Mardi 15 novembre 2016

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

Loi de finances pour 2017 - Mission « Culture » - Examen du rapport spécial

La réunion est ouverte à 15 h 00.

La commission procède à l'examen du rapport de MM. Vincent Eblé et André Gattolin, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Culture ».

M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - Avant d'entrer dans le détail des crédits de la culture pour 2017, je souhaite, comme certains d'entre nous ont déjà eu l'occasion de le faire, exprimer un regret qui a trait aux conditions dans lesquelles le projet de loi de finances pour 2017 pourrait être examiné par le Sénat. La majorité sénatoriale, semble-t-il, devrait décider de ne pas débattre de ce budget en séance publique.

M. Philippe Dallier. - Ne soyez pas impatients !

M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - Cela serait doublement dommageable : une telle décision dévaloriserait les travaux de la commission des finances et déprécierait le rôle de l'institution sénatoriale dont la voix ne sera pas entendue. Si la majorité considère que ce budget est indigne d'être présenté en séance publique, nous ne pouvons que l'inviter à en proposer un autre !

Ceci étant dit, j'en viens au projet de loi de finances pour 2017 de la mission « Culture » dont je suis le co-rapporteur spécial avec André Gattolin.

La mission « Culture », qui devrait être dotée de 2,9 milliards d'euros en 2017, regroupe 85 % des crédits consacrés aux politiques publiques culturelles de l'État. Les 15 % restants sont présentés dans la mission « Recherche et enseignement supérieur »  et dans la mission « Médias, livre et industries culturelles ». La mission comporte trois programmes : le programme 131 « Création », le programme 175 « Patrimoines » et le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », lequel représente 42 % des crédits de la mission et comprend des crédits destinés au ministère et aux politiques transversales, en particulier l'enseignement supérieur culturel et la démocratisation culturelle. Le programme « Patrimoines » atteint 904 millions d'euros, un peu plus de 30 % du total des crédits de la mission ; le programme « Création » est doté de 777 millions d'euros, 27 % du total.

Le budget de la culture s'appuie sur un large réseau d'acteurs qui maille le territoire : l'administration centrale ne représente qu'un cinquième des crédits. Pour le reste, les dépenses sont des subventions aux opérateurs, pour 30 %, et des dépenses d'intervention, c'est-à-dire des aides financières, par exemple aux propriétaires de monuments historiques, des bourses aux étudiants de l'enseignement supérieur artistique... Ces crédits d'intervention représentent 34 % du total de la mission.

En outre, 35 % des crédits sont déconcentrés et gérés par les directions régionales des affaires culturelles (Drac). À la suite de l'adoption de la loi dite « NOTRe », en 2016, un ralentissement du rythme de décaissement des crédits par les Drac a été constaté. Il est lié à la réorganisation des services. Ainsi, les directions régionales ayant connu une fusion présentent au 30 septembre 2016 un taux d'exécution des crédits inférieur de dix points en autorisations d'engagement et de six points en crédits de paiement aux niveaux observés dans les autres régions. Sur les crédits liés aux monuments historiques, l'écart atteint douze points en autorisations d'engagement et neuf points en crédits de paiement. D'après les informations recueillies en audition, le décalage constaté sur les neuf premiers mois de l'année devrait être partiellement compensé par une accélération des décaissements en fin de gestion pour les Drac fusionnées. Il faudra le vérifier. La réorganisation des administrations culturelles déconcentrées devrait être achevée en 2017 et ne plus avoir d'incidence sur le rythme de décaissement des crédits.

J'en viens maintenant aux observations que le budget pour 2017 de la culture nous inspire, à mon co-rapporteur André Gattolin et à moi. Je commencerai par les points positifs.

La progression des crédits prévue en 2017 est justifiée par le lancement de dispositifs ambitieux. Elle témoigne d'un réel engagement du Gouvernement, après plusieurs années de resserrement des moyens. Le budget de la culture représente à nouveau 1 % du budget de l'État, ce qui n'était pas le cas depuis 2012 : de 2010 à 2014, les crédits n'ont cessé de baisser et ont connu sur la période une réduction que nous avons chiffrée à 14,4 %. La hausse des crédits en 2017, qui prolonge celle de 2016, compense donc la forte diminution intervenue précédemment, avec une budgétisation initiale équivalente à l'exécution constatée en 2009.

Les crédits alloués à l'entretien et à la restauration des monuments historiques sont maintenus à un niveau similaire à celui prévu en loi de finances pour 2016, à rebours du budget triennal qui prévoyait leur baisse. Ce maintien paraît nécessaire au regard des contraintes budgétaires des collectivités territoriales.

La mise en place d'un dispositif d'intervention d'urgence sur le patrimoine en péril, bien que l'enjeu budgétaire soit limité (1 million d'euros), constitue un symbole important. Il s'agit de créer un fonds de soutien qui aura vocation à financer des missions sur le terrain, en particulier en matière de formation et de soutien pour la protection et la reconstruction des biens patrimoniaux. C'est la première fois que la mission « Culture » dispose de crédits dédiés à des interventions d'urgence pour préserver le patrimoine en péril.

M. André Gattolin, rapporteur spécial. - À cela s'ajoutent deux autres points positifs. La priorité accordée à la jeunesse se traduit par une ambition forte en matière d'action éducative artistique et culturelle auprès des jeunes publics. Ainsi, grâce à une nouvelle hausse des crédits, les moyens sont doublés par rapport au début du quinquennat : ils passent de 30,8 millions d'euros en 2012 à 64 millions d'euros en 2017. Cela s'accompagne d'un relèvement de la cible de performance et d'une maîtrise du coût moyen par enfant des actions menées. Celui-ci a diminué de 23 % entre 2011 et 2015, de 13,40 euros à un peu plus de 10 euros. La maîtrise des coûts doit être saluée et maintenue afin de sécuriser les dispositifs d'éducation artistique et culturelle au niveau élevé auquel les a portés le Gouvernement.

Les moyens alloués aux conservatoires, après les coupes budgétaires en 2015 qui avaient fragilisé l'action de ces établissements, augmentent. Le rattrapage commencé l'an dernier se poursuit. D'après la ministre elle-même, le niveau initial n'est pas tout à fait retrouvé, mais ces crédits retrouvent une trajectoire positive. Ainsi, près de 8 millions d'euros sont destinés en 2017 à pérenniser les actions des conservatoires classés en faveur de la jeunesse et la diversité.

L'accroissement des moyens rend également possible le lancement d'un programme de 2 millions d'euros visant à renforcer la présence artistique, notamment des jeunes artistes, dans les projets d'éducation artistique en milieu scolaire. L'appel à projets « Création en cours » est conduit en lien avec l'établissement public de coopération culturelle Médicis-Clichy-Montfermeil et le ministère de l'éducation nationale. Il s'agit d'installer, chaque année, 100 artistes en résidence dans les écoles et collèges éloignés de l'offre culturelle - par exemple, quartiers de la politique de la ville, zones rurales et périurbaines, outre-mer, etc. - afin de favoriser des échanges soutenus entre les artistes et les enfants et adolescents du cycle 3, c'est-à-dire en classe de CM1, CM2 et 6e.

L'accompagnement par l'État des opérateurs culturels fragilisés à la suite des attentats doit être salué. En effet, le budget culturel public subit le contrecoup des attentats de deux façons. D'une part, l'État finance la sécurisation des opérateurs culturels publics : une augmentation de 6 millions d'euros est prévue à ce titre en 2017. D'autre part, l'État participe au financement du fonds d'urgence pour le soutien au spectacle vivant, Vincent Eblé et moi vous avions présenté une communication sur le sujet au printemps dernier, qui vise à indemniser une partie des surcoûts supportés par les établissements de spectacle privés et qui sera doté de 17,4 millions d'euros en 2017. La réduction des flux de touristes étrangers, particulièrement à Paris, n'a pas été sans conséquence pour les opérateurs de la mission « Culture » qui ont subi des pertes de recettes parfois considérables. L'État doit continuer de s'engager à leurs côtés, pour les aider à passer cette période difficile.

Mais ce budget pour 2017 présente aussi quelques points qui appellent une grande vigilance. Première observation : la réduction d'impôt au titre des dons n'est pas rattachée à la mission « Culture » bien qu'elle contribue à soutenir le secteur culturel. Or, l'absence de données précises relatives à la part de ce dispositif bénéficiant à des actions culturelles est problématique : le montant de dépense fiscale présenté au sein des documents budgétaires est agrégé et le ministère n'est pas en mesure de préciser le montant global des dons affectés à la culture déclarés à l'administration fiscale, ni leur répartition. Le montant de la dépense fiscale engagée au profit de fondations privées non reconnues d'utilité publique n'est pas non plus publié par le Gouvernement. Une enquête annuelle menée avec les services du ministère chargé du budget et les instances représentatives du mécénat et des fondations serait utile pour mieux cerner la répartition du mécénat déductible entre les différents secteurs de l'intérêt général. Il faudrait également identifier la répartition de la dépense fiscale entre les différentes structures : connaître le montant de dépense fiscale lié à un mécénat envers des organismes publics ou à l'inverse privés, avec le détail des statuts juridiques des structures bénéficiant du mécénat. Ainsi nous pourrions mieux appréhender les effets sur le secteur culturel et l'efficacité de la dépense fiscale.

Ma deuxième observation concerne le fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps), créé par le présent projet de loi de finances et doté de 90 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 55 millions d'euros en crédits de paiement. Il paraît dans son principe justifié, au regard des difficultés rencontrées par le secteur et de la nécessité de soutenir l'emploi. Cependant, la répartition des crédits entre les différentes aides à créer n'est pas encore connue, ni les modalités exactes d'attribution ; l'administration du fonds reste à définir. Il s'agira donc en 2017 de veiller à ce que les règles soient à la fois efficientes et en accord avec les objectifs initiaux.

Troisième point qui me paraît problématique : la très forte hausse des crédits d'intervention. Ceux-ci représentent, en crédits de paiement, 34 % du total des dépenses et près de 45 % des crédits hors titre 2 (c'est-à-dire hors masse salariale). Le projet de loi de finances prévoit une hausse des dépenses d'intervention de 12,3 %. Depuis 2013, l'augmentation totale serait de plus de 17 %, hors travaux de la Philharmonie de Paris et rebudgétisation de la redevance d'archéologie préventive (RAP).

Certes, les aides accordées sont une réponse à de réels besoins. Mais la multiplicité des dispositifs financés et la forte hausse des dépenses d'intervention appellent un examen attentif. Peut-être faudrait-il recentrer la dépense sur les dispositifs les plus efficients.

M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - Deux autres points doivent faire l'objet d'un suivi vigilant. De très nombreuses opérations immobilières sont lancées, annoncées ou se poursuivent en 2017. Le montant inscrit en 2017 s'élève à 150 millions d'euros en crédits de paiement mais le coût des travaux annoncés dépasse 1,5 milliard d'euros. Sur ce total, au moins 500 millions d'euros pèseraient sur l'État. Je pense en particulier à la rénovation du Grand Palais, qui devrait coûter 466 millions d'euros, au regroupement des administrations ministérielles sur trois sites et au déménagement de certaines archives à la suite de la fermeture du site de Fontainebleau. Comme nous l'avions déjà souligné l'an dernier, le programme immobilier de la mission doit faire l'objet d'un suivi particulièrement attentif. Les estimations initiales de coût doivent être très prudentes afin de garantir la soutenabilité budgétaire de la mission pour les années à venir car, chacun le sait, les enveloppes initiales sont souvent dépassées...

Ma deuxième remarque porte sur le fait que seuls 33 % des opérateurs font l'objet d'un contrat d'objectifs et de performance (COP). C'est un net recul par rapport à 2013 : 55 % des subventions pour charges de service public étaient alors couvertes par un tel contrat. Il est urgent que les contrats en cours de préparation soient conclus.

M. André Gattolin, rapporteur spécial. - Nous avions fait part l'an dernier de notre satisfaction concernant le budget alloué à la culture, qui traduisait son caractère prioritaire pour le Gouvernement. Le budget pour 2017 confirme la priorité accordée à la culture. Les quelques points de vigilance que nous avons signalés ne nous paraissent pas suffisants pour justifier un rejet. La hausse des crédits est justifiée par des dispositifs ambitieux, tournés vers la jeunesse et l'emploi. Ce budget est à la fois sincère et soutenable. Nous proposons donc l'adoption des crédits de la mission.

M Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La loi de finances pour 2016 a rebudgétisé la redevance d'archéologie préventive (RAP). Cela a créé une difficulté pour les services d'archéologie des collectivités territoriales, qui ne perçoivent plus son produit. Des subventions de remplacement sont indispensables. Qu'en est-il en 2017 ?

Les crédits alloués au patrimoine sont maintenus, il faut s'en réjouir. Mais, comme nos rapporteurs spéciaux l'ont souligné, au total il y a moins d'argent pour le patrimoine, puisque les collectivités territoriales font face à des contraintes budgétaires qui les forcent à se retirer du financement du patrimoine. Or à côté des financements de l'État, les financements complémentaires des collectivités locales sont considérables : est-il possible d'avoir quelques précisions sur ce point ?

Comme rapporteur spécial de la mission « Investissement d'avenir », j'avais évoqué la possible débudgétisation du financement de la restauration du Grand Palais : est-ce confirmé ? Si le PIA finance le Grand Palais, pourquoi pas les Invalides ? Le Louvre ? Versailles ? Où se situera la ligne de partage ? Quelle est la doctrine, s'il y en a une, qui permet d'affirmer que le chantier du Grand Palais relève du PIA et non des crédits du ministère de la culture ? C'est la voie ouverte à toutes les débudgétisations

M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission de la culture (programme 131 « Création »). - Le budget de la culture augmente cette année de manière assez exceptionnelle au regard du contexte budgétaire global : 5 % de hausse. Les deux premières années du quinquennat, j'ai été mécontent de constater qu'il diminuait à la suite de décisions comptables un peu aveugles, et très content quand il a ensuite été stabilisé, puis augmenté. Cette année, la hausse est réelle, je m'en réjouis. Car la culture est la première visée par les terroristes. Or elle fait vivre les citoyens ensemble, les fait communier le temps d'un spectacle ou d'un concert, quelles que soient les difficultés des temps.

Un effort très significatif est accompli sur les crédits de la création. Il sera donc possible de pérenniser ce qui semblait fragilisé, je pense notamment aux compagnies, aux festivals structurants ou innovants, aux résidences d'artistes, aux ateliers de fabrication et aux arts du cirque, de la marionnette, etc. Au-delà des aides, il s'agit d'un véritable investissement de l'État, très bien reçu dans ces secteurs. En outre, la création du Centre national des arts visuels, la photographie, qui a toujours été traitée comme le parent pauvre de la création, est un acte fort qu'il faut souligner.

Les performances de l'industrie du cinéma en France sont remarquables. En effet, 300 films ont été tournés l'an dernier et le danger principal, une fuite des tournages à l'étranger, a été endigué grâce à une mesure que j'avais proposée et que le Sénat a reprise : le crédit d'impôt, pourfendu par certains mais efficace. Même les tournages en cours ont été rapatriés. Des dizaines de milliers d'emplois sont en jeu, ainsi que le rayonnement de la France via son cinéma. L'effort se poursuit, afin que le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) soutienne la distribution et l'exportation et encourage les salles d'art et d'essai, souvent menacées de fermeture dans les petites villes ou en campagne. Le plan de numérisation totale que nous avons soutenu l'an dernier a fonctionné ; toutes les salles sont numérisées. En Espagne ou en Italie, où cela n'a pas été fait, on constate une chute brutale de la fréquentation. La France est le deuxième exportateur, après les États-Unis...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Et l'Inde ?

M. David Assouline, rapporteur pour avis. - Je ne parle pas de marché intérieur mais d'exportation. Bien sûr, les Indiens sont plus nombreux que nous et leur marché domestique est le deuxième plus grand au monde.

M. Dominique de Legge. - Vous avez mentionné que les crédits de paiement dans certaines directions régionales ne sont pas, pour l'heure, dépensés à hauteur de leur inscription en loi de finances. Vous l'avez expliqué notamment par la réorganisation des régions. Pourtant la Bretagne n'a pas été réorganisée, or depuis fin août, il n'y a pas eu une seule délégation de crédits ! Est-ce en raison d'un gel de crédits ?

M. Dominique de Legge. - Il est bien fâcheux de ne pas payer des entreprises dont les savoir-faire doivent être protégés et qui offrent des emplois non délocalisables. Il n'est pas normal que les engagements pris ne soient pas honorés. Plus aucun paiement n'est parvenu aux gestionnaires de monuments historiques depuis fin août.

M. Philippe Dallier. - Je voudrais revenir sur le programme immobilier de la mission. Le cumul des projets en cours représente, avez-vous dit, 1,5 milliard d'euros de dépenses. Pas moins de 466 millions d'euros seront consacrés au Grand Palais, financés en partie par le PIA, mais l'État ne financera pas la totalité de l'opération. Vous indiquez que l'État portera au moins 500 millions d'euros du total des dépenses liées au programme immobilier. D'où vient le reste ?

M. Vincent Capo-Canellas. - Le seuil de 1 % est franchi à nouveau, tant mieux. Mais tous les gouvernements ont la tentation de jouer sur des effets de périmètre pour se rapprocher de 1 %. Cette année, quels sont les effets de périmètre ?

M. Antoine Lefèvre. - Le niveau des crédits en matière de restauration et d'entretien des monuments historiques est maintenu, je m'en réjouis. Ce patrimoine fait aussi notre force et notre attractivité touristique. Les opérateurs et les propriétaires privés seront soutenus, tant mieux.

Dans les Hauts-de-France, ont été maintenues une Drac Picardie, dont le siège est à Amiens, et une Drac Nord-Pas-de-Calais qui se situe à Lille. S'agit-il d'une période transitoire ? Ou ce maintien est-il destiné à être pérenne ?

Mme Marie-France Beaufils. - L'aide à la création est un sujet très important. Une partie de la hausse des crédits orientée vers le spectacle vivant est liée aux besoins nouveaux qui ont émergé après les attentats. Les montants sont-ils suffisants, alors que le secteur de la création a déjà été très affecté par une baisse des crédits les années précédentes ? J'ai connaissance de certains cas dans lesquels on attend toujours des réponses de la Drac sur l'accompagnement qui pourrait être apporté ; quant aux collectivités, elles ne sont plus en mesure de compenser un éventuel désengagement de l'État.

Malgré les nombreuses négociations sur le régime des intermittents du spectacle, la situation de ces derniers est toujours fragile. Que pouvez-vous nous en dire pour 2016 ?

M. Michel Bouvard. - Le regroupement des anciennes régions entraîne celui des Drac. On découvre alors que le retard des décaissements par rapport à la programmation des travaux est très variable selon les territoires. Un décalage de un ou deux ans n'est pas très grave, mais il atteint parfois cinq ans ! Ne doit-on pas craindre que les fusions soient l'occasion de purger les plus gros retards, au détriment des services les plus sérieux ?

La loi dite « Raffarin » prévoyait la possibilité d'une décentralisation temporaire de la gestion des crédits du patrimoine historique, au niveau des régions ou, à défaut, des départements. Quel bilan peut-on en tirer aujourd'hui ? Les périmètres des régions sont à présent modifiés, les compétences culturelles du département assurées. Ne serait-il pas opportun de reprendre ce mouvement de décentralisation ?

M. Vincent Delahaye. - Sur le programme immobilier, je suis surpris que les rapporteurs spéciaux ne puissent pas nous fournir d'éléments financiers plus précis. Sur 1,5 milliard d'euros de programmation - avant dépassements, systématiques - on ignore d'où proviendront les deux-tiers des financements. Le regroupement des services ministériels se traduira par la cession de deux bâtiments et d'une résiliation de bail : des économies ne sont-elles pas à en attendre ?

Annoncer des projets ambitieux six mois avant la fin d'un mandat qui risque de se terminer assez mal ne me semble pas très correct sur le plan démocratique.

Enfin, je ne comprends pas cette hausse de 6 %. J'ai lu tous les documents budgétaires du Gouvernement depuis 2012, et la culture n'y apparaît jamais comme l'une des priorités. Et voilà que, d'un coup, le budget de la mission monte en flèche... C'est l'une des missions qui connait l'augmentation la plus importante. Un bon budget n'est pas forcément un budget qui augmente. La hausse est, selon moi, inconsidérée.

M. Éric Doligé. - J'étais hier en Haute-Vienne, représentant la délégation du Sénat aux collectivités territoriales qui se penche sur l'évolution des missions de l'État au service des collectivités. La directrice-adjointe de la Drac nous a expliqué le fonctionnement des services de la culture dans la Nouvelle-Aquitaine : on a scindé en trois les responsabilités pour maintenir les directions de Poitiers, Bordeaux et Limoges. Ainsi mon interlocutrice, s'occupant de culture populaire, reçoit à présent les dossiers des douze départements. Comment faire face, alors que les moyens ne sont pas à la hauteur ? Les rapporteurs spéciaux pourraient peut-être s'intéresser à la réorganisation des Drac.

M. Michel Bouvard. - Tout à fait !

M. Maurice Vincent. - Ce budget est très positif et nous le voterons. Cependant, nous déplorons le refus de la majorité sénatoriale de débattre en séance plénière et, en conséquence, nous nous abstiendrons de débattre ici, puisque cela ne débouchera sur rien. Nous ne laisserons pas instrumentaliser le débat de commission. Puisqu'aucune suite concrète n'est à en attendre, nous ne présenterons pas non plus d'amendements.

M. Michel Canevet. - Ce rapport me laisse perplexe : le niveau de 1 % en dépenses n'est calculé que sur un périmètre réduit, qui inclut par exemple les dépenses en faveur du cinéma : si celles-ci étaient réintégrées, l'on s'apercevrait que l'effort total de l'État en faveur du secteur culturel est bien supérieur à 1 % !

Et comment augmenter de 5,8 % les crédits de la culture quand on cherche à réduire les dépenses dans tous les domaines d'intervention de l'État ? Cela n'est pas réaliste. Les dépenses de personnel augmentent de 4 % alors que la fusion de certaines régions est censée permettre de réaliser des économies sur les administrations déconcentrées !

M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - Plusieurs questions ont été posées concernant la redevance d'archéologie préventive, rebudgétisée en loi de finances pour 2016.

D'abord, s'agissant des mesures de périmètre évoquées par Vincent Capo-Canellas, il y a bien un petit effet périmètre, lié justement à la rebudgétisation, mais il ne s'élève qu'à 118 millions d'euros ce qui n'est pas très important au regard du montant global du budget de la culture. Ce montant n'a donc pas grande incidence sur le seuil de 1 %.

Ensuite, quant aux conséquences de la rebudgétisation sur le financement de l'archéologie préventive, il faut d'abord souligner que c'est une opération importante pour les opérateurs de l'archéologie préventive. Ils étaient jusque là - et nous l'avions constaté ici-même - dans une grande difficulté pour percevoir les recettes issues de la redevance. Désormais, la rebudgétisation offre une certaine fiabilité aux opérateurs quant aux moyens sur lesquels ils peuvent compter pour accomplir leurs missions.

Le rebudgétisation a aussi, c'est vrai, un effet sur les collectivités territoriales puisque la redevance finançait à la fois l'Institut national de recherches archéologiques préventives (l'Inrap), le fonds national d'archéologie préventive (Fnap) mais également les services d'archéologie préventive des collectivités territoriales qui avaient fait le choix de créer un service propre - ce qui n'est pas le cas, bien évidemment, de toutes les collectivités locales. 10 millions d'euros sont budgétés sur la mission « Culture » en 2017 pour subventionner ces services, soit un montant équivalent à la fraction du produit de la redevance dont bénéficiaient les services territoriaux. Il n'y a donc, me semble-t-il, pas de crainte à avoir sur ce point, sauf situation très particulière qui appellerait alors une analyse approfondie.

Concernant l'ensemble des crédits mobilisés en faveur du patrimoine, il y a en effet une question, comme plusieurs d'entre vous l'ont évoqué, relative à la clé de répartition entre la dépense d'État et les dépenses des collectivités territoriales. Cela dit, la dépense de l'État vise d'abord à financer l'entretien et la restauration des monuments historiques dont il est le propriétaire. Le budget de l'État comprend aussi des aides pour les propriétaires privés, et les collectivités apportent des aides complémentaires d'un montant très variable. Elles disposent à ce titre d'une pleine autonomie de décision et de gestion. Certaines d'entre elles privilégiaient par exemple les édifices inscrits pour rattraper le différentiel de subventionnement par l'État qui privilégie souvent les monuments classés.

La tension sur les budgets locaux a certes des conséquences sur les montants alloués par les départements, les régions, voire les communes, à l'entretien du patrimoine monumental mais on pourrait faire la même remarque pour tous les secteurs : transports, routes, accompagnement social, logement... Nos interlocuteurs nous ont indiqué que l'inflexion à la baisse des contributions des collectivités territoriales concernant le patrimoine monumental était sensible à partir de 2010 et s'est accentuée à partir de 2015.

Il faut donc continuer de suivre ces questions avec vigilance, ce que nous nous efforçons de faire. Mais il faut aussi noter qu'un effort particulier de l'État peut inciter les partenaires à se désengager, comme on l'a parfois constaté. Prudence, donc.

M. André Gattolin, rapporteur spécial. - Concernant l'ampleur du programme immobilier de la mission, que vous avez été nombreux à évoquer, je voudrais d'abord remettre les montants en perspective. Les 466 millions d'euros du Grand Palais équivalent au coût du bâtiment de la Fondation LVMH dans le bois de Boulogne - payé aux deux tiers par un dégrèvement d'impôt. Je partage tout à fait le souci de rigueur budgétaire qui anime Vincent Delahaye, mais au moins, dans le cas du Grand Palais, les inscriptions budgétaires sont-elles claires.

Il s'agit en outre d'un projet stratégique pour l'attrait de Paris. Le Grand Palais fonctionne à 84 % sur ses recettes commerciales, il ne coûte donc pas cher à l'État. Mais aujourd'hui, certaines salles ne peuvent être ouvertes au public, pour des raisons de sécurité. Les travaux viseront aussi à rénover le Palais de la Découverte et il est envisagé de créer une agora entre le Petit et le Grand Palais. Les bornes ont été posées en 2013, le financement a été déterminé en 2016 et les travaux commenceront en 2020.

Depuis un an, les recettes de la billetterie ont chuté tandis que les charges liées à la sécurité augmentaient fortement.

Sur le total du financement, je rappelle que l'État apportera 136 millions d'euros au titre du programme 175, comme il le fait chaque année ; le PIA fournira 200 millions d'euros si le projet est retenu par le jury sur la base d'un projet qui devra faire la preuve d'une réelle rentabilité économique ; l'établissement pourra s'endetter à hauteur de 145 millions d'euros et le complément proviendra des fonds propres de l'opérateur.

M. Michel Bouvard. - L'opérateur fait partie de ceux qui sont autorisés à s'endetter ?

M. André Gattolin, rapporteur spécial. - Oui. C'est par ailleurs l'un des établissements culturels les plus performants en termes de ressources propres. Son inscription dans le PIA 3 est une exception, je le reconnais.

M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - Encore un mot à propos de la redevance d'archéologie préventive : il n'y avait avant la réforme de 2016 pas de corrélation entre sa perception et la réalité des opérations d'archéologie, puisqu'elle était due par les aménageurs quelles que soient les prescriptions archéologiques. En loi de finances initiale pour 2016, 10 millions de crédits ont été inscrits dans l'action 9 du programme 175, soit 9,2 millions à répartir entre les collectivités locales dotées de services d'archéologie, selon des critères qui seront définis par un décret.

M. Michel Bouvard. - Sauvons le soldat Inrap...

M. André Gattolin, rapporteur spécial. - Pour répondre à Michel Canevet, la hausse des dépenses de personnel s'explique par la faiblesse des primes distribuées jusqu'alors au ministère de la culture. La ministre Audrey Azoulay a fait part, lors de son audition devant la commission de la culture, des problèmes de recrutement de professionnels qualifiés. Le ministère mène donc une politique de réajustement des statuts et de rattrapage indemnitaire.

M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - Pour conclure, un rapport de l'inspection générale des affaires culturelles traite de la réorganisation des Drac et évoque la perspective de la stabilisation de l'organisation des Drac sur le territoire. Je vous invite à vous y reporter.

À l'issue de ce débat la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Culture ».

Loi de finances pour 2017 - Missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Crédits non répartis » - Compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État - Examen du rapport spécial

Puis la commission examine le rapport de MM. Michel Bouvard et Thierry Carcenac, rapporteurs spéciaux, sur les missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Crédits non répartis », et sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. - La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est une mission importante au sein du pôle économique et financier de l'État. Elle porte principalement les crédits de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). L'exercice 2017 est particulier : les crédits de la mission, 10,9 milliards d'euros, sont en hausse de 1,1 %, ce qui tranche avec la baisse continue de ces dernières années.

Cette hausse a deux raisons principales. Tout d'abord, s'agissant de la DGFiP, l'exercice 2017 sera marqué par la mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Afin de faire face au pic d'activité de l'année de transition évoqué par Bruno Parent, le directeur général des finances publiques, lors de son audition devant notre commission le 19 octobre 2016, 500 ETP sont « sauvegardés » par rapport à la trajectoire initiale. Le schéma d'emplois prévoit donc une suppression de 1 630 ETP, nettement inférieure aux 2 130 de l'an dernier.

Il faut toutefois reconnaître que les incidences budgétaires du prélèvement à la source n'ont pas encore été affinées. Combien d'emplois seront concernés à terme ? Les agents du contrôle fiscal, par exemple, hériteront d'une nouvelle mission : contrôler les collecteurs - comme l'administration le fait déjà pour la TVA - et non plus seulement les contribuables. La formation des agents commencerait en 2017. Quelque quarante applications informatiques devront être adaptées. Une campagne de communication nationale est prévue. Ces éléments ne sont pas encore intégrés dans le budget et devront être précisés. La discussion en commission à l'Assemblée nationale sur l'article 38 du projet de loi de finances a répondu aux interrogations récentes de notre rapporteur général : au sujet du taux neutre, trois niveaux de taux, progressifs, ont été prévus ; la familialisation a été améliorée, avec la prise en compte les naissances. C'est la preuve qu'on peut, dans la perspective d'une séance publique, améliorer le texte...

M. François Marc. - Et voilà...

M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. - Nous aurions pu compléter le texte en séance. Le Sénat aurait pu avoir un apport positif.

M. Didier Guillaume. - Eh oui : quel dommage.

M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. - Reste une question : la réversibilité du processus. Déjà 10 millions d'euros de crédits de paiement ont été engagés en 2016 pour commencer à modifier les programmes informatiques. Là encore, nous aurions pu poser la question au Gouvernement.

La mise en oeuvre du prélèvement à la source, toutefois, n'exclut pas la poursuite de la modernisation de la DGFiP. La dématérialisation des procédures se poursuit. En 2017, la télédéclaration de l'impôt sur le revenu concernera 23 millions de contribuables, contre 21 millions en 2016. La facturation électronique deviendra obligatoire en 2017 pour les fournisseurs de l'État, du moins pour les grandes entreprises et les personnes publiques, et la généralisation aux autres fournisseurs interviendra en 2018 et 2020. L'actuel portail impôts.gouv.fr sera remplacé par un espace numérique sécurisé et unifié (ESNU) pour les particuliers et les professionnels, avec une ergonomie totalement refondue.

