Mardi 10 avril 2012

 - Présidence de Mme Sophie Primas, présidente, puis de M. Joël Labbé, vice-président -

Table ronde sur le régime d'évaluation, d'autorisation et de dérogations applicable aux épandages par aéronefs de produits phytopharmaceutiques

Mme Sophie Primas, présidente de la mission commune d'information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l'environnement. - Mesdames et Messieurs, bonjour. Je vous remercie de participer cet après-midi à l'audition de la mission commune d'information sur les pesticides du Sénat. Cette mission a été créée récemment, en février 2012, pour mener un travail de fond sur le sujet des pesticides et de leur rapport à la santé. Elle a choisi de se consacrer plus précisément à la question de la santé des personnes qui fabriquent, transportent et utilisent les pesticides ainsi qu'à la santé des familles de ces personnes et à celle des riverains des utilisateurs de pesticides. C'est pourquoi la lettre du 5 mars 2012 émanant de la direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture traitant des dérogations déjà accordées ou à accorder aux interdictions décidées par la loi dite « Grenelle II  » sur l'épandage aérien de pesticides a interpellé la mission. La loi de juillet 2010 interdit notamment la pulvérisation des pesticides depuis un avion, un hélicoptère ou un ULM, mais prévoit des dérogations restreintes, lorsque cette pratique présente des avantages manifestes pour la santé et l'environnement par rapport à une application terrestre, lorsqu'il faut agir dans l'urgence ou lorsque des pesticides sont approuvés pour ce type de pulvérisation lors d'une évaluation spécifique.

La mission a été alertée par cette lettre « à diffusion limitée », du 5 mars 2012, qui vise à permettre aux préfets d'accorder des dérogations à certains produits énumérés dans ce document. Sept produits ont été évalués spécifiquement par l'ANSES pour leur application par voie aérienne sur les cultures de bananiers et de riz, et seize autres produits sont en cours d'évaluation pour le maïs, la vigne et le riz ; les dossiers ayant été déposés à l'ANSES à la fin de l'année 2011 ou au cours du premier trimestre 2012. Pour ces seize produits, la lettre stipule qu'ils « peuvent en conséquence être intégrés dans les demandes de dérogation formulées par les opérateurs » ; il semblerait donc que ces produits puissent faire l'objet d'une demande de dérogation avant leur évaluation complète mais ne puissent être utilisés effectivement qu'au terme d'une évaluation positive.

Mesdames, Messieurs, nous vous remercions de votre présence. Nous avons demandé à M. Patrick Dehaumont, directeur général de l'alimentation au ministère de l'agriculture, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, à M. Robert Tessier, sous-directeur de la qualité et de la protection des végétaux, à Mme Emmanuelle Soubeyran, responsable du service de la prévention des risques sanitaires de la production primaire, à M. Frédéric Vey, chef du bureau des biotechnologies, de la biovigilance et de la qualité des végétaux, et, pour l'ANSES, à M. Thierry Mercier, directeur adjoint et à Mme Pascale Robineau, directrice des produits réglementés, d'accepter de venir répondre à nos questions.

I. Auditions de M. Patrick Dehaumont, directeur général de l'alimentation au ministère de l'agriculture, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, de M. Robert Tessier, sous-directeur de la qualité et de la protection des végétaux, de Mme Emmanuelle Soubeyran, responsable du service de la prévention des risques sanitaires de la production primaire, de M. Frédéric Vey, chef du bureau des biotechnologies, de la biovigilance et de la qualité des végétaux, et, pour l'ANSES, de M. Thierry Mercier, directeur adjoint et de Mme Pascale Robineau, directrice des produits réglementés.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur. - Mesdames et Messieurs, nous souhaitons vous entendre concernant plus particulièrement l'épandage aérien de produits phytopharmaceutiques. Je rappelle que la directive 2009/128 du Parlement européen indique que « la pulvérisation aérienne de pesticides est susceptible d'avoir des effets néfastes importants sur la santé humaine et l'environnement à cause notamment de la dérive des produits pulvérisés. Il convient donc d'interdire d'une manière générale la pulvérisation aérienne avec une possibilité de dérogation seulement lorsque cette méthode présente des avantages manifestes du point de vue de l'incidence limitée sur la santé et sur l'environnement par rapport aux autres méthodes de pulvérisation ou lorsqu'il n'existe pas d'autres solutions viables pourvu qu'il soit fait usage de la meilleure technologie disponible pour limiter la dérive ».

Le 5 mars 2012, Monsieur le directeur général de l'alimentation, vous avez signé une lettre à diffusion limitée, qualifiée de confidentielle, avec une application immédiate, à l'attention des préfets indiquant la liste des produits phytopharmaceutiques autorisés ou en cours d'évaluation spécifique pour les traitements aériens, soit 23 produits au total, dont 7 autorisés et 16 en cours d'évaluation. Nous souhaitions vous entendre au sujet de ce courrier en particulier. Dans quelles conditions avez-vous été amené à signer une telle lettre et pourquoi est-elle à diffusion limitée, alors qu'il apparaît qu'il s'agit d'un sujet nécessitant de la transparence ? Quel est précisément l'objet de cette lettre à diffusion limitée ? Par ailleurs, en quoi cette lettre modifie-t-elle l'état actuel de la réglementation ? Enfin, considérez-vous que les conditions qu'elle pose constituent un durcissement ou un assouplissement des conditions de dérogation ?

M. Patrick Dehaumont. - Tout d'abord, je souhaite revenir sur quelques points généraux de contexte. Vous avez rappelé le cadrage législatif, qui intègre la transposition de directives communautaires. Ces mesures d'interdiction ont été transcrites en droit français avec la possibilité de déroger lorsque l'épandage aérien présente un avantage pour la santé et l'environnement ou lorsqu'il permet de surmonter des difficultés techniques. Toutefois, le fait que certains produits sont autorisés de manière spécifique n'est pas un motif en tant que tel pour accorder une dérogation. Il s'agit en réalité d'un élément complémentaire. Lorsque la dérogation est justifiée, pour des raisons techniques de meilleure protection de l'environnement sans risque particulier pour la santé humaine, les produits utilisés doivent en outre disposer d'une autorisation spécifique.

Par ailleurs, cette question de l'épandage aérien est une des préoccupations des ministères en charge de l'agriculture et de l'environnement depuis plusieurs années. A cet effet, ils avaient commandité en 2009 une mission d'évaluation auprès de leurs conseils généraux pour obtenir un avis pertinent des inspections générales sur la question de l'épandage aérien ainsi que sur les moyens à mettre en oeuvre pour maîtriser les éventuels risques tout en conservant l'efficacité dans la lutte contre les nuisibles. La transposition de la directive européenne au sein de la législation nationale a été suivie de la mise en place d'actes réglementaires permettant de rendre opérationnel le dispositif de maîtrise de ces épandages aériens. L'arrêté du 31 mai 2011 définit pour sa part les conditions qui doivent être respectées pour pouvoir envisager la réalisation d'épandages aériens de produits phytopharmaceutiques.

Mme Nicole Bonnefoy. - Existe-t-il un dispositif de contrôle ?

M. Patrick Dehaumont. - Le dispositif de contrôle doit être mis en place sur le terrain par les services déconcentrés.

Mme Nicole Bonnefoy. - Où en est cette mise en place ?

M. Patrick Dehaumont. - Elle est effective dans la mesure où nous avons commencé à collecter les demandes de dérogation déposées en fonction de ce test réglementaire. Ces demandes, en effet, devaient être déposées avant le 31 mars 2012 et nous avons donc déjà une première analyse de celles qui l'ont été. Par ailleurs, il m'a paru important, il y a quelques semaines, d'adresser une instruction aux préfets de départements - c'est-à-dire la lettre du 5 mars que vous avez évoquée - afin de rappeler aux services concernés les conditions réglementaires à respecter pour pouvoir procéder, éventuellement, déjà à un épandage aérien de produits phytopharmaceutiques. Dans la mesure où ces dispositions sont relativement nouvelles, cette note de service - qui ne constituait en réalité qu'un rappel - précise que l'utilisation de ces produits encore en cours d'évaluation devait également faire l'objet de demandes de dérogation avant le 31 mars 2012. Cette lettre n'indique absolument pas que des utilisations de produits qui n'auraient pas fait l'objet d'une évaluation positive par l'ANSES pourraient être autorisées. La réalisation effective de tels traitements aériens est en effet strictement subordonnée à l'obtention de l'autorisation. Le libellé de cette note est très clair, si bien qu'aucune ambiguïté n'est possible. Il n'est donc absolument pas question de procéder à des épandages aériens de produits qui n'auraient pas fait l'objet d'une évaluation favorable. Je souhaitais le réaffirmer avec force.

Mme Sophie Primas. - Notre attention a été attirée par le fait que, lorsque nous avions entendu l'ANSES dans le cadre de cette mission d'information, celle-ci nous avait fait part du temps nécessaire pour l'homologation d'un certain nombre de molécules. Nous avons été étonnés que seize produits puissent déjà être ainsi énumérés avant le 31 mars 2012, obligeant ainsi l'ANSES à répondre rapidement à un certain nombre de demandes d'homologation, sachant que l'obtention des dérogations était déjà souhaitée avant toute évaluation. Notre surprise porte sur ce point. Je ne sais pas s'il revient à l'ANSES ou à vous de nous répondre à ce sujet.

M. Patrick Dehaumont. - Il n'était absolument pas question de mettre la pression sur l'ANSES, mais bien de dresser la liste, avant le 31 mars 2012, des produits pouvant éventuellement faire l'objet d'une dérogation. Au-delà de cette date, les produits qui n'auront pas été homologués ne pourront pas être utilisés.

Mme Pascale Robineau. - La plupart des demandes d'évaluation que nous avons reçues concernent des produits déjà autorisés pour le même usage par pulvérisation terrestre ; dès lors, il n'est pas nécessaire de réaliser l'intégralité de la procédure permettant d'évaluer le risque lié à un type particulier d'utilisation. Il s'agit donc d'une évaluation complémentaire à un dossier déjà évalué auparavant. C'est la raison pour laquelle les délais peuvent être plus courts, bien inférieurs à un an.

M. Joël Labbé. - Concernant la question des « avantages manifestes pour la santé et l'environnement » par rapport aux méthodes classiques, à quel moment et selon quelle méthodologie cette évaluation est-elle faite ?

M. Patrick Dehaumont. - Il revient peut-être à l'ANSES de répondre à une question sur ce sujet. C'est une question d'accessibilité des cultures concernées, de topographie des lieux où elles se trouvent.

M. Joël Labbé. - Non, je parle d'avantages manifestes pour la santé et l'environnement.

Mme Pascale Robineau. - « Avantages manifestes du point de vue des incidences sur la santé et l'environnement ». L'évaluation réalisée par l'ANSES porte sur le risque particulier lié à l'épandage aérien et non sur l'opportunité d'utiliser ce mode d'application dans le cadre d'un usage particulier sur une parcelle spécifique. En tout état de cause, l'ANSES se prononce donc sur l'acceptabilité du risque pour l'homme et l'environnement lié à l'épandage. Elle n'évalue pas les avantages qu'il y aurait, dans le cas particulier d'une situation géographique donnée, d'utiliser ce mode d'application. Cette décision relève plutôt de l'octroi, ou non, d'une dérogation.

Mme Sophie Primas. - Je complète la question posée. La loi prévoit effectivement qu'une dérogation peut être donnée si cette pratique présente des avantages manifestes pour la santé et l'environnement par rapport à l'application terrestre. Mais qui détermine laquelle de l'application terrestre ou de l'application aérienne présente l'avantage le plus important pour la santé et l'environnement ?

M. Robert Tessier. - Il faut se référer à l'arrêté disposant que ce sont bien les préfets qui sont en charge de la réception de la demande de dérogation. C'est par l'évaluation de l'argumentaire présenté par les demandeurs que les préfets jugeront de l'existence ou non d'avantages manifestes et donc accorderont, ou non, une dérogation au niveau départemental.

