MM. Christian BOURQUIN et André FERRAND, rapporteurs spéciaux

CHAPITRE PREMIER
PRÉSENTATION DE LA MISSION « ECONOMIE »

I. UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE DIFFICILE

A. LA DÉTÉRIORATION DU COMMERCE EXTÉRIEUR ET LE RALENTISSEMENT DE LA CROISSANCE POUR 2012

1. Les données statistiques

En 2011, le solde du commerce extérieur de la France en marchandises sera déficitaire de 75 milliards d'euros environ 1 ( * ) , soit 3,7 % du produit intérieur brut. Il s'agit d'un record absolu, lié à l'envolée de la facture énergétique - elle a doublé depuis le début des années 2000, pour s'afficher à une soixantaine de milliards d'euros en 2011 - mais aussi au creusement du déficit commercial . Depuis 2003, la balance commerciale de la France n'a cessé de se dégrader.

La balance commerciale de la France par secteurs en 2003 et 2010

(en milliards d'euros)

2003

2010

Agriculture et agroalimentaire

8,3

7,9

Energie

- 23,2

- 47,8

Industrie manufacturières (hors agriculture et agroalimentaires), dont :

6,0

- 27,2

Biens intermédiaires

- 4,1

- 9,7

Biens d'équipements

- 7,7

- 20,1

Industrie automobile

12,6

- 3,7

Industrie aérorautique et spatiale

8,0

18,1

Chimie, pharmacie, cosmétique

10,2

11,8

Autres (textiles, habillement, cuir, chaussures, etc.)

- 13,0

-23,7

Divers

- 0,5

- 0,4

TOTAL

- 9,3

- 67,6

Source : Douanes

Tous les secteurs, à l'exception des industries agricoles et agroalimentaires (IAA), l'aéronautique et le spatial ainsi que la pharmacie et les cosmétiques, sont déficitaires. Ainsi, l'industrie manufacturière afficherait un déficit d'une trentaine de milliards d'euros en 2010, l'essentiel provenant des échanges de biens d'équipement (équipements mécaniques, matériel électrique, électronique et informatique...). Il faut souligner que le solde des échanges d'automobiles, longtemps excédentaire, s'inverse lui aussi, à partir de 2008 .

L'affaiblissement des positions commerciales n'est pas seulement sectoriel mais aussi géographique . Ainsi, si les échanges avec la Chine sont déficitaires de 28 milliards d'euros en 2010, ceux avec la zone euro le sont davantage encore, de l'ordre de 30 milliards d'euros.

Par ailleurs, les perspectives pour 2012 apparaissent peu porteuses de croissance. L'hypothèse de 1,75 % initialement fixée par le Gouvernement a été ramenée à 1 % lors du discours prononcé le 27 octobre 2011, par le Président de la République. Mais, le consensus des conjoncturistes prévoyait déjà de ramener ce taux à 0,9 % selon leur dernière prévision établie en octobre 2 ( * ) .

La révision de l'hypothèse de croissance est à l'origine du renforcement des mesures de réduction des dépenses présenté par le Gouvernement dans le cadre du plan d'économies supplémentaires d'un milliard d'euros initialement annoncé par le Premier ministre le 24 août 2011, dont les conséquences sont décrite dans le corps du présent rapport.

2. La mission « Economie » : une portée économique modeste mais néanmoins précieuse pour soutenir les entreprises dans les territoires et à l'international

Compte tenu de l'importance des flux économiques en jeu et de la globalisation des échanges, il est légitime de s'interroger sur la portée d'une mission budgétaire dédiée à l'économie dont l'objectif stratégique est de « favoriser la mise en place d'un environnement propice à une croissance durable et équilibrée de l'économie française » 3 ( * ) . En effet, dotée d'environ deux milliards d'euros de crédits de paiement pour 2012, la mission « Economie » ne représente que le millième du produit intérieur brut national qui s'établit à 2070 milliards d'euros selon les prévisions initiales du projet de loi de finances pour 2012.

Par ailleurs, dans ces crédits, la part du financement des actions menées en faveur des entreprises demeure relativement modeste : 184,2 millions d'euros , par comparaison aux quelque 3,1 milliards d'euros de l'effort budgétaire globale de l'Etat en faveur des PME, toutes missions confondues 4 ( * ) .

Néanmoins, cet apport est précieux car il est ciblé sur les secteurs des petites et moyennes entreprises , de l'artisanat, de l'industrie et du tourisme . Il est complété par le soutien aux administrations et opérateurs chargés du pilotage et de la régulation de la politique budgétaire et fiscale de développement de l'économie dans les territoires et à l'international.

B. LES DÉFIS MAJEURS À RELEVER DANS LE PÉRIMÈTRE DE COMPÉTENCE DE LA MISSION

1. La croissance de l'économie française : soutenir le tissu économique et industriel dans les territoires

En France, les 2,55 millions de PME représentent 97,4 % des entreprises. Elles emploient 6,9 millions de salariés (soit 48 % du total) et représentent près de 55 % des personnes occupées (emploi salarié et non salarié). Elles réalisent 34 % du chiffre d'affaires et 42 % de la valeur ajoutée (soit respectivement 1 065 et 335 milliards d'euros).

