain Richard. C’est aussi le cas des avocats spécialistes de droit public !

M. Jean-Yves Leconte. La différence avec les avocats, c’est que c’est structurellement leur fonction.

Certains de nos collaborateurs accumulent six, douze, dix-huit, parfois vingt ans d’expérience sur des contrats privés, mais au service de l’écriture de la loi et du contrôle du Gouvernement, avec des compétences qui sont exactement les mêmes que celles qu’on trouve dans le secteur public.

Il serait dommage de ne pas leur permettre de tirer le meilleur parti de ces compétences pour évoluer dans leur carrière, ce qui leur est souvent difficile aujourd’hui, alors même que leur métier est par nature précaire.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 rectifié bis et 149 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.

L’amendement n° 240 rectifié, présenté par Mme Laborde et MM. Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Guérini et Requier, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article 32 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par les mots : « , à l’issue de la publication d’une offre sur un site internet dédié, en amont de la procédure de recrutement ».

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Cet amendement tend à assurer la publication des offres de recrutement d’agents contractuels rattachés aux services de l’État. Il vise deux objectifs liés au rétablissement de la confiance dans l’action publique.

D’une part, il s’agit d’empêcher le contournement des plafonds d’effectifs autorisés dans les cabinets ministériels par le recrutement d’agents contractuels ne figurant pas dans l’organigramme officiel. Si les plafonds prévus sont insuffisants, il faudrait les augmenter, plutôt que de passer par des voies détournées. Même si l’on parle d’un épiphénomène, cette mesure sert la transparence ; elle me semble donc de nature à compléter les dispositions proposées par le Gouvernement pour moraliser le recrutement des collaborateurs ministériels.

D’autre part, au-delà des cabinets, l’amendement vise à améliorer les conditions de recrutement de tous les agents contractuels de l’État, qui sont près de 400 000. De fait, le recrutement sur contrat est aujourd’hui une voie d’accès à l’emploi public subsidiaire à la voie du concours, dont elle ne présente pas toutes les garanties.

L’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que tous les citoyens, étant égaux aux yeux de la loi, « sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». Or il semble aujourd’hui que le déficit de publicité autour des offres de recrutement d’agents contractuels fasse obstacle au respect effectif du principe d’égalité d’accès à l’emploi public, et que cette opacité soit de nature à faire naître des doutes sur les critères d’attribution de ces emplois et les risques de népotisme ou d’emplois fléchés.

C’est pourquoi nous proposons d’inscrire dans la loi que tout recrutement d’agent contractuel sera précédé de la publication d’une offre internet accessible à tous. Cette mesure présente l’avantage de n’être pas coûteuse, compte tenu de l’existence du site internet de la Bourse interministérielle de l’emploi public, sur lequel certaines offres sont déjà publiées. Il suffit de généraliser cette pratique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je suis tout à fait confuse, monsieur le sénateur, mais l’avis du Gouvernement est également défavorable. Votre proposition n’est pas sans intérêt, mais elle ne relève peut-être pas de la loi ; en tout cas, elle est très éloignée de l’objet de ce texte.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 240 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 3
Dossier législatif : projet de loi pour la confiance dans la vie politique
Articles additionnels après l’article 4 (début)

Article 4

Après l’article 8 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 8 bis ainsi rédigé :

« Art. 8 bis. – I. – Il est interdit à un député ou un sénateur d’employer en tant que collaborateur parlementaire au sens du règlement de l’assemblée dont il est membre :

« 1° Son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin ;

« 2° Ses parents, enfants, frères et sœurs ainsi que leur conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin ;

« 3° Ses grands-parents, ses petits-enfants et les enfants de ses frères et sœurs ;

« 4° Les parents, enfants et frères et sœurs de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin.

« La violation de cette interdiction emporte de plein droit la cessation du contrat. Cette cessation ne donne lieu à aucune restitution entre les parties.

« Le bureau de chaque assemblée détermine les modalités selon lesquelles le député ou le sénateur rembourse les sommes versées en vertu des contrats conclus en violation de l’interdiction mentionnée au présent I.

« Le fait, pour un député ou un sénateur, d’employer un collaborateur en méconnaissance de l’interdiction mentionnée au présent I est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.

« II. – Le bureau de chaque assemblée prévoit les conditions dans lesquelles un membre de la famille d’un parlementaire appartenant à l’une des catégories de personnes définies au I, lorsqu’il est employé en tant que collaborateur d’un parlementaire, l’informe sans délai de ce lien familial et informe également le député ou le sénateur dont il est le collaborateur. »

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, sur l’article.

Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, mon propos est personnel et n’engage en rien mon groupe, mais je tiens à expliquer pourquoi je ne voterai pas l’article 4, alors même que le projet de loi comporte nombre de dispositions très légitimes et utiles et qu’il part d’une bonne intention.

Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions… Ce texte en est par certains côtés une illustration caricaturale.

Je prendrai le seul exemple de l’interdiction des emplois dits « familiaux ». Depuis des années, comme cela a été souligné à plusieurs reprises, nous critiquons la tentation pour les gouvernements de légiférer à la suite d’un fait divers ou d’un événement marquant, dont on tire aussitôt des conclusions générales. En l’espèce, il s’agit des emplois des membres de la famille Fillon, qui, plus que familiaux, sont surtout des emplois présumés fictifs et rémunérés hors normes. C’est cela qu’il s’agit de prévenir et de sanctionner.

Or on veut interdire les emplois familiaux, quitte à créer à l’égard des parlementaires et des membres du Gouvernement une discrimination abusive. Personne ne songerait évidemment à interdire à un médecin d’employer son épouse comme secrétaire médicale ou à un agriculteur de faire travailler son fils ou sa belle-fille !

M. Charles Revet. Exactement !

Mme Catherine Tasca. Pourquoi donc infliger aux politiques une interdiction générale, totalement discriminatoire ?

Certes, il est justifié d’attendre des élus un comportement exemplaire et de leur imposer des règles spécifiques, afin d’éliminer, autant que faire se peut, le soupçon. Mais il suffirait pour ce faire d’encadrer strictement les embauches familiales, comme a su le faire le Sénat, en limitant à un seul emploi ce type de recrutement et en plafonnant le niveau de rémunération.

La loi pouvait fort bien s’en tenir à cet encadrement, à charge pour chacune des assemblées, si elles sont encore autonomes, d’en préciser les modalités. Or on a choisi la voie de l’interdiction radicale, alors que la notion même de famille, comme on l’a déjà beaucoup souligné, n’a pas cessé de s’élargir et de se diversifier, comme le prouvent d’ailleurs les alinéas de l’article 4 fixant le périmètre de la famille. Un tel dispositif conduira forcément à mener des investigations sans fin et à encourager la délation, ce qui n’est pas la meilleure potion pour une démocratie malade.

Le devoir des politiques est d’expliquer pour convaincre, non de suivre aveuglément l’emballement de l’opinion. J’espère que, dans son parcours, le projet de loi finira par en tenir compte. (Vifs applaudissements sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.

M. Maurice Antiste. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l’interdiction des emplois familiaux fait suite aux différentes affaires dont nous avons tous été les tristes spectateurs lors de l’élection présidentielle.

Il va de soi qu’il est indispensable d’empêcher de telles dérives, car les Français attendent de leurs représentants, au quotidien et en toute circonstance, exemplarité et équité, et qu’ils s’entourent des meilleurs éléments pour les assister dans l’accomplissement de leur mandat de manière efficace.

S’il est parfaitement justifié d’encadrer la profession de nos assistants, il faut cependant distinguer l’emploi fictif familial de l’emploi effectif et réel d’un membre de la famille possédant les compétences et les diplômes pour exercer une telle profession. À mes yeux, ce qui est condamnable, ce n’est pas le fait d’employer des membres de sa famille ; c’est celui d’employer de manière fictive ! (Marques d’approbation sur de nombreuses travées.) De ce point de vue, des règles existent déjà au Sénat en matière de plafonnement du salaire et du nombre d’emplois familiaux autorisés.

Il est à mon sens compréhensible qu’un élu puisse être amené à travailler avec une personne compétente qui lui est proche et en qui il a une confiance absolue. Je suis d’autant plus à l’aise pour le dire que ni ma femme, ni mes enfants, ni un quelconque autre membre de ma famille ne travaillent à mes côtés ou n’aspire à quelque mandat politique que ce soit.

Selon moi, les candidats devraient être jugés sur leurs compétences et leurs talents, non sur leurs liens de filiation, quel que soit l’emploi pour lequel ils postulent. Le contraire serait pure et simple discrimination.

Je pense à des collaborateurs et collaboratrices parlementaires également « fils ou filles de » qui ont accompli un travail remarquable de tous les instants auprès de leur élu et sur lesquels on a jeté l’opprobre de manière éhontée et aveuglément. En somme, on leur fera payer les actes de députés ou sénateurs ayant eu recours à des emplois familiaux fictifs et qui, eux, ont échappé à toute sanction, sous prétexte qu’ils n’ont rien commis d’illégal.