Autre enjeu, la réorganisation du réseau territorial de la DGFiP - avec près de 4 000 points de contact, il s'agit de l'un des réseaux les plus denses des administrations d'État. Sur ce dernier point, je souhaiterais souligner que des problèmes peuvent se poser dans le cadre de la réorganisation des trésoreries en milieu rural, qui donnerait lieu à 120 fusions en 2017. Depuis la loi NOTRe - Nouvelle organisation territoriale de la République -, le président du conseil départemental élabore avec le préfet un schéma départemental d'amélioration et d'accessibilité des services au public, dont la raison d'être est d'éviter que toutes les administrations ne quittent en même temps un même territoire. Or, trop souvent, chaque administration prend sa décision de son côté, et il arrive même qu'une décision de fermeture soit arrêtée avant l'adoption du schéma départemental, même si celui-ci n'est pas prescriptif.

Un mot, enfin, sur le contrôle fiscal. Les résultats sont bons. Le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) a été élargi, avec l'ouverture de plusieurs antennes locales. Mais le travail n'est pas fini : si 19 160 déclarations avaient été traitées au 31 août 2016, rapportant quelques 6,3 milliards d'euros au total, le nombre total de dossiers à traiter est de 46 972.

L'autre grande particularité de l'exercice 2017 concerne la douane, et la mise en oeuvre du plan de lutte contre le terrorisme, annoncé par le Président de la République le 16 novembre 2015. Celui-ci prévoit la création de 1 000 postes de douaniers supplémentaires dont 500 en 2017, pour une création nette de 250 ETP, et une enveloppe de 45 millions d'euros pour financer l'achat de nouveaux équipements : gilets pare-balle, scanners, véhicules, informatique... En réalité, presque tous les métiers de la DGDDI sont concernés par la lutte contre le terrorisme, de la surveillance des flux de personnes et de marchandises à l'analyse de données informatiques : il est donc normal que l'enveloppe liée au plan anti-terroriste leur bénéficie. On saluera notamment l'effort réalisé en matière d'investissement, qu'il s'agisse du renouvellement de la flotte aérienne, avec sept avions Beechcraft 350, et de la flotte maritime, avec plusieurs vedettes garde-côtes, ou des moyens informatiques. Le nouveau Centre informatique douanier (CID), situé à Osny, est un bon exemple de mutualisation interministérielle : la douane, qui n'occupe plus qu'une partie des capacités disponibles, loue le reste à d'autres administrations - justice, éducation, culture ou Cour des comptes -, pour un coût d'ailleurs situé dans la moyenne basse du marché.

Cela dit, s'agissant des moyens informatiques, il ne suffit pas d'avoir des données : encore faut-il savoir les analyser. La douane s'est dotée d'outils très utiles à cet égard. Malheureusement, le cadre juridique actuel fait obstacle au recrutement des meilleurs data scientists et data analysts, car il est impossible pour l'administration de s'aligner sur les conditions salariales offertes par le secteur privé... Il s'agit d'un problème important, qui dépasse d'ailleurs le seul cas de la douane, et l'État perd un temps précieux : nous vous proposons donc un amendement autorisant le recrutement d'une dizaine de ces profils atypiques, pour un million d'euros.

Autre point à noter, les dépenses d'intervention en faveur des débitants de tabac. La récente signature du protocole d'accord sur la modernisation du réseau des buralistes pour la période 2017-2021 permet une dédramatisation bienvenue. J'en veux pour preuve le courrier que m'a envoyé le responsable départemental de l'association des débitants de tabac d'un département, qui se dit satisfait.

La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » porte également, sur le programme 218, un ensemble de structures très diverses telles que Tracfin, l'Inspection générale des finances (IGF), l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), la direction des affaires juridiques et les fonctions support du secrétariat général des ministères économiques et financiers. Ses crédits augmentent de 1,7 %, soit 16,4 millions d'euros en 2017. L'éclatement du programme complique les gains d'efficience, bien sûr, mais ils sont possibles. Par exemple, la transformation du service des achats de l'État (SAE) en direction des achats de l'État (DAE) pourrait permettre d'accroître la mutualisation des achats, non seulement à Bercy mais dans l'ensemble des ministères, aujourd'hui inégalement impliqués.

Enfin, le programme 148 « Fonction publique » porte les crédits de l'action sociale interministérielle, de la formation des fonctionnaires et de l'apprentissage. Ses crédits augmentent de 4,6 % en 2017, soit 10,7 millions d'euros, surtout pour financer des places supplémentaires au sein des instituts régionaux d'administration (IRA). L'objectif de recruter 10 000 apprentis en 2016 est en passe d'être atteint.

En conclusion, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », leur hausse correspondant essentiellement aux objectifs de lutte contre le terrorisme.

M. Richard Yung. - Très bien !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. - L'année 2016 a marqué plusieurs évolutions dans le pilotage et la gouvernance de la politique immobilière de l'État. En particulier, la direction de l'immobilier de l'État a pris la suite du service France Domaine en septembre dernier. Le projet de loi de finances pour 2017 en porte les traductions relatives à l'architecture budgétaire.

Deux points principaux sont à relever. En dépenses, l'unification des vecteurs budgétaires immobiliers interministériels. L'ancien programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » rattaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est intégré au sein du CAS. Le CAS peut désormais financer les dépenses d'entretien lourd, sans qu'elles augmentent la valeur du bien. En recettes, la contribution obligatoire au désendettement de l'État appliquée sur chaque produit de cession est supprimée - ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Mais une contribution exceptionnelle reste possible : le ministère des affaires étrangères contribuera ainsi à hauteur de 60 millions d'euros, au titre des cessions immobilières à l'étranger. Surtout, une nouvelle recette est retracée au sein du CAS : le produit de certaines redevances domaniales.

Le compte est donc financé par les produits de cession des immeubles de l'État, évalués à 500 millions d'euros en 2017, comme en 2016, et les produits des redevances domaniales, estimés à 85 millions d'euros. Je note avec mauvaise humeur que le Gouvernement ne nous a pas transmis la liste des biens à céder cette année. J'y vois une mesure de rétorsion contre la publicité que nous avions donnée à quelques cessions fantaisistes prévues l'année dernière...

En regard, le compte intègre désormais deux programmes distinguant les opérations immobilières nationales et les opérations immobilières déconcentrées. Il finance les dépenses de modernisation du parc immobilier de l'État, ainsi que les dépenses d'entretien lourd. Pour ces deux programmes, il est prévu un montant total 525 millions d'euros en crédits de paiements pour 2017.

Cela précisé, la réforme proposée s'accompagne d'une diminution des crédits immobiliers interministériels de 7 % à périmètre constant. Cette baisse réduit la portée de la nouvelle étape de la politique immobilière de l'État, l'entretien ne pouvant se faire au niveau prévu. De plus, c'est une réforme au milieu du gué qui est présentée : la maquette budgétaire n'est pas rénovée et les nouvelles règles du CAS doivent encore être précisées.

Deuxièmement, la réforme proposée ne résout pas certaines difficultés. Fonction support, l'immobilier est aussi le support de politiques : les produits de cessions demeurent ainsi minorés par le dispositif des décotes « Duflot » en faveur du logement social. L'État est ainsi amené à vendre des biens décotés à Paris, alors que la Ville de Paris cède sur son patrimoine propre des immeubles au prix fort. Un nouvel avatar de ce conflit d'objectifs risque de se produire avec la future « foncière solidaire ». Surtout, malgré le renforcement de France Domaine, de nombreux pans du parc immobilier demeurent peu ou mal appréhendés. C'est le cas des opérateurs, c'est aussi le cas du parc de logements de l'État, comme l'a souligné le référé de la Cour des comptes en mai sur la « Masse des Douanes ». Cet établissement public administratif créé en 1998 compte quelques 3 324 logements. Avec Thierry Carcenac, nous l'avons désespérément cherché tant dans le document de politique transversale (DPT) « Politique immobilière de l'État » que dans l'annexe consacrée aux opérateurs de l'État, et avons dû nous résoudre à reconnaître en lui une nouvelle catégorie d'opérateur : l'objet administratif non identifié ! Ce n'est pas une nouveauté - il y a déjà eu un rapport de la Cour des comptes en 2006 : personne n'a donc été meilleur que les autres jusqu'à présent ; espérons que cela change !

Huit ans après la conclusion des premiers schémas immobiliers les concernant, les opérateurs, qui possèdent pourtant 27,5 millions de mètres carrés pour une valeur identique à celle des biens possédés en propre par l'État, demeurent largement à l'écart de la démarche de modernisation de la politique immobilière de l'État. Les universités représentent près des deux tiers de l'immobilier des opérateurs. Une reprise de l'expérimentation de la dévolution a été annoncée, mais dans des conditions telles que plusieurs universités ont préféré ne pas se porter candidates, comme nous avons pu le constater notamment lors de notre déplacement en Alsace. Il faudrait que ces conditions changent si nous voulons que les cessions reprennent. Alors que les campus vieillissent, une véritable politique immobilière pourrait permettre aux universités de céder certains actifs pour financer leurs dépenses immobilières.

L'examen des différentes missions du budget de l'État souligne le problème récurrent de la fonction immobilière. S'y chevauchent souvent des acteurs pluriels, des stratégies multiples et des difficultés diverses. C'est pourquoi, dans le cadre des réflexions qui vont s'ouvrir ces prochains mois, il conviendrait de préciser les termes de la politique immobilière de l'État. Voilà un bel objectif pour les candidats à la présidence de la République, qui changerait de l'identité nationale et des Gaulois...

Pour répondre aux défis de rationalisation, d'entretien et de mise aux normes du parc, une stratégie à moyen terme, donnant une visibilité sur les crédits disponibles, doit être définie. De même, face à la baisse progressive des produits de cessions, il convient d'investir la ressource des redevances domaniales en définissant une stratégie de valorisation de notre parc.

La mission « Crédits non répartis », anciennement « Provisions », prévue par la LOLF comprend deux dotations visant à couvrir des dépenses indéterminées au moment du vote de la loi de finances. Dénuée de stratégie de performance, elle est la moins dotée du budget général. Il convient, toutefois, de noter que ce montant ne comprend pas, à ce stade, les crédits de subventions versées sur proposition du Parlement, qui seront intégrés par voie d'amendement en cours de navette.

Les crédits, pour 2017, sont en diminution, en raison de l'absence de budgétisation du programme relatif à la « Provision relative aux rémunérations publiques », qui correspond à un retour à la situation qui prévalait depuis 2009. L'ouverture de crédits sur ce programme en 2016 - pour des mesures d'accompagnement indemnitaires liées à la réorganisation territoriale de l'État - correspondait, en effet, à une première depuis sept ans. Pour 2017, aucun crédit n'est donc prévu, puisqu'ils ont été intégralement répartis entre les différentes missions concernées.

Quant à la dotation du programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles », elle se voit attribuer, un montant identique aux crédits ouverts en 2016 : 324 millions d'euros en AE et 24 millions d'euros en CP. Cette différence de 300 millions d'euros en AE correspond, comme les années précédentes, à la constitution d'une provision destinée à financer les éventuelles prises à bail privées des administrations qui pourraient survenir dans l'année. On peut néanmoins s'interroger sur le montant prévu, puisque depuis 2012, le montant d'AE réellement consommé n'a jamais dépassé 150 millions d'euros, soit la moitié du montant ouvert chaque année.

Par ailleurs, s'agissant de la mission, il convient de noter -comme l'a également souligné la Cour des comptes dans ses notes d'analyse d'exécution budgétaire de la mission
- que l'usage de ces crédits s'avère parfois contestable, puisque s'éloignant de l'exigence d'imprévisibilité prévue par la LOLF. Cette mission n'est pas destinée à pallier les aléas de gestion pour lesquels les techniques budgétaires de droit commun peuvent être utilisées.

Par ailleurs, une budgétisation plus juste de certains programmes permettrait également de rester dans le droit commun et de réduire le recours à la mission « Crédits non répartis ». C'est le cas des fonds spéciaux du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du gouvernement », qui font l'objet d'une ouverture de crédits récurrente et stable depuis 2011, alors qu'une augmentation, dans la mission d'origine, aurait été utile. Une meilleure budgétisation dans la mission d'origine pourrait ainsi réduire le recours aux crédits de la présente mission.

Lors de l'examen des crédits de la mission en séance publique jeudi 10 novembre, l'Assemblée nationale a adopté quatre articles additionnels rattachés. Il s'agit de trois amendements du Gouvernement : un article complétant le dispositif d'indemnisation des fonctionnaires victimes de l'amiante mis en place par l'article 146 de la loi de finances pour 2016 ; un article visant à étendre le dispositif dit « Sauvadet » d'accès à l'emploi titulaire pour les agents contractuels des établissements publics ; un article visant à renforcer les moyens de lutte contre les arrêts maladie des fonctionnaires, prenant la suite de l'expérimentation.

S'ajoute un article introduit par notre collègue Jean-Louis Dumont instaurant des plafonds de surfaces de bureau par ministère occupant ainsi que pour les opérateurs placés sous sa tutelle - je vois mal comment cela peut fonctionner... Afin d'assurer une analyse approfondie de ces articles, il vous est proposé d'en réserver l'examen pour la réunion « balai » d'examen définitif des missions.

En signe d'encouragement, car si les réformes ne vont pas assez loin, elles vont dans le bon sens, je vous propose d'adopter les crédits relatifs au compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et à la mission « Crédits non répartis ».

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - En matière d'immobilier de l'État, les années se suivent et se ressemblent : l'État n'a toujours pas défini de politique globale. Ayant vendu beaucoup de biens de qualité, il lui reste surtout des biens de moindre importance. Doit-on consacrer le produit des cessions au désendettement ? Doit-on consacrer des crédits à l'entretien ?

Le fait même que les députés aient modifié beaucoup de dispositions concernant le prélèvement à la source montre bien qu'en dépit de ce que le gouvernement prétend, le texte initial n'est pas opérationnel. La réforme est-elle réversible ? Elle l'est tant qu'elle n'a pas commencé à être mise en oeuvre. La position de la majorité sénatoriale est de lui préférer une mensualisation contemporaine qui ne fasse pas poser sur les entreprises la charge du prélèvement et qui préserve le lien direct entre particulier et administration. Le travail sur l'année de transition ne sera donc pas perdu. Profitons des outils que la DGFiP a développés, tels que le nouveau portail internet.

M. Marc Laménie. - Peut-on dresser un bilan positif des regroupements de trésoreries dans le monde rural ? Il ne faut pas oublier qu'elles ont un rôle d'appui aux élus locaux que nous sommes, notamment dans les petites communes. Certes, la dématérialisation a permis des économies ; mais l'efficacité est-elle au rendez-vous ?

Vous avez parlé des 504 opérateurs de l'État ; ont-ils tous leur utilité ?

M. Vincent Capo-Canellas. - Dans le rapport, vous indiquez que la Direction de l'immobilier de l'État ne gère que 10 % des crédits relatifs à l'immobilier. Est-on dans la gesticulation ou a-t-on vraiment franchi un cap ? J'ai été alerté par certains opérateurs : habituellement, s'ils réduisent leurs emprises, ils bénéficient d'un retour financier. Mais ce dernier est irrégulier. L'Institut géographique national, par exemple, a financé les travaux qu'il a dû faire pour se déplacer au sein de ses emprises, mais il n'en voit pas la contrepartie financière. C'est contreproductif ! Quant à la Société de valorisation immobilière (Sovafim), le rapporteur spécial peut-il nous en dire un peu plus ? Je croyais cette affaire terminée !

M. Jean Pierre Vogel. - La douane a-t-elle engagé une réflexion sur une éventuelle mutualisation des hélicoptères avec la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) et les agences régionales de santé (ARS), comme cela avait été envisagé ? Y a-t-il des freins, peut-être corporatistes, qui expliqueraient qu'on n'en entende plus parler ? Cela réduirait pourtant considérablement les coûts de maintenance en conditions opérationnelles.

M. Richard Yung. - Félicitons d'abord nos deux rapporteurs spéciaux : tant de travail pour rien, quel gâchis !

M. Didier Guillaume. - C'est vraiment dommage !

M. Richard Yung. - Il y a des économies à faire, on sait où les trouver. Vous parlez de réunion balai - le coup de balai sera venu bien avant ! Le CAS immobilier pourrait nous occuper des heures. Je note cependant que l'on taxe le ministère des affaires étrangères de 60 millions d'euros, mais que le ministère de la défense profite de l'intégralité du produit de ses cessions.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. - Et le logement taxe le CAS !

M. Richard Yung. - C'est une mécanique très compliquée. Il faut vraiment être français pour inventer un dispositif pareil. Avec Éric Doligé, nous avons mis du temps pour comprendre les explications de la responsable du CAS ! Nous voterons néanmoins les crédits.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. - Il est vrai que les cessions à venir seront moins attractives que par le passé. Mais nous manquons surtout d'une stratégie globale de valorisation du patrimoine, qui établisse ce que l'État a intérêt à occuper, ce qu'il a intérêt à mettre en location pour payer l'entretien, et ce qu'il a intérêt à céder. Il y a eu tout de même des progrès, notamment concernant la connaissance du parc ou le développement d'une expertise en fait de renégociation des baux.

La directrice de l'immobilier de l'État nous l'a dit très clairement : je n'ai pas vocation à créer une foncière publique. La foncière solidaire, avec certes des objectifs louables, complexifie encore la situation... Nous assistons parfois à des situations absurdes, comme celle de l'école d'architecture de Nanterre, en friche depuis dix ans, qui coûte 50 000 euros de frais de gardiennage au budget annuel de la direction départementale des finances publiques des Hauts-de-Seine depuis cinq ans. Et la mairie de Nanterre est incapable de se mettre d'accord avec les représentants de l'État ; la mairie n'a d'ailleurs répondu à aucune de nos sollicitations !

La liste des opérateurs est sélective : la Comédie française y est, mais pas la « Masse des Douanes ». L'inventaire de leurs biens n'est toujours pas terminé. Certains sont mis en observation sans qu'on voie bien pourquoi, comme l'Agence de mutualisation des universités et établissements (Amue), qui a très peu de patrimoine.

Une rationalisation de l'immobilier de l'État, intégrant l'ensemble des fonctions qui s'y rattachent, ne pourrait pas passer à côté de la question des loyers budgétaires, qui ont fait l'objet d'une valse-hésitation ces dernières années. Je crois qu'ils sont très utiles pour connaître le coût complet d'une politique publique. L'IGN, comme les universités, devrait normalement conserver le quart de la valeur de ses cessions. La Sovafim, dans le cadre de son opération Fontenoy-Ségur, a perdu de l'argent en procédant à un swap. À quoi sert-elle encore ? Il n'est pas admissible que par des opérations hasardeuses, une société publique perde de l'argent dans une opération de couverture de change !

Le CAS a été néanmoins un immense progrès. Souvenons-nous d'où nous venons : avant la loi organique relative aux lois de finances, on ne savait rien de rien des biens de l'État. C'était une boîte noire absolue. Là, il reste quelques boîtes noires et grises, comme la « Masse des Douanes ». Il faudra accélérer dans l'avenir, sinon, nous y serons encore dans quinze ans.

M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. - S'agissant de la fusion des trésoreries rurales de la DGFiP évoquée par Marc Laménie, je vous renvoie à l'encart qui y est consacré dans le rapport. La réforme des intercommunalités devrait entraîner des regroupements et, en contrepartie, devrait prévoir des accueils organisés dans les maisons des services publics, ce qui n'est pas toujours le cas. Des évolutions sont à venir concernant les trésoreries spécialisées, comme elles des hôpitaux ou des offices HLM. Nous souhaiterions éviter des décisions verticales qui, sans vision transversale au niveau du territoire, supprimeraient tous les services dans les territoires ruraux.

S'agissant de la mutualisation des hélicoptères évoquée par Jean Pierre Vogel, la directrice générale des douanes et droits indirects nous a indiqué que des questions techniques empêchaient la mutualisation opérationnelle des hélicoptères, mais que des progrès avaient été faits en matière de mutualisation des dépenses de maintenance et de carburants.

S'agissant du prélèvement à la source, j'insiste : si le texte n'est pas opérationnel, il ne tient qu'à nous de le rendre tel. Sur la réversibilité de la réforme, nous gagnerions à entendre le ministre.

Notre amendement propose de transférer 1 million d'euros de crédits de personnel du programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » vers le programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges ». Il s'agit de permettre le recrutement de profils atypiques par la douane, notamment en matière d'analyse de données.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. - C'est très important : il en va de la capacité de l'État à exercer ses fonctions régaliennes, en l'occurrence à lutter contre la fraude. Il est dramatique que de simples raisons de statut empêchent de recruter des personnes indispensables.

L'amendement présenté par les rapporteurs spéciaux est adopté.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » ainsi modifiés, de la mission « Crédits non répartis » et du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Les articles 55 nonies, 55 decies, 55 undecies et 55 duodecies sont réservés.

Loi de finances pour 2017 - Mission « Action extérieure de l'État » - Examen du rapport spécial

Enfin, la commission examine le rapport de MM. Éric Doligé et Richard Yung, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Action extérieure de l'État ».

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - La mission « Action extérieure de l'État » est au coeur des missions régaliennes de l'État, puisqu'elle rassemble les moyens de la diplomatie, de l'action culturelle et d'influence, de la diplomatie économique et des services rendus aux Français résidant ou de passage hors de France. Elle comprend trois programmes : le programme 105 portant les crédits du réseau diplomatique ; le programme 185 portant les crédits de la diplomatie culturelle et d'influence ; le programme 151 portant les dépenses des consulats et en faveur des Français de l'étranger.

Ses crédits de paiement, à 3 milliards 28 millions d'euros, affichent une baisse de l'ordre de 5 % par rapport à 2016 pour deux raisons principales. Tout d'abord, l'année 2016 a été marquée par une bosse de crédits de paiement liée au paiement des dépenses de la COP 21, qui ont représenté environ 180 millions d'euros sur deux ans dont 140 millions en 2016. Si on neutralise cette bosse, les crédits ne baissent que de 0,84 %. Ensuite, les contributions payées par la France aux organisations internationales, en particulier l'Organisation des Nations Unies (ONU), baissent d'environ 100 millions d'euros sur un an : en raison d'une réduction du budget de certaines opérations de maintien de la paix et d'une révision du barème des contributions, la contribution de la France passe de 7,2 % en 2015 à 6,28 % en 2018. Il s'agit là d'une économie structurelle pérenne.

La mission connaît, comme les autres missions régaliennes, des dépenses exceptionnelles liées à la sécurité dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. Plusieurs enveloppes exceptionnelles sont prévues pour la sécurisation de nos emprises à l'étranger : 22 millions d'euros pour les ambassades, en particulier en sécurité passive ; 14,7 millions d'euros pour nos collèges et lycées à l'étranger ; 2 millions d'euros pour les alliances françaises. Ensuite, les dépenses de coopération en matière de sécurité hors dépenses de personnel augmentent de 9,5 millions d'euros en 2017, pour financer notamment des formations d'élites et cadres militaires étrangers à la lutte contre le terrorisme.

Le programme 105, consacré au financement du coeur de la présente mission, à savoir l'action diplomatique, dépenses de personnel et de fonctionnement, est marqué par une diminution de 5,3 % des crédits de paiement hors dépenses de personnel. Cette tendance découle principalement de la baisse de près de 100 millions d'euros des crédits consacrés aux contributions internationales et aux opérations de maintien de la paix par rapport à 2016.

Les dépenses de fonctionnement des postes à l'étranger connaissent une diminution de 4 %, pour s'établir à 83,3 millions d'euros. Cette évolution s'explique notamment par la poursuite de la restructuration du réseau et la maitrise des dépenses relatives aux voyages et aux missions statutaires. Les frais de représentation restent cependant stables, à environ 9,5 millions d'euros, à compléter par du mécénat, à hauteur de 2,4 millions d'euros.

Nous nous sommes intéressés plus particulièrement à la question de l'immobilier à l'étranger. Vous savez que le ministère des affaires étrangères bénéficie, comme le ministère de la défense, d'un mécanisme particulier de retour intégral du produit des cessions d'immeubles à l'étranger. En contrepartie, le ministère doit prendre en charge les dépenses d'entretien lourd de ces biens ; une ligne de 12,2 millions d'euros est prévue à cet effet, mais elle devra être encore complétée par une prise en charge par le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Par ailleurs, le ministère verse une contribution volontaire - si l'on veut... - au compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », d'au moins 25 millions d'euros. En 2017, il versera 60 millions d'euros. Ce mécanisme dérogatoire vient à échéance en 2017. Dans un contexte de tarissement du produit des cessions immobilières - les pépites ont toutes été vendues - la question de sa reconduction doit être posée : il n'est pas certain qu'il reste avantageux pour le ministère. En outre, une normalisation pourrait obliger le ministère à professionnaliser sa gestion immobilière, alors que France Domaine nous a indiqué qu'il se caractérisait par une sous-consommation des crédits demandés en début d'année.

M. Richard Yung, rapporteur spécial. - Le programme 185 rassemble les crédits de la diplomatie culturelle et d'influence, à 712,8 millions d'euros, soit une légère baisse de 1,2 % par rapport à 2016. Il porte en particulier les subventions aux opérateurs de la politique d'influence française : Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), Atout France, Campus France et Instituts français.

Ces subventions sont globalement stables en apparence, mais la situation est plus complexe à y regarder de plus près.

La stabilité de la dotation à l'AEFE masque en effet une enveloppe spécifique de 14,7 millions d'euros pour des dépenses de sécurisation des lycées et collèges. À périmètre constant, la subvention à l'AEFE - 394 millions d'euros - est en baisse et pose la question, soulignée par la Cour des comptes, du maintien de l'ambition et de l'excellence du réseau : elle a perdu 40 à 50 millions d'euros sur quatre ou cinq ans. Je crois que nous arrivons au terme de cette phase de baisse des crédits publics et d'augmentation des frais de scolarité. Il faut désormais stabiliser les ressources de l'État pour assurer la pérennité du réseau de près de 500 établissements accueillant environ 330 000 élèves dont près de 130 000 Français.

De même, la stabilité de la subvention à Atout France masque la disparition, en 2017, d'une recette exceptionnelle de 5 millions d'euros dont l'opérateur a bénéficié en 2016. Un mécanisme d'attribution de produits de visas a été mis en place en 2016, suite à une recommandation de notre rapport d'information de l'an passé. Ce mécanisme repose malheureusement sur l'hypothèse d'une augmentation des recettes de visa d'une année sur l'autre. Or, à la suite des attentats de novembre 2015, la demande de visas s'est légèrement tassée, en particulier en provenance de Chine et de Russie où elle baisse de 30 %. Les recettes devraient reculer d'environ 3 millions d'euros. C'est un paradoxe que nous regrettons, à un moment où nous aurions au contraire besoin de moyens pour rassurer les touristes chinois et russes.

À côté des subventions aux opérateurs, le programme 185 porte également les crédits d'influence pilotables, en particulier les bourses aux étudiants et chercheurs étrangers. Ces crédits sont en baisse, de façon quasi-continue depuis 2012. En outre, les dotations initiales sont systématiquement rognées en cours d'exercice, car elles sont facilement mobilisables pour des annulations ou redéploiement de crédits. Ce sont des variables d'ajustement, mais toujours à leur détriment, car aucun lobby ne les protège...

Les crédits du programme 151, consacré aux dépenses de l'administration consulaires et en faveur des Français à l'étranger, à 386,7 millions d'euros en 2017, augmentent de 4,4 % par rapport à 2016. Cela s'explique principalement par l'organisation des élections présidentielles et législatives, qui nécessitent une enveloppe de 15,3 millions d'euros, en particulier pour le développement d'un module informatique pour le vote électronique disponible pour les seules élections législatives. Le parallélisme des formes impose en effet aux Français de l'étranger le vote à l'urne pour l'élection présidentielle, tandis que le vote électronique est possible pour les législatives.

Par ailleurs, les moyens destinés à l'instruction des visas augmentent également de 3,5 millions d'euros et de 5 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Cependant, comme je l'ai rappelé, l'instruction des visas va perdre également la cinquantaine de vacations hors plafond dont elle disposait en 2016 grâce au mécanisme d'attribution de produits.

Enfin, j'en viens à une enveloppe hautement sensible pour les Français de l'étranger : les bourses scolaires pour les élèves français inscrits dans le réseau français à l'étranger. Ce point a également été abordé par la Cour des comptes dans son rapport présenté devant nous il y a quelques semaines. L'analyse des dotations initiales en matière de bourses scolaires apporte peu d'éclairage : en effet, le montant des dotations initiales n'a, depuis 2012, que peu de rapport avec la réalité des versements aux parents d'élèves. Ce tableau est d'une grande utilité, car il rend enfin intelligible un secteur auquel, de mise en réserve en coups de rabot, on ne comprend rien. Il reste aujourd'hui une trésorerie d'une dizaine de millions d'euros au sein de l'AEFE pour les bourses : cette réserve permettra de compenser la réserve de précaution pour obtenir un niveau de bourses effectif de 110 millions d'euros. Mais à la fin de cet exercice, il faudra revoir la dotation.

Si les besoins ne sont pas supérieurs à 110 millions d'euros, c'est en partie parce que les critères applicables se sont durcis et que les familles s'autocensurent ; le nombre d'enfants scolarisés croît en effet de 4 % par an. Un niveau suffisant d'aide à la scolarité est pourtant nécessaire pour maintenir une certaine mixité sociale au sein du réseau d'enseignement français à l'étranger. C'est pourquoi nous présentons ensemble un amendement pour abonder de 5 millions d'euros les aides à la scolarité, financés par les dépenses de fonctionnement des ambassades, en particulier les frais de représentation pour inciter ces dernières à solliciter des partenaires privés. Sous réserve de l'adoption de cet amendement, nous vous proposons d'adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Vous avez souligné à juste titre le paradoxe de la situation faite à la promotion du tourisme : au moment où Atout France devrait reconquérir des publics, on diminue ses moyens. La baisse du nombre des demandes de visas entraînera-t-elle une baisse du délai de délivrance ? Quel est-il aujourd'hui ? C'est un élément essentiel d'attractivité de notre pays.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères (programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence »). - Notre commission fait les mêmes constats que les rapporteurs spéciaux. La situation de l'action culturelle extérieure de la France nous préoccupe beaucoup. Année après année, les moyens baissent, au point que l'instrument pourrait ne plus fonctionner correctement. Le regroupement des services au sein de l'Institut français n'empêche pas qu'il soit contre-performant d'entretenir des services n'ayant pas les moyens d'assurer leurs missions. La diminution avérée du nombre de touristes asiatiques à Paris et sur la Côte d'Azur appellerait un effort financier ; son absence démoralise les services chargés de la promotion touristique de la France.

M. Daniel Raoul. - Je suis d'accord avec les rapporteurs spéciaux sur la question du tourisme. Au moment où il faudrait mettre le turbo, les dotations baissent ! Je soutiens par ailleurs son amendement sur les bourses - nous aurions d'ailleurs aimé en débattre dans l'hémicycle...

M. Richard Yung, rapporteur spécial. - D'après mes informations, les demandes de visas ont baissé de 30 % à Shanghai ; les Chinois ont peur, même si cela semble en train de s'estomper. Ce phénomène ne s'est pas produit dans le monde entier : d'autres pays n'ont pas connu de baisse significative. Le ministre précédent avait fixé l'objectif d'un délai de délivrance des visas à 48 heures. Nous sommes aujourd'hui, en moyenne, à trois jours ; ce n'est déjà pas si mal.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - N'oublions pas qu'une partie importante des visas est gérée par des entreprises privées. Aux deux ou trois jours d'instruction de la demande, il faut ajouter le délai pour obtenir un rendez-vous pour déposer sa demande auprès de ces entreprises. Je crois qu'un ministre a parlé récemment au Sénat d'une situation touristique meilleure cette année que les années précédentes. Mais cela ne se traduit pas dans le nombre de visas. Un ministre chinois aurait invité Jean-Marc Ayrault à faire des efforts pour la sécurité des touristes chinois. L'agression dans un car à Roissy a semble-t-il fait le tour de la Chine ! Ce genre d'incidents a un effet terrible.