Mme Nicole Bonnefoy. - De quelles compétences le préfet dispose-t-il pour réaliser une telle évaluation ?

M. Patrick Dehaumont. - La puissance publique dispose de services déconcentrés sur le terrain, qui connaissent les contraintes liées aux modalités de traitement. Ils peuvent ainsi, en fonction de l'évaluation des produits, prendre une décision.

M. Frédéric Vey. - Ces « avantages manifestes pour la santé et l'environnement » sont des dispositions complémentaires à des dispositions principales (articles premier et 2 de l'arrêté). Ils reposent sur l'argumentaire que le demandeur doit apporter, relatif à l'impossibilité de réaliser les traitements par voie terrestre, par exemple parce que la hauteur des végétaux ne le permet pas, ou que la pente est trop importante, ou encore parce que les sols ne sont pas suffisamment portants si bien que les engins ne peuvent pas passer. Il s'agit des conditions les plus fréquemment rencontrées dans les demandes de dérogation. Parmi les exemples auxquels je pense se trouvent celui de la chenille processionnaire du pin ou du chêne, qui peut causer des problèmes importants de santé publique, ou encore l'utilisation d'un chenillard par l'applicateur qui constitue un risque important pour lui en cas de pulvérisation terrestre en zone à forte pente.

M. Joël Labbé. - Au-delà de la santé de l'applicateur qui ne doit évidemment pas être mise en danger, l'épandage aérien peut être choisi lorsqu'il procure des avantages manifestes pour la santé humaine et l'environnement, mais vous n'évoquez essentiellement que des contraintes physiques, de terrain, de pente... Dans le cas de la chenille processionnaire, je pense qu'il s'agit de produits biologiques épandus, et non de pesticides. Nous n'avons à ce jour pas de réponse précise concernant l'évaluation des « avantages manifestes ». S'appuyer sur les services déconcentrés est important, mais il est tout de même étonnant que ce ne soit pas le ministère qui accorde une dérogation qui prenne ses responsabilités au regard de la nation française et de l'Union européenne.

Mme Sophie Primas. - Les dérogations accordées sont-elles valables pour un parcellaire limité ou pour l'ensemble du département ?

M. Patrick Dehaumont. - Pour un parcellaire bien limité.

Mme Nicole Bonnefoy. - Lors du déplacement en Charente de la mission d'information, un représentant de l'association des riverains des pomiculteurs de Corrèze lui a indiqué que, dans les faits, l'obligation de publier, sur le site Internet de la préfecture, les autorisations accordées pour l'épandage aérien des produits phytosanitaires n'était jamais respectée. Il en va souvent de même pour ce qui est de l'observation des distances minimales de sécurité de 50 mètres vis-à-vis des habitations et jardins. Avez-vous à ce sujet des informations ou des retours ? Des contrôles sont-ils effectués ? Par ailleurs, vous parliez des compétences des préfets en matière de dérogations et d'application des dérogations. Nous nous interrogeons sur les moyens dont ils disposent, d'autant que les contraintes ne sont pas toujours respectées.

M. Frédéric Vey. - Je ne dispose pas de données statistiques concernant les contrôles réalisés. Toutefois, sur le terrain, certaines conditions d'octroi d'autorisation ont été publiées. L'information du public se fait par le biais de publication sur les sites Internet des préfectures ou par affichage en mairie, 48 heures avant la réalisation des traitements. Les zones à traiter doivent en outre être balisées et le public doit être consulté au cours de la phase d'examen des demandes de dérogations par le préfet pendant une durée minimum d'un mois.

Mme Nicole Bonnefoy. - Existe-t-il des dispositifs de contrôle, et lesquels ?

M. Frédéric Vey. - Dans un premier temps, la demande faite aux régions consiste à vérifier que les conditions de dérogation sont satisfaites. Il faut donc qu'il existe un danger réel, un danger sanitaire, sous la forme d'un risque quelconque ou d'une maladie. Dans un deuxième temps, les services déconcentrés doivent réaliser un contrôle du respect des conditions de dérogation. Celui-ci exige que la zone de traitement déclarée soit restreinte puisque la dérogation n'est absolument pas accordée pour l'ensemble du département ; elle est même précisément délimitée sur une carte au 1/25 000. Par ailleurs, les conditions topographiques doivent impérativement justifier la demande de dérogation. Il est donc possible de vérifier, avant le traitement comme pendant son déroulement, que les conditions de dérogation sont justes. Par ailleurs, dans les cinq jours qui précèdent le traitement, l'opérateur doit adresser aux services régionaux une déclaration préalable de chantier précisant notamment le nom du produit utilisé et prévoyant le balisage de la zone ainsi que l'information du public - par affichage en mairie - des pulvérisations effectuées. Enfin, après le traitement, les opérateurs ont obligation de faire une déclaration de post-traitement, permettant de savoir précisément quels produits ont été utilisés et si le traitement a été réalisé sur tout ou partie de la parcelle déclarée.

Mme Sophie Primas. - Les conditions météorologiques font-elles partie des conditions de traitement à prendre en compte ? Un chantier pré-déclaré peut-il être arrêté du jour au lendemain ?

M. Frédéric Vey. - Tout à fait. Les conditions d'épandage sont définies par l'arrêté du 12 septembre 2006 qui fixe notamment des règles à respecter sur la dérive.

Mme Nicole Bonnefoy. - La règle des 50 mètres est-elle également rappelée ?

M. Frédéric Vey. - Oui.

Mme Nicole Bonnefoy. - Comment garantir que ces obligations sont bien respectées ? Certes, il existe une liste de contraintes, d'obligations, mais l'administration réalise-t-elle des vérifications ?

M. Frédéric Vey. - L'administration peut contrôler les opérations de traitement réalisées sur le terrain.

M. Patrick Dehaumont. - Voici quelques éléments sur l'organisation des contrôles. La structure actuelle repose sur une programmation, en amont, avec un dialogue de gestion entre le niveau central et le niveau local. Chaque année, cet échange se tient avec les régions et les départements. Deux volets sont définis, le premier portant sur les priorités nationales, le second sur les spécificités locales pilotées par les chambres départementales ou locales selon les dossiers. Mais le dispositif étant nouveau, je pense que, pour l'année 2012, il n'a pas pu être employé au niveau national mais seulement aux niveaux régional et départemental. Effectivement, cette procédure nous conduit à dire aujourd'hui que « l'administration peut », parce que les contrôles réalisés n'ont pas encore pu être quantifiés au niveau national. Il revient dès lors aux services départementaux ou régionaux de mettre en place des contrôles du bon respect des dispositions réglementaires pour lesquels ces services ont été amenés à délivrer des dérogations.

Pour les dialogues de gestion qui s'engagent pour l'année 2013, ces éléments devront être pris en compte dans le cadre d'une programmation nationale même si nous ne pourrons probablement pas contrôler toutes les opérations menées, mais nous devrons réaliser une analyse des risques pour définir une programmation nationale et allouer au mieux les moyens des départements et des régions. Quoi qu'il en soit, une marge de manoeuvre sera laissée à l'initiative locale pour intensifier les contrôles.

Pour l'année 2012, nous nous appuyons sur les initiatives locales. Nous avons néanmoins collecté des informations concernant les demandes de dérogation et devrons nous adresser à nos services déconcentrés pour nous assurer de la nature des vérifications programmées.

Mme Sophie Primas. - Avez-vous commencé à dresser un état des demandes de dérogations ? Quel est-il ?

M. Frédéric Vey. - Nous avons effectivement commencé à demander des données concernant le nombre de dérogations accordées. Toutefois, les demandes pouvaient être déposées jusqu'au 31 mars 2012. A ce jour, 18 régions nous ont transmis ces données. Le bilan provisoire fait état de 18 dérogations annuelles accordées, de 39 dérogations ponctuelles accordées et de 800 opérations de traitement aérien effectuées ou à venir, essentiellement dans les départements d'outre-mer, notamment sur les bananiers en Guadeloupe.

Mme Nicole Bonnefoy. - Quelles sont les cultures concernées ?

M. Frédéric Vey. - Celles mentionnées dans la circulaire : les bananes, le riz, le maïs, la vigne.

Mme Nicole Bonnefoy. - La châtaigne également ?

M. Frédéric Vey. - Pour la châtaigne, la dérogation est ponctuelle.

Mme Nicole Bonnefoy. - Des demandes concernent donc le châtaignier.

M. Frédéric Vey. - Trois demandes ponctuelles et non annuelles ont été accordées.

M. Gérard Miquel. - Ces données ne me rassurent pas. Disposez-vous des effectifs des fonctionnaires en capacité d'effectuer les contrôles ? Comment procédez-vous ? En outre, quelles sont les principales cultures concernées par les demandes de dérogation ?

M. Frédéric Vey. - Les demandes portent sur des cultures de bananiers, riz, maïs et vigne.

M. Gérard Miquel. - Où se trouvent les vignes qui feraient l'objet de ce type de traitement, si les dérogations étaient accordées ?

M. Frédéric Vey. - Principalement sur des coteaux en Champagne-Ardenne.

M. Gérard Miquel. - J'ai réalisé un rapport parlementaire sur l'eau et visité des bananeraies en Guadeloupe et en Martinique. J'ai ainsi pu constater les effets de la chlordécone, épandue depuis un hélicoptère alors que des gens travaillaient dans la bananeraie. Les nappes phréatiques, en outre, sont complètement polluées. A l'heure où le principe de précaution a été inscrit dans la Constitution et où l'on impose aux collectivités des contraintes très fortes en ce sens, les traitements aériens me paraissent en discordance totale avec le respect du principe de précaution. Les produits contiennent en effet de nouvelles molécules dont on ne connaît pas encore les incidences.

Il est temps de prendre des mesures fortes dans ce domaine. Notre agriculture sait produire en évitant ces traitements. Dans mon département, de nombreux viticulteurs se reconvertissent au bio et produisent du vin de qualité. Partout où c'est possible, il faut encourager ce type de culture. Les épandages réalisés dans le cadre de ces dérogations doivent inciter à une très grande prudence au regard des conséquences sur la santé, notamment des agriculteurs. Je suis très inquiet. Je souhaite que vous me rassuriez sur les contrôles que vous êtes en capacité de mettre en oeuvre.

M. Patrick Dehaumont. - Vous avez soulevé à juste titre les risques pour la santé des épandages aériens à grande échelle. J'insiste sur le fait que le dispositif en place actuellement permet précisément d'encadrer de manière bien plus stricte cet usage que ne le faisait le système antérieur. En effet, aucun système d'interdiction n'existait auparavant. Une étape a été franchie.

Concernant l'évaluation, nous convenons du fait que ces produits peuvent également présenter un certain nombre de risques. Pour l'épandage aérien, différents éléments d'évaluation ont été définis par l'ANSES, qui a énuméré les critères devant être évalués afin de procéder à l'autorisation d'épandage aérien de produits phytopharmaceutiques. Ce dispositif constitue donc un resserrement depuis la loi Grenelle II, puisqu'il n'autorise que quelques dérogations dans le cas où il est impossible d'utiliser d'autres traitements. Enfin, pour les contrôles, je rappelle que l'Etat dispose aujourd'hui de 450 emplois équivalents temps plein qui exercent des activités dans ce domaine. Ils ont notamment réalisé 6 000 contrôles d'utilisation de produits phytosanitaires en 2011. Nous gérons au mieux ces effectifs disponibles selon une analyse de risques pour cibler les points qui semblent les plus sensibles.

Mme Sophie Primas. - Quels sont les critères retenus par votre analyse des risques : la taille de la parcelle, le véhicule, un certain type d'environnement... ?

