MM. Christian BOURQUIN et André FERRAND, rapporteurs spéciaux

II. LE BUDGET 2012 : COMMENT DES CRÉDITS EN DÉCROISSANCE POURRONT-ILS SOUTENIR LA CROISSANCE ?

A. UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE CONTRASTÉE : UN EFFORT D'ÉCONOMIE INÉGALEMENT RÉPARTI

1. Une diminution globale des crédits de 2,6 %

La mission « Économie » porte l'ensemble des politiques concourant au développement de la compétitivité des entreprises françaises. La maquette budgétaire de la mission pour 2012 demeure inchangée depuis 2010 et comporte quatre programmes entre lesquels la répartition budgétaire des crédits demeure très hétérogène, tout en s'organisant autour de deux pôles.

Le premier pôle est constitué de deux programmes qui comportent l'essentiel des dépenses d'intervention en faveur des entreprises :

- le programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi » est le plus important en volume. Avec 1 012,47 millions d'euros de crédits, il représente 51 % du montant total de la mission, qui s'établit pour 2011 à 2 009,48 millions d'euros ;

- et le programme 223 « Tourisme » , qui recueille 50,6 millions d'euros , soit 2 % du total.

Le second pôle, regroupe les moyens de l'administration de la statistique publique et du pilotage budgétaire et fiscal de l'économie française (la direction générale du Trésor et la direction de la législation fiscale), autour de deux programmes :

- le programme 220 « Statistiques et études économiques » , qui retrace la dotation de l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) pour un montant de 445,5 millions d'euros (22 %) ;

- enfin, le programme 305 « Pilotage de l'économie et de l'emploi » , reçoit 506,81 millions d'euros (25 %).

Répartition par programme des crédits de paiements ouverts en 2012

Source: d'après le projet annuel de performances « Economie » annexé au projet de loi de loi de finances pour 2012

2. Une contraction des moyens attribués aux programmes porteurs de crédits d'intervention en faveur des entreprises et du tourisme

Par rapport aux crédits ouverts pour 2011, les dotations de la mission « Economie » pour 2012 enregistrent une diminution de 2,6 % . Cette contraction de près de 54 millions d'euros ramène l'enveloppe des crédits à 2 009 millions d'euros au titre du prochain exercice, au lieu de 2 063 millions d'euros cette année.

Si cette réduction des moyens semble s'inscrire dans les termes du cadrage du Premier ministre fixant le taux global de réduction des dépenses d'intervention à 10 % sur trois ans à partir de 2011, vos rapporteurs spéciaux relèvent qu'elle est inégalement répartie et regrettent tout particulièrement que l'effort d'économie n'impacte que les programmes 134 « développement des entreprises et de l'emploi » (moins 7 %) et 223 « Tourisme » (moins 12 %), ceux là mêmes qui comportent l'essentiel des crédits d'intervention en faveur des entreprises.

En revanche, les deux programmes de soutien à l'INSEE et à l'administration, constitués principalement de crédits de personnel et de fonctionnement, voient leurs crédits augmenter. Le tableau ci-après retrace l'évolution des dotations demandées entre 2009 et 2012.

Evolution des crédits de la mission « Economie » entre 2009 et 2012
(hors fonds de concours)

(en millions d'euros)

Programmes

Crédits consommés en 2009

Crédits consommés en 2010

Crédits ouverts en LFI 2011

Crédits demandés en PLF 2012

Solde
2011/2012

Evolution 2011/2012

Programme 134 -« Développement des entreprises et de l'emploi »

1 297,2

1 115,84

1 092,62

1 012,48

-80,14

-7,3%

Programme 223 -« Tourisme »

65,7

56,25

50,97

44,70

-6,27

-12,3%

Programme 220 -« Statistiques et études économiques »

435,1

448,46

434,59

445,50

10,91

2,5%

Programme 305 - « Stratégie économique et fiscale »

365,6

352,79

485,20

506,81

21,61

4,5%

Total

2 163,6

1 973,34

2 063,38

2 009,48

-53,90

-2,6%

Source : d'après le projet annuel de performances « Economie » annexé au projet de loi de finances pour 2012

Les changements de périmètre intervenus dans la composition du programme 305 du fait, d'une part, de la dévolution par la direction générale du Trésor à UBIFRANCE du soutien commercial des entreprises à l'export et, d'autre part, du changement des modalités de calcul de la rémunération des prestations réalisées par la Banque de France pour le compte de l'État 13 ( * ) ne permettent pas de véritablement tirer de conclusion pertinente pour l'ensemble de la mission.

En revanche, à périmètre comparable, il faut, là encore, signaler la forte contraction des crédits, depuis 2009, pour le programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi » (moins 22 %) et le programme 223 « Tourisme » (moins 32 %).

