Règlement du budget de l'année 2006 (Urgence)

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, de règlement du budget de l'année 2006.

Sur proposition de la commission des finances, la conférence des Présidents a organisé, dans le cadre de la discussion de l'article 4 de ce texte, un débat - questions-réponses - consacré à la mission sécurité, cette après-midi, et un autre sur la mission culture, ce soir.

Discussion générale

M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. - Avec ce projet de loi de règlement, le premier présenté selon les canons de la LOLF - dont je salue l'un des pères fondateurs, M. Alain Lambert -, la discussion parlementaire change radicalement de sens pour devenir un exercice dynamique d'évaluation des politiques publiques qui permet de préparer l'année à venir. Plus rien ne justifie donc son caractère quelque peu confidentiel.

Avec ce texte, l'on mesure combien la LOLF constitue une avancée décisive : elle permet davantage de transparence comptable conformément aux exigences des Français, elle constitue un levier de modernisation de l'Etat grâce à la présentation interministérielle des crédits et à la logique de performance, elle donne aux parlementaires des moyens de contrôle approfondis sur le budget. Pour que cette avancée porte tous ses fruits, une dernière réforme s'impose : celle de la procédure parlementaire. J'y reviendrai après avoir présenté les résultats de l'année 2006.

Ceux-ci sont très satisfaisants et j'en rends hommage à mon prédécesseur ainsi qu'au président de la commission des finances, M. Arthuis, et au rapporteur général, M. Marini. Le déficit de 39 milliards reste élevé, mais est devenu nettement inférieur aux 45,7 milliards prévus en collectif. Cette amélioration est le fruit d'une stricte maîtrise des dépenses - l'autorisation parlementaire a été respectée pour la quatrième année consécutive et la progression des dépenses a été contenue au niveau de l'inflation - et des effectifs. La baisse du nombre d'emplois en équivalents temps a d'ailleurs été plus forte que fixée en loi de finances : 9 500, pour 5 300 prévus. Nous nous tiendrons à cette maîtrise de la dépense et à cette maîtrise des effectifs, éléments clés de la crédibilité de notre politique budgétaire.

La progression des recettes fiscales, principalement de l'impôt sur les sociétés, a également permis de consacrer le surplus dégagé, 10 milliards d'euros, à la réduction du déficit budgétaire.

Pour autant, la situation de nos finances publiques reste préoccupante. Evitons donc les querelles de clocher et les sempiternels procès en responsabilité pour tenter d'améliorer les performances de l'action publique. Ce texte, je l'ai rappelé, constitue une rupture, un véritable « Big Bang comptable » selon les termes du Premier président de la Cour des comptes, M. Séguin. Saluons à cette occasion le travail remarquable fourni par les administrations : pour la première fois, les comptes de l'État sont présentés selon une comptabilité générale de la même manière que les entreprises. Le bilan, le compte de résultat et le tableau des flux de trésorerie offrent une vision détaillée du résultat de l'exercice budgétaire et rendent compte de façon plus juste du patrimoine de l'État. Côté actif, les immobilisations sont désormais systématiquement recensées. Après réévaluation du patrimoine routier, des participations financières ou des stocks, nous avons décidé d'augmenter l'actif immobilisé de près de 200 milliards. Côté passif, les provisions comptables sont désormais enregistrées. Au total, le bilan fait apparaître au 31 décembre 2006 un actif net des amortissements et des dépréciations de 538 milliards, pour un passif de 1 131 milliards, constitué à 80 % de dettes financières. Pour mieux identifier les engagements de l'Etat, des informations nombreuses et enrichies ont été portées dans l'annexe au bilan. Par exemple, le besoin de financement des régimes spéciaux de retraite a été évalué à 230 milliards.

Cette réforme comptable répond à une exigence démocratique profonde, inscrite dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, telle que la société puisse demander des comptes à tout agent public de son administration. Pour autant, les efforts devront être poursuivis pour améliorer la qualité de l'information et parvenir à lever les réserves de la Cour des comptes. C'est le sens des engagements que nous avons pris vis-à-vis des certificateurs. Je compte sur votre vigilance pour que nous parvenions à notre but dans des délais raisonnables.

Deuxième rupture introduite par ce texte : les rapports annuels de performances. En effet, les RAP font du projet de loi de règlement un moment-clé, celui où l'on juge des résultats de chaque politique publique et des moyens mis en oeuvre pour les atteindre.

La loi de règlement sort ainsi de l'ombre pour devenir le moment privilégié du contrôle approfondi de l'exécution du budget : contrôle de la clarté des comptes et de l'efficacité des politiques publiques conduites. Elle devient ainsi une étape majeure de la procédure budgétaire, un peu à l'image de ces étapes de montagne qui constituent le point fort du Tour de France. La métaphore semble d'autant plus appropriée que, comme pour les cyclistes arrivés en haut du col, cette loi nous donnera de la visibilité pour le chemin qu'il faudra ensuite parcourir. (Sourires)

J'en viens au bilan de l'exercice auquel se sont livrées l'ensemble des administrations. Commençons par les imperfections, naturelles dans un premier exercice et pour une réforme aussi profonde, la définition et le calcul des indicateurs de performance n'allant pas de soi. En effet, quels critères peuvent rendre compte de l'efficacité d'une politique, par exemple en matière de lutte contre la maltraitance des personnes âgées ? Il faut repenser les buts poursuivis et les moyens mis en oeuvre. Il ne s'agit plus de montrer que tout va bien parce qu'on a consommé 99 % des crédits, mais de définir une stratégie, avec des objectifs ciblés, et de lui affecter les moyens nécessaires. C'est un changement culturel radical pour nos administrations, qui ne se fait pas en un jour. C'est aussi une démarche politique, car arrêter une liste limitée d'indicateurs, c'est hiérarchiser les priorités. Une fois ces indicateurs définis, il faut ensuite les exploiter. La mesure fiable des performances exige des systèmes d'information extrêmement élaborés, qui ne sont pas encore totalement opérationnels. C'est une deuxième cause d'imperfection.

Malgré ces imperfections, le bilan de ce premier exercice reste très satisfaisant. Il est le fruit de l'implication collective de l'ensemble des ministères. Les rapports annuels de performances nous apprennent d'abord l'utilisation que les responsables de programme ont faite de leurs crédits. Et je retiens, avant tout, l'appropriation des nouvelles souplesses de gestion offertes par la LOLF. Les nouvelles modalités de mise en réserve de crédits ont parfaitement répondu aux attentes, en donnant aux ministères la visibilité nécessaire sur les crédits disponibles, en toute transparence vis-à-vis du Parlement. Les ministères ont pleinement exploité les leviers offerts par la loi organique et ont pu financer la plupart des besoins apparus en cours de gestion par redéploiement au sein des programmes, en dégageant notamment des marges sur la masse salariale. Ces redéploiements -cette « fongibilité asymétrique », pour employer le vocabulaire de la LOLF- ont porté, dès cette première année, sur 400 millions d'euros.

Les RAP nous apprennent ensuite le coût réel des politiques publiques, véritable nouveauté. Grâce à l'apport de la comptabilité générale, le Parlement et les citoyens ont une image beaucoup plus juste du coût complet de ces politiques, même si des progrès restent encore à faire sur le recensement des immobilisations, des stocks ou des provisions. Ces progrès renvoient aux réserves exprimées par la Cour des comptes, nous y répondrons par une amélioration permanente.

Enfin, les rapports annuels de performance permettent de connaître Ies résultats des politiques publiques, avancée majeure pour le citoyen, le contribuable, l'usager et, par conséquent, le parlementaire : le citoyen constatera, par exemple, que nous obtenons des résultats tangibles dans la lutte contre la fraude, le contribuable sera sensible à l'amélioration de la productivité des juridictions administratives et l'usager, enfin, observera que le calendrier de versement des aides PAC aux exploitants agricoles est respecté, en 2006, à plus de 97 %. Tous les objectifs fixés n'ont pas été atteints, mais, pour un premier exercice, le bilan est plutôt satisfaisant : sur l'ensemble des indicateurs de performance qui peuvent être analysés, le taux de réalisation atteint 60% ; 20 % sont en progrès ; seuls 20 % ne traduisent pas de réelle amélioration.

Avec la LOLF, le Parlement a voulu revaloriser notre loi de règlement pour en faire un moment de vérité budgétaire, ce qui permet un contrôle plus efficace de l'action du Gouvernement. Le Parlement s'appropriera progressivement cette réforme. Il en a apporté la preuve, dès l'an dernier, en organisant l'audition de ministres et de responsables de programmes sur l'exécution de leur budget en 2005 ; il l'a fait aussi cette année, même si les circonstances politiques lui ont rendu la tâche plus difficile. Nous devons maintenant faire évoluer la procédure budgétaire elle-même. Le Président de la République et le Premier ministre ont évoqué ce sujet à plusieurs reprises. L'objectif est de concentrer davantage l'attention du législateur comme du Gouvernement sur le projet de loi de règlement et, en particulier, sur les rapports annuels de performances.

Le rééquilibrage par rapport au projet de loi de finances initiale permettra l'exercice d'une vraie responsabilité des ministres qui ne seront plus jugés uniquement sur le volume du budget qu'ils obtiennent, mais sur la mise en oeuvre des politiques publiques dont ils sont responsables et dans la limite des moyens qui leur sont alloués : il y aura une exigence de résultat, comme dans toute entreprise. Cette rénovation de la procédure budgétaire conforterait ainsi le « chaînage vertueux » mis en place par la LOLF en articulant la discussion du projet de loi de règlement de l'exercice n - 1, le débat d'orientation budgétaire sur la période n + 1 à n + 3 -qui donne lisibilité et visibilité à nos finances publiques-, et enfin, la présentation du projet de loi de finances de l'année n + 1, établi sur la base des prévisions de la loi de finances de l'année n, mais aussi sur les résultats concrètement obtenus l'année n - 1. C'est le chemin que nous empruntons puisque sont successivement inscrits à l'ordre du jour de cette semaine le projet de loi de règlement du budget 2006 puis le débat d'orientation budgétaire pour les trois prochaines années.

Je suis favorable à ce que nous engagions rapidement la réflexion avec votre commission des finances, afin que l'examen de la loi de règlement devienne un grand rendez-vous annuel d'analyse et de jugement de I'action de l'État. Grâce à cette boîte à outils complète dont nous disposerons bientôt, nous aurons, Gouvernement et Parlement réunis, tous les moyens nécessaires pour améliorer notre stratégie budgétaire. Il nous reviendra alors de faire preuve de volonté politique pour assainir le budget de notre pays. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous entrons dans la trilogie budgétaire de l'été.

Mme Nicole Bricq. - Chic !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous allons aujourd'hui tirer les leçons de la gestion passée, avec la loi de règlement pour 2006. Demain, nous prendrons du recul pour regarder à l'horizon de la législature avec le « débat d'orientation budgétaire » (DOB). Enfin, avec Mme Lagarde nous examinerons les premières mesures fiscales mises en oeuvre par le nouveau gouvernement pour favoriser la croissance. Et je me réjouis que le Parlement ait enfin en face de lui un ministre des comptes publics, et un seul, pour débattre des budgets de l'Etat, de la sécurité sociale, des collectivités locales ainsi que des agences et organismes divers qui en dépendent.

Ce projet de loi de règlement est le premier à être présenté dans les formes prévues par notre sacro-sainte « Constitution budgétaire et financière ». Mais notre commission des finances souhaite modifier son intitulé et elle présentera un amendement à ce sujet. A l'expression « projet de loi de règlement », réductrice et un peu punitive, elle préfèrerait « projet de loi portant règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2006 ». Cette modification imposerait une commission mixte paritaire dans les derniers jours de la session parlementaire -occasion de retrouvailles toujours conviviales entre sénateurs et députés. Mais si, monsieur le ministre, vous vous engagiez à tenir compte de notre demande pour l'an prochain, peut-être la commission apprécierait-elle cet engagement.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Peut-être, peut-être ...

M. Philippe Marini, rapporteur général - Comme l'an dernier, notre procédure prend en compte la nature nouvelle de nos diligences. Ainsi neuf ministres sont-ils prêtés de bonne grâce au jeu des questions et réponses. Nous voulons aussi participer à la modernisation de l'institution parlementaire, dans ce que M. le président Arthuis a dénommé « petit hémicycle », qui sera poursuivie ce soir dans le grand hémicycle. Ces débats interactifs traiteront de questions concrètes pour mieux apprécier la réalité des efforts fournis afin d'améliorer la gestion de nos administrations publiques.

Symétrique du rapport général sur la loi de finances initiale, celui que je présente aujourd'hui comporte un premier tome consacré à l'exposé général et un second qui rassemble les analyses portant sur les rapports annuels de performance, avec les appréciations de chaque rapporteur spécial. Je souligne encore une fois que, dans notre tradition, les rapporteurs spéciaux issus de l'opposition ont les mêmes prérogatives que les autres ; ils en usent d'une manière équitable.

L'analyse du projet de loi de règlement -que nous espérons aussi rapport de gestion- est fondée sur les éléments transmis par le Gouvernement et, pour la première fois, sur ceux émanant de la Cour des comptes, car le certificateur des comptes de l'État nous assiste dans notre démarche d'explicitation et de transparence.

Vous savez que la Cour des comptes a certifié les documents afférents à l'exercice 2006, avec certaines réserves. Ce n'est pas anormal en soi : toute personne connaissant tant soit peu la comptabilité d'entreprise sait que, dans l'élaboration d'un nouveau bilan, l'obtention d'une certification sans réserve ne saurait être immédiate. La Cour des comptes a explicité la gradation de ses réserves et les champs sur lesquels l'action des pouvoirs publics devra se porter pour les éliminer.

J'en viens à la très grande innovation de la loi organique : l'émergence d'une comptabilité patrimoniale. Quelles conséquences en tirer pour la gestion ? Ce qui nous inquiète n'est pas que la situation nette de l'État soit négative de 600 milliards d'euros, car nous ne savons pas valoriser le pouvoir régalien de lever l'impôt. (M. le ministre approuve.) En revanche, je relève que la situation nette s'est détériorée entre le 1er janvier et le 31 décembre 2006. Nous devrons nous livrer à des comparaisons pour mieux conduire le contrôle parlementaire du patrimoine de l'État. Surtout, les comptes patrimoniaux sont perfectibles, car l'État doit consolider davantage ses agences et opérateurs. Vous l'avez fait pour les effectifs, mais mon propos s'applique à la comptabilité bilancielle, domaine où il reste d'importants progrès à réaliser. Ainsi, est-on certain qu'il existe une ligne claire, cohérente et constante entre les provisions pour risques et charges inscrites au bilan d'État et les engagements hors bilan ? Il y a là un champ d'investigation important, que nous exploiterons au maximum, dans les limites de nos responsabilités.

J'en viens aux rapports et indicateurs de performance. J'ai fait figurer dans le rapport non un palmarès, mais une liste de programmes ordonnée du mieux au moins bien piloté, mais nos propres méthodes sont perfectibles. Disons que la réussite de certains programmes se quantifie mieux que celle d'autres et que certains indicateurs ne sont pas simples. De nombreux rapports annuels de performance comportent un nombre significatif d'indicateurs non renseignés ; ils ne sont donc pas nécessairement adaptés aux capacités des services et au domaine couvert.

L'année 2006 est la dernière de la précédente législature, donc le socle de la nouvelle législature et de la nouvelle présidence. Il y a quelques mois, nous avions souhaité que le précédent Gouvernement établisse une base suffisamment ferme avant de quitter les affaires. Il s'est convenablement acquitté de sa tâche nous devons en rendre hommage à l'ancien Premier ministre et à vos prédécesseurs. En effet, pour la première fois depuis 2001, le solde primaire de l'État est équilibré, c'est-à-dire que l'État n'emprunte plus pour financer sa dette. Au sens de Maastricht, la part de la dette dans le PIB est gelée : elle n'est passée, en l'année 2006, que de 1 137 à 1 142 milliards. Bien sûr, il ne faut pas être dupe de certains éléments, comme l'optimisation fort opportune de la gestion de trésorerie -qui s'est traduite par un recul apparent de deux points de PIB- car cette optimisation ne saurait être pérenne. De même, la forte sensibilité du solde à la cession d'actifs publics a été encore une fois démontrée en 2006.

À l'inverse, certains facteurs préoccupants persistent. Tout d'abord, s'il est vrai que les autorisations parlementaires de dépense ont été respectées pendant la législature précédente, s'il est vrai que la norme « zéro volume » est respectée pour le budget de l'État, cette rigueur n'appréhende pas l'ensemble de la réalité à contrôler. Au demeurant, vous envisagez d'aller plus loin, puisqu'en 2008 le champ de cette norme engloberait les prélèvements sur recettes, évolution vertueuse ! Mais je n'ai pas entendu de clairs propos sur deux éléments significatifs. Ainsi, les agences et caisses d'affectation de toute nature -qui se sont multipliées et développées alors que la LOLF devait à les limiter- sont-elles soumises à la norme « zéro volume » ? Et je souhaite un engagement analogue pour les dépenses fiscales. (On approuve sur les bancs UC-UDF.)

Il est trop facile de créer des dégrèvements et des encoches dans l'assiette d'imposition en les faisant échapper à la norme plafonnant le budget ! Pour le solde, un euro de dépense fiscale est équivalent à un euro de dépenses budgétaires. Donc, tout en mesurant les difficultés de méthode, la commission souhaiterait que vous la rassuriez, monsieur le ministre, sur la maîtrise de la dépense fiscale.

La maîtrise des prélèvements obligatoires, on le sait, conditionne la compétitivité et l'attractivité de notre pays ; elle ne peut reposer sur autre chose que sur la maîtrise de la dépense publique au sens large. La loi de règlement pour 2006 établit clairement les efforts que la France doit encore consentir pour retrouver une nouvelle dynamique et une croissance au service de toutes ses couches sociales. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Arthuis, président de la commission. - L'expression paraîtra galvaudée, à force d'usage, mais je n'hésite pas à qualifier d'historique la séance de ce jour : le Sénat, sous la Vème République, n'a jamais consacré une aussi large part à l'examen de la loi de « reddition des comptes ». Il manifeste ainsi sa volonté d'être un acteur à part entière de la réforme de l'État et conforte son rôle irremplaçable parmi les institutions de la République, au service de notre pays et de nos concitoyens. Nous pouvons tous en être fiers.

Ce texte vient couronner le premier exercice budgétaire entièrement conçu, pensé et exécuté sous l'empire d'une nouvelle Constitution budgétaire qui doit tant à la volonté du Parlement ! La loi de règlement est bien la loi de la vérité budgétaire. Or, nous anticipons les nouvelles procédures d'examen des lois de finances, telles que vous venez de les appeler de vos voeux dans un courrier à M. le Président du Sénat. Pour un travail parlementaire plus efficace, et pour assumer pleinement nos prérogatives budgétaires, nous devrons consacrer moins de temps à I'examen des projets de loi de finances initiale, mais davantage à celui des lois de règlement. Nos travaux de contrôle doivent être présentés aux ministres, responsables des programmes ; nos analyses, issues de multiples contrôles sur pièce et sur place, nous conduisent à formuler des propositions concrètes pour réformer l'État et maîtriser la dépense publique. Cette approche sonne le glas des propos généraux dépourvus de conséquences pratiques, la gesticulation fait place à l'action !

Nous avons ainsi su faire passer aux fruits budgétaires la promesse des fleurs... Nous avons mis sous tension les responsables de l'exécutif, donnant tout leur sens aux dispositions de l'article XV de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen : « La société a le droit de demander des comptes à tout agent public de son administration ».