Toutefois, elles demeurent sous-représentées dans l'industrie - où elles ne sont à l'origine que de 17 % des investissements contre 56 % dans le commerce - et à l'export. A l'international, les PME de moins de 250 salariés ne participent que pour 13,7 % au volume des exportations 5 ( * ) .

Le soutien au tissu économique et industriel dans les territoires constitue l'un des objectifs majeur de la mission .

A cet égard, les propositions formulées au sein de la mission commune d'information sur la désindustrialisation des territoires 6 ( * ) par nos collègues Martial Bourquin, président, et Alain Chatillon, rapporteur, confortent la légitimité de l'intervention de l'Etat pour renforcer les Pôles de compétitivité , améliorer l'accompagnement à l'export des entreprises , notamment des PME et des établissements de taille intermédiaire (ETI), et renforcer la promotion du « site France ». Tel est bien l'objet de la présente mission au travers de dispositifs de financement spécifiques, notamment le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), et des réseaux développés par les opérateurs de promotion de la France à l'international : UBIFRANCE en matière de commerce et Atout France pour le tourisme.

2. Le commerce extérieur : adopter une stratégie de reconquête des marchés

L'évolution défavorable du solde commercial, déficitaire de 6,303 milliards d'euros 7 ( * ) en septembre 2011, est illustrée ( cf. graphique ci-dessous) par le déficit structurel des exportations par rapport aux importations.

Evolution des échanges et du déficit

(en milliards d'euros)

Source : Douanes

Les points forts de la spécialisation française demeurent l'industrie agricole et agroalimentaire, les boissons, les produits liés à l'industrie du luxe ainsi que les équipements automobiles, ces derniers devant être distingués de la production automobile proprement dite 8 ( * ) . Les exportations de machines industrielles et agricoles et de biens intermédiaires sont également particulièrement dynamiques 9 ( * ) depuis le troisième trimestre 2011. Il convient d'en appuyer la progression par un soutien ciblé sur les PME , sans cantonner l'action de l'Etat au soutien des seuls « grands contrats », vers les nouveaux marchés en développement et notamment les BRIC 10 ( * ) , en prenant pour exemple la forte croissance des exportations de vins vers la Chine ( cf. encadré ci-dessous).

L'exercice 2012 marquera l' achèvement de la réorganisation du dispositif de soutien des entreprises françaises à l'étranger , dorénavant partagé entre les services économiques pour ce qui concerne l'exercice des missions régaliennes et l'opérateur UBIFRANCE pour l'accompagnement commercial.

La forte croissance des exportations de vins vers la Chine

Au troisième trimestre 2011, les ventes de vins vers la Chine, y compris Hong-Kong, (hors champagne et vins mousseux qui ne représentent en Chine qu'une part minime des ventes) continuent de progresser fortement, pour atteindre 266 millions d'euros, soit une hausse de + 24 % par rapport au trimestre précédent. La Chine représente désormais 22 % des exportations françaises de vins, et devient le premier client de la France, devant le Royaume-Uni (13 %) et les Etats-Unis (11 %), ce dernier pays restant néanmoins le premier client pour l'ensemble des boissons.

Les exportations de vins vers la Chine bondissent au cours des cinq dernières années, avec une croissance moyenne de + 70 % par an, contre +3 % pour l'ensemble des ventes de vins. Cette progression tient à l'augmentation des volumes exportés et reflète aussi la montée en gamme des vins français achetés par les chinois.

Source : Douanes - Département des statistiques et des études économiques

Toutefois, quelque soit la compétence et l'efficacité des bureaux à l'étranger, il est indispensable qu'une bonne coordination s'instaure avec l'ensemble des acteurs, qu'ils soient basés sur le territoire national (notamment les réseaux consulaires) ou à l'international (l'union des chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger, les conseillers du commerce extérieur, les entreprises et prestataires délégataires de services publics, etc.). A cet égard, il faut s'interroger sur l'érosion des exportations française en matière agricole et agroalimentaire . Il s'agit incontestablement d'un secteur dans lequel la France est compétitive mais sa position est menacée. La France, encore deuxième exportateur mondial agroalimentaire à la fin des années 90 après les Etats-Unis, n'arrive depuis 2009 qu'au quatrième rang, après les Etats-Unis, les Pays-Bas et l'Allemagne . Aussi, serait-il souhaitable d' évaluer, dans le cadre des travaux de contrôle de la commission des finances, l'efficience du dispositif de soutien aux exportations agroalimentaires , en s'assurant notamment de la bonne coordination du Groupe SOPEXA, qui assure la promotion internationale des produits alimentaires français 11 ( * ) , avec l'opérateur UBIFRANCE.