De façon générale, cette année, nous avons eu la chance que des économies aient pu être faites sur les contributions internationales. Nous avons aussi bénéficié de bons achats de devises, notamment de francs suisses. Mais nous sommes au bout d'un système : nous ne pourrons pas mobiliser les réserves une année de plus. L'année prochaine, nous devrons reposer des questions de fond.

L'amendement présenté par les rapporteurs spéciaux est adopté.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de la France » ainsi modifiés.

La réunion est close à 17 h 20.

- Présidence conjointe de Mme Michèle André, présidente de la commission des finances, et de M. Philippe Bas, président de la commission des lois -

Loi de finances pour 2017 - Audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

La réunion est ouverte à 18 h 35

Au cours d'une troisième réunion tenue l'après-midi, la commission entend, dans le cadre d'une audition commune avec la commission des lois, M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, sur le projet de loi de finances pour 2017.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. - Nous recevons M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, qui nous présente les crédits dont il a la charge dans le projet de loi de finances pour 2017.

Je souhaite tout d'abord nous associer à l'hommage rendu dimanche à travers le pays aux 130 victimes des attaques terroristes commises il y a tout juste un an, lors de cette terrible nuit du 13 novembre 2015. À la suite de ces attentats, le Président de la République avait annoncé devant l'ensemble des parlementaires réunis en Congrès à Versailles un « pacte de sécurité » devant notamment se traduire par un renforcement significatif des moyens et des effectifs de la sécurité. Quelques jours plus tard, c'est vous, monsieur le ministre, qui aviez présenté devant le Sénat les amendements au projet de loi de finances permettant de mettre en oeuvre, dès 2016, ces engagements. La commission des finances vous avait alors apporté son soutien unanime.

Lors du débat en séance publique sur la mission « Sécurités » le 30 novembre 2015, vous aviez pris l'engagement de venir devant la commission des finances rendre compte de l'utilisation exacte des crédits ouverts dans le cadre des différents plans annoncés par le Gouvernement. Il est donc utile de vous entendre aujourd'hui, alors que le projet de loi de finances pour 2017 prévoit un nouvel effort budgétaire en faveur des services du ministère de l'intérieur. Peut-être n'aurons-nous pas l'occasion de nous prononcer sur ces crédits en séance publique - nous en saurons davantage demain. Je vous propose, monsieur le ministre, de répondre, mission par mission, aux questions de nos rapporteurs, puis de nous présenter rapidement votre budget.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Je me réjouis que nos deux commissions se réunissent pour entendre le ministre, que notre commission des lois a déjà vu ce matin !

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Sécurités » (programmes 152 « Gendarmerie nationale » et 176 « Police nationale »). - Chaque année, l'examen de votre budget est marqué par des évènements forts : les attentats en 2015, le mécontentement des forces de police cette année. S'il est en progression, j'y constate un déséquilibre entre les crédits de personnels, bien dotés, et ceux de fonctionnement et d'investissement, qui le sont moins.

Le mécontentement des agents a entraîné, une nouvelle fois, une réunion autour du Président de la République, à l'issue de laquelle vous avez annoncé un effort supplémentaire. La presse et certains syndicats ont compris que vous déposeriez un amendement exceptionnel, pendant la discussion budgétaire, chiffré à 250 millions d'euros. Il semblerait que, finalement, le montant qui figurera dans l'amendement soit de seulement 100 millions d'euros, car vous prenez en compte les efforts déjà annoncés dans le projet de budget initial. Cela suscite des incompréhensions.

Comme d'autres gouvernements européens, vous subissez la nécessité de transposer la directive relative au temps de travail aux forces armées. Les dispositions transitoires ont déjà été prises pour la gendarmerie. La négociation avec Bruxelles est entamée. D'après le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), l'impact sur le temps de travail serait compris entre 3 % et 5 %, soit une baisse équivalente à une destruction de 3 000 et 5 000 postes - autant que les créations d'emplois prévues pendant toute la législature dans la gendarmerie !

Sans doute par souci d'équilibre avec la gendarmerie, les rythmes de travail des policiers vont évoluer. Vous avez procédé cette année à des expérimentations dans plusieurs villes. Une proposition sera décidée dans chaque département. Beaucoup souhaiteront s'orienter vers le système dit du « vendredi fort », qui libère les week-ends mais allonge les vacations d'une heure vingt. Surtout, ce système nécessite pour être mis en oeuvre la création d'une quatrième brigade, ce qui augmente les effectifs de 33 %. Ces chiffres préoccupants n'apparaissent pas dans les documents budgétaires.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Sécurités » (programme 161 « Sécurité civile »). - J'ai rédigé au début de l'année un rapport sur le programme Antares - le réseau numérique de transmissions partagées de la sécurité civile -, qui révélait certains dysfonctionnements de ce dernier et formulait quinze préconisations. Les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), qui financent la sécurité civile à hauteur de près de 4,5 milliards d'euros chaque année, ont contribué à la mise en place d'Antares. Dans certains départements, il existe encore des zones blanches. Quelles mesures avez-vous prises pour les résorber ? Les équipes de maintenance mettent beaucoup de temps à réparer les relais endommagés, et les batteries posent souvent problème. Or, les SDIS ont des groupes électrogènes, et peuvent dépanner en quelques heures, au lieu des quelques jours que nécessitent actuellement ces réparations. Allez-vous inciter, voire obliger, les Samu à utiliser Antares ? Les SDIS l'utilisent sans difficulté. Par ailleurs, pouvez-vous m'indiquer où en sont les mesures visant à préparer la migration vers la technologie 4G ? Parfois, les sapeurs-pompiers utilisent leur téléphone personnel, qui fonctionne mieux...

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Sécurités » (programme 207 « Sécurité et éducation routières »). - Le nombre de tués sur les routes françaises a augmenté deux années de suite, en 2014 et 2015, pour la première fois depuis trente-cinq ans. Les résultats des dix premiers mois de 2016 ne permettent pas d'augurer une inversion de cette tendance. La solution proposée par la loi de finances est d'accroître fortement le nombre de radars : elle en prévoit 364 dont la majeure partie vient compléter le parc existant. Mes investigations montrent toutefois que les radars ne sont actuellement pas implantés sur les routes les plus accidentogènes, c'est-à-dire les voies départementales et communales. Allez-vous remédier à cette lacune ? Vous attendez une hausse de 10 % des recettes en 2017. N'est-ce pas optimiste ? Certes, cela renforcera les crédits de l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), mais tous les nouveaux radars ne seront pas implantés dès le 1er janvier 2017.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis de la commission des lois sur la mission « Sécurités » (programme 161 « Sécurité civile »). - Pourriez-vous nous donner des précisions sur le projet de système unifié de réception des appels et de gestion opérationnelle des SDIS ? Les plateformes d'appel seront-elles mutualisées avec les autres acteurs du secours ? J'ai rédigé, avec le sénateur Pierre-Yves Collombat, un rapport d'information sur cette question dans le cadre d'une mission d'information de la commission des lois. Comment seront articulés le dispositif des sapeurs-pompiers volontaires et celui de la réserve opérationnelle ? Celle-ci ne doit pas affaiblir le volontariat.

M. Alain Marc, rapporteur pour avis de la commission des lois sur la mission « Sécurités » (hors programme 161 « Sécurité civile »). - Vous avez indiqué à l'Assemblée nationale que le budget de la mission « Sécurités » serait abondé de 100 millions d'euros pour financer les équipements de protection et les nouvelles armes des policiers et gendarmes prévus par le plan pour la sécurité publique. Ce plan doit répondre aux préoccupations exprimées par la mobilisation inédite des fonctionnaires de police, qui témoigne chez eux d'un malaise profond. De même, les crédits dédiés à la réserve de la gendarmerie et de la police seront abondés pour tenir les objectifs fixés par le Président de la République après l'attentat de Nice : création d'une garde nationale de 85 000 personnes, objectif de mobilisation de 9 250 hommes chaque jour en 2018. Où en est la rédaction de ces amendements ? Quand seront-ils déposés ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Le budget « Sécurités » de mon ministère s'élèvera, en 2017, à 19 692 millions d'euros en AE - soit une augmentation de 838 millions d'euros - et 19 390 millions d'euros en CP - soit une augmentation de 657 millions d'euros -, dont 16 635 millions d'euros sont des crédits hors titre 2. Il croît donc très significativement. Entre 2013 et 2017, 9 000 emplois auront été créés dans la police et la gendarmerie. D'où l'augmentation des crédits de titre 2. Je précise que nous avons dû essuyer 12 519 suppressions d'emplois au cours du quinquennat précédent : 6 276 dans la police et 6 243 dans la gendarmerie, pour un total de 8 200 destructions nettes. Cela n'a certainement pas été sans effet sur le moral des troupes. Les créations d'emplois que nous avons effectuées ont été plusieurs fois mises en cause. On entend encore dire que les effectifs auraient baissé de 868 agents entre 2011 et 2015, alors que la Cour des comptes a plusieurs fois rectifié cette erreur. Nous devons débattre sur des données exactes. Aussi ai-je confié à l'inspection générale des finances la mission d'établir précisément le nombre d'emplois créés chaque année depuis 2007.

Vous affirmez que les crédits d'investissement sont insuffisants. Ils sont de 3,057 milliards d'euros. Le budget de fonctionnement et d'investissement de la police nationale avait baissé de 16 % entre 2007 et 2012. Il a augmenté de 15 % de 2012 à 2017, et même de 23 % en tenant compte du plan que vous avez évoqué. De même, celui de la gendarmerie avait diminué de 18 %, et il aura augmenté de 10,5 % entre 2012 et 2017 -12,3 % avec le plan. Grâce à ces moyens, nous avons relancé l'investissement. Ainsi, 1 800 véhicules ont été commandés et 3 000 livrés à la police nationale. Pour la gendarmerie nationale, 3 000 ont été commandés et 1 200 livrés. Nous avons aussi entamé la remise à niveau des équipements, dans la sécurité publique comme dans le renseignement.

Nous avons lancé en octobre 2015 un plan de modernisation des équipements des pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (Psig) et des brigades anti-criminalité (Bac), qui a été entièrement exécuté dès mai 2016 car nous sommes passés par des marchés simplifiés. En effet, nous devions déployer le plan de protection contre les risques terroristes, qui fait des Psig et des Bac les primo-intervenants.

Notre objectif est de faire de même pour la sécurité publique. Demain, à Creil, je présenterai les investissements que nous réaliserons avant la fin de l'année et le calendrier précis de livraison des armes et des équipements. J'indiquerai également quand seront mises en oeuvre plusieurs dispositions de protection de la police - anonymisation, légitime défense, alignement de l'outrage à policier sur l'outrage à magistrat -, qui feront l'objet d'un texte du Gouvernement avant fin 2016.

Comment le plan de sécurité publique de 250 millions d'euros sera-t-il financé ? Le Gouvernement déposera d'ici la fin de la discussion budgétaire un amendement de 100 millions d'euros. Les 150 millions d'euros supplémentaires correspondent à l'affectation d'une partie de l'augmentation du budget 2017 sur la sécurité publique : achats de gilets, de casques, de moyens de protection collectifs, de véhicules nouveaux... L'amendement gouvernemental s'ajoutera à l'augmentation de 850 millions d'euros déjà prévue, et dont un huitième financera le plan sécurité publique en sus des 100 millions d'euros évoqués. Ainsi, les 250 millions d'euros ne se réduisent pas au redéploiement de moyens existants.

La transposition de la directive relative au temps de travail est complexe. La France respectera ses engagements, tout en préservant le maximum de capacité opérationnelle : il serait dommage que nos augmentations d'effectifs s'en trouvent annulées ! Nous avons mis en place un groupe de travail de haut niveau, piloté par mon cabinet et par celui du ministre de la défense et associant le Secrétariat général des affaires européennes. Il conduit les échanges avec la Commission européenne. Un groupe technique commun à ces deux ministères prépare le décret de transposition relatif aux personnels sous statut militaire. Voilà près d'un an que nous avons des échanges constructifs avec la Commission. La consultation interne doit se mettre en oeuvre dans de bonnes conditions. Compte tenu du contentieux initié par deux associations, le DGGN a pris des mesures immédiates et, le 1er septembre dernier, une instruction provisoire a pris en compte la règlementation européenne. Un premier bilan sera réalisé dans quelques semaines. Pour la police nationale, la mise en conformité est engagée depuis des mois. La question du « vendredi fort » suscite une attente significative. Sur une dizaine de sites, sa mise en place est possible dès les prochaines semaines. Sur les autres, elle ne l'est pas, faute d'effectifs, et nous attendons les prochaines sorties d'écoles, ce qui renvoie à la fin du premier semestre 2017. Nous avons multiplié par dix le nombre d'élèves à la sortie des écoles.

Nous poursuivons la mise en oeuvre du programme Antares, qui comble la fracture technologique entre les services de secours et les services de sécurité intérieure. Lors d'attaques terroristes, les deux services sont engagés conjointement.

95 % du territoire national seront bientôt couverts par Antares, dispositif présent dans tous les départements métropolitains. Dans quelques zones identifiées, certes limitées, la couverture est insuffisante, voire inexistante. Nous mettons tout en oeuvre pour couvrir l'intégralité du territoire national, malgré le contexte budgétaire contraint. Plus de 24,8 millions d'euros de travaux de complément de couverture sont programmés entre 2013 et 2019. En 2017, nous déploierons le raccordement de nouveaux services départementaux d'incendie et de secours, notamment dans les départements et territoires d'outre-mer, particulièrement pénalisés. Nous prévoyons 150 millions d'euros sur six ans pour la modernisation de l'infrastructure nationale de partage des transmissions, afin de conforter la capacité de résilience du réseau actuel et prolonger sa durée de vie jusqu'en 2030.

Nos services réalisent une étude approfondie sur la gouvernance - création de comités locaux de systèmes d'information et de communication - et mettent au point des indicateurs de performance sur l'indisponibilité, le temps de réparation des pannes ou la transmission des bilans par le Samu.

Il y a un an et demi, je me suis engagé sur le système de gestion opérationnelle des SDIS et l'expérience de mutualisation des plateformes d'appel lors du congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers (FNSP). Chaque SDIS est désormais équipé d'un système informatique pour la réception et le traitement des demandes de secours. Ces systèmes sont extrêmement coûteux, de 1 à 5 millions d'euros d'investissement par département, auxquels s'ajoutent les coûts de maintenance de systèmes pas toujours sécurisés contre une cyberattaque et posant des problèmes d'interopérabilité avec les autres partenaires des secours. Le préfet Guillaume Lambert réalise une étude de faisabilité sur un système unifié de gestion des appels et de gestion opérationnelle des SDIS en lien avec les différents acteurs, pour un partage de l'information en temps réel sur un système sécurisé, évolutif et paramétrable, optimisant les infrastructures et répondant aux nouveaux besoins. Cette expérience de mutualisation des plateformes d'appels d'urgence est concentrée en région Centre-Val de Loire depuis l'automne 2016. Nous examinerons les conditions de son extension.

En sus de la garde nationale, qui assure une protection armée et inclut la réserve opérationnelle de niveau 2 de la gendarmerie nationale et la réserve de la police, nous voulons mobiliser le deuxième pilier du dispositif de vigilance, la protection civile, avec la réserve nationale d'experts de la sécurité civile. Lors du congrès de la FNSP, le Président de la République a assuré que le dispositif reposait sur ces deux piliers à part entière, traités simultanément et articulés entre eux. Les sapeurs-pompiers craignaient que cela n'obère le volontariat. Au contraire, il doit être un catalyseur du volontariat. Lors du congrès national des sapeurs-pompiers qui s'est tenu à Chambéry en 2013, nous avons pris 25 engagements, déclinés en 24 actions, sur le volontariat. Pour la première fois depuis quatorze ans, le nombre de volontaires a augmenté de 1 400 l'an dernier. À travers la grande cause nationale « Adoptons les comportements qui sauvent », nous voulons relancer le dispositif de l'engagement volontaire, et avons signé des accords avec des entreprises privées et les organismes HLM afin de maintenir le rythme d'engagement.

La sécurité routière a connu deux mauvaises années : en octobre 2015, l'accident de Puisseguin en Gironde, avec 43 morts, a été l'un des plus meurtriers depuis 1992. Sur les dix premiers mois de l'année 2016, le nombre de personnes décédées sur les routes est de 0,8 % supérieur à celui enregistré pendant la même période l'an passé, ce qui représente 22 tués de plus par rapport aux dix premiers mois de 2015. Si les deux derniers mois sont plus mauvais, le chiffre annuel le sera également, mais soyons prudents. Il est plus facile de passer de 15 000 morts sur les routes à 3 000 que de réduire ce nombre à 2 000. La dernière marche est toujours la plus difficile. Je n'ai pas pris l'unique mesure demandée par certaines associations - à la place de nombreuses mesures sur plusieurs thématiques -, à savoir limiter à 80 kilomètres par heure la vitesse maximale sur les routes départementales les plus accidentogènes. En effet, ceux qui ne respectent pas la limitation à 90 ne respecteront pas plus celle à 80 kilomètres par heure. En quoi cela me dispenserait-il de décider d'autres mesures ? À un moment où nos forces de l'ordre sont très mobilisées contre le terrorisme, pour le maintien de l'ordre et la question migratoire, il était difficile de les mobiliser sur les routes. Nous avons dégagé de nouveau des marges de manoeuvre ; je ne désespère pas que cette année se termine par une diminution du nombre de morts.

Nous avons souhaité installer de nouveaux radars, y compris des radars leurres, pour lutter contre l'insécurité routière, ainsi que des forces de sécurité. Je ne peux garantir que les recettes seront bien là. Je transmettrai, trimestriellement, à la commission des finances, le résultat des recettes des radars, afin que nous en débattions et qu'un ajustement soit réalisé si besoin en cours de route.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Vous avez été ministre du budget, vous connaissez les chiffres et les estimations. Vous n'avez répondu précisément qu'à une seule de mes questions. Compte tenu des 150 millions d'euros déjà budgétisés dans le budget initial, l'augmentation réelle n'est que de 100 millions d'euros et non de 250 millions d'euros.

Je n'ose croire que vous n'ayez aucune estimation du nombre d'emplois nécessaires pour l'application de la directive européenne sur le temps de travail en 2017. Je l'estime entre 3 000 et 5 000. Vous annoncez un bilan dans peu de temps, mais j'aimerais déjà en savoir plus... Je vous ai interpellé sur la création d'une quatrième brigade là où les effectifs sont insuffisants pour mettre en place le cycle du « vendredi fort », ce qui nécessite une augmentation d'un tiers des effectifs. Est-ce une bonne estimation ? Vous attendez la sortie de l'école de police en juin prochain. Je comprends votre intention mais souhaiterais la chiffrer. Je ne suis pas en mesure de chiffrer la sincérité de votre budget pour 2017.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Le cycle des temps de travail ne remet pas en cause la sincérité du budget, ni les efforts réalisés, ni le nombre d'emplois créés. Il peut conduire à une mobilisation effective des emplois pour des missions non prévues, compte tenu de l'application de la directive sur le temps de travail. Nous avons augmenté de plus de 800 millions d'euros les crédits de la mission sécurité pour tenir les engagements de création d'emplois faits par le Gouvernement.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Mais l'effort supplémentaire n'est que de 100 millions d'euros...

M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Vous m'interrogez sur le niveau d'effort du plan pour la sécurité publique, l'impact de la directive sur le temps de travail sur la gendarmerie et celui du « vendredi fort » sur les effectifs de la police nationale. Selon vous, l'absence de réponses précises sur les deux derniers éléments ne garantit pas la sincérité du budget. Mais le critère de jugement, c'est l'adéquation entre les sommes supplémentaires, les créations d'emplois et l'équipement des forces : 850 millions d'euros permettent de créer en 2017 2 500 emplois dans la police et la gendarmerie nationale, d'augmenter de 15 % les crédits pour équiper la totalité de nos forces. Je ne connais pas la proportion de nouveaux effectifs qui seront absorbés par les cycles de travail ou le « vendredi fort ». Alors que 452 sorties d'écoles étaient assurées en 2012, 4 600 le sont actuellement et 4 756 le seront en 2017. Dix expérimentations ont été réalisées sur le « vendredi fort ». Nous nous interrogeons sur l'organisation du travail dans les autres départements car elle sera déterminée après l'affectation des écoles dans les départements en déficit d'effectif. Les effectifs nouveaux seront affectés en fonction du taux de délinquance, de l'effectif départemental de fonctionnement annuel (EDFA) et de l'état de la négociation sur les cycles horaires.

Il en est de même pour la gendarmerie nationale. Les études des comités d'experts portent sur le maillage des brigades, les missions organisationnelles et l'organisation du temps de travail dans chaque site. J'attends leurs résultats pour savoir quelle part des nouveaux effectifs sera absorbée par la réforme du temps de travail.

Je remarque bien le raisonnement d'une partie de l'opposition en cette période. Mais les crédits d'investissement de la police nationale ont diminué de 17 % et ceux de la gendarmerie de 18 % entre 2007 et 2012, tandis que nous les avons augmentés respectivement de 15 % et 17 %, avec une augmentation de 850 millions d'euros dont 30 % consacrés aux crédits d'investissement. Le plan pour la sécurité publique n'a pas été décidé en raison de la crise, mais son annonce a été anticipée : j'en avais parlé lors de la présentation du plan Bac en octobre 2015. J'ai obtenu un arbitrage pour accélérer ce plan pour la sécurité publique et augmenter son niveau de 100 millions d'euros par un amendement. Il s'ajoute donc aux 150 millions d'euros supplémentaires actés lors des premiers arbitrages sur le projet de loi de finances pour 2017. Ce double effort supplémentaire d'investissement s'élève donc à 250 millions d'euros. Si je ne les avais pas voulus, je n'aurais pas obtenu ces arbitrages.

Mme Michèle André, présidente. - Nous en venons aux questions portant plus précisément sur la mission « Immigration, asile et intégration ».

M. Philippe Dominati, en remplacement de M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Immigration, asile et intégration ». - Le 29 octobre dernier, la commission des finances a rejeté les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». Selon le rapporteur spécial, malgré leur hausse de 14 % à périmètre constant, les dépenses sont sous-budgétées par rapport aux besoins réels. L'allocation pour les demandeurs d'asile est dotée de 100 millions d'euros de moins que la consommation prévisionnelle de 2016. Malgré les créations de places, les centres d'accueil de demandeurs d'asile (Cada) et l'hébergement d'urgence ne pourront pas absorber l'afflux migratoire sans un déversement massif sur le programme 177. En outre, la région Île-de-France reste sous-dotée par rapport aux besoins des Cada.

Quel est le montant cumulé des dépenses d'hébergement en faveur des migrants, qu'elles relèvent du programme 303 ou du programme 177 ? Pouvez-vous expliciter le budget prévisionnel 2017 de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) sur le programme 104 relatif à l'intégration ? Les dépenses pour 2016 étaient prévues à 207 millions d'euros. Pourtant, les ressources de l'État s'élèveront en 2017 à 181 millions d'euros : comment sera financé ce différentiel ? S'agit-il d'un prélèvement sur son fonds de roulement, pourtant déjà asséché, ou d'un recours aux financements européens, dont on connaît les retards de versement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. - C'est peut-être la dernière fois que je vous présente ce budget ; je dresse donc un bilan, dans une perspective plus large. Le nombre de demandeurs d'asile a doublé, passant de 35 000 à 65 000 entre 2007 et 2012, alors que les Cada n'ont bénéficié que de 2 000 places supplémentaires, et que le nombre de postes supplémentaires créés à l'Ofii et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) était maigre. On compte désormais 90 000 demandeurs d'asile, mais nous avons créé 20 000 places supplémentaires en Cada, les portant à 42 000 fin 2017, et 600 postes de collaborateurs supplémentaires à l'Offi et à l'Ofpra, pour répondre au projet de loi - pour lequel François-Noël Buffet, rapporteur pour le Sénat, a réalisé un excellent travail - qui avait comme objectif de réduire la durée de demande d'asile de 24 à 9 mois. Celle-ci est désormais de 14 mois, loin de l'objectif mais sensiblement inférieure au précédent délai. Cette réforme visait à renvoyer plus vite chez eux les déboutés de la demande d'asile, et à mieux accueillir ceux qui ont besoin de protection. Elle limite également les dépenses d'allocation pour demandeur d'asile (Ada), qui n'est plus payée lorsque le demandeur sort du dispositif national des demandeurs d'asile (DNA). Selon le raisonnement de Roger Karoutchi, la loi relative à la réforme du droit d'asile n'aurait aucun impact sur la durée de traitement des dossiers ni sur le versement de l'Ada, d'où une dénonciation de sous-budgétisation. Mais le statut de demandeur d'asile ou de réfugié est donné strictement. Le démantèlement de Calais n'est pas une vaste régularisation, car ces personnes relèvent bien du statut de réfugié, contrairement à 60 % des personnes arrivant en Italie ou aux 60 % de personnes venant d'Italie en France, qui relèvent de l'immigration économique irrégulière. La loi portant réforme de l'asile permettra d'obtenir des gains budgétaires, il n'y a donc pas de sous-budgétisation.

Si le programme 303 relève du ministère de l'intérieur, le programme 177 relève du ministère d'Emmanuelle Cosse. Pour le programme 303, 398 millions d'euros en crédits de paiement sont budgétés pour 2017 en matière d'hébergement, dont 280 millions d'euros pour atteindre les 42 000 places en Cada fin 2017, 35,5 millions d'euros pour le dispositif ATSA (accueil temporaire service de l'asile) avec 6 000 places d'hébergement de demandeurs d'asile - notamment en Île-de-France, 53,2 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence géré par les préfets, et 29,3 millions d'euros de nouvelles places pour l'hébergement d'urgence pour renforcer les mesures du plan « répondre au défi des migrations : respecter les droits » de 2015. En 2016, 377 millions d'euros étaient prévus : c'est donc une augmentation de 20 millions d'euros. Le programme 177 pour l'accueil en centre d'accueil et d'orientation (CAO) est estimé à 48 millions d'euros. Je vous suggère d'auditionner la ministre du logement pour plus de précisions.

M. Maurice Vincent. - En toute objectivité, il était difficile de demander plus de réactivité et de réponses à un Gouvernement, quel qu'il soit. En raison de la formation nécessaire, les effets positifs des nouveaux effectifs déployés se feront sentir jusqu'en 2019. De nombreuses communes ont accueilli les demandeurs d'asile mais elles s'interrogent sur l'attitude de la Grande-Bretagne. Savez-vous si sa politique d'accueil des mineurs isolés va évoluer, avec un possible retour en France ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Le sujet des mineurs isolés est complexe. Nous avons évacué Calais, avec une présence uniquement humanitaire des forces de l'ordre, et la collaboration des collectivités territoriales. Les maires, de droite comme de gauche, se sont comportés de manière républicaine. Ainsi, en Vendée, des maires d'opposition ont fait un travail remarquable d'accueil. Plus de 13 000 personnes ont été mises totalement à l'abri depuis l'évacuation de Calais en octobre 2015. Restent 2 000 mineurs isolés. Les Britanniques doivent assumer leurs responsabilités par rapport à l'amendement Dubs et à la règle de Dublin. Un mineur isolé peut se rendre au Royaume-Uni s'il a des contacts avec la Grande-Bretagne, après examen de son dossier. Les Britanniques se déploient dans les centres d'accueil et d'orientation pour mineurs isolés (Caomi), mais le traitement de ce sujet n'est pas emphytéotique : ils ne peuvent agir lentement tout en nous demandant d'agir vite... Par contre, nous apprécions la mobilisation et le vote d'une résolution du parlement irlandais d'accueillir 200 mineurs isolés résidant à Calais. Je les remercierai bientôt in situ. Les discussions avec le Royaume-Uni sont exigeantes et compliquées. Près de 300 jeunes sont partis, les autres partiront dès que les règles de Dublin ou de l'amendement Dubs seront mises en oeuvre.

Mme Michèle André, présidente. - Nous abordons maintenant la mission « Administration générale et territoriale de l'État », en commençant par les questions du rapporteur spécial.

M. Hervé Marseille, rapporteur spécial de la commission des finances pour la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». - Quel sera l'impact sur cette mission du renforcement des flux migratoires et du pacte de sécurité annoncé en 2015 ? Quelles sont les priorités du plan « préfectures nouvelle génération », en particulier en matière de développement de la fonction de conseil et d'ingénierie territoriale ? Allez-vous également poursuivre le déploiement des sous-préfectures et, le cas échéant, à quel rythme ?

Enfin, une question sur la propagande électorale pour les élections présidentielle et législatives. Depuis plusieurs années, l'abandon du papier est régulièrement proposé aux assemblées, qui s'y refusent : l'Assemblée nationale a dernièrement supprimé l'article du projet de loi de finances pour 2017 prévoyant la dématérialisation. Comptez-vous étendre vos projets au scrutin présidentiel dont le régime est, pour des raisons historiques, principalement fixé au niveau réglementaire ?

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis de la commission des lois sur la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». - Je souhaiterais des précisions sur le calendrier de déploiement des bornes à destination des publics isolés ou en difficulté, annoncé dans le cadre du plan « préfectures nouvelle génération ». Quels renforts en matière d'ingénierie sont prévus pour renforcer le rôle des sous-préfectures ? C'est une attente forte des maires ruraux.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Mon objectif est de mettre fin à la révision générale des politiques publiques qui a conduit, dans les préfectures et les sous-préfectures, à la disparition de près de 3 500 emplois, soit l'équivalent de treize préfectures. L'effort budgétaire doit être maintenu, mais dans une autre logique que celle du rabot.

C'est dans cet esprit que nous avons lancé le plan « préfectures nouvelle génération » (PPNG), qui consiste à dégager, grâce aux plateformes mutualisées de titres (cartes nationales d'identité, passeports, cartes grises, permis de conduire), près de deux mille emplois, dont 1 300 seront supprimés - soit une capacité d'injection de 700 emplois nouveaux dans les préfectures et sous-préfectures.

La fusion des secrétariats généraux des affaires régionales (Sgar) dans le cadre de la réorganisation des régions a dégagé environ 30 % d'effectifs compétents en matière d'ingénierie et de montage de projet pouvant être projetés auprès des communautés de communes. De plus, la réforme PPNG permet de constituer dans chaque département des cellules d'ingénierie territoriale. On peut enfin ajouter à ces effectifs ceux d'autres ministères mobilisables sur le conseil juridique ou les questions environnementales pour constituer des équipes étoffées et pluridisciplinaires.

Quant à l'impact des flux migratoires, le projet de loi de finances pour 2017 crée 13 ETP dans l'administration centrale et 15 en préfecture. En 2016, 46 ETP avaient déjà été créés pour augmenter notre capacité de traitement des dossiers.

La question de la propagande électorale revient tous les ans sur le métier. Pour ma part, je considère la dématérialisation comme un élément de modernisation, d'économie et d'allègement des tâches des services, alors que l'équipement numérique se développe dans notre pays : internet est véritablement entré dans les moeurs, puisqu'il est utilisé par 84 % des électeurs. Mettre en ligne la propagande électorale est une nécessité, sans préjudice du maintien des modalités traditionnelles pour les publics les plus éloignés d'internet. Nous envisageons ainsi des mesures d'accompagnement spécifiques conformes aux nécessités de la protection des droits et de l'information des électeurs : mise en ligne sur un site internet public des circulaires et bulletins de vote de vote des candidats, courriers à domicile pour informer les électeurs des conditions de consultation mais aussi les alerter de la tenue des élections, mise à disposition des circulaires pour consultation dans chaque mairie, préfecture et sous-préfecture.

Je ne suis pas sûr que ces mesures résisteront aux réflexes parlementaires. J'observe cependant que lorsque, ministre du budget, j'avais proposé la dématérialisation, on m'avait objecté qu'il était trop tôt, qu'il fallait des études ; aujourd'hui, il serait trop tard puisque la fin du quinquennat approche... L'économie que représenterait la dématérialisation n'est pas dérisoire : 168 millions d'euros en 2017. Je compte sur vous !