Je salue l'engagement des quarante trois rapporteurs spéciaux qui, au-delà des clivages partisans, ont apporté leur contribution à cet édifice en passant au crible les trente six missions budgétaires. Merci à tous nos collègues qui ont participé aux neuf auditions de ministres en « petit hémicycle » : nous avons démontré notre capacité à trouver des formes alternatives à la « sacro sainte » discussion en séance plénière. J'exprime également notre gratitude aux trois ministres qui vont se succéder aujourd'hui pour répondre aux questions sur l'exécution de budgets dont ils n'ont pas toujours eu la charge. C'est là une manifestation éclatante de la continuité républicaine à laquelle nous sommes si attachés !

Je me réjouis tout spécialement de l'établissement de la situation patrimoniale de l'État et, pour la première fois, de la certification de sincérité par la Cour des comptes : je l'appelais de mes voeux depuis dix ans, c'est le fruit d'un effort admirable de l'ensemble des administrations gestionnaires, en particulier de la Direction générale de la comptabilité publique. Nous devrons désormais nous faire une opinion sur chacun des éléments du patrimoine de l'État. Nous serons particulièrement attentifs à l'évaluation des risques encourus, notamment des contentieux - notre collègue Mme Keller, rapporteur spécial de la mission Écologie et développement durable, nous a récemment alertés sur les risques liés au contentieux environnemental. Un champ nouveau de contrôle s'offre à nous, relevons ce formidable défi.

Ce bilan serait incomplet si j'oubliais de mentionner le rôle essentiel joué par la Cour des comptes dans l'exercice de sa mission constitutionnelle d'assistance au Parlement et de saluer notre rapporteur général qui, avec le talent que nous lui connaissons, et lui envions, sait en présenter la brillante et lumineuse synthèse ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Joël Bourdin. - Cette loi de règlement, la dernière de la précédente législature, traduit les bons résultats de la politique de maîtrise des dépenses de l'État et de réduction du déficit budgétaire, engagée depuis 2002. Elle est à ce titre le socle de la nouvelle présidence et de la nouvelle législature. C'est également la première à être présentée dans les conditions fixées par la LOLF, avec une approche patrimoniale et des rapports annuels de performance, nouveaux outils de transparence démocratique, de contrôle parlementaire et de réforme de l'État.

Sur le fond, M.  le ministre, vous avez raison de souligner les bons résultats budgétaires et financiers enregistrés en 2006. Le déficit budgétaire s'établit à 35,7 milliards, 39 milliards ou 39,5 milliards, selon les régularisations prises en compte, mieux que les prévisions. L'État enregistre un solde primaire proche de l'équilibre, la croissance de la dette est enrayée. Ces bons résultats s'expliquent par une augmentation des recettes liée au retour de la croissance mais aussi par une stricte maîtrise des dépenses : pour la quatrième année consécutive, l'autorisation parlementaire a été strictement respectée, la règle du « zéro volume » a été appliquée et la totalité du surplus de recettes fiscales a été consacrée au déficit budgétaire. Enfin, la baisse du nombre d'emplois en équivalents temps plein s'établit à 9 500 contre 5 300 prévus.

Notre rapporteur général a cependant raison de souligner les fragilités de la situation budgétaire. Le groupe UMP salue la clarté de l'analyse : plus-values fiscales, régularisations comptables, opérations de trésorerie, cession d'actifs, écarts d'évaluation sont autant d'éléments à prendre en compte pour mesurer les efforts de gestion réalisés depuis 2002, mais aussi l'ampleur des réformes qui restent à accomplir pour parvenir à un équilibre durable des comptes publics, conformément aux engagements du Président de la République.

Grâce à la LOLF, nous disposons pour la première fois d'une approche patrimoniale des comptes de l'État qui permet de mieux mesurer les investissements, les amortissements, les provisions, les stocks. Les nouveaux outils techniques nous éclairent sur les enjeux politiques auxquels nous devons faire face. Les engagements de l'État au titre des retraites des fonctionnaires s'élevaient à 941 milliards au 31 décembre 2006 ; le besoin de financement des régimes spéciaux de retraite, à 230 milliards. Réfléchissons à l'ampleur de cette « dette invisible » de l'État, et aux moyens d'y faire face.

Grâce aux rapports et indicateurs de performance, nous pouvons comparer les résultats obtenus aux objectifs affichés en loi de finance initiale. Le coût réel des politiques publiques apparaît également de manière plus juste grâce à la prise en compte des charges, amortissements ou provisions.

L'organisation de débats spécifiques sur les missions Sécurité et Culture, l'audition de neuf autres ministres en commission élargie, le palmarès des services de l'État rendu public par notre rapporteur général, font suite aux nombreuses missions de contrôle budgétaire effectuées par notre commission. Ces initiatives nous permettent d'aborder avec sérénité le débat sur la modernisation de la procédure budgétaire et le renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement annoncés par le Président de la République.

C'est dans cet esprit de transparence, de performance et de responsabilité, que le groupe UMP aborde cette semaine l'examen de ce projet de règlement mais aussi le débat d'orientation budgétaire et la discussion du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. (Applaudissements à droite)

M. Aymeri de Montesquiou. - La LOLF annonçait le grand soir de la réforme budgétaire. Je regrette que nous ne consacrions que deux heures et quelques questions à examiner la bonne exécution de mesures votées en loi de finances, même si je me réjouis que neuf ministres soient venus rendre des comptes en « petit hémicycle ».

Le projet de loi de règlement arrête le déficit définitif de l'État à 39 milliards contre 45,7 en loi de finances initiale. Faut-il se réjouir de cette bonne nouvelle ? Cette baisse n'est pas due à une politique déterminée de réduction des dépenses, mais à un surcroît de recettes, principalement de l'impôt sur les sociétés. La résorption du déficit courant a une nouvelle fois été reportée, laissant espérer au mieux un retour à l'équilibre en 2012. M. le ministre, pouvez-vous justifier ce nouveau report qui limite les marges de manoeuvre de l'État et remet en cause la place que la France retrouve à peine dans l'Union européenne ? Pour que les Français soient disposés à fournir l'effort indispensable, il faut que l'État soit exemplaire.

Le taux de prélèvements obligatoires a gagné 0,4 point en 2006 pour se situer à 44,2 % du PIB, dans le peloton de tête de l'OCDE. Sur 78 milliards de richesses nouvelles, 39 sont partis directement dans les caisses des administrations publiques. Vers quelle société allons-nous ? Toute richesse produite a-t-elle vocation à devenir propriété de l'État ?

La dette publique reste beaucoup trop élevée, à près de 65 % du PIB. Son encours est même reparti à la hausse en raison de l'augmentation des taux. Malgré une embellie, notre croissance est encore structurellement trop faible pour dépasser le seuil du solde stabilisant : il faudrait au moins 3 % par an pour passer sous le seuil des 60 % et obtenir un budget excédentaire d'ici 2010. Or la plupart des instituts tablent sur une fourchette de croissance de 1,8 à 2,1 %, 2,8 % pour Goldman Sachs en 2008.

En apparence, la norme de dépenses de l'État a été respectée. Mais il faut y intégrer les prélèvements sur recettes et les dépenses fiscales, comme le recommandent la Cour des comptes et le président Arthuis ! Les prélèvements sur recettes reversés à l'Europe - 16 milliards en 2006 - et aux collectivités locales, sont des dépenses, qui vont augmenter ! Avec les remboursements liés à la réforme de la taxe professionnelle et à l'allègement de la taxe sur le foncier non bâti votés en 2006, l'affectation aux régions de fractions de TIPP ou de la PPE, 72 milliards d'euros de remboursements et dégrèvements manquent au périmètre des dépenses. Je déplore que la dépense fiscale devienne un mode de gouvernance économique, hors de tout contrôle.

Certaines mauvaises pratiques budgétaires persistent, comme la sous-budgétisation chronique des opérations extérieures de la mission Défense. Les reports de charge -  9,3 milliards en 2006  - altèrent la sincérité des comptes de l'État. Sur ce point, la nouvelle nomenclature comptable ne pourra qu'être bénéfique.

Reste la dette de 7 milliards que l'État a contractée vis-à-vis du régime général et du régime agricole de la sécurité sociale à laquelle vont s'ajouter 11 milliards de déficit prévisible de la sécurité sociale pour cette année, sur fond de dette sociale de 120 milliards ? Pourquoi mettre tant de temps à honorer cette dette, alors que la sécurité sociale est en déficit chronique ? Ces dérapages ne peuvent plus être tolérés, je connais votre détermination à redresser les comptes.

Le ministre de l'économie et des finances a présenté le paquet fiscal comme un « pari dont les mesures bénéficieront à tous ». Ce pari va coûter 13 milliards d'euros ! Quid de sa mise en oeuvre ? Les Français en veulent-ils vraiment ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - En tous cas, ils l'ont voulu : c'est la mise en oeuvre des engagements auxquels ils ont souscrit !

M. Aymeri de Montesquiou. - Il nous faudrait une croissance d'au moins 3 % pour que ces mesures n'aient pas d'impact négatif sur nos soldes. Et que se passera-t-il si la croissance reste autour de 2,1 % ?

Mme Nicole Bricq. - Les Français paieront !

M. Aymeri de Montesquiou. - La Banque de France table sur 1,6 %, le FMI sur 2 %, l'INSEE sur 2,1 %, la Commission européenne et l'OCDE sur 2,2 %, en dessous de votre propre fourchette de 2,25 % à 2,5 %. Permettez-moi de dire mon inquiétude : le préalable à toute politique expansionniste réside plutôt dans une réforme structurelle de réduction des dépenses. Allons chercher les économies là où elles sont comme nos voisins européens !

Vous n'êtes pas responsable du budget de 2006, M. le ministre. Mais toujours reculer devant l'obstacle n'est pas de bonne politique. J'espère que je n'aurai pas à réitérer l'an prochain ces réserves. L'État apparaît à beaucoup comme un grand corps malade, sa guérison deviendrait très douloureuse.

Mais du passé nous faisons table rase (murmures à gauche) et ce sont vos objectifs que nous retenons ; c'est pourquoi une majorité du groupe RDSE et moi-même voterons cette loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et au centre)

M. Bernard Vera. - Au moment du vote sur la loi de finances pour 2006, mon collègue Thierry Foucaud soulignait que la justice sociale commande une fiscalité plus juste et plus respectueuse de l'égalité devant l'impôt. Les impôts progressifs en France sont peu nombreux -impôt sur le revenu, droits de mutation, impôt de solidarité sur la fortune- et représentent une trop faible part de l'ensemble des ressources : l'impôt sur le revenu fournit 17 % des recettes fiscales seulement. L'imposition de la fortune et du patrimoine sont très basses alors que 10 % des ménages possèdent 45 % du patrimoine total !

Il faut renforcer la redistribution. Pourquoi un traitement de faveur pour les revenus financiers ou fonciers ? Pourquoi tant d'exonérations offertes aux détenteurs d'actions ? L'école, la formation, le logement, la culture, la recherche, la santé publique et l'aménagement du territoire exigent plus de moyens, afin de favoriser le progrès social et économique. Vous avez privilégié les cadeaux fiscaux aux plus riches, au détriment de la dépense publique. La loi de finances pour 2006 ne favorise ni l'emploi, ni le logement, ni le pouvoir d'achat. Le Gouvernement refuse de reconnaître l'urgence sociale. Ce budget n'était pas bon au regard des besoins de la grande majorité des Français.

Aujourd'hui, vous vous félicitez d'une situation financière améliorée pour l'Etat. Elle n'est qu'apparente ; et les catégories modestes et moyennes en paient le prix. Ce n'est pas la croissance qui a amélioré le solde budgétaire. Le Rapporteur général évoque lui-même une croissance « décevante » et, pour la première fois depuis 1998, « nettement inférieure à celle de nos principaux partenaires ». Ce sont les ressources fiscales qui ont augmenté par rapport aux prévisions : recettes de l'impôt sur le revenu, TVA, produits de l'enregistrement et impôts assimilés comme l'ISF, et plus encore, impôt sur les sociétés. Malgré la faiblesse de la croissance, malgré les trente-cinq heures, la situation des entreprises est loin d'être dégradée, voyez l'évolution du CAC 40 et la capitalisation boursière... Les plans de licenciement, les délocalisations et les opérations de LBO occupent l'actualité sociale ; mais tout va pour le mieux sur le front de la rentabilité financière. Les recettes de l'impôt sur les sociétés progressent, malgré tous les outils légaux d'évasion fiscale, malgré le report en arrière illimité des déficits, malgré l'allégement sur les plus values de cession d'actifs.

Le second grand facteur de réduction des déficits, c'est la compression de la dépense publique. Les crédits ouverts n'ont pas été consommés en totalité, et la dépense publique a été, selon le terme pudique du rapporteur général, « contenue ». On peut s'en flatter ; la réalité, hélas, est moins positive. La structure même des dépenses publiques a été profondément transformée. Nous dénoncions la prise en charge par le budget de l'Etat d'une part croissante des cotisations sociales employeur, par prélèvement sur la valeur ajoutée. Le cantonnement de ces dépenses dans une structure ad hoc a réduit sensiblement les dépenses d'intervention de l'Etat. Le versement du RMI puis de l'APA a été transféré aux départements. Pour l'exercice 2002, le déficit se montait à 49,3 milliards d'euros, supérieur donc de plus de 13 milliards à celui d'aujourd'hui. Mais les dépenses d'intervention en 2002 représentaient 14 milliards d'euros de plus et les dépenses d'équipement public étaient supérieures de 15 milliards. Les interventions concrètes de l'Etat ont fondu et l'effort d'équipement public n'a jamais été aussi bas. On dépense trois fois plus pour servir les intérêts de la dette que pour investir dans l'avenir du pays. On dépense cinq fois plus à réaliser des opérations financières sur titres de dette publique qu'à équiper la France et à développer ses infrastructures.

Si en 2006 le volume de la dette négociable a été stabilisé, c'est grâce à d'énormes opérations de cession de titres publics, notamment participations dans les sociétés autoroutières. Et l'on annonce à présent la cession d'encore 5 % du capital de France Télécom ! En attendant, peut-être, quelques points du capital d'Electricité de France ? Du reste, après cette « stabilisation », on a observé, dès janvier 2007, une soudaine hausse de 43 milliards d'euros du volume de la dette négociable, avec un record pour les bons du Trésor à court et très court terme !

De plus, les comptes sociaux, malgré les réformes Fillon et Douste-Blazy -ou à cause d'elles- se dégradent fortement. Entre 1997 et 2002, notre régime de protection sociale avait dégagé des excédents de trésorerie de plus de 30 milliards de francs. Depuis 2002, d'année en année, la détérioration s'accélère, avec un déficit de 12 milliards d'euros encore cette année. Si bien que certains proposent d'aller encore plus loin dans le démembrement de notre système de protection sociale, jusqu'à l'assurance individuelle, dont les « franchises » sur soins sont la dernière mouture. C'est donc aussi en ponctionnant les comptes de la sécurité sociale que vous avez réduit le déficit budgétaire de l'Etat, ne serait-ce que parce que vos politiques de l'emploi ont favorisé les bas salaires, le temps partiel et l'emploi précaire. Les choix économiques et sociaux de votre majorité, tels que mis en oeuvre par les précédents gouvernements et tels que vous poursuivis par le projet de loi « Travail, emploi et pouvoir d'achat » creusent les inégalités. En fait de « rupture », chère au président de la République, il y a seulement aggravation d'une politique qui fait perdre la France.

C'est le budget d'une France malade de la précarité, du chômage, de la rentabilité financière, du déficit commercial, de la désindustrialisation, que vous nous demandez de valider. Ayant une autre conception de l'action publique, nous ne pourrons que confirmer notre position en loi de finances initiale : nous ne voterons pas votre loi de règlement. (Applaudissement à gauche)

M. Marc Massion. - Avec la LOLF, l'examen des résultats des politiques menées devient un moment fort de la vie politique. Le calendrier parlementaire a été bouleversé ; cela ne m'empêchera pas, monsieur le ministre, de vous faire connaître toutes nos réserves quant à l'exécution du budget 2006 : car ce projet de règlement confirme les inquiétudes que nous avions formulées l'an dernier. La présentation des comptes est séduisante...mais elle fait l'impasse sur de nombreuses opérations ; ce n'est pas de bonne méthode. L'affichage ne masquera pas durablement la réalité.

Cette loi de règlement pour 2006 est une première. De gros efforts ont été demandés aux administrations, la LOLF étant une petite révolution culturelle ! (M. Arthuis, président de la commission des finances, s'en félicite) Cependant, alors que le gouvernement doit déposer ce texte devant le Parlement, au plus tard le 1er juin de l'année qui suit l'exécution budgétaire, alors que le rapport de la Cour des comptes annexé et le nouveau rapport de certification des comptes de l'Etat ont été remis le 29 mai, et alors qu'il avait promis un dépôt le 6 juin, le gouvernement nous a fait attendre jusqu'au 27 juin. Les délais n'ont donc pas été respectés. Vous prenez dès la première année un risque d'inconstitutionnalité.

Concernant la portée du contrôle, d'importants progrès restent à accomplir. La Cour des comptes a insisté sur les difficultés à interpréter les résultats de la gestion budgétaire, du fait des retards dans la remise des RAP mais aussi de leur qualité inégale. Seuls 70 % des indicateurs en moyenne étaient couverts. Ces documents sont pourtant la base de notre analyse de l'exécution budgétaire. Quant aux treize réserves émises par la Cour concernant la certification des comptes, personne n'est dupe, le document cette année n'a aucune valeur mais j'espère que nous disposerons demain de tous les éléments nécessaires à l'analyse des comptes de l'Etat.

Sur le fond, j'exprime ici tous nos doutes quant aux résultats affichés pour 2006. L'embellie économique dont vous faites état est de bien faible portée, et la France reste bien en deçà des performances de la zone euro, en particulier de celles de l'Allemagne.

Et le solde du commerce extérieur s'est encore largement dégradé, faute, pour le gouvernement, d'avoir impulsé un repositionnement sectoriel de notre économie.

Le gouvernement n'a pas su activer les leviers de politique économique pour bénéficier à plein de l'amélioration de la conjoncture, et corriger significativement la dérive. De plus, l'amélioration des comptes publics en 2006 est superficielle. Elle a été obtenue au prix d'opérations de caisse et de mesures « à un coup », grevant les marges de manoeuvre financières de l'État pour l'avenir. C'est au prix de mesures conjoncturelles et non reconductibles que le gouvernement peut afficher en 2006 un reflux de la dette de l'État dans le PIB (63,7 %), après quatre années d'augmentation exponentielle. On reste cependant loin de l'objectif de 60 % du PIB. Du reste, le poids de la dette publique augmente encore en volume pour atteindre 1 142,2 milliards d'euros au 31 décembre 2006.

Cette situation est aggravée par l'inconstance du gouvernement, qui n'a pas préparé la France à faire face aux dépenses liées au vieillissement démographique : le Fonds de Réserve des Retraites n'a pratiquement pas été abondé ! C'est un reflux de circonstance, puisque vraisemblablement les choses se sont de nouveau gâtées dès le début de l'année 2007 : l'INSEE relève que le poids de la dette a de nouveau augmenté au premier trimestre pour remonter à 65 % du PIB... Cette embellie a donc été de courte durée !

Cela était prévisible, puisque l'amélioration affichée en 2006 ne tient qu'à des mesures non reconductibles, qui -selon l'excellent rapport de la Cour des comptes- « ne constituent pas une voie structurelle de désendettement ». Il s'agit principalement des opérations de privatisation et de cession de titres qui atteignent un niveau historique à 16,7 milliards d'euros. Or, c'est un « fusil à un coup ». Pour pouvoir afficher une réduction de son endettement, l'État vend les bijoux de famille et se prive de recettes pérennes et de leviers d'action dans des secteurs stratégiques.

