Mardi 4 novembre 2014

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 30

Simplification de la vie des entreprises - Examen des amendements aux articles 13, 14, 15, 16, 17, 18, 21, 22, 30, 33 et 35 du texte de la commission des lois

Au cours d'une première séance tenue le matin, la commission procède tout d'abord à l'examen des amendements aux articles 13, 14, 15, 16, 17, 18, 21, 22, 30, 33 et 35 du texte n° 60 (2014-2015) sur le projet de loi n° 771 (2013-2014), relatif à la simplification de la vie des entreprises.

Mme Michèle André, présidente. - Nous devons formuler un avis sur les amendements déposés sur les articles dont la commission des lois nous a délégué l'examen au fond.

Article additionnel après l'article 12 bis

M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 22 de Jean-Claude Requier nécessite des précisions de la part du Gouvernement. S'il constitue une simplification au regard de la lourdeur de la procédure actuelle, il pourrait également avoir des conséquences indirectes que nous n'avons eu le temps d'expertiser. C'est pourquoi, je propose un avis de sagesse.

La commission émet un avis de sagesse sur l'amendement n° 22.

Article additionnel après l'article 13

M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 41 que je propose vise à supprimer le comité de suivi de la réforme de l'usure. Le nouveau régime de l'usure est appliqué depuis le 1er avril 2013 aussi, le maintien de ce comité ne semble pas s'imposer.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 41.

Article 16

M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - Dans sa rédaction initiale, l'article 16 habilitait le Gouvernement à prendre une ordonnance relative au maintien des autorisations de prélèvements existantes dans le cadre de la migration vers la nouvelle norme SEPA. La commission des finances a remplacé cette habilitation par une écriture du dispositif dans la loi. L'amendement n° 99 du Gouvernement vise à ajuster la rédaction de la commission des finances. Je propose d'émettre un avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 99.

Article 17

M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 45 est un amendement rédactionnel.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 45.

Article additionnel après l'article 18

M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis.- L'amendement n° 24 de Jean-Claude Requier nécessite également des précisions techniques. Aussi, je propose un avis de sagesse.

La commission émet un avis de sagesse sur l'amendement n° 24.

Article 21

M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 46 est un amendement de précision.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 46.

M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 78 fait suite à un entretien que j'ai eu avec M. Jean-Michel Bérard, délégué interministériel chargé d'encadrer la décentralisation et la dépénalisation du stationnement. Il vise à préciser le texte initial du Gouvernement. Je suis donc favorable à cet amendement du Gouvernement.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 78.

Article 30

M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - La possibilité pour de nouveaux acteurs de consulter le fichier bancaire des entreprises (FIBEN) sera de nature à créer une charge supplémentaire pour ces derniers. Vous m'aviez accordé un délai pour interroger le Gouvernement sur ce sujet. N'étant pas satisfait par les réponses que j'ai reçues, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'amendement n° 47 qui vise à supprimer l'article 30 du présent projet de loi.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 47.

Article 33

M. Philippe Dominati, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 48 est un amendement de coordination.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 48.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

PROJET DE LOI N° 60 RELATIF À LA SIMPLIFICATION DE LA VIE DES ENTREPRISES

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Mardi 4 novembre 2014

Article additionnel après l'article 12 bis

Auteur

N° de l'amendement

Avis de la commission

M. Jean-Claude Requier

22

Sagesse

Article additionnel après l'article 13

Auteur

N° de l'amendement

Avis de la commission

M. Philippe Dominati

41

Favorable

Article 16

Habilitation à prendre par ordonnance des dispositions sécurisant les autorisations de prélèvement des professionnels dans le cadre de la migration au prélèvement SEPA

Auteur

N° de l'amendement

Avis de la commission

Gouvernement

99

Favorable

Article 17

Mise en concordance avec le droit communautaire du champ d'application de la livraison à soi-même (LASM) en cas d'acquisition d'un immeuble ouvrant droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

Auteur

N° de l'amendement

Avis de la commission

M. Philippe Dominati

45

Favorable

Article additionnel après l'article 18

Auteur

N° de l'amendement

Avis de la commission

M. Jean-Claude Requier

24

Sagesse

Article 21

Habilitation à prendre par ordonnance des mesures législatives pour réorganiser le recouvrement des redevances de stationnement sur la voie publique

Auteur

N° de l'amendement

Avis de la commission

M. Philippe Dominati

46

Favorable

Gouvernement

78

Favorable

Article 30

Habilitation à prendre par ordonnance des mesures visant à aménager les dispositifs de suivi du financement des entreprises

Auteur

N° de l'amendement

Avis de la commission

M. Philippe Dominati

47

Favorable

Article 33

Simplifications et clarifications rédactionnelles du code général des impôts (CGI)

Auteur

N° de l'amendement

Avis de la commission

M. Philippe Dominati

48

Favorable

La réunion est levée à 9 h 40

Nouvelle organisation territoriale de la République - Demande de renvoi pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis

La commission demande à se saisir pour avis du projet de loi n° 636 (2013-2014) portant nouvelle organisation territoriale de la République et nomme M. Charles Guené rapporteur pour avis.

Loi de finances pour 2015 - Mission « Remboursements et dégrèvements » - Examen du rapport spécial

La réunion est ouverte à 14 h 36

Au cours d'une seconde séance tenue l'après-midi, la commission procède à l'examen du rapport de Mme. Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale, sur la mission « Remboursements et dégrèvements »

Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale. - Avec 99,3 milliards d'euros de crédits en 2015, soit 26 % des recettes fiscales brutes, la mission « Remboursements et dégrèvements » constitue un volet important de notre politique fiscale, même si ce montant est en diminution par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

La mission retrace des dépenses découlant de dispositifs réduisant l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, la TVA ainsi que les principaux impôts locaux. Ses indicateurs de performance révèlent les difficultés rencontrées par un nombre croissant de contribuables : le léger allongement du délai de traitement des réclamations contentieuses relatives à l'impôt sur le revenu et à la taxe d'habitation résulterait, selon la direction générale des finances publiques (DGFiP), de la hausse du nombre des recours gracieux, les mêmes agents ayant à traiter les recours gracieux et contentieux. Cela pose évidemment la question de l'évolution de leurs effectifs.

Je regrette, comme chaque année, que les documents budgétaires soient aussi peu étoffés. Malgré ma demande, nous ignorons combien de ménages bénéficient d'exonérations et dégrèvements d'impôts locaux - un chiffre cependant nécessaire pour apprécier l'impact de la politique fiscale nationale sur la vie de nos concitoyens.

Les remboursements et dégrèvements liés aux impôts d'État devraient s'élever à 87,7 milliards d'euros en 2015, soit environ 90 % des crédits de la mission. Leur baisse de 2,9 milliards par rapport aux prévisions de la loi de finances pour 2014 est en trompe-l'oeil : la comparaison des crédits prévus pour 2015 à leur estimation révisée pour 2014, qui s'appuie sur l'exécution du premier semestre 2014, montre qu'ils augmenteraient plutôt d'environ 4 milliards d'euros en 2015. Si ce différentiel est moins inquiétant que pour une autre mission, puisque les crédits de cette mission reposent sur des prévisions, toujours appelées à évoluer, cet écart important rend d'autant plus nécessaire de présenter l'estimation révisée dans l'ensemble des documents budgétaires et d'expliquer les écarts à la prévision.

L'augmentation prévue pour 2015 prolonge la tendance observée depuis le début des années 2000 : trois observations peuvent être faites à ce sujet. Premièrement, les politiques fiscales s'appuient de plus en plus sur des mécanismes d'exonération ou de crédit d'impôt, peu pilotables par l'État d'une année sur l'autre, et peu lisibles pour le citoyen.

Deuxièmement, cette hausse profite avant tout aux entreprises : même lorsque les remboursements et dégrèvements liés à la TVA sont retranchés du montant qui leur est destiné, les remboursements et dégrèvements en direction des entreprises restent bien supérieurs aux transferts vers les ménages et ils connaissent également une évolution beaucoup plus dynamique (+ 46,9 % entre 2012 et 2015 contre - 1,5 %).

Enfin, si les remboursements et dégrèvements liés à la mécanique de l'impôt (72 % des crédits du programme), consistant principalement en remboursements d'impôt sur les sociétés et de TVA, sont relativement stables, ceux qui relèvent d'une politique publique (14 % des crédits du programme) augmentent fortement depuis 2013 avec la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), retracée dans la mission « Économie ». Les remboursements et dégrèvements liés à la gestion de l'impôt (13 % des crédits du programme) devraient quant à eux augmenter légèrement du fait de l'augmentation du remboursement de sommes indûment perçues dans le cadre de la condamnation de la France dans les contentieux « Précompte » et « OPCVM ».

Si les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux (environ 11 milliards d'euros) sont relativement stables depuis la suppression de la taxe professionnelle en 2011, cette stabilité recouvre en 2015 deux mouvements de sens contraire mais de faible ampleur (environ 200 millions d'euros) : une augmentation du coût du plafonnement de la taxe d'habitation en fonction du revenu fiscal de référence, ainsi qu'une diminution du dégrèvement transitoire et une diminution anticipée des restitutions de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Quant aux impôts « ménages », je regrette que l'expérimentation de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation n'ait toujours pas été initiée : l'on ne connaît toujours pas les départements pilotes.

Je remarque que l'évolution de la CVAE varie selon les secteurs d'activité : la contribution du secteur des activités financières et d'assurance a particulièrement diminué entre 2010 et 2012. Serait-ce le résultat de comportements d'optimisation ?

Je soutiens enfin le projet de la DGFiP et des associations d'élus favorisant la transmission aux collectivités territoriales des données relatives aux recettes fiscales, la prévisibilité de la CVAE étant de la plus grande importance pour nos collectivités.

M. Michel Bouvard. - Les admissions en non-valeur de nos impôts locaux progresse de quarante millions d'euros, soit de 9,88 %. Les services fiscaux assurant les encaissements manifesteraient-ils une moindre appétence pour le recouvrement de la fiscalité locale, ou bien cette progression est-elle liée à la conjoncture économique ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je soutiens la proposition de la rapporteure spéciale d'une coopération avec la DGFiP sur la prévisibilité de la CVAE. Cet impôt, résultant de réforme de la taxe professionnelle, avait été très compliqué à mettre en place ; le Sénat avait souhaité la territorialisation de l'impôt reposant pour moitié sur les effectifs, sur la surface pour l'autre moitié. Aujourd'hui, nous rencontrons énormément de difficultés à obtenir les données précises entreprise par entreprise. Il est quasiment impossible aux élus locaux, auxquels l'on oppose le secret fiscal, de détecter des comportements d'optimisation, des erreurs, voire des fraudes...

Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale. - Le montant des admissions en non-valeur était aussi important en exécution en 2013 que celui prévu pour 2015. Nous attendons encore le montant d'exécution pour 2014. Cela nous aiderait de disposer des éléments d'approche révisée, mais les impôts locaux sont acquittés plus tardivement que les autres... Sans doute devrons-nous attendre ces chiffres jusqu'au début de l'année prochaine.

Une meilleure connaissance du nombre d'emplois au niveau local est évidemment nécessaire pour contrôler le recouvrement de la CVAE. Une mission de l'Inspection générale des finances a présenté un premier travail sur cette question au Comité des finances locales. Espérons qu'en joignant nos voix à la sienne, nous serons mieux entendus et nous surmonterons l'objection du secret fiscal.

Mme Michèle André, présidente. - Quelle est votre préconisation, madame la rapporteure ?

Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale. - Les crédits de cette mission étant évaluatifs, la commission peut les voter. Pour ma part, mon profond désaccord avec le CICE me conduira à m'abstenir.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Loi de finances pour 2015 - Missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Provisions » et compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » - Examen du rapport spécial

La commission procède ensuite à l'examen du rapport de MM. Michel Bouvard et Thierry Carcenac, rapporteurs spéciaux, sur les missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Provisions » et le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État »

M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. - Principale mission du pôle économique et financier de l'État, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » porte principalement sur les crédits de l'administration fiscale (DGFiP) et de l'administration des douanes (DGDDI), deux administrations de réseau, ainsi que sur les moyens alloués à plusieurs structures et politiques transversales qui relèvent de Bercy.

Les crédits de paiement (CP) demandés (11,3 milliards d'euros) baissent de 174 millions d'euros (- 1,4 %) par rapport à 2014. La baisse est encore plus marquée en autorisations d'engagements (AE), puisqu'elle atteint 277 millions d'euros (- 2,4 %) sur un an. Comme les années précédentes, cette mission est fortement mise à contribution dans le cadre de l'effort de redressement des finances publiques.

La DGFiP, qui représente à elle seule 73 % des crédits de la mission, fournit l'effort le plus important : ses crédits baissent de 112 millions d'euros sur un an sur un total de 8,2 milliards d'euros, soit une baisse de 1,3 %. Les économies reposent avant tout sur les dépenses de personnel, qui représentent 77 % des crédits de la mission. Celles-ci baissent de 105 millions d'euros en 2015 (-1,2 %), ce qui correspond à 2 400 suppressions de postes, dont 2 000 pour la seule DGFiP. La mission arrive ainsi en second, après la mission « Défense » et ses 7 500 suppressions de postes, et largement devant toutes les autres, dans l'ordre des missions dont les effectifs baissent le plus.

Les autres catégories de dépenses sont elles aussi réduites, mais de manière plus modeste et surtout plus ambiguë. D'importants gains de productivité sont attendus des progrès de la dématérialisation des procédures : télédéclaration de l'impôt sur le revenu ou de la TVA, dématérialisation des factures, télé-dédouanement.... La déclaration fiscale simplifiée annoncée par Thierry Mandon, ministre de la réforme de l'État et de la simplification, lors du Conseil de la simplification du 30 octobre dernier, s'inscrit également dans cette logique.

Il devrait résulter de tout cela une baisse des dépenses de fonctionnement : 72 millions d'euros d'économies sont prévus en AE. Pourtant, en CP, les crédits de fonctionnement sont... en hausse de 8 millions d'euros. De fait, en attendant que la dématérialisation et la simplification diffusent tous leurs bienfaits, les dépenses de fonctionnement courant continuent à croître, et les efforts nous semblent insuffisants à cet égard.

Les investissements constituent en réalité l'autre grande source d'économies pour 2015 : ils connaissent, en AE, une baisse drastique de 29 % en un an, soit 89 millions d'euros. Elle s'explique en partie par l'achèvement de grands programmes d'investissement, notamment du renouvellement des avions, de garde-côtes de la douane - à cet égard, la douane entretient actuellement une double flotte et ne renouvelle pas certains matériels, ce qui est source de dépenses importantes. Mais cette baisse tient aussi à l'abandon de projets majeurs engagés ces dernières années : ainsi celui de l'opérateur national de paye (ONP), lancé en 2007 ; il a finalement été décidé d'y mettre fin le 10 mars 2014. D'après les chiffres communiqués à notre commission en mai dernier, 286 millions d'euros auraient été dépensés en pure perte. Ce n'est pas une première : que l'on se rappelle LOUVOIS, le logiciel de paye du ministère de la défense, ou le progiciel comptable ACCORD, remplacé à grand frais par CHORUS en 2007. Avant eux, l'abandon de certaines « briques » du logiciel COPERNIC avait déjà donné lieu à d'importants dépassements de crédits.

L'autre grand sujet est la suspension sine die de l'écotaxe, devenue péage de transit poids lourds, annoncée le 9 octobre 2014. Ceci pose la question de l'avenir du centre de gestion installé à Metz et des 130 douaniers qui y sont affectés.

Je terminerai en rappelant que les administrations relevant de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » sont concernées au premier chef par la lutte contre la fraude fiscale, qui est, comme l'a récemment rappelé le ministre des finances, un enjeu politique et budgétaire majeur. À cet égard, il serait important que la baisse des effectifs ne s'applique pas de façon uniforme à tous les services, afin que soient préservées nos capacités de contrôle fiscal.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. - Je regrette le manque de responsabilité collective dont les élus de la majorité comme de l'opposition ont fait preuve au sujet de l'écotaxe. Nous en avions approuvé la création à une large majorité ; combien étions-nous pour la défendre à la fin ? Je regrette, ensuite, que nous n'ayons pu obtenir un chiffrage précis des coûts pour l'État. Je parle non seulement de l'indemnisation d'Ecomouv', mais aussi des coûts liés au service de Metz - où sont bien affectés 130 douaniers ainsi que près de 150 salariés d'Ecomouv', dont les emplois sont en jeu - ou encore à la reconversion des portiques. Je regrette, enfin, que les collectivités volontaires n'aient pas été autorisées à mener des expérimentations.

La mission « Provisions » est une mission spécifique, prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), dont les deux programmes sont destinés à couvrir des dépenses indéterminées au moment du vote de la loi de finances ; elle n'est donc pas assortie d'une stratégie de performance. Avec 165,3 millions d'euros en crédits de paiement, c'est la moins dotée du budget général. Sont compris dans cette enveloppe les crédits de subventions versées sur proposition du Parlement, qui seront répartis ultérieurement au cours de la discussion budgétaire.

La dotation du programme « Provision relative aux rémunérations publiques » n'est pas budgétée pour 2015, signe d'une bonne répartition des dépenses de personnels sur les différentes missions.

La dotation du programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles » assure notamment les dépenses urgentes rendues nécessaires par des catastrophes naturelles qui pourraient survenir en France ou à l'étranger. Pour 2015, 465,3 millions d'euros d'AE et 165,3 millions d'euros de CP sont demandés sur cette dotation. La différence de 300 millions d'euros en AE correspond, comme les années précédentes, à la constitution d'une provision destinée à financer d'éventuelles prises à bail privées des administrations. Il serait évidemment préférable, au vu de l'usage qui en a été fait en 2014 et compte tenu du fait que la plupart d'entre elles soient possibles à anticiper, que celles-ci soient incluses dans les budgets des ministères. Nous vous suggérons donc de préciser la doctrine d'emploi de cette dotation afin d'en circonscrire le recours au seul critère accidentel.

Conformément à une recommandation récurrente de la Cour des comptes et afin d'éviter toute confusion avec le terme de « provisions » emprunté à la comptabilité générale et répondant à une tout autre définition, nous vous proposons un amendement visant à modifier la dénomination de la mission au profit de l'intitulé « Crédits non répartis ».

Outre les budgets ministériels, la politique immobilière de l'État repose tout d'abord sur le programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État », rattaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », qui finance les travaux d'entretien lourd des propriétés de l'État. Il est doté de 166 millions d'euros en 2015, soit une légère baisse de 1,6 %. La maintenance corrective sera moins dotée en 2015, au profit de la maintenance préventive, mais surtout des contrôles, audits et diagnostics qui la précèdent.

Second outil de la politique immobilière de l'État, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » finance les travaux structurants de reconversion. Il est alimenté par une partie des produits de cession des immeubles de l'État, évalués à 521 millions d'euros pour 2015. C'est un objectif ambitieux, comparé notamment aux 470 millions d'euros prévus pour 2014, mais réaliste selon les services de France Domaine. On peut toutefois regretter que très peu d'éléments soient disponibles pour juger du bien-fondé d'un prix de cession et s'assurer, notamment, qu'un bel immeuble n'est pas cédé à vil prix pour produire des recettes immédiates. La valorisation des biens par France Domaine fait cependant l'objet d'améliorations constantes.

Le taux de contribution du CAS au désendettement, qui devrait théoriquement atteindre 30 % du montant des cessions, ne sera l'année prochaine que de 16 %, du fait des exonérations dont bénéficient le ministère des affaires étrangères sur les biens situés à l'étranger, et surtout le ministère de la défense. Compte tenu des efforts demandés à ce dernier, cette dérogation nous paraît justifiée. La hausse attendue des produits de cessions fait mécaniquement augmenter la contribution au désendettement de l'État, toutes choses égales par ailleurs. Celle-ci sera donc de 108 millions d'euros en 2015.

Le reste des dépenses du CAS, soit 413 millions d'euros, finance les travaux de restructuration immobilière. Les crédits sont en baisse de 5,3 % en crédits de paiement, mais de fortes variations ne doivent pas surprendre, la plupart des projets s'étendant sur plusieurs années.

Je terminerai par trois remarques. Premièrement, certains arbitrages stratégiques pour la politique immobilière n'ont jamais été vraiment opérés : la valorisation locative du patrimoine de l'État et de ses opérateurs pourrait souvent se révéler plus avantageuse qu'une cession en une fois. La stratégie de France Domaine est trop souvent guidée par des objectifs de court terme.

Ensuite, le pilotage de la politique immobilière des opérateurs reste défaillant. Alors que nous avions demandé, dès 2009 à l'Assemblée nationale, à ce que le patrimoine immobilier des opérateurs soit évalué, aucune vision d'ensemble fiable n'est disponible à ce jour. La nouvelle génération de schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) et le « suivi renforcé » de certains opérateurs seront peut-être l'occasion d'améliorer les choses, mais il n'est pas normal que, plusieurs années après la circulaire du 16 janvier 2009 du Premier ministre, nous n'ayons toujours pas l'inventaire des biens de chacun des opérateurs.

Enfin, le pilotage du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » est soumis à des objectifs contradictoires. Comme vous le savez, la loi « Duflot » du 18 janvier 2013 autorise l'État à céder des terrains de son domaine privé avec une forte décote, pouvant aller jusqu'à 100 %, lorsque ces terrains sont destinés à la construction de logements sociaux. Sans remettre en cause les bonnes intentions qui l'ont inspiré, nous constatons que ce dispositif ne correspond pas à la vocation du CAS, qui est de contribuer au désendettement et de financer des travaux lourds. Ces décotes devraient faire l'objet d'une compensation en provenance du budget général, et particulièrement de la mission « Égalité des territoires, logement et ville » afin d'avoir, comme le demande la LOLF, la reconstitution d'une politique à coût complet.

Dans cette perspective, je vous propose à titre personnel un amendement visant à minorer les dépenses immobilières accordées à chaque ministère d'un montant égal à la décote consentie. De cette manière, le budget général assumera bien, conformément à sa vocation, la politique en faveur du logement social.

Nous proposons de réserver le vote sur les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », mais d'approuver ceux de la mission « Provisions » et du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Mme Michèle André, présidente. - Merci, mes chers collègues, pour ce rapport en binôme, qui manifeste une expérience acquise en d'autres lieux.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je partage le regret que les effets d'annonce ne soient pas suivis de propositions de textes ou d'amendements. Lorsqu'on annonce unilatéralement la suspension de l'écotaxe, avec les conséquences que cela comporte, il faudrait modifier le code des douanes, dont beaucoup de dispositions font référence à cette taxe.

Au cours de ses récents échanges avec la Commission européenne, Michel Sapin a déclaré que, sur les 3,6 milliards d'euros d'économies, 900 millions d'euros viendraient de la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscale. D'où viennent-ils ? Serait-ce de la lutte contre la fraude à TVA, dont la Commission européenne estime qu'elle s'élève à 32 milliards d'euros pour la France ?

Quant au CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », il est regrettable que la vente des biens immobiliers de prestige soit toujours conduite dans l'opacité. Je m'étonne que nous ne connaissions toujours pas le prix de la vente de l'ancien couvent de Penthemont qu'occupait le ministère de la défense. Peut-on prévoir des clauses de retour des produits de cession en cas de plus-values lors d'opérations de reventes successives ? Je pense évidemment au mauvais exemple de l'Imprimerie nationale. Comment se prémunir contre la répétition d'une telle erreur d'évaluation ?

M. Roger Karoutchi. - L'hôtel de Clermont, mon ancien ministère, est resté dix-huit mois en vente avant que l'on y renonce. L'État a une conception très curieuse de la gestion de son patrimoine. Il n'a pas les moyens d'entretenir les bâtiments historiques, mais ne se résout pas à les vendre. Il faudra pourtant bien se décider.

L'État ne brade pas toujours son patrimoine. Le conseil régional d'Île-de-France a essayé d'acheter un terrain à Paris : on a commencé par nous répondre, il y a trois ou quatre ans, que ce serait une mauvaise affaire pour l'État parce que les prix montaient ; on nous oppose maintenant la baisse des prix. L'État fait tout pour ne pas vendre ses terrains dans Paris. Sa gestion est erratique. J'en appelle à davantage de réalisme dans la détermination des objectifs.

M. Dominique de Legge. - Quel différentiel entre les prévisions et les réalisations de cessions ! Disposez-vous d'éléments tangibles pour juger possibles les 521 millions d'euros inscrits au budget 2015 ? Ces cessions conditionnent largement l'équilibre du budget de la défense ; or le ministère de la défense n'a procédé en 2014 à pratiquement aucune cession immobilière. Si je rejoins les rapporteurs spéciaux lorsqu'ils parlent de l'exception qui doit présider à la gestion des cessions immobilières du ministère de la défense, je ne puis que constater que les recettes ne se sont pas réalisées.

M. Richard Yung. - L'exemple de l'hôtel de Clermont me fait penser à celui des ambassades. Ce sont souvent des lieux chargés d'histoire, mais il n'y a pas un fifrelin pour les entretenir. On les laisse tomber en ruine, pour finalement tirer la conclusion qu'il faut de nouveaux bâtiments. Les Allemands, eux, ont une règle simple et saine : 2 % ou 3 % du budget annuel doit être investi dans l'entretien des bâtiments.

Les rapporteurs ont fait allusion aux Affaires étrangères comme à une exception. À l'étranger, les ventes ne sont pas conduites par France Domaine, mais par des agences immobilières qui connaissent le prix du marché. Cependant, à ma connaissance, le ministère des affaires étrangères est tenu de verser à l'État un minimum de 25 millions d'euros de contribution au désendettement : compte tenu du fait qu'il doit par ailleurs financer des dépenses immobilières sur le CAS, les cessions doivent donc atteindre environ 50 millions d'euros pour que ce ministère en retire un véritable bénéfice.

Mme Marie-France Beaufils. - La baisse des effectifs de la direction générale des finances publiques ne risque-t-elle pas d'affaiblir la lutte contre l'évasion fiscale ? Le ministre des finances avait pourtant parlé d'y affecter une sorte de brigade spéciale.

La dématérialisation des procédures affecte nos collectivités, auxquelles elle demande des investissements importants. La mise en route n'est pas si simple sur le terrain, et les réductions de coût paraissent douteuses...

M. Éric Doligé. - Au-delà des 25 millions d'euros de contribution au désendettement des ventes du ministère des affaires étrangères, le ministère a également l'obligation d'investir plusieurs millions d'euros, pris eux aussi sur le montant des ventes, dans la sécurisation et la rénovation lourde des postes à l'étranger. On en arrive rapidement à un total de 65 millions d'euros de produits de ventes nécessaires chaque année. Cela ne fonctionnera probablement pas au-delà de trois ans.

M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. - L'objectif de dégager 1,9 milliard d'euros en 2014 par la lutte contre la fraude devrait être largement atteint. En mai 2014, 23 000 dossiers avaient été déposés dans le cadre de la lutte contre la fraude passive, dont 1 260 étaient déjà traités ; au 19 septembre, 2 400 dossiers avaient été traités, l'avoir médian se montant à environ 400 000 euros. Il ne s'agit pas pour autant de ressources pérennes.

Les différents ministres du budget, à commencer par Éric Woerth, s'étaient engagés à maintenir les effectifs des brigades de contrôle. De plus, la gestion du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) suscite des charges supplémentaires qu'il convient d'examiner.

On parle beaucoup en France de dématérialisation, mais d'autres pays européens la mettent bien davantage en oeuvre, conformément aux directives communautaires. Le parlement danois a décidé, à compter du 1er septembre 2014, de ne plus envoyer de lettres aux particuliers, et a demandé aux collectivités locales de faire de même. Certaines orientations européennes posent le problème des possibilités d'accès à Internet dans certains de nos territoires. La dématérialisation des relations entre la DGFiP et les collectivités territoriale nécessite en outre de réfléchir à la certification comptable. Il faudra être vigilant.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. - La valorisation ultérieure des biens constitue en effet un problème, auquel il conviendrait de répondre par un intéressement de l'État sous la forme d'une clause d'earn out. Certaines opérations de ce type auraient pu être portées par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), si l'État l'avait souhaité. Il n'est pas trop tard pour ouvrir le débat.