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis. - Je ne partage pas du tout vos vues ; certes, 84 % des Français ont accès à internet, mais souvent dans des conditions aléatoires. La dématérialisation n'est pas une bonne façon de mobiliser les Français pour voter. La démocratie vaut bien 168 millions d'euros...

M. Michel Canevet. - Dans nombre de secteurs, notamment ruraux, la fracture numérique est une réalité. Certaines zones - dans la Manche par exemple - ne sont pas desservies, et beaucoup de nos concitoyens ont peur d'internet ; le développement des outils numériques ne fait que renforcer leur sentiment d'exclusion. Il conviendrait de demander par courriel aux électeurs s'ils souhaitent continuer à recevoir la propagande électorale par courrier, et procéder ainsi à une numérisation progressive.

La mise en place du fichier des titres électroniques sécurisés (TES) a été décidée très vite, voire de manière précipitée. Il faudrait en examiner les conditions de mise en oeuvre. La dématérialisation des demandes de carte nationale d'identité inquiète elle aussi les maires. Je comprends que les échéances électorales vous incitent à aller vite mais, en Bretagne par exemple, on a demandé aux maires des communes qui sont équipées pour cela de mettre en place la numérisation au 1er décembre. La compensation offerte par l'État est de 3 550 euros, contre 5 000 euros pour les passeports, alors que le nombre de cartes d'identité à délivrer est bien supérieur. C'est une évolution qui nécessite du personnel, donc des moyens à la hauteur ; il convient d'abonder la dotation pour faire en sorte que les communes équipées de stations biométriques ne soient pas pénalisées financièrement.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Beaucoup semblent découvrir subitement des dispositifs qui existent depuis des années. Le premier fichier national de gestion des cartes d'identité date de 1987 ; les premiers éléments biométriques de 1955... Le fichier TES des passeports biométriques a, lui, été créé en 2008. Nous ne faisons que greffer les données numériques relatives aux cartes nationales d'identité sur le fichier existant qui est opérationnel, donne toutes les garanties sur le plan technique et ne pose aucun problème en matière de libertés publiques.

Et pourtant, j'entends que nous allons ficher 60 millions de Français en catimini... Au point de vue entomologique, je trouve intéressants ces emportements qui se diffusent de manière privilégiée sur la toile, au point que la discussion devient virtuelle. Les résultats politiques sont parfois pénibles, en témoigne l'élection d'un homme qui avait mis en doute la validité du certificat de naissance du président Obama avant de démentir avoir tenu de tels propos...

Nous reviendrons demain, en séance publique au Sénat, sur ce sujet. Cette affaire ne s'est pas réglée comme jaune d'oeuf sur toile cirée. Nous avons eu des échanges avec l'Association des maires de France, avec laquelle nous avons trouvé un accord. Il convient de prendre en compte les remontées de terrain que vous évoquez concernant les délais et les compensations. Ma priorité est que l'administration préfectorale fonctionne bien. La mise en place des TES est importante pour la sécurité des titres et l'accès simplifié des usagers au service de délivrance des titres, et fondamentale pour la lutte contre la fraude et les organisations criminelles. Nous souhaitons approfondir les relations avec les collectivités rurales, pour que cette réforme soit vécue par ces dernières comme un progrès ; progrès car les relations entre les mairies et les préfectures seront désormais dématérialisées : les envois se feront par télé-procédure, ce qui simplifiera le traitement en réduisant les manipulations de papier.

Mme Michèle André, présidente. - Nous vous remercions d'avoir bien voulu répondre à nos questions. Je fonde l'espoir que vous mènerez à bien la réforme des préfectures, qui ont fortement pâti de la révision générale des politiques publiques - j'ai eu l'occasion de le souligner à de nombreuses reprises en tant que rapporteure spéciale de cette mission. La création des nouvelles régions devrait permettre aux préfectures départementales de recouvrer leur puissance. Nous avons besoin d'un État fort et de personnel compétent, attentif et à la disposition du public dans les préfectures et sous-préfectures.

La réunion est close à 19 h 55.

Mercredi 16 novembre 2016

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

Loi de finances pour 2017 - Examen des articles de la première partie - Tome II du rapport général

La réunion est ouverte à 9 h 30.

La commission examine les articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2017, tome II du rapport général, sur le rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.

Mme Michèle André, présidente. - Nous examinons ce matin les articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2017, tome II du rapport général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je vous ai présenté la semaine dernière les grands équilibres budgétaires. Venons-en à la première partie du texte, qui comprenait initialement 29 articles. L'Assemblée nationale en a introduit 23 supplémentaires, ce qui fait 52 articles à examiner.

Le Gouvernement a fait le choix de modifier très profondément l'équilibre en recettes et en dépenses pour 2017, en renonçant aux baisses d'impôts promises pour relâcher l'effort sur la dépense publique. Résultat, le volet « recettes » du projet de loi de finances ne comporte pour 2017 - au-delà, on le verra, des miracles pourraient avoir lieu ! - aucune disposition fiscale d'importance.

En particulier, le Gouvernement a annulé les 5 milliards d'euros de baisses d'impôts prévues pour les entreprises. Il a renoncé aux engagements pris dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité. Seule subsiste, à l'article 6, la création d'une nouvelle tranche de bénéfices, jusqu'à 75 000 euros, imposée au taux réduit de 28 % pour les PME. Cette mesure se traduit en 2017 par une moindre recette limitée à 330 millions d'euros. Le même article promet, en revanche, une belle trajectoire pour l'avenir : en effet, cette baisse de l'impôt sur les sociétés ne se limite pas à 2017 ! À compter de 2020, l'ensemble des entreprises bénéficierait d'un taux de droit commun à 28 %, pour un coût de 7 milliards d'euros.

La seule mesure fiscale un tant soit peu significative pour 2017 figure à l'article 2 : il s'agit d'une réduction proportionnelle de l'impôt sur le revenu, en faveur de 7 millions de foyers fiscaux, pour un coût de 1 milliard d'euros, soit un gain moyen de 154 euros par foyer fiscal. Cette disposition est ciblée sur les ménages qui, dans leur grande majorité, ont déjà bénéficié des allègements des deux dernières années. Ce geste n'est pas anodin à l'approche des prochaines échéances électorales. Il a été défini en fonction des faibles marges disponibles en recettes, cependant son coût n'est pas négligeable.

Cette nouvelle réduction fiscale vient encore compliquer l'impôt et brouiller la lisibilité du barème. L'empilement des dispositifs - décote simple, décote conjugale, réduction d'impôt proportionnelle - montre que le Gouvernement tente d'annuler les effets de la politique fiscale menée au début du quinquennat. À l'évidence, il n'y a pas eu de stratégie cohérente de réforme. À l'invitation de Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, j'ai participé à de grandes réunions à Matignon, au cours desquelles on nous assurait que des groupes de travail seraient constitués, pour la fiscalité des entreprises et pour celle des ménages. On nous expliquait que l'ensemble du système fiscal serait remis à plat, que rien n'était interdit. Tout cela a fait pschitt ! Pas de réformes d'envergure de l'imposition des ménages, seulement un matraquage, que le Gouvernement tente in extremis d'annuler par des décotes.

En définitive, seuls 43,8 % des foyers fiscaux acquittent l'impôt sur le revenu en 2016, contre 50 % en 2012. L'impôt se concentre sur un nombre toujours plus réduit de contribuables.

Pour les entreprises, l'exercice budgétaire 2017 se traduira par des avances d'impôts à l'État. Ces petites mesures sont autant de tours de passe-passe, qu'il s'agisse, à l'article 7, de l'acompte d'impôt sur les sociétés ou, à l'article 8, de l'acompte de majoration de taxe sur les surfaces commerciales, la Tascom. Les députés ont amplifié ce mouvement en élargissant l'acompte à la part de Tascom perçue par les collectivités territoriales. Ainsi les entreprises devront-elles verser par anticipation 940 millions d'euros dont elles ne sont redevables qu'au 1er janvier de l'année suivante ! Il s'agit d'une mesure de trésorerie totalement artificielle, portant, pour ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, sur un bénéfice qui n'est pas encore réalisé.

À l'instar de l'article 9, créant un nouvel acompte de prélèvement forfaitaire sur les revenus mobiliers, pour 380 millions d'euros, ces deux articles ne sont pas acceptables : il s'agit bien de prélèvements supplémentaires dont le seul objet est de gonfler artificiellement les recettes en 2017 pour afficher un meilleur résultat budgétaire ; on ne retrouvera pas ces ressources en 2018.

En outre, l'Assemblée nationale a introduit deux articles qui ne vont pas non plus dans le bon sens pour nos entreprises et pour notre compétitivité. L'article 4 bis remet en cause de manière particulièrement inopportune le régime fiscal et social des actions gratuites, qui résultait de la loi dite Macron, sans qu'aucun bilan n'ait encore été dressé. Ce régime aurait pu être utile, par exemple, aux start up. Il n'a même pas pu être mis en oeuvre ! Le Conseil constitutionnel se prononcera sur la constitutionnalité de cette disposition, partiellement rétroactive.

Ensuite, l'article 11 bis élargit aux opérations intrajournalières l'assiette de la taxe sur les transactions financières (TTF), tout en augmentant son taux de 0,2 % à 0,3 %, au moment où la place de Paris cherche pourtant à attirer les investisseurs, après le vote du Brexit. Nous organisons de belles réunions pour déclarer que la place de Paris est meilleure que celle de Francfort et nous instaurons, seuls, une telle taxation : c'est un signal contradictoire et malvenu ! Nous ne pouvons donc pas accepter ces deux articles.

La disposition dite anti-abus qui figure à l'article 4 fait manifestement suite à un article paru dans Le Canard enchaîné le 8 juin dernier. Le palmipède a en effet publié une liste de contribuables bénéficiant du plafonnement au titre de l'ISF. Mais, compte tenu de leur formulation floue, ces dispositions sont particulièrement fragiles : sur ce point, je suis prêt à prendre tous les paris.

Enfin, par cohérence avec l'analyse que j'ai développée sur la réforme du prélèvement à la source, j'estime que l'article 5, qui en tire les conséquences sur le régime fiscal applicable aux indemnités des élus locaux, devrait être supprimé. Charles Guené est déjà intervenu sur ce sujet.

Je n'évoquerai pas longuement les articles de nature technique ou dont l'enjeu budgétaire ou fiscal est très limité. Tous sont issus d'amendements de l'Assemblée nationale. Ils ne posent pas de difficulté. Il s'agit de l'article 2 bis, relatif à l'exonération d'impôt sur le revenu pour les bénéfices tirés des loyers versés aux sociétés civiles immobilières d'accession progressive à la propriété ; de l'article 2 ter, relatif à l'exonération d'impôt sur le revenu pour les médaillés olympiques de Rio - la mesure d'étalement que nous avons votée l'an passé à l'initiative de Didier Guillaume paraissait plus pertinente ; de l'article 4 quater, portant correction d'une erreur matérielle ; des articles 7 ter et 7 quater, relatifs aux aménagements du régime des micro-bénéfices agricoles ou micro BA ; de l'article 7 octies, ayant pour objet la valorisation au coût de revient des dons en nature aux associations ; de l'article 12 ter, assurant l'extension de la TVA à 5,5 % autour des quartiers prioritaires de la politique de la ville ; et des articles 18 bis et 18 ter, rédactionnels.

Sans poser de difficulté particulière, certains articles auraient pu être améliorés dans leur rédaction. Je songe à l'article 3, relatif à la solidarité à l'égard des ayants droit des victimes d'acte de terrorisme ; à l'article 3 bis, relatif à l'exonération d'impôt sur le revenu pour les primes versées dans le cadre de l'opération Sentinelle ; à l'article 7 quinquies, qui concerne les exonérations d'impôt sur les sociétés d'HLM au titre des contrats d'économie d'énergie ; à l'article 7 sexies, qui apporte une clarification bienvenue mais incomplète au sujet des entreprises en difficulté ; et à l'article 12 bis, relatif à la TVA à 5,5 % pour les résidences hôtelières à vocation sociale.

D'autres articles additionnels introduits par les députés devraient, à mon sens, être supprimés. Certains créent des dépenses fiscales parfois difficiles à contrôler, comme l'article 11 ter, exonérant de taxe intérieure de consommation le biogaz mélangé au gaz naturel ; d'autres paraissent prématurés, comme l'article 11 quater, élargissant le tarif réduit de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité aux autobus hybrides. Certains ont un impact trop faible, comme l'article 7 bis relatif au suramortissement des véhicules de 3,5 tonnes et plus. Je n'approuve pas non plus ceux qui consistent à augmenter des « petites taxes », comme l'article 18 quater, qui concerne la taxe affectée à l'Institut des corps gras.

Enfin, pourquoi modifier sensiblement des dépenses fiscales qui sont censées prendre fin au 31 décembre 2017 et qui feront alors l'objet d'une réévaluation ? Il en est ainsi de l'article 4 ter, relatif aux sociétés pour le financement du cinéma et de l'audiovisuel (SOFICA), et de l'article 7 septies, garantissant un taux réduit d'impôt sur les sociétés pour les cessions de locaux à usage industriel transformés en habitation. Il faudrait, à tout le moins, que nous disposions d'un bilan de ces niches fiscales !

En revanche, deux mesures concernant la fiscalité énergétique et environnementale ne soulèvent pas de difficulté majeure : l'article 12 quater relatif à la TVA sur les véhicules à essence, et l'article 23, sur le barème du bonus-malus automobile. Je vous rappelle que notre collègue Jean-François Husson avait proposé ce rapprochement, en cinq ans, de la fiscalité du diesel et de l'essence, lors du dernier collectif budgétaire.

Les besoins de financement croissants en matière de transports se traduisent, à l'article 11, par une majoration de TICPE au profit du Syndicat des transports d'Île-de-France (Stif) ; à l'article 21, par le relèvement du plafond de recettes du CAS « Radars » ; et à l'article 24, par un aménagement des ressources du CAS « Services nationaux de transport de voyageurs ». Les rapporteurs spéciaux ont déjà abordé ces questions.

Au-delà de l'aménagement du régime des SOFICA, qui me semble prématuré, ce projet de loi de finances proroge, par l'article 7 nonies, le crédit d'impôt « cinéma international ». Par ailleurs, si l'Assemblée nationale a rejeté la hausse de la contribution à l'audiovisuel public de 1 euro en plus de l'inflation, elle a, en compensation, augmenté le montant de la taxe sur les opérateurs de communication électronique (TOCE), qui est affectée à France Télévisions. Or la Cour des comptes vient encore de nous le confirmer : les économies au sein du groupe sont plus que souhaitables, elles sont un préalable indispensable.

Au surplus, les prorogations de crédits d'impôt se font la plupart du temps sans évaluation, comme pour le crédit d'impôt pour la transition énergétique, le CITE, figurant à l'article 10. L'Assemblée nationale a autorisé la prorogation d'un dispositif qui coûte 1,6 milliard d'euros tout en demandant un rapport d'évaluation. Il en est de même en matière de logement : ceux qui ont pris part à l'intéressant groupe de travail consacré à ce sujet le savent, il est très difficile d'évaluer la part de l'effet d'aubaine et celle de l'incitation véritable.

En outre, en supprimant le cumul du CITE avec l'éco-PTZ sans conditions de ressources, on crée une situation difficile pour les contribuables qui ont pu croire aux annonces du Gouvernement en mars dernier. Dans le rapport qu'elle nous a remis récemment, la Cour des comptes a rappelé toutes les limites de ces dépenses fiscales en faveur du développement durable. Ce sujet exige un travail de fond de notre part.

L'article 12 procède au gel de la dégressivité des abattements de zones franches d'activité, les ZFA, en 2017, sans engager de réflexion sur l'efficacité de ce mécanisme. A contrario, le Gouvernement propose, à l'article 13, de supprimer quelques petites niches fiscales mais il vise parmi celles-ci le suramortissement des logiciels, ou encore de la suppression de l'exonération de la plus-value sur la vente d'un premier logement hors résidence principale, en cas de réinvestissement dans l'achat d'une résidence principale. Aujourd'hui, la plus-value est exonérée en cas de première cession, et lorsque le vendeur n'est pas propriétaire de sa résidence principale.

M. Michel Bouvard. - C'est moi qui avais fait voter cette mesure !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Dans le même souci d'économies, l'article 17 procède au plafonnement de ces taxes affectées... avec un effet limité : 16 millions d'euros. Ce sujet mériterait, lui aussi, une réflexion d'ensemble.

Plusieurs articles concernent des comptes d'affectation spéciale notamment l'article 20, portant sur le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et l'article 25, qui, en créant un nouveau compte pour le soutien au commerce extérieur, permet le reversement de 4 milliards d'euros de la Coface à l'État. Ce reversement n'est pas critiquable en tant que tel. Mais il aurait dû être présenté comme une mesure de périmètre. Ne pas le faire permet d'améliorer artificiellement le solde budgétaire de l'État de 4 milliards d'euros l'année prochaine : c'est, là aussi, un véritable tour de passe-passe.

Enfin, l'article 22 accroît les recettes du CAS « Transition énergétique », qui finance surtout le soutien aux énergies renouvelables électriques et le remboursement de la dette constituée auprès d'EDF, deux postes de dépenses en forte hausse pour 2017 et qui exigent une affectation supplémentaire de 1,5 milliard d'euros. Il est regrettable que le Parlement n'ait aucune prise sur l'évolution des dépenses de ce CAS. Le constat a déjà été dressé l'an dernier par Jean-François Husson. Ces impositions de toute nature progressent très fortement.

Enfin, comme chaque année, la première partie du projet de loi de finances contient des articles techniques, de constatation ou de coordination. L'article 1er porte autorisation à percevoir les impôts, l'article 15 est relatif à la compensation des transferts de compétences par attribution d'une part de TICPE, l'article 16 évalue les prélèvements au profit des collectivités locales, l'article 19 reconduit les budgets annexes, l'article 26 porte sur les relations financières entre l'État et la sécurité sociale et l'article 27 évalue le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne. Je ne reviendrai pas non plus sur l'article liminaire, ni sur l'article d'équilibre, compte tenu de ma présentation la semaine passée.

Je n'ai pas encore mentionné l'article 14, qui fixe le montant de la dotation globale de fonctionnement pour l'année 2017 ainsi que le périmètre et le taux de minoration des variables d'ajustement. Le recul de la DGF représente 2,4 milliards d'euros pour 2017. C'est encore un effort non négligeable demandé aux collectivités territoriales, tandis que l'État augmente significativement ses dépenses : la masse salariale de l'État fera un bond de 4 % l'an prochain ! Certes, à l'approche des échéances électorales, les communes ont été un peu épargnées, mais l'avenir des finances locales reste en suspens. Le fonctionnement actuel de la DGF est unanimement considéré comme problématique. Pourtant, aucune réforme n'a pu aboutir, faute de concertation.

M. Didier Guillaume. - Le Sénat aurait pu mener ce chantier !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Le Sénat avait fait des propositions. Je songe notamment aux travaux de Charles Guené et de Claude Raynal.

La question de la viabilité financière des départements n'est pas résolue. Le coût des allocations individuelles de solidarité, notamment l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), explose. Par ailleurs le financement des nouvelles compétences des régions serait - à ce stade, ce ne sont que des promesses - assuré par le transfert d'une part de TVA seulement en 2018. Pour 2017, un dispositif transitoire de 450 millions d'euros est proposé pour les régions. Il ne figurait pas dans le projet de loi de finances. Nous aurons l'occasion d'en parler la semaine prochaine lors de l'examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Pendant ce temps, l'État, par ses décisions, met à la charge des collectivités locales des coûts supplémentaires, notamment au titre de la fonction publique, pour plus de 900 millions d'euros en 2017. La situation d'ensemble est donc assez paradoxale !

Le rythme de la baisse des dotations devenant difficilement soutenable, le Gouvernement a été contraint de renforcer encore les mécanismes de péréquation. Le dynamisme des ressources est désormais intégralement pris en charge par les collectivités territoriales elles-mêmes, que ce soit au sein de la DGF ou par le biais de la minoration des variables d'ajustement. Le système atteint cette année une complexité inédite, au point de devenir illisible. L'article 14 présente ainsi trois taux de minoration, selon la catégorie de collectivités territoriales, et non plus un seul. Surtout, le Parlement ne dispose pas de l'ensemble des données permettant d'apprécier l'effet net des mesures sur les collectivités territoriales. Or il s'agit cette année de répartir rien moins qu'une baisse de 788 millions d'euros, soit un montant supérieur à la contribution au redressement des finances publiques (CRFP). Les effets de la minoration des variables d'ajustement annulent, voire contredisent d'autres mesures. Ainsi, la hausse de la péréquation verticale du bloc communal est financée par un prélèvement qui pèse en particulier sur les départements pauvres et ruraux.

M. Michel Bouvard. - Et les communes pauvres !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Ce système est à bout de souffle et aucune autre solution n'a été trouvée. Nous ne pouvons donc pas souscrire à cet article.

En conclusion, au-delà des améliorations que nous pourrions introduire et des accords que nous pourrions trouver avec les députés, s'ils souhaitaient nous écouter, un très grand nombre d'articles ne peuvent en aucun cas recueillir notre assentiment. Les décisions touchant la fiscalité des ménages ou des entreprises ne sont pas à la hauteur des enjeux, après un quinquennat marqué par des hausses de prélèvements au détriment des actifs et des familles. Les collectivités territoriales souffrent d'une politique à courte vue et ne peuvent se contenter de ristournes opportunistes. Quant aux investisseurs, ils sont désorientés par des changements de régimes fiscaux qui nuisent à la compétitivité de notre pays.

Ce budget 2017 est incontestablement un budget de campagne électorale. Il est fondé sur un hypothétique retour du déficit public à 3 % du PIB en 2017. Sa sincérité est plus que contestable. Les prévisions de recettes sont surévaluées, les hypothèses de croissance très optimistes par rapport au consensus des économistes. Les dépenses sont sous-estimées, les mesures d'économies - notamment sur la sécurité sociale - irréalistes.

Les deux dernières années, le Sénat a adopté un projet de loi de finances très sensiblement modifié, grâce à un grand nombre d'amendements. Nous avons notamment cherché à favoriser les familles en relevant le quotient familial ; à aider les PME, par les suramortissements par exemple. Ces mesures étaient gagées par des économies. Mais ces propositions n'ont pas été retenues.

Cette année, le projet de loi de finances présente des défaillances structurelles. Le cadre de l'examen budgétaire tel que fixé par la Constitution et par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) nous interdit hélas d'y remédier. L'article 40 de la Constitution n'autorise ni à réévaluer les recettes ni à remédier aux sous-budgétisations. De plus, la LOLF n'autorise pas les arbitrages entre missions, mais seulement entre programmes au sein d'une mission.

Au-delà de ces aspects, le Sénat ne peut à mon sens débattre d'un projet de loi de finances avant tout chimérique.

M. Jacques Chiron. - Alors, le Sénat ne sert à rien ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La masse salariale de l'État explose, avec des effets à moyen et long termes. Le Gouvernement promet un avenir radieux pour de nombreux contribuables, mais à compter de 2018 seulement. C'est assez fâcheux ! La hausse du taux du CICE, la baisse du taux d'impôt sur les sociétés, l'élargissement des crédits d'impôt pour les associations ou les services à la personne, la prolongation du crédit d'impôt pour la transition énergétique, le cumul avec l'éco-PTZ : toutes ces mesures auront un impact après 2017. Je l'ai chiffré de manière très précise : 7,7 milliards d'euros de dépenses en 2018, puis 25 milliards d'euros de charges nouvelles d'ici à 2021, qui ne sont financées par aucune économie.

En outre, depuis que ce projet de loi de finances a été présenté en conseil des ministres, on n'a cessé d'annoncer des dépenses supplémentaires, rénovation urbaine, prisons ou autres.

Le principe d'annualité budgétaire est battu en brèche et les marges de manoeuvre de la prochaine majorité gouvernementale sont obérées - quelle que soit cette future majorité, car par principe, je n'anticipe rien à cet égard.

M. Didier Guillaume. - C'est préférable !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Le Gouvernement présente un budget de campagne. Il fait des annonces. Il affiche des résultats vis-à-vis de la Commission européenne. Par des mesures de trésorerie, il engrange en 2017 des recettes de manière anticipée. Mais, parallèlement, l'impact des mesures fiscales décidées ne sera effectif qu'après 2018. Nous ne pouvons pas accepter cette méthode.

Je ne vous présenterai donc pas d'amendement sur ce budget tout à fait atypique. Je vous propose de me donner mandat pour rédiger une motion tendant à opposer la question préalable.

M. Didier Guillaume. - Vive le Sénat !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je vous soumettrai cette motion après la transmission du texte voté par l'Assemblée nationale, afin de prendre en compte l'ensemble de ses votes.

Mme Michèle André, présidente. - Vous proposez que la commission, aujourd'hui, adopte le principe de la question préalable et vous donne mandat pour en rédiger le texte en vue de notre examen définitif de l'équilibre et des missions jeudi 24 novembre. À l'issue de notre débat, je mettrai donc cette proposition aux voix.

Je rappelle les termes de l'article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat, qui définit la question préalable. En vertu de notre règlement, l'objet de la question préalable « est de faire décider soit que le Sénat s'oppose à l'ensemble du texte, soit qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération. » À mon sens les conditions de l'adoption d'une question préalable ne sont pas réunies. En effet, on ne peut pas dire que le Sénat s'oppose à l'ensemble du texte.

M. Didier Guillaume. - Ce serait ridicule !

Mme Michèle André, présidente. - Depuis que nous avons commencé l'examen du projet de loi de finances en commission, nous nous sommes prononcés favorablement sur les crédits de plusieurs missions. Pas plus tard qu'hier, trois missions ont été adoptées. Certaines l'ont été à l'unanimité. Plusieurs articles de la première partie recueillent votre assentiment.

En quoi n'y aurait-il pas lieu de poursuivre la délibération ? Il est fréquent que la majorité sénatoriale s'oppose aux projets de loi qui lui sont soumis. Elle le manifeste ordinairement en modifiant les dispositions présentées par le Gouvernement. Vous l'avez vous-même fait lors de l'examen des précédents projets de loi de finances. Je ne vois aucune circonstance nouvelle qui, cette année, conduirait à constater l'impossibilité de délibérer, alors que nous l'avons fait sereinement et dans le respect mutuel lors des précédentes sessions.

Nous le savons tous, la Ve République bride les marges de manoeuvre des assemblées en matière budgétaire. Mais vous disposez d'une majorité pour voter un texte correspondant à vos choix.

M. Marc Laménie. - Ma question porte sur l'article 16, portant sur les prélèvements opérés sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales. Plus précisément, j'appelle votre attention sur la dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.

M. Michel Bouvard. - C'est un hold up sur l'argent des pauvres !

M. Marc Laménie. - La pérennité de ce dispositif a toujours inspiré des inquiétudes. Cette ressource est pourtant essentielle pour certains départements, en particulier ceux qui abritent un site nucléaire. Elle assure également la solidarité envers les communes défavorisées.

Je voterai la question préalable. Néanmoins, j'aurais souhaité que les recettes et missions puissent être examinées, comme elles l'ont été l'an passé.

M. Didier Guillaume. - Évidemment.

M. Serge Dassault. - Avant tout, je tiens à féliciter Albéric de Montgolfier pour ses conclusions, auxquelles je souscris parfaitement. Je regrette qu'il n'ait pas évoqué la réduction des taxes affectées aux chambres de commerce et d'industrie (CCI). Cette baisse sera de l'ordre de 60 millions d'euros en 2017, alors qu'elles ont déjà subi des réductions au cours des années précédentes. En conséquence, le financement des centres de formation des apprentis va encore être grevé, aux dépens de jeunes qui pourraient grâce à ce parcours trouver du travail. J'ajoute une remarque amicale : le rapporteur général parle un peu vite. C'est parfois une vraie mitrailleuse !

M. Michel Bouvard. - Il parle en rafales !

M. Didier Guillaume. - Et il a même exécuté le budget...

M. Serge Dassault. - Enfin, pour examiner des documents si complexes que les rapports budgétaires, nous devrions disposer à tout le moins de quelques jours. Les délais très brefs actuellement observés ne nous facilitent pas la tâche.

M. Vincent Delahaye. - Je partage totalement le sentiment de notre rapporteur général : cette loi de finances électoraliste n'est ni sérieuse ni sincère.

M. Didier Guillaume. - Remédiez-y !

M. Vincent Delahaye. - Selon le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) lui-même, les estimations de croissance, de consommation et de créations d'emplois sont totalement irréalistes. Je constate qu'après avoir imposé sa création, à laquelle je n'étais pas favorable, la majorité gouvernementale ne tient pas compte des remarques du Haut Conseil...

Sur la partie recettes, je n'ai toujours pas eu d'explication sur l'augmentation de près de 5 milliards d'euros des recettes de TVA en 2017. On nous parle d'une baisse de l'impôt sur le revenu pour certains ménages, mais globalement, le produit de l'impôt sur le revenu continue d'augmenter, ce qui veut dire que ceux qui payent de l'impôt sur le revenu vont en payer plus. Depuis 2012, les ménages ont été ponctionnés de 14 milliards d'euros supplémentaires au titre de l'impôt sur le revenu. Parler de baisse d'impôt dans ces conditions me semble surréaliste.

Les recettes ont été volontairement surévaluées par le Gouvernement pour afficher un déficit en dessous de la barre des 3 %, dont on sait bien qu'il ne sera jamais atteint. L'effort qui est annoncé pour 2017 serait le plus important du quinquennat. Le Gouvernement se moque que ces hypothèses soient totalement irréalistes car il n'aura ni à exécuter ce budget ni même à présenter les résultats de l'exécution 2016. Il me semblerait pourtant normal que la loi de règlement soit présentée avant les élections. De très grosses entreprises arrivent bien à clôturer leurs comptes en un mois, je ne vois pas pourquoi l'État n'y parviendrait pas !

Concernant la deuxième partie sur les dépenses, c'est le guichet ouvert !

M. Didier Guillaume. - Vous acceptez d'en débattre, finalement ?

M. Vincent Delahaye. - J'ai voté contre les crédits de la mission « Culture », car une augmentation de 6 % me semble irresponsable dans l'état actuel des finances publiques -je rappelle que nous avons 70 milliards d'euros de déficit. Sur 31 missions, 21 voient leur budget augmenter cette année. La dépense publique est en croissance de 1,7 %, sans compter tout ce qui n'a pas été inscrit dans cette loi de finances. Le Sénat ne peut pas travailler à partir de ce document irréaliste.

Enfin, le Sénat a fait de nombreuses propositions ces dernières années, mais elles n'ont jamais été prises en compte par le Gouvernement. À ceux qui disent que le Sénat ne sert à rien, je réponds qu'il ne sert à rien... au Gouvernement actuel, qui se moque du travail du Sénat.

M. Didier Guillaume. - Travail ? Quel travail ?

M. Vincent Delahaye. - J'ai envie d'un nouveau Gouvernement qui prenne en compte le travail du Sénat.

M. Didier Guillaume. - Primaire, quand tu nous tiens !

M. Vincent Delahaye. - Je m'associerai donc, avec le groupe UDI-UC, au vote de la question préalable.

M. Richard Yung. - Je ne sais pas s'il faut féliciter le rapporteur général, qui a traité de la première partie et de l'ensemble des recettes en moins de trente minutes. Vu la complexité des articles et des dispositions proposées, je reste un peu sur ma faim !

Avec la question préalable, le Sénat disparaît. Comptez-vous vous présenter en commission mixte paritaire avec une feuille blanche ? Il ne faut pas s'étonner ensuite que l'Assemblée nationale, et même notre pays tout entier, nous regardent en souriant ! Le coeur de la légitimité d'un Parlement est le débat sur les dépenses et les recettes. Si on ne le fait pas, on n'existe plus ! Vincent  Delahaye, comment voulez-vous qu'on vous écoute si vous ne dites rien ? L'adoption de cette question préalable serait sans précédent.