Vous avez mis en oeuvre des mesures de « gestion active de la trésorerie », qui, selon la Cour des comptes, ont produit l'essentiel de leurs effets potentiels en 2006. Vous vous targuez d'obtenir un solde primaire proche de l'équilibre pour la première fois depuis 2001. Pourtant, le déficit public n'est revenu qu'au niveau du « solde stabilisant », soit celui qui stabilise le ratio d'endettement, mais ne le réduit pas. Du reste, en volume, le déficit reste près de deux fois supérieur à ce qu'il fut en 2001. Un mois et demi de dépenses sont aujourd'hui encore financés par le déficit.

Pour que la part de la dette publique dans le PIB se réduise dans les années futures, il faudrait que le déficit public soit ramené sensiblement en deçà de 2,5 % de la richesse nationale. Les premières tendances pour 2007 contredisent la réalisation de cet objectif. En repoussant les échéances de réduction des déficits et de la dette de 2010 à 2012, le président conforte ce sentiment... Vous le savez, vous aurez bien du mal à atteindre les 2,4 % de déficit en 2008 avancé in extremis pour calmer les critiques de nos partenaires européens. M. le rapporteur général en a administré la preuve : pour tenir vos engagements, vous devrez baisser de plus de 80 milliards d'euros les dépenses publiques sur la législature. C'est un pari ambitieux... voire présomptueux ! Sauf à ce que vous vidiez de leur contenu les principales politiques publiques... Fin mai 2007, la dette financière de l'État avait donc augmenté de 43 milliards d'euros, ce qui prouve, s'il en était besoin, que le reflux affiché en 2006 était un mirage.

Quant aux prélèvements obligatoires, je n'insisterai pas sur l'objectif affiché lors de la campagne par le président de les réduire de quatre points sur la législature...

Plusieurs voix sur les bancs socialistes. - Mais si ! Parlons-en !

M. Michel Sergent. - M. Sarkozy l'a clairement annoncé.

M. Marc Massion. - En 2006, leur niveau atteint 44,2 % du PIB , après 43,8 % en 2005, en augmentation pour la troisième année consécutive... Comment pensez-vous y arriver ? Allez-vous maintenir cet objectif ? Le rapport Pébereau, largement cité en ce moment, préconisait de ne pas toucher au niveau des prélèvements obligatoires avant d'avoir rétabli durablement la situation des comptes publics...

Le solde budgétaire est au coeur de l'exercice qui nous occupe aujourd'hui. Aux termes du projet de loi de règlement, le déficit budgétaire de l'État pour 2006 s'établit à 39 milliards d'euros, soit près de 8 milliards d'euros de mieux que vos prévisions en loi de finances initiale. Cet affichage relève pour une part non négligeable d'opérations de caisse.

L'analyse de la Cour des comptes est sans concession : elle démontre que des décaissements ont été repoussés au-delà de l'exercice 2006, alors que des encaissements ont été anticipés.

Ainsi, plusieurs dépenses n'ont pas été prises en compte dans le règlement du budget pour 2006, à hauteur de plus de 500 millions d'euros. Les reports de charges sur l'exercice 2007 ont été largement augmentés, au premier rang les dettes (de plus d'un an) à l'égard de la sécurité sociale (plus de 5 milliards d'euros).

Le budget 2006 a bénéficié de recettes doublement exceptionnelles. En premier lieu, les rentrées fiscales ont été sous-estimées lors de la construction de la loi de finances.

Elles ont augmenté de plus de 20 milliards d'euros, soit 10 milliards d'euros de plus que prévu, principalement en raison du produit de l'impôt sur les sociétés, en hausse de 6 milliards d'euros.

Qu'avez-vous fait de ces recettes fiscales supplémentaires ? Selon le rapporteur général de l'Assemblée nationale, seuls 30 % d'entre elles ont été affectés à la réduction des déficits, contrairement à vos promesses d'affecter tout surplus de recettes à la baisse des déficits.

En second lieu, ce budget a bénéficié de recettes exceptionnelles, là encore non reconductibles. La Cour des comptes nous indique ainsi que vous avez utilisé les soldes excédentaires de plusieurs opérateurs publics, à hauteur de 4,75 milliards d'euros, pour réduire le déficit de l'État. Sans parler du prélèvement exceptionnel que vous avez opéré sur le fonds de garantie à l'accession sociale, à hauteur de 1,4 milliards d'euros. Ce prélèvement avait été vivement contesté par notre groupe au Sénat, et il a été dénoncé par la Cour des comptes.

Vous avez affiché avec aplomb le respect de la norme de dépense fixée en 2006. Mais cela a été permis par des débudgétisations massives. Ainsi, des dépenses importantes ont été financées de manière extra- budgétaire ; je note aussi une forte tendance au remplacement des dépenses budgétaires par des affectations de recettes : depuis 2004, elles ont augmenté de 50 %. C'est un artifice commode pour afficher une évolution contenue des dépenses. La mission Écologie et développement durable, et en son sein le financement de l'ADEME, est d'ailleurs emblématique de ce constat. Mais cela contrevient au principe d'universalité budgétaire.

Quant à la régulation budgétaire, en 2006, le gouvernement a plus que jamais détourné l'utilisation des décrets d'avance, portant ainsi préjudice à la sincérité du budget de l'État. C'est contraire au droit, mais cela réduit aussi l'efficacité des politiques mises en oeuvre au travers des missions et programmes du budget de l'État, en modifiant en cours d'année les arbitrages adoptés au Parlement.

La Cour des comptes elle-même souligne que la majorité des ouvertures de crédits opérées par le biais de ces décrets d'avance, normalement justifiés par un critère d'urgence, sont emblématiques de la sous évaluation « significative et récurrente » des dotations budgétaires initiales.

Il s'agit des crédits inscrits au titre des opérations extérieures (OPEX) et des opérations de maintien de la paix (OMP), des crédits du fonds de garantie des calamités agricoles (FNGCA), des dotations du fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire (FNADT) pour l'exécution des contrats de plan, des crédits destinés au financement de l'hébergement d'urgence et de la prise en charge des personnes en situation de précarité et des dotations des dispositifs d'aide à l'emploi, pour un total de près de 1,14 milliards d'euros, soit 70 % des crédits ouverts par décret d'avance en 2006 !

Or, dans plusieurs cas, les crédits annulés pour financer ces ouvertures ont dû être de nouveau abondés en loi de finances rectificative : ainsi la mission Défense a bénéficié de 323 millions d'euros de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative, après avoir subi des annulations en cours d'exécution à hauteur de 491,6 millions d'euros. Cela n'est pas digne des exigences de la LOLF : il s'agit d'un détournement pur et simple des outils de régulation budgétaire.

En raison des irrégularités constatées dans les comptes d'exécution, tant en recettes qu'en dépenses, le fait que le niveau de déficit ait été réduit par rapport aux prévisions initiales n'est donc pas un gage d'amélioration effective des comptes publics. Les premières tendances pour 2007 le confirment. De nombreuses opérations budgétaires et comptables n'ont eu pour seule visée que de masquer la réalité budgétaire.

Monsieur le ministre, ce budget 2006 ne respecte pas le principe de sincérité cher aux auteurs de la LOLF ! La France reste donc dans une situation d'endettement et de déficits élevés, et non maîtrisés. Or, le niveau de la dette et des déficits publics est préoccupant, parce qu'ils ne servent pas à financer des dépenses d'avenir, ou à alimenter la croissance économique.

Ce budget 2006 désobéit au principe d'équité entre les générations, puisqu'en laissant filer la dette publique vous faites payer aux générations futures le poids des dépenses actuelles non financées. Les conséquences sont néfastes pour la France. Notre pays devient vulnérable à la remontée des taux d'intérêt entamée depuis la fin de l'année 2005.

L'absence de maîtrise de l'endettement limite fortement les marges de manoeuvres financières et fiscales des gouvernants, pour relancer notre économie, mais aussi pour faire face au surcroît de dépenses lié au vieillissement de la population. Cela ne semble pas arrêter votre gouvernement, qui présente un « paquet fiscal » estimé à 15 milliards d'euros de moindres recettes fiscales annuelles. Or, ces mesures s'adressent à une population qui majoritairement n'en a pas besoin. Parallèlement, vous multipliez les annonces qui ne manqueront pas d'entraîner de nouvelles dépenses pour le budget de l'État.

Vous avez dû repousser les engagements pris par la France en matière de réduction des déficits publics à 2012. Le pari que vous faites pour la France est très risqué, et repose sur des hypothèses bancales. Si vous ne remplissez pas vos objectifs, ce seront une nouvelle fois, et vous le savez, les plus fragiles qui en feront les frais. En matière de politique économique et budgétaire, vous ne semblez pas être dans la rupture mais bien dans la continuité avec vos prédécesseurs, une continuité aggravée !

Nous ne voterons pas le projet de loi de règlement du budget 2006. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nos efforts d'ouverture sont mal récompensés !

M. Jean-Jacques Jégou. - Notre rendez-vous d'aujourd'hui est à nos yeux d'une importance capitale. M. le Président de la commission des finances l'a qualifié à juste titre d'historique. Même si nous sommes plus nombreux dans l'hémicycle que d'habitude pour un tel texte, nous aurions pu espérer encore plus d'intérêt de la part de nos collègues...

C'est en effet un texte capital pour notre pays, car il permet de faire le bilan d'une année de gestion des comptes de l'État. La loi de règlement est une loi de ratification et de constatation. Elle permet de constater le montant des dépenses et des recettes de l'année écoulée, de ratifier l'exécution des opérations non autorisées en loi de finances initiale, et d'établir le compte de résultat.

Capital, ensuite, pour les finances publiques et leur encadrement, car cette loi de règlement est la première à conclure un cycle complet de la LOLF. Capital, enfin, pour les parlementaires, car elle symbolise notre pouvoir d'intervention et de contrôle sur l'administration publique.

Je salue tout d'abord la diminution de 4,5 milliards d'euros du déficit budgétaire. Je ne sais pas si celui-ci s'élève à 35,5 milliards ou à 39, mais il est en tout cas inférieur à celui qui avait été voté en loi de finances initiale. Je salue également le quasi-équilibre atteint pour le solde primaire. Je suis toutefois plus sceptique sur la manière dont ces résultats ont été obtenus.

Concernant les recettes, le surplus de 10 milliards est dû à des rentrées exceptionnelles de l'impôt sur les sociétés, de la TVA et de l'impôt sur le revenu. Félicitons-nous de cette aubaine mais restons prudents. Je m'élève, d'autre part, contre la cession massive de biens de l'État pour diminuer sa dette : sur les 14 milliards apportés par la vente des autoroutes, 13 ont été affectés au remboursement de la dette, mais l'État ne pourra pas chaque année donner l'image de bien gérer ses finances en cédant une partie de son trésor !

Nous nous félicitons que le plafond des dépenses voté par le Parlement ait été respecté. Cependant, la présentation qui en est faite n'est pas encore satisfaisante, faute d'être exhaustive. Les prélèvements sur recettes à destination des collectivités locales et de l'Union européenne constituent une véritable dépense qui a augmenté de près de 1,8 milliards d'euros entre 2005 et 2006 et qui ne figurent pas dans les dépenses. De même, il serait bon d'y inclure les différents remboursements et dégrèvements.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Juste remarque.

M. Michel Charasse. - Un prélèvement sur recettes est une dépense.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Absolument.

M. Jean-Jacques Jégou. - Qui pourrait croire que la Prime pour l'emploi et la prime de Noël ne sont pas des dépenses ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Des dépenses saisonnières !

M. Jean-Jacques Jégou. - Enfin, l'agencisation croissante de l'État doit être contrôlée. Avec une présentation sincère des dépenses, c'est-à-dire élargie, notre rapporteur général estime que la croissance des dépenses atteindrait 5,6 % entre 2005 et 2006.

Je regrette que la dette de l'État ne diminue pas encore. Sa présentation occulte les engagements financiers qui constituent la dette implicite. Il serait plus sincère de présenter aussi les engagements hors-bilan : avec les pensions civiles et militaires, les régimes spéciaux, les partenariats public-privé et les prêts à taux zéro, on atteint les 1 200 milliards, ce qui double une dette qui atteint 1 142,2 milliards. À quoi il faut ajouter une dette sociale qui s'est encore dégradée, pour atteindre 121 milliards d'euros, soit 6,8 % du PIB.

La situation économique de la France n'est pas du tout satisfaisante. Notre croissance économique atteint à peine 2 %, ce qui est très inférieur à la moyenne de la zone euro dont nous sommes, avec l'Italie, le plus mauvais élève.

Nous ne pouvons plus augmenter les recettes. Avec un taux de 44,2 % de prélèvements obligatoires en 2006, nous avons atteint un record mondial. Ce taux s'est même aggravé de 1,5 point sur les dix dernières années, alors que l'Allemagne, qui avait un taux de prélèvements obligatoires déjà inférieur au nôtre, l'a diminué pour atteindre 34,7. Nous ne pouvons plus que diminuer nos dépenses.

Cela m'amène à parler de la LOLF, sur la mise en oeuvre de laquelle ce débat est l'occasion de faire le point, même s'il est bien bref. Le fameux « chaînage vertueux » le serait davantage si nous pouvions réellement examiner la loi de règlement et ses annexes, plutôt que de les expédier en une journée au cours de la session extraordinaire.

Je souhaite également vous faire part d'une certaine déception : les rapports annuels de performances sont certes très utiles, mais nous manquons de temps pour les étudier. Les indicateurs de performance sont trop nombreux et parfois peu significatifs. Faudra-t-il des indicateurs de la performance des indicateurs ?

Les missions ne sont certes pas liées de façon immuable à des ministères, mais j'aimerais être rassuré sur la pérennité des périmètres des missions pour les prochaines lois de finances.

Afin de contrebalancer ces propos, je me réjouis de la tenue du séminaire de lancement de la révision générale des politiques publiques le 10 juillet dernier. Comme l'a dit la Cour des comptes dans ses réserves sur la certification des comptes pour 2006, il faudra aller plus loin dans la modernisation de l'État, notamment en matière d'audits ou d'amélioration des systèmes d'informations.

L'équilibre des pouvoirs évolue dans notre pays. Si le pouvoir du président de la République s'accroît, celui du Parlement doit être renforcé simultanément. Pour rendre véritable notre pouvoir de contrôle de l'utilisation des fonds publics, nous avons besoin de plus de temps et de moyens, humains que financiers. Cela passe aussi par un véritable rapprochement de la Cour des comptes et de nos deux commissions des finances. (Applaudissements au centre)

M. Eric Woerth, ministre. - Je rends hommage à vos travaux et tout particulièrement à la procédure suivie en petit hémicycle.

Recenser les engagements de l'État ? L'enjeu est effectivement très important, pour améliorer l'information du Parlement. Un travail considérable a été fait, qui reste certes à approfondir s'agissant des contrats de plan ou des partenariats public-privé. Reste que vous avez indiqué la bonne direction.

Institutionnellement, la création d'un ministère des comptes publics est une innovation de poids qui devrait permettre de ne plus céder à de vieilles tentations comme celles de la sous-budgétisation et de l'instrumentalisation financière entre les divers budgets. Nous allons prendre des mesures très fortes, améliorer les relations financières entre l'État et la sécurité sociale, et faire en sorte que la dette de celle-ci cesse d'être une épine et ne soit plus qu'un mauvais souvenir. C'est une exigence financière mais aussi symbolique.

Élargir la norme de la dépense ? Nous le ferons. Encore faut-il que ce soit une dépense pilotable. S'agissant, par exemple, du prélèvement européen, certains éléments en sont pilotables mais pas les autres.

Certains sénateurs se sont émus du coût des nouvelles dépenses fiscales. Pour l'heure, on ne peut le budgéter de manière précise. Mais il ne faudrait pas oublier que ces mesures visent d'abord à créer de la croissance, et non à amoindrir les recettes de l'État. Et puis, il n'est pas toujours aisé de faire le départ entre coût brut et coût net.

M.  Arthuis, nous vivons effectivement un moment historique de « chaînage vertueux » pour reprendre les termes de M. Marini. Faire apparaître les pensions ou encore les régimes spéciaux dans le bilan serait prématuré, mais cette piste de réflexion devra être explorée en tenant compte du caractère international de la norme comptable. Reste que l'État ne doit pas se décharger de ses obligations de maîtrise des dépenses et des effectifs sur les organismes extérieurs, j'en suis également convaincu. Pour ce faire, les opérateurs doivent adopter les règles auxquelles l'État s'est soumis.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !

M. Eric Woerth, ministre. - Il en va de notre crédibilité. Chacun a souscrit aux observations du rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est un motif de satisfaction.

M. Eric Woerth, ministre. - Un hommage à votre lucidité. M. Bourdin, vous avez montré que la situation de nos finances publiques, malgré les bons résultats de 2006, est fragile. J'en conviens. Il faut nous engager fermement sur la voie du désendettement de l'État. Les engagements hors bilan, je le répète, sont une question politique plus que comptable.

M. de Montesquiou, je suis d'accord avec vous pour dire que la priorité est la maîtrise des dépenses publiques. Mais plutôt que de dire, il faut faire ! En parallèle de cet effort sans précédent, nous avons élaboré une stratégie ambitieuse : les nouvelles dépenses fiscales visent, par exemple, à créer un véritable choc de confiance en vue de relancer la croissance. Il s'agit de dire aux Français que la valeur travail est au coeur des engagements de la majorité présidentielle.

M. Vera, rassurez-vous, la réduction du déficit et de la dette est l'un des premiers objectifs de ce gouvernement. Pour y parvenir, nous devons adopter des réformes structurelles. Le Président de la République, outre sa force de persuasion naturelle, a fait valoir cet argument pour convaincre nos partenaires européens de repousser à 2012 le retour à l'équilibre budgétaire. Le gouvernement n'a nullement l'intention de sacrifier l'avenir des générations futures. (Marques d'ironie à gauche)

M. Massion, selon vous, ce projet de loi aurait été déposé tardivement. Veuillez noter que le calendrier parlementaire a été quelque peu bousculé par les élections (Exclamations à gauche) et que je me suis exprimé devant la commission des finances, à son invitation, sur ce projet de loi de règlement avant que l'Assemblée nationale élise son bureau. S'agissant de la dette, attendons la fin de l'année 2007 pour obtenir des estimations fiables. Quoi qu'il en soit, nous voulons la réduire, et non l'augmenter. (Mme Nicole Bricq le conteste) Votre réaction prouve qu'il est parfois difficile de changer les mentalités. Nous sommes persuadés que les réformes structurelles sont nécessaires. (M. Michel Charasse s'exclame.) Le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, la réforme des régimes spéciaux de retraite, la fin de l'indexation sur la croissance des concours de l'Etat aux collectivités, toutes ces réformes permettront le retour à l'équilibre des finances publiques.

M. Jégou, vous avez légitimement souligné l'importance de l'évaluation générale des politiques publiques qui a, semble-t-il, échappé aux journalistes... Cette démarche, initiée par le Président de la République et le Premier ministre, consiste à se poser sans tabou des questions simples telles que « à quoi sert cette dépense ? », « peut-on s'organiser autrement ? », « la dépense a-t-elle été évaluée ? » ou encore « comment progresser ? ». Pour l'heure, la politique de modernisation, que l'on avait menée notamment au moyen d'audits, avait peu porté de fruits car elle souffrait d'un manque de pilotage. Le Président de la République, membre du comité de réflexion mis en place, est le seul à posséder l'autorité suffisante pour mener un tel chantier à bien. Pour réduire les dépenses publiques, il faut d'abord juger de leur efficacité.

Je remercie les orateurs de la qualité de leur intervention (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Les articles 1er, 2 et 3 sont adoptés.