B. LA CONTRACTION DES MOYENS EST CONCENTRÉE SUR LES SEULES DÉPENSES D'INTERVENTION

1. Des dépenses de personnel et de fonctionnement préservées au détriment des dépenses d'intervention

L'analyse par catégorie de dépenses montre que l'objectif de réduction des dépenses de fonctionnement et d'intervention de l'Etat de 10 % sur trois ans, dont une diminution de 2,5 % en 2012, est atteint pour l'ensemble de la mission. Mais si l'on considère que la réduction des dépenses de fonctionnement (moins 0,9 %) compense la hausse légère des dépenses de personnel 14 ( * ) , il faut remarquer que l'effort est concentré sur les seules dépenses d'intervention , en pourcentage (moins 11 %) comme en volume (moins 54 millions d'euros).

Décomposition par titres des crédits de paiement de la mission « Economie »

(en millions d'euros)

LFI 2011

PLF 2012

Solde
2012/2011

Variation
2012/2011

Titre 2 : dépenses de personnel

932,72

939,27

6,55

0,7%

Titre 3 : dépenses de fonctionnement

638,56

632,84

-5,72

-0,9%

Titre 5 : dépenses d'investissement

5,76

5,12

-0,64

-11,1%

Titre 6 : dépenses d'intervention

486,34

432,26

-54,08

-11,1%

Source : d'après le projet annuel de performances « Economie » pour 2012

Sur 432 millions d'euros de dépenses d'intervention, la quasi-totalité sont affectés au programme 134 pour un montant de 396 millions d'euros (450 millions d'euros en 2011) et au programme 223 à hauteur de 8,7 millions d'euros (14,2 millions d'euros en 2011) : sur ces deux seuls programmes la contraction de ces crédits atteint 59,5 millions d'euros 15 ( * ) . Aussi, faut-il en conclure que le budget pour 2012 pénalise particulièrement les moyens d'intervention de la mission pour le soutien aux entreprises et le développement de leur activité et de l'emploi.

Au final, il peut paraître paradoxal qu'en période de croissance faible, soient revues à la baisse les seules dépenses de la mission susceptibles de soutenir l'activité et de produire un effet contra-cyclique face à la crise.

Les réductions les plus notables de ces dépenses d'intervention sont les suivantes :

- le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) enregistre une réduction de 23,1 millions d'euros, soit 36 % de sa dotation (40,9 millions d'euros en CP au lieu de 64 millions d'euros en CP en 2011) ;

- le développement et l'initiative en faveur des entreprises , moins 1,8 million d'euros (23,3 millions d'euros au lieu de 25,1 millions d'euros en 2011) ;

- la subvention aux centres techniques industriels (CTI) est réduite de deux millions d'euros (26 millions d'euros au lieu de 28 millions) ;

- la branche « garantie financière aux entreprises » est ramenée de 22,9 millions d'euros en 2011 à 5,9 millions pour 2012 (moins 17 millions), le groupe OSEO disposant de ressources propres suffisantes pour maintenir son activité sans dotation supplémentaire ;

- la dotation des politiques industrielles est diminuée de 1,6 million (63 millions d'euros au lieu de 64,6 millions en 2011) ;

- la compensation par l'Etat des surcoûts de la mission de service public de transport postal de la presse par La Poste s'établit à 152 millions d'euros contre 159 millions en 2011 (moins 7 millions d'euros) ;

- enfin, les dépenses de promotion de l'image touristique de la France sont ramenées de 5,1 millions d'euros à 1,54 million d'euros pour l'année prochaine (moins 3,5 millions d'euros) en raison de la fin de l'exposition universelle de Shanghai et du moindre coût de la préparation de l'exposition internationale 2012 de Yeosu en Corée du Sud.

Les suppressions de crédits ci-dessus énumérées ne représentent que 3 % du budget global de la mission. Pourtant elles portent sur des dispositifs particulièrement sensibles, notamment le FISAC, dans le secteur du commerce et de l'artisanat dans les territoires .

L'an dernier déjà, le Sénat avait été à l'initiative du relèvement, de 21 millions d'euros, de la dotation de ce fonds afin de le porter à 64 millions d'euros. Signe de l'insatisfaction manifestée par les élus locaux, nos collègues députés ont abondé de 1,842 million d'euros la subvention de l'EPARECA 16 ( * ) qui est prélevée sur la dotation de l'Etat allouée au FISAC, la portant ainsi de 6 millions à 7,842 millions d'euros.

Toutefois, ce transfert de crédits n'est pas satisfaisant, car, ce faisant, il soustrait le même montant du programme n° 220 « Statistiques et études économiques » , répartis à part égale entre les actions n° 3 « Information démographique et sociale » et n° 5 « Soutien » qui voient leurs dotations (hors dépenses de titre 2) ramenées respectivement de 2,89 millions d'euros à 1,969 millions et de 28,79 millions d'euros à 27,87 millions 17 ( * ) . Or, l'INSEE doit faire face à l'opération de délocalisation à Metz d'un centre statistique.