M. Frédéric Vey. - La méthode complexe utilisée a été publiée. Elle prend en compte les risques pour la santé et pour l'environnement. Elle cible également les filières qui présentent un risque fort de non-respect des conditions d'application (vitesse du vent, présence de zones proches non traitées, cours d'eau...).

Mme Emmanuelle Soubeyran. - J'insiste sur le resserrement du contrôle, les dérogations accordées l'étant pour la durée d'un an et devant faire l'objet d'une réévaluation chaque année prenant en compte, par exemple, l'apparition de matériels nouveaux propres à éviter tout traitement aérien sur des terrains accidentés Nous sommes bien dans une logique de diminution des autorisations d'épandage aérien.

M. Jean-François Husson. - Pourriez-vous nous indiquer aujourd'hui les superficies concernées par l'épandage aérien et leur pourcentage ? J'ai le sentiment que cette proportion est infinitésimale. Pourriez-vous également nous donner l'évolution des surfaces qui font l'objet d'un traitement aérien depuis quelques années et les types de cultures concernées afin de pouvoir mesurer l'évolution pour chaque culture ? Il me semble important de disposer de données objectives.

M. Patrick Dehaumont. - Nous allons vous communiquer des éléments.

M. Frédéric Vey. - Nous disposons notamment de données sur la situation antérieure à la mise en place de ce dispositif réglementaire, puisqu'une mission avait déterminé les surfaces concernées. 66 départements faisaient l'objet au moins une fois d'un traitement aérien, pour une surface agricole utile (SAU) inférieure à 100 000 hectares, soit 0,3 % de la SAU nationale.

Mme Nicole Bonnefoy. - Le ministère chargé de l'environnement ou celui en charge de la santé ont-ils été consultés avant l'envoi de la lettre du 5 mars 2012 ?

M. Patrick Dehaumont. - Non, dans la mesure où cette lettre ne visait qu'à rappeler des mesures réglementaires.

M. Joël Labbé. - Dans la procédure, vous avez évoqué une phase de concertation avec le public, organisée par le préfet. Nous n'avons pas entendu parler de la mise en oeuvre de cette concertation, et le fait que cette lettre soit confidentielle ne nous rassure pas. Les associations jouent pourtant un rôle d'arbitre, parfois excessif mais nécessaire. La règle des 50 mètres, par exemple, semble dérisoire car il s'agit d'une distance très limitée. Cette règle vaut-elle également à l'égard des cultures voisines ? Enfin, les habitats riverains, qui reçoivent ces pluies à plus d'un kilomètre à la ronde, sont également concernés.

Mme Emmanuelle Soubeyran. - Les ministères de la santé et de l'environnement reçoivent tous les avis émis par l'ANSES. Ils peuvent alors exprimer leur point de vue bien en amont. En outre, la consultation du public est bien prévue par l'article 14 de l'arrêté du 31 mai 2011 (publié le 8 juin 2011). Celui-ci stipule en effet que le préfet de département organise dans un délai de deux mois une information préalable du public et informe la commission départementale compétente en matière d'environnement et de risques sanitaires. C'est un moment privilégié au cours duquel les associations vont pouvoir être informées et s'exprimer, ce qui, de notre point de vue, va entraîner la diminution des traitements aériens.

M. Joël Labbé. - La consultation du public prévue par ce texte est-elle mise en oeuvre dans les faits ?

Mme Emmanuelle Soubeyran. - Elle va l'être. Elle doit l'être. Toutefois, les premières demandes viennent à peine d'être déposées.

Mme Sophie Primas. - J'ai le sentiment que nous sommes dans une année de transition aussi bien pour les contrôles, avec les nouveaux plans de gestion nationaux, que pour la mise en place de la consultation publique sur ces dérogations.

M. Patrick Dehaumont. - S'agissant des contrôles, nous sommes effectivement dans une période de transition. Les préfets, en outre, doivent être sensibilisés à la nécessité de consulter le public et d'associer les parties prenantes, dès lors qu'il s'agit d'une disposition réglementaire. Nous n'avons pas encore pu vérifier si ces impératifs ont déjà été suivis - mais nous allons le faire - car les dérogations viennent d'être déposées.

M. Jean-François Husson. - Quel est le nom de la commission compétente ?

M. Frédéric Vey. - Le Conseil Départemental de l'Environnement et des Risques Sanitaires et Technologiques ou CODERST.

Mme Sophie Primas. - L'ANSES pourrait-elle nous repréciser l'ensemble des contrôles réalisés dans le cadre de ces dérogations ? Quelle est votre action ? Quels contrôles réalisez-vous spécifiquement pour l'épandage aérien ? Selon quelle méthodologie et dans quels délais ?

Mme Nicole Bonnefoy. - Pouvez-vous nous préciser également les critères de sélection qui ont prévalu pour retenir les vingt trois pesticides énumérés dans la lettre du 5 mars 2012 ?

M. Thierry Mercier. - Je rappelle qu'il s'agit d'un dispositif d'évaluation des substances actives et des préparations, calqué sur celui de l'Union européenne. L'évaluation des traitements s'y ajoute. Dans le cas d'un traitement par voie aérienne uniquement, l'ANSES évalue la demande sur la base des requis européens, tels que préparation, risques pour les opérateurs, chargement de la préparation dans l'aéronef, exposition du pilote, exposition des personnes potentiellement présentes pour signaler la zone, exposition des travailleurs éventuellement présents sur les lieux de la culture, exposition des résidents. Pour cette dernière, un rapport, toujours actuel, a été remis par l'AFFSET et l'INERIS, en mars 2004, sur l'impact sanitaire de l'épandage aérien de produits antiparasitaires.

Pour le traitement par aéronef, nous tenons également compte des résidus du traitement pour les consommateurs et de l'environnement, comme, par exemple, la spécificité des sols et des climats locaux notamment pour la Guadeloupe et la Martinique. Pour l'exposition des organismes aquatiques ou terrestres, l'ANSES applique les règles européennes du rapport entre l'exposition et la toxicité. Un avis de l'ANSES du 2 décembre 2011 résume les bases de l'évaluation d'un traitement par aéronef. Les priorités établies pour évaluer les différentes préparations relèvent d'une discussion avec le ministère. L'évaluation des traitements destinés aux bananeraies a ainsi été jugé prioritaire. Par ailleurs, certains produits n'ont fait l'objet que d'une évaluation complémentaire, puisqu'ils avaient déjà été l'objet d'une analyse dans le cadre d'un épandage terrestre. Quoi qu'il en soit, l'ANSES a décidé d'étaler les évaluations demandées sur une certaine période et il ne sera peut-être pas possible d'évaluer l'ensemble des produits.

M. Robert Tessier. - Dans la discussion avec le ministère, nous avons décidé de privilégier la banane, puis le riz (en Camargue), la vigne (à traiter en avril-mai) et le maïs (à traiter en juillet), afin de respecter le calendrier des traitements et pulvérisations nécessités par ces cultures. Ce fonctionnement permettait en outre d'échelonner les demandes auprès de l'ANSES ainsi que le travail de cette dernière. Le

Mme Nicole Bonnefoy. - Au vu des fiches relatives aux produits phytopharmaceutiques figurant sur le site du ministère de l'agriculture, je constate que le Sico, par exemple, présente un « risque d'effets graves pour la santé en cas d'exposition prolongée par ingestion », qu'il est « très toxique pour les organismes aquatiques, peut entraîner des effets néfastes à long terme pour l'environnement aquatique », « nocif », « dangereux pour l'environnement », mais qu'il est « autorisé pour des applications par voie aérienne, sous réserve du respect d'une zone non traitée par rapport aux points d'eau de 50 mètres ». Je ne comprends pas pourquoi l'ANSES serait compétente pour déterminer ces risques mais ne le serait pas pour déterminer les « avantages manifestes pour la santé et l'environnement » qu'il y aurait à utiliser un tel produit.

Mme Pascale Robineau. - Vous avez évoqué les propriétés de danger de la substance active. L'ANSES est compétente pour évaluer le risque, qui tient compte du danger mais aussi de l'exposition de l'applicateur, du pilote, des résidents et de l'environnement. Ce risque diffère selon le mode d'application. Dans nos évaluations, pour prendre en compte chaque mode d'application particulier, nous prenons en compte la dérive, qui varie selon la voie d'application, ainsi que la diversité de l'exposition des personnes et de l'environnement. Mais nous ne sommes pas en capacité de juger des « avantages manifestes » dans le cas d'une pulvérisation particulière, qui dépend de la situation spécifique de la parcelle considérée dont l'ANSES n'a pas connaissance. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas répondre à cette question.

Mme Nicole Bonnefoy. - Pourtant, si vous considérez que dans le cas général, un produit est dangereux, pourquoi, dans un cas particulier, ne le serait-il pas ?

Mme Pascale Robineau. - Parce qu'il peut être toxique pour les organismes aquatiques, mais suivant les conditions de son application, nous pouvons aboutir à la conclusion qu'il n'y a pas de risque pour les organismes aquatiques.

Mme Sophie Primas. - Nous comprenons bien qu'il faut distinguer le danger que constitue un produit, d'une part, et, d'autre part, les facteurs d'exposition qui génèrent un risque plus ou moins élevé. Ce que nous ne comprenons pas, c'est que l'évaluation des conditions d'exposition, et donc du danger final, soit laissée à l'appréciation de services déconcentrés de l'Etat.

Mme Pascale Robineau. - Nous détaillons bien le risque non pas dans le cadre d'une situation d'exposition mais d'une façon générale, pour chaque catégorie de personnes et d'organismes. Nous pouvons donc conclure que le risque est acceptable ou non au regard des critères retenus. Toutefois, nous ne pouvons pas évaluer l'avantage qu'il peut y avoir à utiliser tel mode d'application dans un cas particulier.

M. Patrick Dehaumont. - Je voudrais revenir à la lettre de l'article de la loi : la dérogation s'applique lorsqu'un danger menaçant la santé publique, les animaux et les végétaux, ne peut être maîtrisé par d'autres moyens. Une analyse de risque est effectivement conduite et peut alors conclure que le bénéfice est plus important que le risque. Nous n'avons alors pas d'autres moyens pour écarter le danger.

Mme Nicole Bonnefoy. - Qui détermine qu'il n'existe pas d'autres moyens ?

M. Patrick Dehaumont. - Les décisionnaires exposent dans leur dossier de demande de dérogation un certain nombre d'éléments d'accessibilité, de topographie...

Mme Nicole Bonnefoy. - Qui contrôle ces éléments ?

M. Patrick Dehaumont. - Les services de l'Etat instruisent le dossier. Lorsqu'aucun matériel n'est techniquement utilisable compte tenu des conditions topographiques, l'épandage aérien constitue le dernier recours. L'article du code distingue le danger manifeste encouru par les hommes, les animaux et les végétaux nécessitant le recours à ce type de traitement des « avantages manifestes pour la santé et l'environnement » que présente ce type de traitement. La deuxième préposition occasionne de moins nombreuses demandes de dérogations que la première. L'avantage du système actuel est qu'il impose un système de dérogations préalables révisé chaque année qui nous permettra de prendre en compte l'évolution des techniques.

Mme Sophie Primas. - Concernant l'information de la population, il me semble ne jamais avoir vu de champs balisés dans l'attente d'un épandage aérien, même si cette contrainte résulte des textes applicables. En pratique, cette contrainte est-elle respectée ? Par ailleurs, nous devrons veiller à ce que la concertation qui doit se mettre en place soit bien réalisée. Ensuite, je suis étonnée que les surfaces utiles concernées semblent aussi peu étendues. Enfin, peut-être serait-il utile de supprimer la seconde justification de la dérogation, qui laisse la porte ouverte à des interprétations peu scientifiques ?

M. Patrick Dehaumont. - Nous allons bien entendu nous employer à mettre en place l'obligation d'information du public, qui existe déjà par endroits. En outre, j'ai le sentiment que la superficie des surfaces concernées, déjà très faible, ira en décroissant. Concernant la seconde partie du dispositif, puisqu'il s'agit d'un article de loi, il incombe aux parlementaires, dans leur sagesse, de juger de sa pertinence.