Roger Katoutchi soulevait à juste titre le problème du patrimoine historique. La France possède à Florence deux palais, appartenant l'un à la chancellerie des universités de Paris, l'autre au Quai d'Orsay, et qu'elle n'a pas les moyens d'entretenir. Il faudrait en céder un.

Des terrains parisiens estimés à 60 millions d'euros ont été vendus à la Ville pour 40 millions d'euros, certes afin de construire des logements sociaux, mais il y a bien là une subvention indirecte de l'État à la ville de Paris qu'il convient de retracer dans le budget de l'État.

L'objectif de cessions immobilières pour cette année est certes ambitieux, mais l'on peut porter au crédit du ministère le fait que les 470 millions d'euros inscrits au budget de 2014 seront probablement atteints. Espérons que l'on puisse faire un peu mieux en 2015.

La règle relative aux biens situés à l'étranger sera bien modifiée en 2015. Je vérifierai le seuil de 50 millions d'euros de ventes à atteindre par le ministère des affaires étrangères pour « absorber » la contribution au désendettement de 25 millions d'euros. Une politique de provisions pour les grosses réparations sur ces biens serait raisonnable. Les ambassadeurs ont une compétence globale sur l'ensemble des biens français à l'étranger, ce qui autorise des réaffectations entre ministères.

À l'issue de ce débat, la commission décide de réserver sa position sur les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Mme Michèle André, présidente. - Michel Bouvard propose un amendement portant article additionnel rattaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. - La loi « Duflot » autorise l'État à céder des terrains de son domaine privé à un prix inférieur à leur valeur vénale, lorsqu'ils sont en partie destinés à la construction de logements, cette décote pouvant atteindre 100 % lorsqu'il s'agit de logements sociaux. L'amendement vise, dans un simple souci de transparence dépourvue de jugement politique, à rendre possible l'évaluation de cette politique du logement à coût complet, en faisant apparaître le montant de la décote dans les crédits du ministère concerné.

M. Jean Germain. - Nous voterons contre cet amendement, qui est une position comptable mais avec des conséquences politiques : nous ferons primer l'aspect politique.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Cet amendement rejoint la position exprimée par le conseil de l'immobilier de l'État (CIE) par des élus de toutes les sensibilités politiques, et j'y suis naturellement très favorable. Si l'on appliquait l'exemple à l'extrême, l'îlot Saint-Germain du ministère de la défense pourrait être cédé pour un euro... L'opération de Balard serait grandement compromise. Nous pouvons ne pas remettre en cause la possibilité d'une décote en faveur du logement social, tout en considérant que cela relève de politique du logement, et pas du compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ».

M. Claude Raynal. - Nous rejetterons cet amendement : la politique du logement est déjà très compliquée à mettre en oeuvre, et tout signal qui inciterait les ministères à encore plus de prudence serait néfaste. Il n'est déjà pas évident de convaincre les ministères d'accorder une décote : ne les freinons pas encore davantage.

Mme Marie-France Beaufils. - Le patrimoine que cèdent les ministères n'est pas le leur, mais celui de l'État. C'est un patrimoine global. Le produit de la vente doit revenir au pot commun, comme les impôts, et son affectation être soumise à un choix politique, tel que le logement social.

M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. - Je comprends l'approche de l'amendement de Michel Bouvard, conforme à l'esprit de la LOLF ; mais je n'ai pas souhaité le cosigner.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. - L'amendement répond à un souci de transparence. Si la priorité est le désendettement, cette décote est un trou ajouté dans le gruyère... En toute logique, ces sommes auraient vocation à être prises en compte dans le budget consacré au logement, sinon il s'agit d'une débudgétisation.

La commission adopte l'amendement proposé par M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Mme Michèle André, présidente. - Je vais mettre aux voix la mission « Provisions ».

Mme Marie-France Beaufils. - Je m'oppose à l'adoption des crédits de la mission « provisions ».

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Provisions ».

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. - Notre amendement modifie l'intitulé de la mission « Provisions » en « Crédits non répartis ».

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - On comprendra enfin ce que c'est !

La commission adopte l'amendement proposé par MM. Michel Bouvard et Thierry Carcenac, rapporteurs spéciaux.

Enfin, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Mise en oeuvre de la doctrine de l'État actionnaire - Audition de M. Régis Turrini, commissaire aux participations de l'État, directeur de l'Agence des participations de l'État

La commission procède ensuite à l'audition de M. Régis Turrini, commissaire aux participations de l'État, directeur de l'Agence des participations de l'État, sur la mise en oeuvre de la doctrine de l'État actionnaire.

Mme Michèle André, présidente. - Nous entendons maintenant Régis Turrini, nouveau commissaire aux participations de l'État et directeur de l'Agence des participations de l'État (APE), sur la mise en oeuvre de la doctrine de l'État actionnaire.

Nous avions entendu votre prédécesseur, David Azéma, en 2013 et au début de cette année, à l'occasion de l'investissement de l'État dans PSA. Votre actualité est riche : le Gouvernement a annoncé que des cessions de participations de 5 à 10 milliards d'euros pourraient avoir lieu dans les prochains mois.

M. Régis Turrini, commissaire aux participations de l'État et directeur de l'Agence des participations de l'État. - La publication en début d'année de la doctrine de l'État actionnaire clarifie notre mission : au-delà du suivi en bon père de famille d'un portefeuille hérité du passé, il s'agit pour la première fois d'adopter une gestion active. Ses lignes directrices, présentées au Conseil des ministres du 15 janvier dernier, fixent quatre objectifs : maintenir un niveau de contrôle suffisant dans des entreprises intéressant la souveraineté ; s'assurer de l'existence d'opérateurs résilients pour pourvoir aux besoins fondamentaux du pays ; accompagner le développement et la consolidation d'entreprises, en particulier dans des secteurs déterminants pour la croissance ; intervenir ponctuellement, dans le respect des règles européennes, dans des opérations de sauvetage d'entreprises dont la défaillance présenterait des conséquences systémiques. Cela sort l'État du flou qui régnait auparavant, mais doit encore être approfondi. Ainsi un comité stratégique de l'État actionnaire validera la stratégie et jugera la performance de l'APE ; un comité des nominations de l'État actionnaire professionnalisera le processus de nomination des dirigeants et des mandataires.

Deuxième événement, l'ordonnance du 20 août 2014 renforcera le rôle de l'État comme actionnaire et comme administrateur : abandonnant un statut de tutelle faussement protecteur, il lui donnera autant de poids qu'à un actionnaire de droit commun ; la simplification favorise une meilleure allocation du temps et de l'énergie de l'APE, supprime des contrôles a posteriori qui doublonnaient souvent avec les règles internes à l'entreprise : procédures administratives simplifiées, sécurisation du cadre juridique, clarification et modernisation de règles antérieures donnant aux sociétés concernées plus de flexibilité pour la meilleure gouvernance possible. Les tailles impératives des conseils d'administration sont abandonnées, l'État se donnera la possibilité de nommer des administrateurs extérieurs, et créera un comité des nominations. Des spécificités sont néanmoins conservées, telle que la règle du tiers pour les salariés ou la protection des intérêts stratégiques.

La politique de cessions entamée en 2013 s'est poursuivie, conformément aux objectifs du désendettement et de réinvestissement. L'APE a procédé à trois cessions : un bloc d'Airbus en début d'année pour 450 millions d'euros ; des actions de GDF-Suez en juin pour 1,5 milliard d'euros ; la participation de l'État dans la société Aéroport de Toulouse-Blagnac en ce moment, dont la recette est estimée à plusieurs centaines de millions d'euros - nous avons reçu les offres définitives vendredi dernier.

Nous avons procédé à trois grandes dépenses : la prise de participation dans PSA pour 800 millions d'euros via la Société de gestion de participations aéronautiques (Sogepa) ; l'achat au commissariat à l'énergie atomique (CEA) de ses titres Areva, conformément à la convention qu'il avait signée avec l'État en 2010 ; l'inscription de 1,5 milliard d'euros au titre du désendettement de l'État.

Les perspectives pour 2015 telles que dessinées dans le projet de loi de finances pour 2015 ne constituent pas une rupture. L'inscription de 4 milliards d'euros pour le désendettement est conforme à ce qui se faisait les années précédentes. Quelques opérations sont en cours : Alstom, sociétés de projet dans le domaine de la défense, logement intermédiaire - le Gouvernement avait annoncé le 27 août la construction de 30 000 logements sur les cinq prochaines années, qui passerait par une recapitalisation de la Société nationale immobilière (SNI) via son actionnaire Caisse des dépôts et des consignations (CDC) et la structuration d'un véhicule ad hoc - peut-être un fonds immobilier - doté d'un milliard d'euros.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Emmanuel Macron, le ministre de l'Économie, a annoncé le 15 octobre des cessions de 5 à 10 milliards d'euros, soit environ 10 % du portefeuille. Je ne vous demanderai pas lesquelles ; mais avez-vous un mandat pour réfléchir à des cessions ? Quel secteur stratégique serait concerné ?

Alstom nous a beaucoup occupés avant l'été : l'État devait en devenir le premier actionnaire, un prêt d'actions a eu lieu, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a rendu un avis. Avec une action aujourd'hui à 28 euros, à comparer avec le prix de 35 euros auquel l'État pourrait acheter, cela reste-t-il un sujet d'actualité ?

M. Maurice Vincent, rapporteur spécial. - Nous avons été plus ou moins rassurés par le gouverneur de la Banque de France sur la situation de Dexia. Mais l'État y a 44 % de participation. Y a-t-il encore des risques ? La Société de financement local (Sfil) se développe-t-elle conformément au plan d'affaires retenu ? Bien des collectivités territoriales y sont attentives, que ce soit du fait d'emprunts ou de contentieux en cours.

Que pensez-vous du modèle économique qui préside au compromis entre Nexter et KMW ? Que répondez-vous aux questions que se posent les salariés ? De même, la prise de participation de 14 % dans PSA a conforté la relance de cette société, mais doit-on craindre des réorganisations dans certaines régions ?

À quelle date le comité de suivi de l'État actionnaire sera-t-il constitué ? Qui seront ses membres et quelle sera sa fonction précise ?

M. Régis Turrini. - Le ministre de l'économie a parlé de céder 5 à 10 milliards d'euros de participations. Aller au-delà de 4 milliards d'euros pour le désendettement est à notre portée : le portefeuille est coté autour de 75 à 80 milliards d'euros, ce qui laisse de bonnes marges de manoeuvres. Je n'ai pas reçu de mandat. Il s'agirait d'effectuer ces cessions sur dix-huit mois, nous aurons le loisir d'en parler. Même si certaines de nos participations, comme dans EDF, GDF-Suez ou Aéroports de Paris, sont soumises à des contraintes légales, la marge de manoeuvre reste considérable.

Il conviendra d'être attentif au momentum : certains titres sont sous-cotés au regard de leurs fondamentaux et nous ne pouvons pas les céder en l'état. Bien malin qui peut dire quelle sera leur valeur dans dix-huit mois. Notre stratégie est de continuer à accompagner des entreprises comme Renault et Air France dans leur développement. Il faut aussi tenir compte, pour les sociétés cotées, des capacités d'absorption du marché, qui peuvent varier dans le temps. Dans un contexte de forte volatilité intraday, il n'est pas toujours aisé de procéder à des opérations de grande envergure. L'APE pourra néanmoins répondre à la demande du ministre.

Bien que nous en parlions depuis longtemps, l'opération Alstom n'est pas derrière nous : rien n'a été signé. L'accord conclu en juin entre l'État et Bouygues n'entrera en vigueur qu'après la réalisation des opérations entre General Electric (GE) et Alstom, soit vers la fin du deuxième trimestre de l'année prochaine. C'est du long terme ! Grâce à un prêt de titres par Bouygues dès la fin de l'opération, l'État pèsera comme s'il en était le propriétaire, avec des droits de vote à l'assemblée générale et une représentation au conseil d'administration ; les promesses de vente par Bouygues à l'État sur 20 % du capital, réalisables sur vingt mois à partir de mai ou juin 2015, ne constituant qu'une option pour l'État, la décision reviendra au Gouvernement le moment venu. Le montant dépend des conditions de marché de l'époque, jusqu'au début de l'année 2017. La capitalisation d'Alstom est de 8,6 milliards d'euros, à corriger au vu des cessions d'actifs à GE. L'État pourra bénéficier d'une décote sur le prix de marché.

Dexia a échoué aux stress tests avec un ratio Tier One de 4,95 %, donc un déficit de 339 millions d'euros en dessous du seuil de 5,5 % ; ces informations, validées par le conseil des gouverneurs de la BCE le 22 octobre, ont été communiquées à la banque et aux marchés. Ce déficit se décompose en un surplus de capital de 68 millions d'euros au-dessus du seuil obtenu dans le scenario adverse, un déficit de 300 millions d'euros et un déficit de 106 millions d'euros lié à la réconciliation entre impact du stress test et le bilan post-test. Ce montant ne nécessitera aucune mesure de remédiation : le conseil des gouverneurs a en effet pris en compte deux mesures dérogatoires qui en exemptent Dexia : des ventes d'actifs par Dexia entre le test et le 30 août 2014 et l'introduction d'un filtre prudentiel sur les moins-values latentes ayant pour conséquence une augmentation significative du capital Tier One à l'issue du scénario adverse.

Mme Astrid Milsan, directrice générale adjointe de l'Agence des participations de l'État. - La Sfil, qui est dans la même situation que Dexia, échappe elle aussi au plan de remédiation. Nous n'avons pas d'inquiétude particulière sur le respect de ses engagements à l'égard de la Commission européenne.

M. Régis Turrini. - Nous sommes en pleine discussion avec KMW et son actionnaire sur son rapprochement avec Nexter. L'accord de principe annoncé avant l'été doit maintenant être finalisé. Après la signature, une nouvelle phase aboutira au premier, voire au deuxième trimestre 2015. Les sociétés ont échangé des plans d'affaires, ouvert des data rooms, procédé à des due diligences, avant une signature bientôt, en tout cas avant la fin de l'année. Nexter est en bonne santé et peut négocier sans pression ; les deux membres de la future joint-venture partagent une vision de l'avenir dans un contexte difficile, avec une contraction des budgets de défense européens. KMW est un bon partenaire pour ce bon projet industriel ; la famille actionnaire est un investisseur de long terme : dans cette activité depuis longtemps, elle ne compte pas en sortir. Si elle avait été dans une logique à court terme, elle aurait cherché à vendre ses actifs à Rheinmettal, l'acheteur naturel allemand. Or aucun actionnaire ne vend quoi que ce soit.

Les deux managers sont convaincus que chacun est pour l'autre le bon partenaire. Les gammes sont complémentaires, sauf quelques recoupements. La concurrence entre les deux entreprises n'est qu'apparente, voire inexistante sur de nombreux marchés. Elles pourront former un EADS du tank et de la machine.

M. Gérard Longuet. - Ces entreprises se placent sur des marchés difficiles. Nexter a-t-il l'intention de monter dans le capital de Manurhin ?

M. Régis Turrini. - Je ne suis pas en mesure de vous répondre pour l'instant. Je le ferai à l'occasion.

Notre investissement dans PSA et l'entrée au capital de Dongfeng s'accompagnent d'une refonte de sa stratégie, appliquée par le nouveau président, Carlos Tavares : différenciation en trois marques, croissance à l'international, amélioration de la compétitivité. Pour l'État, les objectifs étaient le renforcement de la filière, un investissement patrimonial - non un sauvetage - et la préservation d'un fleuron français. Vous en connaissez les résultats en termes d'emploi. Cette stratégie est bien en place. Le nouveau management avec Louis Gallois et Carlos Tavares obtient déjà des résultats sensibles.

J'espère que le comité stratégique de l'État actionnaire se mettra en place le plus vite possible. Nous en discutons avec les ministres et leurs cabinets. Dès que nous serons d'accord sur la liste de ses membres, le comité pourra fonctionner.

Mme Astrid Milsan. - Le comité devra fixer les orientations stratégiques dans le cadre de la doctrine - ou si nécessaire en proposer des modifications - afin de nous donner un mandat comme en dispose tout gestionnaire de fonds et fixer des objectifs de rendement financier tous supports confondus.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Avec la réforme ferroviaire, l'État contrôle l'établissement public de tête SNCF, dont dépendent SNCF Mobilités et SNCF Réseau. Comment suivez-vous cette réforme et comment arbitrez-vous les intérêts contradictoires entre les deux établissements publics ?

M. Michel Bouvard. - Chacun se réjouit de la publication d'une doctrine de l'État actionnaire. Comment cela se coordonne-t-il avec les positions de l'État actionnaire de la Banque publique d'investissement (BPI), qui a ses propres doctrines d'investissement, comme dans la cession des titres d'Orange ? L'apport financier à la SNI passera-t-il par une ouverture de son capital, aujourd'hui détenu à 100 % par le groupe Caisse des dépôts ? Est-ce le retour de l'État à la SNI ? Quel en est l'intérêt ? Comment se coordonnent les stratégies de l'État, de la BPI, du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) vis-à-vis d'Eramet ? Pierre Frogier s'interroge sur ses stratégies en Nouvelle-Calédonie : l'APE a-t-elle une opinion au vu des investissements d'autres grands groupes et du maintien d'un outil de travail vieillissant au coeur de Nouméa ?

M. Vincent Capo-Canellas. - Où en est-on de la cession de l'aéroport de Toulouse ; fera-t-elle école ? Avec l'objectif de céder pour 5 à 10 milliards d'euros d'actifs, la question de céder Aéroports de Paris peut se poser, même si cela suppose une évolution législative. Comment garantir dans ce cas les intérêts de l'État ? Notre collègue député Bruno Le Roux a proposé hier dans son rapport sur la compétitivité du transport aérien de stabiliser, voire de baisser les redevances perçues par Aéroports de Paris. N'est-ce pas contradictoire avec une cession ? Les parts dans les industries aéronautiques et de défense sont à un niveau tel que des cessions dégraderaient l'influence de l'État dans des domaines de souveraineté. Changez-vous de doctrine, considérant que des golden shares suffisent ?

M. François Marc. - Sur quelle base arbitrez-vous entre les deux critères d'une gestion plus active des investissements, rendement de court terme et intérêt stratégique ? Y a-t-il une méthode, un processus de concertation avec la Caisse des dépôts ?

M. Claude Raynal. - Deux des cessions que vous citez concernent la Haute-Garonne : Airbus et l'aéroport de Toulouse-Blagnac. Comment définissez-vous l'intérêt stratégique concernant Airbus : l'équilibre franco-allemand à tous les niveaux (actionnariat, différentes fonctions, implantations) est un sujet majeur. Je ne vois pas d'un très bon oeil la privatisation des aéroports - on peut imaginer que celui de Toulouse sera suivi d'autres. Comment l'intérêt stratégique de l'État se manifeste-t-il dans cette vente ? Je pense aux garanties données à Airbus et généralement à la filière aéronautique pour l'accès aux pistes dans des conditions financières convenables.

Les collectivités territoriales souhaitent que le foncier qui entoure les aéroports soit géré dans une optique de long terme, en imaginant les développements à venir de l'industrie aéronautique et en tenant compte des enjeux d'urbanisme. Elles doivent être associées à cette gestion. Au terme du processus, les collectivités territoriales et la chambre de commerce et d'industrie (CCI) détiendront environ 40 % du capital, ce qui leur donnera un pouvoir de blocage. Elles seront associées aux grandes décisions, et notamment à la l'élaboration du plan prévisionnel d'investissement ou à la mise en place d'un comité technique permanent, dans lequel la place de l'État reste à préciser. Le futur gestionnaire de l'aéroport devra s'impliquer dans la stratégie internationale des collectivités territoriales et se préoccuper de leur rayonnement touristique. Ces exigences figurent-elles dans le cahier des charges ?

M. Francis Delattre. - Une doctrine, une gouvernance, des secteurs d'intervention... Êtes-vous à la tête d'un fonds souverain ? Dans le dossier Alstom, où est l'intérêt de la France ? Cette entreprise relève-t-elle du contrôle stratégique ou d'un sauvetage ? L'approvisionnement et les opérations de démantèlement ont-ils été correctement provisionnés par EDF ? Areva reste l'une des grandes entreprises françaises susceptibles de gagner des marchés à l'étranger. Pouvez-vous nous en dire plus ? Puisque vous vous apparentez à un fonds souverain, faut-il rassembler les participations que vous gérez avec celles détenues par la Caisse des dépôts ?

Mme Michèle André, présidente. - Arnaud Montebourg avait appelé à la création d'une entreprise publique d'exploration minière. Cette annonce a-t-elle eu des suites ? La presse a mentionné un rapport confidentiel de la Cour des comptes sur Areva, qui relevait l'absence de contre-pouvoir dans la gouvernance de cette entreprise jusqu'en 2011 et les conséquences de son mode de gouvernance sur certains dossiers, comme le rachat d'Uramin. L'État actionnaire a-t-il bien joué son rôle au sein d'Areva, avant et après 2011 ? Qu'attendez-vous de la transformation d'Areva en une société à conseil d'administration ?

M. Régis Turrini. - La Caisse des dépôts recapitalisera la SNI à hauteur de 900 millions d'euros ; l'Etat, lui, interviendra pour la création des 30 000 logements intermédiaires par un fonds ad hoc...

La loi de réforme ferroviaire a été promulguée le 4 août dernier et ses décrets d'application sont en cours d'élaboration. Notre objectif est de stabiliser autour de 60 milliards d'euros la dette du système, qui s'élève actuellement à 40 milliards d'euros et menaçait de doubler en dix ans. Pour cela, l'amélioration de la gouvernance renforcera la synergie entre les deux bras de l'opérateur ferroviaire et mettra fin aux dysfonctionnements. La création de l'EPIC de tête renforcera le pilotage stratégique et financier de l'ensemble du système. Nous devrons veiller à ce qu'il ne s'agisse pas simplement d'un étage supplémentaire provoquant de nouveaux coûts. De même, la constitution de SNCF Réseau simplifiera la gestion des infrastructures et devra mettre un terme aux dysfonctionnements. Une meilleure coopération améliorera la maîtrise des coûts et des délais.

Les investissements de l'État ne transitent pas seulement par la BPI et la Caisse des dépôts : il y a aussi l'IFP, le CEA ...

M. Michel Bouvard. - ... le BRGM...

M. Régis Turrini. - Créée il y a deux ans, la BPI résulte du rapprochement du Fonds stratégique d'investissement (FSI), de CDC Entreprises et d'Oséo. Son capital est détenu pour moitié par l'État et pour moitié par la Caisse des dépôts. Elle comporte des activités de financement, essentiellement issues de celles d'Oséo, et réalise des investissements, dans le prolongement du FSI et de CDC Entreprises.

M. Michel Bouvard. - Son capital est-il totalement libéré ? Lors de la mise en place de la BPI, l'État devait apporter des fonds au FSI. L'a-t-il fait ?

Mme Astrid Milsan. - Non, une partie du capital doit encore être libérée.

M. Régis Turrini. - Les objectifs de la BPI diffèrent de ceux de l'APE : sa doctrine, adoptée par son conseil d'administration, consiste à privilégier les participations minoritaires, dans des PME ou des ETI, avec une perspective de sortie au terme d'une phase de croissance ou de consolidation. L'APE, elle, prend des participations d'influence ou de contrôle, dans des grandes entreprises, avec un horizon très long. Les intersections entre les deux domaines sont le fruit de l'histoire et devraient disparaitre. Ainsi, la BPI a-t-elle vingt ou trente participations minoritaires (3 ou 4 %) dans de grandes entreprises. Seules les participations dans Orange et Eramet sont partagées entre l'État et la BPI.

Un fonds souverain est, en général, adossé à un État plaçant à l'extérieur ses excédents. À l'inverse, nous n'avons pas d'excédent et investissons en France...

M. Francis Delattre. - À travers votre participation de 15 % au capital de Renault, vous contrôlez un grand constructeur japonais. Telle est la stratégie des fonds souverains chinois : en êtres-vous un ?

M. Régis Turrini. - De même, la SNCF détient 20 % de NTV, le premier opérateur ferroviaire italien... Nous possédons aussi, à travers EDF, la moitié d'une joint venture d'exploitation d'une centrale nucléaire aux États-Unis. L'objectif de l'APE reste néanmoins d'investir en France. Notre principale coopération avec la Caisse des dépôts s'effectue au sein des organes sociaux de la BPI.

L'État cède 49 % du capital de l'aéroport de Toulouse, de sorte que les actionnaires publics et parapublics restent majoritaires. Sur les 11 % qui lui restent, l'État dispose d'une option de vente qu'il ne pourra exercer qu'après trois ans. La procédure de cession a pris la forme d'un appel d'offres avec cahier des charges, sous le contrôle de la Commission des participations et des transferts (CPT), avec qui nous coopérons étroitement. Elle est ouverte, transparente, non-discriminatoire et répond aux exigences européennes. Le cahier des charges a été publié le 18 juillet 2014. Les premières offres des candidats retenus ont été reçues entre le 1er et le 15 septembre, et jusqu'au 31 octobre pour les deuxièmes offres, fermes, que nous examinons actuellement.

Conformément aux engagements qui ont été pris, les collectivités territoriales seront consultées sur les aspects industriels et sociaux, qui figurent sur le cahier des charges. Je tiens des réunions avec leurs représentants, nous leur avons écrit, les ministres leur ont écrit, ainsi qu'aux dirigeants d'Airbus. Après quelques semaines d'agitation et de préoccupation, les discussions avec la Direction générale de l'aviation civile et l'APE ont rassuré ce dernier.

Le schéma de cession proposé résulte d'une concertation avec les actionnaires publics de l'aéroport. Les collectivités territoriales et les CCI ont été associées à son élaboration comme elles le seront à son exécution. Malgré quelques incompréhensions ponctuelles, la communication avec les collectivités territoriales est satisfaisante. Le résultat de la procédure sera rendu public avant la fin du mois. Les ministres choisiront sur avis conforme de la CPT.

Aucune autre cession de la participation de l'État dans un aéroport régional n'est prévue, malgré les rumeurs. Notre but est de réussir la cession à Toulouse. Chaque aéroport est unique et aucune cession ne sera envisagée sans dialogue préalable avec les élus locaux. Une éventuelle cession de la participation de l'État au capital de l'aéroport de Nice ou de Lyon devra faire l'objet d'une autorisation législative préalable. De même, Aéroport de Paris qui constitue un bel objet au sein de notre portefeuille, une très belle entreprise, très bien valorisée en Bourse, ne fait l'objet d'aucun projet de privatisation.

Sans être un spécialiste de la Nouvelle-Calédonie, je puis dire que le projet de société nationale des mines, dont l'ancien ministre de l'économie s'était fait le héraut, est toujours à l'étude. Les comptes d'Areva se sont dégradés au premier semestre, et le second semestre risque de n'être pas meilleur. Le changement de gouvernance et de dirigeant répond à nos voeux : lorsque les comptes étaient arrêtés par le directoire, les membres du conseil de surveillance avaient moins de pouvoir. Malgré la transformation en société à conseil d'administration, nous souhaitons une direction dissociée avec un président du conseil d'administration et un directeur général.

Le rapport de la Cour des comptes que vous avez évoqué est confidentiel...

Mme Michèle André, présidente. - J'ai cité la presse.

M. Régis Turrini. - Les recommandations de la Cour rejoignent notre propre analyse : transformer Areva en société à conseil d'administration, simplifier l'organisation, sécuriser les conditions juridiques de passation de grands contrats... La modification des statuts renforce le contrôle sur ces contrats : un comité du conseil d'administration validera les offres commerciales significatives par leur montant ou leur sensibilité. La Cour recommande également d'améliorer la sélection des sous-traitants et les relations avec eux dans la maîtrise d'oeuvre des grands projets. Le conseil d'administration évaluera les risques associés aux nouveaux projets, notamment par son comité d'audit.

Mme Michèle André, présidente. - Je vous remercie de la précision de vos réponses.

Loi de finances pour 2015 - Mission « Médias, livre et industries culturelles » et compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » (et articles 56 quinquies et 56 sexies) - Examen du rapport spécial

La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. François Baroin, rapporteur spécial, sur la mission « Médias, livre et industries culturelles » et sur le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » (et articles 56 quinquies et 56 sexies).