L'attitude de la majorité sénatoriale exprime un refus de dialoguer. La discussion aurait permis de confronter les lignes qui s'affrontent ou sont censées s'affronter. Par exemple, vous dénoncez comme scandaleuse la baisse de l'impôt sur le revenu, or certains candidats à la primaire de la droite proposent une baisse encore plus importante. Concernant l'impôt sur les sociétés, je rappelle qu'il est proposé de le ramener à 28 % en trois ans, ce qui correspond au taux moyen en Europe, et à 15 % pour les PME. De même, il aurait été intéressant de discuter de vos propositions sur la TVA.

Vous avez évoqué l'amendement de l'Assemblée nationale sur la taxe sur les transactions financières (TTF). À titre personnel, je pense que taxer les opérations intraday n'est pas une bonne idée, car la fluidité quotidienne du marché des actions est essentielle pour que les entreprises puissent se financer et trouver des fonds propres. Il aurait été intéressant d'avoir ce débat.

Ce projet de loi de finances comportait des propositions importantes dans les domaines de l'écologie et de l'énergie. Nous aurions voulu poursuivre le débat, sur ces questions comme sur le prélèvement à la source, car nous avons un certain nombre de réserves sur votre proposition de mensualisation présentée comme miraculeuse.

Si nous ne discutons pas de ce texte, nous ne serons peut-être pas la risée de tout le pays, mais nous n'améliorerons pas la crédibilité de notre assemblée non plus. Le président du Sénat avait dit que le Sénat serait « le laboratoire de l'alternance ». Il n'y aura ni laboratoire ni alternance !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - On verra l'année prochaine !

M. François Marc. - J'ai été très surpris par la tonalité et les propos caricaturaux du rapporteur général.

Vous dites par exemple que la réflexion introduite par Jean-Marc Ayrault sur la fiscalité n'a abouti à rien. Je vous rappelle que ces réunions de travail ont débouché sur le pacte de responsabilité pour les entreprises, sur la suppression des impôts de production, dont la C3S, sur la baisse de l'impôt pour les plus modestes, considérés comme trop sollicités, et sur un certain nombre de projets techniques... dont le prélèvement à la source que vous proposez de supprimer !

Cette question préalable est un mauvais habillage. Chacun sait bien que si vous refusez que le Sénat discute de ce budget, c'est parce que nul ne sait où vos candidats vont trouver les 100 milliards d'euros d'économies qu'ils promettent ! Lors des discussions qui ont eu lieu jusqu'à présent, la plupart des missions ont été votées, et sur celles qui ne l'ont pas été, vous avez critiqué une insuffisance des crédits. Comme vous êtes incapables de mettre vos actes en concordance avec les promesses que vous faites aux Français, vous optez pour la politique de l'autruche.

Vous êtes en totale contradiction avec la pratique du pouvoir qui a été celle de vos amis. Vous dénoncez une sous-estimation des dépenses et arguez que le déficit sera, non pas de 2,7 % mais de 2,9 % du PIB. Mais 0,2 point, ce n'est rien en comparaison des sous-estimations considérables, de 1 à 2 points, des budgets présentés par la précédente majorité. Il a fallu, une année, jusqu'à trois collectifs pour réactualiser les prévisions !

Vous nous dites que ce projet de budget est chimérique. Vous êtes dans l'outrance. Je ne peux m'associer au projet de question préalable, car ce que vous nous proposez est un acte de désertion.

M. André Gattolin. - À notre collègue Serge Dassault, dont je salue la première prise de parole en tant que nouveau doyen de la Haute Assemblée, j'aimerais répondre que « Sans liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ».

Je suis comme mon groupe opposé à cette question préalable. Certains arguent qu'il s'agit d'un budget électoral. C'est d'abord le budget de l'État. Il est vrai qu'avant chaque élection présidentielle, la gauche comme la droite présentent des budgets en partie électoraux. Quand, en 2011, nous avons étudié le projet de loi de finances pour 2012, nous l'avons discuté jusqu'au bout alors que nous étions dans l'opposition et que certaines mesures pouvaient être perçues comme des mesures de rattrapage ou à visée électorale.

Pour évaluer le caractère électoral des mesures et la bonne gestion d'un pays, lorsqu'une élection majeure intervient au printemps, la meilleure manière serait de vérifier le niveau d'engagement des dépenses par l'exécutif sortant pendant les premiers mois. Il serait intéressant de voir comment les différentes majorités se sont comportées en matière d'engagement et dans quelle mesure elles ont limité la marge de manoeuvre de celles qui leur ont succédé.

Lors de la deuxième lecture de la loi Sapin 2, l'irrecevabilité au titre de l'article 48 du Règlement du Sénat a été appliquée à certains amendements, notamment celui que je présentais sur les assurances bancaires des emprunteurs immobiliers, question qui est en débat depuis cinq ans. Le débat a été refusé au nom de la crédibilité de notre assemblée, Philippe Bas et François Pillet arguant que le Sénat devait éviter de discuter d'amendements qui pourraient être censurés par le Conseil constitutionnel. Au nom de la qualité du travail qui est censé honorer le Sénat, le débat politique a été supprimé. Or si aujourd'hui nous renonçons au débat politique sur le budget, nous le ferons en dépit du rôle du Sénat et de la qualité de la représentation.

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas cette question préalable.

Mme Marie-France Beaufils. - Le budget qui nous est proposé par le Gouvernement ne nous convient pas. Je ferai quelques remarques à ce sujet, puis je donnerai mon point de vue sur cette question préalable.

J'ai participé au travail sur la fiscalité des ménages et des entreprises. J'attends toujours une vraie fiscalité progressive, notamment sur l'impôt sur le revenu, et une réforme plus importante de l'impôt sur les sociétés. La proposition relative aux PME est certes intéressante, mais il faudrait surtout revoir les assiettes, car le taux n'est pas ce qui pose le plus problème aujourd'hui.

La plus forte recette de ce budget vient de la TVA. À mes collègues qui souhaitent que tout le monde paye de l'impôt, je réponds que tout le monde paye la TVA. Elle pèse d'autant plus lourdement sur les foyers les plus fragiles. Je regrette que nous n'ayons à ce jour aucune étude de Bercy mesurant le poids de la TVA selon les revenus des familles.

Je rappelle d'ailleurs que dans le cadre de l'étude entreprise par le rapporteur général sur le temps de travail et la compétitivité des entreprises, j'avais proposé qu'une atténuation de la rémunération du capital soit également étudiée. Pour le moment, ma proposition n'a pas eu d'écho favorable.

Parallèlement, compte tenu des baisses de dotations, les collectivités territoriales ont augmenté la fiscalité pour faire face aux besoins de leurs territoires. Les impôts locaux étant parmi les moins progressifs, la progressivité de l'impôt s'en trouve encore fragilisée.

Monsieur le rapporteur général, vous avez dit tout à l'heure que nous n'avions pas eu de vraie concertation sur la réforme de la DGF. Je ne partage pas votre point de vue. Des discussions sur la réforme de la DGF ont bien eu lieu, même si à ce jour, elles n'ont pas abouti à une réforme satisfaisante.

En revanche, certaines mesures prises récemment ont des incidences très lourdes sur les impôts locaux dans des communes dont la population est très modeste. La mesure sur la demi-part des veuves et des veufs a eu un impact considérable. Dans ma commune, j'enregistre une chute de 200 000 euros d'impôts locaux dans le budget 2016.

M. Philippe Dallier. - Nous avons le même problème.

Mme Marie-France Beaufils. - Je vous assure que c'est difficile à avaler !

J'espère que nous aurons la discussion à l'occasion de l'examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », car je m'inquiète de voir les variables d'ajustement s'élargir sans que l'on ait de tableau clair et précis des compensations. Quelque chose ne va pas !

Monsieur le rapporteur général, tous les candidats à la primaire demandent une baisse plus importante de la dépense publique. Vous comprendrez que je ne peux pas partager ce type de préconisation.

Lors de nos discussions de contrôle sur le CICE, je proposais qu'une large part des 20 milliards d'euros qui lui sont alloués finance des infrastructures indispensables à notre pays, notamment ferroviaires, ou la transition énergétique. Plus d'investissements publics nous permettraient probablement un meilleur redressement de notre solde public.

Pour terminer, il est bien évident qu'une question préalable s'appuyant sur la critique d'une trop faible réduction de la dépense publique ne peut pas avoir mon aval.

M. Philippe Dallier. - Je peux comprendre la frustration de mes collègues de l'opposition. Nous pouvons en partie la partager concernant un certain nombre de sujets, notamment les collectivités locales, dont nous aurions pu débattre. La commission des finances de l'Assemblée nationale vient de décider qu'il n'y aurait pas de revalorisation des valeurs locatives l'an prochain, ce qui, conjugué à la baisse des dotations, va contraindre de nombreuses collectivités à retoucher aux taux.

Cela étant dit, la frustration des uns et des autres ne justifie pas les propos désobligeants à l'égard du rapporteur général. Nous ne partageons pas le même avis, mais un peu de modération ne nuirait pas. La question préalable est un choix politique fort.

M. Richard Yung. - Ah oui !

M. Philippe Dallier. - Si nous y avons recours, c'est que nous avons de bonnes raisons de ne pas vouloir débattre de ce budget. Le rapporteur général les a très clairement exprimées. Les recettes sont surestimées, et les dépenses recommencent à galoper. C'est bien un budget électoral : pour chaque catégorie, on envoie un signal, on ouvre les vannes et chacun sait bien ici que le véritable rendez-vous budgétaire pour 2017 sera à l'été prochain, quand le gouvernement qui sera aux manettes devra solder tout cela. Ce sera douloureux.

Nous aurions pu regarder comment rectifier les choses ligne par ligne, mais vous savez comme moi que la loi organique relative aux lois de finances nous interdit de construire un véritable contre-budget. Et de nombreuses mesures qui nous permettraient effectivement d'engager des réductions de dépenses, comme les 35 heures, ne se trouvent pas dans la loi de finances. Nous envoyons donc avec cette question préalable un signal politique fort.

M. Didier Guillaume. - La démission n'est pas un signal fort.

M. Philippe Dallier. - Madame la présidente, ce n'est pas parce que nous avons adopté un avis favorable sur les crédits de certaines missions que notre appréciation pourrait en bout de course être positive sur ce budget. Cette question préalable est donc tout à fait pertinente et légitime.

La période qui aura le plus porté atteinte à la crédibilité du Sénat est la période pendant laquelle vous étiez majoritaires, entre 2011 et 2014. Il faut se souvenir de l'incapacité dans laquelle vous avez été de faire adopter bon nombre de textes. La période qui s'est ouverte en 2014 a permis de redresser les choses. Notre bilan est bien plus positif que le vôtre, en matière de crédibilité du Sénat.

Nous adopterons cette question préalable, et nous reviendrons en séance sur les principales raisons qui motivent ce choix.

M. Michel Bouvard. - Les budgets des années électorales sont toujours sujets à suspicions, et les dérives en sont presque un marqueur génétique. Aux observations du rapporteur général, on pourrait ajouter les interrogations que font peser la remontée des taux d'intérêt. Cette semaine, l'État a emprunté à 0,83 % sur dix ans, alors qu'il y a quelques jours nous empruntions à 0,10 %. Le delta entre les recettes et les dépenses risque d'en être encore dégradé.

J'ai écouté avec attention les observations du rapporteur général sur chacun des articles. Un certain nombre d'articles méritent d'être amendés, notamment les dispositions sur les collectivités territoriales, la non-revalorisation des valeurs locatives, le hold up sur les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, la problématique de la DGF et les prélèvements sur la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des départements, la suppression des dispositions favorables aux ressortissants étrangers ou qui ont une forte mobilité professionnelle permettant l'exonération de plus-value sur la résidence secondaire dès lors qu'ils n'ont pas de résidence principale, etc.

J'ai participé à la discussion de vingt-et-une lois de finances annuelles. Je ne siégeais pas au Sénat lorsque fut votée une question préalable, mais j'ai le souvenir que lors des débats sur la loi de finances pour 2002, qui était aussi une année électorale, la majorité sénatoriale avait examiné la loi de finances en dépit de son caractère artificiel. Les circonstances étaient similaires. À l'époque, ce n'étaient pas les policiers mais les femmes de gendarmes qui manifestaient dans la rue. Des redéploiements de crédits avaient eu lieu en catastrophe, nuitamment, à partir d'une nomenclature budgétaire périmée, ce que le Conseil constitutionnel avait souligné, sans pour autant prendre la décision d'annuler la loi de finances elle-même.

Je rejoins les propos de Richard Yung : la discussion de la loi de finances est le coeur du parlementarisme. Je ne peux pas me résoudre, vis-à-vis de ceux qui m'ont élu, à me priver de mon droit d'amendement. Sans doute que la commission mixte paritaire n'aboutira pas, mais depuis quelques années nous constatons que sur chaque texte, un certain nombre d'amendements sont repris par les députés. Nous savons qu'il y a eu des excès à l'Assemblée nationale, notamment de la part des frondeurs. Devons-nous pour autant nous résoudre à mener la politique du pire, en ne revenant pas, par exemple, sur l'affaire des distributions gratuites pour les start up ? Si nous adoptons la question préalable, l'Assemblée nationale en restera à son texte de première lecture, et sauf courage gouvernemental pour demander des deuxièmes délibérations, ce dont je doute, un certain nombre de dispositions nuisibles demeureront inscrites. Nous y aurons contribué.

Je ne peux pas m'y résoudre et, tout en regrettant de manquer à la solidarité due à mes collègues de groupe, je ne voterai pas la question préalable.

M. Vincent Capo-Canellas. - Le Haut Conseil des finances publiques a qualifié d'improbable l'atteinte des objectifs de ce budget. Le rapporteur général nous a montré tout à l'heure que ce budget était insincère. Le ministre avait d'ailleurs reconnu à demi-mot que les objectifs de croissance pour 2016 ne seraient pas atteints, ceux pour 2017 non plus.

La construction budgétaire, qui était déjà instable, est désormais extrêmement fragile, pour ne pas dire caduque compte tenu de la remontée des taux d'intérêt. Le Gouvernement ne construit pas un budget, il remplit sa hotte de Noël pour satisfaire telle ou telle clientèle.

La question préalable vise à s'opposer à l'ensemble du texte, et c'est bien sur l'ensemble du texte que porte notre appréciation. Certaines missions peuvent avoir fait l'objet d'un avis favorable ou d'une abstention, mais sur l'ensemble, l'appréciation de la majorité sénatoriale est que ce texte n'est pas acceptable en l'état. Au vu des risques qui ont été identifiés par le rapporteur général, il n'y a pas lieu de poursuivre le débat.

Je voudrais toutefois relativiser l'ampleur de la démarche de la majorité sénatoriale. Entamer l'examen de la première partie puis la rejeter piteusement par la suite reviendrait, comme cela a été fait par l'ancienne majorité sénatoriale, à rejeter ses propres choix. L'adoption de la question préalable est au contraire un signal d'alarme envoyé par le Sénat.

M. Philippe Adnot. - Qu'on ne soit pas satisfait du budget, c'est presque normal ! Sinon il n'y aurait ni opposition ni majorité. Mais qu'on en tire la conséquence de ne pas examiner les recettes et les missions me paraît en contradiction totale avec notre ambition, celle d'améliorer les textes qui nous sont proposés.

Je ne voterai pas la question préalable. J'aurais en effet souhaité formuler des observations sur la manière dont sont traitées les variables d'ajustement pour les collectivités locales et évoquer la remise en cause de la parole de l'État - un pur scandale - s'agissant des dotations de compensation dans le cas d'installations nucléaires. Il faut que nous puissions débattre de tous ces sujets et adopter des amendements visant à corriger la situation. Quelques-uns demeureront bien dans le texte final ! Ne pas débattre, c'est manquer à la démocratie. Il est arrivé que la première partie du budget ne soit pas adoptée, mais après que débat avait eu lieu. Je le répète, je ne voterai pas la question préalable.

M. Éric Doligé. - On peut très bien voter des missions, tout en considérant que l'ensemble ne fonctionne pas. Lorsqu'un véhicule est présenté au contrôle technique, même si la plupart des équipements sont conformes à la réglementation, la défaillance d'un seul entraîne le refus de certification.

Je comprends que l'on soit déçu ou frustré par l'absence de débat. Pour ma part je suis frustré que nos nombreux débats depuis quatre ans n'aient eu aucun résultat.

À chaque instant, nos collègues nous renvoient à la primaire de la droite. Or nous sommes ici pour juger non pas des programmes des candidats, mais du budget. Il est tout à fait possible de réaliser des économies. Il suffit d'avoir une autre vision du fonctionnement de la société et d'inverser la courbe du chômage. Car c'est le poids du chômage, le poids du social, du RSA, qui nous empêche de progresser.

Pour la délégation aux collectivités territoriales, nous faisons, une collègue socialiste et moi-même, un rapport sur l'adaptation des missions de l'État dans le cadre de la réforme des collectivités. J'ai constaté avec ébahissement hier qu'une préfecture a besoin, pour ce qui concerne le CNDS, de cinq fonctionnaires pour ventiler 500 000 euros par an ! Au département, ils sont deux pour répartir des sommes vingt fois supérieures. Il y a des réformes considérables à faire dans l'organisation de l'État.

Mieux vaut adopter une question préalable : ainsi nous ne serons pas déçus par la façon dont l'Assemblée nationale traitera nos propositions... Je remercie le rapporteur général de la clarté de ses propos, exposés rapidement certes, mais nous sommes aujourd'hui habitués à son débit !

M. Roger Karoutchi. - Je voterai sans joie la motion. J'apprécie que le Parlement puisse débattre. Néanmoins si le taux d'acceptation par l'Assemblée nationale des amendements sénatoriaux est relativement important sur les textes techniques, il est quasiment nul sur les textes financiers, notamment les projets de budget.

M. Richard Yung. - Je n'y crois pas. Donnez vos chiffres !

M. Roger Karoutchi. - Je me souviens de la réforme de 2008. J'avais proposé, à l'Assemblée nationale, d'assouplir les règles de la loi organique relative aux lois de finances et de renforcer les moyens des commissions, afin de pouvoir élaborer des contre-budgets. J'ai rencontré des oppositions fermes, à droite comme à gauche. La loi organique est un monstre sacré... Dès lors, face à un budget purement électoraliste, et sachant qu'un collectif budgétaire interviendra après mai 2017 quel que soit le vainqueur, entrer dans un débat aujourd'hui n'aurait pas beaucoup de sens. Je voterai la motion présentée par le rapporteur général.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - La légitimité de la question préalable est indéniable. En effet, il n'est pas possible de voter les recettes, tant ce budget est insincère. Le Haut Conseil des finances publiques l'a lui-même souligné, sur un ton grave qui nous a étonnés. La commission ayant commencé à examiner les missions, il n'y a pas de frustration. Pour ma part, j'ai dit ce que j'avais à dire sur les infrastructures de transport.

Mais la vraie question est : pouvons-nous accepter ce budget ? Les prévisions sur lesquelles il s'appuie sont-elles sérieuses ?

La position du Sénat ne sera pas dévalorisée, bien au contraire. Voter la question préalable, c'est apporter une réponse forte à un débat tronqué dès le départ. La frustration, tout le monde s'en moque ! Ma responsabilité de parlementaire, ce n'est pas forcément de présenter des amendements, c'est de dire la vérité. Je remercie le rapporteur général de la clarté de son constat et la force de ses propositions. Je voterai sans états d'âme la question préalable.

M. Michel Bouvard. - Ne laissons pas croire que la loi organique relative aux lois de finances freine la capacité du Parlement à influer sur les lois de finances ! Avant la loi organique, 95 % des crédits, les « services votés » étaient reconduits automatiquement, sans que le Parlement puisse en discuter. Aujourd'hui, nous avons une capacité d'action sur la totalité du budget.

Certes, les redéploiements entre missions sont impossibles, seulement entre programmes. Incontestablement, c'est un frein à la construction d'un contre-budget. Pour autant, nous proposons très peu d'amendements visant à des redéploiements entre programmes. Nous pourrions exploiter les analyses de performance. Commençons par faire collectivement la preuve de notre capacité à utiliser les possibilités existantes. La loi organique n'a pas à « porter le chapeau » !

M. Hervé Marseille. - Je voterai également la proposition du rapporteur général. Je déplore les mots particulièrement durs que nos collègues ont employés, François Marc allant jusqu'à dénoncer des « déserteurs ». Quand un ancien ministre de l'économie, un ancien ministre du redressement productif, un ancien ministre de l'éducation nationale, une ancienne ministre de la culture, une ancienne ministre de l'écologie dénoncent la politique menée par le Gouvernement, où est la désertion ?

Le budget qui nous est présenté repose sur des bases complètement fausses, avec une prévision de croissance à 1,5 % du PIB ! Vous êtes frustrés de ne pouvoir évoquer les propositions des candidats à notre primaire ; nous avons la frustration de ne pouvoir évoquer celles de candidats qui, de votre côté, se sont déclarés ou vont se déclarer.

Le collectif budgétaire qui interviendra dans quelques mois, quel que soit le nouveau Gouvernement, constituera le vrai budget sur lequel il faudra se prononcer.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Vous trouverez dans le rapport écrit des précisions concernant les collectivités ou les CCI. En effet, le Sénat a fait son travail, chacun des rapporteurs spéciaux a joué son rôle. S'agissant des Fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, le premier département contributeur est bien les Ardennes, qui n'est pas le plus riche de France...

M. Michel Bouvard. - C'est Robin des bois à l'envers.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. -  Serge Dassault a évoqué les CCI. Sur ce sujet comme sur tant d'autres, il n'y a eu aucune réforme de structure, mais des coups de rabot, des prélèvements sur les fonds de roulement ou les recettes affectées. Nous sommes aujourd'hui confrontés aux limites d'une telle politique.

On aurait pu décider d'examiner la première partie du projet de loi de finances, ce qui aurait abouti à un vote négatif. C'est la solution qui avait été retenue par le Sénat sous une autre majorité, sur les projets de loi de finances pour 2013 et pour 2014.

M. Didier Guillaume. - C'était dommage !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Une copie blanche avait alors été rendue. Des questions préalables ont également été adoptées, à l'initiative de Jean Arthuis en 1992, et à celle de Nicole Bricq sur la première loi de finances rectificative pour 2012.

M. Didier Guillaume. - Rectificative !

M. Albéric de Montgolfier. - Vous avez évoqué la question de la crédibilité du Sénat. Depuis le changement de majorité sénatoriale, nous avons, chaque année, modifié substantiellement le projet de loi de finances. Certes, le sort de nos amendements a souvent été funeste. À plusieurs reprises, nous avons eu raison trop tôt.

Nous aurions pu adopter cette position pour le budget 2017, malgré l'impossibilité de construire un contre-budget, pour les raisons juridiques que j'ai évoquées. Je pense sincèrement que la crédibilité du Sénat, institution reconnue pour son sérieux, est d'apporter le jugement le plus complet possible sur le projet de loi. On a parlé de budget électoraliste, mais il s'agit surtout, à mes yeux - c'est là le problème fondamental - d'un budget d'affichage pluriannuel. La plupart des mesures fiscales n'auront pas d'impact en 2017. Pour plus de 7,7 milliards d'euros, ces mesures ne seront mises en oeuvre qu'à compter de 2018. Au total, ce projet de budget engage d'ici à 2021 25 milliards d'euros de charges non financées. Il méconnaît le principe de l'annualité budgétaire, comme celui de la vérité budgétaire.

Je vous présenterai donc une question préalable. Quant à l'exposé des motifs, je n'aurai pas à aller loin pour chercher l'inspiration. Notre collègue Nicole Bricq, alors rapporteure générale, avait défendu ainsi sa question préalable : « Considérant qu'il est malvenu de préempter le résultat des élections à venir [...], considérant que les ultimes et substantiels revirements opérés par le projet de loi de finances rectificative en matière de prélèvements obligatoires parachèvent un quinquennat d'improvisation fiscale [...], considérant que ce budget fait peser une lourde hypothèque sur la fin de gestion », etc.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Excellent !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La crédibilité du Sénat, c'est de ne pas souscrire à un budget d'affichage électoral. C'est la raison pour laquelle la question préalable, qui n'est pas forcément la solution idéale, semble aujourd'hui la plus sérieuse.

Mme Michèle André, présidente. - J'ai également une citation à vous soumettre. Le président du Sénat, M. Gérard Larcher, s'exprimait après les explications de vote et avant le scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2015, qu'il nous avait demandé d'étudier complètement : « Je note que le Gouvernement n'a pas eu recours à la procédure de vote bloqué, qui a permis à la Haute Assemblée d'amender toutes les dispositions de ce budget, comme elle l'entendait. Il s'agissait d'un engagement important sur le plan institutionnel, que j'avais souhaité obtenir du Président de la République et du Premier ministre. C'est là, à mon sens, le gage d'un bicamérisme équilibré respectant la place de chacune des deux assemblées dans l'édifice institutionnel. »

M. Didier Guillaume. - Très bonne citation !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La crédibilité, Madame la présidente, c'est de ne pas s'associer à un document qui a des conséquences au-delà de 2017.

Mme Michèle André, présidente. - Je vais mettre aux voix la proposition du rapporteur général, qui souhaite que la commission adopte le principe de la question préalable et lui donne mandat pour la rédiger d'ici à l'examen définitif de l'équilibre et des missions.

La commission adopte le principe de la question préalable.

Mme Michèle André. - Nous nous prononcerons sur le texte proposé par le rapporteur général jeudi 24 novembre au matin, lorsqu'il aura pris connaissance de l'ensemble des votes de l'Assemblée nationale.

Un mot sur les conséquences que ce vote va avoir sur la poursuite de nos travaux budgétaires. Il reviendra à la conférence des présidents de ce soir d'en tirer les conséquences sur l'organisation de la discussion. Tant que la question préalable n'est pas adoptée par la commission, nous devons continuer à examiner le projet de loi de finances. Nous achèverons donc l'examen des missions d'ici au mercredi 23 novembre.

Le vote sur la question préalable en séance publique interviendra sans doute avant la date à laquelle nous aurions dû examiner en commission les articles non rattachés de deuxième partie, examen qui aurait dû intervenir le mardi 6 décembre. Le rapporteur général m'a fait savoir que, dans ces conditions, il souhaitait nous présenter une communication sur le contenu de ces articles et les modifications que l'Assemblée nationale leur aura apportées. Cette communication aurait lieu mercredi 23 novembre en début d'après-midi.

Le vote de la question préalable n'empêcherait pas la publication des rapports déjà examinés par la commission à la date de son adoption. Nous publierions donc tous les rapports spéciaux, ainsi que le tome I du rapport général, qui reprend l'analyse des grands équilibres du projet de loi de finances que le rapporteur général nous a présentée mercredi 9 novembre et le tome II, qui comporte son analyse des articles de première partie, telle qu'il nous l'a livrée ce matin.

Il en est ainsi décidé.

La réunion est close à 11 h 15.

Loi de finances pour 2017 - Mission « Sécurités » - Programmes « Gendarmerie nationale » et « Police nationale », « Sécurité et éducation routières », compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et Programme « Sécurité civile » - Examen des rapports spéciaux

La réunion est ouverte à 15 h 00

La commission examine ensuite les rapports de MM. Philippe Dominati, Vincent Delahaye et Jean Pierre Vogel, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2017.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial des programmes 176 « Police nationale » et 152 « Gendarmerie nationale ». - Depuis deux ans, l'Union européenne est confrontée à un contexte sécuritaire d'une exceptionnelle gravité, marqué par une hausse sans précédent de la menace terroriste et une crise migratoire de grande ampleur.

Alors que l'Union européenne n'a subi qu'une seule attaque liée au terrorisme djihadiste entre 2013 et 2014, l'agence européenne Europol en compte dix-sept pour la seule année 2015, avec pour conséquence un surcroît d'activité important, qui pèse de manière asymétrique sur les forces de sécurité intérieure françaises : en 2015, 55 % des arrestations liées au terrorisme djihadiste enregistrées dans l'Union européenne ont eu lieu dans notre pays.

Cette croissance de l'activité opérationnelle concerne l'ensemble des policiers et des gendarmes, et pas seulement les services spécialisés, en raison notamment du maintien de l'état d'urgence et du plan Vigipirate. Je tiens à saluer la mobilisation et l'efficacité de nos forces de l'ordre, qui ont réussi à faire face à ces défis sans précédent.

Dans ce contexte, le Gouvernement propose d'augmenter significativement les moyens alloués à la police et à la gendarmerie, de 3,4 %, afin notamment de créer 2 286 emplois au sein des deux forces. Cette évolution témoigne du « changement de rythme » tardivement décidé à la suite des attentats du 13 novembre 2015. L'an passé, le budget transmis par l'Assemblée nationale en première lecture n'était en hausse que de 0,9 %, avant l'amendement exceptionnel déposé au Sénat pour intégrer les engagements pris par le Président de la République devant le Congrès à Versailles.

L'effet bénéfique de cette augmentation des effectifs pourrait toutefois être remis en cause par les nouveaux cycles de travail au sein des deux forces. L'application partielle de la directive européenne sur le temps de travail dans la gendarmerie s'est traduite par une diminution de 3 % à 5 % du nombre d'heures travaillées. Cette baisse est équivalente à une perte de 3 000 à 5 000 emplois. Pour vous donner un ordre de grandeur, cela revient au minimum à « annuler » les 3 181 créations d'emplois prévues dans la gendarmerie sur l'ensemble du quinquennat.

La transposition complète de la directive, prévue d'ici la fin de l'année 2017, pourrait se traduire par une baisse du nombre d'heures travaillées encore plus importante si le Gouvernement ne parvient pas à trouver un compromis plus favorable avec la Commission européenne.

Le Gouvernement n'est évidemment pas le seul responsable des effets négatifs de l'application anticipée de la directive sur le temps de travail dans la gendarmerie. Toutefois, la mise en place d'un nouveau cycle horaire extrêmement coûteux en effectifs, dit du « vendredi fort », lui est entièrement imputable. Si ce cycle a la préférence de la majorité des gradés et des gardiens, dans la mesure où il offre la possibilité de ne travailler qu'un week-end sur deux, il nécessite un renfort en effectifs d'un tiers pour être mis en oeuvre dans les unités de sécurité publique concernées, ce qui représente une perte opérationnelle considérable.

Dans la situation actuelle, il aurait été plus responsable de ne pas ajouter ce cycle au catalogue, d'autant qu'il existait un cycle alternatif pouvait être mis en place à effectifs constants et qui aurait permis aux policiers d'avoir un week-end sur trois, au lieu d'un sur six actuellement. Le « vendredi fort » s'apparente ainsi à un « cadeau empoisonné » laissé à la majorité suivante afin d'apaiser les troupes et de contenter certaines organisations syndicales.

Cet exemple démontre en tout cas que l'efficacité de la politique sécuritaire du Gouvernement ne saurait être mesurée à l'aune du nombre d'emplois créés dans la police et la gendarmerie.

Du reste, les inquiétudes exprimées depuis plusieurs semaines par les policiers portent sur des questions très éloignées de celle des effectifs. Deux sujets sont au centre des manifestations : la faiblesse des moyens de fonctionnement et d'investissement et les tâches indues. Sur ces deux points, les réponses apportées par le Gouvernement sont à la fois tardives et insuffisantes.

S'agissant des tâches indues, aucun progrès majeur n'a été réalisé depuis un an, en dépit des mesures annoncées par le Président de République après une manifestation de plusieurs milliers de policiers sur la place Vendôme en 2015. Le projet de dématérialisation des procurations, qui aurait dû constituer un chantier prioritaire pour le ministère de l'Intérieur compte tenu des échéances électorales à venir, est au point mort. Les élections prévues l'an prochain devraient donc à nouveau mobiliser près de 1 000 ETP dans les forces de police et de gendarmerie, alors que les conditions de sécurité sont très dégradées.