Article 4

M. le président. - Dans le cadre de l'examen de cet article 4, relatif aux autorisations d'engagement et aux dépenses arrêtées par missions et programmes, la Conférence des présidents a décidé d'organiser deux débats sur l'exécution des crédits des missions Sécurité et Culture.

Débat sur la mission Sécurité

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois. - La loi de finances pour 2006 est le premier budget à avoir être examiné, voté et exécuté selon les règles de la loi organique du 1er août 2001. C'est aussi la première à faire l'objet d'un rapport annuel de performances à l'occasion de la loi de règlement pour 2006. Appliquée à la sécurité, la LOLF parachève les efforts entrepris dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) pour rapprocher et coordonner l'action de la police et de la gendarmerie nationales et pour développer une culture du résultat et de l'efficacité.

L'exécution du budget 2006 a été conforme aux prévisions de la loi de finances initiale et les résultats obtenus dans la lutte contre la délinquance dépassent parfois les ambitieux objectifs fixés. Le taux d'élucidation, en particulier, est supérieur aux prévisions. Ces excellents résultats sont en phase avec la politique menée depuis 2002 aussi bien par votre prédécesseur que par vous-même lorsque vous aviez la responsabilité de la gendarmerie nationale. Tous les grands programmes d'équipements sont menés au rythme annoncé. Il en va de même de la réorganisation de la police et de la gendarmerie nationales avec la réforme des corps et carrières et le plan d'adaptation des grades aux emplois. J'espère que le budget 2007 sera aussi bien exécuté et qu'il permettra de mener à son terme la LOPSI, en attendant la future loi d'orientation que tout le monde appelle de ses voeux.

Le rapport annuel de performances pour 2006, le premier du genre, essuie les plâtres en quelque sorte et il convient donc d'être indulgent. Toutefois, il faut noter sa faible lisibilité qui ne permet pas toujours de faire ressortir les mouvements de crédits et les décalages entre la loi de finances initiale et l'exécution. On peut également regretter l'absence d'un réel bilan du taux d'exécution de la LOPSI à la fin de 2006 mais je suis certain que le prochain exercice permettra d'améliorer cela. De même, le non-renseignement de certains indicateurs de performance ainsi que leur modification d'une année sur l'autre ne facilitent pas un suivi pluriannuel.

L'indicateur du taux d'emploi des CRS montre qu'ils ont été employés à 59 % en 2006 sur des missions de sécurité publique contre seulement 36 % sur des missions classiques, d'ordre public : résultat inattendu puisque l'objectif fixé initialement était seulement de 44 % d'emploi en sécurité publique. Cette évolution est propre aux CRS puisque dans le même temps l'emploi des gendarmes mobiles a varié en sens inverse. Madame le ministre, s'agit-il d'un résultat conjoncturel ou d'une véritable différenciation des missions des deux forces, les CRS étant progressivement orientés vers des missions de sécurité publique tandis que les gendarmes mobiles feraient surtout du maintien de l'ordre ? La question est importante au moment où l'on débat du rapprochement police-gendarmerie et du bon dimensionnement des forces mobiles. Par ailleurs, l'implication croissante des forces mobiles sur des missions de sécurité publique pose le problème de l'articulation entre une police d'intervention et une police locale, pour ne pas dire de proximité. Avez-vous engagé une réflexion sur cette question ?

Le taux de réalisation des formations prioritaires n'a pas atteint l'objectif de 95 % en 2006 et il a même été inférieur à ceux de 2004 et 2005. Comment s'explique ce résultat et pouvez-vous indiquer quelles formations prioritaires ont été le plus affectées ? Une réflexion a-t-elle été engagée sur la formation juridique des policiers ? Dans mon avis sur le PLF 2006, je me faisais en effet l'écho de mon collègue François Zocchetto qui, dans un rapport d'information, relevait l'inquiétude des magistrats face à la dégradation de la qualité des procédures, et je proposais, dans ce même avis, la création d'un indicateur mesurant le nombre de procédures annulées pour vice de procédure imputable aux services de police ou de gendarmerie. Cela pose, là encore, le problème de la continuité statistique entre les activités de la police et de la justice, domaine où beaucoup de progrès restent à faire.

L'Ile-de-France, qui concentre 30 % des effectifs de la police nationale, souffre d'un taux d'encadrement des gardiens de la paix très faible et d'une rotation des effectifs élevée. Le flux des demandes de départs de cette région vers la province déstabilise l'organisation des services et ne permet pas de tirer profit de l'expérience acquise par les personnels. La quasi-totalité des promotions sortant des écoles de police y est affectée pour compenser ces départs. La réforme des corps et carrières y apporte une réponse partielle en instaurant une durée de séjour obligatoire dans la première région administrative d'affectation. Une autre réponse consiste à améliorer les conditions matérielles des policiers, en particulier en les aidant à se loger. Selon le rapport annuel de performances, le nombre de logements réservés aux agents du ministère de l'intérieur a été supérieur en 2006 aux objectifs initiaux et, cela, pour un coût inférieur aux prévisions. Comment ce remarquable résultat a-t-il été atteint alors que le marché de l'immobilier ne baisse pas, et à quelles catégories de policiers ces logements ont-ils profité ? Combien de policiers affectés dans des zones difficiles en Ile-de-France en ont bénéficié ?

Je vous remercie par avance, madame le ministre, de vos réponses et, à titre personnel, je vous assure de mon total soutien. (Applaudissements à droite).

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances. - Je me félicite tout d'abord que le budget de la mission Sécurité ait été « tenu » au cours de l'exercice 2006 puisque chacun des deux programmes de la mission présente des taux de consommation très proches de 100 % des crédits ouverts. La LOLF aura certainement contribué à responsabiliser les gestionnaires qu'il convient ici de saluer. Les efforts déployés en 2006 pour mobiliser les moyens en faveur de l'opérationnel ont permis, en outre, d'accroître significativement le niveau de performance des deux programmes. Ainsi, notamment, l'objectif de réduction de la délinquance générale en zone police a été atteint. Le nombre de crimes et délits constatés a reculé de 1,35 % tandis que le taux global d'élucidation est passé à 31,5 % - pour une prévision de 30,4 %. Le niveau de performance du programme Police nationale est renseigné à partir d'indicateurs utilisés depuis plus de trente ans, ce qui coupe cours à toute critique et permet une réelle stabilité pour les comparaisons dans le temps.

Ce tableau d'ensemble tout à fait positif étant dressé, j'insisterai sur le caractère interministériel de cette mission, ce qui répond parfaitement à l'esprit de la LOLF On en connaît l'une des manifestations les plus concrètes : la coopération entre les forces de sécurité, via les groupements d'intervention régionaux (GIR). Quel bilan dressez-vous, madame le ministre, de ces groupements constitués à parité de policiers et de gendarmes ? Qu'a-t-on fait pour consolider l'interministérialité de la mission en 2006 ? Et quelles sont les perspectives pour 2007 et 2008 ? Il convient en effet de mutualiser les moyens, de faire jouer les économies d'échelle par des achats groupés et les échanges d'informations. Les programmes  Police nationale » et « Gendarmerie nationale » ne peuvent se contenter de coexister ; la coopération opérationnelle entre les deux forces est une priorité. Où en est l'interconnexion de leurs réseaux infor matiques et de communication ?

Par ailleurs, le pilotage de la mission Sécurité s'appuie sur la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002.

Lorsque nous avons examiné le projet de loi de finances pour 2007, j'ai anticipé un taux de création d'emplois atteignant 95,4 % pour la police nationale et 86,4 % par la gendarmerie nationale, au regard de la LOPSI. L'exercice 2006 constitue une balise supplémentaire : les taux de création d'emplois s'élèvent respectivement à 66,6 % et 72,8 % pour la police nationale et la gendarmerie nationale. D'après la loi de finances pour 2007, ils devraient atteindre 82 % et 86,4 % à la fin de l'année. La densité policière en France étant supérieure à ce que l'on observe dans les pays comparables, l'objectif initial de la LOPSI n'était-il pas excessif ?

Par ailleurs, la programmation décidée dans la LOPSI s'achevant en 2007, avez-vous l'intention de présenter au Parlement un nouveau cadre pluriannuel de dépense ?

La LOLF responsabilise certes les gestionnaires, mais elle comporte aussi des leviers tendant à mobiliser les fonctionnaires. Ces dernières années, votre ministère a joué un rôle précurseur en matière de prime au mérite. Comment a-t-elle été attribuée en 2006 ? Quel est le bilan de ce dispositif depuis son entrée en vigueur ? Au moment où la rémunération des fonctionnaires de police est source d'inquiétude, il convient d'améliorer la lisibilité de la politique salariale au sein de la mission. En effet, la multiplication, voire l'enchevêtrement, des mesures catégorielles rend cette rémunération relativement opaque.

Au sein du programme Police nationale, des efforts importants ont été accomplis en 2006 pour améliorer l'équipement des fonctionnaires, notamment avec l'achat de 32 000 SIG SAUER, de 2 100 pistolets à impulsions électriques et l'acquisition de 40 000 tenues. C'est nécessaire, car l'efficacité des forces de police repose principalement sur leur équipement et leur capacité à s'adapter aux innovations technologiques. Dans cette perspective, pouvez-vous faire le point sur la politique menée en 2006 en faveur de la police scientifique et technique ?

Les investigations consécutives aux attentats de Londres en 2005 ont amplement démontré l'utilité de la vidéosurveillance, surtout dans les grands centres urbains. Le nouveau préfet de police de Paris, M. Gaudin, a d'ailleurs souhaité y développer cet outil. En effet, la vidéosurveillance a un effet dissuasif, mais elle constitue aussi un remarquable outil d'aide à l'élucidation, comme le montre l'expérience de la SNCF et de la RATP. Je souhaite donc connaître vos intentions en ce domaine, naturellement dans le strict respect des droits et libertés publiques, comme l'a rappelé la CNIL : il faut trouver l'équilibre entre la sécurité de tous et la liberté de chacun.

Enfin, dans un monde rétréci par les formidables progrès des transports et des communications, la sécurité suppose une coopération internationale renforcée. Les frontières naturelles sont déplacées, parfois gommés, alors que d'autres apparaissent et doivent être protégés. De nouvelles menaces surgissent également. Comme vous le savez, je conduis actuellement, en qualité de rapporteur spécial, une mission de contrôle sur la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Parce qu'il s'agit là d'une dimension désormais essentielle de la sécurité nationale, je serai particulièrement attentif à votre action dans ce domaine ainsi qu'aux moyens à la disposition de cette politique, via notamment le Service central de coopération technique internationale de la police (SCTIP).

Tels sont les points sur lesquels je souhaitais recueillir votre jugement et connaître vos intentions, dans le cadre d'une mission Sécurité qui a rempli ses obligations de résultat et de performance en 2006. (Applaudissements au centre et à droite.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. - Je souhaite tout d'abord exprimer le plaisir que j'éprouve à intervenir une nouvelle fois devant vous, avec une nouvelle casquette.

Cet exercice, une première, s'accompagne nécessairement d'imperfections. Nous nous efforcerons de faire mieux la prochaine fois.

Le rapport sur l'exécution de la LOPSI est en cours de préparation. Je vous le communiquerai en vue du budget pour 2008.

Avant de répondre aux questions qui m'ont été posées, je souhaite resituer dans un cadre plus général la façon dont j'envisage cette mission.

Le nouvel intitulé du ministère exprime plus que jamais son rôle déterminant pour la mise en oeuvre de l'action publique sur chaque parcelle de notre territoire, conformément à sa mission historique au service des Français. Il n'y a pas aujourd'hui de diminution globale de la présence de l'État : on se tourne vers lui lorsqu'on attend quelque chose ou lorsqu'on éprouve une crainte. Dans la mondialisation, la proximité rassure et la première proximité est apportée par l'État, dont l'efficacité suppose une parfaite unité dans la mise en oeuvre, notamment une relation étroite entre l'administration territoriale et les services directement chargés de la sécurité. Elle suppose aussi un dialogue avec les élus locaux, car tout dépend de notre capacité commune à répondre aux attentes des Français.

L'évolution de notre société et le contexte international donnent à la mission Sécurité une actualité sans précédent, car la sécurité conditionne nos libertés. Elle est parfois la première attente de nos concitoyens. Or, la nécessaire unité d'action est parfois compromise par la multiplication de ses acteurs sur le territoire. Il appartient donc à l'État de rendre ce dispositif cohérent et de fixer les priorités.

Les Français veulent être protégés contre toute menace. Sous ma responsabilité, l'action du ministère de l'intérieur sera encore plus dictée par la réponse à ce besoin de sécurité, car cette administration est d'abord celle qui protège les Français.

Le premier aspect de cet objectif est la lutte contre la délinquance. Les résultats obtenus grâce aux efforts soutenus de mes prédécesseurs depuis 2002 ont été confirmés pendant le premier semestre de cette année : la délinquance générale a encore baissé ; le dernier mois écoulé est le meilleur mois de juin depuis dix ans. Quitte à vous surprendre, j'affirme pourtant que les chiffres, même fiables et excellents, ne disent pas tout. Je ne saurais donc me tenir quitte de ces résultats pour le budget de la mission Sécurité.

Il convient toutefois que je vous communique les résultats obtenus avec les moyens mis à notre disposition.

M. de Montesquiou s'est demandé si les objectifs de la LOPSI en matière de personnel n'étaient pas excessifs. Certes, le ratio d'un policier ou gendarme pour 261 habitants est élevé, mais on observe en Allemagne et en Italie des chiffres assez proches, avec des ratios d'un pour 305 en Allemagne et d'un pour 199 en Italie. La France se situe dans la moyenne européenne, dans un modèle assez bien adapté à la forte concentration urbaine et au maillage des territoires ruraux métropolitains et ultra-marins. Le niveau atteint est satisfaisant, les créations nettes d'emplois ne sont donc pas à l'ordre du jour. Dans ce contexte, les forces mobiles apportent la marge de manoeuvre nécessaire. Le constat de M. Courtois s'explique par l'application, en 2006, du plan de lutte contre les violences urbaines et l'insécurité, qui a renforcé les services territoriaux par l'affectation de vingt-cinq CRS et de sept escadrons de gendarmerie mobile.

Il n'y a pas de différenciation entre les missions, mais entre les zones de compétences ; ces forces conservent leur capacité d'adopter une posture de maintien de l'ordre, c'est capital pour assurer la sécurité publique.

Nous valorisons les performances des forces de sécurité : la prime de résultat exceptionnel a récompensé 36 000 policiers et 35 000 gendarmes, elle est parfaitement intégrée à la gestion de nos forces. La revalorisation passe également par le plan « Postes et carrières », engagé en 2004, jusqu'en 2012, ainsi que par l'adaptation des grades et des responsabilités.

La formation permanente est indispensable à nos forces de sécurité pour assumer leurs missions en toutes circonstances, j'en fais une priorité, en particulier sur la procédure. La formation est facteur d'efficacité, mais également de mobilité sociale et de promotion professionnelle.

Les difficultés des policiers à se loger en Ile-de-France, les poussent à éviter ou à quitter la région, malgré les efforts accomplis : le ministère de l'intérieur y réserve 17 000 logements, grâce à un bon partenariat avec les bailleurs, contre 13 000 en 2004, nous devons aller plus loin. Un policier me disait récemment qu'il devait rentrer à Metz en fin de semaine, faute d'avoir trouvé en Ile-de-France un logement pour sa famille : la région n'est pas suffisamment attractive.

L'adaptation de nos forces de sécurité passe encore par la coopération entre les services. L'excellent bilan des GIR est emblématique : 3 000 opérations, 5 000 placements, 6 tonnes de cannabis, 154 kilos d'héroïne, 192 kilos de cocaïne, 67 millions en espèces, cette réussite est remarquable contre les réseaux criminels et pour protéger la population, en particulier celle des quartiers défavorisés où ces réseaux sévissent souvent !

L'efficacité passe encore par un meilleur usage des nouvelles technologies. Nous avons rendu interopérables la base Rubis, de la gendarmerie nationale, et Acropol, de la police nationale, bientôt Antares, de la sécurité civile, le sera également. Les fichiers Stic et Judex sont en cours de refonte, avec un même objectif d'interopérabilité.

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Lors d'un récent contrôle dans un tribunal de grande instance, la commission des finances a constaté l'accablement des agents du greffe devant leur tâche : deux mois de délai pour transcrire un procès-verbal communiqué par un officier de police judiciaire, tant il y en avait ! Pourquoi ? Tout simplement parce que les logiciels utilisés par les services de la police et de la justice ne sont pas compatibles ! L'interopérabilité, c'est bien, mais on éviterait un tel retard de la chaîne pénale en faisant travailler les services avec les mêmes logiciels. Le Parlement fait des lois pour accélérer la justice, mais l'effort est vain si chaque service reste dans son pré carré, si nous ne brisons pas les murailles de Chine qui isolent chacun d'eux. Mme le ministre, pensez-vous que nous verrons bientôt les services de sécurité et ceux de la justice, travailler avec des logiciels compatibles ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - Nous lançons un ballon d'essai et l'interministériel est une nouvelle frontière. La chaîne de sécurité demande à chacun d'exercer pleinement ses attributions et de coopérer avec les autres. Quand bien même la police et la gendarmerie amélioreraient encore leur résultats, cela ne servirait pas à grand-chose si, ensuite, la justice n'avait pas les moyens de ses missions. Avec Mme Dati, nous nous sommes déjà rapprochées pour renforcer notre coopération.

Nous lançons un programme ambitieux pour la vidéosurveillance. Les événements récents de Grande-Bretagne ont démontré l'utilité de surveiller les lieux publics par la vidéo, y compris les autoroutes : nous y recourons pour prévenir le terrorisme, mais également les violences urbaines. Je réunirai très prochainement à ce sujet les responsables de la sécurité publique.

Je veux renforcer le taux d'élucidation. Une victime est doublement victime lorsque l'auteur de l'infraction n'est pas retrouvé, et le sentiment d'impunité incite à récidiver. Un peu plus d'un tiers des affaires sont élucidées - 34,6 % -, c'est mieux qu'hier, mais je ne saurais m'en satisfaire. La police scientifique et technique est appelée à jouer tout son rôle. Les fichiers automatisés d'empreintes digitales et génétiques sont une bonne chose : au 1er juillet, le premier comptait 2,7 millions d'empreintes digitales, et le second, 500 000 empreintes génétiques.

Grâce à ce fichier, plus de 8 000 affaires ont été résolues dont 2 800 pour le seul premier semestre 2007. Les victimes dont les agresseurs ont été confondus reprennent confiance en l'État.

Cette action doit être poursuivie. C'est pourquoi je présenterai au Parlement une nouvelle loi de programmation qui traduira les orientations stratégiques de mon ministère et améliorera la visibilité de ses actions. Ce texte sera construit autour de trois objectifs prioritaires : la modernisation, avec le recours aux technologies les plus avancées, notamment dans le domaine de la police technique et scientifique, et la création d'une nouvelle direction stratégique, car nous devons analyser et anticiper les risques de demain ; la mutualisation, ensuite, avec un rapprochement accru entre police et gendarmerie, afin de poursuivre l'ajustement des compétences géographiques et favoriser la complémentarité des moyens d'investigation ; la gestion des ressources humaines, enfin, avec notamment l'objectif de fidélisation des policiers.

Pour consolider le lien social, il nous faut des fonctionnaires bien intégrés, centrés sur leur coeur de métier, une police localisée, qui connaisse le quartier, la population, les responsables politiques. C'est le sens des conférences de cohésion que je mène au plus près du terrain, notamment en Seine-Saint-Denis, avec les élus, les associations et les services concernés.