2. Les mesures supplémentaires de maîtrise des dépenses publiques limitent encore davantage la portée de la mission

En outre, il faut prendre en compte la minoration de 15,9 millions d'euros , en AE et CP, des crédits de la mission « Economie », adopté à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement en application du plan d'économies supplémentaires d'un milliard d'euros annoncé par le Premier ministre le 24 août 2011.

Cette diminution se répartit entre les quatre programmes, rendant encore plus sévère la contraction des moyens d'intervention.

Une minoration de 12,7 millions d'euros des crédits du programme « Développement des entreprises et de l'emploi » est opérée sur les dispositifs suivants :

-  8 millions d'euros sur les crédits d'intervention et de fonctionnement du programme (sont notamment économisés à ce titre 2,6 millions d'euros sur les actions collectives et de revitalisation, et 1,9 million d'euros au titre du développement des petites et moyennes entreprises ; il est à cet égard rappelé que les PME et les filières industrielles bénéficient par ailleurs du soutien important et croissant de l'État, notamment par l'intermédiaire de l'action d'Oséo et dans le cadre des investissements d'avenir) ;

- 4,7 millions d'euros sur les subventions pour charges de service public des opérateurs rattachés au programme (l'Agence nationale pour les services à la personne pour 2,5 millions d'euros, UBIFRANCE pour un million d'euros liés à un meilleur ciblage des interventions, l'Agence nationale des fréquences pour 0,6 million d'euros, l'Agence française pour les investissements internationaux pour 0,4 million d'euros et le Laboratoire national de métrologie et d'essais pour 0,2 million d'euros) ;

Une diminution de 1,7 million d'euros impactera les crédits du programme « Tourisme » , dont 0,8 million d'euros au titre de la subvention versée à Atout France, qui devra procéder à des économies sur ses charges de fonctionnement.

Les crédits du programme « Statistiques et études économiques » seront minorés de 0,5 million d'euros , cet ajustement impliquant le décalage sur l'année 2013 du renouvellement de certains matériels informatiques de l'INSEE.

Enfin, un million d'euros sont soustraits des crédits du programme « Stratégie économique et fiscale » au titre de la réduction du volume des audits et des études économiques de la direction générale du Trésor et de l'Agence des Participations de l'État (APE).

Après prise en compte de cette minoration de crédits, le budget pour 2012 s'établit à 1 993,58 millions d'euros et s'insère dans l'épure de la programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2011-2014, légèrement sous le plafond.

Programmation pluriannuelle de la mission « Economie »

(en milliards d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

1 ère loi de programmation 2009-2012

1,9

1,92

1,93

2 ème loi de programmation 2011-2014

2,063

2,042

2,02

Loi de règlement pour 2009

2,163

Loi de finances initiale pour 2010

1,934

Projet de loi de finances pour 2011

2,063

2,009

(1993,6 compte tenu de la minoration de crédits)

Sources : projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2011-2014 et projet annuel de performances 2012 de la mission « Economie »

La mise en oeuvre des mesures de maîtrise de la dépense publique qui avaient été identifiées pour définir l'annuité 2012 de la loi de programmation des finances publiques prend en compte les éléments suivants :

- l'application de la règle gouvernementale du non remplacement d'un départ à la retraite sur deux (-239 ETP pour un total de 12 691 ETPT pour 2012) ;

- et l'application des règles transversales concernant les dépenses de fonctionnement et d'intervention de l'État et de ses opérateurs : baisse des dépenses de fonctionnement et d'intervention de 2,5 % en 2012, après une baisse de 5 % en 2011, baisse des emplois sous plafond des opérateurs de 1,5 % par an.


* 13 Les années 2009 et 2010 ont été marquées par des sous-budgétisations récurrentes des dotations du programme 305 « Stratégie économique et fiscale » au titre du remboursement des prestations réalisées par la Banque de France pour le compte de l'Etat en matière de gestion des dossiers de surendettement. L'augmentation de 160 millions d'euros des crédits de ce programme en LFI 2011 était justifiée par l'obligation imposée par le système européen des banques centrales (SEBC) de facturer les prestations correspondantes à leur coût réel. Sur le plan budgétaire, ce seul motif a suffi à entraîner à la hausse les crédits de l'ensemble de la mission.

* 14 Les personnels du programme connaissent une évolution de leur rémunération liée au GVT (glissement - vieillesse - technicité) positif (effet de carrière). Cette évolution du GVT positif des agents présents a été provisionnée pour 3,5 millions d'euros représentant 1,06 % de progression de masse salariale.

* 15 Par rapport à 2011, la réduction des dépenses d'intervention sur les programmes 134 et 223 atteint 59,5 millions d'euros. Parallèlement, les dépenses d'intervention progressent de 5,4 millions d'euros pour les programmes 220 et 305.

* 16 Etablissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux.

* 17 Tous crédits confondus, la minoration de crédits sur les actions n° 3 et n° 5 ramène respectivement leur dotation de 58,377 millions d'euros à 57,456 millions et de 129,848 millions d'euros à 128,927 millions.