Mme Michèle André, présidente. - Je donne la parole à notre collègue François Baroin, rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ». Je salue la présence de notre collègue Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis sur l'audiovisuel et le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » à la commission de la culture.

M. François Baroin, rapporteur spécial. - La mission « Médias, livre et industries culturelles » retrace les crédits dédiés à la presse écrite - avec l'Agence France Presse et les aides directes à la presse écrite -, à la politique du livre et à la lecture, aux industries culturelles et aux radios associatives. Elle porte également les crédits budgétaires consacrés à compenser la suppression de la publicité sur les chaînes de France Télévisions. Le compte de concours financiers retrace quant à lui toutes les avances faites aux organismes de l'audiovisuel public financés par la contribution à l'audiovisuel public, anciennement appelée « redevance audiovisuelle ». Les dépenses totales dédiées aux médias, à la lecture, aux industries culturelles et à l'audiovisuel public s'élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2015, à 4,38 milliards d'euros, contre 4,36 milliards d'euros en 2014. Cela représente une légère hausse de 0,43 %. Dans le contexte actuel, on peut donc dire que ces secteurs sont globalement préservés et que les crédits transcrivent la volonté gouvernementale.

Le Gouvernement a annoncé dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques de juillet 2014 son intention de supprimer à l'horizon 2017 l'ensemble des dotations budgétaires dédiées aux sociétés de l'audiovisuel public.

Cette évolution soulève des questions sur la pérennité et les modalités du financement public des organismes concernés. Pour ma part, j'estime que le Gouvernement manque de courage sur ce point. Plutôt que de réformer l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public, afin de tenir compte des nouveaux usages - notamment l'utilisation des smartphones - et de l'évolution de notre société, comme l'ont fait nos voisins allemands ou d'autres pays qui sont sur cette voie d'intégration globale des nouveaux usages dans l'assiette des contributions au financement de leur pôle audiovisuel public, la politique est « court-termiste » et consiste à augmenter l'an prochain le montant de la redevance de deux euros supplémentaires, hors inflation. C'est un choix qui pèsera sur le contribuable à travers cette non-réforme.

D'après les informations dont je dispose, des travaux sont en cours sur cette question, qui pourrait être traitée dans le projet de loi de finances pour 2016. Mais il n'y a pas de raison objective d'attendre 2016. On entend parler de l'extension de l'assiette de la redevance depuis de nombreuses années - c'était déjà le cas dans le gouvernement auquel j'appartenais. À partir du moment où la décision de supprimer la publicité a été prise, ce qui revenait à réduire une part importante des sources de financement, la question a été posée. Il faut donc mettre le Gouvernement en face de ses responsabilités lorsque la loi de finances ne répond pas aux enjeux et aux attentes.

J'en viens plus précisément à quelques secteurs couverts par les deux missions dont je suis le rapporteur spécial. L'Agence France Presse (AFP) bénéficie d'un traitement favorable, en lien avec la mise en oeuvre de son nouveau contrat d'objectifs et de moyens qui clarifie les relations financières qu'elle entretient avec l'État, à la demande de la Commission européenne. Les performances commerciales de l'agence ont par ailleurs progressé, mais cette tendance positive doit être confirmée en 2015.

S'agissant des aides à la presse écrite, les dotations sont stables pour la plupart des aides, à l'exception de l'aide à la modernisation sociale de la presse d'information politique et générale. La réduction s'explique par l'évolution de la démographie de la population concernée. Je note par ailleurs que la seule autre dotation qui diminue est celle du fonds stratégique pour le développement de la presse. Cela me paraît paradoxal, peut-être même contestable, alors que ce fonds est présenté comme l'outil principal pour permettre à la presse de s'adapter aux évolutions du numérique.

Je voudrais également souligner l'accélération inquiétante de la disparition progressive des diffuseurs de presse, qu'il s'agisse des kiosquiers ou des maisons de la presse, notamment dans les villes moyennes, mais aussi dans les grandes villes. C'est un processus engagé sur l'ensemble du territoire. Je regrette à cet égard la non-réponse du Gouvernement face à cette évolution préoccupante. Il n'est pas possible d'avoir une ambition en matière d'aides directes à la presse sans avoir également une ambition pour la distribution, sachant par ailleurs que des tensions sociales existent et vont bientôt faire l'actualité, entre Presstalis d'une part, et les Messageries lyonnaises de presse (MLP) d'autre part. La politique publique d'accompagnement de la diffusion de la presse écrite qui répond à une mission presque institutionnelle de l'État devrait pourtant se lire dans les choix budgétaires de la mission.

En ce qui concerne les dépenses fiscales du secteur, l'extension du taux super réduit de TVA à 2,1 % aux publications de presse en ligne, adoptée en application du principe de neutralité technologique, fait peser un risque de contentieux communautaire, et donc de sanction financière en cas de condamnation.

Le soutien aux radios locales associatives demeure stable, pour la cinquième année consécutive. Dans le contexte actuel des finances publiques, cela me paraît satisfaisant, ces radios jouant un rôle fondamental de proximité, notamment dans les territoires les plus reculés. À cet égard, je relève également la préservation des crédits d'intervention déconcentrés en faveur de la politique du livre, ce qui me semble aller dans la bonne direction.

Le chantier de rénovation du Quadrilatère Richelieu, site historique de la Bibliothèque nationale de France, se poursuit et devra être surveillé avec attention. Son coût global a en effet été réévalué de 6,3 millions d'euros par rapport à la prévision initiale, pour un montant global de 218,3 millions d'euros. Il y a un dérapage, il faudra en contrôler les raisons.

S'agissant des dépenses culturelles, deux évolutions appellent plus particulièrement des commentaires. Tout d'abord, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) est transféré vers le programme 334 « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles », alors qu'il était précédemment rattaché au programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture ». Cette évolution me paraît cohérente. Le CNC est une institution fondamentale pour le dynamisme de l'industrie culturelle qu'est le cinéma. L'opérateur n'est pas mis à contribution dans le cadre de l'assainissement général des comptes publics en ce qui concerne le projet de loi de finances pour 2015. On peut s'interroger sur la doctrine du Gouvernement en matière de fiscalité affectée et notamment sur sa rationalisation équilibrée entre les différents opérateurs. Je ne prends pas de position et je ne proposerai pas d'amendements, mais il est important de noter que le CNC, qui bénéficie d'une importante fiscalité affectée et d'une trésorerie de plus de 500 millions d'euros, n'est pas contributeur à l'effort partagé de réduction des déficits publics dans le projet de loi de finances pour 2015 tel que proposé par le Gouvernement.

Enfin, le sort de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) demeure incertain. Il ne s'agit certes pas d'un enjeu budgétaire important, mais je voudrais mettre en lumière cette institution. La ministre a indiqué que ses missions ne seraient finalement pas transférées au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), mais la dotation budgétaire de 6 millions d'euros, stable par rapport à 2015, après deux années de très forte baisse, ne permet pas de considérer que cet organisme peut remplir correctement ses missions. Je rappelle que la Haute Autorité a subi une baisse de 51 % de sa subvention budgétaire en quatre ans. Dans ces conditions, il me semble que le Gouvernement doit clarifier la situation : soit il supprime la HADOPI, parce qu'il tire les conséquences des faibles crédits de fonctionnement restant pour financer cette structure indépendante dotée de 60 personnes, soit il la conserve en lui donnant les moyens de fonctionner. En tout état de cause, cette situation d'entre-deux et de non-choix n'est pas satisfaisante. Elle témoigne à tout le moins d'un manque d'ambition du Gouvernement. On peut imaginer - je me tourne en cet instant vers le rapporteur général - un partage de mission avec le CNC, qui a également vocation à accompagner la protection des créateurs et des oeuvres.

J'en viens maintenant aux organismes de l'audiovisuel public. 2015 marquera une année importante, voire cruciale, pour la plupart d'entre eux. France Télévisions, dont les moyens publics diminuent de 0,5 % par rapport à 2014, doit en effet revenir à l'équilibre financier. C'est un objectif sur lequel pèsent de fortes incertitudes, tenant notamment au caractère erratique de ses ressources publicitaires. Dans ces conditions, l'entreprise publique devra poursuivre avec détermination la réforme entamée en 2013. Le processus d'élaboration du prochain contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2016-2020 se met par ailleurs en place, différents groupes de travail ayant été nommés. Ce document devra en particulier trancher la question de l'avenir de France 3.

France Médias Monde bénéficiera d'une hausse de sa dotation, en cohérence avec le contrat d'objectifs et de moyens signé en avril 2014. La réalisation des objectifs de ce document stratégique a été perturbée par la réduction imprévue des crédits dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2014. À cet égard, je souhaite insister sur la nécessité pour l'État de respecter ses engagements contractuels. C'est une question de crédibilité pour lui et de continuité de politiques publiques. Les sociétés concernées ont besoin d'un minimum de visibilité sur leurs ressources. Cela n'enlève rien au constat qu'elles doivent de leur côté poursuivre les efforts et réformes engagés pour réduire leurs dépenses.

Arte France bénéficiera également d'une légère hausse de sa dotation, après deux années de baisse. Le groupe se distingue depuis deux ans par la réussite de sa stratégie de reconquête de l'audience et de développement du numérique, et par sa capacité à maîtriser ses charges de fonctionnement. Il faudra donc confirmer en 2015 ce qui est considéré comme des bons résultats.

Radio France bénéficiera d'une dotation stable par rapport à 2014. Il lui faudra mettre en oeuvre le plan stratégique du nouveau président visant, je cite, à « adapter l'entreprise aux exigences d'une audience qui doit se renouveler et aux impératifs induits par le digital ». Il faudra par ailleurs analyser, en termes de performance, l'impact de l'ouverture du nouvel auditorium à l'automne 2014 qui permettra normalement d'augmenter la fréquentation des concerts, alors que la Philharmonie de Paris ouvrira ses portes début 2015. Il y a là une politique publique ambitieuse sur laquelle exercer un suivi.

Enfin, l'Institut national de l'audiovisuel (INA) retrouvera en 2015 un niveau de dotation comparable à celui de 2013, après une année 2014 marquée par une ponction de 20 millions d'euros sur son fonds de roulement, ce qui l'a contraint à annuler son projet immobilier. Le prochain contrat d'objectifs et de moyens, en cours de négociation, devra donc définir un nouveau projet immobilier susceptible de garantir la préservation des collections dans les meilleures conditions. La nouvelle présidente, nommée au printemps 2014, ambitionne de renforcer les ressources propres de la société. Il sera donc intéressant d'étudier la performance de l'INA à cet égard en 2015.

Je précise que l'Assemblée nationale a examiné le 30 octobre les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », et qu'elle les a adoptés sans modification.

En conclusion, je dirais que ce budget manque d'ambition - en tout cas, il ne traite pas avec courage les problématiques d'avenir sur les différents thèmes et sujets. Que ce soit pour l'accompagnement de la presse dans son processus de modernisation et de restructuration, que ce soit dans le cadre de la réforme du financement de l'audiovisuel public ou de la protection des droits de propriété intellectuelle, nous restons au milieu du gué.

Je vous propose donc de ne pas adopter les crédits de la mission et du compte de concours financiers.

En outre, l'Assemblée nationale a adopté deux articles rattachés à la mission « Médias, livre et industries culturelles » à l'initiative du Gouvernement, avec l'avis favorable de la commission des finances.

Ce sont des dispositions purement formelles qui visent à décaler la date d'entrée en vigueur des mesures adoptées dans la loi de finances rectificative de décembre 2013, relatives à l'extension et au renforcement du crédit d'impôt jeux vidéo. Je rappelle que cette dépense fiscale vise à doper le secteur dans sa partie développement industriel. Aux termes de la loi, les mesures votées en décembre 2013 devaient entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2015.

Ces dispositions correspondent à une aide d'État qui procure un avantage concurrentiel et doivent à ce titre préalablement être notifiées à la Commission européenne ; elles requièrent son autorisation pour être appliquées. Or, le Gouvernement ne les a notifiées que cet été, ce qui témoigne d'un manque de diligence, sachant que la loi a été adoptée fin décembre 2013. La Commission n'a pas encore statué, ce qui rend difficilement envisageable l'entrée en vigueur de ces dispositions dès le 1er janvier 2015. Les deux articles rattachés tirent les conséquences de cette situation.

Je vous propose néanmoins d'adopter ces deux articles sans modification car les mesures adoptées l'an dernier sur le crédit d'impôt jeu vidéo ont vocation à raffermir la compétitivité de notre industrie culturelle et il me paraît important, à ce titre, qu'elles puissent entrer en vigueur dans les meilleurs délais. Ne rajoutons pas, en repoussant les dispositions votées par l'Assemblée, une complexité supplémentaire.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je remercie le rapporteur spécial d'avoir souligné les enjeux de cette mission qui est sans doute celle qui est la plus marquée par les évolutions technologiques, qu'il s'agisse du secteur du livre ou de celui de la presse. Il est vrai que nos dispositifs d'aides à la presse, de TVA à taux réduit, de perception de la redevance, sont sans doute devenus un peu obsolètes par rapport à ces évolutions technologiques. De ce point de vue, je suis d'accord sur le fait que ce budget manque de courage.

Le rapporteur spécial nous invite à rejeter les crédits de la mission et je le suivrai. Il n'est donc pas possible de déposer à présent un amendement sur la HADOPI, mais je proposerai sans doute un dispositif en vue de la séance. Il faut en effet être clair : soit on considère que le téléchargement illégal doit être traité par un autre organisme ou que ce n'est pas un enjeu, soit on dote la HADOPI de crédits nécessaires. On ne peut pas être dans un non-dit qui consiste à baisser les crédits de la Haute Autorité au point qu'elle ne puisse plus remplir les missions pour lesquelles elle a été créée. Mon futur amendement visera à faire clarifier la position du Gouvernement quant à ces enjeux majeurs que sont la lutte contre le téléchargement illégal et le développement parallèle d'une offre légale.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Je voudrais réagir sur deux points, la HADOPI et le financement de France Télévisions. La HADOPI a été au coeur d'un combat politique dont elle subit encore aujourd'hui les conséquences. Le rapport Lescure avait proposé de transférer ses compétences au CSA. La ministre a indiqué que ce n'était plus d'actualité. Il faut donc clarifier la situation de la HADOPI. Pour ma part, je l'ai toujours soutenue. Ce n'est pas un gendarme, mais un pédagogue. Depuis sa création, elle a envoyé 3,5 millions de premières recommandations et 359 092 secondes recommandations. En outre, la commission de protection des droits de la Haute Autorité a rendu 1 339 délibérations. Seuls 124 dossiers ont fait l'objet d'une transmission aux procureurs de la République, ce qui a donné lieu à 25 décisions de justice. Nous constatons dans les auditions que nous menons que l'aspect pédagogique fonctionne, notamment chez les jeunes. À notre avis, il faut soutenir cette lutte contre le piratage, ne serait-ce que par pédagogie. Si la commission des finances proposait un renforcement des moyens de la HADOPI, j'y serais extrêmement favorable car, en l'état actuel, elle ne peut plus tenir ses missions.

Sur le financement de France Télévisions, il est temps d'étendre l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public. Il y aura un « effet de ciseaux » le jour où le téléviseur unique dans les maisons disparaîtra et que l'on regardera les images animées uniquement sur les autres types d'écrans. Il faudrait qu'assez rapidement nous ayons le courage d'asseoir la contribution sur l'ensemble des écrans, même si la formule à trouver n'est pas simple. Personnellement, je suis favorable à la fin de la subvention de l'État à France Télévisions pour une question d'indépendance de l'audiovisuel public. Et il faudra que la contribution à l'audiovisuel public assure le financement de ce service public dont il faudra bien définir les missions.

M. Roger Karoutchi. - Je suis un peu réticent à l'idée d'augmenter la contribution au gré des besoins de France Télévisions. France télévisions ne devrait-elle pas plutôt faire quelques économies ? Il y a eu récemment une polémique sur le fait qu'une des chaînes du service public faisait 0 % d'audience. La question s'est posée pour savoir si ce 0 % représentait 10 ou 100 téléspectateurs... Avant de savoir s'il faut augmenter la contribution ou son assiette, n'y a-t-il pas une question à se poser sur le périmètre du service public et de son offre ? La BBC, qui est en meilleure santé que France Télévisions, a supprimé une chaîne. Est-il bien sérieux de garder toutes ces petites radios ou chaînes qui ne font que très peu d'audience ? Les chaînes du câble ferment lorsqu'il n'y a pas assez de ressources, pas assez de spectateurs. Seul le service public pourrait continuer de s'étendre, de créer des chaînes de radio, de télévision, de ne pas avoir de spectateurs ou d'auditeurs et de bénéficier de la contribution ? Est-ce possible ?

M. Maurice Vincent. - Je ne partage pas l'appréciation générale de manque de courage de notre rapporteur spécial que je trouve sévère. On peut être en désaccord sur les modalités, mais on ne peut taxer un Gouvernement de manquer de courage quand il procède à des ajustements financiers, dès lors qu'il a arrêté une politique ambitieuse en matière d'audiovisuel public. Sur la HADOPI, les chiffres cités posent réellement question. Faut-il acter l'échec une bonne fois pour toutes de ce type d'institution et de procédures qui mobilisent des moyens conséquents pour arriver à des résultats limités en nombre d'actions concrètes ? On peut en effet imaginer que l'aspect pédagogique puisse être mené au sein d'autres institutions. Je pense pour ma part qu'il faut acter l'échec de cette stratégie et réfléchir à d'autres approches pour maîtriser les risques du téléchargement illégal.

Enfin, je souhaiterais réagir sur un point qui est peu évoqué dans le rapport, mais qui est fortement ressenti, me semble-t-il, en province. C'est le coût, en période de pénurie budgétaire, d'un certain nombre de chantiers culturels dans la capitale et de leurs dérapages, en particulier la Philharmonie de Paris.

Mme Michèle André, présidente. - Cela relève de la mission « Culture ». Notre ancien collègue Yann Gaillard qui s'occupait de cette mission avait fait un remarquable rapport sur la Philharmonie de Paris qui doit être encore d'actualité.

M. Jean Germain. - On peut attendre du rapporteur général une proposition d'augmentation ou d'extension de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public. On a choisi de faire peser la contribution sur un poste de télévision par foyer. Ensuite, il y a eu des tentations de l'étendre aux résidences secondaires. À partir du moment où il y a de la télévision connectée, il est bien évident que ce n'est plus forcément la détention d'un appareil de télévision qui indiquera que l'on suit un programme de télévision. Il ne s'agit pas de faire preuve de courage, mais d'essayer de se tenir un minimum à la page de ce qui se passe. Mais ce n'est pas si simple. En Allemagne qui a été citée comme exemple, la réforme a été suspendue fin 2013 en raison des protestations contre ce qui a été perçu comme la transformation de la redevance en taxe. Je précise que leur niveau de redevance est équivalent à la nôtre, à 13,80 euros par mois.

Pour la BBC, c'est le même sujet, même s'ils ont des moyens de contrôle plus importants. Tout le monde est conscient du problème et il faut arriver à se mettre d'accord pour que le courage soit partagé. Par ailleurs, acte-t-on à tout jamais l'absence de publicité à partir de certaines heures ? On passe ici du courage aux religions révélées. Quelle est la personne qui a décidé une fois pour toutes qu'il n'y aurait plus jamais de publicité, y compris sur l'audiovisuel public ? On ne peut décider en France de rester à l'écart de tout. À mon avis, la question de la publicité devra être rediscutée.

M. Michel Bouvard. - J'observe l'apparition du nouveau programme 847 « TV5 Monde », à côté du programme 844 « France Médias Monde ». Or je pensais que TV5 Monde participait à la présence médiatique et audiovisuelle internationale de la France. Nous avons un rapport encore récent de Jacques Attali sur la francophonie, nous nous efforçons de développer une politique de la francophonie, nous avons créé une chaîne d'information France 24 qui est légitime. Il faudra bien à un moment donné, dans une période budgétaire difficile, se poser le problème de la coordination de tout cela et de l'implication de TV5 Monde dans cette stratégie d'ensemble. Nous ne sommes pas tous seuls dans TV5 Monde. Il serait bon que cela nous inspire pour réfléchir à l'ouverture des autres médias à des pays contributeurs dans le cadre de la francophonie. Je suis déçu de constater la logique de cloisonnement avec laquelle sont traités TV5 Monde et France Médias Monde et le refus de traiter globalement l'audiovisuel extérieur.

M. Jean-Claude Boulard. - Je crois que nous ne pouvons pas faire l'impasse sur la recherche d'économies dans un secteur qui n'arrête pas de nous donner des leçons en la matière. Le monde de l'audiovisuel, et notamment de l'audiovisuel public, ne donne pas l'exemple. Je vous propose de regarder les organigrammes. Le nombre de chefs, de sous-chefs, de directeurs, de sous-directeurs, est hallucinant ! Je ne parle pas du nombre de cameramen car il faut maintenir les acteurs de terrain. Il est légitime que la commission des finances du Sénat interpelle ces gens, qui sont selon moi presque en tête des donneurs de leçon sur la nécessité de donner l'exemple par les temps qui courent.

M. François Baroin, rapporteur spécial. - Les problèmes soulevés sont au moins du niveau d'un ministre de la culture, peut-être plus ! Sur la question du nombre trop élevé du chaînes, les exemples comparés en Italie, en Allemagne, et singulièrement en Grande-Bretagne, montrent qu'il est possible de faire des économies en conservant sa part de marché, qui est la problématique centrale, qu'on soit une télévision privée ou publique. Dans le système concurrentiel actuel, il faudra a contrario faire la démonstration que supprimer des chaînes publiques permet au « vaisseau amiral » de la télévision publique de récupérer ses parts de marché. Je rappelle que le contrat d'objectifs et de moyens actuel prévoit une trajectoire d'économies sur la période 2013-2015. Dans ce cadre, France Télévisions s'est engagé à réduire son budget de fonctionnement et ses dépenses de personnel, le nombre de postes étant passé de 10 490 équivalents temps plein (ETP) en 2012 à 10 120 en 2013. L'objectif est de ramener le nombre d'ETP à 9 750 fin 2015. Parallèlement, l'entreprise a entrepris une lutte contre la précarisation, en prenant en compte la problématique des intermittents. Il reste encore malgré tout certainement des marges de manoeuvre au niveau des sources d'économies.

Taxer le Gouvernement de « manque de courage » peut paraître à certains un peu fort, mais permet de faire réfléchir les acteurs concernés. Sur la HADOPI, je ne pense pas qu'on puisse en acter l'échec sans en avoir transféré les compétences au CSA, il en avait été question il y a un an. J'ajoute que le modèle HADOPI sert d'élément de référence à l'étranger, y compris aux États-Unis aujourd'hui. Pour sortir d'un référentiel libéral et anglo-saxon, ils se sont tournés vers de vieux pays producteurs de droit comme les nôtres. Ils observent en particulier ce qu'a fait la France en matière de protection de la diffusion des oeuvres et des droits de propriété intellectuelle sur Internet pour s'en inspirer. J'ajoute que la HADOPI est également un centre de recherche et de réflexion sur des logiciels qui permettraient d'avancer sur une meilleure protection des auteurs. Elle mène notamment des travaux sur une rémunération proportionnelle du partage des oeuvres sur Internet.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » et d'adopter sans modification les articles 56 quinquies et 56 sexies.

Loi de finances pour 2015 - Mission « Outre-mer » (et article 57) - Examen du rapport spécial

Enfin, la commission procède à l'examen du rapport de Mme Teura Iriti et M. Georges Patient, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Outre-mer »

M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Avec près de 2,7 millions d'habitants, les territoires ultramarins rassemblent plus de 4 % de la population française. Par leur situation géographique, leur niveau de développement et leur population, les outre-mer - il me semble préférable d'employer le pluriel - ne constituent pas un ensemble homogène.

Or, malgré leur diversité de cultures, les territoires ultramarins sont confrontés à une même situation de crise, avec un dénominateur commun : l'urgence.

Une urgence sociale, tout d'abord. Une étude récente de l'agence française de développement (AFD) souligne ainsi que l'indice de développement humain des territoires d'outre-mer est significativement plus faible que celui de l'hexagone. Le retard de développement de ces territoires s'élèverait, selon l'AFD, à une vingtaine d'années en moyenne.

Cette urgence sociale se double d'une urgence économique. Selon les chiffres de l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), le produit intérieur brut par habitant s'élevait en 2005 à 19 349 euros dans les quatre départements d'outre-mer, contre 31 420 euros dans l'hexagone. Par ailleurs, le taux de chômage en outre-mer est très élevé. Il représente ainsi plus du double de celui de l'hexagone et touche plus particulièrement les jeunes.

C'est pourquoi, je me félicite que le budget de la mission « Outre-mer » soit préservé en 2015.

En effet, avec un peu plus de 2 milliards d'euros en autorisation d'engagement comme en crédits de paiement, la mission « Outre-mer » fait partie des rares missions dont les crédits augmenteront sur l'ensemble de la programmation triennale 2015-2017.

Plus de 90 millions d'euros supplémentaires seront ainsi consacrés, sur les trois prochaines années, aux deux programmes de la mission « Outre-mer », le programme 138 « Soutien à l'emploi outre-mer » et le programme 123 « Amélioration des conditions de vie outre-mer ». En 2015, les crédits de la mission seront relativement stables. Ils progresseront de 0,39  % en crédits de paiement et diminueront de 0,7 % en autorisations d'engagement, hors mesure de périmètre.

Ce budget traduit donc à la fois une volonté de l'État de répondre à cette urgence économique et sociale, mais il traduit aussi la participation de la mission « Outre-mer » à l'effort de réduction des dépenses publiques. Je citerai comme exemples le recentrage des exonérations de charges intervenu en 2014 et qui devrait produire ses pleins effets en 2015, la diminution de 5 % des crédits de fonctionnement du ministère, la suppression ou la réforme de plusieurs dispositifs d'aide en 2015.

Le budget de la présente mission est avant tout un budget de soutien. Il est constitué à près de 90 % de dépenses d'intervention. Le dispositif de compensation des exonérations de charges aux organismes de sécurité sociale représente ainsi à lui seul plus de la moitié des crédits de paiement de la mission.

Je rappelle cependant que la mission « Outre-mer » ne représente qu'une part minoritaire de l'effort de l'État en faveur des territoires ultramarins. L'effort global est porté par 85 programmes relevant de 26 missions auxquels s'ajoutent les prélèvements sur recettes. Il atteindra, en 2015, 14,25 milliards d'euros. Il convient cependant de noter, que hors dépenses de personnel, le montant des autorisations d'engagement consacrées à l'outre-mer diminue de 0,6 % en 2015, après une diminution de 2,8 % en 2014. La hausse des crédits globaux en faveur des territoires ultramarins est, par conséquent, essentiellement imputable à une hausse des dépenses de personnel qui atteindra, en 2015, 7,26 milliards d'euros.

Je conclurai en rappelant que, selon la Fédération des entreprises d'outre-mer (FEDOM), l'effort de l'État en faveur des onze territoires ultramarins s'élève à 5 194 euros par habitant, contre 5 668 euros pour l'hexagone.

Chers collègues, vous l'aurez tout de même compris, je suis favorable à l'adoption des crédits de cette mission et de l'article 57 rattaché sans modification.

Mme Teura Iriti, rapporteure spéciale. - Comme l'a souligné Georges Patient, le budget consacré à l'outre-mer ne représente que 0,5 % du budget de la nation, alors que la population ultramarine rassemble plus de 4 % de la population française.

S'agissant du soutien aux entreprises, je m'associe à la demande de l'intergroupe parlementaire des outre-mer visant à majorer le taux du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) dans certains secteurs prioritaires. En effet, contrairement à ce que j'entends souvent, la misère n'est pas moins pénible au soleil ! En tant qu'élus des outre-mer, nous nous devons donc d'être les porte-paroles de ces populations qui connaissent d'importantes difficultés. Ainsi, comme l'a rappelé Georges Patient, le taux de chômage en outre-mer représente le double de celui de métropole.

