MM. Vincent Eblé et André Gattolin, rapporteurs spéciaux

II. LE PROGRAMME 131 « CRÉATION » : UNE ANNÉE 2015 MARQUÉE PAR LA PRÉSERVATION DES MOYENS DÉDIÉS AU SPECTACLE VIVANT ET AUX ARTS PLASTIQUES ET PAR LA FIN DU CHANTIER DE LA PHILHARMONIE DE PARIS

717,33 millions d'euros en AE et 734,26 millions d'euros en CP sont demandés en 2015 pour le programme « Création », soit une baisse de 1,2 % en AE (après une baisse de 3,5 % l'an dernier) et de 1,7 % en CP (après une baisse de 3,7 % en 2014).

Toutefois, cette évolution générale occulte des disparités entre les deux actions du programme . En effet, les crédits dédiés au soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant (action 1), qui représentent 91,5 % des moyens alloués au programme 131 « Création », diminuent de 1,17 % en AE et de 23,18 % en CP. Cette diminution n'est toutefois que faciale et s'explique par la fin des travaux de la Philharmonie de Paris, et l'évolution de ceux de l'Opéra Comique et du Théâtre national de Chaillot. Si l'on neutralise ces facteurs, les dépenses d'intervention en faveur du spectacle vivant sont stabilisées.

Entendu par votre rapporteurs spéciaux, le secrétaire général du ministère de la culture et de la communication a indiqué que cette évolution favorable se poursuivrait sur l'ensemble du triennal , dans un contexte marquée par la grande fragilité économique de ce secteur culturel . Cela confirme d'ailleurs les propos du Premier ministre, qui avait publiquement déclaré, au mois de juin 2014, dans le cadre des mesures annoncées pour résoudre le conflit des intermittents du spectacle, que le budget alloué à la création et au spectacle vivant serait « maintenu intégralement en 2015, 2016 et 2017 » 8 ( * ) .

Pour leur part, les crédits en faveur du soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques (action 2, 8,5 % des moyens du programme) baissent de 1,63 % en AE mais augmentent en CP (+ 4,59 %).

A. LE SPECTACLE VIVANT : DES MOYENS PRÉSERVÉS SUR L'ENSEMBLE DU TRIENNAL

Les crédits consacrés au spectacle vivant s'élèvent à 657,1 millions d'euros d'AE et 667,9 millions d'euros en CP.

Les subventions pour charges de service public des opérateurs du programme représentent 40 % en AE et 39 % en CP de l'ensemble des crédits affectés à l'action 1, proportion comparable à l'an dernier. Elles s'élèvent à 261,5 millions d'euros en AE=CP (contre 268,8 millions d'euros l'année dernière), dont 97,7 millions d'euros pour l'Opéra national de Paris et l'école de danse de Nanterre (contre 98,8 millions d'euros en 2014), 25 millions d'euros pour la Comédie française (contre 24,6 millions d'euros l'année dernière), 24,4 millions d'euros pour la Cité de la Musique (contre 22,8 millions en 2014), et 21,2 millions d'euros pour l'établissement public du parc et de la grande halle de la Villette (contre 20,6 millions en 2014).

Les dépenses d'intervention s'élèvent à 380,1 millions d'euros en AE et 381,3 millions d'euros en CP , la très grande majorité des crédits s'imputant sur les transferts de l'Etat aux associations (315,06 millions d'euros en AE et 314,76 millions d'euros en CP).

Dans la catégorie des dépenses d'intervention , les crédits d'investissement déconcentrés représenteront 16,8 millions d'euros en AE et 17,6 millions d'euros en CP , soit une baisse de 5,4 % en CP. 2015 sera la première année d'exécution des contrats de projets Etat-régions 2015-2020, ce qui explique la baisse des crédits de paiement : 6,55 millions d'euros de CP sont destinés à solder des opérations du précédent contrat de projet.

Les crédits d'investissement de l'action , à hauteur de 6,6 millions d'euros en AE et de 16,2  millions d'euros en CP, permettront la poursuite des chantiers prioritaires engagés, relatifs aux mises aux normes indispensables des équipements de l'État :

- 4 millions d'euros seront dédiés à la rénovation 9 ( * ) de l'Opéra comique . La seconde phase de travaux démarrera à l'été 2015, à l'issue de la saison. Pour mémoire, la première phase de travaux a été engagée en 2012 ;

- 4,87 millions de CP seront consacrés à l'opération de rénovation et de modernisation du Théâtre national de Chaillot . Le programme de travaux, planifié sur 24 mois, doit permettre l'adaptation du théâtre aux normes de sécurité et d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite. Le démarrage des travaux est effectif depuis l'été 2014, toutes les AE ont été engagées et les CP demandés pour 2015 permettront la poursuite de l'opération ;

- 6,6 millions d'euros en AE et 7,3 millions d'euros en CP permettront la poursuite des travaux de mise aux normes d'accessibilité, de sécurité et de fonctionnalité des autres bâtiments du spectacle vivant relevant de la responsabilité de l'Etat. Il s'agit notamment de la reprise des façades en béton du Centre national de la danse, des travaux de remise à niveau de l'outil acoustique et numérique à l'IRCAM, et des travaux d'aménagement et de sécurité à la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon.

B. LES ARTS PLASTIQUES : DES CRÉDITS DE PAIEMENT EN HAUSSE DE 4,9 %

Les crédits consacrés aux arts plastiques inscrits dans le projet de loi de finances pour 2015 s'élèvent à 60,6 millions d'euros en AE (contre 61,5 millions d'euros en 2014), soit une baisse de 1,5 %, et à 66,4 millions d'euros en CP (contre 63,3 millions en 2014), soit une hausse de 5 %.

