M. Philippe Dominati, rapporteur spécial

II. UN DOUBLE OBJECTIF DE PROGRESSION DES EFFECTIFS ET DE MAÎTRISE DE LA MASSE SALARIALE ATTEINT AU PRIX D'UNE FORTE RÉDUCTION DES MESURES CATÉGORIELLES

A. LA POURSUITE DES CRÉATIONS DE POSTES EN 2015 (À HAUTEUR DE 243 EMPLOIS)

Après la création de 288 postes en 2013 et 243 postes en 2014, le présent projet de loi de finances prévoit la création de 243 nouveaux postes en 2015 , soit 774 nouveaux emplois en trois ans.

La structure de l'emploi poursuit les évolutions engagées depuis deux ans, marquées par une déflation des corps de conception et de direction (les commissaires de police) ainsi que de commandement (officiers de police), dont les effectifs diminueraient de 203 ETP. Les effectifs des personnels administratifs et des ouvriers d'État seraient également réduits, à hauteur respectivement de 58 ETP et de 57 ETP.

En sens inverse, il est envisagé un renforcement des effectifs de plusieurs catégories : les personnels techniques (+ 131 ETP), les gradés et gardiens de la paix relevant du « corps d'encadrement et d'application » (CEA ; + 122 ETP), les personnels scientifiques (+ 187 ETP) et les adjoints de sécurité (+ 121 ETP).

7 254 entrées sont ainsi prévues en 2015 (dont 4 824 primo-recrutements), contre 7 011 sorties (dont 2 840 départs en retraite).

Le plafond d'emplois du programme s'établit à 145 197 ETPT en 2015, en progression de 1 591 ETPT , traduisant les effets en année pleine des créations d'emplois antérieures.

Outre les créations de postes, le préfet Jean-Marc Falcone, directeur général de la police nationale, a insisté, lors de son audition par votre rapporteur spécial, sur les redéploiements opérés pour remettre davantage de personnels de police sur la voie publique (redéploiements de zone de compétence, allègement des fonctions support en centrale, réorganisation internes aux directions, substitution des actifs par des administratifs, retrait des missions périphériques) : au total, 547 postes ont été redéployés en deux ans , soit une proportion équivalente à celle des créations de postes en 2013 et 2014 (à hauteur de 531 ETP) .

Ces redéploiements sont notamment consacrés au renforcement des moyens humains dans les 80 zones de sécurité prioritaires ( ZSP ), où les effectifs ont progressé de 284 postes en deux ans .

En outre, la priorité donnée à la lutte contre le terrorisme et le renforcement en conséquence des moyens de renseignement se traduit par la création prévue de 432 postes entre 2013 et 2018 (dont 94 en 2015) à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), parallèlement à la création du Service central du renseignement territorial (SCRT), doté de 202 agents en deux ans (2014 et 2015).

B. APRÈS UNE HAUSSE ENTRE 2014 ET 2015 À PÉRIMÈTRE CONSTANT, UNE STABILISATION ATTENDUE DE LA MASSE SALARIALE JUSQU'EN 2017 : LE RISQUE D'UNE MOINDRE ATTRACTIVITÉ DES MÉTIERS SOUS L'EFFET D'UNE BAISSE DRASTIQUE DES MESURES CATÉGORIELLES

1. La stabilisation des dépenses de personnel en 2015 par rapport à 2014 : le contrecoup d'une surévaluation des crédits de titre 2 en loi de finances initiale pour 2014

À périmètre courant , les dépenses de personnel (y compris les pensions) ne progresseraient que de 9,8 millions d'euros (+ 0,1 %) entre 2014 et 2015 , pour s'établir à 8,72 milliards d'euros.

Cette stabilisation est cependant le résultat d'une sous-consommation attendue des crédits de titre 2 en 2014. La sous-consommation provient d'une surévaluation du glissement vieillesse-technicité (GVT) lors de l'exécution du budget 2012, laquelle a servi de base à l'établissement de la prévision de masse salariale en 2014.

2. Une évolution de la masse salariale en 2015 toujours dynamique à périmètre constant...

Hors pensions et à périmètre constant , la prévision d'exécution de la masse salariale en 2014 s'établit à 5,765 milliards d'euros. En 2015, la masse salariale atteindrait 5,830 milliards d'euros, soit une progression de 65 millions d'euros (+ 1,13 %) , traduisant notamment les effets des schémas d'emplois 2014 et 2015 (+ 19,6 millions d'euros), des mesures catégorielles (+ 20,9 millions d'euros, en baisse de 8 millions d'euros par rapport au montant de 28,9 millions d'euros figurant dans la loi de finances initiale pour 2014), et du glissement vieillesse-technicité (+ 18,9 millions d'euros).