Le service militaire adapté (SMA) est un instrument utile et efficace, mais il ne peut constituer une réponse suffisante aux besoins, compte tenu du nombre limité de jeunes concernés. Je rappelle ainsi que le SMA ne concernera en 2016 que 6 000 volontaires. Or, plus d'un quart des jeunes ultramarins sont aujourd'hui au chômage, soit environ 180 000 personnes.

Je me félicite du dispositif « Duflot-Pinel » en faveur de la construction de logements intermédiaires dans les outre-mer. En effet, de nombreuses personnes, notamment jeunes, ont un emploi mais ne parviennent pas à quitter le domicile parental en raison du coût des loyers ou des conditions trop restrictives pour obtenir un logement social. Il est, par conséquent, important d'apporter un soutien aux ménages des classes moyennes.

S'agissant du soutien aux collectivités ultramarines, je prends acte du fait que les financements des contrats de plan État-régions seront maintenus à un niveau identique pour la prochaine génération de contrats. Je constate cependant que les crédits en faveur du contrat de la Polynésie française diminueront en 2015. La ministre des outre-mer m'a toutefois indiqué qu'un réajustement en cours d'année serait accordé si la consommation des crédits devait dépasser les prévisions.

Pour conclure, je souhaiterais rappeler qu'il ne faut pas confondre égalité et équité.

La stabilisation du budget en faveur des outre-mer en 2015 constitue la contribution de ces territoires à l'effort de la nation. Aussi, je vous propose de voter les crédits de cette mission en espérant que l'ensemble des observations portées par l'intergroupe parlementaire des outre-mer seront entendues.

M. Didier Robert, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Il me semble exagéré de parler d'une augmentation des crédits de la mission « Outre-mer », alors qu'il ne s'agit que d'une stagnation. Certes, le contexte budgétaire est dégradé mais, comme l'ont souligné nos collègues, les écarts entre l'hexagone et les outre-mer restent immenses. Une augmentation des crédits de la mission de 0,39 % ne représente, en réalité, qu'une dépense supplémentaire de 6 millions d'euros, soit 2,22 euros par habitant.

J'ajoute que des choix ont été faits qui remettent en cause certains dispositifs de cohésion sociale.

S'agissant du logement social, le projet de budget prévoit une stabilisation des crédits de la ligne budgétaire unique. Je me pose néanmoins la question de la pertinence de l'affectation de ces crédits vers le logement social et la construction de logements neufs uniquement. Cela laisse de côté la question de la résorption de l'habitat insalubre alors que, je le rappelle, entre 60 000 et 70 000 logements en outre-mer sont concernés.

Par ailleurs, la réforme de l'aide à la continuité territoriale se traduira par une diminution de crédits de 10 millions d'euros. Je considère, avec d'autres élus, que la continuité territoriale est un droit. Je regrette donc certains propos qui ont été tenus et qui me paraissent excessifs. Il me semble, pour ma part, que l'on ne peut pas parler d'une « explosion » du coût de ce dispositif en quatre ans alors que la dépense n'a crû que de 7 millions d'euros pour l'ensemble des outre-mer. Par ailleurs, la dépense de l'État est ciblée sur les populations les moins favorisées.

Enfin, je crains que la dotation dont bénéficiera le fonds exceptionnel d'investissement (FEI), qui s'élèvera à 40 millions d'euros en 2015, ne permette pas de respecter l'engagement du Président de la République de doter ce fonds de 500 millions d'euros sur la durée du quinquennat.

M. Michel Bouvard. - Les rapporteurs spéciaux pourraient-ils nous expliquer l'importante augmentation de la dépense en faveur du passeport-mobilité études, dont les crédits progresseront de 16 % en 2015. Cette augmentation est-elle due au paiement par l'État de restes à charge vis-à-vis des compagnies aériennes ou à un élargissement de périmètre ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Il s'agit essentiellement d'une mesure de périmètre. Mais cette augmentation traduit aussi une réorientation des crédits entre les différents dispositifs de continuité territoriale. Les moyens seront concentrés sur le passeport-mobilité études, qui bénéficie aux jeunes, plutôt que sur l'aide à la continuité territoriale.

À l'issue de ce débat, la commission des finances décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Outre-mer » et de l'article 57 rattaché.

Mercredi 5 novembre 2014

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 30

Bonus-malus automobile - Désignation d'un co-rapporteur

Au cours d'une première séance tenue le matin, la commission désigne tout d'abord Mme Marie-Hélène Des Esgaulx co-rapporteur sur la proposition de loi n° 802 (2013-2014) relative à la prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d'oxydes d'azote et à la transparence pour le consommateur des émissions de polluants automobiles.

Loi de finances pour 2015 - Examen des principaux éléments de l'équilibre - Tome I du rapport général

Puis la commission procède à l'examen des principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2015, sur le rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - En présentant la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, je m'étais attardé sur l'analyse de la trajectoire de solde public à moyen et long termes, et notamment de sa composante structurelle, ainsi qu'aux prévisions macroéconomiques. Je m'intéresserai aujourd'hui plus particulièrement au déficit effectif, en le comparant à l'exécution des lois de finances pour 2013 et 2014.

Depuis le programme de stabilité d'avril 2014, le Gouvernement a revu ses hypothèses de croissance et d'inflation pour 2015, qui passent de 1,7 % et 1,5 % à 1 % et 0,9 %. À en croire le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) et la Commission européenne, ces chiffres restent trop optimistes. Le premier juge « plausible » la prévision d'inflation, mais « optimiste » l'anticipation de progression du PIB ; la seconde, quant à elle, a annoncé qu'elle prévoyait, pour la France, une croissance de 0,7 %.

La croissance devant s'établir autour de 0,4 % en 2014, il faudrait, pour atteindre une progression de 1 % en 2015, que l'activité redémarre rapidement et durablement. À cet égard, le scénario du Gouvernement prévoit, tout d'abord, une hausse du commerce mondial de 5,1 % ; toutefois, la prévision de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) n'est que de 4 %. Les effets du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité et de solidarité pourraient être plus limités que prévu. Les incidences du CICE tant sur l'investissement des entreprises que sur l'emploi sont encore difficiles à déterminer à ce jour. Quant à la consommation, ni le taux d'épargne élevé, ni la situation du marché du travail ne laissent envisager une hausse rapide. Par ailleurs, l'indice synthétique de l'Insee sur le climat des affaires fait apparaître une dégradation au cours des derniers mois, qui ne laisse guère présager de rebond avant la fin de l'année, ni même l'an prochain. Même, les résultats d'une enquête menée par le cabinet de conseil Bain montre un net recul de l'attractivité de la France auprès des investisseurs américains.

En loi de finances initiale, un article liminaire présente l'évolution du solde structurel par rapport à la trajectoire prévue. En 2015, le solde structurel serait de - 2,2 % du PIB, pour un solde public effectif de - 4,3 % du PIB. La France affiche l'un des déficits les plus élevés de la zone euro ! La prévision de solde structurel pour 2015 comme la trajectoire de solde pour la période 2014-2019 sont déjà dépassées puisque le Gouvernement a annoncé, il y a quelques jours, un ajustement supplémentaire en 2015. Aucune des recommandations du Conseil de l'Union européenne, dans le cadre de la procédure de déficit excessif, n'a été respectée, d'où les récents échanges de lettres entre Paris et Bruxelles dans le cadre de la procédure instituée par le Two Pack. La première phase est passée, mais il faut, malgré tout, s'attendre à ce qu'un avis sévère soit rendu à la fin du mois de novembre par la Commission européenne. Pour l'heure, le Gouvernement s'est borné à annoncer, dans un courrier du 27 octobre à la Commission, un ajustement structurel supérieur à 0,5 point de PIB en 2015. En quoi consiste l'effort supplémentaire de 3,6 milliards d'euros envisagé ? Nos seules informations sont puisées dans les journaux. Je rappellerai à Michel Sapin, qui vient cet après-midi devant notre commission, que le Parlement devrait être informé et lui demanderai des évaluations chiffrées des mesures envisagées. Quoi qu'il en soit, la trajectoire 2014-2019 est déjà périmée.

La plus grosse partie du programme d'économies de 50 milliards d'euros pour la période 2015-2017 s'appliquera en 2015 ; sur un total de 21 milliards d'euros, l'État et ses agences réaliseraient un effort en économies de 7,7 milliards d'euros, les collectivités territoriales, de 3,7 milliards d'euros et les administrations de sécurité sociale, de 9,6 milliards d'euros.

L'évolution des recettes de l'État résulte de celle de trois grands ensembles : les recettes fiscales nettes, soit les recettes fiscales desquelles sont déduits les remboursements et dégrèvements, les dépenses fiscales et, enfin, les recettes non fiscales, comme les dividendes issus des participations de l'État. Pour 2014, d'après l'estimation révisée du projet de loi de finances pour 2015, les recettes fiscales nettes se seraient élevées à 273 milliards d'euros, soit 11 milliards d'euros de moins que prévu en loi de finances initiale. Cet écart est-il dû à un excès d'optimisme ? À une dégradation de la conjoncture ? Je crois qu'il résulte aussi des hausses d'impôts successives, qui ont fini par engendrer ce que Pierre Moscovici lui-même a appelé un « ras-le-bol fiscal ». Les hausses ne produisent plus le rendement attendu. Ainsi, s'agissant par exemple des cotisations sociales des particuliers employeurs, la suppression du système de forfait au décompte des heures réelles s'est traduite par une baisse de 8 % de leur produit dès le trimestre suivant.

Pour 2015, le Gouvernement escompte une progression de 5,6 milliards d'euros des recettes fiscales. D'où proviendrait-elle ? Certaines hausses d'impôts déjà votées entreront en vigueur. À l'inverse, la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu et la réforme de la décote coûteront 2,7 milliards d'euros ; de même, la hausse du coût des contentieux fiscaux est estimée à 800 millions d'euros. La plus grande part de l'augmentation des recettes fiscales est portée par l'évolution spontanée : or, la progression des recettes de 4,8 milliards d'euros grâce à la croissance me paraît des plus douteuses : si la croissance n'est que de 0,7 %, compte tenu de la forte élasticité prévue des recettes à la croissance, le manque à gagner en recettes serait de l'ordre de 4 milliards d'euros.

Le produit de tous les « grands » impôts devrait augmenter en 2015, à l'exception de celui de l'impôt sur les sociétés (IS) en raison de la montée en charge du crédit d'impôt compétitivité et emploi (CICE). Selon ce scenario optimiste, la TVA devrait rapporter 142,6 milliards d'euros, contre 137,8 milliards d'euros en 2014. Le produit de l'impôt sur le revenu (IR) augmenterait également malgré la suppression de la première tranche et la réforme de la décote. L'impôt sur le revenu a spectaculairement crû depuis 2011 : de 51,5 milliards d'euros à 69,5 milliards d'euros l'an prochain, soit une hausse de 35 % ! En aucun cas cette hausse n'accompagne celle de la richesse en France.

Cette évolution résulte de plusieurs mesures, parmi lesquelles : la fiscalisation des heures supplémentaires, la soumission des revenus du capital au barème progressif de l'impôt sur le revenu, les abaissements successifs du quotient familial et la suppression de dépenses fiscales en faveur des salariés et des retraités. La réforme de l'impôt sur le revenu coûtera 3,2 milliards d'euros, dont 500 millions d'euros pour la suppression de la première tranche.

Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, demandé par notre commission à l'initiative de François Marc et Philippe Marini et relatif à la fusion de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée, nous sera présenté en janvier prochain. L'impôt sur le revenu, en particulier, est mité par de multiples dépenses fiscales. Très progressif, il est payé par un nombre de plus en plus réduit de contribuables : le journal Le Monde indiquait ainsi que 75 % des hausses récentes ont été payées par 20 % des ménages.

Les dépenses fiscales, au nombre de 453, augmenteront de près de 3 milliards d'euros : elles coûteront 81,9 milliards d'euros en 2015, contre 78,9 milliards d'euros en 2014. Cette évolution reflète la montée en puissance du CICE. Dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques qui sera examiné demain, en séance publique, la commission a adopté un amendement limitant à quatre ans et soumettant à une évaluation plus systématique toute nouvelle dépense fiscale. Le plafonnement des dépenses fiscales hors CICE prévu dans la loi de programmation des finances publiques 2012-2017 conduit à ce que les autres dépenses fiscales, hors crédit d'impôt recherche (CIR), diminuent d'environ 2 milliards d'euros.

Quant aux recettes non fiscales, certaines, provenant de la vente d'actifs et retracées dans les comptes d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et « Participations financières de l'État », ne peuvent financer les dépenses courantes de l'État, comme le prévoit la LOLF s'agissant des participations financières de l'État.

Si on met à part ces recettes non fiscales provenant de la vente d'actifs, les autres recettes non fiscales sont composées de divers agrégats, comme par exemple les produits du domaine, les amendes... Elles incluent notamment les dividendes, qui constituent 40 % des recettes non fiscales du budget général de l'État. Au total, les recettes non fiscales diminueraient de 340 millions d'euros en 2015 par rapport à l'évaluation révisée pour 2014, principalement du fait de la baisse des recettes issues des dividendes.

Les dépenses totales de l'État devraient s'élever à 372,9 milliards d'euros en 2015, contre 379,1 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale pour 2014. Sur un périmètre plus restreint, celui des dépenses des ministères et des opérateurs, l'estimation pour 2015 est de 208,6 milliards d'euros, contre 210,4 milliards d'euros en loi de finances pour 2014. Ces dépenses diminueraient donc de 1,8 milliard d'euros en valeur, soit une baisse par rapport au tendanciel de 7,2 milliards d'euros.

Les crédits peuvent être présentés par destination, ce qui correspond à une approche par mission, ou par nature, c'est-à-dire par titre : dépense d'investissement, dépense de personnel...

L'analyse par mission fait ressortir que la mission la plus importante est la mission « Enseignement scolaire », dotée de 66,4 milliards d'euros. Suivent la mission « Engagements financiers de l'État », avec 45,2 milliards d'euros, c'est-à-dire la charge de la dette - ce poste est donc sensible à la variation des taux d'intérêt - puis les budgets de la défense, de la recherche et de l'enseignement supérieur... L'analyse par nature de la dépense permet de noter que les crédits de personnel représentent 30 % des dépenses, de même que les crédits d'intervention. Les dépenses d'investissement se situent à 2,1 % seulement : ce chiffre est vraiment frappant.

L'État investit très peu et l'essentiel de l'investissement public est porté par les collectivités territoriales. Attention, donc, à ne pas trop diminuer leurs dotations ! Et ce d'autant plus que l'investissement devient une variable d'ajustement pour l'État.

Le plan d'économies de 50 milliards d'euros annoncé par le Gouvernement concerne aussi bien l'État (19 milliards d'euros) que les collectivités territoriales (11 milliards d'euros d'économies) et les administrations de sécurité sociale (20 milliards d'euros d'économies). En 2015, l'État devra dégager 1,4 milliard d'euros d'économies dans ses dépenses de personnel, 2,4 milliards d'euros dans ses dépenses d'intervention, 2,1 milliards d'euros dans ses autres dépenses et il devra réduire de 1,8 milliard d'euros les dépenses de ses opérateurs. Il faut noter que le taux de mise en réserve est augmenté à 8 % dans le projet de loi de finances pour 2015. Dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques, nous avons voulu encadrer le taux de mise en réserve en prévoyant un plafond et un plancher, j'y reviendrai. Les réformes qui sous-tendent ces économies ne sont pas toutes détaillées : si certaines, comme les prélèvements sur des fonds de roulement, ne présentent guère d'aléa, d'autres, comme la réduction des dépenses d'intervention et de fonctionnement, sont encore floues, faute de précisions du Gouvernement sur les sources d'économies. D'où l'augmentation à 8 % du taux de mise en réserve des crédits.

Le plafond global des taxes affectées diminue de 309 millions d'euros à périmètre constant. Sur 1,1 milliard d'euros d'économies au titre des ressources affectées aux opérateurs, 780 millions d'euros sont liés à des contributions exceptionnelles : 500 millions d'euros seraient prélevés sur les fonds de roulement des chambres de commerce et d'industrie, 175 millions d'euros sur ceux des agences de l'eau, pendant trois ans, 45 millions d'euros sur les chambres d'agriculture et 60 millions d'euros sur le Centre national de la cinématographie (CNC). Si ces diminutions sont peut-être justifiées pour certains organismes, elles ne sont pas pérennes et ne s'accompagnent d'aucune réforme structurelle : il s'agit de simples coups de rabot pour assurer le bouclage du budget.

Les collectivités territoriales devront dégager 3,7 milliards d'euros d'économies, 1,45 milliard d'euros pour les communes, 621 millions d'euros pour les intercommunalités, 1,1 milliard d'euros pour les départements et 500 millions d'euros pour les régions.

L'État réduit légèrement ses effectifs, mais cette réduction masque des disparités selon les missions. Les créations de postes sont concentrées sur quelques ministères, principalement l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et la recherche, l'intérieur et la justice. Le ministère de la défense compensera, à lui seul, 85 % des créations d'emplois dans l'éducation nationale en 2015, ce qui, dans le contexte international actuel, me semble inquiétant. Le gel prolongé du point d'indice et une réduction inédite des mesures catégorielles, qui sont presque exclusivement destinées aux fonctionnaires les moins bien payés, entraîneront un tassement de la grille salariale qui devient préoccupante car elle dégrade l'attractivité de la fonction publique.

Les crédits correspondant aux prestations et transferts ont continument augmenté depuis dix ans, quand la part des crédits d'investissement, déjà faible, n'a fait que se réduire. Elle diminuera encore de 14 % en 2015. À cet égard, la diminution des dotations aux collectivités territoriales n'augure rien de bon : nous attendons avec impatience le rapport de Charles Guené et ses collègues au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales.

M. Charles Guené. - Nos conclusions seront rendues le 12 novembre.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Le Gouvernement reconnaît que la baisse des dotations aura un impact sur le niveau de l'investissement. Or, le recul de l'investissement ne peut qu'avoir un effet récessif, surtout dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.

Le solde budgétaire de l'État est estimé à - 75,7 milliards d'euros pour 2015. Ce déficit doit être financé, de même que les dettes qui sont arrivées à échéance, pour environ 120 milliards d'euros et qu'il faut reconduire en empruntant - tel le sapeur Camembert ! Le besoin de financement total de l'État devrait ainsi s'élever à 196,6 milliards d'euros en 2015. L'agence France Trésor peut également procéder à des rachats anticipés de dette afin de tirer parti de la faiblesse actuelle des taux. La plus grande part de celui-ci sera couverte par l'émission de dette, pour 188 milliards d'euros.

Depuis 2013, le solde budgétaire se dégrade - même si certaines présentations peuvent faire accroire qu'il s'améliore grâce à des « effets d'optique ». Cela résulte davantage d'une mauvaise perception des recettes que d'un manque de maîtrise des dépenses, je le reconnais. Optimisme excessif, dégradation de la conjoncture ou ras-le-bol fiscal : le résultat est une baisse de plus de 5 milliards d'euros du rendement des impôts, malgré l'augmentation des prélèvements obligatoires. C'est essentiellement grâce aux collectivités territoriales que les dépenses ont été réduites de plus de 5 milliards d'euros depuis 2013. Les dépenses du budget général de l'État augmenteront de 1,2 milliard d'euros.

La dette publique atteindrait 97,2 % du PIB en 2015, contre 95,3 % du PIB en 2014. Sa variation est principalement due à l'évolution du déficit de l'État. En pourcentage du PIB, nous aurons l'un des déficits les plus élevés de la zone euro, dont nous serons également le plus gros emprunteur public.

M. Éric Doligé. - Au moins nous sommes premiers dans un domaine !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Ce n'est pas la première place que j'ambitionne pour la France... Les taux sont très bas, et le gouverneur de la Banque de France nous a indiqué qu'ils vont sans doute remonter. Fabienne Keller avait demandé quel serait l'impact d'une hausse des taux de 100 points de base : elle coûterait 2,4 milliards d'euros la première année, beaucoup plus les années suivantes, et deviendrait insupportable dès 2017, avec un surcoût de 7,4 milliards d'euros. Nous vivons actuellement dans une illusion budgétaire, grâce à des taux d'intérêt très bas. Le meilleur ami de la France aujourd'hui, c'est la finance - pour combien de temps ?

Parmi les mesures importantes du volet recettes du projet de loi de finances figure la réforme de l'impôt sur le revenu visant à réduire la charge pesant sur les revenus modestes. Elle combine trois mesures : la première, la revalorisation des seuils du barème de 0,5 % est classique. Deux autres mesures sont moins classiques : un renforcement de la décote accompagné de la création d'une décote conjugale, et la suppression de la tranche à 5,5 % accompagnée de l'abaissement du seuil d'entrée dans la tranche à 14 %, à 9 690 euros. Ces mesures entraînent une perte de recettes totale de 3,2 milliards d'euros, dont 2,2 milliards d'euros pour la seule refonte de la décote. Elles aggravent l'hyper-concentration de l'impôt sur le revenu, acquitté par moins de la moitié des foyers fiscaux.

Les articles 4 à 7 concernent la construction de logements, qu'ils entendent favoriser en libérant du foncier grâce à une réforme des plus-values et à un aménagement temporaire des droits de mutation. Le dispositif « Pinel » remplace le « Duflot », et l'application d'un taux réduit de TVA est censée contribuer à l'accession sociale à la propriété. En un mot, nous sommes tombés sur la tête : l'instabilité fiscale est permanente, chaque ministre du logement voulant attacher son nom à un dispositif, quitte à revenir sur celui de son prédécesseur. On modifie en permanence le régime des plus-values et celui des droits de mutation... Et tout cela sans aucune efficacité car la France n'a jamais aussi peu construit. Les droits de mutation sont à un niveau historiquement faible. Le système est bloqué. Comment les contribuables pourraient-ils vouloir investir, alors qu'ils n'ont aucune visibilité ?

Cette situation inquiétante du bâtiment et des travaux publics explique une part importante de notre écart de croissance avec l'Allemagne : l'Insee estimait fin juin qu'elle devrait nous coûter 0,4 point de PIB en 2014, et je ne suis pas certain que les mesures proposées y remédient.

L'Assemblée nationale a procédé à des ajustements sur les dispositions relatives aux finances des collectivités territoriales. Elle a « sorti » le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) de « l'enveloppe normée » - c'est l'aboutissement d'un vieux combat que nous menions au comité des finances locales, en considérant que la compensation de la TVA n'est pas une dotation - et elle a augmenté le taux de remboursement de 4 %.

Le Gouvernement a annoncé la création d'un fonds de soutien à l'investissement local. On s'en réjouirait, s'il était financé par des recettes extérieures. Il le sera en réalité par la suppression des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP). Autant dire que cette dotation en trompe-l'oeil sera prise aux communes pauvres qui bénéficiaient de la péréquation !

Les députés enfin ont augmenté de 99 millions d'euros la dotation de solidarité urbaine (DSU) au profit des 250 communes les plus pauvres. C'est encore un tour de passe-passe, puisque cette augmentation sera entièrement financée par les autres collectivités, au sein de la DGF et sur les variables d'ajustement.

Nous aurons l'occasion de revenir sur l'ensemble de ces éléments lors des débats relatifs au projet de loi de finances pour 2015.

Pour conclure, je rappelle que nous entendrons cet après-midi Michel Sapin sur les engagements de la France pour le G20 : il faudra l'interroger sur le détail des mesures annoncées par voie de presse pour réaliser 3,6 milliards d'euros d'économies supplémentaires. Si le Gouvernement entendait modifier sa trajectoire par des amendements à ses propres textes, il conviendrait, par respect pour les droits du Parlement, que la loi de programmation qui sera examinée demain soit corrigée.

Mme Michèle André, présidente. - Je remercie le rapporteur général pour cet exposé très détaillé sur les questions dont nous débattrons au cours des prochaines semaines.

M. Marc Laménie. - Nous avons une hypothèse de forte progression de la TVA. Quel niveau sa majoration est-elle susceptible d'atteindre ? Quel avenir pour les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle ?

Mme Fabienne Keller. - Alors que les prélèvements obligatoires augmentent, les recettes fiscales diminuent, comme la Cour des comptes l'a découvert dès 2013 : c'est une première bombe à retardement pour le budget de 2015 et les suivants. Je vous remercie d'avoir procédé à l'évaluation de l'impact d'une hausse des taux d'intérêt sur la charge de la dette. Je retiendrai un seul chiffre : les intérêts de la dette pourraient représenter en 2017 une charge supplémentaire de 7,4 milliards d'euros en année courante, davantage si la notation de la France est dégradée - il s'agit d'un deuxième facteur de risque. Troisième bombe à retardement : le secteur du logement est menacé par une instabilité fiscale constante, qui s'aggrave de l'accumulation des normes et de l'augmentation de la TVA sur les travaux. D'où un ralentissement qui se répercute sur le PIB. La baisse de l'investissement des collectivités locales, enfin, représente un quatrième facteur de risque majeur, à moyen terme, dans le budget pour 2015. Cette année d'inflexion pourrait être suivie d'années plus noires encore. Ce scénario s'accorde d'ailleurs avec les prévisions de l'Union européenne.

M. François Marc. - Les représentants de la droite dans cette commission avaient pour habitude, ces dernières années, de concentrer leurs critiques sur les dépenses. S'il n'en est plus ainsi, c'est que le Gouvernement les maîtrise indéniablement : prenons acte de cette réussite inédite. Vous évoquez en revanche des recettes qui rentrent moins vite que prévu : la moins-value s'établira à 11 milliards d'euros si les projections pour 2014 sont justes. Il importera d'examiner la répartition entre l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, la TVA, la TICPE et autres prélèvements. Mais la théorie, que vous invoquez, selon laquelle trop d'impôt tue l'impôt ne constitue pas une explication convaincante. La moindre croissance et la faiblesse de l'inflation, en revanche, ont bien une incidence sur les recettes et le coefficient d'élasticité entraîne des conséquences mécaniques. Ce phénomène conjoncturel bien connu explique une bonne part de cette moins-value de recettes. Ceux qui prônent une augmentation de la TVA comme seul remède à tous nos maux devraient étudier la situation du Japon, où son augmentation de deux points a un effet récessif considérable.

Vous nous avez présenté la dégradation du solde budgétaire de l'État depuis 2013. Pourquoi ne pas faire remonter le graphe jusqu'en 2008 ? Cela ferait apparaître que les efforts annoncés par la précédente majorité n'ont pas été accomplis. Méfions-nous des analyses à courte vue.

M. Daniel Raoul. - Je souhaiterais obtenir une précision concernant les hausses et baisses de plafond des taxes affectées à certains organismes. Quels sont au juste les « organismes concourant à une mission de service public » pour lesquels est prévue une hausse du plafond, ou au contraire une baisse ?

M. Michel Bouvard. - Avons-nous prévu d'auditionner le directeur de l'agence France Trésor (AFT), pour l'interroger sur la structure de la dette et sur sa sensibilité à une augmentation des taux : consiste-t-elle aujourd'hui en des emprunts à plus court terme que par le passé ? Quelle est la stratégie de l'AFT pour sa gestion ?

Nous n'aurons pas le temps d'une analyse fine des mesures pour le logement d'ici le vote de la loi de finances, mais ce sujet mériterait un travail collectif de fond sur les politiques passées et les arbitrages entre tous les systèmes d'allocation. L'origine de notre malheur a bien été la création d'aides aux personnes au détriment des aides à la pierre, à une époque où l'on ne prévoyait pas la situation économique dépressive actuelle.

Le sort fait aux fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) recouvre une iniquité : ces fonds réunissaient l'enveloppe des communes dotées de « grands d'établissements », c'est-à-dire de d'établissements industriels, d'ouvrages hydrauliques et autres infrastructures, et les sommes destinées aux communes défavorisées. C'est l'argent destiné aux recettes de fonctionnement de ces communes qui sera prélevé pour alimenter des investissements au bénéfice, le plus souvent, de communes urbaines assurées, elles, de retrouver leur part. La répartition sera confiée aux préfets, qui y procédaient jusqu'ici sur proposition des conseils généraux, mais qui définiront à l'avenir des critères dont rien ne garantit qu'ils soient adaptés aux territoires locaux.

M. Richard Yung. - Je remercie le rapporteur de son exposé, qui accumulait certes les chiffres à charge mais c'est de bonne guerre...