La reprise des transfèrements judiciaires par l'administration pénitentiaire est un autre sujet sur lequel les personnes que j'ai entendues en audition sont souvent revenues. Une étude menée par la Gendarmerie nationale a mis en évidence que 37 000 « heures gendarmes » ont été consacrées en 2015 aux transfèrements judiciaires dans les zones où ces missions ont pourtant théoriquement été transférées à l'administration pénitentiaire, ce qui représente l'équivalent de 4 625 patrouilles. Là encore, le problème est bien connu, sans que rien n'ait évolué depuis un an.

Quant aux moyens d'investissement et de fonctionnement, je déplore depuis longtemps l'augmentation de la part des dépenses de personnel aux dépens de la capacité opérationnelle de nos forces.

L'amendement déposé par le Gouvernement à la suite des attentats du 13 novembre semblait avoir engagé un changement de stratégie, dans la mesure où les deux tiers des crédits ouverts étaient fléchés vers les dépenses de fonctionnement et d'investissement. Ce budget montre que le Gouvernement est retombé dans ses travers : alors que les dépenses de personnel sont en forte hausse, de 4 %, les crédits de paiement demandés au titre de l'investissement et du fonctionnement sont en légère baisse. Seules les autorisations d'engagement augmentent, ce qui est évidemment confortable puisqu'il reviendra à la majorité suivante de régler la facture.

Le Gouvernement semble avoir reconnu son erreur puisqu'à la suite des revendications des policiers, il a une nouvelle fois été contraint d'annoncer un plan de renforcement des moyens des forces de sécurité intérieure de 250 millions d'euros en plein milieu de la discussion budgétaire. Nous en avons discuté hier avec le ministre de l'intérieur, qui a annoncé le dépôt d'un amendement venant abonder la mission « Sécurités » à hauteur de 100 millions d'euros. Sur les 250 millions d'euros supplémentaires annoncés, seulement 100 millions d'euros correspondraient donc réellement à des mesures nouvelles.

Cet artifice budgétaire démontre que le Gouvernement n'a toujours pas pris la mesure de l'ampleur du phénomène de paupérisation des forces de police et de gendarmerie, dont la défiance à l'égard des institutions risque de se renforcer.

En l'état, je vous propose donc le rejet des crédits de la mission « Sécurités ».

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial du programme 207 « Sécurité et éducation routières » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». - Pour la première fois depuis trente-cinq ans, la France a connu deux années consécutives de hausse de la mortalité routière. La situation, dégradée en 2014, a empiré en 2015 : 3 616 tués dans l'Hexagone et dans les départements d'outre-mer, soit 59 décès de plus par rapport à l'année précédente.

Les dix premiers mois de l'année 2016, avec un mois de septembre désastreux marqué par une augmentation de 30,4 % de tués sur les routes par rapport à septembre 2015, n'ont pas inversé cette tendance inquiétante. Ces résultats, plus que préoccupants, font douter de l'efficacité de nos dispositifs de sécurité routière, alors que le Gouvernement s'est engagé à respecter l'objectif, initié par l'Union européenne, de réduire à moins de 2 000 le nombre de personnes tuées sur les routes en 2020.

Le produit total des amendes de la circulation et du stationnement devrait atteindre un record en 2017 puisqu'il s'élèverait à 1,84 milliard d'euros, soit une hausse de 10,6 % par rapport à 2016. Sur ce total, 1,38 milliard d'euros sont inscrits en dépenses sur le CAS « Radars », soit une augmentation de 0,46 % par rapport à 2016. J'ai indiqué hier soir lors de l'audition de Bernard Cazeneuve que cette augmentation devrait bénéficier à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), mais ces prévisions me semblent très optimistes. Une hausse de plus de 10 % en un an seulement ? Sans compter que l'installation des équipements sera étalée dans le temps.

Sur les recommandations du Comité interministériel de la sécurité routière réuni le 2 octobre 2015, le Gouvernement prévoit de commander 364 nouveaux radars en 2017, la majeure partie venant renforcer le parc existant, afin de le porter à 4 700 appareils à la fin de 2018 contre 4 100 en 2016. Le coût total de leur déploiement est estimé à 46,16 millions d'euros en 2017. Au vu du contrôle budgétaire que j'ai conduit cette année, je ne peux qu'émettre des réserves sur les lieux où il est choisi de les installer.

L'efficacité de la stratégie du Gouvernement pour enrayer la hausse de la mortalité est loin d'être démontrée. Bien que le « parcours sécurisé » soit désormais privilégié au détriment des « points de contrôle », la diffusion des avertisseurs de radars, des applications mobiles et des informations collectées par les réseaux sociaux limite le caractère imprévisible des équipements fixes, notamment des radars discriminants ainsi que des panneaux et cabines « leurres ».

En outre, l'efficacité des radars mobiles ne doit pas occulter les frais d'investissement et d'entretien liés à ce type d'équipement.

Enfin, l'implantation de ces nouveaux équipements et les trajets des radars mobiles devront être mieux corrélés à l'accidentalité. Il faudra prévoir un rééquilibrage vers les réseaux secondaires, où se produisent la majorité des accidents, au détriment des autoroutes ; un ciblage plus efficace des départements où la mortalité est supérieure à la moyenne nationale ainsi qu'un déploiement des nouveaux types de radars dans les départements d'outre-mer.

Je prends également acte de l'échec du projet d'application informatique Faeton 2, destiné à gérer le permis de conduire sécurisé. Le marché, d'un montant initial de 32,7 millions d'euros, est arrivé à son terme sans qu'un niveau de fiabilité suffisant puisse être assuré pour engager son déploiement dans les préfectures.

S'agissant de la gestion du permis à points, il est prévu d'adresser aux automobilistes plus de 16 millions de lettres simples en 2017. La dépense est estimée à un peu moins de 14 millions d'euros. Ces lettres sont envoyées à chaque retrait ou restitution de points. Je m'interroge sur l'opportunité de cette dépense depuis cinq ans alors que tout conducteur peut consulter le solde de ses points sur le site Télépoints. J'ai déposé plusieurs amendements à ce sujet, en vain ; j'espère qu'ils seront un jour suivis d'effets.

Les dépenses inscrites au programme « Sécurité et éducation routières » ont diminué très faiblement, de 0,03 % par rapport à 2016, pour s'établir à 39,03 millions d'euros. J'accueille très favorablement l'application rapide des dispositions de la loi « Macron » qui réduisent le délai de présentation à l'examen et son coût. En revanche, le succès de l'opération « permis à un euro par jour » accuse un ralentissement que ne reflète pas l'évolution de son budget. Les crédits destinés aux campagnes de communication pourraient être augmentés, afin de mieux équilibrer les volets répressif et préventif de la politique de sécurité routière.

Pour toutes ces raisons, et dans la mesure où il ne me semble pas judicieux de modifier ces missions par voie d'amendements alors que la commission a adopté ce matin le principe d'une question préalable, je vous propose de ne pas adopter les crédits du compte spécial et de la mission et d'adopter l'article 65 qui améliore l'information du Parlement sur l'usage des recettes de l'Afitf et des collectivités locales.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial du programme 161 « Sécurité civile ». - Les crédits du programme « Sécurité civile » ne représentent que 49 % des autorisations d'engagement (AE) et 55 % des crédits de paiement (CP) consacrés à la sécurité civile au sens large. Dans la mesure où l'année 2017 est marquée par la mise en oeuvre du pacte de sécurité, annoncé par le président de la République, ils sont en forte hausse : de 5,80 % en CP et de 6,19 % en AE par rapport à ceux votés en loi de finances initiale pour 2016. Si l'on excluait les dépenses liées au pacte de sécurité, le budget de 2017 serait en baisse de 3,1 % en AE et de 1,3 % en CP.

Ces hausses de crédits entraînent un dépassement important de la loi de programmation des finances publiques pour le budget 2017, à hauteur de 32 millions d'euros en AE et en CP. Cet écart est concentré sur les dépenses d'investissement, et dans une moindre mesure, de personnel et d'intervention.

Les crédits d'investissement augmentent fortement par rapport à l'année dernière, de 40,04 % en AE et de 28,54 % en CP. Si cette hausse est bienvenue, elle fait suite à plusieurs années de sous-investissement et elle est en partie contrainte.

En effet, les investissements portés par le programme concernent principalement le renouvellement de la flotte d'avions Tracker, à hauteur de 25 millions d'euros en AE et en CP. Or ces avions ont quasiment épuisé leur potentiel de vol et leur remplacement est absolument indispensable. Ces investissements sont également affectés au transfert de la base d'avions de la sécurité civile sur la plate-forme de l'aéroport de Nîmes-Garons, qui représente 8,96 millions d'euros en AE et 8,37 millions d'euros en CP, au développement du système d'alerte et d'information des populations et du réseau « Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours ». L'efficacité d'Antares reste limitée par une couverture de mauvaise qualité et par l'existence de nombreuses zones blanches ; son déploiement induit toujours d'importants surcoûts pour les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

Parallèlement, les dépenses d'investissement des SDIS continuent à diminuer, de 4 % en 2014 et de 4,6 % en 2015, alors que leurs besoins persistent. Face au terrorisme et au risque de tuerie de masse, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) a défini une doctrine d'action commune avec les forces de l'ordre pour prendre en charge les blessés, qui rend nécessaire l'acquisition de gilets et de casques antibalistiques par les SDIS, pour un coût dépassant les 2 000 euros par équipement.

Par conséquent, il serait bon que l'annonce faite par le président de la République, en septembre dernier, de la création d'un fonds d'aide à l'investissement des SDIS, doté de 20 millions d'euros par an, ne reste pas lettre morte. Ce budget ne comprend aucune mesure en ce sens.

S'agissant du titre 2, l'année 2017 se distingue par la création de 20 ETPT supplémentaires et par une hausse de 6,09 % des dépenses de personnel qui facilitera le recrutement de démineurs. Compte tenu du taux de rigidité élevé du programme et de ces créations de postes, les dépenses d'investissement risquent de constituer la seule marge de manoeuvre budgétaire et de disparaître à terme. Il faudra rester vigilant sur ce point.

Enfin, les SDIS doivent faire face à une hausse de leurs interventions de 3,7 % entre 2014 et 2015, alors que leurs budgets stagnent, n'augmentant que de 1,1 % en 2015. Ce surplus d'activité est d'autant plus notable qu'il est concentré sur le secours à personnes, qui ne constitue pas le coeur de métier des sapeurs-pompiers. Cela risque de démotiver les volontaires. Nous devons continuer à renforcer l'attractivité du corps des sapeurs-pompiers volontaires qui constitue la colonne vertébrale des SDIS, dont il représente 83 % avec plus de 193 000 personnes. Une meilleure articulation de l'engagement de ces sapeurs-pompiers volontaires avec leur vie personnelle et professionnelle et un effort de communication : telles sont les orientations cruciales à mettre en oeuvre.

Enfin, l'équation ne peut être pérenne que si d'importants efforts de rationalisation sont effectués au niveau des SDIS. La réduction du nombre de numéros d'appel d'urgence et une plus grande mutualisation avec le Samu ainsi qu'entre les SDIS doivent impérativement être poursuivies. Cela implique un traitement interministériel de ce dossier et une forte volonté politique.

Malgré la hausse significative du budget de la sécurité civile, je préconise, comme Philippe Dominati, le rejet des crédits de l'ensemble de la mission.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'audition de Bernard Cazeneuve, hier, a été assez précise mais il est un point que nous n'avons pas abordé : celui du trafic de stupéfiants qui, d'après un grand quotidien du matin, progresse considérablement en France avec toutes les conséquences, y compris économiques et financières, que l'on sait. Les mesures pénales existent pour lutter contre ce trafic, nous avons créé les juridictions interrégionales spécialisées (Jirs). Pour autant, dans la mesure où les multiples ramifications de ce trafic le rendent très difficile à appréhender, ne vaudrait-il pas mieux procéder par la saisie des avoirs criminels en renforçant la coopération entre les douanes, les services de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) et ceux du parquet ?

Jean Pierre Vogel, la mutualisation concerne-t-elle exclusivement le Samu ou envisage-t-on une mutualisation complète avec le numéro d'appel de la gendarmerie ? Un préfet a été nommé pour mutualiser toutes nos forces.

Mme Marie-France Beaufils. - La question du temps de travail n'est résolue ni dans la police ni dans la gendarmerie. On ne créera pas de bonnes conditions de sécurité sans revoir les conditions de travail du personnel. Durant la dernière période, la fragilisation du personnel face à l'intensité des crises auxquelles il a dû faire face n'a pas favorisé une relation sereine avec la population. La question de la rémunération devrait être mieux traitée, j'aurais aimé trouver des éléments d'information dans le rapport spécial.

Je regrette que l'on n'ait pas rétabli la police de proximité supprimée par Nicolas Sarkozy. Elle pourrait jouer un rôle important dans le renseignement, la connaissance des personnes susceptibles de se tourner vers les mouvements intégristes ou encore la mise au jour du trafic de stupéfiants. Quand le chômage est très présent, le trafic de stupéfiants, qui permet de gagner de l'argent très rapidement, prend de plus en plus de place.

Autre problème concret : celui des démineurs. Quand vous vous trouvez à Saint-Pierre-des-Corps et que vous devez faire venir les démineurs de La Rochelle un dimanche matin, cela immobilise des policiers pendant plus de quatre heures. Il faudrait mieux répartir les démineurs et, sans doute, mieux expliquer aux voyageurs pourquoi ils ne doivent pas laisser traîner leurs bagages...

Je m'abstiendrai, lors du vote sur les crédits de la mission.

M. Francis Delattre. - Le processus de mutualisation qui a été engagé il y a quelques années entre la police et la gendarmerie nationales semble tourner au ralenti. La frontière qui sépare dans un même département la zone couverte par la police et celle de la gendarmerie crée des difficultés. Où en sommes-nous ?

Certains aiment rappeler que Nicolas Sarkozy a supprimé la police de proximité. Ce n'est pourtant pas lui qui a inventé la police municipale. Elle existe depuis l'après-guerre. L'absence de police de proximité représente un handicap pour le renseignement, d'accord, mais la question n'est pas là.

Les maires - heureusement qu'il en reste au Sénat - sont au contact des réalités ; ils ne désertent pas le terrain et voient les ravages de la drogue, ce cancer de la société urbaine. C'est un fléau absolu, nous sommes tous d'accord là-dessus et devrions l'être sur la manière de le combattre car le problème est aussi économique. Le jeune dealer n'a pas les mêmes réflexes que son père qui a travaillé quarante ans chez Simca ou Renault. Nous savons l'écart entre l'action de la police et celle de la justice. Souvent, on ne s'intéresse qu'aux têtes de réseaux, pas aux petits trafiquants. Et les gens sont désespérés de voir que nous restons les bras ballants face à des trafiquants qui se constituent un patrimoine au vu et au su de tous pendant des années. En région parisienne, la situation est devenue insupportable. Comment améliorer les relations entre la police et la justice ? Dans les comités locaux, on fait des fiches-action qui restent lettre morte. Il faudrait moins de fiches et plus d'actions ! La police a-t-elle vraiment les moyens de faire face à ce fléau ?

M. Yannick Botrel. - Le ton de Philippe Dominati aurait mieux convenu à un procureur qu'à un rapporteur spécial. Il a tendance à oublier le bilan du quinquennat précédent, notamment la suppression d'un grand nombre de postes dans la police et la gendarmerie. La paupérisation des services ne s'est pas faite en un jour.

Ce matin, le rapporteur général a mentionné le relâchement des recettes budgétaires. Il pourrait être autant question d'un relâchement en matière de dépenses. Le Gouvernement a dû faire face à une situation de sécurité intérieure dramatique, avec la montée de l'islamisme radical et le terrorisme qui a frappé le pays. Que représentent les dépenses nouvelles dues à la guerre contre le terrorisme ? Que coûtent au budget de l'État les opérations extérieures conduites au Sahel et en Syrie ? Le bien-fondé de ces actions ne peut pas être remis en cause. De même, en matière de temps de travail des forces de police et de gendarmerie, il faut tenir compte de la situation de sécurité intérieure. Les rapporteurs spéciaux auraient dû intégrer ces éléments avant de nous livrer leur constat.

M. Philippe Dallier. - Vincent Delahaye, l'augmentation de 10 % des recettes des PV ne concerne pas les radars. Est-elle liée au développement de la verbalisation via la vidéo-surveillance ?

Je l'évoque car je viens d'obtenir l'autorisation préfectorale de mettre en place un dispositif de ce type dans ma commune des Pavillons-sous-Bois. J'ai l'impression que cette pratique va se généraliser. Ne serait-ce pas l'explication ?

Le contrat avec la société qui a suivi le développement informatique des permis de conduire sécurisés est parvenu à son terme. Et la suite ? En reste-t-on là ? A-t-on perdu les 32 millions d'euros ou peut-on relancer un appel d'offres ?

M. Marc Laménie. - Le problème des tâches indues ne date pas de cette année, tout comme celui des interventions à caractère social qu'on demande d'effectuer aux sapeurs-pompiers. De gros efforts doivent être fournis.

La journée défense et citoyenneté pourrait être l'occasion de susciter des vocations. Il faudrait aussi rappeler, dans les programmes de l'éducation nationale, les notions de respect de la hiérarchie et de l'autorité.

Les moyens humains varient beaucoup d'un département à l'autre. Certaines brigades affichent malheureusement toujours des postes vacants. En outre, il existe un décalage entre le nombre de très hauts gradés à la direction de la gendarmerie nationale et les brigadiers qui, comme nous, élus de base, sont sur le terrain.

Enfin, autres questions évoquées budget après budget, celle des véhicules non réparés ou non réparables et celle du parc immobilier. Beaucoup reste à faire.

M. André Gattolin. - Marc Laménie évoquait le respect de la hiérarchie. Je suis personnellement pour la hiérarchie du droit.

Philippe Dominati explique que les effectifs de la gendarmerie ont augmenté, mais que l'application de la directive européenne 2003/88/CE sur la gendarmerie est de la faute du Gouvernement. Cette directive date du 4 novembre 2003. Sa transposition, si mauvaise qu'elle nous a attiré des remarques de la Cour de justice de l'Union européenne, excluait l'armée. Un autre gouvernement a rapproché les statuts de la police et de la gendarmerie, qui n'est plus tout à fait militaire. La vérité est que nous n'avons peut-être pas été assez vigilants sur la transposition de la directive et n'avons pas compris ses incidences sur le statut des militaires. Il n'est pas possible de condamner le Gouvernement qui se soumet à une directive qui, en son temps, n'avait pas été bien évaluée.

M. Antoine Lefèvre. - En 2016, la sécurité a été au coeur des préoccupations de nos concitoyens. Nous devons obtenir des réponses.

La garde nationale sera-t-elle inscrite au budget de 2017 ?

En matière de sécurité routière, l'UFC-Que Choisir rappelle qu'un permis de conduire coûte en moyenne 1 800 euros. Ne peut-on envisager une baisse de la TVA ou la création d'un livret d'épargne « sécurité routière » ? Le permis est important pour accéder à l'emploi. Il faut aussi contrôler davantage les manquements à la législation des auto-écoles sur les tarifs et l'information.

Je m'inquiète de la baisse continue du nombre de sapeurs-pompiers volontaires, qui a des conséquences sur l'organisation du travail dans les départements. Quelles mesures sont prévues pour une meilleure reconnaissance matérielle ?

J'avais déjà évoqué l'an dernier la problématique SDIS-SAMU, qui prend un relief supplémentaire après la publication du rapport de Catherine Troendlé et de Pierre-Yves Collombat sur l'évolution des missions des SDIS. Le manque de mutualisation, contrairement à ce qui se fait dans les autres pays européens, me désespère.

M. Dominique de Legge. - Le rapport sur le programme « sécurité civile » comporte un encart qui évoque le remplacement de la flotte de neuf Tracker, qui seront retirés du service en 2020. Un avis d'appel public à la concurrence a été publié en juillet 2016. La notification du marché est attendue au début de l'année 2017 pour une livraison des premiers appareils « dans les meilleurs délais ». Seront-ils prêts en 2020 ? Ce marché comprend au maximum l'acquisition de six avions qui seraient multi-rôles. Qu'est-ce à dire exactement ?

M. Michel Canevet. - Philippe Dominati pourrait-il préciser pourquoi la hausse des effectifs de la gendarmerie est très différente de ceux de la police, en 2017 ? Le rapport est de un à dix. La gendarmerie a aussi besoin de moyens.

Vincent Delahaye : concrètement, comment distribuer les permis de conduire si le logiciel ne fonctionne pas ?

Pourquoi la subvention de fonctionnement de l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI), à Rennes, diminue-t-elle tant ? Est-ce dû à des économies de gestion ?

Jean Pierre Vogel dispose-t-il d'informations sur les moyens dédiés aux hélicoptères de la sécurité civile ? Ils sont absolument essentiels pour les territoires très excentrés.

M. Michel Bouvard. -La réforme de la carte hospitalière a une incidence sur le budget des SDIS : la fermeture d'établissements a provoqué une recrudescence des demandes de transports d'urgence. Les ARS en tiennent-elles compte ?

Il faudrait prendre en compte la cartographie des risques, qui varie fortement d'un territoire à l'autre, dans la répartition de la dotation globale de fonctionnement. L'envisage-t-on ?

Les 20 millions d'euros annoncés par le Président de la République lors du congrès national des sapeurs-pompiers de septembre ne sont pas inscrits dans le projet de loi de finances. Le seront-ils dans le projet de loi de finances rectificative de fin d'année ?

Le double commandement des SDIS, entre les élus et le préfet, pose problème. Nombre de mutualisations sont possibles entre départements voisins mais l'autorité préfectorale l'empêche. Les textes évolueront-ils ?

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - La question du rapporteur général sur la lutte contre la drogue est très spécifique. Il est difficile de fournir une réponse précise puisque l'outil statistique de la police a été changé. La période récente semble toutefois avoir été marquée par une baisse des interpellations, peut-être due à la mobilisation sur l'antiterrorisme. Je suis très sensible à ce sujet, auquel j'ai été confronté lors de mes visites sur le terrain. J'ai noté une quasi-compréhension entre la police et les trafiquants de drogue lors de ma tournée dans des cités avec une brigade anti-criminalité de nuit. C'est tout juste s'ils ne se connaissaient pas. On m'a rétorqué que la police se consacrait aux gros trafiquants, et non aux petits. Cette économie souterraine mérite un plan d'ensemble incluant la justice et l'éducation, comme celui de Jacques Chirac sur la sécurité routière. Pour les maires, la drogue est un fléau dans les collèges et les lycées. On pourrait mieux faire, mais il y a d'autres priorités qu'il faudra redéfinir dès que la situation se normalisera.

Je répondrai à Marie-France Beaufils que j'ai longuement examiné la question du temps de travail des agents de la sécurité publique. J'ai reçu toutes les formations syndicales. Dans mon rapport, je détaille les cycles proposés pour les gendarmes et les policiers. Les éléments concernant les évolutions récentes en matière de rémunération et d'avancement s'y trouvent également.

André Gattolin, j'ai précisément dédouané le Gouvernement sur la directive européenne. Il n'est pas maître. C'est différent concernant les policiers. La France est, avec l'Italie, l'un des grands pays européens qui emploie le plus de policiers et de gendarmes par million d'habitants. Le problème se trouve peut-être ailleurs, par exemple du côté du temps de travail dans la fonction publique ou des tâches indues - la productivité s'accroîtrait si les fonctionnaires pouvaient se concentrer sur leurs missions.

L'emploi des gendarmes et des policiers n'est pas le même. Les premiers ont une capacité de travail supérieure de près de 20 % aux seconds, mais ils sont logés. Cet équilibre est fragilisé par la directive européenne. Le directeur général de la gendarmerie nationale est très inquiet.

Le Gouvernement a voulu répondre à la demande d'un syndicat déchu de sa première place aux dernières élections sur le « vendredi fort ». Le système oblige à créer une quatrième brigade, entraînant une hausse des besoins en effectifs de 33 %. Le Gouvernement a accepté une expérimentation puis a inscrit ce régime au catalogue. C'est une bombe à retardement budgétaire. Beaucoup d'autres organisations syndicales contestent ce nouveau régime de travail, qui fera d'ailleurs passer la vacation de 8 heures 10 minutes à 9 heures 31 minutes, soit 1 heure 20 de stress supplémentaire - et cela pour allonger le temps de repos. J'aurais préféré qu'on en reste au cycle du « 4-2 compressé » - qui peut être mis en place sans perte opérationnelle - pour éviter le « vendredi fort ». Ce changement du cycle de travail des policiers relève de la responsabilité du Gouvernement.

J'en viens aux zones de compétences de la gendarmerie et de la police. Des annonces avaient été faites l'an passé mais rien n'a évolué. Plus globalement, j'ai le sentiment que la dynamique de mutualisation lancée par Nicolas Sarkozy et poursuivie par Manuel Valls au ministère de l'intérieur a été stoppée ; sans doute par l'état d'urgence. On sait que la mutualisation pourrait être plus forte en matière de police scientifique. Il existe également des doublons. Le ministère de l'intérieur a par exemple pris une mesure cohérente et importante en implantant des antennes du Raid et du GIGN partout sur le territoire. Sauf qu'à Toulouse, l'absence d'arbitrage a mené à la coexistence de deux bataillons spécialisés !

J'indique à Yannick Botrel que sans être procureur, j'argumente avec davantage d'éclat sur les préoccupations qui me poussent à inciter mes collègues à rejeter cette mission. La période d'exception aurait dû engendrer des mesures d'exception. La crise financière exceptionnelle qui a éclaté sous le quinquennat précédent avait été à l'origine de mesures exceptionnelles. La crise sécuritaire actuelle n'a entraîné que des mesures insatisfaisantes sur les effectifs. Quelque 5 000 ETPT ont été ajoutés, dans la sécurité, par rapport à 2009, c'est un fait ; mais il y a 144 millions d'euros de crédit de fonctionnement et d'investissement en moins par rapport à cette même année ! La création d'emploi ne doit pas se faire au détriment des investissements et du fonctionnement. L'an dernier, j'avais déjà souligné ce point.

J'informe Antoine Lefèvre qu'un amendement supplémentaire devrait permettre de financer la garde nationale d'ici la fin de la discussion budgétaire et précise à Michel Canevet que la gendarmerie avait recruté tous les effectifs prévus dans le cadre du « pacte de sécurité » dès 2016, ce qui explique le déséquilibre que vous avez souligné en 2017.

Marc Laménie, après la crise, on se serait attendu à 250 millions d'euros destinés au fonctionnement et à l'investissement. Ce sera 100 millions d'euros.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial. - Monsieur le rapporteur général, la mutualisation ne porte que sur les SDIS.

J'indique à Marie-France Beaufils qu'il existe 300 démineurs répartis sur 24 sites. Quelque 30 embauches sont prévues, dont 15 en 2017.

Antoine Lefèvre, le nombre de sapeurs-pompiers volontaires a crû grâce aux mesures prises depuis deux ans. Le problème ne porte pas tant sur leur nombre que sur leur disponibilité. Le turnover est de plus en plus important. Ils restent aujourd'hui dix ans au lieu de quinze, ce qui contraint à davantage de formation. En outre, on déplore des sursollicitations opérationnelles pour des missions non urgentes, par défaillance des autres services tels que le Samu.

Je n'ai pas plus d'informations que Dominique de Legge sur le remplacement des Tracker, si ce n'est qu'on recourrait à des C295 d'Airbus transformés.

Je confirme à Michel Canevet que, en effet, les moyens en hélicoptères sont conservés. J'ai demandé au ministre de l'intérieur s'il était possible de les mutualiser, même s'ils sont légèrement différents d'un service à l'autre. Cela semble possible, malgré les esprits de corps qui compliquent les mutualisations.

Michel Bouvard, la réforme de la carte hospitalière pose un vrai problème. Les ARS ne prennent rien en compte. L'allongement de la durée des transports des pompiers influe sur leur disponibilité opérationnelle, cela peut décourager certains sapeurs-pompiers volontaires. Rien n'est prévu sur la péréquation entre SDIS en fonction des risques. On peut toutefois rappeler qu'il y a davantage de risques quand il y a davantage d'activité économique et, donc, davantage de richesse.

J'ai reçu l'assurance que les 20 millions d'euros annoncés par le Président de la République seraient inscrits au budget en nouvelle lecture. Le double commandement des SDIS entre les présidents de SDIS et les préfets ne semble pas poser de problème. Leurs relations sont plutôt bonnes. Quand la mutualisation est possible entre deux départements, en revanche, et je l'ai observé dans la Sarthe, ce sont plutôt les élus qui freinent, notamment sur les centres de traitement des alertes. La Finlande a un seul numéro d'urgence quand la France en a onze ; la Finlande a six centres de traitement d'alertes, contre 500 en France, soit un par million d'habitants en Finlande, contre 7,7 en France. De véritables économies seraient engendrées par l'instauration d'un centre commun SDIS-Samu par région. Néanmoins, sur le terrain, on constate que le Samu se décharge sur les SDIS quand il ne parvient plus à financer ses missions. C'est une dérive qu'il faudrait mieux encadrer par une mission interministérielle. De même, le Samu refuse d'utiliser le réseau radio numérique des services de secours Antares ; les sapeurs-pompiers sont contraints de se servir de leurs propres téléphones portables pour communiquer avec le Samu.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - En réponse à Philippe Dallier, j'indique que la verbalisation sous vidéosurveillance augmente légèrement les recettes - je l'ai constaté dans ma commune de Massy. Le Gouvernement attend surtout 185 millions de recettes supplémentaires venant des radars. C'est cela que je juge optimiste, car les 364 appareils ne seront pas déployés dès le 1er janvier et je serais étonné qu'ils engendrent de telles recettes.

Le contrat de réalisation passé par le Gouvernement avec Capgemini et Jouve pour le projet de permis de conduire sécurisé Faeton 2 est arrivé à son terme en juillet 2015, sans que l'application ait pu être mise en service. De plus, plusieurs responsables ont été mis en cause par la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) en raison d'irrégularités dans l'exécution du marché public. Un nouveau marché conclu avec la société Sopra-Steria vise à maintenir l'application en état jusqu'à fin 2016 et déterminer quelles fonctionnalités développées dans le cadre du projet Faeton 2 pourront être intégrées dans le système existant. Au total, les 32 millions d'euros que représentait ce projet - auxquels il faut ajouter les le montant des avenants - n'ont par conséquent pas été perdus, mais il est difficile d'évaluer la perte sèche. Ce projet n'est pas un succès... Les préfectures continuent à utiliser le système actuel.

Antoine Lefèvre a estimé le coût moyen d'un permis de conduire à 1 800 euros ; le chiffre a été évalué à 1 600 euros en 2014. Grâce à la réforme du permis, le délai moyen d'attente d'un examen a été réduit de 98 jours en 2013 à 72 jours en 2015 - et devrait encore diminuer grâce l'application de la disposition de la loi « Macron » - sachant qu'un mois d'attente représente un surcoût estimé à 200 euros. Aux termes d'un décret publié en décembre 2015, les auto-écoles n'ont plus le droit de facturer la présentation au permis.

M. Antoine Lefèvre. - Elles le font quand même !

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - Des frais peuvent être facturés si une personne de l'auto-école accompagne le candidat à l'examen, mais ils sont plafonnés à l'équivalent d'une heure de conduite pour le permis B.

La baisse de la subvention de fonctionnement de l'ANTAI s'explique par un prélèvement sur les fonds propres. Les économies de fonctionnement sont en réalité limitées.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Sécurités » et d'adopter l'article 62 quinquies sans modification.