Plus des deux tiers des mesures catégorielles prévues en 2015 (14,6 millions d'euros sur un total de 20,9 millions d'euros) correspondent à l'extension en année pleine des mesures prises en 2014, principalement la revalorisation au 1 er septembre 2014 de la grille du corps d'encadrement et d'application (dont le coût s'élève à 13,6 millions d'euros).

Les mesures catégorielles prévues en 2015, pour un montant de 6,3 millions d'euros, comprennent la revalorisation des grilles des personnels de catégories B et C dans le cadre du nouvel espace statutaire (à hauteur de 4,6 millions d'euros) et l'adaptation de la nouvelle grille des personnels de catégorie B (1,1 million d'euros).

3. ... mais qui devrait se stabiliser entre 2015 et 2017, du fait du repyramidage des emplois et d'une forte baisse des mesures catégorielles qui comporte le risque d'une moindre attractivité des carrières

Si la masse salariale est en progression en 2015 à périmètre constant, les dépenses de personnel ne progresseraient en revanche que de 22,8 millions d'euros (soit + 0,39 %) entre 2015 et 2017 : elles s'établiraient en effet à 5 830,5 millions d'euros en 2015 ; 5 848,8 millions d'euros en 2016 et 5 853,3 millions d'euros en 2017.

Cette stabilisation attendue serait le résultat des modifications de structure (liées à la baisse de la part relative des cadres, cf. supra ), l'impact du schéma d'emplois ne s'établissant qu'à + 0,5 million d'euros en 2016 et + 4,4 millions d'euros en 2017 malgré la poursuite des créations de postes, et d'une très forte réduction des mesures catégorielles (de 20,88 millions d'euros en 2015 elles chuteraient à 13,62 millions d'euros en 2016 et à 0,65 million d'euros en 2017, soit un niveau historiquement bas de mesures catégorielles ).

La réduction continue des mesures catégorielles risque, à terme, de poser un problème d'attractivité des métiers de la sécurité, la baisse du taux de l'indemnité de sujétion spéciale de police (ISSP), entrée en vigueur en 2014, ayant d'ores et déjà constitué un premier frein au recrutement.

C. UN STOCK D'HEURES SUPPLÉMENTAIRES TOUJOURS À RÉSORBER : UNE DETTE DONT LE COÛT PEUT ÊTRE ESTIMÉ ENTRE 194 MILLIONS ET 322 MILLIONS D'EUROS

Statutairement, seul le corps d'encadrement et d'application de la police nationale peut bénéficier du décompte des heures supplémentaires. Pour les autres catégories de personnels, un principe de récupération s'applique 13 ( * ) .

Au 31 décembre 2012, le stock d'heures supplémentaires (HS) du corps d'encadrement et d'application a été estimé à 15 749 640 heures par le ministère de l'intérieur, réévalué à la hausse par rapport aux estimations antérieures (14,6 millions d'heures).

Sur la base d'un taux horaire de 12,33 euros, ce stock peut être ainsi estimé à 194 millions d'euros . Mais il s'agit d'une estimation basse : dans le cadre de la certification des comptes de l'État, la Cour des comptes requiert la constitution d'une provision, pour laquelle elle se fonde sur le coût horaire des gradés et gardiens de la paix relevant du corps d'encadrement et d'application, à hauteur de 264 jours de travail, soit 20,44 euros, ce qui conduit à un coût de 322 millions d'euros .

L'indemnisation d'une partie de ce stock est intervenue au cours du second semestre 2011 et du premier semestre 2012, pour un montant de 16 millions d'euros, correspondant à 672 865 heures.

Depuis juin 2012, dans un contexte budgétaire tendu, il est exclu d'envisager l'inscription de crédits budgétaires en loi de finances. Néanmoins, le stock de dette lié aux heures supplémentaires demeure .

À ce jour, cette situation semble être résolue par un ajustement des dates de départs en retraite des bénéficiaires du stock d'heures supplémentaires, ce qui conduit ainsi à fragiliser les effectifs.


* 13 À l'exception toutefois des heures supplémentaires des fonctionnaires affectés en CRS, indemnisées à hauteur de 23 millions d'euros par an, et prises en compte dans la masse salariale du programme « Police nationale ».