La dimension européenne et internationale est primordiale, qu'il s'agisse de la lutte contre la menace terroriste ou des produits dérivés de la mondialisation comme le blanchiment et le crime organisé. Là encore, notre capacité d'anticipation et d'analyse stratégique, notre aptitude à utiliser les nouvelles ressources de la technologie sont essentielles. Il y a beaucoup à faire, et je m'en réjouis.

Notre conception de la sécurité - intérieure et extérieure - ne peut s'arrêter à la seule logique des moyens humains, matériels et technologiques. Elle engage aussi la formation du citoyen : il nous faut rétablir la confiance entre les citoyens et les forces de sécurité. Cette exigence dépasse les clivages. C'est dans cette perspective ambitieuse que j'entends inscrire la nouvelle vision stratégique de mon ministère. Tous, nous sommes convaincus que nous pouvons faire avancer les choses, pour les Français et pour la France. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. - Nous avons un rôle à jouer pour ramener certains pays vers une conception plus démocratique du respect de l'individu et des libertés. Mme le ministre, que comptez-vous faire pour intensifier la coopération internationale en la matière ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - Le ministère de l'intérieur a un rôle à jouer au niveau européen - la présidence de l'Union sera l'occasion de renforcer cette coopération - et international. Nous sommes un modèle, il nous faut faire rayonner notre savoir-faire, notre manière de retenir l'utilisation de la force. C'est pourquoi j'ai demandé que la proportion d'élèves étrangers dans nos écoles de police, aujourd'hui de 10 %, atteigne rapidement 20-25 %, à l'instar des grandes écoles militaires.

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Très bien.

M. le président. - Nous en venons à la procédure des questions. Chaque orateur dispose de trois minutes pour poser sa question, le ministre de trois minutes pour répondre. L'orateur peut alors reprendre la parole pour deux minutes. Je serai intransigeant !

M. Georges Othily. - « Il est des territoires qui ont tellement plus de handicaps que les autres que, si on ne leur donne pas plus que les autres, ils ne pourront pas s'en sortir  », a dit M. Sarkozy. C'est le cas de la Guyane, qui nécessite, en matière de sécurité, d'importants moyens matériels, humains et financiers.

Plusieurs accidents dramatiques se sont produits récemment sur les rivières et les fleuves de Guyane. De nombreux Guyanais circulent quotidiennement sur les fleuves frontaliers Maroni et Oyapock, or la réglementation sur les conditions de sécurité et de circulation fait cruellement défaut. Il est temps de conférer à ces deux fleuves, véritables autoroutes, un statut juridique adapté, préalable à des contrôles fréquents et efficaces.

Quels nouveaux moyens comptez-vous accorder à la lutte contre l'orpaillage illégal, véritable fléau économique et environnemental, qui n'est pas sans lien avec l'immigration clandestine de masse ? En 2007, plusieurs opérations de grande ampleur ont été menées avec succès contre les trafiquants, permettant notamment la saisie d'une pirogue de douze mètres mais la gendarmerie de Guyane manque cruellement de moyens de projection. L'hélicoptère promis en 2003 va-t-il enfin arriver ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - La question du statut juridique des fleuves relève du ministère des Affaires étrangères, mais j'ai pu constater sur place les ravages de l'orpaillage et les conséquences de l'immigration illégale sur la délinquance. Un effort significatif a été consenti pour permettre à la gendarmerie départementale de mieux assurer la sécurité de la population et lutter contre la délinquance, avec la création d'une section de recherche dotée de moyens techniques performants et l'effectif du peloton mobile a été renforcé de quinze gendarmes.

La Guyane est un immense territoire mais les services de l'Etat disposent de trois hélicoptères pour les missions d'urgence ; et, sans attendre, j'ai donné au préfet les crédits pour pouvoir louer en tant que de besoin un appareil supplémentaire pour des missions ponctuelles.

M. Georges Othily. - J'espère que la sécurité de la population sera bien assurée.

Mme Éliane Assassi. - Ce débat confirme l'idéologie répressive voulue par le précédent locataire de la Place Beauvau. Cette idéologie s'accompagne d'une obsession sécuritaire, sans réflexion quant aux causes de la délinquance ni souci de prévention. La longue série des textes qui depuis cinq ans ont réformé le code pénal et le code de procédure pénale est empreinte de cette idéologie. Mais à la veille d'une nouvelle loi d'orientation et de programmation pour la sécurité, un constat s'impose : la droite a échoué, elle n'est pas parvenue à lutter efficacement contre l'insécurité. En 2005, plus de 9 millions d'atteintes aux biens auraient été commises et près de 4 millions de personnes auraient été victimes d'au moins une agression : on est bien loin des 3,7 millions de crimes et délits constatés par le ministère. En matière de lutte contre la récidive, la nouvelle loi va accroître la population carcérale alors même qu'il y a aujourd'hui 12000 personnes en surnombre les prisons.

Ces choix politiques ont crispé encore les relations entre la population et les forces de l'ordre. Le rapport du Sénat publié après les émeutes de 2005 prône le rétablissement de la police de proximité supprimée par votre prédécesseur. Il est plus que temps de restaurer la confiance. Vous-même, madame la ministre, vous l'avez évoqué dans un courrier au président du Conseil général de Seine-Saint-Denis. Mais comment ce lien peut-il se nouer quand vous exigez avant tout du chiffre et du résultat ? Cela contribue à créer un climat délétère. Vous évoquez une police localisée territorialisée. Lutter contre l'insécurité mérite en effet mieux que du saupoudrage. Ne serait-il pas urgent d'investir davantage dans la prévention, en rétablissant la police de proximité et des commissariats au coeur des quartiers, avec des policiers bien formés, bien encadrés ? Ces missions de service public seraient sans doute plus efficaces -à condition bien sûr que ne soit pas mis en place un service minimum...- pour lutter contre l'insécurité, dans l'intérêt des citoyens mais aussi des policiers.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - J'ai quelque difficulté à percevoir la logique de votre raisonnement. Nous ne disposons pas des mêmes chiffres, semble-t-il -c'est une chose classique... Les miens viennent de l'extérieur et ils traduisent des résultats très positifs depuis 2002 -juin 2007 étant le meilleur mois depuis dix ans !

Quant à la tendance sécuritaire, je me suis rendue pour la quatrième fois en Seine-Saint-Denis...

Mme Éliane Assassi. - Tous les ministres viennent !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - ...non à la préfecture mais dans la rue, parmi la population. Le commerçant de la supérette avec lequel j'ai parlé et qui est agressé en moyenne une fois par semaine ne nous trouve pas trop « sécuritaires » ; les femmes avec lesquelles je me suis entretenue non plus. Relations « crispées » ? Il ne m'a pas paru.

Certes, on peut toujours faire mieux. C'est pourquoi je veux une police localisée -non pas une police de proximité, qui demande aux policiers de faire autre chose que leur métier et de devenir des animateurs sociaux ou sportifs, mais une police qui connaît la population. Que chacun fasse ce pourquoi il est formé, que chacun soit bien formé ! Je suis certaine, madame Assassi, que nous pourrons nous retrouver et que vous finirez par voter mon budget.

Mme Éliane Assassi. - Votre réponse ne me surprend pas et je suis certaine que vous détenez aussi les chiffres que j'ai, puisque vous êtes ministre et moi, parlementaire. Toutes les études montrent la nécessité de recréer du lien pour rétablir un mieux-vivre ensemble.

M. Jean-Claude Peyronnet. - Ma question a déjà été posée, mais ce débat étant interactif, je rebondis sur votre réponse. Il y a pire que l'absence de cohérence entre les logiciels de la justice et de l'intérieur : les logiciels des différents tribunaux, commerce, grande instance ou cour d'appel ne communiquent pas !

Quant au taux global d'élucidation, que recouvre-t-il ? Quel est le taux pour les crimes, pour les délits ? J'ajoute qu'un seul procès-verbal de racolage sur la voie publique peut donner lieu à deux « élucidations », si la prostituée avoue avoir racolé au même endroit la semaine précédente...

S'agissant enfin des escadrons de gendarmerie mobile et des CRS, ils sont de moins en moins affectés au rétablissement de l'ordre et de plus en plus au maintien de l'ordre quotidien. Vous répondez que les unités conservent leur mission d'intervention générale dans le pays : qu'est-ce à dire exactement ? Si ces escadrons doivent s'occuper prioritairement des quartiers sensibles, pourquoi seraient-ils logés, par exemple, à Limoges et non pas plus près des quartiers visés ?

Une formation juridique serait bienvenue, un peu de psychologie également, surtout pour les CRS, d'autant plus que la multiplication des contrôles exaspère certains jeunes...

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - J'ai évoqué un taux d'élucidation global, effectivement. Celui des crimes est de 85 %. Mais il est bon de fixer des objectifs, notamment pour l'élucidation des vols, la population y est très sensible. Nous voulons préserver une capacité de réaction partout où elle peut être nécessaire, il est envisageable de revoir tout cela, sur une base régionale par exemple, mais la mission sera inchangée.

Formation, en psychologie notamment : voilà une idée à laquelle j'adhère volontiers.

Je pense que dans certains cas il peut être bon de donner une formation au rapport à l'autre. On le fait pour les militaires qui partent à l'étranger, formés, par exemple, à la façon dont l'on doit se présenter. Il faut donc certainement renforcer - et cela fait partie de ma réflexion - la capacité des policiers et des gendarmes à aller vers l'autre. C'est indispensable si l'on veut une police localisée et une gendarmerie qui jouent pleinement leur rôle de maillage de notre pays. Or cela ne s'apprend pas à l'école. N'oubliez pas - nous l'avons été ! - que lorsque l'on est jeune l'on est souvent timide, et que l'on peut apprendre à aller vers l'autre.

M. Jean-Claude Peyronnet. - J'ai bien noté ce que vous avez indiqué sur les missions de la gendarmerie mobile et de cette police mobile que sont les CRS, mais j'insiste sur le fait qu'il va falloir leur apprendre ce deuxième métier qui est différent du premier. Il faudra leur apprendre le contact, et non pas seulement la matraque ! Ce n'est pas la même chose et un effort de persuasion auprès du personnel sera sans doute nécessaire.

M. Michel Mercier. - Ma question porte sur les adjoints de sécurité. En 2006, leur nombre est resté à peu près stable. Selon notre rapporteur spécial, M. de Montesquiou, nous avons un peu plus de 8 000 adjoints de sécurité, et 2 000 nouveaux adjoints ont été recrutés en 2006, en application du plan « banlieues », qui ne sont pas comptabilisés au titre de l'exercice 2006, mais seront régularisés en 2007. Quel est, Mme la ministre, votre sentiment sur l'efficacité des adjoints de sécurité, notamment en banlieue ? Par les tâches qui leur sont dévolues, sommes-nous en train d'amorcer - sans jouer sur les mots - une police localisée ou de proximité ? Leur mission recouvre en effet une tâche essentielle de la police, qui est d'empêcher la commission des infractions et non pas seulement de les sanctionner. Par ailleurs, le recrutement des adjoints de sécurité vous paraît-il conforme aux exigences d'efficacité ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - Les adjoints jouent un rôle essentiel dans la police nationale aujourd'hui. Il convient d'abord de mieux les former. Il ne s'agit pas seulement de quantité, d'un nombre d'adjoints. Il s'agit de leur donner les moyens de suivre réellement une formation en école de police ou en centre de formation, afin de leur donner les éléments de base qui permettront de mieux les intégrer. Ici même, vous avez vu, au moment de la discussion de la loi de finances, comment le ministère de l'intérieur a été autorisé à recruter plus d'adjoints volontaires, dans le cadre de la politique générale de cohésion sociale. Il y a en effet une double dimension : il ne s'agit pas simplement de leur donner un emploi ou la possibilité d'intégrer la police nationale, mais aussi de créer ce lien dont nous parlions tout à l'heure, y compris avec leur famille et leur entourage, qui verront sans doute la police autrement. Je ne vois aucune raison de restreindre cette composante de la police, bien au contraire.

M. Christian Demuynck. - L'élection présidentielle a marqué une formidable volonté de rupture du peuple français. Au coeur de la rupture, la sécurité est une priorité pour nos compatriotes qui ont démontré leur attachement à l'action de Nicolas Sarkozy au ministère de l'intérieur. Néanmoins la route est encore longue. Si, au plan national les résultats doivent être salués, dans mon département, la Seine-Saint-Denis, l'insécurité s'aggrave malgré les efforts considérables des forces de l'ordre. Je tiens d'ailleurs à saluer Jean-François Cordet, l'un des meilleurs préfets qu'ait connu le département. Son discours de vérité aura grandement servi la Seine-Saint-Denis. Les objectifs du budget 2006 s'élèvent à 15,7 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, afin d'utiliser efficacement les forces de l'ordre pour répondre à l'insécurité, tout en procédant à 3 300 recrutements. Cependant, force est de constater que la situation en Seine-Saint-Denis ne remplit pas les objectifs annoncés et détone sur un bilan global extrêmement positif. Dans mon département, l'implantation des forces de l'ordre est compliquée. Ainsi, le départ, en septembre prochain, de quelque 250 policiers et les incertitudes sur leur remplacement immédiat renforcent l'inquiétude de la population. Pourtant, cette situation pourrait être améliorée par la mise en oeuvre d'une véritable politique de ressources humaines, permettant d'assurer la continuité des effectifs et la transmission des compétences. Je pense notamment au « tuilage », c'est-à-dire à une durée adaptée, pendant laquelle les fonctionnaires partant à la retraite s'occupent de l'installation des arrivants.

Par ailleurs, le problème de l'incitation et de la fidélisation du personnel se pose dans un département qui fait souvent office d'épouvantail pour les policiers les plus expérimentés. L'incitation est prévue au budget 2006, au programme Police nationale : elle implique, à hauteur de 33 millions d'euros, des places en crèches, ainsi que des logements supplémentaires dans les zones urbaines sensibles. Cette démarche mérite d'être approfondie.

Quant à la fidélisation, elle est aussi un problème dans un département où les policiers partent habituellement au bout des deux à trois ans réglementaires. Ce roulement permanent empêche toute familiarisation des forces de l'ordre avec la population. Sans doute la prime de fidélisation devrait-elle contribuer à répondre à ce problème. Mais actuellement, elle s'élève à 805 € par an, soit 67 € par mois ! Vous conviendrez que ce n'est pas cher payé !

Au-delà d'un bon équilibre en 2006 entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement pour la mission Sécurité, comment parvenir, Mme la ministre, à mener une politique de ressources humaines plus efficace et plus adaptée aux spécificités de chaque région ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - La politique des ressources humaines est un sujet trop vaste pour les quelques minutes qui me sont accordées. Mais je veux répondre à deux aspects de votre question. Tout d'abord, le problème du « tuilage », au moment des départs en retraite ou des changements de personnel. Nous avons là une réelle difficulté, car nous essayons de prendre en compte les contraintes personnelles ou familiales, comme la nécessité d'inscrire les enfants à l'école ou de prendre des congés. Tous les élus locaux, dont je suis, connaissent ce problème, et je n'évoque pas le cas où les départs ne sont pas remplacés, ce qui ne veut pas dire que cela ne risque pas de se produire... Je vais demander, pour essayer de rendre compatibles les besoins des élus et les contraintes des agents, au directeur général de la police nationale et au directeur général de la gendarmerie nationale de me faire, pour la rentrée, des propositions, pour améliorer cette situation et avancer sur ce sujet du « tuilage ».

Sur la fidélisation du personnel, je ne crois pas qu'il y ait une véritable crainte d'être affecté dans certains quartiers. Je ne crois pas non plus que l'on réglera le problème par une prime, car ce n'est pas l'essentiel. Mais, j'ai pu constater, dans ces quartiers, comme ailleurs, que très peu de policiers qui y sont affectés en sont originaires. Parce qu'ils viennent d'ailleurs, ils veulent y retourner. Ainsi je n'ai pas rencontré, en Seine-Saint-Denis, 20 % de personnes originaires de la région parisienne. Je souhaite que nous y réfléchissions. Il y a également le problème du logement, qui concerne au premier chef les élus. On ne peut pas demander aux policiers de résider sur place. Mais l'on pourrait faire des échanges entre quartiers, en logeant les policiers dans une commune voisine. Il faut aussi, bien sûr, tenir compte de la difficulté des postes dans la carrière.

J'entrevois une lueur d'espoir. J'étais l'autre jour au baptême de la promotion des commissaires de police : le major a demandé la Seine-Saint-Denis et le troisième l'Essonne. C'est encourageant !

M. Josselin de Rohan. - Très bien !

M. Christian Demuynck. - Je vous remercie pour votre réponse. La fidélisation est en effet une question essentielle : nous avons des jeunes de 20 ans encadrés par des officiers qui ne restent pas plus de deux ans sur place ! C'est extrêmement compliqué. Mais je tiens vous à vous remercier, en particulier parce que vous êtes venue à plusieurs reprises en Seine-Saint-Denis. Vous avez pu constater que c'est un département attachant, même s'il contient des quartiers extrêmement sensibles.

Mme Éliane Assassi. - Beaucoup d'élus de Seine-Saint-Denis sont disponibles, Mme la ministre, pour réfléchir, travailler avec vous, pour essayer de trouver les meilleures solutions, pourvu qu'ils soient invités quand vous venez tenir des réunions de concertation sur le terrain.

Votre budget consacre beaucoup d'argent public à la lutte contre l'immigration clandestine. En 2006, les 23 831 reconduites à la frontière ont coûté la bagatelle de 41,92 millions d'euros pour la seule métropole. Le montant des séjours en centres de rétention administrative gérés par la police aura coûté 7,2 millions d'euros. Et ce n'est pas fini ! On annonce 28 000 reconduites à la frontière en 2007 ! Il ne faut pas oublier les crédits d'investissement pour construire ces centres - il est en effet prévu de porter le nombre de places à 2400 à l'été de 2008 - et les coûts de développement des systèmes d'information destinés à la lutte contre l'immigration clandestine aux contrôles aux frontières.

Par ailleurs, la police de l'air et des frontières loue, depuis 2006, à une compagnie privée, un bimoteur de 19 places, le Beech 1900.

Pouvez-vous nous dire à combien revient cette location, qui permet de reconduire en toute discrétion les étrangers jusqu'en Europe centrale et dans les Balkans ? Sur quel budget cet argent a-t-il pris ? Est-il vrai que le gouvernement envisage d'avoir recours à un second appareil de ce type ?

N'est-il pas temps d'utiliser autrement l'argent public, par exemple, pour l'accueil des étrangers ou pour le codéveloppement ?

Comment vos missions en la matière vont-elles s'articuler avec le nouveau ministère de l'intégration ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - Il va de soi que, lorsque je rencontre les maires d'un département, je ne tiens pas compte de leur couleur politique.

Il faudra poser la question du coût des avions à M. Hortefeux, puisque ces crédits seront rattachés, à partir de 2008, au ministère de l'immigration.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Sans doute, mais c'est de 2006 que nous parlons aujourd'hui, et vous étiez alors en charge de la gendarmerie et, à ce titre, coresponsable de la mission Sécurité.

Nous avons auditionné les responsables du centre de rétention de Roissy et il est apparu que le nombre de places y était très inférieur aux besoins, si bien que nombre d'étrangers en situation irrégulière disparaissaient dans la nature.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - Je ne puis vous répondre précisément aujourd'hui mais il me semble qu'aujourd'hui la capacité du centre est suffisante, dans la mesure où peu de personnes y sont retenues.

M. André Rouvière. - Je voudrais vous interroger une nouvelle fois sur les communautés de brigades de gendarmerie. Le 6 décembre 2004, vous m'avez répondu en séance publique que vous aviez l'intention de faire réaliser un bilan d'étape courant 2005. Il a été fait mais vous avez refusé de me le communiquer. Pourquoi ?