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et d'adopter l'article 65 sans modification.

Loi de finances pour 2017 - Mission « Défense » - Examen du rapport spécial

La commission procède à l'examen du rapport de M. Dominique de Legge, rapporteur spécial, sur la mission « Défense ».

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la mission « Défense ». -En 2017, les crédits de la mission « Défense » s'élèveront à plus de 42 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à près de 41 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une diminution de 3 milliards d'euros pour les premières et une hausse de 900 millions d'euros pour les seconds.

La diminution des autorisations d'engagement, qui concernera pour l'essentiel les programmes 178 et 146 à hauteur de 800 millions d'euros et 3,5 milliards d'euros respectivement, peut sembler surprenante ; elle est liée aux calendriers de maintien en condition opérationnelle pour le programme 178 et des commandes d'équipements majeurs pour le programme 146, 2016 ayant été une année singulière de ce point de vue.

Ce budget offre quelques motifs de satisfaction. L'augmentation des crédits de paiement de la mission « Défense » s'inscrit dans l'esprit de la révision de la loi de programmation militaire de juillet 2015, qui s'est notamment traduite par la substitution d'une part importante des ressources exceptionnelles par des crédits budgétaires. Durant la période 2015-2019, la loi de programmation militaire (LPM) actualisée prévoyait un montant de ressources exceptionnelles ramené à 930 millions d'euros, contre un montant initial de près de 4,4 milliards d'euros. Cette évolution, que le Sénat avait appelée de ses voeux, allait incontestablement dans le bon sens.

L'augmentation des crédits de la mission « Défense » prévue en 2017 va même au-delà de ce qui était prévu dans la LPM actualisée : alors que celle-ci fixait un plafond de crédits de paiement à 32,3 milliards d'euros, ressources exceptionnelles comprises, le total des crédits du ministère de la défense devrait s'élever en 2017 à près de 32,7 milliards d'euros, soit un écart de plus de 400 millions d'euros, dont 100 millions d'euros imputables aux recettes exceptionnelles. Ce surcroît de dépenses, nécessaire compte tenu de l'évolution du contexte national et international, montre cependant les limites de l'exercice de programmation, la loi de programmation militaire étant dépassée moins d'un an et demi après son actualisation.

Néanmoins, des points de vigilance subsistent. Au lendemain des attentats de novembre 2015, le président de la République a annoncé différentes mesures en faveur de la défense, en particulier l'arrêt des déflations de personnel ; le renforcement de la chaîne opérationnelle, du renseignement et de la cyberdéfense ; un effort en faveur du fonctionnement et des infrastructures pour accompagner l'effort en matière d'effectifs ; un effort financier sur le plan capacitaire, avec une priorité donnée aux munitions, à la mobilité des unités déployées sur le territoire national ainsi qu'à la protection des emprises de la défense ; et enfin l'amélioration de la condition du personnel.

Entérinées lors du conseil de défense du 6 avril 2016, ces décisions, dont le coût est estimé à 775 millions d'euros en 2017 et à 1,2 milliard d'euros en 2019, n'ont cependant pas donné lieu à une nouvelle actualisation de la loi de programmation militaire. Et, hors des 317 millions d'euros de crédits budgétaires supplémentaires inscrits dans ce budget, les quelque 458 millions restants reposent sur des financements incertains ou non pérennes.

Le niveau de recettes exceptionnelles prévu est supérieur de 100 millions d'euros à ce qu'anticipait la loi de programmation militaire actualisée. Or si certaines opérations immobilières importantes sont effectivement programmées pour les années à venir, notamment les cessions de l'îlot Saint-Germain, de Saint-Thomas d'Aquin et du Val-de-Grâce, leur réalisation en 2017 est loin d'être assurée. De plus, le ministère de la défense devrait bénéficier de 205 millions d'euros de « gains de pouvoir d'achat » liés à l'évolution des facteurs et de 100 millions d'euros liés à l'actualisation des échéanciers de paiement. Enfin, un prélèvement de 50 millions d'euros est prévu sur la trésorerie du service des essences des armées.

D'autres points méritent notre vigilance, à commencer par les déboires de Louvois qui, malgré la mobilisation d'effectifs importants pour en limiter les dysfonctionnements, continue de présenter d'importantes faiblesses. Son remplacement par Source Solde, décidé par le ministre en décembre 2013, était nécessaire compte tenu de son état jugé irréparable.

Le déploiement de Source Solde s'effectuera par étapes, la dernière bascule, qui concerne l'armée de l'air, étant programmée pour décembre 2019. La durée prévisionnelle du projet a été portée de 60 à 68 mois. Or chaque mois compte : il n'est pas acceptable que les militaires ne perçoivent les indemnités liées à leur participation aux opérations extérieures (OPEX) ou à Sentinelle avec plusieurs mois, voire plus d'une année de retard. Le prélèvement à la source, s'il est mis en place, pourrait entraîner des difficultés supplémentaires.

Par ailleurs, en 2017, la mise en oeuvre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » et la création d'une indemnité d'absence cumulée se traduiront par des modifications significatives dans Louvois qui pourraient donner lieu à d'importants dysfonctionnements.

La fin de gestion 2016 s'annonce en outre très hypothétique. Les crédits du programme 146 « Équipement des forces » ont été gelés à hauteur de 1,9 milliard d'euros, dont 800 millions d'euros au titre de la réserve de précaution, 470 millions d'euros au titre du « surgel » et 590 millions d'euros de crédits de 2015 reportés en 2016. À ce niveau record de crédits gelés s'ajoute l'incertitude liée au montant de la contribution du ministère de la défense au financement des surcoûts OPEX et OPINT (opérations intérieures), dont le montant non budgété devrait s'élever à 830 millions d'euros en 2016.

Lors de son audition par la commission de la défense nationale de l'Assemblée nationale le 12 octobre dernier, le délégué général pour l'armement a indiqué que « le report de charges pourrait approcher 3,2 milliards d'euros, montant compromettant l'équilibre de la LPM », alors que « la LPM initiale et ses actualisations successives ont prévu de contenir le report de charges à 2,8 milliards d'euros d'ici à la fin de l'année 2019 ». Un tel niveau de report de charges pourrait se traduire par un étalement ou par des annulations de commandes d'équipements, ce qui, dans le contexte actuel, ne serait évidemment pas acceptable. 2,8 milliards d'euros, cela représente 25 % à 30 % du budget total du programme 146 qui est de 10 milliards d'euros.

Enfin, ce budget ne prend pas suffisamment en compte le passif. Lors des auditions que j'ai conduites, il m'a été indiqué que, si l'enveloppe de 500 millions d'euros de crédits supplémentaires consacrés au maintien en condition opérationnelle était nécessaire, elle restait significativement insuffisante. Il faudrait 300 millions d'euros supplémentaires pour assurer la régénération des matériels. Le risque d'une perte capacitaire est réel.

Pour les infrastructures, ce budget pare au plus urgent : loger dans des conditions à peu près décentes les militaires déployés dans le cadre de l'opération Sentinelle, accompagner l'augmentation des effectifs de la force opérationnelle terrestre. Néanmoins, les crédits prévus ne suffiront pas à assurer de manière satisfaisante l'entretien quotidien des bâtiments.

Au total, le report sur les années à venir de dépenses engagées et la remise à plus tard d'une remontée capacitaire prenant véritablement en compte le niveau d'engagement de la France, tant à l'étranger qu'à l'intérieur de ses frontières, donnent l'impression d'une fuite en avant. Ce n'est pas propre à la mission « Défense » et les motifs de rejet du budget 2017 dans son ensemble sont nombreux. Pour autant, il convient de noter l'évolution, certes insuffisante mais réelle, du budget de la défense. J'espère que la fin de gestion 2016 nous permettra d'aborder 2017 dans de meilleures conditions et que la loi de finances rectificative répondra aux incertitudes que j'ai soulevées. Compte tenu de ces éléments, je vous invite à adopter en l'état les crédits de la mission.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Pouvez-vous nous éclairer sur l'application éventuelle de la décote « Duflot » aux cessions immobilières et, en particulier, à celle de l'îlot Saint-Germain, qui priverait le ministère de la défense de recettes significatives destinées au financement du « Pentagone » à la française ?

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (programme 146 « Équipement des forces »). - Je partage le constat du rapporteur : ce budget décline la loi de programmation militaire dont les objectifs ont été respectés chaque année - ce qui n'avait pas toujours été le cas auparavant, à cause d'une accumulation de décalages calendaires et financiers. L'actualisation votée en 2015 justifie des crédits supplémentaires à la prévision initiale, qui s'élevait à 31 milliards d'euros. Enfin, le président de la République s'est engagé après les attentats de novembre 2015 à améliorer les conditions d'exercice des personnels.

Le budget global, à 32,7 milliards d'euros, couvre l'essentiel des besoins. Comme chaque année, la fin de gestion 2016 appelle une attention particulière ; jusqu'ici, les crédits initiaux ont été respectés à chaque reprise. Nous serons particulièrement attentifs au décret d'avance et à la loi de finances rectificative qui, pour une part, complètera le décret sur cette mission. Nous y retrouverons probablement les moyens initialement affectés. Dans ces conditions, le groupe socialiste suivra l'avis du rapporteur.

M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (programme 212 « Soutien de la politique de défense »). - Pour le programme 212 qui concerne le personnel, le rapporteur a relevé à juste titre les difficultés liées à Louvois, les incertitudes sur le nouveau logiciel et les inquiétudes que suscite le prélèvement à la source. On nous assure que cela va s'améliorer, mais le sujet reste délicat. Lors de ma visite au centre de recrutement des armées à Vincennes la semaine dernière, on m'a dit que la prime des soldats de l'opération Sentinelle serait distribuée manuellement, tant le retard est important : aucune prime n'a été versée depuis qu'elle a été décidée. Sentinelle mobilise 10 000 militaires supplémentaires, à qui il convient d'assurer de bonnes conditions de service.

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense »). - Le programme 144 que je rapporte est bien doté. Il existe cependant un point d'achoppement sur la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) dont le personnel n'a pas le même statut que celui de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Le salaire d'entrée, à 1 500 euros nets, risque de rendre difficiles des recrutements à Bac plus 5 à Paris. Pour le reste, le budget du programme est suffisant.

M. Antoine Lefèvre. - Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les crédits prévus pour la garde nationale ?

Sentinelle mobilise 10 000 hommes ; on joue sur les temps de repos, mais aussi sur la préparation opérationnelle de nos militaires, ce qui est problématique. Le coût de l'opération était annoncé à 1 million d'euros par jour ; sommes-nous toujours à ce niveau ? Ce coût a-t-il été budgété dans la perspective de la prolongation de l'état d'urgence ?

M. Vincent Capo-Canellas. - Il convient de faire la part de notre responsabilité dans l'effort de défense auquel notre pays doit faire face et des doutes que nous éprouvons à l'égard de la sincérité même du budget. Peut-on estimer que le budget pour 2017 est en amélioration et que les incertitudes ont été réduites ? Qu'en est-il des crédits dits nouveaux prévus à la suite des attentats ? Ils nous sont présentés comme un élément positif ; je n'en doute pas mais ils correspondent à des charges accrues. Peuvent-ils être considérés comme une amélioration de la sincérité du budget ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Le projet de loi de finances pour 2017 renoue avec les recettes exceptionnelles, 250 millions d'euros inscrits en 2017 contre 150 millions d'euros prévus par la loi de programmation militaire, alors que le Sénat a souhaité réduire la dépendance du budget de la défense à ces recettes. Est-ce réaliste ? Le ministère le pense, en faisant valoir la probable réalisation de la vente du Val-de-Grâce. Lors du débat sur les recettes exceptionnelles, le Sénat avait voté un amendement protégeant les opérations immobilières de la défense de la décote « Duflot ». Un accord avait ensuite été trouvé en commission mixte paritaire sur la limitation à 30 % de cette décote, mais l'Assemblée nationale est revenue dessus.

Nous sommes par conséquent dans une double incertitude, portant à la fois sur la matérialisation des ventes, mais il n'y pas de raison de douter du cabinet du ministère, et sur les proportions de la décote. La perte de recettes exceptionnelles est compensée par un prélèvement sur la réserve générale, mais c'est une fuite en avant.

M. Michel Bouvard. - Nous avons évoqué avec le préfet d'Île-de-France et de Paris, Jean-François Carenco, le « pastillage » des biens immobiliers cédés par l'État à Paris. L'îlot Saint-Germain sera pour moitié dédié à des logements sociaux, mais l'accord de cession signé sous l'égide du préfet ne précise pas si la décote y sera appliquée. Dans la réponse au questionnaire budgétaire, il nous a été indiqué que l'opération du Val-de-Grâce était disjointe de la première et que la négociation se poursuivrait à l'automne. Les conditions de cession n'ont pas été évoquées. On en retire une impression de grand flou et de bricolage.

M. Daniel Reiner. - Dans le total des recettes exceptionnelles, 50 millions d'euros sont tirés d'opérations non immobilières comme des ventes de matériel.

Le Val-de-Grâce n'est a priori pas concerné par la décote. Quoi qu'il en soit, la loi de programmation militaire prévoit la compensation des éventuels différentiels constatés dans les recettes exceptionnelles par des crédits budgétaires.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Le projet de loi de finances pour 2017 respecte la loi de programmation militaire, les crédits sont même plus importants que prévu. Cependant, le niveau d'engagement des troupes est lui aussi supérieur au niveau anticipé dans la loi de programmation militaire. On peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Pour les OPEX, le fonctionnement courant, c'est-à-dire les surcoûts en personnel et en carburant, est couvert ; mais le renouvellement du capital n'est pas assuré. Or après un ou deux ans en opération, le renouvellement des matériels est inévitable.

Nous risquons par conséquent de nous trouver dans une impasse ; c'est pourquoi il convient d'être particulièrement vigilant sur la loi de finances rectificative et le décret d'avance. Si nos réserves ne sont pas levées, le prochain Gouvernement, quel qu'il soit, devra payer la facture laissée en 2017.

Il nous a été confirmé que le ministère de la défense n'était pas encore en mesure de mettre en oeuvre le prélèvement à la source. Pour la future garde nationale, un effectif de 40 000 hommes est prévu pour 2018. Le surcoût des OPINT devrait être compris entre 145 millions d'euros et 180 millions sur l'année, soit deux fois moins que le chiffre avancé par Antoine Lefèvre ; mais son estimation se rapporte probablement au coût total.

Si l'on exclut la question du surcoût des OPEX et des OPINT, le budget 2017 est-il sincère ? Dans une certaine mesure, si les gels, dégels et surgels de la fin 2015 ne sont pas reproduits cette année. Soyons, je le répète, très vigilants sur la loi de finances rectificative et les éventuels décrets d'avance.

Pour conclure, je conçois l'adoption proposée comme un encouragement adressé au Gouvernement pour qu'il honore la fin de l'exécution budgétaire de 2016.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Défense ».

La réunion est close à 16 h 55.

Jeudi 17 novembre 2016

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

Propositions de directive du Conseil de l'Union européenne COM (2016) 683 et COM 2016 685 concernant une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) - Demande de saisine et désignation d'un rapporteur

La réunion est ouverte à 10 h 35.

La commission a décidé de se saisir des propositions de directive du Conseil de l'Union européenne COM (2016) 683 concernant une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) et COM (2016) 685 concernant une assiette commune pour l'impôt sur les sociétés, en application de l'article 73 quinquies du Règlement du Sénat, et nomme M. Albéric de Montgolfier rapporteur.

Loi de finances pour 2017 - Mission « Santé » - Examen du rapport spécial

La commission examine tout d'abord le rapport de M. Francis Delattre, rapporteur spécial, sur la mission « Santé ».

Mme Michèle André, présidente. - Nous entamons la matinée par l'examen des crédits de la mission « Santé ». Je salue la présence de René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

M. Francis Delattre, rapporteur spécial. - La mission « Santé » comporte deux programmes, qui correspondent à deux grands types d'actions en matière sanitaire : le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » définit une politique de santé et regroupe les subventions de l'État aux opérateurs sanitaires ; le programme 183 « Protection maladie » est essentiellement consacré au financement de l'aide médicale d'État (AME). Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit plusieurs mesures de périmètre sur la mission « Santé », conduisant à la suppression de cofinancements entre l'État et la sécurité sociale. Toutefois, à périmètre constant, les crédits de la mission augmentent de 4,5 %, dans la même proportion qu'en 2016. Ils s'élèvent à 1 256 millions d'euros. La mission ne respecte pas plus que l'an dernier le plafond inscrit en loi de programmation des finances publiques pour la période 2014 à 2019. Elle le dépasse de 6,4 %.

La budgétisation pour 2017 consacre le pilotage effectué depuis quelques années, marqué par des évolutions divergentes des deux programmes. Les crédits du programme 204 ont ainsi diminué de 22 % depuis 2012, alors que les crédits du programme 183 ont progressé de 29 % depuis cette date. L'augmentation atteint même 39 % pour les crédits relatifs à l'AME.

Les nombreuses évolutions du périmètre de la mission ont accentué sa rigidité. Les subventions aux opérateurs sanitaires ainsi que les dépenses d'AME représentent 90 % des crédits de la mission. Ensemble composite et rigide, la mission « Santé » laisse peu de place à l'initiative parlementaire. C'est pourquoi il est indispensable d'assurer des travaux de contrôle. Après l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus) l'an dernier, je me suis intéressé cette année à l'Institut national du cancer (INCa).

Ces opérateurs sont une nouvelle fois mis à contribution. Depuis 2013, la baisse de leurs subventions a atteint 12 %. Ce mouvement a permis d'inciter à la recherche de gains d'efficience et à l'utilisation de leurs réserves. Pour mutualiser leurs moyens, trois opérateurs ont été regroupés pour créer l'agence nationale de santé publique (ANSP) : l'Eprus, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) et l'Institut national de veille sanitaire (INVS). Le montant total des subventions pour charges de service public porté par le programme 204 s'élève à 345 millions d'euros. Les réserves de toutes les agences ont été asséchées.

Parmi les six opérateurs qui restent, cinq voient leur subvention diminuer : l'Agence de biomédecine, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), l'École des hautes études en santé publique (EHESP), l'INCa et la nouvelle ANSP. Seule l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Ansés) enregistre une progression modérée de sa subvention.

Alors que les crédits d'AME augmentent, la dotation de l'INCa diminue de 1 % : dans la même mission, un programme voit ses crédits initiaux progresser de 10 %, quand l'autre, qui concerne la lutte contre le cancer, est passé au rabot. Cette stratégie pose question dès lors que la lutte contre le cancer se trouve à un carrefour.

L'autre programme concerne l'AME, qui recouvre, avec un budget de 814,9 millions d'euros, trois dispositifs distincts. Le budget de l'AME de droit commun, de 722 millions d'euros, représente 89 % du programme. Il est celui qui progresse le plus vite. L'AME de droit commun assure la couverture des soins de personnes étrangères en situation irrégulière résidant en France depuis plus de trois mois sans interruption et remplissant des conditions de ressources identiques à celles fixées pour l'attribution de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). Financièrement à la charge de l'État, l'AME de droit commun est gérée par l'assurance maladie.

L'AME pour soins urgents ne pose pas problème. Elle bénéficie d'une subvention de 40 millions d'euros, et concerne les urgences avérées : quand quelqu'un arrive à l'hôpital avec un couteau dans le dos, il est normal qu'on le soigne. Je me suis rendu dans deux hôpitaux de Seine-et-Marne : je peux vous parler de la situation dans les zones proches des aéroports.

L'AME humanitaire, enfin, à la discrétion du Gouvernement, représente un crédit de 2 à 4 millions d'euros.

L'AME qui pose problème est bien l'AME de droit commun. Fin 2015, 316 314 personnes étaient titulaires d'une attestation y donnant accès. Ce chiffre a régulièrement cru, de 4 % à 7 % selon les années. Les bénéficiaires sont souvent âgés de moins de 30 ans, et sont, à 57 %, des hommes. L'AME se transforme en dépense de guichet.

Certains demandent la suppression de l'AME. Nous avons réclamé à plusieurs reprises que des contrôles soient effectués, ainsi que de fixer une indemnité pour accéder aux documents permettant de bénéficier de la CMU. Cette proposition n'a pas été acceptée. Du coup, cette dépense progresse de plus de 10 %, ce qui pose un problème financier et un problème politique. La durée de résidence n'est pas opérante.

Nous avions déposé des amendements pour réduire les crédits de l'AME à 300 millions d'euros ou 400 millions d'euros, afin d'inciter à un recentrage du dispositif. Ils ont été rejetés, et la situation se dégrade. Encore aurons-nous certainement l'inscription de crédits supplémentaires au titre de l'AME en loi de finances rectificative ! Nous allons atteindre le milliard d'euros. Pouvons-nous continuer comme cela ?

Je vous propose donc de ne pas adopter les crédits de la mission « Santé », car ils reflètent des choix qui ne sont pas les nôtres. Pour nous, les agences doivent avoir des moyens.

Le 15 novembre, l'Assemblée nationale a voté un amendement du Gouvernement portant article additionnel instituant un mécanisme d'indemnisation pour les victimes de la Dépakine, ainsi qu'une majoration des crédits du programme 204 d'un montant de 10 millions d'euros. Chez la femme enceinte, cet antiépileptique peut entraîner de graves malformations du foetus. On estime à 14 000 le nombre de grossesses sous Dépakine entre 2007 et 2014. La responsabilité de l'État pourrait être engagée. J'approuve ce dispositif et vous propose d'adopter cet article additionnel.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Cette mission a quelque chose d'artificiel. Nous en discutons alors même que le projet de loi de financement de la sécurité sociale est débattu en séance publique. Pour l'AME, l'éclatement du dispositif, à la charge de l'État mais géré par l'assurance maladie rend difficile une évaluation globale. Et cela concerne bien d'autres politiques. Les économies ne doivent pas concerner que le projet de loi de finances.

Deuxième regret : la sous-budgétisation chronique de certaines missions. Nous la dénonçons chaque année, sans résultat. Il faut toujours y revenir en cours d'exercice. Rien de nouveau !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Je confirme que nous en demandons toujours plus aux agences sans leur accorder davantage de moyens. Sur le quinquennat, leur budget a baissé de 38 %, quand les crédits du programme concernant l'AME ont crû de 40 % ! Sans parler des crédits pour la Dépakine...

Les sommes consacrées, par l'AME, à la prise en charge des immigrés en situation irrégulière atteindront 815 millions d'euros en 2017. Il faut y ajouter les soins urgents, pour 70 millions d'euros, et le coût des prises en charge à Mayotte, de 100 millions d'euros. Les demandeurs d'asile déboutés sont pris en charge par l'assurance-maladie au titre de la CMU-C, ce qui coûte 12 millions d'euros. Au total, on atteint le milliard d'euros de dépenses pour la prise en charge des personnes en situation irrégulière.

M. Roger Karoutchi. - J'avais présenté il y a quelques années un amendement créant une aide médicale d'urgence, dont le coût aurait été de 400 millions d'euros - ce qui est déjà considérable. Il a été rejeté. La dépense de l'AME a triplé en dix ans pour atteindre le milliard d'euros, alors que nous essayons de comprimer les dépenses de santé partout ailleurs. Cela pose un problème de cohérence. Dans certains hôpitaux, l'AME sert parfois à équilibrer les comptes. Nous devons rationaliser cette protection. Des crédits de 300 millions d'euros ou 400 millions d'euros suffiraient si nous mettions un terme aux dérives. Actuellement, nul ne maîtrise la dépense. À ce rythme, nous pourrions atteindre 1,5 milliard d'euros dans deux ou trois ans, alors même que nous imposons des déremboursements aux Français. La soutenabilité financière n'est pas seule en jeu : il y aura un problème politique ! L'opinion publique finira par s'émouvoir et s'opposera au maintien de l'AME.

M. Vincent Delahaye. - Je vous rejoins. J'avais demandé la création d'un groupe de travail spécifique sur l'AME. Je n'ai pas été suivi. Nous devons maîtriser ces dépenses, ne serait-ce que pour préserver ce dispositif.

J'entends parler d'un milliard d'euros, mais je vois qu'entre 2013 et 2015 la hausse a considérablement ralenti, puisqu'on est passé de 744 millions d'euros à 760 millions d'euros, puis à 764 millions d'euros. Cela donne l'impression d'une stabilisation. Les mesures ponctuelles ne produiraient-elles pas leur effet ? Y a-t-il vraiment sous-budgétisation ? Si oui, de combien ?

M. André Gattolin. - Il est difficile d'analyser la situation des opérateurs, puisque votre rapport ne retrace que les subventions versées par le ministère de la santé, alors qu'un montant équivalent leur est apporté par le ministère de la recherche. La baisse de 1,1 % que vous notez pour l'INCa n'est peut-être pas dirimante, puisque cet opérateur dispose de ressources propres, et que le groupement d'intérêt public lève des fonds. Si l'exécution 2015 a été catastrophique pour l'INCa, la loi de finances pour 2016 a opéré un rattrapage. Dans ces conditions, la baisse de 1,1 % ne me paraît pas scandaleuse. Le cas de l'Ansés est bien différent, car la contribution du ministère de la santé est marginale. Il faudrait connaître le montant des versements issus d'autres ministères.

M. Antoine Lefèvre. - Je regrette l'absence totale de rationalisation de l'AME. Pourtant, les agences régionales de santé (ARS) exercent une très forte pression sur l'organisation des hôpitaux, pour que ceux-ci rationalisent leurs coûts. Et la Cour des comptes réclame une réforme de l'AME.

Pour lutter contre la désertification médicale et les difficultés de recrutement des hôpitaux, la démographie de la profession doit être modifiée via le numerus clausus. Xavier Bertrand, ancien ministre de la santé, m'a indiqué qu'il l'avait relevé en 2005. Comme il faut dix ans pour former un médecin, nous bénéficions en ce moment du résultat de cette mesure. Quid de l'avenir ? Il me semble que les ARS sont à même d'anticiper les départs à la retraite.

L'application des 35 heures pose parfois de grosses difficultés. Ainsi, certains établissements ne parviennent pas à gérer les comptes épargne-temps. Du coup, ils ne peuvent remplacer dans les temps des chefs de service qui partent à la retraite.

M. Serge Dassault. - Sur l'AME, j'irai plus loin que le rapporteur. Dans la situation actuelle de quasi-faillite de la France - que notre commission des finances connaît bien - donner un milliard d'euros à des personnes en situation irrégulière est parfaitement scandaleux. Supprimons l'AME : nous n'avons pas les moyens d'accueillir tout le monde ! Qui finance tout cela ? On supprime 60 millions d'euros ailleurs faute de disponibilités, et l'on dépense un milliard d'euros dans l'AME !

Autre problème : voilà douze ans que j'entends parler de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), où l'on loge toutes sortes de déficits. Que devient-elle ? La contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ne suffit certes pas à la financer. Je souhaite que nous nommions un rapporteur spécial sur ce sujet.

Mme Michèle André, présidente. - Francis Delattre a évoqué ce sujet la semaine dernière, lors de son rapport sur le financement de la sécurité sociale. La question est débattue en ce moment même dans l'hémicycle, où nos collègues de la commission des affaires sociales discutent du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Richard Yung. - Présenter un amendement pour supprimer l'AME serait paradoxal alors que la majorité a décidé que nous ne discuterons pas le budget. Que d'incohérence !

Les visites sur place du rapporteur sont de bonne méthode, car ce dossier pose des problèmes humains sensibles. Sous-budgétisation ? Peut-être, mais nous votons toujours des crédits pour en voir ensuite 8 % mis en réserve, 6 % mis de côté... Si bien que le débat budgétaire est biaisé. Il faudra remettre sa mécanique à plat. Certes, vous avez trouvé cette année un remède de cheval, en supprimant tout bonnement un rôle important du Parlement, qui est de voter le budget...

Moyennant quoi, je comprends mal vos observations sur les crédits votés à l'Assemblée nationale pour la Dépakine, puisque nous ne voterons pas le budget !

Vous dites que rien ne change ? Vous connaissez la phrase célèbre.

M. Michel Bouvard. - Lampedusa...

M. Richard Yung. - « Il faut que tout change pour que rien ne change. » En cas d'alternance, nous verrons comment on peut budgétiser 1,3 milliard d'euros tout en annonçant 100 milliards d'euros d'économies sur le budget.

M. Philippe Dallier. - Je demande que nous procédions au rebasage de toutes les missions, puisque les crédits sont manifestement sous-évalués dans tous les domaines : hébergement d'urgence, AME, opérations extérieures... Ce sont au moins 2,5 milliards d'euros qui manquent.

Pour 2017, la hausse attendue est uniquement liée à l'accroissement des volumes, puisque les réformes sont achevées. À 815 millions d'euros, la prévision 2017 est en hausse par rapport à l'exécution 2016, qui était de 762 millions d'euros. Pensez-vous que cela ne suffira pas ?

M. Philippe Dominati. - J'apprécie aussi la méthode du rapporteur, qui mêle tonicité et pragmatisme. Pouvez-vous nous donner des précisions sur les 100 millions d'euros dépensés à Mayotte ? Le coût des 40 millions d'euros de soins urgents est forfaitaire. Est-ce le coût réel assumé par l'assurance maladie ? Les comparaisons internationales sont intéressantes. On parle de 1 250 euros par attributaire en Espagne, contre 3 320 euros en France. Maintenez-vous ces chiffres ?

M. Francis Delattre, rapporteur spécial. - Nous ne sommes pas au milliard d'euros, mais plutôt autour de 800 millions d'euros. Les hôpitaux font la dépense, et doivent ensuite se faire rembourser. Souvent, il reste un différentiel en leur défaveur. Les services comptables discutent entre eux, et trouvent des accords. En tout cas, la pente est à l'accroissement des dépenses. Avec une hausse de 10 % chaque année, nous nous approchons rapidement du milliard d'euros. Mais pour l'heure, nous n'y sommes pas.

Oui, l'INCa a deux contributeurs principaux, mais la dotation du ministère de la recherche est stable autour de 40 millions d'euros.

C'est l'INCa qui sélectionne les projets de recherche. Son conseil scientifique est reconnu dans le monde entier. Nous prenons du retard, alors que nous étions les meneurs. Nous le restons dans la recherche clinique. Mais sur la recherche de fond, sur le médicament, les grands laboratoires américains sont en avance. Les rôles ont changé : les deux grandes associations soutiennent les familles plus que les projets de recherche. La recherche dépend donc essentiellement des moyens de l'INCa. Il est dommage de ne pas l'encourager, d'autant que l'INCa rassemble de nombreuses compétences.

Les autres agences, comme l'INVS, jouent un rôle indispensable. À force de diminuer les crédits, l'exercice de leurs compétences sera remis en cause... L'Eprus joue un rôle opérationnel central dans l'approvisionnement en nombre de médicaments.

Je suis un spécialiste de la Cades. On voit bien l'intérêt qu'il peut y avoir à y transférer 23,5 milliards d'euros six mois avant le vote du budget... Heureusement, elle est dirigée par un financier expérimenté. La Caisse, grâce à l'attribution d'une part de CRDS, a pu emprunter sur les marchés à taux très bas. Il est vrai que c'est plus brillant techniquement que moralement...

La loi organique prévoit que tout transfert de dette à la Cades s'accompagne d'une augmentation de ses ressources. Le prochain gouvernement devra affronter ce problème, identifié par la Cour des comptes. Naturellement, en période électorale, le Gouvernement ne veut pas augmenter le taux de CRDS, et attend. Je n'ose pas dire qui a inventé la Cades... car tous les gouvernements s'en sont bien servis.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Santé ». Elle décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 62 quinquies (nouveau).

Loi de finances pour 2017 - Mission « Politique des territoires » - Communication sur le contrôle budgétaire relatif au dispositif « adultes-relais » - Examen du rapport spécial

La commission examine le rapport de MM. Bernard Delcros et Daniel Raoul, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Politique des territoires » (et article 58 bis), et entend une communication de M. Daniel Raoul, rapporteur spécial, sur son contrôle budgétaire relatif au dispositif « Adultes-relais ».