M. Joël Labbé. - Vous reconnaissez que vous devez repenser le dispositif d'information-consultation du public. Pour notre part, en tant que parlementaires, nous devons avoir certaines exigences. La lettre à diffusion limitée du 5 mars 2012 ne rappelle à aucun moment aux préfets la nécessité d'organiser l'information du public. Je ne suis pas convaincu par vos arguments, la protection de la santé et de l'environnement ne semblant pas prioritaires dans les dispositions prises. Certes, nous ne pouvons que nous satisfaire que ces dispositifs limitent ce type de traitements, mais ils ne le font pas encore suffisamment. Des incidences sur la qualité de l'eau ont été constatées. Nous sommes dans un monde d'apprentis sorciers. Les risques des pesticides pour la santé humaine et l'embryon, démontrés par des généticiens et d'autres experts, sont suffisants pour que l'on tire la sonnette d'alarme.

M. Jean-François Husson. - Ces risques concernent aussi bien l'épandage aérien que l'épandage traditionnel. Au-delà de cette réserve, ce qui compte, c'est la manière dont les hommes se saisissent du dossier, qui varie selon les régions. Plus les dispositifs et contraintes mis en oeuvre seront nombreux, plus les surfaces concernées diminueront, dans l'intérêt de tous.

Mme Nicole Bonnefoy. - Vous parliez de réduire les surfaces concernées, déjà faibles. Or, un rapport conjoint du ministère de l'agriculture et du ministère de l'environnement de février 2010, intitulé « Interdiction des épandages aériens de produits phytopharmaceutiques sauf dérogations. Situation actuelle - propositions de mise en oeuvre des dérogations », se termine par la phrase suivante en guise de recommandation : « Entamer une réflexion au niveau national sur l'avenir des capacités et possibilités de traitements de grande ampleur à base de pesticides (produits biocides et phytopharmaceutiques) par aéronefs ». Il préconise donc une extension des pulvérisations aériennes !

M. Patrick Dehaumont. - Il existe une note de service du 15 juin 2011 qui rappelle aux préfets les principes de la dérogation, et notamment l'obligation d'information du public. Par ailleurs, le rapport que vous évoquez provient de l'Inspection générale. Nous en avons repris certains éléments, notamment ceux visant à renforcer l'encadrement de l'épandage aérien. En revanche, nous n'avons pas retenu la notion de l'épandage aérien « de grande ampleur » ; au contraire, nous nous engageons sur la voie de l'encadrement accru de l'épandage aérien, qui réduira le recours à celui-ci. Nous ne reprenons donc pas à notre compte la formule employée par les inspecteurs généraux qui, dans le cadre de leur mission, ont émis librement un certain nombre de recommandations.

Mme Sophie Primas. - La question méritait d'être posée.

M. Gérard Miquel. - Les agriculteurs utilisant ces techniques d'épandage devraient aller voir ce qui se fait dans les périmètres larges de protection, par exemple pour protéger la qualité d'eaux minérales. Après les difficultés des débuts, des agriculteurs bénéficient de ces mesures, à la fois parce qu'ils se sont dirigés vers des productions de qualité à haute valeur ajoutée et que des moyens financiers importants ont été mis à leur disposition. Aujourd'hui, les résultats sont extrêmement positifs. Par ailleurs, des questions se posent également pour le traitement des cultures dans les zones accidentées. En réalité, nous sommes allés beaucoup trop loin dans l'usage des pesticides. Il faut arrêter.

Mme Sophie Primas. - L'objet de la réunion d'aujourd'hui porte sur les dérogations accordées en faveur des épandages aériens. Nous avions également une question sur les pétitionnaires.

Mme Nicole Bonnefoy. - Vous avez précisé qu'il leur revenait de décider s'il existait ou non d'autres possibilités d'épandage.

M. Robert Tessier. - Les demandes de dérogation sont argumentées. Ce sont des éléments que les services déconcentrés de l'Etat instruisent, pour déterminer s'il n'existe réellement pas d'autres moyens de traitement.

Mme Emmanuelle Soubeyran. - Nous parlons là des moyens de traitement sur lesquels nous pouvons leur apporter des explications argumentées de chercheurs, de techniciens, et qui peuvent les aider à se positionner.

Mme Sophie Primas. - Connaissez-vous le taux de refus opposé aux demandes de dérogation ?

M. Frédéric Vey. - Des refus ont été prononcés, par exemple lorsque la pente de la parcelle permettait de recourir à des engins terrestres, ou lorsque le risque sanitaire invoqué n'était pas convaincant.

Mme Nicole Bonnefoy. - Les producteurs de châtaignes ne sont-ils pas incités à recourir à des traitements par l'octroi d'une prime de 10 % lorsque les produits sont traités ?

M. Robert Tessier. - La situation a évolué entre 2011 et 2012. En 2011, tous les produits pouvaient par principe être utilisés en traitements aériens. En 2012, seuls les produits qui auront été évalués favorablement pour cet usage par l'ANSES pourront l'être, dans le cadre d'un système dérogatoire à l'interdiction générale. En l'occurrence, à ce jour, aucun produit de traitement du châtaignier n'a été évalué favorablement, si bien qu'aucun traitement aérien du châtaignier ne sera possible en 2012.

Mme Nicole Bonnefoy. - Je reviens sur le fait qu'il appartient aux préfets et aux services déconcentrés de l'Etat de déterminer s'il existe des avantages manifestes pour la santé et l'environnement.

Mme Emmanuelle Soubeyran. - Non, la loi dit bien que deux cas doivent être distingués : lorsqu'il n'existe pas d'autre moyen de maîtriser un danger ou lorsque ce type d'épandage présente des « avantages manifestes ». Or, dans presque 100 % des demandes de dérogation, c'est le premier cas qui est invoqué.

Mme Nicole Bonnefoy. - Je voulais simplement souligner le fait que cette compétence revient aux services déconcentrés de l'État. Ils recevront donc cette lettre énumérant les produits autorisés à la suite de leur évaluation positive par l'ANSES, qui constituera certainement à leurs yeux un gage de sécurité, même s'il est écrit qu'ils ont la responsabilité d'examiner le cas particulier de chaque demande. L'interprétation de cette lettre n'est donc pas simple pour eux.

M. Patrick Dehaumont. - Cette lecture relève précisément du métier des services déconcentrés, qui sont habitués à ce type de courriers. Ils comprennent qu'ils doivent instruire chaque dossier. Ils exercent ainsi cette responsabilité, comme le prouve l'existence de refus.

Mme Sophie Primas. - L'article 10 de l'arrêté du 31 mai 2011 précise que le donneur d'ordre doit porter à la connaissance du public la réalisation d'un épandage aérien 48 heures avant le traitement. Ce délai semble bref. Qu'en pensez-vous ? Le législateur ne devrait-il pas l'allonger ?

M. Frédéric Vey. - Cette question a été longuement débattue lors de l'élaboration du texte. Toutefois, des conditions précises d'application doivent être respectées, notamment en fonction des conditions météorologiques dont la prévisibilité n'est possible qu'à très court terme. Or, un épandage aérien ne doit pas être déclaré s'il n'existe pas de garantie suffisante du fait qu'il sera réalisé. C'est la raison pour laquelle il semble impossible d'allonger ce délai.

M. Gérard Miquel. - Il paraît en effet difficile d'allonger le délai de 48 heures, compte tenu des aléas météorologiques et de la périodicité incontournable des traitements.

M. Joël Labbé. - Allez-vous expliquer formellement aux préfets qu'ils sont tenus d'organiser une information-consultation du public dans les deux mois précédant les opérations de traitement aérien ?

M. Patrick Dehaumont. - Nous allons leur rappeler cette obligation.

M. Frédéric Vey. - L'information-consultation doit être organisée dans les deux mois qui suivent le dépôt du dossier et durer un mois.

Mme Sophie Primas. - L'ANSES aura-t-elle les moyens nécessaires pour évaluer tous ces produits en temps et en heure ? Serez-vous obligés de faire des choix de produits ?

Mme Pascale Robineau. - Huit dossiers sont actuellement en cours d'évaluation et le dépôt d'une dizaine de dossiers est prévu. Il faut toutefois savoir que l'ANSES reçoit plusieurs centaines de dossiers par an. Par ailleurs, certains produits ne font l'objet que d'une demande d'évaluation complémentaire, puisqu'ils ont déjà été évalués dans le cadre d'un épandage terrestre.

Mme Sophie Primas. - Ne serez-vous pas amenés à travailler dans une certaine précipitation ? Répondrez-vous de façon négative dans le cas où vous n'auriez pas pu disposer de suffisamment de temps pour évaluer certains produits ?

Mme Pascale Robineau. - L'ANSES travaille aussi vite que possible mais sans précipitation. En cas d'insuffisance de temps disponible, l'ANSES refuse de procéder à une évaluation.

Mme Sophie Primas. - Je vous remercie.

Audition de M. Vincent Polvèche, directeur du groupement d'intérêt public « GIP Pulvés »

Mme Sophie Primas. - Je remercie M. Vincent Polvèche, directeur du groupement d'intérêt public « GIP Pulvés » d'avoir répondu à notre invitation. Pourriez-vous commencer par nous présenter votre organisation et vos missions actuelles, ainsi que votre rôle dans le cadre de la protection des utilisateurs de pesticides ?

M. Vincent Polvèche, directeur du groupement d'intérêt public « GIP Pulvés ». - Je suis directeur du groupement d'intérêt public « GIP Pulvés », créé en 2009, suite à l'entrée en vigueur du contrôle obligatoire des pulvérisateurs en service. Le GIP assure des missions exclusivement régaliennes que les ministères de l'agriculture et de l'écologie n'ont pas pu assumer dans leurs services respectifs. Les membres fondateurs, également administrateurs, de ce groupement sont ces deux ministères, l'ancien Cemagref devenu, en 2011, l'Irstea (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture), l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) et l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA).

Le « GIP Pulvés » se voit confier trois grandes missions : délivrer les avis aux autorités administratives pour l'agrément des organismes d'inspection et des centres de formation des contrôleurs, ce qui nécessite des visites de terrain ; recenser les résultats et dresser le bilan de tous les contrôles effectués sur le territoire national, y compris outre-mer ; informer le public et assurer une veille de l'actualité européenne sur les contrôles de pulvérisateurs - le ministère nous demande à ce titre de connaître et de contribuer à harmoniser les procédures au niveau européen.

J'ajoute que le GIP est une microstructure, employant deux salariés contractuels à temps plein. Elle bénéficie des seules ressources financières provenant, d'une part, de ses activités d'audit, rémunérées par les organismes, d'autre part des contrôles réalisés en France donnant lieu à un prélèvement forfaitaire.

L'activité de contrôle a subi un léger ralentissement en 2011, peut-être dû à la sécheresse. 2012 s'annonce assez calme, notamment du fait du gel, qui fait que les agriculteurs se préoccupent plus de leurs cultures que du contrôle de leurs pulvérisateurs. Aujourd'hui, il existe 142 points de contrôle fixes ou non, sans compter les contrôles mobiles, qui ont réalisé depuis 2009 environ 64 000 contrôles de pulvérisateurs.

Mme Sophie Primas. - Les pulvérisateurs doivent-ils être vérifiés chaque année ?

M. Vincent Polvèche. - Non. A ce jour, le contrôle est obligatoire tous les cinq ans. Le premier contrôle doit avoir lieu avant le cinquième anniversaire du matériel.

Mme Sophie Primas. - D'un point de vue technique, en quoi consiste ce contrôle ?

M. Vincent Polvèche. - Le contrôle, qui porte sur 163 points, comprend un diagnostic visuel de l'état du matériel, la détection d'éventuelles pollutions directes (fuites...), et la vérification des organes de commandes et de réglage, notamment la précision des capteurs. Ce dernier aspect répond particulièrement aux attentes de l'utilisateur.