Je vous ai récrit et vous m'avez répondu le 11 janvier 2007 -en quatre lignes...

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre - Avec une mention autographe ! (Sourires)

M. André Rouvière. - ... que vous me tiendriez informé des suites données à ma demande. Ne voyez aucun acharnement dans mon insistance, mais ce rapport d'étape aiderait à y voir clair dans les zones rurales et, surtout, de montagne. Les élus locaux ont des suggestions à vous faire or, d'un département l'autre, les situations sont très différentes.

Vous avez changé de casquette, madame la ministre, allez-vous changer d'attitude ? (Sourires)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - On peut faire un bilan quantitatif. Je vous dirai ainsi qu'au 1er juillet 2007 nous avons 1 068 communautés de brigades et 658 brigades sont restées autonomes, avec des ajustements à la marge. On peut aussi faire un bilan qualitatif ; je puis ainsi vous dire que le taux de satisfaction interne est bon et que si l'on en parle si peu, c'est comme des trains qui arrivent à l'heure. Mais c'est la satisfaction externe qui vous intéresse, celle des usagers. Pour connaître celle-ci, il faut du temps...

Voilà, vous avez votre réponse.

M. André Rouvière. - Un début de réponse, dont je vous remercie.

Pensez aux zones de montagne, où les communications sont difficiles d'une vallée l'autre. Que fait-on quand on sonne à la porte d'une gendarmerie et que celle-ci est fermée ? Aller dans une autre peut demander un très long trajet. Il paraît que dans certains départements, grâce à la pression - disons plutôt à l'intervention des élus- toutes les gendarmeries d'une communauté de brigades assurent une permanence : est-ce vrai ?

M. Michel Mercier. - Vous souhaitez que les réseaux de transmission soient unifiés, pour la police, la gendarmerie et les SDIS. Dans mon département, le réseau Antarès fonctionne déjà pour la police et les pompiers mais pas pour la gendarmerie. Comment allez-vous rendre efficace Antarès et réaliser enfin l'interopérabilité ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - L'interopérabilité va se faire avec Antarès. Nous le ferons, comme nous avons su le faire avec Rubis et Acropole.

M. Michel Mercier. - Cela ne marche pas bien.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - On me dit que si.

M. Michel Mercier. - Si cela marchait bien, on n'aurait pas besoin de faire un nouveau réseau !

Nous en reparlerons une autre fois.

M. Ambroise Dupont. - Ma question concerne les grands rassemblements, festivals techno ou rassemblements évangéliques. Depuis 2002, grâce à M. Sarkozy, ils sont encadrés mais la coopération avec les organisateurs n'est pas toujours excellente. Si différents soient-ils, ces rassemblements ont toujours les mêmes conséquences sur la nature : gens du voyage ou teuffeurs laissent les zones envahies dévastées et souillées !

L'Union amicale des maires du Calvados, que j'ai l'honneur de présider, attire régulièrement l'attention des pouvoirs publics sur ces rassemblements : on a vu jusqu'à trois-cents caravanes sur telle plage du Calvados ou sur des terres agricoles ! Même encadrés, ces rassemblements se font souvent sans concertation avec la population locale, qui est mise devant le fait accompli.

Comment comptez-vous poursuivre la politique engagée en 2002, qui allie dialogue et fermeté avec les organisateurs ? Quelles mesures prendrez-vous pour accompagner les élus locaux confrontés à des manifestations qui n'ont pas été autorisées ou sont insuffisamment encadrées ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - Une question hautement délicate que ces manifestations auxquelles doivent faire face les élus locaux ! On ne peut pas interdire ou on ne peut pas laisser faire. J'ai l'expérience de tels événements : Saint-Jean-de-Luz n'est pas épargnée par le passage de centaine de caravanes... La tâche du gouvernement est d'anticiper et d'encadrer au mieux. D'ailleurs, on peut noter des progrès : le Technival a accueilli 40 000 personnes sans incident notable ; le système de réquisition permet aujourd'hui une remise en état des lieux. Pour autant, des difficultés demeurent lorsque la manifestation est insuffisamment encadrée, ce qui n'est pas le cas des rassemblements évangéliques.

En tant que ministre de la défense, j'avais proposé que l'on consacre des terrains à ces manifestations, ce qui revient, il est vrai, à faire porter le problème à quelques élus. J'ai donc l'intention de demander à des parlementaires de formuler de nouvelles propositions. Améliorer la réponse que nous apportons aujourd'hui pour répondre aux soucis des élus sera dans l'intérêt de tous !

M. Ambroise Dupont. - Merci de cette réponse et des efforts que vous consacrez à résoudre cette question importante : il y va de la sécurité et de la tranquillité de nos concitoyens !

M. Jean-Claude Peyronnet. - Madame, votre illustre prédécesseur était un farouche adepte de la culture des résultats. A peine installé place Beauvau, il avait expliqué à Toulouse que les policiers n'étaient pas des animateurs sociaux... Pour mesurer leur performance, il avait mis au point de nouveaux instruments de mesure ainsi qu'un tableau d'honneur. Cette méthode, nous répète-t-on depuis cinq ans, a permis de faire baisser la délinquance générale. Mais celle-ci comprend aussi les petits délits, tels que les vols de téléphone portable, en régression du fait du progrès technologique. Ces résultats auront-ils des conséquences sur la notation des fonctionnaires ? Dans ce cas, est-il logique qu'un fonctionnaire qui persuade un automobiliste de dégager une voie qu'il encombre soit moins bien noté que celui qui se contente de mettre une amende ? Les syndicats s'interrogent...

Selon le système d'évaluation des CRS en Seine-Saint-Denis décrit par la presse, vingt points sont accordés pour l'arrestation de l'auteur d'un vol avec violence, un pour un automobiliste sans permis. S'il s'agit d'un simple décompte administratif permettant de reconnaître le « travail bien fait » comme l'a affirmé un haut responsable de la police, je n'y vois pas d'inconvénients. En revanche, si l'objectif est d'asseoir la rémunération du fonctionnaire sur son rendement, il en va autrement. Madame la ministre, pouvez-vous me confirmer que ce n'est pas le cas ?

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Madame la ministre, au vrai, la question est d'ordre philosophique. Il y a quelques mois, l'évolution des infractions constatées en matière d'alcoolémie au volant a fait l'objet d'une interprétation différente : pour la gendarmerie, leur diminution était le signe de l'efficacité des contrôles exercés ; la police soutenait le contraire. Tout dépend, il est vrai, de l'endroit et de l'heure où le contrôle est exercé. Celui-ci aura toute chance d'être positif aux abords des endroits où l'on consomme de l'alcool... Mais comment trancher ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - Les élus, comme tous ceux qui participent à l'action publique, doivent rendre des comptes aux citoyens. La notation n'a donc rien de condamnable. Le Point évalue bien les parlementaires selon le nombre de questions et d'interventions en séance. Comme l'a souligné M. Arthuis, la question est donc la suivante : sur quels critères l'évaluation doit-elle reposer ?

J'en viens au système d'évaluation des forces de l'ordre. Les départements ne se livrent pas à une compétition, ils sont à la recherche de bonnes pratiques. L'expérimentation, si elle est positive, sera étendue. Encore une fois, il n'y a là rien de condamnable.

Les notes obtenues ont-elles une incidence sur la rémunération ? Les quarante commissaires qui ont accepté de se soumettre à une évaluation l'on fait de manière volontaire sur des postes contractualisés à cet effet. Quant aux CRS, l'expérimentation d'une durée de quatre mois n'a pas vocation à être étendue. Il faut bien distinguer le symbole et une démarche qui me paraît logique, car elle est celle de la responsabilité de l'Etat.

M. Paul Girod. - Après avoir regretté à nouveau que la mission Sécurité ne regroupe pas les crédits de la gendarmerie et de la police, je veux, madame le ministre, vous interroger sur le paiement des heures supplémentaires des officiers de police. Celui-ci fait actuellement l'objet d'une négociation entre votre ministère et les syndicats. A l'heure où l'on parle au plus haut niveau de l'Etat de valorisation du travail, il serait incongru de pénaliser les plus méritants qui ont souvent sacrifié leur vie privée au bénéfice du service public. Cette question, qui pose de nombreuses difficultés pratiques, aura des incidences sur l'équilibre de la mission Sécurité.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - Le problème ne se pose que pour les officiers de police qui, à partir du 1er janvier 2008, passeront dans le régime des cadres. De ce fait, ils n'auront plus droit aux heures supplémentaires. Il faut donc rattraper d'ici là toutes celles qu'ils ont accumulées au fil des années. J'ai été saisie du problème dès mon arrivée à ce ministère et j'ai consacré plusieurs réunions à ce sujet avec les organisations professionnelles concernées. L'idée est de payer une partie de ces heures supplémentaires et de rattraper l'autre partie sous forme de temps libre. J'espère que, d'ici le mois d'août, nous aurons trouvé un accord satisfaisant pour tous et qui permette aux officiers de police de passer sous le régime cadre dans un climat apaisé.

M. Paul Girod. - Nos voeux rejoignent les vôtres.

M. André Rouvière. - Vous avez évoqué votre intention d'accroître la complémentarité entre police et gendarmerie, notamment par le biais « d'ajustements géographiques ». Quelles en seront les conséquences pour la gendarmerie ? Allez-vous supprimer des gendarmeries rurales ? Y aura-t-il des conséquences sur le statut des gendarmes et resteront-ils des militaires ? Quelles seront les répercussions conséquences financières de l'ajustement géographique prévu ?

Seules les statistiques témoignent d'une diminution de la délinquance. En réalité, le sentiment d'insécurité continue à croître. Ce n'est pas une critique, c'est un constat. Il n'est donc pas bon de laisser croître l'angoisse et les spéculations à l'occasion de cette restructuration. Pourriez-vous préciser vos intentions ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - Je ne peux que constater les chiffres : la délinquance, qui avait augmenté de 1997 à 2002, a diminué depuis 2002 et c'est encore plus vrai en zone gendarmerie. Cela n'empêche pas un réel sentiment d'insécurité et c'est pourquoi nous sommes attachés à faire progresser le taux d'élucidation. Inutile de le nier : il y a encore beaucoup trop d'insécurité, en zone urbaine comme en zone rurale !

Parce que je suis attachée à la République et à la démocratie, je tiens à l'existence de deux corps de police (M.Paul Girod approuve) et je tiens au statut militaire des gendarmes. C'était ma position à la Défense, cela reste ma position à l'Intérieur. Aucune de ces deux forces ne doit être subordonnée à l'autre, chacune d'elles doit conserver son identité. Mais elles doivent travailler ensemble !

J'ai parlé d'« ajustement des compétences géographique » car la gendarmerie doit continuer à travailler en zone rurale : or, des zones sensibles périurbaines sont en zone gendarmerie, alors qu'il serait plus logique qu'elles soient en zone police. Voilà ce que j'appelle des ajustements de compétences géographiques.

Dans le cadre de la préparation de la future LOPSI, les Directeurs de la police et de la gendarmerie nationales nous ont fait une vingtaine de propositions de mutualisations -des stands de tirs ou de lieux d'entraînement par exemple. C'est là une consommation rationnelle de l'argent public, c'est aussi une question d'efficacité : la délinquance ne doit plus jouer de la discontinuité territoriale des deux forces. Lorsqu'il est nécessaire de joindre leurs actions, mieux vaut qu'elles aient des systèmes de communication interopérables et qu'elles se connaissent, ce qui sera d'autant plus aisé qu'elles se sentiront bien chacune dans leur statut et qu'elles ne se craindront pas mutuellement.

M. Christian Cambon. - Le rapport annuel de performances révèle que l'action engagée depuis 2002 a été amplifiée en 2006 et les résultats sont incontestables. Pour la cinquième année consécutive, la délinquance, particulièrement celle de la voie publique, a reculé en zone de police nationale. Les résultats sont également très positifs pour la lutte contre l'immigration clandestine et contre l'insécurité routière. Je salue aussi la priorité donnée à la lutte contre les violences urbaines et à la prise en charge des victimes.

Les résultats de 2006 sont la conséquence d'une activité soutenue des services, rendue possible par les moyens nouveaux donnés par la LOPSI L'achèvement des grands programmes -d'équipement, notamment- témoigne du respect intégral de la loi de programmation votée en 2002. Une véritable culture de la performance s'est développée, au service des Français, rétablissant le droit à la sécurité et faisant reculer le sentiment de peur dans notre pays. Les engagements pris par votre prédécesseur, madame le ministre, ont été tenus. N'en doutons pas, c'est en partie pour cela que Nicolas Sarkozy a reçu une si large adhésion de la majorité des Français qui l'ont conduit à la plus haute responsabilité de l'Etat. Nous sommes nombreux ici à vous faire confiance pour poursuivre cette politique.

C'est pourquoi les effectifs doivent être maintenus à un niveau qui réponde à l'attente de la population. Malgré les contraintes budgétaires, les programmes de réhabilitation et de rénovation des commissariats et antennes de police doivent être poursuivis. Dans mon département du Val-de-Marne, nombre de structures méritent d'être prises en considération, le commissariat de Vitry par exemple. Et quel est le calendrier de rénovation de ceux de Choisy-le-Roi ou de Nogent ? Le problème du cantonnement de la CRS de Pondorly n'est pas réglé. Quelles assurances pouvez-vous nous donner sur ces investissements ?

Dans les zones sensibles, les forces de sécurité publique doivent disposer de personnels expérimentés, connaissant bien la population et le terrain. Or, on y affecte trop souvent des personnels jeunes, parfois récemment sortis d'école. Comment envisagez-vous de remédier à cette situation ?

La présence policière sur le terrain est dissuasive.

M. le président. - Concluez !

M. Christian Cambon. - Vous avez souhaité une fidélisation de la police dans certains quartiers difficiles et évoqué une police « localisée et territorialisée ». Je partage votre avis que les policiers ne doivent pas jouer « les animateurs sportifs » mais rester dans leur rôle, c'est à dire « lutter contre la délinquance et protéger la population ». Je me félicite également de votre volonté de faire en sorte que « les policiers restent suffisamment sur place pour connaître le terrain et les habitants » et demeurent « en relation constante avec les élus locaux ». Comment mettrez-vous en oeuvre cette priorité ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - Quand le ministre se déplace, on lui montre ce qui va bien. Moi, ce qui m'intéresse, c'est ce qui ne va pas. Il y a trop de commissariats anciens ou qui ne sont plus aux normes et nous allons faire un gros effort pour que les policiers aient envie d'y travailler et, aussi, parce qu'il en va de l'image de l'État. La LOPSI de 2002 a permis de consacrer 700 millions à la réhabilitation mais le travail n'est pas fini et la future loi d'orientation poursuivra l'effort, afin que des locaux modernes et adaptés donnent une bonne image de la police.

À propos du cantonnement de CRS à PondOrly ; après un audit approfondi, une convention est en cours d'élaboration avec la direction départementale de l'équipement pour qu'elle puisse suivre l'avancement des travaux. Par ailleurs, les locaux de Choisy-le-Roi sont insuffisants. Une restructuration de l'ensemble, notamment du rez-de-chaussée, est nécessaire. Je ne sais quand je couperai le ruban, mais ces deux dossiers sont prioritaires pour moi.

Je ne reviendrai pas sur la fidélisation du personnel, que j'ai largement évoquée, sinon pour dire que la présence d'un même encadrement depuis plus de cinq ans facilite les rapports avec le quartier en restant strictement dans le domaine de l'action policière.

En matière de prévention, je m'intéresse à la présence de policiers, notamment à cheval. En effet, cette position dominante accroît le champ de vision et favorise de bons rapports avec les jeunes. J'ai donc l'intention de développer la présence de la police à cheval. (Bravo ! et applaudissements à droite.)

M. Christian Cambon. - Je vous remercie pour les informations et les engagements pris. Le Val-de-Marne est preneur de la police à cheval !

M. Joël Bourdin. - Mon intervention portera sur la lutte contre l'insécurité routière.

En 2006, le nombre total des tués en zones de police a baissé de 11,8 % par rapport à 2005. Les résultats sont analogues en zones de gendarmerie, avec une diminution de 11 %.

Les progrès sont donc réels ; ils se poursuivent depuis 2002. On ne peut que s'en réjouir. Mais les professeurs savent que lorsqu'on fait bien, on peut mieux faire. Il semble qu'une marge de progression existe, notamment pour combattre la conduite sous l'influence de stupéfiants, face à laquelle police et gendarmerie semblent désarmées.

En outre, de nombreux accidents sont encore dus à l'alcool. Envisagez-vous de nouvelles mesures pour combattre ce fléau ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - Hélas ! La route tue. Des progrès ont été réalisés, mais beaucoup reste à faire.

En cinq ans, quelque 10 000 vies ont été épargnées, on a compté 100 000 blessés en moins. Autant d'individus et de famille dont les perspectives d'avenir ont été préservées. Mais nous avons déploré encore 4 709 morts sur la route en 2006, outre plus de 100 000 blessés. En 2007, 2 000 personnes ont déjà succombé dans des accidents de la circulation, environ 50 000 ont été blessées. C'est trop ! Peu de choses suffisent pour aboutir à un drame. Nous ne pouvons donc baisser la garde.

En matière d'alcoolisme, il importe de faire prendre conscience du danger, notamment aux jeunes qui reprennent la voiture après s'être laissés aller entre copains. Nous sommes tous responsables : la police, la gendarmerie, mais aussi l'éducation nationale, les parents et les hommes politiques. Les campagnes continueront donc, de même que l'utilisation de l'alcootest, mais il nous faut aller beaucoup plus loin.

Je me suis également aperçue que l'usage de stupéfiants était à l'origine d'un très grand nombre d'accidents mortels. Jusqu'ici, nous ne disposons que de tests urinaires nécessitant la présence sur place de camions. En ce moment, nous essayons un test salivaire très simple, dont l'utilisation devrait être équivalente à celle de l'alcootest. À la fin de l'été, si l'évaluation du dispositif est satisfaisante, nos forces de sécurité en seront équipées, ce qui devrait améliorer sensiblement la situation.

L'accident de car survenu hier en Isère rappelle qu'il ne faut pas se contenter des résultats obtenus : encore trop de vies sont perdues, il y a trop d'amputations et de tétraplégies. Tant que nous ne serons pas allés jusqu'au bout, nous aurons du travail !

M. Joël Bourdin. - Je vous remercie pour ces informations, en espérant que le nouveau test sera efficace.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Au terme de cet exercice, je vous remercie d'être venue devant le Sénat rendre compte de la gestion de la mission sécurité en 2006, alors que vous aviez en charge un seul des deux programmes.

Nous tenterons de développer cet exercice, car la loi de règlement est le moment de vérité budgétaire qui permet de préparer la prochaine loi de finances initiale.

Je remercie les collègues qui ont fait porter leur questionnement sur l'exécution budgétaire. Ainsi, nous pourrons progresser pour parfaire le contrôle des dépenses de l'État.

M. le président. - Merci à tous... La présidence, qui a tenté de faire respecter vos temps de parole, compte sur votre indulgence.

La séance est suspendue à 19 h 40.

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

La séance est reprise à 21h 45.

Débat sur la mission Culture

M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, de règlement du budget de l'année 2006. Dans la discussion de l'article 4, nous abordons le débat sur l'exécution des crédits de la mission Culture.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances. - Permettez-moi de traiter ensemble, madame la ministre, les questions que je souhaite vous poser et mes explications sur l'amendement déposé par la commission après l'article 9, ce qui vous permettra d'apporter une réponse globale.