Si, au lieu de 1 %, la croissance n'atteignait que 0,7 %, nous perdrions selon vous la quasi-totalité de l'excédent de recettes attendu en 2015. L'élasticité que vous avez mentionnée mérite explication.

Vous nous avez présenté l'évolution du produit de l'impôt sur le revenu ; il serait intéressant politiquement de pouvoir la rapporter, année par année, aux différentes mesures prises. En 2011, les recettes de l'impôt sur le revenu sont passées de 51 à 59 milliards d'euros. De quelles mesures cette augmentation a-t-elle résulté ?

Les niches fiscales provoquent chaque année les mêmes protestations au sein de cette commission : au nombre de 453, elles coûtent 80 milliards d'euros à l'État. Nous crions tous au scandale, mais rien de plus. Il nous arrive même de créer de nouvelles niches. Combien parmi nous ont proposé de supprimer le CIR ? Faudra-t-il nous enfermer en conclave et ne nous libérer que lorsque nous aurons supprimé les trois quarts des niches ? Certaines sont certes justifiées, beaucoup d'autres sont les refuges d'intérêts corporatistes.

Vous vous inquiétez de l'évolution des taux d'intérêt de la dette. Je crains bien davantage, pour ma part, un scénario déflationniste à la japonaise. J'appelle à des taux d'intérêt plus élevés.

M. Philippe Dallier. - D'accord, mais modérée !

M. Roger Karoutchi. - Je partage les inquiétudes de mes collègues sur la dette et sur l'éventualité d'une remontée des taux. Certains sujets du débat budgétaire sont plus polémiques que d'autres ; il s'agit, en particulier, de la capacité financière des collectivités locales et de la situation des familles. Le rapporteur pourrait-il retracer leur évolution depuis 2012 - sans vouloir en déplaire à François Marc -, afin que nous disposions d'un bilan de l'ensemble des politiques financières et fiscales ?

M. Philippe Dallier. - Quelle est l'hypothèse de revalorisation des valeurs locatives pour les collectivités locales : 1 % ? Le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et les fonds d'investissement sont loin d'être le principal problème des collectivités locales pour les trois années à venir. Leur premier souci concerne bien plutôt la section de fonctionnement, durement affectée par la baisse des dotations de l'État qui accompagne la baisse ou la stagnation du FCTVA. Dire à des collectivités : « vous aurez beaucoup moins de moyens pour investir, mais l'État vous aidera si vous investissez tout de même », c'est proposer un marché de dupes.

La baisse des variables d'ajustements au sein de l'enveloppe normée devait initialement s'élever à 40 % ; l'Assemblée nationale a voté un amendement la ramenant à 20 %. Quel montant exact cela représente-t-il ?

Conjugués à la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF), les mécanismes de péréquation auront un impact insoutenable pour beaucoup de collectivités territoriales. Les prélèvements des plus riches étant plafonnés, le mécanisme fera rejaillir la charge sur la « classe moyenne » des collectivités locales.

Que la dotation de solidarité urbaine (DSU) progresse encore au profit des communes cibles, c'est très bien ; mais le montant destiné à ses autres bénéficiaires a été figé il y a deux ou trois ans, sans réexamen de leur classement au sein de la catégorie. Les situations relatives des communes ayant évolué, à enveloppe constante, il est urgent de réviser la répartition.

M. Éric Doligé. - Un gestionnaire responsable regarde vers l'avenir, il ne passe pas son temps à critiquer ses prédécesseurs, je le dis à François Marc. L'important est de se consacrer aux progrès que l'on entend pour sa part accomplir.

Si l'évolution des effectifs de l'État présente une relative stabilité, il s'agit tout de même de la première dépense de l'État. Il conviendrait de compléter l'analyse par la mention du taux d'absentéisme par secteur, et d'identifier les postes sur lesquels des économies sont possibles.

M. Maurice Vincent. - Le rapporteur général nous alerte sur la probabilité d'une croissance plus faible que prévu. Quelles seraient ses préconisations pour ce budget 2015 ? Faudrait-il réduire le déficit budgétaire, ou l'accepter pour ne pas ajouter de la récession à la récession ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La prévision d'une croissance de 0,7 % a été livrée hier par la Commission européenne. Cette révision aboutit par un effet de base, à une moins-value d'environ quatre milliards d'euros pour les recettes. Être optimiste est parfois dangereux, compte tenu de la sensibilité de la TVA et des dépenses sociales à la conjoncture.

La suppression en 2015 des FDPTP, prévue par le texte de l'Assemblée nationale, est une question sensible, en particulier dans les départements dotés d'installations nucléaires ou autres établissement procurent des recettes fiscales importantes pour les collectivités territoriales. Les 423 millions d'euros correspondants iront au Fonds de soutien à l'investissement local : nous en discuterons lors de l'examen du projet de loi de finances.

La baisse des recettes fiscales évoquée par Fabienne Keller et François Marc s'explique certes par des effets conjoncturels, mais nous sommes nombreux à considérer qu'elle résulte aussi d'un phénomène de saturation. On peut citer l'exemple des cotisations sociales des particuliers employeurs. Notre niveau de prélèvements obligatoires, supérieur de près de cinq points à la moyenne des pays de l'Union européenne, est responsable de tels effets d'érosion.

Le risque récessif dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) est particulièrement inquiétant, surtout si les collectivités n'investissent plus du fait de la baisse de leurs dotations. Cette question sera extrêmement sensible lorsque nous examinerons, au Sénat, le projet de loi de finances.

François Marc fait crédit au Gouvernement de sa maîtrise des dépenses, or celui-ci a surtout mis en oeuvre des expédients - rogner les fonds de roulement des opérateurs, c'est facile, mais c'est un « fusil à un coup » - au détriment des réformes de structure... De même sur les dépenses d'intervention, aucun choix courageux n'a été fait. On rabote les plafonds d'emplois, mais on continue à augmenter le nombre de postes dans l'éducation nationale.

J'avais présenté des graphiques commençant en 2002 dans mon rapport sur la loi de programmation. On y voyait clairement que l'année du déclenchement de la crise, la France, comme tous les pays européens, avait injecté de l'argent public dans un plan de soutien à l'investissement. La dégradation du déficit budgétaire a été générale.

Les « organismes concourant à une mission de service public » dont le plafond de taxe affectée serait réhaussé, pour un montant total de 132,5 millions d'euros, sont l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat (ANAH), l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), le Centre national de la chanson des variétés et du jazz (CNV), la Société du grand Paris, le Centre technique des industries mécaniques... Les diminutions touchent les chambres de commerce et d'industrie (CCI), pour 213 millions d'euros, l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour 21 millions d'euros, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) pour 40 millions d'euros, etc.

La maturité moyenne de la dette est relativement stable, près de huit ans. L'Agence France Trésor a légèrement accru ses émissions à plus de trente ans ; elle trouve facilement des investisseurs. Je suis entièrement d'accord avec Michel Bouvard sur le logement. La multiplicité des dispositifs, reposant sur de la dépense budgétaire, de la dépense fiscale, des financements des collectivités et d'organismes divers ou encore de l'épargne réglementée, rend ceux-ci totalement illisibles. La commission des finances ferait oeuvre utile si elle se penchait sur les sommes que la France consacre au logement : considérables par rapport à ce que font d'autres pays, elles ne semblent pas employées efficacement. Le raccourcissement de la maturité de la dette concerne effectivement la dette sociale gérée par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). J'ai évoqué avec le gouverneur de la Banque de France le risque de déflation. À la différence de celle de la France, la dette du Japon est détenue par des investisseurs domestiques ; ce pays est donc bien moins exposé que nous à une hausse des taux d'intérêt. Quelle deviendra l'attitude de nos créanciers lorsque notre dette atteindra 100 % du PIB ?

Nous reviendrons lors du débat en séance sur la capacité d'investissement des collectivités territoriales. Quant aux familles, il serait intéressant de comparer l'évolution des prélèvements auxquels sont soumis les différents types de foyers fiscaux, et les effets réels de ces hausses sur leur situation.

Le rendement de l'impôt sur le revenu a augmenté de 35 % entre 2011 et 2015 en raison, notamment, de la fiscalisation des heures supplémentaires, la soumission des revenus du capital au barème progressif, de la non revalorisation du barème, les abaissements successifs du quotient familial, etc. Si certaines hausses de l'impôt sur le revenu résultent de mesures antérieures à la présente législature - comme la suppression de la « demi-part des veuves » -, il n'en demeure pas moins que l'essentiel des augmentations constatées découlent des textes financiers adoptés en 2012 et 2013.

La revalorisation des bases figurera dans le collectif budgétaire, mais nous n'en connaissons pas encore le coefficient. Je n'ouvrirai pas le débat sur la péréquation ce matin, gardons ce sujet pour la séance publique.

La faible croissance qui nous attend pour 2015 appelle des décisions courageuses, les coups de rabot ne suffisent pas. Il est temps de prendre des mesures transversales sur les effectifs dans la fonction publique, de procéder à des réformes de structure sur les dépenses d'intervention. La dépense est aujourd'hui stabilisée, j'en conviens. Il n'en faudra pas moins revenir sur certaines politiques. Nous ferons des propositions en séance publique. Le Gouvernement a évoqué des revues de dépenses ; précisément, nous voulons savoir quelle est l'efficacité exacte des politiques de logement, de la formation professionnelle, du budget de l'éducation nationale, trois domaines qui engloutissent des sommes considérables.

La commission donne acte au rapporteur général de sa communication.

Programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - Examen des amendements au texte de la commission

La commission procède ensuite à l'examen des amendements de la commission au texte n° 56 (2014-2015) sur le projet de loi n° 45 (2014-2019) de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Le Gouvernement a déposé des amendements visant à rétablir les articles 1er, 2, 3, 4, 5, 7 et 8, que nous avons supprimés. Ces articles concernent la trajectoire des finances publiques, que nous avons jugée insuffisamment ambitieuse et reposant à la fois sur des hypothèses discutables et des économies insuffisamment documentées. Je suis donc défavorable à ces amendements.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 22, 23, 24, 25, 26, 27 et 28.

Article 6

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement n° 1 de notre collègue Thierry Foucaud et le groupe communiste républicain et citoyen (CRC) car cet amendement propose de supprimer l'article précisant les modalités de mise en oeuvre du mécanisme de correction.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.

Article 9

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement n° 2 de notre collègue Thierry Foucaud qui tend à supprimer le principe d'un plafonnement du nombre des emplois de l'État et de ses opérateurs.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Je partage l'intention de Vincent Delahaye dont l'amendement n° 19 vise à diminuer le plafond d'emploi de l'État et de ses opérateurs de 4 600 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Je souhaite en effet aller plus loin dans la réduction des effectifs de l'État et de ses opérateurs. Toutefois, le texte établi par notre commission ouvre la possibilité d'une telle diminution en libérant le Gouvernement de sa norme de stabilité des effectifs. Je ne souhaite pas, en revanche, et par cohérence avec notre approche de ce texte, imposer une trajectoire au Gouvernement. Je demanderai donc le retrait de cet amendement.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 19 et à défaut, y sera défavorable.

Article 10

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 29.

Article 11

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - La commission des finances a souhaité maintenir le principe d'un objectif d'évolution de la dépense publique locale (Odedel) mais a supprimé les tableaux chiffrés proposés par le Gouvernement, du fait de la concertation inexistante sur ces chiffres et des augmentations de fiscalité locale qui les sous-tendent. L'amendement n° 3 de Thierry Foucaud supprime l'article 11. Il faut que nous ayons ce débat, et nous verrons ce que nous ferons de l'Odedel, en définitive.

L'amendement n° 30 du Gouvernement rétablit le tableau chiffré de l'Odedel, j'y suis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 3 et 30.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - L'amendement n° 17 de Jean Germain revient sur le caractère pluriannuel de l'Odedel ; il semble pourtant difficile de demander un examen annuel de celui-ci.

M. Jean Germain. - C'est pourtant ce que nous faisons !

La commission décide de demander l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 17.

Article 12

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Nous avons souhaité encadrer la mise en réserve des crédits et c'est pourquoi je suis défavorable à l'amendement n° 4 de Thierry Foucaud qui propose de supprimer l'article.

Je demande le retrait de l'amendement n° 20 de Vincent Delahaye, qui vise à restreindre les possibilités de mise en réserve des crédits. Nous avons prévu d'encadrer ce taux de mise en réserve et je pense que notre demande est réaliste : il faut prévoir une fourchette de mise en réserve afin de laisser une marge de manoeuvre au Gouvernement.

La commission émet un avis défavorable sur les amendements n° 4 et n° 31. Elle demande le retrait de l'amendement n° 20 et, à défaut, y sera défavorable.

Article 13

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Je demande le retrait de l'amendement n° 21 de Vincent Delahaye qui propose de faire évoluer les crédits du budget général dans la même proportion que le prélèvement sur les recettes de l'État en faveur des collectivités territoriales. Il n'est pas compatible avec la position de la commission, qui a supprimé l'article.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 21 et, à défaut, y sera défavorable. Elle émet un avis défavorable à l'amendement n° 32.

Article 14

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 33.

Article 15

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.

Article 17

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6.

Article 18

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 34.

Article 19

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - L'amendement n° 11 prévoit la « mise en déclin » des dépenses fiscales. S'il faut rationaliser les dépenses fiscales, toute dépense fiscale n'est pas problématique en elle-même.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.

Articles 20 et 21

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Les amendements n° 12 et n° 13 de Thierry Foucaud, relatifs aux dépenses fiscales, sont satisfaits par les modifications apportées par la commission au texte issu de l'Assemblée nationale.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 12 et n° 13.

Article additionnel après l'article 21

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - L'amendement n° 16 de Thierry Foucaud vise à inscrire dans le projet de loi de programmation des finances publiques le principe d'un débat régulier sur la coopération fiscale internationale. J'y suis défavorable car il est loisible au Parlement d'en organiser un à tout moment.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 16.

Article 25

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - L'amendement n° 18 de Jean Germain améliore clairement l'information du Parlement ; j'y suis donc favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 18.

Article 26

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement n° 14 de Thierry Foucaud car le suivi des agences régionales de santé est indispensable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 14.

Article 27 A

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement n° 7 de Thierry Foucaud qui réduit l'information du Parlement.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7.

Article 27

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Il faut également que nous soyons informés de la situation et des perspectives financières de l'assurance chômage ; c'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement de Thierry Foucaud qui propose de supprimer l'article prévoyant la remise d'un rapport au Parlement sur les perspectives financières de l'assurance chômage.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8.

Article 28

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9.

Article 29 A

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - La commission des finances a instauré un frein à la dette à l'article 29 A. Je suis donc défavorable à cet amendement de suppression de cet article.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.

Article 29

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 15.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Enfin, je vous propose trois amendements rédactionnels sur les articles 12, 26 et 29 bis.

La commission adopte les amendements n° 35, 36 et 37.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

PROJET DE LOI
DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES
POUR LES ANNÉES 2014 À 2019

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION (N° 56)

Mercredi 5 novembre 2014

TITRE Ier

ORIENTATIONS PLURIANNUELLES DES FINANCES PUBLIQUES

Article 1er

Approbation du rapport annexé

(Supprimé)

Auteur

Sort de l'amendement

Le Gouvernement

22

Défavorable

Chapitre Ier
Les objectifs généraux des finances publiques

Article 2

Définition de l'objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel

et de la trajectoire de solde structurel pour les années 2014 à 2019

(Supprimé)

Auteur

Sort de l'amendement

Le Gouvernement

23

Défavorable

Article 3

Décomposition de la trajectoire de solde effectif
entre composante structurelle, composante conjoncturelle
et mesures ponctuelles et temporaires

(Supprimé)

Auteur

Sort de l'amendement

Le Gouvernement

24

Défavorable

Article 4

Objectif d'effort structurel des administrations publiques sous-jacent
à la trajectoire de solde structurel

(Supprimé)

Auteur

Sort de l'amendement

Le Gouvernement

25

Défavorable

Article 5

Trajectoires de la dépense publique hors crédits d'impôts

et du taux de prélèvements obligatoires

(Supprimé)

Auteur

Sort de l'amendement

Le Gouvernement

26

Défavorable

Article 6

Mécanisme de correction des écarts par rapport à la trajectoire de solde structurel

Auteur

Sort de l'amendement

M. Thierry Foucaud

1

Défavorable

Chapitre II
L'évolution des dépenses publiques sur la période 2014-2017

Article 7

Objectifs d'évolution de la dépense publique des sous-secteurs
des administrations publiques

(Supprimé)

Auteur

Sort de l'amendement

Le Gouvernement

27

Défavorable

Article 8

Normes de dépenses de l'État
(Supprimé)

Auteur

Sort de l'amendement

Le Gouvernement

28

Défavorable

Article 9

Stabilisation des effectifs de l'État et de ses opérateurs

Auteur

Sort de l'amendement

M. Thierry Foucaud

2

Défavorable

M. Vincent Delahaye

19

Demande de retrait

Article 10

Objectif de dépenses des régimes obligatoires
de base de sécurité sociale et objectif national de dépenses d'assurance maladie

(Supprimé)

Auteur

Sort de l'amendement

Le Gouvernement

29

Défavorable

Article 11

Instauration d'un objectif d'évolution de la dépense publique locale

Auteur

Sort de l'amendement

M. Thierry Foucaud

3

Défavorable

Le Gouvernement

30

Défavorable

M. Jean Germain

17

Avis du Gouvernement

Article 12

Mise en réserve des crédits de l'État et des dépenses d'assurance maladie

Auteur

Sort de l'amendement

M. Thierry Foucaud

4

Défavorable

M. Vincent Delahaye

20

Demande de retrait

Le Gouvernement

31

Défavorable

Chapitre III
L'évolution des dépenses de l'État sur la période 2015-2017

Article 13

Programmation triennale des crédits des missions
du budget général de l'État pour les années 2015 à 2017
(Supprimé)

Auteur

Sort de l'amendement

M. Vincent Delahaye

21

Demande de retrait

Le Gouvernement

32

Défavorable

Article 14

Baisse des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales

(Supprimé)

Auteur

Sort de l'amendement

Le Gouvernement

33

Défavorable

Article 15

Réduction des plafonds de certaines impositions de toutes natures
affectées à des organismes concourant à une mission de service public

Auteur

Sort de l'amendement

M. Thierry Foucaud

5

Défavorable

Article 16

Règles encadrant le recours à l'affectation de recettes fiscales
à certains organismes concourant à une mission de service public

Chapitre IV
Les recettes publiques et le pilotage des niches fiscales et sociales

Article 17

Affectation des surplus de recettes fiscales et sociales à la

réduction du déficit public

Auteur

Sort de l'amendement

M. Thierry Foucaud

6

Défavorable

Article 18

Incidence annuelle des mesures afférentes aux prélèvements obligatoires
adoptées par le Parlement ou prises par le Gouvernement

(Supprimé)

Auteur

Sort de l'amendement

Le Gouvernement

34

Défavorable

Article 19

Plafonnement des dépenses fiscales et crédits d'impôt hors CICE

Auteur

Sort de l'amendement

M. Thierry Foucaud

11

Défavorable

Article 20

Stabilisation en valeur du montant des niches sociales

Auteur

Sort de l'amendement

M. Thierry Foucaud

12

Défavorable

Article 21

Principe de révision des dépenses fiscales et niches sociales trois ans après leur création

Auteur

Sort de l'amendement

M. Thierry Foucaud

13

Défavorable

Article additionnel après l'article 21

Auteur

Sort de l'amendement

M. Thierry Foucaud

16

Défavorable

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET À L'INFORMATION ET AU CONTRÔLE DU PARLEMENT

Chapitre Ier
Revues de dépenses et évaluation des dépenses fiscales et niches sociales

Article 22

Mise en place de revues annuelles de dépenses

Article 23

Information du Parlement sur les dépenses fiscales et niches sociales

Chapitre II
Opérateurs de l'État et autres organismes publics

Article 24

Actualisation et aménagement de la règle d'interdiction du recours

à l'endettement par les organismes divers d'administration centrale (ODAC)

Article 25

Amélioration de l'information du Parlement
à travers l'enrichissement de l'annexe générale « jaune » relative aux opérateurs de l'État

Auteur

Sort de l'amendement

M. Jean Germain

18

Favorable

Article 25 bis (nouveau)

Renforcement du suivi des ressources fiscales
affectées aux opérateurs et recouvrées par eux

Chapitre III
Administrations de sécurité sociale

Article 26

Pilotage budgétaire des

établissements de santé et suivi de l'évolution de leurs dépenses de personnel

Auteur

Sort de l'amendement

M. Thierry Foucaud

14

Défavorable

Article 27 A (nouveau)

Création d'une annexe au projet de loi de finances détaillant les prévisions de solde public pour chacun des sous-secteurs des administrations publiques

Auteur

Sort de l'amendement

M. Thierry Foucaud

7

Défavorable

Article 27

Information du Parlement sur les perspectives financières de l'assurance chômage

Auteur

Sort de l'amendement

M. Thierry Foucaud

8

Défavorable

Article 27 bis (nouveau)

Information du Parlement sur les relations conventionnelles
entre les professions libérales de santé et l'assurance maladie

Chapitre IV
Administrations publiques locales

Article 28

Bilan de la mise en oeuvre de l'objectif d'évolution de la dépense publique locale

Auteur

Sort de l'amendement

M. Thierry Foucaud

9

Défavorable

Article 28 bis

Amélioration de l'information du Parlement
sur la croissance tendancielle de la dépense publique

Chapitre V
Autres dispositions

Article 29 A (nouveau)

Création d'un mécanisme de « frein à la dette »

Auteur

Sort de l'amendement

M. Thierry Foucaud

10

Défavorable

Article 29

Bilan annuelle de la mise en oeuvre de la loi de programmation des finances publiques

Auteur

Sort de l'amendement

M. Thierry Foucaud

15

Défavorable

Article 29 bis

Encadrement des partenariats public-privé conclus par des organismes autres que l'État

Article 30

Abrogation de dispositions de la loi de programmation des finances publiques en vigueur

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 - Examen du rapport pour avis

Enfin, la commission procède à l'examen du rapport de M. Francis Delattre, rapporteur pour avis, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

EXAMEN DU RAPPORT

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. - Le Gouvernement prévoit, pour la période 2015-2017, un effort d'économies important, à hauteur de 50 milliards d'euros, dont 21 milliards d'euros pour les administrations de sécurité sociale. Des trois grands contributeurs publics à cet effort, elles seront les plus concernées, tant en raison du volume de l'effort que parce que les objectifs qui leur sont assignés sont parmi les plus difficiles à atteindre.

Il n'est pas illogique, cependant, que les dépenses sociales, qui représentent 43,2 % de la dépense publique, portent une part plus lourde de l'effort. Les maîtriser est d'autant plus nécessaire que, représentant 27,4 % du PIB, contre 20,7 % en moyenne pour la zone euro, elles expliquent l'essentiel de l'écart entre le niveau de la dépense publique en France et le niveau moyen constaté dans la zone euro. Certes, le niveau élevé de nos dépenses sociales résulte d'un choix de société, qui remonte à l'après-guerre, mais ce modèle social que le monde, dit-on, nous envie, devient difficilement soutenable alors que le nombre de chômeurs atteint 5 millions et que la pauvreté gagne dans notre pays. Cette situation appelle des réformes structurelles.

Sur ces 21 milliards d'euros d'économies, 10 milliards d'euros concernent le champ des dépenses d'assurance maladie. Par conséquent, le projet de loi de programmation des finances publiques a prévu de ramener le taux d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) à 2,0 % en moyenne entre 2015 et 2017. Sachant que la croissance tendancielle des dépenses entrant dans son champ s'est élevée, ces dernières années, à 3,9 % par an, on peut se demander si le défi est crédible. Il suppose que soient réalisés 3,5 milliards d'euros d'économies par an, en moyenne, sur la période. Atteindre un tel objectif, ainsi que l'a souligné le comité d'alerte sur le respect de l'ONDAM en octobre dernier, n'est envisageable qu'au prix de sérieuses réformes de structure.

Sont prévus, en outre, 11 milliards d'euros d'économies sur les autres dépenses de protection sociale. Ce montant comprendrait les effets de décisions déjà prises en 2013 dans le cadre de la réforme des régimes de retraite de base et complémentaire et de la réforme de la politique familiale, pour 2,9 milliards d'euro, la poursuite de la démarche du rétablissement de l'équilibre des régimes de retraite complémentaire pour 2 milliards d'euros, la réforme de l'assurance chômage - et peut-être est-ce là ce qui soulève le plus d'interrogations - pour 2 milliards d'euros et le report de la revalorisation de certaines prestations sociales, notamment sur les retraites de base, pour 2 milliards d'euros également. Enfin, les organismes de protection sociale seraient amenés à dégager 1,2 milliard d'euros d'économies de fonctionnement.

Ces chiffres sont éloquents. En 2015, il est prévu une contribution significative des administrations de sécurité sociale à l'amélioration du solde structurel et du solde effectif, conformément à la programmation. Celles-ci réaliseraient, en 2015, 9,6 milliards d'euros d'économies sur le total de 21 milliards d'euros prévu pour la période.

Toutefois, ce scénario est fragilisé par les hypothèses macroéconomiques retenues par le Gouvernement. Rappelons que la Commission européenne ne croit pas à l'hypothèse de 1 % de croissance, et table plutôt sur 0,7 %. Le dynamisme de la masse salariale pourrait être plus faible que prévu, ce qui n'est pas neutre : une progression de la masse salariale plus faible d'un point représente un manque à gagner de près de 2 milliards d'euros pour le régime général. Cette trajectoire nous paraît ainsi difficile à tenir, d'autant que le Gouvernement tarde à documenter plus précisément, comme nous le lui avons demandé, les économies annoncées.

Sur les 9,6 milliards d'euros d'économies annoncées dans le champ des administrations de sécurité sociale en 2015, 6,7 milliards d'euros concerneraient les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et 2,9 milliards d'euros pèseraient sur les autres administrations de sécurité sociale. Le projet de loi de financement pour 2015 intègre environ 4,6 milliards d'euros d'économies, dont 3,2 milliards d'euros provenant du respect de l'ONDAM.

Toutefois, sur ces 9,6 milliards d'euros, 1,5 à 3 milliards d'euros apparaissent très hypothétiques, compte tenu du manque d'informations transmises à leur sujet. Le plan d'économies du Gouvernement peut donc être qualifié de fragile.

Après cet aperçu d'ensemble, j'en viens aux grands équilibres et aux mesures proposées dans ce projet de loi de financement.

Tout d'abord, on constate que la baisse du déficit de la sécurité sociale attendue en 2014 n'aura pas lieu. Le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) se stabilisera en effet aux alentours de 15,4 milliards d'euros en 2014, comme en 2013. Ensuite, les ambitions de réduction des déficits du Gouvernement sont revues à la baisse en 2015 et les années suivantes. Le déficit global - tous régimes obligatoires de base et FSV - devrait s'établir à 13,3 milliards d'euros en 2015, soit au même niveau que l'objectif initialement fixé pour 2014. L'objectif de retour à l'équilibre des comptes sociaux en 2017 est quant à lui officiellement abandonné : un déficit de l'ordre de 6,1 milliards d'euros devrait persister en 2017 et de 4 milliards d'euros en 2018. Et j'avoue qu'à mon sens, il n'est pas dit qu'il n'ira pas au-delà...

Quelques précisions sur la dette sociale, qui comporte, il faut le rappeler, deux ensembles. La Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) en supporte une partie. Le montant total de la dette transférée à la caisse atteindra 226,7 milliards d'euros à la fin de l'année 2014, tandis que le montant de la dette restant à rembourser s'élèvera, à la même date, à 130 milliards d'euros.

Mais il existe un autre volet de la dette sociale, dont on parle moins : le stock de dette courante supporté par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), dont l'endettement va significativement progresser : son plafond d'emprunt devra être relevé de 34,5 milliards d'euros à 36,3 milliards d'euros en 2015.

C'est là l'un des aspects les plus douloureux de notre situation depuis quelques années. Il n'était pas prévu, à l'origine, que la CADES ait à emprunter sur les marchés, puisqu'elle devait bénéficier du produit des privatisations... La dette sociale est une anomalie alarmante. En finançant notre protection sociale à crédit, on en fait peser la charge sur les générations futures.