Mme Nicole Bonnefoy. - Quel est le montant du forfait acquitté par l'utilisateur ?

M. Vincent Polvèche. - Selon la taille du matériel, le forfait varie de 150 € à 250 € environ, pour une à deux heures de travail.

Mme Sophie Primas. - Pouvez-vous être amené à émettre un avis défavorable ? Cet avis peut-il conduire à demander le changement d'une pièce du pulvérisateur, ou sa mise au rebut ?

M. Vincent Polvèche. - Tout à fait quant au changement d'une pièce. En revanche, nous ne déciderons jamais d'une mise au rebut. Nous refuserons de valider l'appareil et émettrons une demande de modifications, assortie d'une contre-visite obligatoire après réparation. C'est à l'utilisateur qu'il reviendra de décider s'il doit faire les réparations ou bien mettre son pulvérisateur au rebut. Aujourd'hui, le taux de contre-visites demandées avoisine 18 %. Certaines petites réparations peuvent être faites au moment du contrôle.

Mme Nicole Bonnefoy. - Le matériel peut-il être encore utilisé même lorsque des réparations sont nécessaires ?

M. Vincent Polvèche. - L'utilisateur dispose d'un délai de quatre mois pour effectuer les réparations.

Mme Nicole Bonnefoy. - Dans cet intervalle, il peut donc réaliser une campagne avec un pulvérisateur défaillant ?

M. Vincent Polvèche. - Une demi-campagne, plutôt. Ces quatre mois ont été fixés en raison de la trêve hivernale, lors de laquelle l'appareil est sensible au gel.

Mme Nicole Bonnefoy. - L'agriculteur est-il réellement obligé de faire effectuer les réparations ?

M. Vincent Polvèche. - Un agriculteur peut ne se soumettre ni au contrôle principal ni à la contre-visite. Généralement, dès lors que l'agriculteur s'est présenté pour faire contrôler son appareil, il réalise les réparations demandées. C'est la démarche initiale qui est la plus difficile.

Mme Sophie Primas. - Relevez-vous des cas aux conséquences éventuellement très graves pour la sécurité de l'utilisateur ou en raison du degré de pollution engendrée ?

M. Vincent Polvèche. - Il peut s'agir d'accidents avec le produit, par exemple dans le cas d'un bouchon repêché à la main dans le mélange. Nous ne voyons généralement pas les cas très graves, les propriétaires étant parfaitement conscients de l'état de leur appareil. Lorsqu'ils se présentent au contrôle, les agriculteurs sont généralement confiants dans le fait que leur matériel recevra un avis favorable sans difficulté.

Mme Nicole Bonnefoy. - L'achat d'un pulvérisateur neuf s'accompagne t-il de la signature d'un contrat d'entretien ?

M. Vincent Polvèche. - Non. Les distributeurs de matériel font aujourd'hui la première mise en route, assez complexe, et offrent une garantie légale, mais ils ne proposent pas de contrat de maintenance préventive, excepté dans quelques cas assez rares.

M. Joël Labbé. - Existe-t-il une homologation initiale pour ce matériel ?

M. Vincent Polvèche. - Non. Les pulvérisateurs répondent à un régime complet d'auto-certification qui, jusqu'à fin 2011, ne concernait que la sécurité des opérateurs, du point de vue des risques électriques et mécaniques surtout. La directive européenne dont ils dépendent a été amendée en 2009 et transposée en droit français fin 2011. Aujourd'hui, les prescriptions environnementales figurant sur le matériel sont plus nombreuses, mais elles relèvent uniquement de l'auto-certification. Le contrôle de second niveau est très léger, du fait d'une méconnaissance technique de ce matériel.

Mme Nicole Bonnefoy. - Les accidents liés à l'emploi de pulvérisateurs sont-ils fréquents ?

M. Vincent Polvèche. - Les accidents ou incidents sont fréquents, même s'ils ne sont pas toujours recensés.

Mme Sophie Primas. - Quelle dimension avait le parc sur lequel ont été effectués les quelque 64 000 contrôles réalisés depuis le 1er janvier 2009 ?

M. Vincent Polvèche. - C'est une donnée difficile à estimer, du fait de l'absence d'homologation. 300 000 machines seraient concernées. Ce nombre est issu de deux enquêtes de structures et d'une hypothèse d'un taux d'équipement d'une machine par exploitation ; il s'agit en effet d'un équipement qui se partage difficilement, notamment parce que les périodes pendant lesquelles les traitements doivent être effectués sont brèves. Les constructeurs estiment les ventes à quelque 15 000 machines par an, pour une durée de vie de vingt ans. Toutefois, le taux d'équipement individuel semble aujourd'hui connaître une baisse sensible.

Mme Nicole Bonnefoy. - Comment l'expliquez-vous ?

M. Vincent Polvèche. - Le manque de compétence des utilisateurs semble être l'une des raisons, car ces machines sont complexes et difficiles à utiliser. En outre, une formation est obligatoire pour les utilisateurs, à l'issue de laquelle est délivré un certificat d'applicateur. Enfin, de plus nombreux agriculteurs atteignent une taille limite pour avoir intérêt à posséder un tel équipement, si bien que le prêt de ces machines se développe.

Mme Sophie Primas. - Donnez-vous des conseils d'utilisation ? Votre rôle consiste-t-il également à former les utilisateurs ?

M. Vincent Polvèche. - Le « GIP Pulvés » sensibilise les organismes d'inspection afin qu'ils ne fassent pas seulement du contrôle et de l'inspection, mais qu'ils conseillent également les utilisateurs en matière de choix de matériel, de technique. Sur environ deux heures de visite de contrôle, environ vingt minutes sont consacrées à ces conseils.

Mme Sophie Primas. - Rencontrez-vous plutôt des agriculteurs experts ou des utilisateurs ayant besoin de votre soutien pour utiliser le matériel ?

M. Vincent Polvèche. - Certains agriculteurs sont des experts, mais, pour deux tiers d'entre eux, ils sont demandeurs de conseils car ils attendent notamment du technicien qu'il révise les réglages de leur pulvérisateur.

Mme Nicole Bonnefoy. - Tout type de culture peut-il être traité par pulvérisateur ? Qu'en est-il de l'épandage aérien ?

M. Vincent Polvèche. - La pulvérisation va de la graine à l'épandage aérien. On appelle pulvérisateur n'importe quelle machine épandant des liquides sous forme de fines gouttelettes, quelles que soient sa géométrie et son architecture. Cela comprend les pulvérisateurs aériens et terrestres, qui peuvent prendre la forme de trains. Par ailleurs, si toutes les cultures peuvent être traitées au moyen de pulvérisateurs, toutes ne peuvent l'être avec le même type de matériel. Certaines cultures, comme les cultures forestières - avec le problème de la chenille processionnaire du pin - ne peuvent être traitées que par voie aérienne. Les cultures arbustives (vergers ou bananeraies, par exemple) sont accessibles par voie terrestre, excepté lorsqu'un problème de sol l'interdit. Pour les rizières, il existe potentiellement des solutions terrestres.

Mme Nicole Bonnefoy. - Qu'en est-il de la vigne ?

M. Vincent Polvèche. - Pour la vigne, les moyens terrestres sont très largement utilisés, jusqu'à une limite de pente à 45 %, ce qui ne concerne que des zones très limitées.

Mme Sophie Primas. - Votre rôle inclut-il également le contrôle et l'accompagnement du grand public, ou des collectivités locales ?

M. Vincent Polvèche. - Aujourd'hui, le dispositif de contrôle ne concerne pas encore toutes les catégories de matériel. Nous avons commencé par établir un protocole pour les équipements destinés à traiter les arbres fruitiers, les arbustes comme la vigne et les ornementaux, ainsi que les cultures basses. Les autres types de matériel ne sont pas encore soumis à un contrôle obligatoire. Pour le pulvérisateur appartenant à un particulier ou à une collectivité locale, le problème réside plus dans la compétence de l'opérateur que dans le contrôle du matériel. Les petites machines ne nécessitent pas vraiment de contrôle. En revanche, dès lors que le matériel présente une architecture similaire à celle du matériel agricole, il est soumis à un contrôle, quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle du propriétaire.

Mme Sophie Primas. - Dans les faits, qui sont les utilisateurs contrôlés ?

M. Vincent Polvèche. - 99 % des opérateurs contrôlés sont des agriculteurs. Nous rencontrons également quelques municipalités, même si le message informatif leur est moins parvenu puisqu'il n'a été relayé essentiellement que par la presse agricole. Toutefois, l'obligation de contrôle tous les cinq ans vaut également pour les collectivités locales.

M. Joël Labbé. - Je suis moi-même maire, mais je n'étais pas informé de cette obligation de contrôle. Toutefois, nous avons résolu le problème en ne pulvérisant plus. Quoi qu'il en soit, il est important de sensibiliser à cet aspect l'association des maires de France ; les élus doivent montrer l'exemple, puisqu'il s'agit d'une obligation.

M. Vincent Polvèche. - Je pense surtout que l'information est mal passée auprès des élus. Les golfs ont été sensibilisés plus facilement, mais ce n'est pas le cas des hippodromes, par exemple.

M. Gérard Miquel. - Existe-t-il de nombreuses marques d'équipements ?

M. Vincent Polvèche. - Il existe aujourd'hui encore une grande diversité, puisque nous avons recensé en France plus d'une centaine de marques de matériel de pulvérisation. Nous comptons par ailleurs plusieurs dizaines de milliers de modèles, car l'acheteur peut composer lui-même son pulvérisateur sur catalogue à partir de nombreux caractéristiques et accessoires.

Mme Nicole Bonnefoy. - Quels sont les critères de choix des options ?

M. Vincent Polvèche. - Le choix se fait généralement en fonction de la taille du réservoir qui stocke le produit à pulvériser, de la largeur de travail, du débit de la pompe, du nombre de sections de pulvérisation, c'est-à-dire la finesse avec laquelle on peut ouvrir ou fermer la pulvérisation, etc. Une centaine de marques existe en France, mais huit d'entre elles représentent les trois-quarts du marché. Nous avons en effet assisté à un phénomène de reconcentration du marché entre les mains des plus gros producteurs.

Mme Nicole Bonnefoy. - Qu'en est-il du nettoyage des pulvérisateurs ?

M. Vincent Polvèche. - Cette étape pose de très gros problèmes. L'agriculteur doit nettoyer l'intérieur de son matériel, car il utilise différents produits selon les cultures, mais aussi l'extérieur du matériel. Il existe des dispositifs embarquant de l'eau claire pour pouvoir nettoyer l'intérieur du réservoir dans le champ. Le rinçage extérieur, beaucoup plus compliqué, nécessiterait des quantités embarquées très importantes, si bien qu'il se fait le plus souvent dans la cour de ferme, d'où des problèmes d'eaux usées à traiter. Il existe un arsenal réglementaire en la matière, mais son application est quasiment impossible, notamment en zone viticole. Les marges de progrès sont encore importantes.

Mme Sophie Primas. - Quelles sont-elles précisément ?

M. Vincent Polvèche. - Dès la conception des pulvérisateurs, il faudrait limiter les pièces cachées, les recoins, par un design adapté. Dans certaines zones, des aires spécifiquement réservées au nettoyage des appareils ont été installées, avec un système de récupération et de traitement d'eau organisé généralement par les collectivités locales. Quelques exploitations sont équipées, mais ce n'est pas toujours possible, en particulier dans les zones viticoles où les traitements doivent être fréquents. Des aires spécifiques restent à installer dans nombre de communes. Mais il est vrai que ceux qui pouvaient investir ont réalisé de gros progrès.

Mme Sophie Primas. - Les doses de produits utilisées sont de plus en plus réduites. Cela a-t-il supposé une modification du matériel ?