Je considère que cette mesure d’interdiction ne saurait à elle seule régler le problème de la moralité inhérente à notre fonction. S’il faut désormais interdire à tout élu de travailler avec un membre de sa famille proche, ascendant, descendant ou conjoint, pourquoi l’autoriserait-on à employer un cousin ou un ami ? En quoi est-ce moralement différent ?

La loi pourra, certes, prévoir de longues énumérations de cas d’impossibilité de recrutement, visant notamment les conjoints et enfants, mais elle se révélera impuissante, je le crains, devant une autre partie, tout aussi importante, mais immergée, du même phénomène, contre laquelle elle risque de n’être que d’une efficacité très limitée. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE et du groupe Union Centriste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. L’amendement n° 241 rectifié, présenté par MM. Collombat et Collin, Mme Costes, M. Guérini et Mme Laborde, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Dans la lignée des deux interventions que nous venons d’entendre, nous proposons de supprimer l’article 4 du projet de loi, qui n’offre pas une solution satisfaisante à l’objectif du texte : rétablir la confiance des citoyens dans l’action publique.

La priorité est plutôt de s’assurer que les moyens alloués aux parlementaires pour rémunérer leurs collaborateurs soient utilisés à rémunérer des personnes assistant effectivement les parlementaires dans leurs fonctions, au lieu d’introduire des dispositions discriminantes dont les effets sur l’amélioration du travail législatif sont plus qu’hypothétiques.

Se tromper de priorité et cibler la pratique minoritaire des emplois familiaux contribue au contraire à affaiblir la confiance de nos concitoyens dans leurs représentants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Cet amendement est contraire à la position de la commission. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement est évidemment défavorable à la suppression de l’article 4.

Je rappelle que, avec ce projet de loi, nous visons un triple objectif : réaffirmer les exigences de probité et d’intégrité, prévenir les conflits d’intérêts et assurer la transparence dans la vie publique.

Comme nous le savons, des pratiques récentes ont pu heurter nos concitoyens, précisément parce qu’elles concernent leurs représentants, et non pas un médecin, un avocat ou un autre professionnel qui travaille à côté de chez eux. Vous, parlementaires, comme nous, membres du Gouvernement, avons une visibilité et une qualité particulières.

L’interdiction prévue à l’article 4 me paraît à la fois logique, dans la perspective que je viens d’exposer, et proportionnée à l’objectif, puisque, en énumérant les membres de la famille proche, nous avons évité un cercle trop large. De la sorte, nous ne risquons pas d’enfreindre le droit au respect de la vie privée, non plus que la liberté contractuelle, qui pourrait être invoquée par ailleurs.

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Je soutiens cet amendement de suppression.

Je trouve invraisemblable que l’un d’entre nous ayant un excellent collaborateur, de très grande qualité, qui rencontrerait sa petite-fille – car on va jusqu’aux conjoints de nos petits-enfants ! – soit obligé de s’en séparer si les deux se marient. En fait, il ne faudrait pas qu’ils se marient… Nous sommes en train de créer des situations invraisemblables !

Vous pensez tous que, si nous ne prenons pas ce genre de dispositions, les citoyens nous jugeront mal. Je vous dis, moi, qu’ils nous jugeront mal si nous n’avons pas le courage de dire que ce genre de dispositifs est insupportable de ségrégation, de reproches et d’organisation de tout ce qui fait la vie sociale. Demain, en clair, il ne faudra plus se marier ! Car employer sa maîtresse ou son amant ne posera aucun problème, mais le conjoint de votre petite-fille, lui, ne pourra plus exercer son métier !

Si nous devions voter un tel dispositif, ce serait un scandale ! Je sais bien qu’il y a des élections dans quelques semaines, mais ayons du courage : personne ne nous le reprochera ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du RDSE.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 241 rectifié.

(L'amendement est adopté.) – (Applaudissements sur de nombreuses travées du RDSE et du groupe Union Centriste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)

M. le président. En conséquence, l'article 4 est supprimé et les amendements nos 21 rectifié, 174 rectifié, 264, 22 rectifié, 24 rectifié, 23 rectifié, 47, 111, 82, 166 rectifié ter, 211 et 136 rectifié n’ont plus d'objet.

Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces amendements.

L'amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Maurey et Longeot, Mme Deseyne, MM. Delahaye et Fouché, Mme Férat, M. Commeinhes, Mme Imbert, MM. Laurey, Médevielle et Gabouty et Mme Joissains, était ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l’article 8 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 8 bis ainsi rédigé :

« Art. 8 bis. – Chaque assemblée détermine des règles destinées à contrôler l’effectivité du travail effectué par les collaborateurs employés par les parlementaires.