Les mesures contenues dans le présent projet de loi de financement devraient certes améliorer le solde de 5,6 milliards d'euros mais, comme on l'a vu avec le projet de loi de finances, on s'achemine plutôt vers un ralentissement du déficit que vers sa stabilisation.

Parmi les mesures d'économies sur la dépense, celles qui entrent dans le champ de l'ONDAM s'élèveraient à 3,2 milliards d'euros, celles qui concernent la famille à 700 millions d'euros, tandis que la forfaitisation du capital décès, actuellement déterminé en fonction du salaire du défunt, compteraient pour 160 millions d'euros. Entre 400 et 500 millions d'euros d'économies devraient, enfin, provenir d'une meilleure gestion des caisses de sécurité sociale.

Les recettes nouvelles - 1,4 milliard d'euros - proviendront du transfert par l'État vers la branche vieillesse du rendement d'impôt sur le revenu correspondant à la fiscalisation des majorations de pensions des retraités ayant eu ou élevé trois enfants ou plus. Manquent ensuite 200 millions, qui devraient provenir d'un transfert équivalent de forfait social jusqu'ici affecté à la section 2 du FSV.

Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit deux mesures afin de compenser les effets du Pacte de responsabilité et de solidarité. Je reconnais que l'impact de ce dernier sur les finances de la sécurité sociale, qui sera cette année de 6,3 milliards d'euros, semble correctement compensé. Sont ainsi prévus le transfert vers l'État de la part de l'aide personnalisée au logement (APL) financée par la branche famille, pour 4,75 milliards d'euros, ainsi que la majoration de 0,02 % de la fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affectée au régime général, pour 30 millions d'euros, le reste de la compensation étant assuré par un gain de trésorerie de 1,52 milliard d'euros - et 500 millions d'euros l'année suivante - qui résulte de la mise en place d'une retenue à la source pour les cotisations et contributions de sécurité sociale sur les indemnités versées par les caisses de congés payés. Cette dernière réforme, cependant, se fera-t-elle sans remous ? C'est là encore un pari.

Je signale également trois autres mesures importantes en matière de recettes. La création, tout d'abord, d'une contribution spécifique à la charge des laboratoires commercialisant les traitements contre l'hépatite C. Vient ensuite une disposition - liée à la réforme de l'impôt sur le revenu - qui vise à remplacer le critère du montant de la cotisation d'impôt sur le revenu par celui du revenu fiscal de référence pour bénéficier du taux réduit de 3,8 % de CSG sur les revenus de remplacement. Cette mesure, d'allure assez neutre, vise, en réalité à faire en sorte que parmi le million de contribuables qui sortiront, l'an prochain, de l'impôt sur le revenu, les retraités non imposables continuent néanmoins d'acquitter la CSG au taux normal. Contrairement à ce que pouvait espérer le Gouvernement, aucune petite ingénierie financière n'échappe aux parlementaires que nous sommes...

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a inséré, à l'initiative du rapporteur de l'équilibre général et des recettes, Gérard Bapt, un article 12 bis visant à soumettre, sous conditions, les dividendes versés par des sociétés anonymes (SA) ou des sociétés par actions simplifiées (SAS) à leurs dirigeants aux cotisations sociales. Je vous proposerai, en accord avec la commission des affaires sociales, un amendement de suppression. Mais je n'en estime pas moins que le sujet mérite que l'on s'y arrête, pour trouver une mesure adaptée. Il faut prévenir l'évasion sociale au même titre que l'évasion fiscale. Qui vise-t-on ici, en réalité ? Certains chefs de petites entreprises, qui en sont propriétaires, et qui ont tendance à minorer leur salaire en compensant par des dividendes majorés, moins taxés socialement. Selon moi, la bonne réforme serait de soumettre l'ensemble à cotisations sociales, mais dans la limite du plafond de la sécurité sociale, soit environ 37 000 euros. C'est une piste qui mérite que nous y travaillions.

S'agissant des dépenses, la branche maladie est celle dont le poids est le plus important et qui connaît le déficit le plus prononcé. Le solde du régime général s'est, depuis 2013, dégradé dans d'importantes proportions : - 6,8 milliards d'euros en 2013 et - 7,3 milliards d'euros en 2014, soit 62 % du déficit total du régime général.

Les mesures nouvelles proposées ne devraient réduire le déficit que de 400 millions d'euros en 2015, en raison du rythme de croissance tendancielle - 3,9 % - des dépenses d'assurance maladie. Cela reste donc un problème majeur.

Afin de respecter l'objectif de progression de 2,1 % des dépenses dans le champ de l'ONDAM, un montant global d'économies de 3,2 milliards d'euros est nécessaire. Je passe sur la liste des mesures techniques envisagées, pour vous indiquer d'emblée que la commission des affaires sociales, que je vous proposerai de suivre, a déposé un amendement visant à réaliser un milliard d'euros d'économies supplémentaire.

J'en viens à la branche vieillesse. Les déficits de l'ensemble des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse devraient se réduire pour atteindre 1,3 milliard d'euros. Le décalage de six mois de la date de revalorisation des pensions devrait se traduire par une économie estimée à 500 millions d'euros en 2014 et 600 millions d'euros en 2015.

Surtout, la réforme des retraites de 2010 permettra de dégager 3,3 milliards d'euros d'économies en 2014 et 4 milliards d'euros en 2015. Ce qui montre que lorsque l'on procède à des réformes structurelles, on suscite certes, sur le moment, l'émotion de la rue, mais on obtient, dans la durée, des résultats.

Pour ce qui concerne la branche famille, qui sera la plus touchée par un certain nombre de mesures modifiant les règles d'attribution des prestations, le déficit se situera à 2,9 milliards d'euros en 2014.

Pour 2015, des zones d'ombre demeurent sur le montant des économies envisagées par le Gouvernement, qui prévoit, en 2015, une résorption du déficit à hauteur de 900 millions d'euros alors que les mesures de son plan d'économies n'atteignent que 700 millions d'euros. Malgré nos sollicitations, il n'a pas été en mesure de justifier cet écart. Nous ne manquerons pas de lui demander des explications en séance.

Quant à la fiabilité des prévisions avancées pour la période 2016-2018, elle peut être discutée...

Le choix de faire porter l'effort sur les seules prestations familiales semble insuffisant puisque les dépenses continuent d'augmenter à un rythme plus important que les recettes de la branche. Il conviendrait de s'interroger sur les marges de productivité à dégager en matière de gestion des prestations par les caisses d'allocations familiales (CAF) et de fixer la priorité sur la lutte contre les fraudes - dont nous avons tous des exemples sur le terrain.

S'agissant des allocations familiales, je vous proposerai, en accord avec la commission des affaires sociales, un amendement visant à supprimer l'article relatif à la mise sous conditions de ressources des allocations. Nous aurons l'occasion, en séance, de déployer pleinement nos arguments.

La réforme, qui entrerait en vigueur à compter du 1er juillet 2015, diviserait les allocations familiales par deux pour un foyer dont les revenus sont supérieurs à 6 000 euros mensuels, et par quatre lorsque ces revenus dépassent 8 000 euros par mois. Cette mesure, nous assure-t-on, n'affecterait que 600 000 familles, ce qui reste à vérifier car nous ne disposons pas d'étude d'impact. Un ensemble de mesures plus complexe avait été initialement envisagé mais le Gouvernement a eu des difficultés à le faire admettre à sa majorité à l'Assemblée nationale. Il s'est donc rabattu sur cette réforme des allocations familiales et du congé parental, qui pose, elle aussi, bien des problèmes, au regard du principe d'universalité de la politique familiale, tout d'abord, mais aussi, très concrètement, pour la garde des enfants. J'ajoute que le chiffrage de la modulation du montant des allocations familiales reste très incertain, car les critères retenus manquent encore de précision.

L'ensemble des mesures prises par le Gouvernement depuis 2012 entraînerait une baisse globale des prestations en faveur des familles de 810 millions d'euros en 2015 et de 1,84 milliard d'euros en 2017. Les familles ont vu leurs revenus globalement amputés d'un montant encore plus significatif si l'on ajoute les mesures fiscales relatives à la baisse du plafonnement du quotient familial : elles devraient être mises à contribution à hauteur de 2,4 milliards d'euros entre 2012 et 2015. Les associations familiales considèrent même que c'est un effort de 4 milliards d'euros qui a été demandé aux familles, entre 2012 et 2014, si l'on prend en compte la fiscalisation des majorations de pensions de retraite pour enfants et la restriction du bénéfice de la demi-part des personnes seules ayant élevé un enfant.

Pour toutes les raisons que je vous ai exposées, je vous proposerai un certain nombre d'amendements, et émettrai, sous réserve de leur adoption, un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je remercie Francis Delattre d'avoir insisté sur la contribution des familles. Il convient en effet de compter, parmi les mesures cumulées qui les ont touchées, celles qui sont d'ordre fiscal. Je retiens l'idée de rechercher, sur le fondement d'exemples précis, ce que peut être l'effet des mesures fiscales combiné à la modulation des allocations familiales et au reste. Cumulé, cela peut représenter un manque important.

M. Yannick Botrel. - Je remercie notre rapporteur pour avis, que j'ai senti assez sceptique. Il a qualifié le plan d'économies de fragile, de peu crédible et appelé de ses voeux des réformes de structure propres à résorber les déficits. Pourrait-il préciser, en nous indiquant lesquelles lui sembleraient appropriées ?

M. Éric Doligé. - La réforme du congé parental ne sera pas neutre pour les collectivités territoriales, qui ont déjà dû assumer la réforme des rythmes scolaires. Les parents prendront moins de congé parental, si bien qu'il faudra accueillir davantage d'enfants à l'école maternelle : une dépense supplémentaire pour les collectivités. Il faudra y regarder de près.

Mme Fabienne Keller. - La modulation des allocations familiales va créer des effets de seuil redoutables, ainsi que l'a souligné notre rapporteur pour avis, au risque de susciter un sentiment un sentiment d'inégalité et d'injustice. Ne serait-il pas plus juste de prévoir une fiscalisation ou un autre dispositif, plus complet ?

Je comprends mal le fonctionnement du dispositif retenu pour le congé parental. Il semble que le Gouvernement veuille aller plus loin que la loi du 4 août 2014 pour l'égalité entre les femmes et les hommes, qui avait déjà imposé une forme de partage entre les deux parents. Résultat, le congé parental sera ramené, pour la mère, de 36 à 24 mois pour le deuxième enfant, seul le père pouvant bénéficier des mois restants. C'est ignorer ce que le Conseil de l'Europe appelle l'inégalité de fait, dont sa jurisprudence admet que la loi puisse en tenir compte. Dans la grande majorité des cas, ce sont les mères qui demandent à bénéficier du congé parental. Choisir de contraindre - plutôt que d'encourager - le père à en assumer une partie pour bénéficier des 36 mois conduira de fait à une réduction du congé parental. Le Gouvernement le sait, et le fait même qu'il attende des économies de cette disposition en trahit le cynisme. Cela va fragiliser les femmes qui ont un rythme de travail déstructuré et qui, femmes de ménage, caissières de supermarché, vendeuses, ne bénéficient souvent pas d'un temps plein et travaillent selon des horaires décalés.

Enfin, ainsi que l'a fort justement relevé Eric Doligé, ces dispositions auront un effet de report sur l'effort d'accompagnement de la petite enfance - crèches, garderies, scolarisation précoce. Si l'on considère la dépense globalement, tous acteurs publics confondus, il n'est donc pas sûr que ces mesures soient sources d'économie. Sous couvert d'une disposition très technique faite pour favoriser l'égalité entre les hommes et les femmes, on déstabilise des équilibres très subtils qui permettaient aux parents, et en particulier aux femmes, de faire des choix de vie qui allaient plutôt dans le sens d'un bon accompagnement de la petite enfance. Et l'on pèsera très directement sur les budgets des collectivités consacrés à la petite enfance.

M. Bernard Lalande. - Je reviens sur la modulation des allocations familiales. Il ne faut pas oublier qu'à ce revenu distribué par la nation, exonéré d'impôt, s'ajoute un crédit d'impôt qui, pour les familles concernées par ces dispositions, - soit celles dont le revenu est supérieur à 72 000 euros par an -, peut représenter jusqu'à 1 200 euros par an. Je veux bien que vous déposiez un amendement, mais il faudrait peut-être redescendre sur terre...

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. - Nous avons indiqué, monsieur Botrel, des pistes de réforme. Chacun sait que les dépenses de personnel représentent environ 70 % du budget des hôpitaux. Rétablir le jour de carence représenterait une économie de 60 à 70 millions d'euros par jour. Nous présenterons un amendement en ce sens. Le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie, qui suit l'ONDAM, a lui-même proposé quelques pistes, qui mériteraient d'être approfondies. La commission des affaires sociales a d'ailleurs fait des propositions pour un milliard d'euros d'économies supplémentaire. Nous savons tous, enfin, que les 35 heures ont provoqué un véritable cataclysme dans le fonctionnement des hôpitaux.

Je partage l'analyse d'Eric Doligé et de Fabienne Keller. On sait bien que les dispositions relatives au congé parental, sous couvert d'égalité, visent à faire des économies. Sachant que la loi ne fixe que des objectifs, nous devrons insister pour être associés à la rédaction du décret.

La mise sous condition de ressources des allocations familiales, monsieur Lalande ? Je vous renvoie à l'une des promesses du candidat François Hollande. Avant d'être élu à la présidence de la République, ce dernier avant indiqué qu'il ne reviendrait sur le principe de l'universalité des allocations familiales.

M. Jean Germain. - C'est d'une initiative parlementaire, en l'occurrence, qu'est venu l'amendement...

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. - Nous vous aidons à respecter une promesse du Président de la République. Vous devriez nous en être reconnaissants.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 12 bis

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. - L'article 12 bis prévoit d'assujettir aux cotisations sociales, sous certaines conditions, les dividendes versés par les sociétés anonymes (SA) et les sociétés par actions simplifiées (SAS) à leurs dirigeants. Il est issu d'un amendement de Gérard Bapt. Il part d'une idée de départ assez juste : on ne peut pas rester aveugles à certaines pratiques d'optimisation fiscale. Cependant, sachant que les petites entreprises subissent une lourde taxation, il est tentant pour leurs dirigeants de minorer leur salaire, en compensant sur leurs dividendes, sur lesquels ils ne payent pas de cotisations sociales. Si l'on veut éviter l'évasion sociale, il faut trouver un système équilibré. Se caler sur le plafond de la sécurité sociale, de l'ordre de 37 000 euros, en soumettant l'ensemble à cotisations dans la limite de ce montant serait, à mon sens, plus judicieux que le système proposé, sur lequel le Gouvernement a d'ailleurs, semble-t-il, l'intention de revenir tant il pose problème. D'où cet amendement de suppression, en l'attente de sa position définitive.

L'amendement de suppression n° 1 est adopté.

Article 29

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. - Mon amendement n° 2 vise à supprimer l'article 29, qui étend le tiers-payant intégral aux bénéficiaires de l'aide à la complémentaire santé. L'extension du tiers-payant intégral à ce public part d'un bon sentiment, mais c'est s'acheminer vers la généralisation du tiers-payant à l'ensemble des assurés, qui ferait supporter une charge de trésorerie importante sur les médecins, au risque que beaucoup d'entre eux demandent un déconventionnement.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je vois mal, de surcroît, comment on pourrait, avec les franchises médicales, généraliser le tiers-payant. Quid, dans ce cas, de la participation forfaitaire d'un euro par acte ?

L'amendement de suppression n° 2 est adopté.

Article additionnel après l'article 49

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. - Cet amendement vise à instaurer trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière. Je m'en suis expliqué. On sait que le jour de carence, abrogé par la loi de finances pour 2014, avait produit des résultats. C'est aussi rétablir l'équité entre les personnels des cliniques privés et ceux des hôpitaux. Nous sommes de ceux qui pensent qu'il faut faire prévaloir, dans ce pays, quelques critères de cohérence. L'économie, en l'occurrence, ne serait pas négligeable : 60 à 70 millions d'euros par jour de carence.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La Fédération hospitalière de France (FHF), qu'avec Philippe Dallier, nous avions entendue, et qui souhaite le rétablissement de deux jours de carence, nous a montré, chiffres à l'appui, l'impact de la suppression du jour de carence. Francis Delattre vous en a indiqué le montant. Sans parler de la fonction publique de l'Etat, où un jour de carence représenterait une économie estimée à 60 millions d'euros, ni de la fonction publique territoriale. Au total, l'économie liée à l'instauration d'un seul jour de carence serait de 160 millions d'euros environ. Ce n'est pas rien.

L'amendement n° 3 est adopté.

Article 55

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. - Mon amendement n° 4, élaboré en liaison avec la commission des affaires sociales, vise à réduire d'un milliard d'euros les dépenses entrant dans le périmètre de l'ONDAM : 400 millions d'euros pour les soins de ville, et 600 millions d'euros pour les établissements de santé tarifés à l'activité, selon le partage retenu par nos collègues des affaires sociales.

Si nous adoptons cet amendement et revenons sur la mise sous condition de ressources des allocations familiales, l'économie pour les finances sociales sera, au total, de 500 millions d'euros.

L'amendement n° 4 est adopté.

Article 61 A

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. - Mon amendement de suppression n° 5 vise à revenir sur la mise sous condition de ressources des allocations familiales. Je m'en suis expliqué.

L'amendement de suppression n° 5 est adopté.

Article 69

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. - Mon amendement n° 7 vise à porter de 25 % à 40 % la majoration de redressement due en cas de constat de travail dissimulé, afin de renforcer le caractère dissuasif du dispositif de lutte contre la fraude sociale. J'ai pu constater, dans mon département, et je ne crois pas être seul dans mon cas, combien l'on peine à mobiliser l'inspection du travail et le préfet sur ce sujet. Quand on arrive à attraper un fraudeur, il faut vraiment que ce soit dissuasif.

L'amendement n° 6 est adopté.

M. Francis Delattre, rapporteur pour avis. - Dans le même esprit, mon amendement n° 7 vise à porter de 10 % à 20 % la majoration de redressement due en cas de récidive d'une pratique non conforme à la législation en vigueur en matière de cotisations sociales.

L'amendement n ° 7 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, sous réserve des amendements qu'elle propose.

La réunion est levée à 12h30.

Loi de finances pour 2015 - Mission « Action extérieure de l'Etat » - Examen du rapport spécial

La réunion est ouverte à 14 h 30

Au cours d'une seconde séance tenue l'après-midi, la commission procède à l'examen du rapport MM. Éric Doligé et Richard Yung, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Action extérieure de l'État ».

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - La mission « Action extérieure de l'État » regroupe les crédits du ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI), à l'exception de ceux dévolus à l'aide publique au développement, qui fait l'objet d'une mission spécifique. Cela représente une masse financière de l'ordre de 3 milliards d'euros.

Deux changements de périmètre sont à signaler pour cette année : d'une part, l'intégration de l'opérateur « Atout France », chargé de la promotion du tourisme en France, dont Richard Yung parlera plus précisément ; d'autre part, l'arrivée d'un nouveau programme provisoire dédié à la préparation et à l'organisation de la Conférence « Paris Climat 2015 » - que j'évoquerai moi-même plus longuement.

Au niveau de la mission, les crédits demandés diminuent de 2,1 % à périmètre constant par rapport à 2014. La baisse devrait s'établir à plus de 3 % sur l'ensemble de la période triennale 2015-2017 ; la mission « Action extérieure de l'État » participe donc pleinement à la maîtrise des finances publiques. Ces économies passeront notamment par la maîtrise de la masse salariale, qui représente un peu moins du tiers des crédits demandés (soit 902 millions d'euros), pour un total de 12 172 équivalents temps plein travaillés (ETPT).

À cet égard, on notera que l'objectif d'une réduction de 600 ETPT sur la période 2013-2015 a été atteint. Entre 2015 et 2017, la diminution des effectifs devrait être de 450 ETPT.

Il s'agira de poursuivre les mouvements engagés depuis plusieurs années en matière de format de nos réseaux à l'étranger, qu'il s'agisse du réseau diplomatique, du réseau consulaire ou du réseau culturel. En effet, le Gouvernement, tout comme son prédécesseur, a fait le choix de maintenir « l'universalité » de ce réseau, donc de ne pas complètement quitter des pays où nous disposons de postes. En revanche, la taille de ces postes s'adapte aux nouvelles réalités. Le symbole de cette politique reste le classement de nos ambassades en trois catégories, parmi lesquelles celle des « postes de présence diplomatiques », qui se réduisent à une poignée d'emplois. Selon les éléments dont nous disposons, treize nouvelles ambassades devraient devenir des postes de présence diplomatiques d'ici à 2017, ce qui représente un doublement. Dans le même temps, le MAEDI poursuit le basculement progressif des effectifs de certaines zones « historiques » vers les pays émergents les plus importants.

J'en viens à mes principales observations sur les deux programmes que j'ai plus particulièrement suivis.

Le programme « Action de la France en Europe et dans le monde » porte les crédits d'état-major du ministère, ceux du réseau diplomatique ainsi que les contributions de la France aux principales organisations internationales. Il « pèse » 1,8 milliard d'euros, soit un peu plus de 60 % de l'ensemble.

Ses crédits diminuent de 2,5 % en 2015, principalement sous l'effet de la diminution de 43 millions d'euros des contributions aux organisations internationales (OI) et aux opérations de maintien de la paix (OMP). Celle-ci s'explique par plusieurs facteurs : la stabilisation du budget des OI et des OMP, la révision du barème des Nations-Unies, la sortie de la France d'une organisation internationale (l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel - ONUDI), mais aussi l'hypothèse d'un taux de change moyen de 1,36 dollar pour un euro - au lieu de 1,31 en 2014. Là se situe d'ailleurs le principal point de fragilité de ce programme puisque le taux de change réel, hier soir, était de 1,25 dollar pour un euro. Or un écart de 10 centimes par rapport à la prévision annulerait complètement l'économie de 43 millions d'euros espérée sur cette ligne. J'ajoute, en passant, que l'application d'un taux de mise en réserve de 8 % à ces dépenses obligatoires se justifie peu, ces crédits ayant une très forte probabilité d'être débloqués en cours d'année pour honorer les engagements de la France.

L'autre point principal à mettre en lumière concerne les dépenses immobilières, qui devraient rester financées de manière dérogatoire, comme notre ancien collègue Roland du Luart nous l'avait expliqué ces dernières années. L'article 22 de ce projet de loi de finances prolonge ainsi de trois ans, jusqu'à fin 2017, le système selon lequel le produit des cessions du MAEDI à l'étranger retourne à ce ministère. Le principe est néanmoins écorné par une contribution forfaitaire au désendettement « d'au moins 25 millions d'euros par an » sera demandé au MAEDI - qu'il réalise ou non des cessions, du reste, et par le financement, grâce à ces produits, des dépenses qui auraient dû figurer dans les crédits de la mission (travaux de sécurisation de certains postes et rénovation lourde des postes), à hauteur d'une vingtaine de millions d'euros par an. Il importera d'organiser la sortie progressive de ce système d'ici à 2017. Le MAEDI n'en sort d'ailleurs gagnant qu'à condition de réaliser au moins 50 millions d'euros de cessions par an, ce qui présente la dimension d'un « pari » sur le potentiel d'optimisation qui reste encore à réaliser sur le parc immobilier à l'étranger.

S'agissant enfin du nouveau programme, intitulé « Conférence Paris Climat 2015 », je serai bref car je vous proposerai un amendement qui me permettra de résumer le fond de ma pensée. Ce programme a pour objet de porter les crédits consacrés à la préparation et à l'organisation de la 21e Conférence des parties (COP 21) à la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (CNUCC), qui se tiendra du 30 novembre au 11 décembre 2015 à Paris. Cette création de programme suit la logique qui avait présidé, en 2011, à l'établissement d'un programme isolant les crédits dévolus à l'organisation du G8 et du G20 en France. Le montant des crédits demandés est loin d'être négligeable : 179 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 43,4 millions d'euros en crédits de paiement (CP), les dépenses devant, pour l'essentiel, être effectuées en 2016. Il s'agira d'un évènement au rayonnement mondial, réunissant des délégations venues du monde entier ; au total, plus de 40 000 participants sont attendus pendant ces deux semaines.

M. Richard Yung, rapporteur spécial. - Comme l'a souligné Éric Doligé, le périmètre du programme « Diplomatie culturelle et d'influence » s'enrichit de l'arrivée d'un nouvel opérateur, le groupement d'intérêt économique (GIE) Atout France, l'agence de développement touristique de la France, qui a notamment succédé à la « Maison de la France ». L'intégration dans la mission de sa subvention de 30,4 millions d'euros symbolise la compétence du ministère du MAEDI en matière touristique. En revanche, les crédits du commerce extérieur restent pour l'heure au sein de la mission « Économie », notamment la subvention à Ubifrance et à l'Agence française des investissements internationaux (AFII).

C'est d'ailleurs l'arrivée de cet opérateur qui explique l'augmentation optique de 2,8 % des crédits du programme « Diplomatie culturelle et d'influence », qui devraient atteindre 745,5 millions d'euros. À périmètre constant, ces crédits diminuent de 0,6 % par rapport à l'année dernière.

Les choix budgétaires du Gouvernement sont d'ailleurs assez clairs sur ce programme. D'une part, les crédits d'intervention dits d'influence, comme les bourses de mobilité d'étudiants étrangers en France ou les échanges scientifiques, restent à leur niveau de l'année dernière, ce qui est bien. D'autre part, les opérateurs subissent uniformément un rabot de 2 % sur le montant nominal de leur subvention, selon le mécanisme que nous a présenté ce matin même le rapporteur général, en paraissant regretter son caractère indistinct ; ce rabot est d'ailleurs accentué par le passage de 7 % à 8 % du taux de mise en réserve des crédits. Cette toise concerne l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), bien que cette agence soit chargée d'une mission d'enseignement qui aurait pu la protéger, l'Institut français, qui promeut la culture française hors de nos frontières, Campus France, l'agence des échanges éducatifs et scientifiques, et donc le nouvel Atout France. En revanche, je ne dispose pas d'éléments sur la manière dont les opérateurs devront gérer cette diminution de leur subvention. J'espère que ces informations seront disponibles au moment de la séance publique.

Pour ce qui concerne le programme « Français à l'étranger et affaires consulaires », ses crédits diminueront également de 0,6 % à périmètre constant l'année prochaine.

Plusieurs facteurs expliquent cette baisse. Des facteurs conjoncturels, à commencer par l'absence, en 2015, d'élections concernant les Français établis hors de France. Mais aussi des facteurs plus structurels.

On note ainsi une légère diminution des crédits de personnel
(-  0,3 %), du fait de la rationalisation du réseau consulaire, et malgré la création de 25 emplois dans les services de traitement des visas pour la troisième année consécutive. Les octrois de visas augmentent toujours d'environ 8 % par an, et devraient dépasser la barre des 3 millions l'année prochaine. Il faut préciser qu'il s'agit d'une activité lucrative pour l'État, la marge nette sur l'octroi d'un titre de court séjour étant d'environ 20 euros qui, au demeurant, ne profite pas au MAEDI. De plus, il s'agit d'une activité stratégique dans un contexte de forte concurrence dans le domaine touristique notamment. C'est donc une bonne politique.

Parmi les facteurs d'économies, je citerai enfin la réforme de la représentation des Français établis hors de France de juillet 2013. Ce changement se traduit par une économie de plus de 20 %, les crédits passant de 3,4 millions d'euros à 2,7 millions d'euros.

Pour mémoire, cette réforme s'est traduite par la forte diminution du nombre de membres de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE), passé de 190 à 90, par la création de 160 conseils consulaires.