M. Vincent Polvèche. - La réduction des doses des produits n'a pas concerné pas le matériel, puisque le produit sera dilué dans de l'eau, pour obtenir un volume de bouillie adapté à la superficie. Ces volumes de bouillie ont d'ailleurs diminué, passant d'environ 200 litres en moyenne nationale à 120 ou 130 litres. Le matériel doit donc s'adapter, pour être plus précis et moins sensible au bouchage. Une intervention rendue nécessaire en cours de traitement constitue en effet une source éventuelle de contamination. L'évolution possible du matériel consisterait à pouvoir préparer la quantité de produit à la demande en passant à l'injection directe. Certains dispositifs le permettent.

Mme Nicole Bonnefoy. - L'agriculteur s'équipe-t-il de protections pour utiliser le pulvérisateur ?

M. Vincent Polvèche. - Oui. Aujourd'hui, 99 % des utilisateurs mettent des gants, contre aucun il y a une quinzaine d'années. En revanche, excepté dans l'arboriculture, ils ne s'équipent pas de tenues de protection. Toutefois, tous les matériels, du pulvérisateur automoteur au tracteur sans cabine, ne contaminent pas de la même façon. Les risques les plus importants sont encourus lors d'un dépannage urgent pendant le traitement.

Mme Sophie Primas. - Les inconvénients d'un pulvérisateur qui se bouche sont les mêmes, quel que soit l'utilisateur.

M. Vincent Polvèche. - Oui, c'est pourquoi il est important de contrôler et d'entretenir le matériel. Les agriculteurs en sont conscients aujourd'hui.

M. Gérard Miquel. - Les quantités employées lors des épandages aériens sont-elles maîtrisées ? Par ailleurs, les appareils aériens utilisés sont-ils tous également fiables ?

M. Vincent Polvèche. - Non. Il faut distinguer les pulvérisations par avion et par hélicoptère. Les avions sont très rares aujourd'hui, excepté peut-être en Guadeloupe. Ils sont équipés de systèmes asservis à la vitesse de vol qui permettent d'épandre une quantité régulière de produit par unité de surface. Ce type de système n'existe pas encore sur les hélicoptères, qui sont en outre faiblement motorisés. Il est donc impossible de réaliser un traitement homogène par hélicoptère. Des équipements sont en train d'être installés à cette fin. En pulvérisation terrestre, la vitesse est de 8 à 20 km/h, en hélicoptère de 50 à 70 km/h et en avion autour de 80 km/h. Lors d'un épandage aérien, les temps de réaction ne peuvent pas être aussi fins que lors d'un épandage terrestre. Toutefois, les avions disposent d'un système de cartographie intégré qui permet des réglages, à condition que les parcelles soient bien délimitées.

M. Joël Labbé. - Les trains pulvérisateurs de la SNCF sont-ils également contrôlés ?

M. Vincent Polvèche. - A ce jour, les trains ne font pas l'objet d'un contrôle obligatoire. Nous y travaillons toutefois depuis quatre ou cinq mois, en recensant pour commencer tous les points de défaut. Il existe en France deux types de train : d'une part, vingt-six désherbeuses régionales équipées par le même prestataire, qui fait un contrôle de maintenance annuel minutieux et, d'autre part, des désherbeuses nationales, stationnées au Mans, qui ne sont pas contrôlées à ce jour. C'est pour remédier à ce manque qu'un protocole de contrôle est en cours d'élaboration. Il existe également un groupe de normalisation européen à ce sujet. Il est à noter que le Luxembourg ne désherbe pas ses voies ferrées.

M. Joël Labbé. - En termes d'efficacité, ces trains désherbeurs sont remarquables puisque rien ne pousse après leur passage mais les pulvérisations se font même à proximité immédiate des cours d'eau.

M. Vincent Polvèche. - La SNCF a tout de même fait des efforts, notamment sur les désherbeuses régionales, en intégrant des capteurs de végétation. Réseau ferré de France est par ailleurs en train d'établir un relevé GPS afin de programmer les zones d'exclusion et travaille donc, certes avec retard, à améliorer ses procédures de désherbage. Cependant, les trains désherbeurs engendrent quelques problèmes, en passant près des cours d'eau, des jardins et des maisons.

Mme Nicole Bonnefoy. - Les pulvérisateurs terrestres aussi passent souvent trop près des maisons.

M. Vincent Polvèche. - Des distances de protection peuvent être fixées par voie réglementaire, au moins à proximité des zones aquatiques. Elles ne sont pas très claires, à ce jour.

Mme Sophie Primas. - Avez-vous quelque chose à ajouter, outre le fait, peut-être, qu'un budget plus important vous serait utile pour combler les lacunes que vous nous avez indiquées dans le contrôle ?

M. Vincent Polvèche. - Ce n'est pas tant le budget qui m'inquiète ; il est en effet gratifiant de travailler avec ses ressources propres. Mais je souhaite que les propriétaires de pulvérisateurs soient plus sensibilisés, afin que plus de 20 % des appareils soient contrôlés.

Afin de faire progresser ce taux, il est possible de tenter d'interpeller le monde agricole par voie de presse. Toutefois, je crains qu'une véritable évolution ne puisse être obtenue que par l'instauration d'un arsenal répressif.

Mme Sophie Primas. - Les propriétaires ne risquent-ils pas déjà une amende s'ils ne disposent pas de l'agrément ?

M. Vincent Polvèche. - Tout à fait, l'amende est d'un montant forfaitaire de 135 €. La confiscation du matériel peut également être opérée en cas d'utilisation d'un appareil non contrôlé.

Mme Sophie Primas. - L'amende coûte donc moins cher que le contrôle.

M. Vincent Polvèche. - Effectivement, le montant de l'amende n'est pas très dissuasif. En outre, les utilisateurs ne sont pas forcément contrôlés et, dès lors, encore moins sanctionnés.

Mme Nicole Bonnefoy. - Par ailleurs, le Certiphyto apprend à bien manier le pulvérisateur mais il n'oblige pas l'agriculteur à avoir un pulvérisateur en bon état de fonctionnement.

M. Vincent Polvèche. - Le Certiphyto est un excellent outil de sensibilisation pédagogique. Il incite systématiquement les utilisateurs à faire contrôler leur matériel, mais aucune obligation n'y est liée. Les agriculteurs n'ont pas encore perçu tout l'intérêt de ce contrôle. En outre, le Certiphyto se passe dans une salle avec des formateurs tandis que le contrôle de la machine sur le terrain est plus efficace et plus pertinent pour l'utilisateur. Moins abstrait, il responsabilise mieux les utilisateurs, de mon point de vue.

Mme Sophie Primas. - Quelles seraient vos recommandations ?

M. Vincent Polvèche. - Je pense que la mise en oeuvre d'un système répressif, destinée non pas à multiplier les amendes mais à faire quelques exemples, suivie d'une bonne communication serait utile, pour un meilleur contrôle des appareils de pulvérisation. L'essentiel du message est bien passé, mais les utilisateurs manquent encore de la volonté de montrer leur matériel à un spécialiste afin que ce dernier juge de son état.

Mme Sophie Primas. - Nous vous remercions d'avoir répondu à notre invitation et d'avoir répondu avec clarté et franchise à nos questions.

Audition de M. Jérémy Macklin, directeur général adjoint du groupe coopératif « In Vivo », membre de l'organisation professionnelle « Coop de France », et de Mme Irène de Bretteville, responsable des relations parlementaires de l'organisation professionnelle « Coop de France »

M. Joël Labbé. - En l'absence de Mme Sophie Primas, présidente, c'est en ma qualité de vice-président de cette commission que je présiderai cette audition. Les travaux de la mission d'information, commencés il y a plus d'un mois, concernent l'impact des pesticides sur la santé et sur l'environnement.

Le milieu coopératif jouant un rôle important dans la chaîne de production, commercialisation et utilisation des pesticides, nous avons souhaité vous entendre.

Les agriculteurs à qui nous avons rendu visite en Charente, la semaine dernière, ont insisté sur l'influence des milieux coopératifs que, d'une manière générale, ils ne jugent pas forcément positive. Ils déploraient notamment que certains acteurs technico-commerciaux incitent à la consommation de pesticides.

M. Jérémy Macklin. - Le champ d'action d'In Vivo est vaste, puisqu'il va des mesures mises en oeuvre dans le cadre du projet Ecophyto 2018 aux démarches entreprises pour protéger la santé des agriculteurs et autres acteurs concernés.

Il faut d'abord rappeler qu'In Vivo est un groupe coopératif national regroupant 117 coopératives d'aide à la fourniture agricole. Par ailleurs, In Vivo est membre de Coop de France. Dans son rôle de centrale nationale de coopératives, In Vivo  se voit confier trois missions, dont celle de mener des opérations de recherche et développement portant sur les semences, les engrais et les produits phytosanitaires.

Mme Nicole Bonnefoy. - Par qui vous sont proposés ces produits ?

M. Jérémy Macklin. - Il s'agit de produits qui, pour la grande majorité, nous sont fournis, après homologation, par des structures comme GPN, premier producteur français de fertilisants azotés et filiale de Total, ou des semenciers comme Monsanto. Nous sommes pour l'essentiel distributeurs de produits manufacturés par de grands fabricants mondiaux.

Mme Nicole Bonnefoy. - Des contrats vous lient-ils à ces grands fabricants ?

M. Jérémy Macklin. - Effectivement, dans le cadre des actions mises en place pour la bonne promotion des produits phytosanitaires, semences ou engrais, que fournissent ces acteurs. La bonne promotion désigne pour moi l'adaptation tant à la situation agronomique de la parcelle qu'à l'agriculteur qui va utiliser le produit. Nous raisonnons donc parcelle par parcelle en offrant aux conseillers de chaque coopérative un outil d'aide à la décision permettant de préconiser la solution la mieux adaptée à la situation de la parcelle considérée. Nous réalisons des tests qui enrichissent une base de données nationale pour les coopératives.

Mme Nicole Bonnefoy. - Utilisez-vous, par exemple, un système de type SMS, gratuit, qui conseille l'agriculteur, en fonction, entre autres, de la météo ?

M. Jérémy Macklin. - Dans le cas des engrais, par exemple, il faut tenir compte des besoins du sol et apporter les engrais au bon moment et à la bonne dose pour que la plante se développe au mieux. L'usage des produits phytosanitaires doit également tenir compte des conditions météorologiques. Nous utilisons un système d'avertissements, nourri des observations des techniciens des coopératives quant aux maladies et autres problèmes rencontrés. Nous donnons donc des conseils aux agriculteurs en fonction de tous ces paramètres, par le biais de SMS, appels téléphoniques, visites d'exploitation, bulletins de santé régionaux... De plus en plus fréquemment, les pratiques des conseillers des coopératives sont certifiées. Dans le cadre d'Ecophyto 2018, l'agrément des coopératives elles-mêmes doit commencer à se mettre en place à partir de juillet 2013, pour que chaque conseil donné à l'agriculteur laisse une trace écrite, justifiant notamment les préconisations du conseiller.

Mme Nicole Bonnefoy. - Vous prônez donc « le bon conseil au bon moment » pour l'utilisation de produits chimiques ?

M. Jérémy Macklin. - Le traitement n'est pas obligatoirement chimique. Le conseiller devra notamment justifier pourquoi il propose un produit chimique et non d'une autre nature. Il peut en effet conseiller l'utilisation d'une substance ou d'une solution naturelle, par exemple des insectes. A l'inverse, nous expliquerons aussi pourquoi nous ne préconisons pas une solution non chimique, lorsque nous conseillons un produit chimique. La question se pose ensuite de savoir comment nous pourrions conseiller les agriculteurs pour minimiser l'impact de ces produits sur le milieu. Le projet DEPHY consiste, avec le soutien du Gouvernement, à identifier les meilleures pratiques agricoles. Le réseau mis en place oblige à collecter davantage d'informations, notamment relatives aux impacts sur le milieu, à la performance économique et écologique, parcelle par parcelle. Il s'agit de conseiller l'agriculteur dans ses pratiques, là aussi parcelle par parcelle, pour limiter l'impact environnemental tout en préservant le niveau de productivité.