Ces dotations doivent permettre de poursuivre l'effort en faveur des institutions d'art contemporain en région (soutien aux fonds régionaux d'art contemporain - FRAC) et de développer le soutien aux galeries d'art les plus fragiles, dans un marché fortement concurrentiel.

Les dépenses de fonctionnement s'élèvent à 14,5 millions d'euros en AE=CP et concernent essentiellement les subventions pour charges de service public des opérateurs de cette action, pour un montant de 10,7 millions d'euros : 7,5 millions d'euros en faveur du Centre national des arts plastiques  et 3,1 millions d'euros pour le musée de Sèvres - Cité de la Céramique. Ce poste intègre également 0,76 million d'euros de crédits au titre de la loi Sauvadet.

Les dépenses d'intervention s'élèvent à 40,5 millions d'euros en AE et 46,3 millions d'euros en CP . Les crédits centraux d'intervention (14,5 millions d'euros en AE=CP) sont identiques à 2014. Ils financeront le fonds de soutien aux galeries d'art (0,8 million d'euros) créé en 2014 , la subvention du Palais de Tokyo (6,5 millions d'euros), le Jeu de Paume (4,1 millions d'euros), le soutien aux métiers d'art (0,8 million) et les autres moyens d'intervention (2,3 millions d'euros en 2015).

Les crédits déconcentrés d'intervention (18,5 millions d'euros), en hausse de 1,1 % par rapport à 2014 , financeront, pour leur part, le soutien en faveur des initiatives territoriales.

Les crédits d'investissement déconcentrés (7,2 millions d'euros en AE et 13 millions d'euros en CP), en légère hausse en CP, financeront l'opération d'extension de la collection Lambert (4,6 millions d'euros de CP). En effet, l'agrandissement des locaux abritant cette collection, qui doit impérativement intervenir au plus tard le 15 juillet 2015, a vocation à rendre possible l'exposition permanente de la donation exceptionnelle faite à l'État en 2012 par Yvon Lambert . Celle-ci représentera un atout important pour l'attractivité culturelle de la région Provence-Alpes-Côte-D'azur (PACA).

En outre, 3,26 millions d'euros en AE et 4,42 millions d'euros en CP seront dédiés à la poursuite des travaux relatifs à des équipements structurants en région, notamment les sept fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) de nouvelle génération et le pôle du graphisme de Chaumont.

Enfin, 2,21 millions d'euros (AE=CP) seront alloués aux acquisitions d'oeuvres d'art par les FRAC, montant stable par rapport à 2014 .

C. LA PHILHARMONIE DE PARIS : UNE OUVERTURE ATTENDUE, DES QUESTIONS ENCORE EN SUSPENS

2015 verra l'ouverture de la Philharmonie de Paris, pour un coût final global de 381,5 millions d'euros . À titre de comparaison, le coût de la Philharmonie de Hambourg, dont la construction n'est pas achevée, est aujourd'hui estimé à 789 millions d'euros.

La subvention de fonctionnement globale du nouvel établissement prévue dans le projet de loi de finances pour 2015 s'élève à 9,8 millions d'euros .

La ministre a publiquement affiché de façon très volontariste son soutien à la Philharmonie de Paris, objet de polémique, qui doit contribuer au renforcement de l'attractivité culturelle du territoire francilien et oeuvrer pour la démocratisation des pratiques culturelles : « la Philharmonie de Paris est en train de s'achever : il s'agit d'un établissement magnifique, qui est une merveille architecturale, dotée d'une programmation ambitieuse et d'actions pédagogiques innovantes ouvertes sur des départements limitrophes de Paris. Je le soutiens fortement et ne laisserai personne gâcher son ouverture. Un récent conseil d'administration, dont l'Etat et la ville sont membres, a permis de voter le budget de fonctionnement de 2014. L'Etat s'est engagé à prendre en charge le financement des travaux et à faire en sorte que celui-ci soit assuré, car cette salle fera beaucoup pour l'attractivité culturelle de la capitale » 10 ( * ) .

Il conviendra donc d'évaluer attentivement la première année de fonctionnement de la Philharmonie. À cet égard, on pourrait envisager la création d'un indicateur de performance dédié au sein du programme 131 « Création ».

En outre, des questions demeurent quant à la prise en charge des surcoûts du chantier . En effet, à la suite de la décision de la ville de Paris de revoir les conditions de sa participation financière concernant notamment le surcoût de 45 millions d'euros, le Premier ministre a décidé, afin de permettre l'achèvement du chantier dans les temps, que l'État les assumerait intégralement. Au total, l'engagement de l'État s'élève donc à 203 millions d'euros .

Par ailleurs, à la demande du Premier ministre, une mission a été confiée aux services de la ville de Paris et du ministère de la culture afin d'évaluer les marges disponibles en matière de fonctionnement . Les conclusions, qui doivent être remises fin novembre, permettront de calibrer de façon définitive les montants respectifs que la ville et l'Etat dédieront au fonctionnement de la salle à partir de 2015.


* 8 Source : le Parisien du 19 juin 2014.

* 9 Un programme de travaux a été établi pour une estimation de 15 millions d'euros. Il comprend notamment la réalisation des travaux suivants : le regroupement des locaux du personnel, l'accessibilité pour le public et les personnels, les travaux de sécurité et de mise en conformité de l'édifice, et la restauration de la couverture et de la verrière.

* 10 Source : compte-rendu de l'audition de Mme Fleur Pellerin par la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, le 14 octobre 2014.