En revanche, les crédits consacrés aux bourses scolaires augmentent de 5,6 %, passant de 118,8 millions d'euros à 125,5 millions d'euros. Il s'agit d'assurer le respect d'un engagement pris par le Président de la République en 2012 : le rattrapage en trois ans, sur le budget des bourses attribuées selon des critères sociaux, de la suppression de la prise en charge de tous les lycéens, quels que soient les revenus de leur famille, instaurée sous le précédent quinquennat. Nous verrons la suite, maintenant que ce rattrapage a été effectué. Le nombre d'enfants scolarisés ne cesse, lui, d'augmenter ; 60 % de ces enfants sont des non-nationaux, ce qui est excellent et conditionne d'ailleurs l'existence même des établissements.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, je vous invite à adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat ». Je vous présenterai toutefois un amendement de modification des crédits, relatif aux ambassadeurs thématiques.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Où en sommes-nous dans la localisation commune de postes à l'étranger avec des pays comme l'Allemagne ?

S'agissant des visas, quel est leur délai d'octroi, tout particulièrement avec des pays considérés comme stratégiques, tels que la Chine ?

M. Yvon Collin. - Je voudrais savoir quelles sont les raisons qui ont conduit la France à quitter l'ONUDI.

M. Vincent Delahaye. - Quelles seraient les conséquences d'un écart de dix centimes par rapport à la prévision budgétaire sur le taux de change entre l'euro et le dollar ?

Par ailleurs, nous avons quitté l'ONUDI. Y a-t-il d'autres organisations internationales dont nous pourrions partir ?

Enfin, quand se décidera-t-on à faire une véritable réforme de notre réseau à l'étranger ?

Mme Fabienne Keller. - Au sujet des ambassadeurs thématiques, je voudrais témoigner de la qualité et de l'utilité de deux d'entre eux, dont j'ai pu apprécier les services : l'ambassadeur chargé de la lutte contre le virus du SIDA et les maladies transmissibles, à la mission transversale très utile ; et l'ambassadeur pour les commissions intergouvernementales, la coopération et les questions frontalières.

M. Richard Yung, rapporteur spécial. - Au rapporteur général, je dirai tout d'abord que les ambassades communes sont des « éléphants blancs », dont on parle beaucoup mais qu'on ne voit pas. Les dossiers sont toujours très difficiles à monter, chacun voulant imposer ses normes. Même lorsqu'il s'agit de mutualiser l'octroi de visas, alors que l'on parle du même titre au sein de l'espace Schengen, on trouvera toujours vingt « bonnes raisons », ou prétendues telles, pour que cela ne se fasse pas.

S'agissant des visas, la réalité est très différente selon les pays. Le ministre a vraiment insisté sur l'importance de la Chine, et l'on a bien avancé, dans ce pays, pour que l'octroi du titre se fasse en vingt-quatre heures. À Tamanrasset, ce n'est pas la même chose...

L'ONUDI est une organisation basée à Vienne qui produit des rapports, mais au sein de laquelle notre présence n'est clairement pas indispensable. Quant au fait de quitter d'autres organisations... je vous laisserai avancer vos propositions, Monsieur Delahaye. Cela peut se révéler politiquement délicat.

Vous parlez également de réforme globale du réseau. Celui-ci se redimensionne, année après année, dans une logique de réorientation vers les pays les plus dynamiques. Dans d'autres pays, on ne supprime pas l'ambassade mais on laisse l'ambassadeur avec très peu d'emplois autour de lui. On supprime aussi des emplois dans la dizaine d'ambassades à format d'exception que compte notre réseau. Donc, le ministère agit. À mes yeux, le vrai débat porte sur les responsabilités et les compétences de chacun, en particulier le rôle des consulats à l'égard des communautés françaises. Des groupes de travail ont été créés, sans résultat, chacun semblant se satisfaire de l'existant.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - Richard Yung ayant dit l'essentiel, je vais simplement compléter son propos sur quelques points.

Nous améliorons effectivement notre performance en matière de visas. Les représentants du MAEDI que nous avons rencontrés nous ont dit s'attendre à un doublement de l'octroi de titres de court séjour dans les dix prochaines années. Il s'agit, effectivement, d'une activité qui rapporte, environ 20 euros par visa.

S'agissant du risque associé au taux de change, on peut l'estimer à une quarantaine de millions d'euros pour un écart de dix centimes sur la seule ligne des organisations internationales, ce qui n'est donc pas négligeable. La mission « Action extérieure de l'État » finance la contribution française à 72 organisations. Disons qu'il serait difficile de quitter les plus importantes et que l'enjeu financier associé aux plus petites n'est pas considérable.

Au sujet des colocalisations, le sujet bouge peu mais n'est pas enterré, certains projets avec l'Allemagne avançant encore. Cela dit, il ne faut pas voir dans cette démarche un enjeu budgétaire.

Enfin, à propos des consulats, il est vrai que leur travail gagnerait à être redéfini. Les consulats d'Allemagne, par exemple, n'ont pas du tout la même charge que nos postes.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - En somme, le MAEDI maîtrise ses dépenses mais procède pas vraiment à sa réforme de structure. Je partage ce qu'ont dit les rapporteurs spéciaux au sujet de la mutualisation des octrois de visas avec nos partenaires de l'espace Schengen. Certains postes ne se justifient pas. Faudra-t-il qu'un jour, nous coupions des crédits afin de nous faire entendre ?

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - Il faut, en tout cas, nous pencher sur le travail des consulats, d'ailleurs très différent en fonction des pays d'implantation. Certains postes semblent, avant tout, avoir pour mission d'organiser des mariages et de procéder aux contrôles préalables nécessaires... Ce n'est qu'à l'issue d'un tel travail que nous pourrions disposer d'éléments justifiant une baisse de crédits.

Mme Michèle André, présidente. - Oui, attention, les consulats ne font pas qu'octroyer des visas. Ils accomplissent aussi de nombreuses tâches en faveur des Français présents dans leur ressort, comme la délivrance de passeports biométriques, des visites dans des lieux privatifs de liberté, etc.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - Et, comme je l'ai indiqué, nous devrions passer de 3 millions à 6 millions de visas dans un délai assez court.

Mme Michèle André, présidente. - Ce qui nécessite évidemment des moyens.

M. Claude Raynal. - Pour ma part, je tiens à souligner que le ministère « joue le jeu » du sérieux budgétaire et que nous devons prendre garde à ne pas nous montrer trop sévères. Il a entrepris de vraies réformes, que nous devrions saluer. La possible évolution du rôle des consulats fait d'ailleurs partie des réflexions du MAEDI. À mon sens, les efforts financiers sont globalement faits aux bons endroits, de même que les préservations de crédits - je pense notamment aux bourses de mobilité pour les étudiants étrangers.

M. Vincent Delahaye. - Je mettrai un bémol à cette appréciation. Le MAEDI demande souvent une « rallonge » de crédits dans la dernière loi de finances rectificative de l'année. On ne saurait donc le qualifier d'exemplaire. En outre, il doit faire mieux, notamment en termes d'organisation.

Mme Michèle André, présidente. - Nos rapporteurs spéciaux ont de beaux sujets de contrôle devant eux.

M. Richard Yung, rapporteur spécial. - Monsieur Delahaye, depuis sept ans, le nombre d'emplois du MAEDI diminue, bon an mal an, d'environ 200 par an en moyenne. Certes, on peut toujours faire mieux, mais sachons reconnaître que ce ministère a fait sa part, même s'il est vrai que les diplomates ne réservent pas toujours un bon accueil aux conseils d'organisation du réseau formulés par des non-diplomates.

Mme Fabienne Keller. - Si, globalement, les emplois baissent, le nombre d'employés à statut précaire, comme les volontaires internationaux, affectés à de véritables missions, augmente, lui, dans les postes comme à Paris.

Par ailleurs, avec Yvon Collin, nous avons pu constater que l'Agence française de développement (AFD) et l'institution financière allemande, la KFW, ont mis en place, faute de moyens, un système assez astucieux de chef de filat dans lequel, selon les pays, un organisme instruit un dossier à fond, l'autre acceptant la délégation. Ne pourrait-on envisager un système de ce type pour les ambassades, ce qui supposerait, certes, une claire distinction des missions ?

Enfin, mon expérience personnelle, notamment à Haïti, me conduit à souligner que, dans certains postes, l'organisation et l'accueil de délégations en visite prennent un temps significatif au personnel de l'ambassade ou du consulat.

M. Roger Karoutchi. - Mon expérience passée au sein de ce ministère me permet de vous affirmer que beaucoup d'efforts ont déjà été consentis. Le MAEDI ne roule pas sur l'or, il est même à l'os et, quand j'étais représentant permanent auprès de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), nous nous battions, avec mes homologues d'alors, pour obtenir « trois francs, six sous ». Il faut y prendre garde et être cohérents : on ne peut pas parler de la place de la France dans le monde et ne pas consacrer les moyens nécessaires à cette présence.

J'indique d'ailleurs à Fabienne Keller que les ambassadeurs reçoivent pour consigne d'embaucher du personnel local autant que faire se peut. Dans certaines ambassades, on ne trouve parfois que deux Français ! Sachons donc conserver un équilibre.

Enfin, disons quand même que des postes ferment, notamment des consulats. À la longue, cela entraîne un manque de débouchés dans la carrière diplomatique et le départ du MAEDI de fonctionnaires de grande qualité.

Mme Michèle André, présidente. - Ainsi se clôt la discussion générale. Monsieur Yung, pouvez-vous nous présenter votre amendement ?

M. Richard Yung, rapporteur spécial. - Cet amendement a pour objet de diminuer de 150 000 euros  en AE et en CP les crédits du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », action 7 « Réseau diplomatique ».

Comme le montant l'indique bien, le but premier n'est pas de réaliser d'importantes économies mais de donner suite à un contrôle budgétaire que j'ai réalisé il y a deux ans sur les ambassadeurs thématiques.

J'avais alors montré que ces ambassadeurs ne mobilisent que peu de crédits. Selon des éléments actualisés, leur budget « tout compris », incluant notamment la rémunération de ceux de ces ambassadeurs qui sont des agents du MAEDI, serait de 3,5 millions d'euros.

En outre, ils ne sont pas tous inutiles, le rôle positif de certains d'entre eux étant parfois souligné par plusieurs parties prenantes.

Néanmoins, on peut s'interroger sur leur nombre, même s'il a récemment diminué (de 28 à 21), ainsi que sur les fonctions de certains d'entre eux. Quels que soient les mérites des intéressés, avons-nous vraiment besoin d'un « ambassadeur chargé de l'adoption internationale », ou même d'un « ambassadeur chargé de la mobilité externe des cadres supérieurs » ? Pourquoi ces postes ne sont-ils pas de simples postes de chefs de service ?

En outre, leurs conditions de nomination apparaissent assez cavalières : alors que la Constitution prévoit une nomination en Conseil des ministres, plus de la moitié de ces ambassadeurs en fonctions il y a deux ans avaient été nommés par une simple note de service.

Il faut porter ce débat en séance publique et c'est dans cet esprit que je vous soumets cet amendement.

La commission adopte l'amendement proposé par M. Richard Yung, rapporteur spécial.

Mme Michèle André, présidente. - Monsieur Doligé, vous nous proposez également un amendement. Pouvez-vous le présenter à la commission ?

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - Cet amendement d'appel a pour objet de diminuer de 10 millions d'euros en AE et de 2 millions d'euros en CP les crédits du programme 341 « Conférence Paris Climat 2015 », action 2 « Organisation de la COP 21 ».

Je veux, par ce moyen, faire réagir le Gouvernement sur deux questions.

La première porte sur le montant important des crédits demandés, qu'il ne nous est pas possible de contre-expertiser. Je comprends que le cahier des charges d'une telle manifestation est exigeant. Pour autant, le ministre devra s'expliquer précisément sur le montant des crédits qu'il demande. Pourquoi 64 millions d'euros d'aménagement des espaces loués ? Pourquoi 11 millions d'euros de communication ? Et même, pourquoi plusieurs millions d'euros d'hébergement et de restauration pour la délégation française ? Nous avons besoin de davantage d'éléments afin de pouvoir juger si ces crédits sont correctement calibrés.

La seconde question porte sur le financement de l'évènement. Pour l'heure, aucun financement partenarial ne semble envisagé par le Gouvernement. Or, au vu de l'ampleur de ce sommet, de nombreux partenaires pourraient sans doute être recherchés avec profit, de nombreux groupes français étant susceptibles de vouloir montrer leur savoir-faire. Une telle démarche serait de nature à alléger, peut-être de 15 % à 20 %, la facture finale pour les contribuables. Il convient que le ministre s'exprime aussi là-dessus.

C'est pourquoi je vous propose cet amendement de diminution de crédits, qui, encore une fois, est un amendement d'appel et ne vise à pas à empêcher notre pays d'assumer ses obligations.

M. André Gattolin. - J'ai une hostilité de principe à une telle initiative. Je rentre du Canada, où j'accompagnais le Président de la République dans le cadre de la préparation de la COP 21. Nous devons tirer les leçons de l'échec du sommet de Copenhague, en 2009. Nous avons perdu cinq ans !

Si, comme le souhaite le rapporteur, des groupes privés actifs dans le domaine de l'énergie finançaient le sommet, ils pourraient bloquer un accord. Nous ne sommes pas aux Jeux olympiques. Nous avons été choisis pour organiser cette réunion, nous devons donc l'assumer, uniquement sur des fonds publics, même si des économies sont sans doute possibles. Espérons au moins que cette réunion se montrera exemplaire pour ce qui concerne son empreinte carbone...

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - Beaucoup d'autres sponsors que des groupes pétroliers sont envisageables dans mon esprit. De manière générale, quand on réclame au Parlement l'ouverture de 179 millions d'euros de crédits pour organiser un sommet international, j'estime que nous devons regarder les choses de près. Je le répète, dans mon esprit, il s'agit d'un amendement d'appel, qui nous permettra de débattre sur une base sérieuse.

Certains collègues ont remarqué que les élections régionales se tiendront pendant le sommet. Pourrons-nous tout organiser en même temps ? Avons-nous vraiment besoin de 40 000 participants ? Il nous faut des explications, y compris sur la recherche de possibles partenaires.

M. Richard Yung, rapporteur spécial. - Je n'ai pas signé cet amendement même si je partage la préoccupation d'Éric Doligé. Il est vrai que l'on peut se demander ce que nous allons faire du parc des expositions du Bourget lorsqu'on demande 64,3 millions d'euros en location et aménagement des espaces... Mais je crains que diminuer une ligne budgétaire consacrée à la préparation d'un évènement au retentissement mondial, sur l'organisation duquel la France est attendue, envoie un mauvais message.

C'est pourquoi, au bout du compte, je ne soutiendrai pas cette initiative, même si j'en comprends la motivation.

La commission adopte l'amendement proposé par M. Éric Doligé, rapporteur spécial, puis décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

Loi de finances pour 2015 - Participation de la France au budget de l'Union européenne (article 30) - Examen du rapport spécial

Puis la commission procède à l'examen du rapport M. François Marc, rapporteur spécial, sur la participation de la France au budget de l'Union européenne (article 30)

M. François Marc, rapporteur spécial. - La contribution française au budget communautaire prend la forme d'un prélèvement sur les recettes de l'État, voté chaque année en loi de finances. Mon propos mettra l'accent sur quelques faits marquants que j'ai souhaité porter à votre connaissance.

Quelques mots tout d'abord sur le niveau de ce prélèvement en 2014, avant de vous parler de son évaluation par le projet de loi de finances pour 2015. Il a récemment été indiqué qu'une économie d'un milliard d'euros pourrait être constatée pour la contribution française, en raison du fait que la part du revenu national brut (RNB) de la France dans le RNB total de l'Union européenne s'est réduite. Le Royaume-Uni a, quant à lui, fait savoir qu'il refuserait de payer les probables 2 milliards d'euros supplémentaires qu'il devra au budget communautaire en raison des corrections opérées suite à ses bonnes performances économiques.

Mais en réalité, l'exécution 2014 de notre prélèvement dépendra surtout des huit projets de budgets rectificatifs présentés en 2014, qui pourraient conduire à augmenter les crédits ouverts sur l'exercice et donc appelés sur les contributions nationales. Compte tenu de ce contexte, la prévision d'exécution pour 2014 est particulièrement difficile à formuler et il pourrait s'agir, in fine, d'une exécution proche de la prévision en loi de finances initiale pour 2014, soit 20,22 milliards d'euros.

Cette situation serait assez atypique car des écarts considérables sont d'ordinaire constatés entre la prévision et l'exécution du prélèvement. En 2013, en particulier, la sous-estimation du prélèvement révélait un écart d'environ 2 milliards d'euros en exécution, portant notre contribution pour 2013 à plus de 22,4 milliards d'euros. Quelle que soit l'issue de l'exécution pour 2014, je plaide pour que l'estimation du prélèvement soumise au vote du Parlement soit la plus précise et la plus fiable possible. Mais sans doute est-ce là un voeu pieux compte tenu des méthodes mises en oeuvre pour calculer ces contributions...

L'article 30 du projet de loi de finances pour 2015 évalue notre contribution à 21,04 milliards d'euros. Ce montant est d'ores et déjà incertain puisque le Gouvernement a expliqué que notre futur prélèvement pourrait se trouver réduit au regard des différentiels de croissance en Europe.

Dans le contexte économique difficile que nous traversons, l'Union européenne doit apporter des leviers indispensables au relèvement de notre croissance potentielle. J'attends dès lors du budget communautaire qu'il s'oriente dans cette direction et qu'il mette l'accent sur les dépenses de compétitivité. Dans son discours du 15 juillet 2014 devant le Parlement européen, Jean Claude Juncker, président de la Commission européenne, a annoncé son intention de demander un plan d'investissements de 300 milliards d'euros sur les trois prochaines années. Un tel plan paraît utile, mais des incertitudes pèsent sur les modalités de financement de ce plan, ainsi que sur son contenu effectif.

D'une part, un recours à des financements indirects, par l'intermédiaire de garanties et de crédits de la Banque européenne d'investissement (BEI), pourrait être l'un des fondements de ce dispositif. L'impact sur les finances publiques européennes et nationales reste pour l'instant très incertain. D'autre part, il n'est pas sûr que ce plan d'investissements soit prioritairement orienté en faveur des entreprises innovantes. Il peut être imaginé que le plan fasse l'objet d'une utilisation pour financer le « mécanisme pour l'interconnexion en Europe » (MIE), c'est-à-dire des projets d'aménagements d'infrastructures en matière de transport, d'énergie et de numérique. Une telle mission avait été assignée aux obligations pour projet (ou « project bonds »), ces fameux emprunts obligataires émis par des investisseurs privés avec la garantie de la BEI, par délégation de la Commission européenne. J'estime qu'au moment où les finances publiques doivent être assainies, ce qui est de nature à fragiliser le financement de projets d'investissement ambitieux, l'initiative du plan d'investissements de 300 milliards d'euros, même s'il se révèle être in fine la simple réactualisation des project bonds, peut contribuer, en mobilisant les financements privés, à répondre à l'objectif de soutien à la croissance en Europe.

Pour le reste, je me félicite que le cadre financier pluriannuel (CFP), également appelé « perspectives financières de l'Union européenne », ait prévu des instruments de flexibilité. J'en donnerai deux exemples. D'une part, le fonds européen d'ajustement à la mondialisation, plafonné à 162 millions d'euros par an, vise à faciliter la réintégration sur le marché du travail de personnes privées d'emploi. Ainsi, 918 000 euros doivent nous être accordés pour aider 760 travailleurs licenciés par l'entreprise GAD suite à la fermeture des sites de Lampaul-Guimiliau, Saint-Martin et Saint-Nazaire. D'autre part, la réserve de crise pour le secteur agricole, destinée à soutenir le secteur agricole en cas de crises affectant la production ou la distribution, avec un maximum de 400 millions d'euros par an, soutiendra en 2014 les secteurs agricoles européens frappés par l'embargo russe sur les produits alimentaires occidentaux. 324 millions d'euros devraient ainsi être destinés aux filières fruits et légumes et 20 millions d'euros pour la filière laitière.

J'en arrive maintenant à la question du stock de « restes à liquider » (RAL). Ces derniers correspondent aux engagements pris par l'Union européenne non encore couverts par des paiements. Ce stock de RAL est estimé à 233 milliards d'euros pour la fin 2015 et il est probable que les RAL continueront d'augmenter sans qu'aucune mesure ne soit prise pour contrer cette évolution. À ce sujet, il conviendrait d'interroger le Gouvernement en séance afin de connaître l'impact précis des RAL sur notre contribution nationale et de clarifier les mesures qui seront prises pour résoudre ce problème. Notez que ces RAL doivent être distingués des restes à payer (RAP), qui correspondent à des factures reportées d'une année sur l'autre. Leur montant a tendance à augmenter très nettement, ce qui pourrait être le signe que les États membres ne cherchent pas tant à être remboursés rapidement, qu'à éviter des dépenses. Tout ce qui est mis en paiement à partir du mois de novembre donne lieu à report sur l'exercice suivant, ce qui a un effet mécanique favorable pour chaque État qui se trouve dans cette situation. Pour la seule politique de cohésion, il s'agit en 2014 d'un niveau record de 23 milliards d'euros de restes à payer.

J'en viens maintenant à la négociation budgétaire communautaire pour le budget 2015, négociation qui est toujours en cours. Comme à l'accoutumée, l'avant-projet de budget a été présenté par la Commission européenne au printemps. La Commission a proposé une augmentation de 2,1 % des crédits d'engagement par rapport à 2014, soit un budget de 145,60 milliards d'euros. Les crédits de paiement affichent, quant à eux, une hausse de 4,9 % et s'élèvent à 142,14 milliards d'euros. Ce projet de la Commission a été revu à la baisse par le Conseil. Les coupes réalisées par le Conseil, 522 millions d'euros en crédits d'engagement et, surtout, 2,14 milliards d'euros en crédits de paiement, contredisent les priorités adoptées par l'Union européenne en matière de soutien à la croissance et à l'emploi dans la mesure où la rubrique consacrée aux dépenses de compétitivité est la plus durement affectée par ces coupes sombres. Enfin, le Parlement européen a voté en séance plénière, le 22 octobre 2014, un budget plus ambitieux qui porterait ces engagements à 146,35 milliards d'euros et le niveau des paiements à 146,42 milliards d'euros, soit une augmentation de 2,6 % des crédits d'engagement et de 8,1 % des crédits de paiement par rapport à 2014. Il va sans dire que la proposition d'augmentation des crédits formulée par nos collègues députés européens rendra difficiles les négociations entre les deux branches de l'autorité budgétaire, lors de la phase de conciliation prévue par le traité de Lisbonne qui devrait aboutir dans le courant du mois de novembre.

Avant d'en arriver à ma conclusion, je voudrais formuler quelques remarques sur l'évolution de notre solde net. La France devrait demeurer en 2015 le deuxième bénéficiaire et le deuxième contributeur au budget communautaire, étant précisé qu'il ne s'agit pas de montants identiques. Si l'on rapporte notre contribution aux dépenses, l'évolution de la situation ne peut manquer d'interroger, voire d'inquiéter. Notre solde net dépasse les 9 milliards d'euros par an depuis 2012. En disant cela, je n'ignore pas les limites inhérentes à la notion de solde net, qui ne retrace qu'imparfaitement les gains économiques, et en aucune façon les gains politiques que les États membres retirent de leur adhésion à l'Union européenne.

Pour conclure, je souhaite plaider en faveur d'une plus grande reconnaissance du rôle des Parlements nationaux. J'estime que nous devons notamment prendre toute notre place dans la Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière (GEF) de l'Union européenne, créée en 2013. Il est vrai qu'elle a de la peine à se mettre au travail de manière effective, comme l'a montré la réunion qui s'est tenue à Rome en septembre dernier, à laquelle a participé notre ancien collègue Claude Belot et dont notre présidente a rendu compte le 15 octobre dernier.

Voilà ce que l'on peut dire à ce stade sur la situation qui n'est pas encore tout à fait stabilisée puisque les concertations se poursuivent et la conciliation devrait aboutir fin novembre. Sous réserve de ces différentes observations, je recommande à la commission d'adopter sans modification l'article 30 du projet de loi de finances pour 2015, en vous suggérant de conserver la foi dans la construction européenne.

M. André Gattolin. - Évidemment les écologistes soutiendront ce budget. Nous avons même le sentiment que ces crédits sont un peu insuffisants au regard des objectifs assignés à l'Europe en matière de développement et de relance de l'économie. Je suis toujours étonné d'un point de vue comptable que, à travers l'article 30, on n'appréhende la dimension européenne que sous l'angle des 20 ou 21 milliards d'euros de dépenses. Il n'y a aucun retour dans nos comptes des apports, que ce soit au niveau des collectivités territoriales ou de l'État. Y compris dans les travaux du secrétariat général des affaires européennes, il n'y a pas de mise en bilan. On parle d'un solde net négatif de 9 milliards d'euros, mais il faudrait prendre en compte l'effet d'entraînement sur le budget et l'économie nationale. Les 11 ou 12 milliards d'euros qui reviennent à travers les fonds européens en France n'entrent pas dans la comptabilité de l'État. Même s'ils transitent de plus en plus souvent par les régions et l'aide territoriale, je trouve que cela procède d'une mauvaise pédagogie auprès de nos concitoyens pour montrer l'importance de l'Europe.

M. Yvon Collin. - Vous avez évoqué des crédits affectés par l'Europe à la filière fruits et légumes touchée particulièrement par la décision d'embargo russe. Vous avez cité un montant. Est-ce l'enveloppe globale européenne ou la part affectée à la filière française ?

M. Francis Delattre. - Notre rapporteur spécial paraît un peu sceptique quant aux 300 milliards d'euros que l'Europe envisage d'investir les trois prochaines années et à leur ciblage. On a entendu parler d'un chiffre assez réduit de l'ordre de 10 milliards d'euros pour la France. A-t-il des chiffres plus précis ? Par ailleurs, il nous a indiqué qu'il n'était pas vraiment envisagé d'investissements pour améliorer la compétitivité générale de la zone euro. A-t-il quelques exemples d'investissements ? En réalité, même en améliorant les infrastructures de déplacements urbains, on améliore la compétitivité générale du pays. Il n'y a pas que les nouvelles technologies, les infrastructures elles aussi sont utiles à la compétitivité d'une économie. Je pense qu'il faut encourager, sur des sujets comme celui-ci, la Banque centrale européenne à desserrer son étreinte pour relancer la croissance dans la zone euro.

Mme Fabienne Keller. - Beaucoup d'espoirs sont fondés aujourd'hui sur une possible reprise liée à ce plan d'investissements annoncé par le président de la Commission européenne. Pourriez-vous nous en préciser le montant, mais surtout dire quel en serait le mécanisme de financement ? Pour l'instant, il n'y a pas de financement autre que les contributions nationales, ce qui créerait de la dette à hauteur de 300 milliards d'euros dans les États membres. Quels en seraient les effets par ricochet sur les économies européennes, et notamment sur l'économie française ?

M. Richard Yung. - Le rapporteur spécial peut-il nous en dire plus sur les discussions semble-t-il un peu tendues avec les Britanniques ? J'ai entendu dire que Madame Angela Merkel était très en colère et menaçait Monsieur David Cameron qui refuse de payer la part supplémentaire demandée à la Grande-Bretagne, malgré le mécanisme de la correction britannique ou « chèque britannique » qui existe depuis vingt ans. Par ailleurs, à quoi correspondent ces 233 milliards d'euros de restes à liquider ? Cette somme est quand même époustouflante !

M. François Marc, rapporteur spécial. - Il y a tout d'abord une interrogation sur le contenu des actions réalisées grâce aux fonds européens et André Gattolin regrettait le fait que les retours de la contribution européenne ne soient pas valorisés de manière forte. Cette question est totalement pertinente, mais je crains de ne pas pouvoir y répondre car avec cet article 30, nous sommes simplement confrontés à la décision sur le prélèvement et sur le financement que la France doit apporter à l'Union européenne. Ma note de présentation donne quelques indications sur les programmes et leurs évolutions. Mais il est vrai qu'il serait opportun, dans un but pédagogique pour mieux « vendre » à nos concitoyens l'intérêt à apporter cette somme considérable à l'Union européenne, de compléter l'information apportée.

Sur les montants d'enveloppes évoquées, il s'agit d'enveloppes plafond européennes. L'enveloppe de 400 millions d'euros sera partagée avec les Pays-Bas, le Danemark et plusieurs autres pays.