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. - L'année dernière, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016, j'ai présenté pour la première fois la mission « Politique des territoires », qui finance un ensemble d'actions de l'État en faveur de l'aménagement du territoire et comporte trois programmes : le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » ; le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » ; le programme 147 « Politique de la ville », que présentera Daniel Raoul.

L'année dernière, j'avais tiré la sonnette d'alarme sur les évolutions du programme 112, qui me semblait s'être dégradé au fil du temps, ne plus répondre aux enjeux des territoires et manquer d'ambition en ne donnant pas aux collectivités rurales les outils et moyens pour réussir leur développement, ce qui m'avait amené à vous proposer de ne pas adopter les crédits de cette mission. J'avais, par exemple, alerté sur la baisse continue des crédits affectés au Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) : - 44 % en autorisations d'engagement depuis 2010. J'avais regretté l'extinction progressive de dispositifs utiles aux territoires, comme par exemple les pôles d'excellence rurale (PER) ou les maisons pluridisciplinaires de santé. Je vous avais fait part de mes inquiétudes sur l'avenir des zones de revitalisation rurale (ZRR) dont la réforme était sans cesse reportée et sur lequel nous n'avions pas de visibilité alors que ce dispositif devait prendre fin en décembre 2015.

J'avais également déploré le refus de la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité de l'époque, Sylvia Pinel, de moderniser l'action de l'État en faveur du développement rural, à l'échelle locale, par le biais d'un dispositif de contractualisation adopté par le Sénat, que j'avais moi-même défendu. Par ailleurs, dans le cadre du contrôle budgétaire que j'ai mené sur le FNADT, au cours du premier semestre 2016, j'ai formulé un ensemble de propositions pour conforter ce fonds et le faire évoluer, afin de le rendre plus efficace.

La version 2017 de la mission « Politique des territoires » apporte des réponses positives à la grande majorité des critiques et observations formulées l'année passée et intègre les principales propositions présentées dans mon rapport de contrôle budgétaire.

Premièrement, les contrats territoriaux de développement rural, rebaptisés contrats de ruralité, seront effectivement mis en oeuvre en 2017. Suivant la même logique que les contrats de ville, ils seront signés entre l'État et les pôles d'équilibre territorial et rural (PETR) ou les intercommunalités, selon les territoires, pour une durée de quatre ans, puis de six ans pour la seconde génération, donnant ainsi de la visibilité aux élus locaux pour donner une impulsion à des dynamiques territoriales en milieu rural - c'est précisément ce que nous demandions. Je regrette toutefois que les critères d'éligibilité n'aient pas été plus précisément définis ; nous devrons assurer un suivi attentif de leur mise en oeuvre sur le terrain et proposer, si nécessaire, des ajustements en vue de garantir leur efficacité. De même nous devrons veiller à leur pérennité au-delà de 2017.

Deuxièmement, le projet de loi de finances pour 2017 prévoit un financement spécifique, dédié à ces contrats, à hauteur de 216 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 30 millions en crédits de paiement. Il propose d'inscrire cette enveloppe de crédits, sur le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », au sein du FNADT - ce qui correspond précisément à la recommandation que j'avais formulée dans mon rapport, et ce afin de faire bénéficier les territoires de la souplesse de cet instrument.

Troisièmement, comme je l'avais demandé dans mon rapport, une partie des crédits en faveur des contrats de ruralité pourra être utilisée pour financer le soutien à l'ingénierie de développement, dans la limite de 10 %.

Quatrièmement, concernant les zones de revitalisation rurale, une réforme a été adoptée dans la loi de finances rectificative du 29 décembre 2015. Le dispositif des ZRR est prolongé jusqu'en 2020. L'éligibilité des territoires reposera sur deux nouveaux critères : la densité de population et le revenu par habitant. Cette réforme entrera en vigueur le 1er juillet 2017 afin de tenir compte des modifications de périmètre des intercommunalités ; l'ancien dispositif est prolongé jusqu'à cette date.

Cet ensemble de dispositions nouvelles répond à nos demandes et marque une réelle avancée en faveur de nos territoires.

Sur l'ensemble des trois programmes de la mission « Politique des territoires », le projet de loi de finances pour 2017 présenté par le Gouvernement prévoyait 895 millions d'euros en autorisations d'engagement et 702 millions en crédits de paiement. À l'issue du vote de l'Assemblée nationale en première lecture, les autorisations d'engagement s'établissent désormais à 995 millions d'euros et les crédits de paiement à 718 millions d'euros. Ces augmentations de crédit par rapport à 2016, respectivement de 51 % en autorisations d'engagement et de 2 % en crédits de paiement, s'expliquent principalement par trois mesures nouvelles : les contrats de ruralité, pour 216 millions d'euros ; le pacte État-métropoles pour 20 millions d'euros ; la participation de l'État au nouveau programme national de renouvellement urbain, pour 100 millions d'euros, introduite par un amendement gouvernemental adopté par l'Assemblée nationale. Toutefois, si on se place à périmètre constant, on observe une légère diminution des crédits de la mission, de 0,3 % en autorisations d'engagement et de 5 % en crédits de paiement.

Je rappelle, enfin, que la mission « Politique des territoires » représente cette année 12,8 % de la politique transversale d'aménagement du territoire qui s'élève, pour 2017, à 7,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement, répartis en quatorze missions et trente programmes, contre 6,7 milliards en 2016.

Concernant le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », le transfert de 216 millions d'euros en autorisations d'engagement, destinés à financer les contrats de ruralité, conduit à doubler le montant des autorisations d'engagement du programme, qui atteint 448 millions d'euros, soit un niveau équivalent à celui du programme 147 « Politique de la ville », tandis que les crédits de paiement s'élèvent à 256 millions d'euros.

Par ailleurs, un nouveau dispositif, le pacte État-Métropoles, signé en juillet dernier entre l'État et les quinze métropoles, est doté de 20 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 3 millions d'euros en crédits de paiement, destinés à financer, notamment, un soutien à l'ingénierie, afin de faciliter le développement des pactes métropolitains d'innovation et la mise en réseau des métropoles.

D'autres dépenses sont orientées à la baisse, en particulier les dépenses de fonctionnement courant et de personnel du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), qui se voient réduites de 5,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 2,7 millions d'euros en crédits de paiement. Les dépenses de personnel diminuent de 8,6 % en 2017 par rapport à 2016.

Enfin, on observe une diminution de 20 % des crédits de paiement relatifs à la prime d'aménagement du territoire (PAT), qui s'explique principalement par le rythme de consommation des crédits ; le montant des autorisations d'engagement reste, quant à lui, identique à celui prévu en 2016, à 20 millions d'euros.

Toujours sur le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », les crédits de paiement affectés aux contrats de plan État-Région (CPER) diminuent de 7 % en raison de la fin des contrats de la génération 2007-2014. Toutefois, les autorisations d'engagement progressent de 11 % sous l'effet de la montée en charge progressive des contrats de la génération 2015-2020. Selon les prévisions du CGET, les besoins en crédits de paiement des CPER n'atteindraient un pic qu'en 2018 ou 2019.

Enfin, le programme 112 poursuit une série d'actions déjà inscrites en 2016 : l'animation des pôles de compétitivité, la restructuration des sites de défense, l'accessibilité des services au public, les opérations centres-bourgs, la subvention pour charges de service public à Business France, sans oublier les crédits de paiement nécessaires pour solder les PER et les maisons de santé.

Le programme 162 « Interventions territoriales de l'État », finance, comme en 2016, quatre actions territorialisées. En premier lieu, l'action 02 « Eau et agriculture en Bretagne » - qui contient notamment le plan de lutte contre les algues vertes - pour un montant de 8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 7 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse d'environ 56 % par rapport à 2016. En deuxième lieu, le programme exceptionnel d'investissements pour la Corse, pour 19 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit une augmentation, par rapport à 2016, de 45 % en autorisations d'engagement et 14 % en crédits de paiement. En troisième lieu, le programme concernant le Marais poitevin, pour 1,4 million d'euros en autorisations d'engagement et 1,8 million d'euros en crédits de paiement, stable par rapport à 2016, mais qu'un amendement adopté par l'Assemblée nationale prévoit d'augmenter de 2 millions d'euros, gagés sur le programme 147 « Politique de la ville ». Le Gouvernement a toutefois indiqué son intention de proposer à l'Assemblée nationale d'y revenir en seconde délibération. En quatrième lieu, le plan Chloredécone en Martinique et Guadeloupe pour 2,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit autant qu'en 2016.

Le montant total des crédits du programme 162 « Interventions territoriales de l'État » s'élève ainsi à 30 millions d'euros environ en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, contre 26 millions d'euros en crédits de paiement en 2016, soit une augmentation de près de 17 %.

En conclusion, au regard des évolutions positives que sont la hausse des crédits prévus pour dynamiser la politique d'aménagement du territoire, la mise en place des contrats de ruralité, qui permettront d'adapter les politiques locales aux besoins des territoires et donneront de la visibilité aux élus locaux, mais aussi des efforts de rigueur budgétaire en matière de fonctionnement, je vous propose cette année d'approuver les crédits de cette mission, tels que modifiés par l'Assemblée Nationale.

M. Daniel Raoul, rapporteur spécial. - Avant le vote de l'Assemblée nationale en première lecture, le programme 147 « Politique de la ville » représentait environ 45 % des autorisations d'engagement et 60 % des crédits de paiement de la mission « Politique des territoires ». Il disposait d'un budget relativement stable en 2017, avec 416 millions d'euros inscrits. Depuis, un abondement de crédits a été adopté à l'Assemblée nationale sur ce programme, marquant ainsi le retour des crédits budgétaires de l'État dans le financement de la rénovation urbaine.

Avant cette modification, comme pour les années précédentes, la baisse optique de 3 % des crédits inscrits au programme s'expliquait principalement par l'extinction progressive du dispositif d'exonération de charges sociales dans les zones franches urbaines (ZFU). La dépense liée à la compensation par l'État de cette exonération devrait ainsi être divisée par cinq sur la période 2013-2017.

Les crédits relatifs aux actions territorialisées et aux dispositifs spécifiques de la politique de la ville sont maintenus à un niveau satisfaisant, à près de 340 millions d'euros. La préservation de ces crédits, assurée depuis plusieurs années malgré la contrainte budgétaire forte que nous connaissons, est essentielle, en ce qu'ils permettent de financer des dispositifs comme le « programme de réussite éducative » ou encore celui des « adultes relais » sur lequel je présenterai tout à l'heure les conclusions de mon contrôle budgétaire.

Ces crédits soutiennent aussi les actions de terrains des associations, qui agissent utilement pour la vie des quartiers et méritent un financement pérenne. Le béton seul ne change pas les mentalités, il y faut aussi de l'accompagnement social. Quelques mesures nouvelles sont, en outre, financées sur le programme, comme les délégués du Gouvernement ou encore dans le cadre du volet « transport et mobilité » du pilier « cadre de vie et rénovation urbaine » des contrats de ville. Surtout, ces crédits territorialisées s'inscrivent dans une politique de la ville repensée, renouvelée, dont nous verrons, je l'espère, les résultats dans les années à venir.

Avec l'adoption de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, les financements se concentrent désormais sur 1 500 quartiers dont les populations ont les niveaux de revenus les plus bas, dans le cadre de nouveaux contrats de ville, désormais tous signés et de niveau intercommunal. Les dépenses fiscales rattachées à la mission ont fait l'objet d'une importante refonte, pour tenir compte notamment de la nouvelle géographie prioritaire. Elles restent conséquentes puisqu'elles représentent près de 450 millions d'euros pour l'État, soit plus que les crédits budgétaires initialement inscrits pour le programme.

L'enjeu fondamental réside encore et toujours dans la capacité à mobiliser les crédits de droit commun des autres ministères, qui ne doivent pas se défausser sur les crédits de la politique de la ville comme ils sont trop souvent tentés de le faire. Je sais que le ministère chargé de la ville s'y attelle et qu'il espère d'ailleurs renouveler les conventions interministérielles au cours des prochains mois.

J'en viens au financement de la rénovation urbaine. Sachant que des décaissements plus importants que prévus doivent être couverts en 2016 au titre du programme national de rénovation urbaine (PNRU), le conseil d'administration de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) a été conduit à adopter un budget rectificatif en juin dernier, avec 157 millions d'euros supplémentaires. Action logement a été sollicitée à hauteur de 60 millions d'euros, provenant de la « poche » de 100 millions d'euros qui avait justement été prévue pour apporter un éventuel complément de trésorerie dans la convention conclue entre Action logement, l'État et l'Anru. Le reste devrait être couvert par la trésorerie de l'agence.

En 2017, la gestion financière de l'Anru et de ses programmes restera très tendue et nécessitera probablement qu'Action logement attribue, outre les 850 millions d'euros prévus, les 40 millions d'euros restant disponibles en vertu de la convention. À cet égard, la proposition du Gouvernement de supprimer, à l'article 17, l'affectation d'une partie du produit de la taxe sur les bureaux en Île-de-France à Action logement, pour l'attribuer au Fonds national d'aide au logement (Fnal), ne m'enthousiasme guère. Encore une fois, c'est déshabiller l'aide à la pierre pour habiller l'aide à la personne ! Cette somme correspondait à la compensation du relèvement à 20 salariés, au lieu de 10, du seuil de contribution des employeurs à la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) et c'est un assez mauvais tour joué à Action logement, qui finance le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) à hauteur de 4 milliards d'euros sur la période 2014-2024.

De nouveau sollicitée, la trésorerie de l'Anru devrait alors se trouver au plus bas, autour de 30 millions d'euros. Au cours des prochaines années, il est fort probable que le préfinancement d'un milliard d'euros accordé par la Caisse des dépôts et consignations devra être mobilisé. Il importe surtout que ni les décaissements en faveur des opérations restant non soldées au titre du PNRU ni les projets actuellement en cours de développement au titre du NPNRU ne soient ralentis du fait de cette situation.

Compte tenu de l'importance des besoins constatés lors de l'établissement des protocoles de préfiguration du NPNRU, l'État a décidé d'abonder d'un milliard d'euros supplémentaire son enveloppe financière, pour la porter à 6 milliards d'euros. C'est l'objet de l'article 58 bis, rattaché à la présente mission. Il s'agit ainsi de permettre à des projets d'envergure de voir le jour, comprenant des « équipements structurants » pour les quartiers.

Je ne peux que soutenir et saluer une telle initiative, qui marque également le retour des crédits de l'État, conformément aux annonces du Président de la République et du Premier ministre, dans le financement d'une politique publique essentielle, à destination des quartiers prioritaires et aux côtés d'Action logement. Ainsi, le programme 147 bénéficie d'un abondement de 100 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 15 millions d'euros en crédits de paiement, destinés au financement du NPNRU. Les conditions du financement pour les années à venir restent à déterminer. Si l'on continue à ce rythme sur dix ans, on atteindra le milliard.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je vous propose d'adopter sans modification les crédits consacrés à la politique de la ville ainsi que l'article 58 bis rattaché à la mission.

Mme Michèle André, présidente. - Voulez-vous maintenant présenter les conclusions de votre contrôle budgétaire ?

M. Daniel Raoul, rapporteur spécial. - Le contrat adultes-relais - l'un des principaux dispositifs d'une politique de la ville en pleine mutation - se singularise par sa stabilité. Créé par le comité interministériel des villes du 14 décembre 1999, ce dispositif, en effet, a vu ses crédits relativement préservés depuis 2000, malgré une contrainte budgétaire croissante.

Inspiré des initiatives existant depuis plusieurs années dans les quartiers de la politique de la ville, telles que les « femmes-relais » ou les « correspondants de nuit », ce contrat a été mis en oeuvre, en 2000, afin de favoriser le renforcement du lien social par des actions de médiation sociale, culturelle, et de prévention de la délinquance, exercées en complément des actions traditionnelles du travail social. Il a également été conçu comme un outil d'insertion professionnelle pour les bénéficiaires, en sortie de contrat. Je ne saurais trop insister sur les vertus de l'accompagnement social dans ces quartiers prioritaires au-delà des politiques de rénovation urbaine.

Ce sont ces deux volets - recherche du lien social et insertion professionnelle - qui caractérisent le dispositif. Les critères d'accès au poste d'adulte-relais reflètent d'ailleurs cette spécificité : être âgé d'au moins 30 ans, être au chômage et résider dans un quartier prioritaire de la politique de la ville. Il conviendrait d'interpréter cette dernière condition avec souplesse, comme on l'a fait pour d'autres politiques, eu égard au resserrement de la géographie prioritaire qui a pu réduire le périmètre potentiel de recrutements.

Ce dispositif, qui représente 16 % des crédits du programme de la politique de la ville, soit 67,2 millions d'euros en 2017, repose sur une aide conséquente de l'État, parmi les plus incitatives des contrats aidés existants. Son montant annuel est fixé, depuis juillet 2016, à un peu plus de 18 900 euros. Ce montant, qui a connu des oscillations depuis la création du dispositif, est déterminant dans la décision de recrutement des employeurs, qui sont principalement des associations de taille modeste. En 2013, une baisse de près de 25 % du montant de l'aide a ainsi conduit à une diminution sensible du nombre d'adulte-relais recrutés. L'État est donc à la recherche du juste équilibre budgétaire, indispensable pour garantir la pérennité du dispositif. Afin de compenser leur « reste à charge » parfois significatif, les employeurs sont encouragés à développer des cofinancements pérennes, émanant de partenaires privés mais également publics ; je pense notamment à l'éducation nationale s'agissant des postes de médiateurs scolaires.

La complexité du mode de financement de ce dispositif - qui était géré jusqu'en 2015 par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé) et l'Agence de service et de paiements (ASP) - a conduit à un ajustement imparfait des crédits en loi de finances initiale. Des « réserves de financement » se sont constituées, en complément des crédits budgétaires ouverts, avec l'utilisation du fonds de roulement de l'ACSé, et du solde de trésorerie de l'ASP. Ces réserves ont certes permis une gestion plus souple et plus sécurisante du dispositif, mais elles ont pu nuire à sa lisibilité financière et peut-être conduire à une surévaluation des crédits budgétaires nécessaires à sa mise en oeuvre. On a, en effet, observé une sous-consommation récurrente des crédits s'accompagnant d'une progression du solde de trésorerie de l'ASP de 8,4 à 17 millions d'euros entre 2007 et 2015. L'assèchement prévu du solde de trésorerie de l'ASP et du fonds de roulement de l'ACSé - avec la gestion directe du dispositif, depuis 2016, par le CGET - devrait permettre un meilleur ajustement des crédits. Ces évolutions devraient conduire à un mode de gestion plus transparent et efficace du dispositif.

Malgré ces difficultés observées, le bilan du dispositif est plutôt positif au regard des objectifs de la politique de la ville. À titre d'exemple, l'étude menée par un laboratoire de recherche de Sciences po sur une expérimentation de médiation scolaire, a conclu à un fort impact de l'action des médiateurs sur l'amélioration du climat scolaire, avec une diminution, notamment, de 11 % du sentiment de harcèlement au collège. Ces résultats méritent d'être soulignés et confortés.

Sur le plan de la politique de l'emploi, 58 % des adultes-relais connaissent une sortie positive du dispositif. Le bilan, en termes d'insertion professionnelle, est ainsi plus mitigé. Les associations éprouvent des difficultés, notamment, pour financer des actions de formation, pourtant essentielles à la réussite de l'insertion professionnelle des adultes-relais.

L'accent doit donc être mis sur le renforcement du volet formation, qui constitue déjà une obligation pour les employeurs. Dans ce domaine, des évolutions sont en cours et méritent d'être saluées. Il est, en effet, essentiel qu'un adulte-relais puisse bénéficier d'un vrai parcours de formation. Plusieurs mesures méritent ainsi d'être envisagées : l'augmentation des crédits budgétaires alloués aux plans de professionnalisation, le renforcement de l'obligation de formation et de son suivi par l'État, mais également la reconnaissance officielle des compétences liées à la médiation sociale, par le biais, par exemple, d'un recensement de ces formations à l'inventaire des certifications et des habilitations, permettant ainsi une prise en charge facilitée par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA).

Ce dispositif adulte-relais doit donc être préservé, le renforcement de son efficacité budgétaire et de son utilité sociale passant essentiellement par le maintien d'une aide financière significative, la rationalisation de sa gestion et l'amélioration des dispositifs de formation.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je partage les conclusions de Bernard Delcros. Soulignons, pour la politique de la ville, le décalage considérable entre des annonces impressionnantes du Président de la République - 1 milliard d'euros d'ici à 2024 - et la réalité : pour 2017, seuls 100 millions d'euros en autorisations d'engagement et 15 millions en crédits de paiement sont inscrits, soit pas plus de 1,5 % du montant annoncé ! On voit là les limites de la pluriannualité.

Mme Annie Guillemot, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. - Les crédits consacrés à la politique de la ville sont effectivement stabilisés. Il faudrait cependant que l'Anru ait à sa disposition des crédits très rapidement, bien des élus me l'ont dit. C'est indispensable si nous voulons éviter un temps de latence trop grand entre le PNRU et le NPNRU. Quant au dispositif des adultes-relais, il est effectivement très satisfaisant et il conviendrait de l'intensifier.

M. Marc Laménie. - Sur les contrats de ruralité, on pourrait faire une remarque comparable à celle de notre rapporteur général sur la politique de la ville. Le décalage est là aussi important : pour 2017, 216 millions en autorisations d'engagement sont prévus, mais seulement 30 millions en crédits de paiement.

Je n'ai pas trouvé dans le rapport le montant de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) à attribuer aux communes et aux intercommunalités en 2017, qui permet des investissements importants. Il y a souvent un décalage entre le montage des dossiers et leur réalisation, si bien que des crédits restent non-consommés.

Quant à la rénovation urbaine, s'il est vrai que beaucoup a été fait, il reste néanmoins beaucoup à faire.

M. Philippe Dallier. - Je partage avec Daniel Raoul le regret que la politique de la ville ait été séparée de celle du logement, dont je vous présenterai le budget la semaine prochaine.

Les décaissements en matière de rénovation urbaine ont-ils vraiment été plus importants que prévu ? C'est pourtant simple : nous sommes à la fin du PNRU, et les projets sont pour la plupart en retard. Il n'y a là aucune surprise.

Cela dit, il est clair qu'une trésorerie de 30 millions d'euros pour l'Anru, ce n'est pas raisonnable ! Ses partenaires en paieront le prix en termes d'allongement de délais de paiement. Nous n'allons pas demander à nouveau de l'aide à Action logement, puisque le Gouvernement lui joue, par ailleurs, le mauvais tour de lui enlever 133 millions d'euros de ressources, en contradiction avec ses engagements antérieurs. Des collectivités et des bailleurs sociaux vont se retrouver en difficulté.

M. Dominique de Legge. - Je rejoins les observations de notre rapporteur général et de Marc Laménie. Une augmentation de 50 % des autorisations d'engagement en fin de quinquennat, on voit bien ce que cela signifie : ce Gouvernement laisse la facture au prochain ! Ne prévoir que 30 millions d'euros en crédits de paiement pour les contrats de ruralité ! C'est une illustration de plus de cette fuite en avant.

Dans votre rapport, vous indiquez que 216 millions d'euros seront consacrés aux contrats de ruralité, mais on ne retrouve que 189 millions dans le tableau de répartition entre les régions. Où est passée la différence ?

M. Serge Dassault. - J'aurai quelques questions sur le dispositif adultes-relais. Je ne savais pas que les adultes-relais devaient être des chômeurs. Par qui sont-ils recrutés ? Le Plan local pour l'insertion et l'emploi (PLIE) intervient-il ? Qui finance ce dispositif et quel est le budget alloué à chaque commune? Corbeil-Essonnes est-elle concernée ? La mission locale des communes intervient-elle pour ce dispositif ? Comment fait-on pour accéder à ces contrats et combien y-a-t-il de contrats prévus par commune ? Par ailleurs je souhaiterais savoir qui finance les écoles primaires lors des rénovations urbaines. Car on demande aux communes de financer des logements sociaux - très bien ! Mais il faut des écoles primaires pour les desservir et les communes n'ont pas forcément les crédits disponibles.

M. Charles Guené. - Je m'associe aux remarques de notre rapporteur général sur la pluriannualité.

De nouveaux critères ont été mis en place pour les ZRR ; a-t-on une idée de la nouvelle cartographie ? Le rapporteur spécial semble s'inquiéter du fait que les contrats de ruralité ne puissent probablement pas tous être signés d'ici début 2017. Je crains, pour ma part, que les PETR ne puissent pas le faire avant la fin de 2016, car ils doivent contractualiser avec les régions, dont les instruments ne sont pas prêts.

M. Éric Doligé. - Le montant de l'augmentation de la DETR semble à première vue considérable, avec 384 millions d'euros, mais cela ne représente guère plus de 4 millions d'euros par département. On n'est pas loin d'un saupoudrage à la discrétion des préfets, qu'il serait peut-être souhaitable de revoir. Les petites communes doivent monter des dossiers complexes et attendre que l'État donne sa réponse pour que les autres collectivités territoriales, qui participent bien souvent pour des montants dix fois supérieurs, viennent abonder. On a l'impression que tout cela n'est fait que pour permettre aux sous-préfets d'exister sur le territoire. Cette complexité peut expliquer qu'il reste souvent des crédits non consommés.

Ma deuxième question concerne Business France, un organisme placé sous une triple tutelle - où est la simplification ? Il ne reçoit que 6 millions d'euros seulement de cette mission. Ne peut-on pas reconcentrer un peu cela ? Le financement de l'État a diminué de 10 % en l'espace de quelques années, ce qui a été compensé par les ressources propres, c'est-à-dire les paiements effectués par les entreprises. On est loin du financement à parité entre l'État et les entreprises qui était prévu au départ.

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. - Les 216 millions d'autorisations d'engagement pour les contrats de ruralité sont financés, à partir de l'enveloppe de 1,2 milliard d'euros du Fonds de soutien à l'investissement public local (FSIL). J'ai demandé dans mon rapport qu'ils soient intégrés au FNADT, car ce fonds permet de financer de l'investissement, mais aussi des dépenses immatérielles - comme l'ingénierie territoriale - et également des projets privés. Le décalage peut paraître important entre 216 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 30 millions de crédits de paiement, mais les contrats seront signés début 2017, pour quatre ans ; on peut imaginer que peu d'opérations seront totalement réalisées dès cette première année. Le décalage ne me semble pas anormal.

La DETR était de 600 millions d'euros il y a deux ans, auxquels 200 millions ont été ajoutés en 2015 et 2016, pour la porter à 800 millions. Il est proposé de l'augmenter de 184 millions en 2017 pour la porter à près d'un milliard d'euros en autorisations d'engagement. Concernant la question des crédits non consommés, ce sont aux commissions départementales d'y veiller. Il ne faut accepter que des projets qui sont prêts, au stade de l'avant-projet définitif quand la collectivité a la maîtrise du foncier et a déposé le permis de construire, s'il s'agit d'une construction par exemple.

Concernant les contrats de ruralité, le décalage entre les 216 millions d'euros en autorisations d'engagement et les 189 millions d'euros du tableau de répartition par région correspond au gel qui s'applique sur les crédits d'interventions de toutes les missions.

Les nouvelles ZRR s'appuieront sur deux nouveaux critères de densité de population et de revenu par habitant qui entreront en vigueur au 1er juillet 2017 et ces derniers seront appréciés au niveau des intercommunalités et non plus des communes. Je ne dispose pas de la cartographie précise, mais selon les simulations transmises l'année passée, 3 000 communes entreraient dans le dispositif pour 4 000 qui en sortiraient. Il est vrai que de petites communes, qui se trouveront incluses dans des agglomérations, pourraient ne plus bénéficier de ces dispositifs.

Charles Guené, vous vous inquiétez des difficultés à contractualiser avec les régions. Le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, Jean-Michel Baylet, nous a indiqué avoir consulté chacune d'entre elles, et toutes ont donné leur accord pour apporter un complément régional.

La DETR n'est pas, selon moi, un fonds de saupoudrage : les 184 millions d'euros supplémentaires de 2017 ajoutés à l'augmentation de 200 millions de l'année précédente représentent 60 % d'augmentation, ce qui se traduit très concrètement dans les départements. La DETR devient un outil important de soutien à l'investissement dans les territoires ruraux. Nous devons veiller à sa préservation.

Sur la question de la complexité des dossiers, c'est la commission départementale des élus qui fixe les règles. Dans mon département, j'observe qu'elles sont bien moins complexes que pour les fonds européens.

Ma position sur Business France a évolué au cours des derniers mois. Dans le cadre de mon contrôle sur le FNADT, je me suis interrogé sur l'intérêt qu'il y avait à financer cet opérateur à hauteur de 98 millions d'euros sur le programme 134 « Développement des entreprises et du territoire » de la mission « Économie » et de 6 millions d'euros sur le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire ». Mais les responsables de Business France que j'ai entendus se sont dits très attachés à cette cotutelle et à l'accompagnement opérationnel que leur apporte le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET). Peut-être faut-il approfondir ce sujet.

M. Daniel Raoul, rapporteur spécial. - Je partage le sentiment de Philippe Dallier sur la « bosse » de trésorerie de l'Anru. Espérons que cela ne ralentisse pas les projets. Cela dit, il reste les 40 millions d'euros de la convention, sans compter le fameux milliard de la Caisse des dépôts et consignations. Nous avons insisté auprès du directeur de l'Anru sur la nécessité de démarrer le NPNRU et que les projets ne soient pas ralentis. Le décaissement imprévu s'explique par des accélérations de fin de programme des collectivités...

M. Philippe Dallier. - On nous a dit : au-delà d'une certaine date, vous perdez la subvention. C'est radical, comme accélérateur !

M. Daniel Raoul, rapporteur spécial. - Les équipements structurants sont éligibles au NPNRU : les médiathèques, par exemple, devraient en faire partie. Par ailleurs, s'agissant des adultes-relais, le dispositif est  financé par l'État, à hauteur de 18 900 euros. Il appartient aux employeurs de financer le reste à charge. 4 000 postes sont financés dont 50 adultes en médiation scolaire, dans le cadre du partenariat entre le CGET et France Médiation, qui font partie des 14 % d'adultes-relais intervenant en milieu scolaire ; c'est important. L'étude de Sciences po montre que les résultats de la médiation scolaire sont positifs. J'ai vu cette réussite du dispositif dans un collège, même si l'acceptation par la principale comme par l'équipe pédagogique d'une personne extérieure à l'éducation nationale ne semblait pas être évidente, à cause d'un certain corporatisme. Le médiateur scolaire jouait son rôle de médiateur tant dans le collège qu'à l'extérieur auprès des parents d'élèves. La condition d'âge de 30 ans est ainsi importante, pour que les adultes-relais puissent jouer leur rôle, voire suppléer des parents absents. La médiation scolaire est une bonne solution qui devrait être développée dans les collèges, grâce à l'éducation nationale et les collectivités.

Mme Michèle André, présidente. - Merci à Daniel Raoul de cet exposé optimiste, sur une action menée au plus près de la vie quotidienne.

La commission donne acte de sa communication à M. Daniel Raoul et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Politique des territoires ».

Mme Michèle André, présidente. - Belle unanimité !

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. - Pour ce qui concerne l'article 58 bis adopté à l'Assemblée nationale, autant je suis favorable à l'inscription de 100 millions d'euros en 2017, autant je rejoins les observations du rapporteur général sur le décalage entre les annonces et la réalité. Moyennant quoi, je m'abstiendrai.

M. Philippe Dallier. - Moi aussi.

La commission décide de ne pas adopter l'article 58 bis rattaché à la mission « Politique des territoires ».

La réunion est levée à 12 h 40.