Mme Nicole Bonnefoy. - Dans quelle mesure est-il possible de réduire la consommation de produits phytosanitaires, parcelle par parcelle ?

M. Jérémy Macklin. - On considère généralement qu'un écart de 20 % sépare la moyenne nationale des meilleures pratiques. Ramener chacun à la meilleure performance permettrait de baisser d'environ 17 % l'usage de produits phytosanitaires, tout en préservant le potentiel économique de chaque exploitation. L'objectif d'une réduction de 50 % conduit à s'interroger sur les moyens d'y parvenir. Pour réduire l'usage de ces produits dans une proportion plus importante, il faudrait mener des travaux de recherche complémentaires.

Dans notre réseau coopératif nous avons demandé à chaque conseiller de capter toutes les informations pertinentes possibles concernant l'impact environnemental, la biodiversité et la performance agronomique de l'exploitation. Ces études viennent d'être finalisées. Elles permettent de disposer d'informations très intéressantes et de bâtir un plan d'action commun avec la direction générale de l'alimentation. Nous menons un raisonnement par parcelle et par type de produit, mais également par rotation des cultures sur une même parcelle, afin de diminuer l'utilisation des produits phytosanitaires. Il faut amener les agriculteurs à raisonner à plus long terme, et pas uniquement année après année, sur la conduite des productions sur une exploitation.

Concernant la santé des agriculteurs, la situation est difficile à évaluer car nous disposons d'informations contradictoires. Je n'ai pas de certitudes à ce sujet, mais nous constatons que l'usage des équipements de protection, gants et lunettes notamment, est de plus en plus répandu, même si les agriculteurs ont tendance à réutiliser toujours les mêmes gants, où se concentrent donc les pesticides. Les comportements doivent donc encore évoluer, notamment en termes de lavage et de recyclage. Il faut accompagner les agriculteurs pour les aider à limiter les risques. Quoi qu'il en soit, il serait nécessaire de décider au niveau national du seuil souhaitable de protection. Est-il préférable d'utiliser un savon antiseptique plutôt que des gants ? Nous avons besoin d'une réflexion plus structurée sur ce sujet. Certes, nous menons des campagnes de communication incitant au port de lunettes et de gants, mais nous n'en connaissons pas réellement les retombées. Il me semble qu'il faudrait mettre en place un système de communication et d'approvisionnement en vêtements de protection.

M. Joël Labbé. - Vous reconnaissez implicitement qu'il s'agit de produits extrêmement dangereux pour la santé et l'environnement, dans la mesure où vous vous demandez si les protections utilisées aujourd'hui sont réellement efficaces.

M. Jérémy Macklin. - C'est une excellente remarque. En France, c'est l'ANSES qui a pour responsabilité de définir les dangers que présente l'utilisation d'un produit et les conditions dans lesquelles il peut être utilisé sans risque. Les produits phytosanitaires ne sont pas toujours beaucoup plus nocifs que ceux que chacun utilise dans la maison, notamment les solvants. Certains de ces produits chimiques ont pour objectif de tuer des insectes ; par définition, il faut se protéger lorsqu'on les utilise.

M. Joël Labbé. - Dans vos investigations sur les éventuels produits alternatifs, vous nous informez que vous pouvez conseiller les agriculteurs pour qu'ils utilisent le meilleur traitement d'un point de vue économique, écologique et sanitaire. Malgré tout, vous êtes les intermédiaires de grandes firmes qui commercialisent les produits les plus dangereux. Dans une tout autre démarche, il existe des agriculteurs biologiques - nous en avons rencontré la semaine dernière - qui tentent de mettre en oeuvre une démarche alternative et avancent avec des moyens limités. Si l'argent que les pouvoirs publics dépensent, notamment, à traiter les eaux polluées, revenait à ces initiatives, cela permettrait de gagner du temps pour faire avancer cette démarche alternative. Certes, In Vivo consacre une partie de ses travaux à ce type d'études, mais cette partie de votre activité peut-elle équilibrer celle concernant la distribution de produits chimiques ?

M. Jérémy Macklin. - 35 à 40 % des efforts que nous menons portent sur la mise au point de solutions alternatives aux produits chimiques. La véritable question consiste à savoir comment les appliquer aux grandes cultures, au blé ou au maïs par exemple. C'est une question de temps. L'élaboration de certains micro-organismes devrait permettre de développer une agriculture performante beaucoup moins polluante que celle usant de produits chimiques. L'agriculture biologique étant l'une des plus efficaces d'un point de vue agronomique, à nous de trouver des solutions pour accompagner les exploitants qui ont fait ce choix. Le niveau de rendement des cultures d'un agriculteur biologique est toutefois nettement inférieur à celui d'un agriculteur conventionnel.

M. Joël Labbé. - Vous raisonnez toujours à performances économiques égales.

M. Jérémy Macklin. - Je pense avant tout à un niveau de productivité égal.

M. Joël Labbé. - Nous pourrions mener une conversation intéressante sur les agro-carburants, qui anéantissent les terres vivrières, en Amérique latine notamment. Ce n'est toutefois pas notre sujet aujourd'hui. Il est néanmoins nécessaire que la terre agricole, partout dans le monde, soit avant tout considérée comme une terre nourricière. Il faut également prendre conscience du fait que les performances qui ont été obtenues par l'agriculture conventionnelle ne pourront sans doute pas être maintenues à ce niveau.

M. Jérémy Macklin. - Nous pourrions également envisager les avancées que pourraient constituer les OGM ou les évolutions techniques, mais ce n'est pas davantage le sujet. Je ne considère pas que nous ne serions plus capables de produire plus sur une même parcelle tout en réduisant les impacts sur le milieu.

Mme Nicole Bonnefoy. - Concernant la santé des agriculteurs, vous considérez que les produits utilisés étant dangereux, ils nécessitent l'usage de protections, notamment de gants. Pourtant, pendant des années, les agriculteurs qui manipulaient ces produits ne portaient ni gants ni masques. Ils ont donc mis leur santé et l'environnement en danger. Qu'en pensez-vous ? Dans le même temps, les firmes continuaient à diffuser des publicités lénifiantes minimisant le risque lié à l'utilisation de pesticides, si bien que les agriculteurs leur faisaient confiance, de même qu'aux coopératives qui commercialisaient ces produits. Quel est votre avis ?

M. Jérémy Macklin. - Dire que les coopératives sont en harmonie avec les fournisseurs est faux. Nous sommes dans un rapport de clientèle et non de filiale. La question est de savoir ce qui figure sur les étiquettes des produits. Les conditions d'utilisation y sont clairement explicitées. Il ne s'agit pas pour moi de rejeter toute faute. Je pense que l'attention portée à ce problème par la filière n'a pas été suffisante.

Mme Nicole Bonnefoy. - Parlez-vous des agriculteurs ?

M. Jérémy Macklin. - Non, je pense à tous les acteurs de la filière. Les conditions d'usage n'ont pas été suffisamment prises au sérieux alors qu'il est tout à fait indispensable de respecter strictement ce qui est écrit sur les étiquettes, obligatoires depuis vingt-cinq ans. Quoi qu'il en soit, tout le monde porte une part de responsabilité. En effet, les mentions figurant sur les étiquettes ont toujours été très claires.

Mme Nicole Bonnefoy. - En général, les inscriptions figurent en tout petits caractères et pas toujours de manière explicites. Il n'est pas écrit sur l'étiquette que tel ou tel produit est cancérogène.

M. Jérémy Macklin. - Les codes sont très clairs en la matière.

Mme Nicole Bonnefoy. - De quels codes parlez-vous ?

M. Jérémy Macklin. - Les produits sont classés N, Xn... Ces codes figurent sur les étiquettes.

Mme Nicole Bonnefoy. - Les agriculteurs n'en connaissent pas forcément la signification. Ils ne sont pas formés à lire les étiquettes. Pendant des années, ils ont fait confiance à l'industrie phytosanitaire, aux coopératives et à leurs conseillers, qui leur assuraient qu'un produit était bon. Ils considèrent sans doute aujourd'hui qu'ils n'ont pas été suffisamment informés sur les risques qu'ils prenaient.

M. Jérémy Macklin. - Je crois que vous avez visité l'exploitation de M. Paul François, il y a quelques jours, tout comme je l'ai fait il y a un an. Cet agriculteur, très intelligent, considère qu'il a été malmené par l'industrie phytosanitaire. Je comprends sa frustration. Toutefois, l'étiquette des produits qu'il incrimine mentionnait explicitement les précautions qu'il aurait dû prendre.

Mme Nicole Bonnefoy. - Vous connaissez le résultat de son procès en première instance contre Monsanto. La condamnation ne tient pas uniquement compte du fait qu'il n'a pas suffisamment lu l'étiquette du produit.

M. Jérémy Macklin. - Je crois que Monsanto entend faire appel de cette décision. Il faut donc attendre la décision de la justice en appel.

Mme Nicole Bonnefoy. - Est-il exact que des contrats liant l'agroalimentaire aux agriculteurs incluent des clauses prévoyant des modalités détaillées de recours obligatoire aux pesticides ?

M. Jérémy Macklin. - A ma connaissance, ce fonctionnement existe au Canada et aux États-Unis d'Amérique, où des contrats lient l'utilisation de la semence à celle de produits phytosanitaires. En France, ce genre de lien semble ne pas exister.

M. Gérard Miquel. - Je pense que les coopératives ont un rôle essentiel à jouer, notamment en matière d'information sur les pesticides. Le végétal, c'est-à-dire la semence, a aussi son importance : certaines variétés sont résistantes aux maladies, d'autres le sont moins. Dans ce domaine, la recherche avance. Il faudra sortir du schéma actuel à l'avenir. Sur une même parcelle, l'alternance systématique entre la culture du blé et celle du maïs ne peut pas durer éternellement. Une prise de conscience est perceptible, aujourd'hui. De nombreux agriculteurs se reconvertissent en agriculture biologique, dont les produits sont de qualité et, de plus, compatibles avec la protection de l'environnement.

Les nappes phréatiques ont également beaucoup souffert des choix agricoles, nous en découvrirons les conséquences dans quelques années, comme l'Amérique latine l'a déjà fait. De plus, les systèmes de dépollution de l'eau sont très coûteux. Les coopératives ont donc un rôle essentiel à jouer dans le développement d'une agriculture alternative, dans la commercialisation des intrants alternatifs, comme les engrais organiques. Nous assisterons dans les années à venir à une évolution très forte.

Je souhaite pour ma part connaître votre avis sur les semences, ainsi que sur les pratiques agricoles qui consistent à ne plus labourer les terres et à multiplier l'usage des produits phytosanitaires. Combien de temps cette logique peut-elle encore durer ?

M. Jérémy Macklin. - Je m'accorde avec vous sur le végétal et les semences en particulier ; ainsi, depuis quelques années, ces dernières permettent de combiner les rendements et la résistance aux maladies. Cette évolution permettra de diminuer l'utilisation des fongicides. Parallèlement, la pollution des nappes phréatiques est essentiellement due aux herbicides. Cette question restera un enjeu majeur pour l'agriculture française, y compris pour l'agriculture biologique.

Mme Nicole Bonnefoy. - Vous avez évoqué des campagnes de communication menées par In Vivo avec l'UIPP, pour inciter les agriculteurs à se protéger. Ne pensez-vous pas que communiquer avec l'UIPP entretient une forme de confusion entre fabricants de produits phytosanitaires et coopératives ?

M. Jérémy Macklin. - Je ne pense pas que nous communiquerions avec l'UIPP sur de nombreux autres sujets. La protection de la santé des agriculteurs est une cause commune que nous pouvons tous épouser.