M. Yvon Collin. - C'est peu au regard des sinistres !

M. François Marc, rapporteur spécial. - Les sinistres sont conséquents. Le lait est concerné et aujourd'hui ce sont les producteurs de porc qui indiquent subir des dégâts plus considérables. Sur le plan d'investissements, je conviens que c'est une ambition généreuse et nécessaire que de vouloir lancer un plan d'investissements à l'échelle européenne. Certains d'entre nous l'appellent depuis longtemps de leurs voeux. Nous l'avions évoqué avec les project bonds il y a deux ans. Si l'on trouve une concrétisation, ce sera une bonne chose, mais il y a des incertitudes quant aux catégories d'investissements qui seraient privilégiées puisque les arbitrages au niveau européen n'ont pas encore été rendus. Je me suis interrogé sur le fait que la compétitivité, qui est notre préoccupation première aujourd'hui, ne soit pas forcément l'objectif prioritaire. Il y a beaucoup de décideurs publics en Europe qui pèsent pour que ce soit les infrastructures, notamment de transport, qui soient très largement privilégiées pour la mise en oeuvre de ces moyens. Je m'interrogeais sur le bien-fondé d'une telle orientation, même si je ne disconviens pas qu'il y a beaucoup à faire sur les infrastructures, sur le ferroviaire par exemple. La compétitivité et l'emploi étant la priorité numéro 1, mon souhait est que cet argent puisse aller vers des entreprises innovantes de secteurs de pointe où sans doute l'Europe a à rattraper quelques retards. La question sur le financement de ce plan est une bonne question. Peut-on craindre que cela charge à nouveau l'endettement ? C'est justement ce que l'on essaye d'éviter. L'ingéniosité des uns et des autres en Europe est mise à contribution pour permettre de trouver les formules qui, au travers de la BEI et de la garantie européenne, permettraient l'intervention d'acteurs privés ou de partenariats public-privé et ainsi de s'extraire de cette spirale de l'endettement systématique. Dans quelques mois, on peut imaginer qu'on aura trouvé la bonne solution et que ce plan pourra être activé, car il y a urgence. En tout cas, le souhaite partagé est d'éviter l'incidence sur l'endettement.

Où en sommes-nous des discussions avec les Britanniques ? Il y a aujourd'hui une interrogation générale en Europe sur les rabais nombreux qui ont été accordés et sur leur légitimation. Je pense par exemple aux fameux moins 25 % accordés à la Suède. Dans ce contexte, un groupe à haut niveau a été mis en place pour rechercher un compromis pour clarifier les contributions de chaque État et essayer de mettre à plat ce système de rabais qui continue à empoisonner l'atmosphère au sein de l'Union européenne. Cette instance a commencé à travailler et une proposition sur la reformulation du dispositif des contributions nationales est attendue au printemps 2015. Vous avez noté à quel point ce dispositif est assez boiteux. Il a évolué. À l'origine, les recettes de TVA en constituaient l'essentiel. Maintenant il est fondé à 74 % sur le revenu national brut (RNB). Tout le monde voudrait que l'Europe se dote d'une ressource propre conséquente qui soit prélevée sur l'ensemble de l'économie européenne. Mais aucun accord n'a encore été trouvé pour aller vers cette solution idéale qui nous permettrait de nous extraire de ces débats récurrents sur les contributions, qui créent un climat défavorable.

Quant aux 233 milliards de RAL, ils proviennent de l'accumulation dans le temps de tout ce qui a été promis et n'a pas été payé. Certains programmes européens financés par des fonds européens sont étalés sur de très nombreuses années. De plus, ils financent parfois des projets d'infrastructures qui nécessitent en amont de lever certains obstacles, ce qui ajoute des causes de retard. La situation est rendue encore plus compliquée par l'existence des huit projets de budgets rectificatifs en 2014, qui nécessitent d'affiner au fur et à mesure la contribution de chacun.

M. Daniel Raoul. - A-t-on une idée du niveau de RAL concernant la France ? A-t-on un tel retard sur les réalisations des projets qui ont été engagés ?

M. François Marc, rapporteur spécial. - Je n'ai pas le chiffre. J'essayerai de vous le communiquer ultérieurement.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter sans modification l'article 30.

Audition de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, préalable au G20 de Brisbane sur la croissance et la régulation financière

Enfin, la commission procède à l'audition de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, préalable au G20 de Brisbane sur la croissance et la régulation financière.

Mme Michèle André, présidente. - Nous entendons Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, à la veille du G20 qui se tiendra à Brisbane les 15 et 16 novembre. De même que le Sénat tient un débat en séance publique préalablement à chaque Conseil européen, nous organisons cette réunion avant le G20 pour que le Parlement soit pleinement informé des questions qui y seront à l'ordre du jour, de leurs enjeux et des positions qui y seront défendues par la France. Le G20 a acquis ces dernières années un rôle d'impulsion majeur en matière de politique monétaire, de politiques budgétaires et fiscales - notamment sur les paradis fiscaux - ou de régulation bancaire et financière.

M. Michel Sapin, ministre. - La montée en puissance du G20 est une conséquence de la crise financière : il fallait une réponse mondiale à des problèmes mondiaux. Depuis la crise, les travaux du G20 se sont accélérés et son champ d'intervention s'est élargi.

Le premier sujet qui sera abordé à Brisbane est la faiblesse de la croissance mondiale, déjà constatée par les ministres des finances pendant leur réunion préparatoire à Cairns. En Chine, le taux de 7 % ou 8 % masque d'importants déséquilibres économiques et sociaux internes. Au Brésil, la croissance est atone. Et dans la zone euro, elle est bien trop faible. Pourquoi ? Le changement récent de politique monétaire y changera-t-il quelque chose ? La présidence australienne a invité les membres du G20 à réfléchir aux actions pouvant être prises pour qu'en 2018 la croissance soit supérieure de 2 % à ce qu'elle serait si nous ne faisions rien. C'est une démarche intéressante ! La solution passe sans doute par le développement de l'investissement, public comme privé. En Europe, Jean-Claude Juncker exposera demain des modalités de mise en oeuvre rapide du plan d'investissements de 300 milliards d'euros. Ces investissements porteront sur de grandes infrastructures de transport ou d'énergie, mais aussi sur la recherche et l'innovation.

Le deuxième point à l'ordre du jour sera la lutte contre le réchauffement climatique. Après le sommet de Lima cette année, nous organiserons le sommet de Paris fin 2015 et comptons bien appeler l'attention des membres du G20 sur cet enjeu, susciter des contributions publiques au Fonds vert pour le climat et mobiliser l'investissement privé, car il est aussi possible de participer à cette lutte au travers de projets rentables. Le Président de la République rentre du Canada : certains grands pays sont plus réticents que d'autres à s'engager dans ce combat...

Troisième sujet, la régulation financière, qui est l'ADN du G20. Avec la catastrophe de 2008 est apparue la nécessité d'encadrer la finance devenue folle. Le travail effectué depuis, qu'il s'agisse des banques ou des assurances, est remarquable, même s'il n'est pas achevé : nous devons réguler le shadow banking, si nous ne voulons pas voir les activités bancaires se vider au profit de l'extra-bancaire - phénomène qui pourrait être organisé par les banques elles-mêmes pour échapper à certaines contraintes -, ce qui créerait de nouveau des fragilités.

La coopération fiscale, enfin, doit renforcer la lutte contre la fraude fiscale et réduire l'optimisation fiscale. Chaque pays doit mobiliser son opinion publique, alors même que la plupart doivent accroître la pression fiscale, sur l'injustice que ces phénomènes représentent. L'OCDE a effectué un excellent travail. Un standard commun sera mis en place pour lutter contre le secret bancaire. La semaine dernière, à Berlin, 52 pays se sont engagés à mettre en oeuvre un système d'échange automatique d'informations le 1er janvier 2017. Une cinquantaine d'autres pays le feront le 1er janvier 2018. C'est dire que les pays qui ne le feront pas seront marginalisés. Comme l'échange automatique d'information devra porter sur les trois dernières années, c'est dès le 1er janvier 2015 que la donne va changer. D'ailleurs, les déclarations affluent à mon ministère, souvent accompagnées de gros chèques ! Cela nous procure 1,8 milliard d'euros de recettes supplémentaires pour cette année, auxquelles s'ajouteront 400 millions d'euros supplémentaires l'an prochain. C'est une vraie réussite.

L'OCDE a également travaillé sur l'optimisation fiscale et identifié quinze sujets, dont sept ont fait l'objet de travaux suffisamment précis pour faire l'objet de décisions à Brisbane. Les autres, plus complexes, seront examinés au prochain G20, en Turquie. Il s'agit par exemple des prix de transferts, des organisations mère-filles ou de la rémunération des brevets : les patent boxes ne doivent pas être des black boxes !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous vous entendons à un moment particulièrement opportun : après avoir examiné ce matin en commission les grandes lignes du projet de loi de finances, nous examinerons demain en séance publique le projet de loi de programmation des finances publiques.

L'un des grands objectifs du G20 est de soutenir l'investissement. On ne peut que s'en réjouir ; je lis dans le document de la présidence australienne que « que pour soutenir l'investissement, les pays du G20 devront prendre des mesures spécifiques au niveau national ». En France, l'investissement de l'État ne représente que 2,1 % du budget, et les crédits des collectivités territoriales sont en baisse. Dès lors, comment soutenir l'investissement ?

L'Europe semble être le seul continent à appliquer unilatéralement les nouvelles règles prudentielles applicables au secteur financier. Les capacités d'intervention de nos banques en sont-elles bridées ?

Enfin, vous avez annoncé la semaine dernière un effort supplémentaire de 3,6 milliards d'euros...

M. Michel Sapin, ministre. - Une diminution du déficit.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Sur ces 3,6 milliards d'euros, vous avez déclaré que 400 millions d'euros viendront de la diminution de la charge de la dette. Le Gouverneur de la Banque de France nous a récemment expliqué que les taux ne pourraient guère baisser davantage. Comment les annonces que vous avez faites seront-elles mises en oeuvre ? Dans quel texte budgétaire allez-vous les inscrire ?

M. Michel Sapin, ministre. - De manière très française, vous pensez spontanément à l'investissement public...

M. Gérard Longuet. - Vous l'avez mentionné vous-même !

M. Michel Sapin, ministre. - Le montant global des investissements en Europe est inférieur de 18 % à ce qu'il était en 2007. Cette situation résulte d'un déficit de demande, mais aussi d'une diminution de notre croissance potentielle. Tous pays confondus, l'investissement public est resté à peu près constant, après une légère hausse en 2009 et 2010 ; l'investissement privé - celui des ménages dans l'immobilier comme celui des entreprises - a chuté. Comment le relancer ? Maintenir l'investissement public est certes indispensable - et je sais que le Sénat est particulièrement sensible à l'investissement des collectivités locales -, mais le sujet fondamental, c'est celui de l'investissement privé. Je n'oppose pas public et privé, d'autant que pour déclencher l'investissement privé, il faut souvent une mise d'investissement public. Mais il y a également une question de nature réglementaire.

A cet égard, je ferai le lien avec vos questions sur Bâle III : depuis l'entrée en vigueur de ces normes dites « Bâle III », le bilan de certaines banques, notamment françaises, est encombré, ce qui obère leur capacité à accorder de nouveaux prêts et à soutenir l'investissement. Que faire ? Une des réponses serait la titrisation. La mauvaise titrisation est la titrisation opaque, incompréhensible, qui ne permet pas d'identifier le risque intrinsèque et qui conduit à l'écroulement du système financier tel qu'on l'a connu en 2008 ; personne n'en avait correctement évalué, pas même les agences de notation qui donnent des notes à ces titres comme elles le font aux États. En revanche, une titrisation permettant à des banques de vendre sur le marché des créances identifiées et au risque connu permettrait d'alléger leur bilan et de leur donner ainsi des marges de manoeuvre pour soutenir l'activité économique.

Sans régulation, le monde est dangereux, mais trop de régulation dissuade la prise de risque. C'est vrai que l'Europe se montre toujours bonne élève, elle en fait souvent plus que les exigences internationales - et il arrive même à la France d'en faire encore un peu plus ! Au début, les États-Unis ont semblé s'exonérer des normes dites « Bâle 3 ». Finalement, ils ont pris les textes d'application. Le comité de Bâle fera son rapport sur la conformité à Bâle III des pays qui y sont soumis en décembre prochain. Il y a cependant une nuance importante : les États-Unis n'appliquent ces règles qu'aux grandes banques internationales, l'Union européenne les applique à toutes les banques, étant entendu que la quasi-totalité des banques françaises est de nature internationale.

Actuellement, la France emprunte pour dix ans au taux de 1,17 %. C'est extrêmement bas. Faut-il s'en réjouir ? Ce taux très bas reflète aussi l'insuffisance de l'activité économique et la faiblesse de l'inflation. Il est toujours difficile, pour un homme politique, de commenter l'inflation : pour les consommateurs, la vie moins chère est bienvenue ! Cependant, une inflation aussi faible qu'aujourd'hui signifie qu'il y a déjà déflation dans certains secteurs, comme dans le monde agricole ou certaines branches industrielles, voire certains services. La déflation incite à différer les achats, ce qui ralentit dangereusement l'économie. L'inflation basse est dangereuse : c'est pourquoi il vaut mieux prévoir des taux plus élevés, ce que nous faisons s'agissant de notre dette. Ainsi, pour cette année, la valeur prévue était de 2,3 % au moment où nous établissons le budget, mais les taux ont baissé considérablement depuis lors. C'est pourquoi, avec une nouvelle estimation prudente à 2 %, nous réalisons quelque 400 millions d'euros d'économies.

Je vous rappelle que nous n'empruntons pas seulement pour financer le déficit budgétaire, mais aussi pour renouveler les emprunts, considérables, qui ont été souscrits en 2009 et 2010, lorsque le déficit était de 7 % et que le taux était de 4 %... Il ne faut pas oublier que la charge de la dette représente plus de 40 milliards d'euros, c'est-à-dire plus que les crédits de la mission « Défense », soit 31,4 milliards d'euros selon la loi de programmation militaire que nous respecterons scrupuleusement...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Comment les annonces que vous avez faites seront-elles mises en oeuvre ? Dans quel texte budgétaire allez-vous les inscrire ?

M. Michel Sapin, ministre. - Ce ne sera pas devant le Sénat dans le cadre de la loi de programmation ou du projet de loi de finances. La loi de finances rectificative sera présentée le 12 novembre prochain en Conseil des ministres. Elle sera l'occasion de constater la baisse des taux d'intérêt et de faire des projections pour l'année suivante. Nous y aborderons aussi la question de notre contribution à l'Union européenne.

M. Éric Doligé. - Merci d'avoir eu la délicatesse de remercier vos prédécesseurs d'avoir emprunté à 4 %, ce qui vous permet d'améliorer aisément votre budget...

M. Michel Sapin, ministre. - S'ils n'avaient pas emprunté, cela aurait été encore plus facile !

M. Éric Doligé. - Même si les infrastructures sont souvent payées avec de l'argent public, ce sont des entreprises privées qui les construisent, ce qui crée de l'emploi. Est-il encore possible de réaliser de grandes infrastructures dans un pays où les freins se sont multipliés ? L'affaire Ecomouv' a bien montré que non. Comment relancer l'investissement ?

M. Richard Yung. - D'où vont venir les 300 milliards d'euros annoncés par le Président de la Commission européenne ? En 2012, 100 milliards d'euros avaient été évoqués. Finalement, cette somme s'est réduite à 100 millions d'euros...

M. Michel Sapin, ministre. - Pour la France !

M. Richard Yung. - La Banque centrale européenne va-t-elle enfin se lancer dans le Quantitative Easing pour soutenir l'économie ? C'est ce qu'ont fait ses homologues américaine et japonaise.

A-t-on trouvé un accord sur la contribution des banques au fonds de résolution unique ?

L'OCDE a fait des propositions intéressantes sur la fiscalité des grands groupes. Des décisions seront-elles prises à Brisbane ? Sur la convergence fiscale, l'Europe ne progresse plus : c'est désespérant.

M. Yannick Botrel. - Quand le programme européen d'investissement sera-t-il mis en oeuvre ? Quelle sera la part de la France dans ce programme ?

M. Marc Laménie. - Quelles mesures envisagez-vous pour harmoniser la lutte contre la fraude ?

M. Gérard Longuet. - Renforcer la coopération fiscale est une excellente chose. Mais pour lutter contre l'optimisation, il faut rapprocher les taux et les assiettes. Gageons que s'il n'y a plus d'aberration en la matière, l'ampleur du phénomène diminuera. L'optimisation est un droit sacré, sauf à considérer que les citoyens dépendent exclusivement du pouvoir politique et qu'ils ne doivent pas pouvoir tirer parti de la concurrence internationale...

Je doute qu'avec un ordre du jour aussi chargé que celui de Brisbane vous puissiez faire des progrès significatifs en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Ne vaudrait-il pas mieux investir les sommes considérables qui sont consacrées chez nous à la transition énergétique, avec un résultat douteux, dans le développement de l'hygiène, de la santé et de l'éducation dans les pays en voie de développement ?

Vous appelez au développement de l'investissement. Quelles mesures comptez-vous prendre pour faciliter en France la constitution, la détention et la transmission du capital, et pour encourager l'émergence d'entrepreneurs ?

M. François Marc. - Merci d'avoir rappelé la philosophie initiale du G20 : la régulation financière pour soutenir la croissance et l'emploi. Il y a dans le monde 62 millions d'emplois de moins que s'il n'y avait pas eu de crise. L'Union européenne contribuera à la relance de l'investissement par son plan de 300 milliards d'euros. Comment les arbitrages sur le contenu des investissements seront-ils pris ? Certains pays européens souhaitent favoriser les infrastructures : l'Allemagne, en particulier, a beaucoup de retard en la matière. Pour la France, mieux vaudrait investir dans les nouvelles technologies, les industries du futur, le numérique : comment orienter les investissements vers des secteurs innovants ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Stimuler la croissance par l'investissement est une très bonne idée. Faire porter l'effort sur l'investissement privé, pourquoi pas, mais quelle est votre position sur les concessions, au sujet desquelles vous êtes à l'origine d'une loi solide, et les partenariats public-privé (PPP) ? La position de l'État sur le contrat Ecomouv' est très grave, car elle peut faire reculer de futurs investisseurs.

Les taux d'intérêt sont bas, tant mieux ! Mais nous ne remboursons pas le capital ! Depuis que je suis parlementaire, je n'ai jamais voté un budget en équilibre, et je n'en suis pas fière. Le Président de la République avait promis qu'il diminuerait le montant de la dette. Ce n'est évidemment pas possible, aussi longtemps que les budgets sont en déficit.

Chacun sait que les taux d'intérêt augmenteront l'an prochain, puisque la Fed met un terme à ses injections de liquidités. Comme nous sommes les derniers de la classe en matière de déficit, nous risquons d'avoir une mauvaise surprise.

M. Richard Yung. - Il n'y a pas de quoi s'en réjouir. Halte au French bashing !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Nous n'avons pas les mêmes lectures.

M. Bernard Lalande. - Le Président de la République a fait une priorité de la réduction de la fracture numérique sur le territoire. Un guichet « France très haut débit » doté de 900 millions d'euros doit aider les collectivités territoriales à investir dans le numérique. Quelle part des 300 milliards d'euros pourra être consacrée à cet objectif en France ?

M. Maurice Vincent. - La croissance faible risque de perdurer et nous ne pouvons exclure une entrée en déflation. Peut-on envisager de nouvelles marges de manoeuvre dans les mois qui viennent, par exemple à la Caisse des dépôts et consignations ou sur des financements publics pour le logement social ? Croyez-vous nécessaire de préserver au mieux les possibilités d'investissement public des collectivités territoriales, quitte à opérer certains ajustements ?

M. André Gattolin. - Je me félicite de ce que la contribution des banques françaises au Fonds de résolution de l'Union bancaire soit équivalente et non supérieure à celle des banques allemandes, à hauteur de 15 milliards d'euros. Je reste inquiet, car la France permettrait la déductibilité de ces contributions de l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Ce n'est pas le cas du côté allemand. En huit ans, le manque à gagner serait d'environ 650 millions d'euros pour l'État français. Pourquoi ne pas harmoniser les procédures entre la France et l'Allemagne sur ce sujet ?

Mme Michèle André, présidente. - L'échange automatique d'informations fiscales est un sujet qui nous tient à coeur. La France est entrée dans ce dispositif, copié sur la loi FATCA (Foreign account tax compliance Act), au mois de juillet dernier. Est-ce un mode de fonctionnement intéressant ?

Par ailleurs, qu'attendre du G20 pour l'encadrement du shadow banking ? Quelle est la position de la France ?

M. Michel Sapin, ministre. - Trop faible croissance, trop faible inflation, chômage trop important : telle est la situation dans la zone euro, alors que les observateurs prévoyaient une reprise de la croissance en 2014 et l'affirmation de cette reprise en 2015. Nous devions sortir fin 2013 de la deuxième crise, celle qui menaçait la zone euro d'éclatement. Ce n'est pas le cas. Le PIB de l'Italie est plus bas qu'en 2009. Idem pour l'Espagne, la Grèce et l'Irlande. En France, le taux de croissance est très faible, à 0,2 ou 0,3 %. Le redémarrage que tout le monde attendait en 2014 n'a pas eu lieu. Il n'y aura pas non plus de reprise forte en 2015, puisqu'on prévoit 1,1 % de croissance pour la zone euro. Cela ne suffira pas pour résoudre les problèmes économiques, sociaux et budgétaires auxquels nous devons faire face.

Pour répondre à Richard Yung, nous disposons effectivement de l'outil monétaire. Heureusement que la Banque centrale européenne existe ! Elle a été la première à prendre des décisions audacieuses, en 2008-2009, devançant les États et leurs politiques budgétaires. Elle continue aujourd'hui. Elle a fait le bon diagnostic, en juin dernier, pas tant sur les taux d'intérêt que sur la manière de transmettre des liquidités à l'économie. La BCE est allée au maximum et même au-delà de ce que son mandat l'autorisait à faire, en mettant en place des mécanismes de liquidités considérables. Encore faut-il transmettre ces liquidités aux entreprises, d'où le débat sur la titrisation. La politique monétaire de la BCE est la bonne, mais elle ne peut pas tout faire. C'est du moins l'avis de Mario Draghi. Les politiques structurelles doivent favoriser une réforme en profondeur de la société et du fonctionnement de l'État, afin que notre économie fonctionne et produise mieux dans le moyen et le long terme. Elles ont aussi leurs limites. Quant à la politique budgétaire, tout l'enjeu est de l'adapter à la situation actuelle. Nous ne pouvons pas en rester à la problématique de 2011-2012 - comment éviter que la crise des déficits publics se répercute sur l'unité de la zone euro ? Je ne dis pas qu'il faut renverser la table et mener une politique de relance, comme en 2009-2010. Nous sommes dans une politique d'adaptation, tant pour le rythme de réduction des déficits que pour l'utilisation des marges de manoeuvre dans les pays qui en ont les capacités. À nous de trouver le rythme de réduction des déficits qui stimulera l'arme budgétaire dans notre pays. L'investissement, qu'il soit public ou privé, est un autre outil à notre disposition. Il offre une réponse au débat académique qui a cours - doit-on mener une politique de l'offre ou de la demande ? - puisque l'investissement est une combinaison des deux.

En ce qui concerne la politique européenne, je ne suis pas capable de détailler le contenu des 300 milliards d'euros. Jean-Claude Juncker ne préside la Commission européenne que depuis lundi ; laissons-lui le temps de préciser le dispositif. Nous devrions avoir une vision claire de la méthode d'ici la fin de l'année. Une task force oeuvre auprès de la Banque européenne d'investissement pour définir la méthode d'identification des meilleurs investissements, ceux grâce auxquels nous pourrons moderniser en profondeur les infrastructures, par exemple. Les territoires ont un rôle à jouer. Cette question de l'investissement a déjà été portée en 2012 ; on avait alors augmenté le capital de la Banque européenne d'investissement de 10 milliards d'euros, avec un effet d'entraînement du secteur privé estimé à 100 milliards d'euros. Force est de constater que l'effet de levier est lent à se faire sentir ; il commence seulement à porter ses fruits. Il faut identifier les processus et les financements pour aller plus vite cette fois-ci. Deux solutions s'offrent à la Banque européenne d'investissement, augmenter son capital pour exercer un effet de levier, ou augmenter ses risques, ce qui n'est guère dans ses habitudes, car elle reste très attachée à son triple A.

La France est regardée par tous comme le pays de l'investissement public-privé : j'en veux pour preuve la délégation de service public, créée par la loi Sapin mais reprenant de très vieilles traditions qu'on appelle « concession » ou autre.

M. Gérard Longuet. - Le canal du midi !

M. Michel Sapin, ministre. - Les Allemands nous envient cette qualité et en sont curieux. Ils réfléchissent par exemple à un système d'autoroutes à péage, grâce auquel ils mobiliseraient des capitaux d'investissement à long terme pour financer leurs infrastructures.

Quant à l'Union bancaire, c'est un bon moyen de mettre en place un système de surveillance harmonisé dans l'ensemble de la zone euro, avec les mêmes critères et les mêmes conditions - sur le modèle des stress tests qui viennent d'être faits. Le Fonds de résolution est indispensable pour aider les banques en difficulté, sans que les États aient à intervenir. C'est l'État qui a sauvé Dexia par des subventions ou des garanties. Avec le Fonds de résolution unique, les banques s'aideront elles-mêmes. Le système bancaire français a la particularité d'être concentré sur quelques grands établissements. On entend souvent que les plus grandes, « too big to fail », devraient être les principales contributrices : mais on a vu que les petites banques - encore récemment au Portugal - pouvaient déstabiliser tout un système bancaire dans leur chute. Contrairement à nos craintes, il ne sera pas plus sollicité que d'autres pour contribuer au Fonds de résolution ; l'Allemagne et la France, qui ont des systèmes bancaires de poids comparables, contribueront de manière comparable.

L'échange automatique d'informations est une bonne réponse à la fraude fiscale. C'est un droit souverain des pays que d'avoir une fiscalité propre. Cela devient problématique lorsque les différences de fiscalité favorisent l'évasion fiscale. Nous disposons désormais d'un dispositif extrêmement efficace contre ce type de fraude.

Nous avançons sur la voie de l'harmonisation et de l'établissement d'une taxe sur les transactions financières. Une coopération renforcée s'est mise en place : onze pays doivent se mettre d'accord sur la première étape de cette taxe. En effet, il ne faut pas être dans une logique du tout ou rien ; des étapes sont nécessaires. La première étape pourrait être consacrée aux actions et à un de leurs dérivés dangereux, le Credit Default Swap (CDS), c'est-à-dire les paris sur la chute d'un État ou d'une entreprise. Nous proposons également à compter de 2016 une diminution du taux d'imposition des sociétés françaises pour l'aligner sur la moyenne européenne. Dans le même temps, l'Irlande a décidé de mettre fin progressivement à son taux bas.

Pour répondre à André Gattolin, j'appelle votre attention sur le fait que nous avons fait des propositions de cette nature, qui prendront forme dans le projet de loi de finances rectificatives. Elles seront équilibrées, car nous ne sommes pas là pour mettre à mal nos banques, mais pour utiliser la bonne finance au service de la bonne économie.

Je ne suis pas sûr, Monsieur Longuet, que l'optimisation soit un droit sacré. Des dispositifs existent grâce auxquels les entreprises ne paient rien nulle part, notamment, celles du monde virtuel, dont le chiffre d'affaires et les bénéfices sont pourtant bien réels.

M. Gérard Longuet. - Je ne dis pas qu'elles ne paient pas, je dis qu'elles optimisent.

M. Michel Sapin, ministre. - Les États-Unis sont les premiers à protester contre l'installation de ces entreprises aux Bahamas. Non, ce n'est pas un droit sacré pour les entreprises que de ne pas payer d'impôts, alors même qu'elles utilisent des infrastructures payées par l'impôt et une main d'oeuvre dont la formation est payée par l'impôt.

Mme Michèle André, présidente. - Merci, Monsieur le ministre. Nous vous souhaitons un grand succès au G 20.

La réunion est levée à 17 h 55