« Elle fixe notamment des règles visant à encadrer l’emploi par un parlementaire d’un membre de sa famille, la rémunération de celui-ci et la publicité de cet emploi.

« Elle veille à la mise en œuvre de ces règles dans les conditions déterminées par son règlement. »

Les deux amendements suivants étaient identiques.

L'amendement n° 174 rectifié était présenté par MM. Détraigne, Delahaye, Longeot et Capo-Canellas, Mme Férat et MM. Luche, Kern et L. Hervé.

L'amendement n° 264 était présenté par Mme Laborde.

Ces deux amendements étaient ainsi libellés :

I. – Alinéa 2

Remplacer les mots :

Il est interdit à un député ou un sénateur d’employer

par les mots :

À compter de la promulgation de la loi n° … du … pour la régulation de la vie publique, il est interdit à un député ou un sénateur de recruter

II. – Alinéa 9

Remplacer les mots :

d’employer

par les mots :

de recruter

L'amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Maurey et Longeot, Mmes Deseyne et Férat, M. Commeinhes, Mme Imbert, MM. Laurey, Médevielle et D. Bailly et Mme Joissains, était ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

ou toute personne avec qui il a une relation amoureuse

L'amendement n° 24 rectifié, présenté par M. Maurey, Mmes Deseyne et Férat, M. Commeinhes, Mme Imbert, MM. Laurey, Médevielle et D. Bailly et Mme Joissains, était ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer l’alinéa ainsi rédigé :

« …° Ses anciens conjoints, anciens partenaires liés par un pacte civil de solidarité, anciens concubins, les pères ou mères de ses enfants ou toute personne avec qui il a eu une relation amoureuse ;

L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Maurey et Longeot, Mmes Deseyne et Férat, M. Commeinhes, Mme Imbert, MM. Laurey et Médevielle et Mme Joissains, était ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer l’alinéa ainsi rédigé :

« …° Les grands-parents, les petits-enfants et les enfants des frères et sœurs de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin.

L'amendement n° 47, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, était ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les parents, enfants, frères et sœurs, ainsi que le conjoint, partenaire lié par un pacte de solidarité ou concubin d’un autre parlementaire.

II. – Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

L'amendement n° 111, présenté par MM. Botrel et Sueur, Mmes Blondin, Bonnefoy, Campion et Cartron, M. Duran, Mmes Féret et Génisson, MM. Lozach, Marie et Mazuir, Mme Meunier et MM. Roger, Roux et Vandierendonck, était ainsi libellé :

Alinéa 10

1° Remplacer le mot :

bureau

par le mot :

règlement

2° Remplacer les mots :

, l’informe sans délai de ce lien familial et informe également

par les mots :

ou d’un groupe politique enregistré auprès de la Présidence du Sénat, est tenu d’informer sans délai de cette embauche et de ce lien familial la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et

L'amendement n° 82, présenté par M. Richard et les membres du groupe La République En Marche, était ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette information est rendue accessible au public.

L'amendement n° 166 rectifié ter, présenté par MM. Bonhomme, Allizard, G. Bailly et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Commeinhes, Cuypers et Danesi, Mme Debré, M. Delattre, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, M. Doligé, Mmes Duchêne et Estrosi Sassone, MM. Frassa, Frogier et Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Grand, Gremillet, Grosdidier, Guené et Husson, Mme Imbert, MM. Joyandet et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot, Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nègre, de Nicolaÿ, Panunzi, Paul et Pierre, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Rapin, Retailleau et Revet, Mme de Rose et MM. Savary, Savin, Vaspart, Vasselle et Vogel, était ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Son remplaçant et les personnes élues sur la même liste que lui.

L'amendement n° 211, présenté par le Gouvernement, était ainsi libellé :

Alinéa 7

1° Première phrase

Remplacer les mots :

de plein droit la cessation

par les mots :

la nullité

2° Seconde phrase

Remplacer les mots :

Cette cessation

par les mots :

Cette nullité

L'amendement n° 136 rectifié, présenté par MM. Revet, Maurey et de Raincourt, Mme Mélot, M. Pierre, Mme Hummel, M. D. Laurent et Mme Canayer, était ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« … – À titre dérogatoire et jusqu’au terme de son mandat en cours, un parlementaire peut conserver à son service la ou les personnes membres de sa famille bénéficiant d’un contrat établi antérieurement aux dispositions prévues par la loi n° … du … pour la régulation de la vie publique. »

Article 4
Dossier législatif : projet de loi pour la confiance dans la vie politique
Articles additionnels après l’article 4 (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l’article 4