Mme Nicole Bonnefoy. - Pensez-vous que les équipements suffisent à eux seuls à protéger les agriculteurs ?

M. Jérémy Macklin. - Votre question revient à celle abordée tout à l'heure.

Mme Nicole Bonnefoy. - J'oubliais qu'il fallait aussi lire les étiquettes...

M. Jérémy Macklin. - Quel est le meilleur moyen de protection des agriculteurs : les gants, les lunettes... ?

Mme Nicole Bonnefoy. - N'est-ce pas plutôt la nature des produits ?

M. Jérémy Macklin. - C'est à l'ANSES qu'il revient aujourd'hui de décider si un produit est utilisable en France ou pas.

Mme Nicole Bonnefoy. - Certes, mais je vous demande votre position à ce sujet.

M. Jérémy Macklin. - Les fournisseurs et le système d'homologation national oeuvrent toujours plus en faveur de produits ayant moins d'impacts sur l'environnement et la santé humaine. Toujours est-il que la manipulation d'un produit chimique, dans votre cuisine ou à la ferme, nécessite de se protéger.

M. Joël Labbé. - Dans une autre forme d'agriculture, on utilise les cultures associées. Travaillez-vous dans votre département recherche et développement sur ces sujets, qui sont des sujets d'avenir ? Par ailleurs, il est maintenant prouvé que des produits herbicides peuvent être des perturbateurs endocriniens, avec un effet jusque sur l'embryon et un effet transgénérationnel étudié à ce jour sur les animaux. C'est dire la responsabilité collective qui est la nôtre ! Certes, il ne vous incombe pas de décider de ce qui est autorisé en France, mais nous, politiques, avons un rôle à jouer. C'est la raison pour laquelle nous menons ces auditions et réfléchissons à la façon dont pourront évoluer les législations.

M. Jérémy Macklin. - Pour notre part, Nous promouvons activement, notamment sur notre site, ce que nous appelons les « cultures campagne », ou « intercultures », c'est-à-dire les cultures mises en place entre une collecte et la récolte suivante. Nous les promouvons car elles constituent un moyen très efficace d'éviter l'utilisation des herbicides. Nous travaillons à l'étude de cette question, en cherchant notamment à déterminer l'interculture qui répondra le mieux aux besoins du sol, en fonction de la culture suivante.

Il m'est plus difficile de répondre à votre seconde question : il ne me revient pas d'affirmer qu'un produit est un perturbateur endocrinien ou pas. C'est à l'ANSES de le déterminer. Je ne sais pas répondre à votre question, si ce n'est qu'il existe des experts qui doivent vous aider à y répondre et à prendre une décision.

Mme Nicole Bonnefoy. - Pourriez-vous décrire le système de rémunération des conseillers techniques des coopératives ?

M. Jérémy Macklin. - Le système global de rémunérations est encadré. Je suppose que votre question sous-jacente consiste à demander si leur rémunération comporte un lien avec le volume de pesticides vendus. Depuis dix ans, il existe une charte du conseil coopératif qui interdit les rémunérations de ce type. Dès lors qu'une coopérative signe la charte, elle se doit de la suivre.

Mme Nicole Bonnefoy. - En quelle année la charte a-t-elle été signée ?

Mme Irène de Bretteville, reponsable des relations parlementaires de l' organisation professionnelle « Coop de France ». - Il y a dix ans. C'est Coop de France qui l'a lancée avec In Vivo, mais c'est une charte qui relève d'une démarche volontaire, puisque les agriculteurs sont libres de la signer ou pas. Nous l'avons diffusée autant que possible dans notre réseau.

Mme Nicole Bonnefoy. - Avez-vous des retours ? Savez-vous combien d'acteurs l'ont signée, en particulier combien de coopératives ?

M. Jérémy Macklin. - Ce sont surtout des coopératives qui l'ont signée. Certaines sont toutefois membres de Coop de France mais ne sont pas dans le réseau. En revanche, toutes celles qui travaillent dans le réseau In Vivo ont signé la charte. Il est évident qu'il n'y a pas de rémunération liée au volume vendu. Ce principe sera renforcé avec le système de l'agrément, qui sera en application à partir de l'année prochaine. La réglementation prendra alors le relais de cette charte.

Mme Nicole Bonnefoy. - Savez-vous quel est le pourcentage des membres de Coop de France ayant signé la charte du conseil coopératif ?

Mme Irène de Bretteville. - Je vous donnerai les chiffres exacts, ainsi qu'un exemplaire de la charte.

M. Jérémy Macklin. - La proportion de membres ayant signé la charte est supérieure à 80 %.

Mme Irène de Bretteville. - La pratique des rémunérations liées au volume vendu tend à disparaître. Le service rendu ne se mesure plus selon des critères quantitatifs, mais en fonction de l'activité de conseil.

Mme Nicole Bonnefoy. - Cette pratique existait donc auparavant. Dans quelle mesure le pourcentage d'acteurs ayant adopté une nouvelle pratique a-t-il évolué depuis la signature de la charte ?

Mme Irène de Bretteville. - Les coopératives sont indépendantes. Nous ne savons pas tout ce qu'elles font. Nous avons une commission développement durable, et c'est dans ce cadre que nous avons mené ces actions.

Mme Nicole Bonnefoy. - Il serait intéressant de savoir combien de membres de Coop de France n'ont pas signé la charte. Par ailleurs, avez-vous messages à nous transmettre, des préconisations, des attentes par rapport à notre mission ?

M. Jérémy Macklin. - Vous avez posé des questions pertinentes concernant notamment la responsabilité du système agroalimentaire, l'utilisation des produits et la nécessité de bien conseiller les agriculteurs.

Mme Nicole Bonnefoy. - Vous-même n'avez jamais douté de la non-dangerosité d'un produit ? Vous vous en remettez à l'ANSES, aux autorités, aux médecins, aux scientifiques... Mais, pour votre part, en tant que citoyen, compte tenu des problèmes soulevés, n'avez-vous jamais été interrogatif ?

M. Jérémy Macklin. - C'est parce que j'apprécie la réalité de la situation que je suis relativement à l'aise avec le métier que j'exerce depuis vingt-cinq ans. Je n'ai pas d'état d'âme particulier. Nous avons joué un rôle très important dans l'augmentation de la productivité, mais également dans l'amélioration de la qualité des produits alimentaires proposés aujourd'hui sur les étals des supermarchés. Nous pouvons en revanche nous demander si nous aurions pu mieux utiliser les produits phytosanitaires. Certainement. C'est la raison pour laquelle nous nous mobilisons très activement pour mener des actions qui nous permettraient d'apporter aux agriculteurs des conseils pour un plus grand respect de l'environnement.

Mme Nicole Bonnefoy. - Si nous considérons que l'agriculteur, à condition qu'il s'équipe, peut être protégé, pour autant, l'environnement, lui, absorbe ces produits phytosanitaires, tout comme le font les cultures et, en conséquence, les consommateurs qui, eux, ne sont pas protégés contre cela.

M. Jérémy Macklin. - Les analyses des résidus de pesticides sur les produits alimentaires identifient très clairement une nette progression dans la performance de l'agriculture française à diminuer les résidus de pesticides sur les produits alimentaires. Dans 65 % des cas, il ne subsiste aucun résidu de produit phytosanitaire. Dans les autres cas, la quantité de résidus mesurée est dans la norme retenue par les spécialistes de l'ANSES. Cela relève plutôt de l'exploit, d'être parvenu à un tel résultat.

Mme Nicole Bonnefoy. - Que pensez-vous de l'épandage aérien ?

M. Jérémy Macklin. - L'épandage aérien est aujourd'hui interdit sauf dérogation annuelle particulière. Je pense qu'il est relativement limité, sans doute aux cultures de maïs doux et aux bananeraies, où il est indispensable d'un point de vue économique. La véritable question consiste à savoir comment protéger l'environnement humain et naturel de ces cultures. Il existe, me semble-t-il, tout un système de mesures de protection préalables visant à avertir les riverains, la mairie et le public.

Mme Nicole Bonnefoy. - A quelle occasion Coop de France rencontre-t-elle l'UIPP ?

M. Jérémy Macklin. - Nous rencontrons des membres de l'UIPP dans les commissions Ecophyto 2018, ou de façon individuelle. En revanche, je n'ai participé à aucune réunion UIPP depuis plus de cinq ans. Coop de France n'a pas de relation particulière avec l'association UIPP.

Mme Nicole Bonnefoy. - Avec l'association en tant que telle, peut-être, mais avec ses membres ?

M. Jérémy Macklin. - Bien sûr, nous avons des relations quotidiennes avec les firmes, puisqu'elles sont nos fournisseurs.

Mme Nicole Bonnefoy. - Quelle forme la négociation avec les firmes prend-elle ?

M. Jérémy Macklin. - Cela dépend des sujets. Souvent, nous souhaitons tester les nouveaux produits mis sur le marché. Nous nous mettons d'accord avec le fournisseur sur les modalités de test de la molécule.

Mme Nicole Bonnefoy. - Comment testez-vous les produits ?

M. Jérémy Macklin. - Nous définissons un protocole d'essais que nous réalisons, puis nous rassemblons les résultats obtenus pour bâtir une vision commune du produit.

M. Joël Labbé. - Vous êtes partie prenante du plan Ecophyto 2018. Etes-vous optimiste ? Les résultats des premières années ne sont pas à la hauteur des engagements de départ. Il s'agissait de réduire, si possible, de 50 % l'utilisation des produits phytosanitaires avant 2018. Quel est votre point de vue à ce sujet ? Comment imaginez-vous l'accélération du processus ?

M. Jérémy Macklin. - L'objectif de diminuer l'usage des produits phytosanitaires de 50 % était très ambitieux. Il était sans doute plus politique que professionnel. Pour ma part, j'envisage une baisse d'environ 20 %, laquelle sera réalisée par la diffusion des meilleures pratiques. Pour le reste, il faudra identifier les moyens plus généraux qui permettront de réduire l'usage des produits phytosanitaires. La question du végétal, c'est-à-dire par exemple la capacité des variétés différentes de céréales de résister aux maladies, pourra y contribuer. En revanche, je suis beaucoup plus optimiste sur la possibilité de réduire les impacts environnementaux des produits phytosanitaires. Nous pouvons dans ce domaine nous engager à baisser de plus de 50 % les impacts sur le milieu.

M. Joël Labbé. - Pour terminer, souhaitez-vous nous nous transmettre un message particulier ?

Mme Irène de Bretteville. - Nous vous communiquerons les documents dont nous avons parlé. Il faut savoir que la protection des agriculteurs et de l'environnement est un souci constant pour nous. Elle passe par une meilleure utilisation des produits.

Mme Nicole Bonnefoy. - Certes, une meilleure utilisation est souhaitable, mais la protection des agriculteurs et de l'environnement ne passe-t-elle pas par le recours à des méthodes alternatives ?

M. Jérémy Macklin. - A nos yeux, les solutions alternatives consistent en l'utilisation de produits non chimiques, comme des insectes, par exemple. Nous vous accueillerions volontiers pour une visite d'usine, où nous produisons des insectes qui en mangent d'autres.

Mme Nicole Bonnefoy. - Les agriculteurs se montrent-ils intéressés par ce type de méthodes alternatives ?

M. Jérémy Macklin. -Oui, et ils nous accueillent avec plaisir. Dans la mesure où les cultures sous serres se développent, ces méthodes peuvent se montrer très efficaces. Nous n'avons pas non plus abordé la question des abeilles, pourtant très importante. Des conseils très efficaces peuvent être donnés aux agriculteurs pour qu'ils contribuent à limiter le déclin rapide de ces populations.

M. Joël Labbé. - Nous vous remercions d'avoir répondu à notre invitation. Nous remercions également les journalistes qui se sont intéressés à cette question.