Cet amendement vise à éclairer la situation du Centre des monuments nationaux. Rappelons que la loi de finances pour 2007 affecte à celui-ci, à compter du 1er janvier 2007, et rétroactivement pour la gestion 2006, une partie des droits de mutation à titre onéreux d'immeubles et titres immobiliers, dans la limite annuelle de 70 millions. Il a été précisé, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, qu'en 2006 et 2007, à titre transitoire, les crédits non utilisés par le Centre seraient reversés par fonds de concours au budget opérationnel de programme de la direction de l'Architecture et du Patrimoine et affectés au financement de travaux sur les monuments historiques appartenant à l'État. Ce partage devait faire l'objet d'une convention annuelle entre le Centre et le ministère de la Culture, avec une montée en charge progressive, étalée sur les trois ou quatre prochaines années. Nous avons là un beau spécimen de tératologie financière : un établissement public se voit affecter des crédits d'Etat qu'il rétrocède ensuite sous forme de fonds de concours. Je ne doute pas, madame la ministre, que, si vous aviez été en fonction à l'époque, vous n'auriez pas commis une telle faute de goût.

L'amendement que je vous proposerai prévoit que le gouvernement transmet au Parlement, avant l'examen du projet de loi de finances pour 2008, un rapport sur l'utilisation de la recette fiscale affectée au Centre des monuments nationaux. Je souhaite être éclairé sur l'utilisation de ces crédits avant l'examen du projet de loi de finances pour 2008, et savoir si cette affectation doit être pérenne.

Ce rapport permettra de réfléchir au partage des compétences entre le Centre et les autres acteurs de la maîtrise d'ouvrage déléguée du ministère de la Culture que sont le service national des travaux (SNT), l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC) et les conservations régionales des monuments historiques (CRMH).

Mes deux premières questions, concernant la politique des monuments et l'archéologie préventive, sont rattachées au programme 175 Patrimoines.

Au titre de la gestion pour 2005, l'EMOC a bénéficié d'une dotation en capital exceptionnelle de 100 millions issus des recettes de privatisation des autoroutes. Ces fonds ont été consommés en 2006. Pourriez-vous nous préciser, madame la ministre, quels sont les grands chantiers qui en ont bénéficié ?

Au titre de la gestion pour 2006, 24 millions ont été libérés sur les crédits mis en réserve au troisième trimestre, et 70 millions de recettes fiscales des droits de mutation, comme prévu par l'article 48 de la loi de finances pour 2007, ont été attribués au Centre. Ces fonds, débloqués tardivement, ont-ils pu être utilisés sur la gestion 2006 ? Ont-ils été alloués, comme il était prévu qu'ils le fussent principalement, aux monuments appartenant à l'État ?

La répartition de l'effort budgétaire entre les monuments appartenant à l'État et ceux appartenant aux collectivités territoriales et aux propriétaires privés est essentielle. Lors de mes déplacements auprès des DRAC, au cours des années 2007 et 2006, j'ai constaté, à Amiens, comme plus tard à Rouen, à Bordeaux et à Caen, que certains monuments appartenant aux collectivités territoriales souffraient de restrictions de crédits importantes. La justification au premier euro des crédits utilisés sur l'action 1 Patrimoine monumental et archéologique du programme 175 Patrimoines n'est guère éclairante et mérite des efforts de clarification. Les transferts entre crédits d'investissement et crédits d'intervention sont assez peu compréhensibles, et je suis dans l'incapacité de comprendre quelle somme a été respectivement affectée, en 2006, aux monuments appartenant à l'État et à ceux appartenant aux collectivités territoriales.

Ma deuxième question porte sur l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, j'avais déposé, au nom de la commission des finances, un amendement tendant à doter l'INRAP d'une subvention de 10 millions pour charges de service public. Le ministère de la Culture avait alors indiqué que cette subvention n'était pas nécessaire, et qu'au cours de l'exécution 2006, à la différence de ce qui s'était produit depuis la création de l'établissement public, aucun redéploiement de crédits ne serait nécessaire pour permettre son fonctionnement. La commission des Finances a eu la mauvaise surprise de voir son amendement rejeté, pour je ne sais quelle raison.

M. Jacques Valade, président de la commission. - On ne peut pas toujours gagner.

M. Yann Gaillard. - Hélas, à la lecture du rapport annuel de performances, j'ai constaté qu'une subvention de 8,7 millions en crédits de paiement et en autorisations d'engagement a été versée à l'INRAP. Comme je l'avais prévu dans mon rapport d'information Pour une politique volontariste de l'archéologie préventive le programme 175 Patrimoines a été conduit à financer, en fin d'année 2006, le versement d'une subvention à l'INRAP « afin de permettre à cet établissement de rembourser la première tranche de l'avance de trésorerie sur les encaissements de la taxe sur l'archéologie préventive consentie par le Trésor public ». La loi de finances pour 2007 prévoit, de surcroît, l'inscription d'une subvention de 9 millions en faveur de l'INRAP. Les difficultés rencontrées dans le domaine de l'archéologie préventive sont loin d'être aplanies et je souhaite vivement que l'INRAP figure parmi les opérateurs faisant l'objet d'une présentation détaillée et que des objectifs de performance soient fixés à l'établissement public dans le cadre d'un contrat de performances. Je ne remets nullement en cause l'important travail de l'INRAP, mais il me semble indispensable que des indicateurs mesurent son activité, notamment en termes de productivité, pour permettre la réduction des délais de réalisation des chantiers de fouilles. Ce que les collectivités locales ne pardonnent pas, c'est moins le coût que le retard apporté aux chantiers. J'ai encore l'exemple récent d'une petite commune, qui avait quelques travaux à faire, et qui s'est vu répondre qu'aucune intervention ne serait possible avant six mois.

Quel est votre sentiment, madame la ministre, sur ce sujet sensible ? N'est-il pas temps de réunir le Conseil national de la recherche archéologique (CNRA) afin de définir une politique scientifique rationalisée de l'archéologie, comme j'avais supplié M. Donnedieu de Vabres de le faire ? J'entends bien qu'on ne peut s'en tenir à une seule logique financière, mais il faut faire un effort.

J'en viens au programme 131, Création. En janvier 2007, la mission Coppinger-Carabalona a rendu son rapport sur les modalités d'attribution des crédits d'intervention en faveur du spectacle vivant. Elle a constaté que le dispositif d'aide est en forte croissance mais très dispersé entre réseaux, labels, disciplines artistiques. Les marges de manoeuvre, pour l'aide aux structures, qui représente 80 % des crédits, sont très réduites. Il apparaît que 11 % des subventions absorbent 67 % des crédits, alors que 15 % des subventions sont d'un montant inférieur à 5.000 euros. Nous ne crachons pas sur les subventions : certains d'entre nous en profitent. Mais le rapport de modernisation propose de simplifier et de recentrer le dispositif, de supprimer les doublons, de redonner des marges de manoeuvre et d'appréciation aux services. Dans cette perspective, il est recommandé de compléter l'appareil réglementaire et de hiérarchiser les objectifs, de fournir des références sur le « juste coût » d'un spectacle vivant, et d'utiliser les indicateurs du projet annuel de performance pour évaluer les aides. Partagez-vous, madame la ministre, ces conclusions ?

S'agissant du programme 224 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, le rapport annuel de performances précise que de nombreuses réformes ont été engagées en 2006, telles que la réforme des services déconcentrés du ministère de la culture et la fusion prévue entre les DRAC et les services départementaux de l'archéologie et du patrimoine (SDAP). Hélas, le décret n'est toujours pas paru, et cette réforme de bon sens semble à nouveau reportée sine die.

Je déplore également que le décret relatif à l'assistance à la maîtrise d'ouvrage des collectivités territoriales n'ait pas encore été publié. La réforme de la maîtrise d'oeuvre et de la maîtrise d'ouvrage ne peut avoir de sens que si les conservations régionales des monuments historiques (CRMH) apportent leur savoir faire et leur expertise aux élus locaux. Nombreux sont mes collègues qui m'ont fait part de leur inquiétude et de leurs attentes dans ce domaine. Pouvez-vous, madame la ministre, les rassurer ?

Enfin, madame la ministre, dans le cadre de mes attributions de rapporteur spécial, j'ai mis en oeuvre en 2006 un contrôle sur pièces et sur place de la tutelle de votre ministère sur quatre grands établissements publics culturels, pour constater que le ministère de la culture n'a pas revu son organisation en fonction de la LOLF. A l'origine, la confusion régnait entre gestion et tutelle, des directeurs d'administration centrale étant présidents d'établissements publics. Ce n'est plus possible aujourd'hui. Au titre du ministère de la culture, la tutelle financière est désormais exercée par la Direction de l'administration générale.

La tutelle sectorielle est éparpillée, ce qui rend impossible l'évaluation de la performance, laquelle est pourtant un apport essentiel de la LOLF. Les responsables de la mission Culture doivent intervenir dans la tutelle technique des opérateurs ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles . - Je rejoins le propos de notre collègue sur l'archéologie. L'Alsace a installé un établissement public, avec trente-cinq archéologues, mais l'Etat n'a toujours pas reversé le premier centime : il serait temps de s'en occuper !

La commission a décidé d'examiner plus attentivement les crédits du patrimoine architectural. L'action en faveur des monuments historiques a connu une crise aiguë l'an passé : trois-cents chantiers ont dû être arrêtés, faute de crédits, avec des conséquences directes pour les monuments, mais aussi pour l'activité économique de la filière. Notre mission d'information, par la voix de son rapporteur, M. Nachbar, lançait un cri d'alarme salutaire, qui a réveillé les consciences et mobilisé de nouveaux moyens. Il apparut alors que la crise trouvait son origine dans les à-coups d'une politique budgétaire qui, après avoir résorbé en 2003 et 2004 les reports de crédits des années précédentes, ne parvenait pas à mobiliser des moyens nouveaux. Nous estimions alors nécessaire de stabiliser entre 350 et 400 millions les moyens consacrés aux monuments historiques, et de les assortir d'une gestion prévisionnelle.

Or, le « rouge » pour 2006 de l'action Patrimoine architectural et archéologique s'élevait à 245 millions. Avec les recettes exceptionnelles tirées des privatisations, ainsi que les crédits des grands projets comme Versailles ou le Palais de Chaillot, nous sommes à 301 millions dépensés. C'est insuffisant, d'autant que le budget devait rembourser 38 millions au titre de 2005. Les moyens varient fortement d'une année à l'autre : de 330 à 335 millions entre 2001 et 2003, 367 millions en 2004, 313 millions en 2005, 301 millions en 2006. Comment, avec de tels écarts, définir une gestion prévisionnelle ? Les variations sont également sensibles en cours d'année. En 2006, une rallonge de 20 millions était annoncée, mais en novembre seulement ! Dans ces conditions, soit vous engagez des travaux sans aucune garantie de financement, ce qui se traduit par une dette, soit vous multipliez les petits chantiers, peu propices à une politique d'ensemble.

Je regrette que, sur les 100 millions d'euros de recettes extrabudgétaires qui devaient bénéficier aux monuments historiques, seulement 29 millions leur aient été consacrés. Ces variations ne peuvent qu'entraîner une gestion chaotique.

Le projet de loi de finances pour 2007 a complété les 220 millions de crédits budgétaires par les 140 millions de la recette affectée au Centre des monuments nationaux, dont l'essentiel est reversé, à titre transitoire, au budget de la culture. Ce montant global suffit-il à remettre à flot la politique du patrimoine, ou bien l'exercice 2007 reste-t-il entravé par le passif de 2006 ? Il y aurait, pour les monuments n'appartenant pas à l'Etat, plus de 280 millions d'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement disponibles. Madame la ministre, qu'en sera-t-il au 31 décembre ? Quid des monuments qui appartiennent à d'autres propriétaires que l'Etat, collectivités territoriales ou personnes privées ? Il semble bien que l'Etat privilégie ses propres bâtiments. Ceux appartenant à des personnes privées - la moitié des 41 000 monuments protégés- bénéficiaient de 6,5 % des subventions en 2004, contre 10 % en 2000. Notre mission d'information a souhaité revenir à ce dernier niveau, qui lui était apparu comme un plancher.

Tirant partie de la fongibilité des crédits, les services déconcentrés ont systématiquement favorisé les opérations sous maîtrise d'ouvrage de l'Etat financées par le titre V, au détriment de celles que l'Etat se contente de subventionner par des crédits du titre VI. Je comprends cette priorité donnée au désendettement de l'Etat, mais elle va au rebours de la volonté affichée par l'ordonnance du 8 septembre 2005, qui restitue au propriétaire la maîtrise d'ouvrage tout en lui garantissant un appui financier.

Nous souhaitons encore étendre le bénéfice du chèque emploi service universel au recrutement de guides saisonniers. Le ministère de l'économie n'y est pas favorable, nous espérons que vous nous soutiendrez.

Enfin, notre mission d'information appelle de ses voeux une évaluation de la dépense fiscale afférente aux monuments historiques et aux secteurs protégés:

En un mot, il est difficile d'y voir clair pour les années à venir, en particulier avec les 70 millions de contribution exceptionnelle qui font défaut. La commission sera à vos côtés dans votre action, madame la ministre ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'article 90 de la loi de finances initiale dispose que, dans un délai de neuf mois, le gouvernement transmet au Parlement un rapport sur l'état du patrimoine monumental français, établi sur la base de critères définis au plan national. Pourquoi ce rapport ? Parce que, d'une région à l'autre, on ne donne pas la même définition de l'entretien, de la restauration, voire de la « restitution » d'un monument historique.

Quel est le passif de l'État ? Quel financement serait nécessaire pour assurer le simple maintien en l'état des monuments, indépendamment de tout embellissement ou de toute restitution ? Nous nous situons ici dans une perspective de comptabilité patrimoniale, dans le droit fil de la LOLF.

Ma deuxième question porte sur une affaire très complexe, évoquée par M. Gaillard dans son rapport de 1999 sur le marché de l'art : celle d'un tableau du XVIIème siècle, La Fuite en Égypte, vendu à la fin des années 80 pour environ 250 000 euros, qui serait de Nicolas Poussin, et qui vient d'être acquis, après avoir été déclaré trésor national par la commission ad hoc, par le Musée des Beaux Arts de Lyon, avec l'aide du musée du Louvre et de l'État, pour 17 millions d'euros. Cet écart interpelle. Les évaluations, les estimations, les attributions sont choses fluctuantes dans l'histoire...

Une telle situation soulève trois questions.

La notion de trésor national est appréciée par la commission ad hoc instituée par le décret modifié du 29 janvier 1993, au sein de laquelle le monde des conservateurs est majoritaire. Sans remettre en cause l'intégrité et la bonne foi des personnes éminentes qui y siègent, ne peut-on s'interroger sur le degré d'indépendance de cette commission, en termes de sociologie ?

L'État, et le secteur public en général, ne sont-ils pas toujours réduits à acheter au plus cher ?

Enfin, quelles sont les règles qui vont prévaloir dans la répartition du produit exceptionnel attendu de la très belle opération du Louvre à Abu Dhabi, dont une quote-part doit faciliter cette acquisition ? Quels sont les besoins d'intérêt public qui vont pouvoir être satisfaits ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. - C'est pour moi un honneur d'intervenir pour la première fois dans cet hémicycle, car je sais tout l'intérêt que le Sénat porte à la politique culturelle et à son financement.

Il est tout à fait normal que chaque ministre vienne rendre compte de l'exécution de son budget. Cet exercice 2006, le premier en mode LOLF, a été le fruit d'une mobilisation sans précédent au sein du ministère. Si je reconnais que le rapport annuel de performance est perfectible, notamment dans la justification au premier euro de l'exécution, ce premier exercice constitue d'ores et déjà un véritable progrès : c'est la première fois que les ministères anciennement dépensiers, désormais gestionnaires, rendent compte et explicitent l'exécution de l'exercice précédent. Le ministère s'est employé dès 2007 à en améliorer le cadre.

On a souvent reproché à ce ministère sa difficulté à consommer le budget voté. Cette époque est révolue : seuls 3 milliards n'ont pas été consommés en 2006, soit 0,1 % des crédits ouverts, pour un taux d'exécution proche de 100 % en crédits de paiement. Cela veut dire que le ministère a su améliorer ses méthodes de gestion, mais aussi que la moindre marge de manoeuvre a été utilisée, notamment pour faire face à la grave crise des paiements concernant les monuments historiques.

Une telle performance n'aurait pas été possible sans une amélioration du pilotage des crédits et un renforcement du dialogue entre services centraux et déconcentrés. Je m'attacherai à consolider ces progrès, car si un budget est l'expression d'une politique, l'exécution en est la concrétisation.

M. le rapporteur général m'a interrogé sur l'article 90 de la loi de finances pour 2007, qui prévoit la transmission, dans un délai de neuf mois, d'un rapport sur l'état du patrimoine monumental. Un rapport de 2002 évaluait les besoins à 6 milliards d'euros, dont 1,5 pour les travaux d'urgence. La direction de l'architecture et du patrimoine a été mandatée pour actualiser ces données et se rendre dans chaque région afin d'évaluer la situation des monuments protégés, à commencer par les 14 000 monuments classés, et faire apparaître les situations de péril. Le logiciel « Agrégé » établira une fiche sanitaire pour chaque monument. Un rapport sera remis au Parlement avant la fin 2007.

La commission consultative des trésors nationaux, présidée par un membre du Conseil d'État, est composée uniquement de spécialistes du patrimoine quand il s'agit d'examiner une demande de refus de certificat pour des objets classées trésors nationaux ; s'y ajoute un représentant du ministère de l'économie et des finances avec voix délibérative pour les appels à mécénat, qui concernent les objets présentant un intérêt patrimonial majeur. La Fuite en Égypte a été examiné deux fois : en 2004, le tableau a fait l'objet d'un refus de certification, qui expirait en 2007. En juillet 2007, il a été déclaré d'intérêt patrimonial majeur, et donc susceptible de bénéficier du mécénat des entreprises, par une forte majorité de la commission. Celle-ci ne suit pas systématiquement les propositions des administrations des musées : en 2004, elle a ainsi refusé d'arrêter un tableau italien présenté par le Louvre. Le tableau de Poussin avait été estimé par les musées à 14 millions d'euros, somme qui n'a pas été acceptée par les propriétaires, qui ont fait état de propositions étrangères supérieures. La somme de 17 millions est certes élevée, mais les experts estiment que ce tableau atteindrait entre 17 et 22 millions en vente publique.

Il faut donc se réjouir de l'efficacité du dispositif fiscal mis en place en 2002 et 2003. Pour la première fois il a bénéficié à un musée national, tous les mécénats s'étant mobilisés ; certes, les sommes en jeu peuvent paraître élevées, mais le prix est finalement raisonnable par rapport au marché.

Une crise financière sans précédent a frappé la politique en faveur des monuments historiques ; le paroxysme a été atteint en 2006. Le Sénat, qui avait mené une mission d'information sur le sujet, avait lancé un cri d'alarme à l'été 2006. Un plan de relance est intervenu dès septembre : déblocage immédiat de 20 millions d'euros en régions, financement pérenne supplémentaire de 70 millions pour les monuments appartenant à l'Etat. Les 20 millions ont été consommés extrêmement rapidement. Les 70 millions de taxe affectée, ouverts en loi de finances rectificative de la fin de l'année 2006, sont presque totalement consommés à la fin juin 2007. M. Gaillard l'a rappelé, l'EMOC avait auparavant reçu une dotation exceptionnelle en capital de 100 millions d'euros provenant des privatisations des autoroutes, dotation consommée en 2006 et qui a été décomposée en deux parties : 47,6 millions d'euros aux grandes opérations sur des monuments historiques, Grand Palais, Cité de l'architecture et du patrimoine, Fort Saint-Jean à Marseille, Versailles... et l'autre moitié à d'autres grandes opérations d'aménagement, Cité nationale de l'histoire de l'immigration, rénovation des écoles d'architecture, Cinémathèque française,.... Au total, le passif de 2006 devrait être résorbé en 2007. Je rendrai compte de l'utilisation des 140 millions affectés au Centre des monuments nationaux dans le rapport 2007, répondant ainsi à l'amendement n°5 de M. le rapporteur spécial.