3. Le tourisme international : valoriser un gisement de croissance et d'emplois

Enfin, le tourisme international constitue le troisième enjeu stratégique de la mission . Il contribue très positivement à l'excédent de la balance des paiements de la France même s'il faut constater un fléchissement des recettes liées au tourisme en 2010. Le solde demeure excédentaire, mais celui-ci a chuté en 2010 à 5,2 milliards d'euros, alors qu'il s'établissait à 7,8 milliards d'euros en 2009, soit un niveau équivalent au solde des exportations de l'industrie agroalimentaires (5,3 milliards d'euros).

Ainsi, la place du tourisme français à l'international s'érode (3 ème rang mondial derrière les Etats-Unis et l'Espagne en recettes globales et seulement le 7 ème rang au niveau européen pour le montant des recettes moyennes par touriste) et la part de marché de la France dans le tourisme mondial est passée de 6,4 % en 2000 à 5,7 % en 2009. Celle-ci est un pays de transit où les visiteurs ne séjournent pas suffisamment longtemps (en moyenne 6,7 nuitées en 2009).

Les recettes du tourisme international

Rang 1995

Rang 2009

Pays visités

Recettes 2009 (millions d'euros)

Evolution en % 2009/2008
(en $ US)

Recette moyenne par arrivée
(en $ US)

1

1

Etats-Unis

93,9

- 14,6

1 710

4

2

Espagne

53,2

- 13,6

1 019

2

3

France

49,4

- 12,7

643

3

4

Italie

40,2

- 12,0

931

10

5

Chine

39,7

- 2,7

780

6

7

Allemagne

34,7

- 13,3

1 434

5

6

Royaume-Uni

30,1

- 16,4

1 045

14

8

Australie

25,6

3,2

4 570

21

9

Turquie

21,3

- 3,2

835

7

10

Autriche

19,4

- 10,2

907

Source : organisation mondiale du tourisme

La troisième réunion du T20, tenue à Paris le 25 octobre 2011 dans le cadre de la présidence française du G20, consacrée à l'analyse de l'impact indirect du tourisme sur les économies, a montré que ce secteur représente, dans le monde, de façon directe 5 % du PIB, 3 % à 4 % des emplois, soit 100 millions d'emplois directs. Il représente aussi 6 % des exportations mondiales et 30 % des exportations de service.

Or, l'importance des activités touristiques pour l'économie française ne saurait être sous-estimée : celles-ci constituent un relais de croissance majeur (7,1 % du PIB) et une source d'emplois essentielle (235 000 entreprises et plus d'un million d'emplois directs). Ces considérations justifient un effort vigoureux et soutenu pour maintenir la compétitivité de notre pays en matière de tourisme.

La France dispose depuis 2009 d'un opérateur unique, Atout France, chargé du développement et de la promotion de la « destination France » mais le rapport d'information commun de votre commission et de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire 12 ( * ) , rendu public le 29 juin dernier, a mis en évidence que les ressources financières qui lui sont allouées demeurent inférieures à celles de notre principal concurrent européen, l'Espagne. Par ailleurs, la marque « Rendez-vous en France », qui doit devenir l'emblème commun de la promotion de la « destination France », connaît encore un déficit de notoriété qui doit être de toute urgence comblé sur le plan international.


* 1 Le déficit cumulé sur les neuf premiers mois de 2011 ressort à 72,2 milliards d'euros (données CVS).

* 2 Consensus Forecasts, octobre 2011.

* 3 Projet annuel de performances 2012 de la mission « Economie » - Présentation stratégique de la mission.

* 4 Annexe au projet de loi de finances pour 2012 « Effort financier de l'Etat en faveur des petites et moyennes entreprises ».

* 5 Source : DGFIP, INSEE et DGCIS.

* 6 Rapport d'information n° 403 (2010-2011) « Réindustrialisons nos territoires ».

* 7 Source : Douanes « Le chiffre du commerce extérieur » (8 novembre 2011).

* 8 En effet, si les ventes de véhicules automobiles se replient, celles des équipementiers bénéficient à l'export du dynamisme l'industrie automobile allemande qui est, par exemple, la première cliente de l'entreprise Faurecia devant les constructeurs français.

* 9 En revanche, les ventes de produits pharmaceutiques, qui avaient atteint un pic au plus fort de la campagne de vaccination contre la grippe A, sont en repli.

* 10 Brésil, Russie, Inde et Chine.

* 11 Le Groupe SOPEXA, constitué en société anonyme, est titulaire d'une délégation de service public du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, pour la promotion et la défense de la culture alimentaire française et l'accompagnement des entreprises sur les marchés extérieurs.

* 12 Rapport d'information n° 684 (2010-2011) « Le tourisme : un atout formidable pour la France » présenté par André Ferrand, rapporteur spécial, et Michel Bécot, président du groupe d'études du tourisme et des loisirs