Les monuments n'appartenant pas à l'État ont bénéficié de 83 millions d'euros en titre V, sous maîtrise d'ouvrage de l'État, mais également de 69 millions de subvention pour la restauration en titre VI et de 12 millions pour leur entretien en titre III. Ce sont donc 164 millions de crédits de paiement, contre 147 prévus, qui ont été consacrés à l'entretien et à la restauration des monuments appartenant à des collectivités locales ou à des propriétaires privés. Les variations que vous avez observées, baisse sur le titre VI et hausse sur le titre V, résultent essentiellement du passage à la LOLF : l'inscription en titre V des crédits destinés aux monuments appartenant à des tiers a été postérieure à la répartition des crédits. La fongibilité a toutefois permis de résoudre cette difficulté. Il s'en est suivi un rééquilibrage technique qui ne saurait être interprété comme un choix stratégique. Du reste, les DRAC ont prioritairement traité en 2006 les opérations portant sur les monuments appartenant aux collectivités locales et aux propriétaires privés, dans le droit fil de la réforme engagée par l'ordonnance du 8 septembre 2005.

La crise a donc pu être enrayée. Mais nous n'en sommes qu'à la convalescence et il convient de rompre avec les à-coups budgétaires, dans un secteur qui a besoin de stabilité et de visibilité. L'affectation d'une partie de la taxe relative aux droits de mutation à titre onéreux a constitué une première réponse...

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Pas très lolfienne !

Mme Christine Albanel, ministre. - ...à cette exigence. Le Premier ministre lui-même, dans son discours de politique générale, a déploré les « fluctuations aberrantes du passé ». Je serai très attentive à ce que les moyens en faveur du patrimoine monumental soient suffisants, mais surtout, stables.

En ce qui concerne la maîtrise d'ouvrage sur les monuments historiques appartenant à l'État, la création d'une nouvelle source de financement, la taxe relative aux droits de mutation à titre onéreux, et son affectation à un opérateur, le Centre des monuments nationaux, a fait de cet établissement un nouvel acteur de la maîtrise d'ouvrage sur les monuments appartenant à l'État. Il rejoint ainsi le SNT, l'EMOC et les DRAC. Cette réforme confie au Centre à la fois l'ouverture au public des monuments nationaux, leur entretien et leur restauration. Le CMN peut également se voir confier la maîtrise d'ouvrage sur d'autres monuments appartenant à l'État, ce qui a pu brouiller les perspectives -le champ d'activité des DRAC et du SNT pourrait en être réduit. Un régime transitoire a été créé : le CMN, s'appuyant sur les conservations régionales des monuments historiques, peut mener à bien les opérations de restauration tant sur les monuments nationaux que les autres monuments affectés à la direction de l'architecture et du patrimoine (DAPA). Mais seule une répartition définitive des compétences et des moyens humains clarifiera ce paysage obscurci... Je peux vous annoncer ce soir que j'ai décidé de confier une mission à une équipe resserrée d'experts qui seront désignés avant la fin du mois de juillet.

Le rapprochement des DRAC et des services départementaux de l'architecture et du patrimoine a pris du retard. Le décret relatif à leur fusion n'a pas pu être publié à cause du changement de gouvernement. Après m'être interrogée sur l'intérêt d'une telle réforme, elle m'est apparue nécessaire. Le texte du décret sera examiné par le Conseil d'Etat fin août et sera signé dans la foulée. L'ordonnance du 8 septembre 2005 visait une simplification du régime des monuments historiques ; la restitution de la maîtrise d'ouvrage aux propriétaires de va de pair avec une assistance efficace ; la réforme est équilibrée. Les décrets d'application sont en cours de rédaction.

M. Gaillard a attiré mon attention sur le financement de l'INRAP et sur les délais d'exécution des opérations. Le ministère aurait dû effectivement écouter le Sénat car il a finalement été contraint d'inscrire en 2007 une subvention pour charge de service public de 9 millions d'euros. En 2006, il s'agissait de s'acquitter d'une partie de l'avance de trésorerie remboursable consentie à la création de l'établissement. Vous avez raison, un contrat de performance s'impose : son élaboration est lancée. Quant aux autres opérateurs, j'en conviens, il serait bon qu'ils se développent pour pouvoir réellement concurrencer l'INRAP.

Quels enseignements tirer de l'audit de modernisation sur les aides au spectacle vivant ? Comment, en mode LOLF, s'organisera la tutelle du ministère sur les opérateurs ? L'audit de modernisation critique le saupoudrage des subventions, l'insuffisance des critères de subventionnement, notamment. Toutes les propositions ne me sont pas apparues pertinentes mais je partage en grande partie le diagnostic et j'ai demandé à la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles d'élaborer un plan d'action afin que toute subvention à une structure soit conditionnée à certains critères. L'Etat est présent lorsqu'un projet ou une institution porte une certaine excellence.

Plusieurs indicateurs du projet annuel de performance (PAP) suivent déjà, par exemple, le degré de conventionnement des institutions du spectacle vivant. Nous approfondirons ce type de démarche.

J'en viens à la tutelle stratégique. Il est nécessaire de conforter le rôle des responsables de programme. D'ores et déjà le responsable de programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture élabore avec les directeurs sectoriels intéressés les contrats de performance. L'audit de modernisation d'avril 2007 contient des propositions fort intéressantes et j'étudierai les recommandations du rapporteur spécial au terme de son enquête. L'objectif est bien d'équilibrer tutelle financière et tutelle de contenu. Mais l'organisation même de l'administration centrale est amenée à évoluer et l'organisation actuelle ne saurait être regardée que comme une organisation de trajectoire.

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Dans les rapports que vous nous avez transmis, madame la ministre, nous relevons des indications sur vos engagements ; nous aimerions cependant cerner plus précisément ce qui relève d'une dette de l'Etat à l'égard des collectivités locales ou de propriétaires privés -lorsque des travaux ont été réalisés sur la foi d'engagements pris par l'Etat mais non honorés. Fin 2006, pour la première fois, l'Etat a disposé d'une situation de son patrimoine certifiée avec quelques réserves par la Cour des comptes.

Nous voudrions que les données des ministères et en particulier du vôtre nous permettent de dresser l'état de ce que nous devons, selon des indications très précises qui, je dois le dire, n'apparaissent pas clairement dans votre réponse. Si vous pouviez prendre l'engagement qu'il en sera ainsi, nous vous en serions reconnaissants.

Mme Christine Albanel, ministre. - La dette relative aux monuments historiques d'État s'élèvera à la fin de l'année 2007 à 87millions d'euros, auxquels il faut ajouter 298 millions d'euros pour les monuments historiques ne dépendant pas de l'État, soit un total de 385 millions d'euros.

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. - C'est l'équivalent d'une année complète de budget !

M. Ivan Renar. - Les enseignements artistiques font l'objet d'une politique conjointe des deux ministères de l'éducation nationale et de la culture depuis de nombreuses années. Même s'ils figurent dans le socle des connaissances, ils n'en demeurent pas moins en souffrance.

Le plan Lang-Tasca a été une expérience intéressante, qu'il conviendrait d'approfondir, car il favorisait la rencontre entre élèves, artistes et enseignants.

Le plan de relance Fillon-Donnedieu de Vabres de janvier 2005 a montré ses limites, comme nous le voyons ce soir avec le budget 2006. Il faut en finir avec cette logique qui consiste à admettre que l'éducation artistique est fondamentale, pour ne rien faire ou presque.

Pourtant, les premières études présentées à Paris lors du symposium international sur les effets de l'éducation artistique, ont montré que la pratique instrumentale régulière, par exemple, augmente les capacités à se situer dans le temps et dans l'espace, aide à réinsérer les enfants en grande difficulté, et doperait même les résultats en mathématiques et en langues.

Face aux défis d'un monde uniformisé par la culture marchande et les loisirs, de nouvelles exigences s'imposent, en termes d'éducation à l'image, et d'histoire des arts, pour mieux comprendre notre environnement, qu'il s'agisse du patrimoine architectural, des musées, mais aussi de l'espace urbain.

Les jeunes sont les premières cibles des industries culturelles, qui n'en finissent pas de développer de nouveaux supports technologiques : DVD, Internet, téléphonie mobile... D'où l'impérieuse nécessité pour l'école de former l'esprit critique dans l'usage des nouveaux médias et de sensibiliser aux enjeux de la création et des droits des auteurs, mis à mal par un marché sans conscience ni miséricorde.

Notre pays a ratifié la charte de l'Unesco sur la diversité culturelle. La France devrait s'illustrer par ses dispositifs d'éducation artistique et culturelle, de l'école maternelle à l'université.

Dans notre époque de transformations profondes, notre jeunesse a plus que jamais besoin d'une véritable culture humaniste. « L'art est bien le plus court chemin qui mène de l'homme à l'homme » comme l'a dit André Malraux.

Or l'état des lieux est bien loin de ces ambitions, comme en témoigne ce projet de loi de règlement.

Lors de la campagne électorale, le président de la République a déclaré que son projet de politique culturelle s'appuierait sur l'école, et qu'il souhaitait valoriser l'éducation artistique, pour donner un nouvel élan à la démocratisation culturelle.

Il faut naturellement préparer les enseignants, notamment dans les IUFM, mais je pense aussi aux artistes, aux professionnels de toutes disciplines qui interviennent dans les classes, aux côtés des enseignants. Il y a toujours un moment magique dans ces échanges quand des jeunes, après quelques séances, découvrent qu'il n'y a pas de talent sans un énorme travail. C'est une expérience irremplaçable. Il est grand temps que l'éducation artistique et culturelle devienne une grande cause nationale. Quel enseignement avez-vous tiré du budget 2006 pour que le budget 2008 traduise cette ambition en termes de moyens humains et financiers ?

Mme Christine Albanel, ministre. - Le budget 2006 consacre tout de même plus de 3 millions d'euros à cette ambition. Il faut avoir à l'esprit que certains éléments n'y figurent pas, je pense notamment aux efforts réalisés par la cité de La Villette, aux 300 000 élèves que nous accueillons à Versailles et dans d'autres établissements publics. Il conviendrait donc d'avoir une vision plus globale de l'éducation artistique et culturelle. Il n'empêche qu'il faut faire davantage. Nous avons la chance historique que l'éducation artistique figure dans les décrets d'attribution du ministre de l'éducation nationale et du ministre de la culture : nous avons donc l'ardente obligation de travailler ensemble.

Nous allons missionner un inspecteur général de l'éducation nationale, qui est également un grand connaisseur du monde culturel, pour nous faire des propositions. Bien sûr, il faudrait introduire l'éducation artistique de l'école maternelle jusqu'à l'université, sans oublier les établissements d'enseignement supérieur spécialisés, qui sont nombreux à dépendre du ministère de la culture. Il faut développer les partenariats entre ces établissements et les établissements scolaires. Nous devons faire converger nos efforts pour renforcer les liens entre les conservatoires et les écoles et développer des projets communs : cela va changer profondément nos manières de faire.

Lors de la fête de la musique, j'étais à Cergy-Pontoise, où j'ai pu constater le dynamisme d'un partenariat entre le conservatoire et une classe réunissant des élèves de toutes origines.

J'insiste sur la nécessité de faire plus dans ce domaine ; ce sera une de mes priorités.

M. Ivan Renar. - Je vous remercie pour votre réponse. Je vous donne acte des chantiers qui sont devant vous. Vous avez raison d'évoquer le rôle des établissements publics comme Versailles. Je reconnais qu'il y a quelque injustice à interpeller la ministre de la culture sur cette question, car c'est le ministère de l'éducation nationale qui se sert des crédits destinés aux enseignements culturels et artistiques comme d'une variable d'ajustement. Vous pourrez compter, madame la ministre, et je parle sous le contrôle du président Valade, sur le soutien de la commission des affaires culturelles du Sénat, pour seconder vos efforts budgétaires dans ce domaine.

Chacun s'accorde à reconnaître que l'éducation artistique contribue à la construction de la personnalité, à la constitution de la citoyenneté, elle doit prendre toute sa place dans la vie des jeunes et à l'école.

M. David Assouline. - La lecture du bleu budgétaire relatif à la mission Culture au titre du projet de loi de finances pour 2007 avait confirmé nos inquiétudes quant à la situation de la création dans notre pays.

Les indicateurs de performance du programme Création dégagent des tendances malheureusement négatives quant à l'efficacité des politiques publiques conduites dans ce domaine.

Ainsi, en 2004, 47,7 % des artistes avaient bénéficié pour la première fois de commandes, d'acquisitions et d'aides à la création, de la part de l'État. Ils n'étaient plus que 44,8 % en 2005 et ne devraient pas être plus de 45 % en 2006.

En 2004, le taux d'entrée des compagnies et des ensembles musicaux dans les dispositifs d'aide était de 14,7 %, mais n'était plus que de 9,9 % en 2005 et devrait rester inférieur à 10 % en 2006 et 2007.

De plus, la recette moyenne par place offerte dans les structures subventionnées s'est dégradée sur la période 2004-2006, régressant de 48,30 euros à 48 euros en passant par un creux de 47,90 euros en 2005.

Par ailleurs, sur la même période, le taux de places vendues par rapport à la jauge mise en vente dans les lieux subventionnés ne parvient pas à atteindre 75 %, avec un creux à 72,4 % en 2005 contre 73,7 % en 2004.

Enfin, la part du public des spectacles vivants venus dans le cadre de sorties scolaires est passée de 12,2 % en 2004 à 11,7 % en 2005 et devrait rester inférieur à 13 % en 2006.

Ces chiffres, fournis par les services compétents du ministère, montrent que les deux axes stratégiques qui structurent l'action publique dans le cadre du programme Création, à savoir l'encouragement de la création et le renforcement de la diffusion, ne se traduisent pas par des résultats probants.

Si l'on s'en tient à l'exécution du budget 2006, seulement 786 millions d'euros de crédits ont été engagés au titre du programme Création pour 936 millions d'euros d'autorisations d'engagement votées en loi de finances initiale. Quant au programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, il a été à peine mieux loti avec 846 millions d'euros de crédits finalement engagés contre 868 millions d'euros d'autorisations d'engagement votées.

Le taux de consommation des crédits est proche de 100 %, mais ce pourcentage ne porte que sur l'exécution des crédits ouverts et non sur la consommation des crédits votés : par exemple, ce taux pour les crédits du programme Création atteint 100 %. Mais, calculé par rapport aux autorisations d'engagement votées, il tombe à 84 %.

Ces chiffres, peu satisfaisants pour tout titulaire du portefeuille de Malraux, celui de « l'exception française » par excellence, sont le résultat direct du désengagement budgétaire constant de l'État dans le financement de la création depuis 2002. Le gouvernement auquel vous appartenez compte-t-il renverser la vapeur et, si oui, comment ?

Mme Christine Albanel, ministre. - Permettez-moi, sans répondre dans le détail à cette litanie de chiffres, de trouver votre diagnostic très sévère. Notre engagement, et celui du gouvernement, en faveur de la création est extrêmement fort. Il est l'un des plus importants d'Europe. Nous subventionnons quelque 2 200 compagnies théâtrales, ensembles musicaux et chorégraphiques : cela représente 270 millions d'euros en aides au fonctionnement et en subventions dans le domaine du spectacle vivant. Cet effort soutenu nous place au premier rang.

La question qui se pose aujourd'hui, n'est pas tant d'augmenter indéfiniment les aides que d'examiner dans quelles conditions nous les apportons. Nous devons continuer à nous tenir aux côtés des artistes, mais je suis tout à fait favorable à définir des critères de subventionnement, parmi lesquels, les actions en faveur de l'éducation artistique et culturelle que nous venons d'évoquer à l'instant, les interventions dans les établissements scolaires, mais aussi les relations avec le public et la diffusion, pourraient figurer en bonne place.

L'effort public doit trouver des contreparties. C'est dans ce sens que nous agirons.

M. David Assouline. - J'ai mis peu d'idéologie dans ma question, je me suis contenté de citer les chiffres publiés par votre propre ministère. Si sévérité il y a, elle vient donc de la rue de Valois.

Je n'en suis pas à vous reprocher de ne pas augmenter indéfiniment vos crédits, je constate qu'ils régressent continûment depuis 2002 et vous demande si cette tendance a des chances de s'inverser. Je comprends que vous voulez établir des relations plus contractuelles, mieux ciblées ; soit, mais vous ne dites pas que vous stopperez cette descente continue.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Un des objectifs pour 2006 du programme Création était le soutien à l'emploi culturel. Votre prédécesseur a pris des engagements pour résoudre la crise de l'intermittence par des mesures de structuration et de soutien à l'emploi dans le spectacle vivant. Où en est-on ? II s'agissait, en premier lieu, de structurer le secteur du spectacle vivant et de conclure des conventions collectives. Quatre ont été conclues. Répondent-elles aux objectifs fixés ? Qu'apportent-elles à l'organisation et à la régulation du secteur ?

Il reste à redéfinir les annexes 8 et 10, comme le recommandait le rapport Charpillon. Nous avons manqué l'occasion, offerte lors de la renégociation de la convention Unedic, de réformer dans sa globalité le régime d'assurance chômage des intermittents. On aurait pu alors, tout en garantissant le régime spécifique des intermittents dans le cadre général de la solidarité interprofessionnelle, en redéfinir le périmètre afin de bâtir un système opérationnel, vertueux et équitable. Dans cette logique, le ministère a engagé une lutte contre le travail illégal, afin que les employeurs n'abusent pas de l'intermittence, comme dans certaines entreprises de l'audiovisuel. Votre administration réfléchit-elle à un indicateur de performance propre à rendre compte de cette action ?

Il s'agissait ensuite d'orienter les financements publics vers l'emploi, selon les préconisations des rapports Guillot et Auclaire. Nous avions demandé que les structures qui recourent à des emplois permanents soient favorisées. Où en est cette politique ? A-t-elle donné les résultats escomptés ? Les critères d'attribution des subventions doivent prendre en compte la pérennisation des structures et des compagnies, dont beaucoup sont fragilisées par la crise de l'intermittence.

L'objectif « soutien à l'emploi culturel et à la professionnalisation des secteurs » fait l'objet d'un seul indicateur de performance : la rémunération des artistes dans les structures subventionnées. II n'est pas totalement pertinent : au-delà de la part de la masse salariale des structures consacrée aux rémunérations versées directement à des artistes, il faudrait tenir compte du pourcentage des emplois permanents créés dans ces structures, notamment pour ce qui concerne les emplois administratifs.

Mme Christine Albanel, ministre. - Le fonds transitoire a été la manifestation la plus tangible de la solidarité nationale avec les intermittents ; plus de 270 millions ont été débloqués ces deux dernières années. Nous allons poursuivre les discussions avec le ministère du travail et les syndicats, et nous ferons le point sur ce qui peut être amélioré dans les conventions collectives. Un travail considérable a été accompli : on est passé de 47 conventions à 8. Celles qui sont d'ores et déjà signées marquent une nette avancée dans le sens de la professionnalisation, en précisant le recours aux CDD d'origine, dans le cadre des annexes 8 et 10.

Le plan de lutte contre le travail illégal obtient de bons résultats. Nous sommes passés de quelques centaines de contrôles à plusieurs milliers, ce qui a un effet dissuasif très sensible : là où il y a avait 70 % de travail en contravention, la proportion est tombée à 20 % grâce à la peur des contrôles. Des structures comme les DRAC, le CNC ou des collectivités locales peuvent désormais refuser leur aide à des entreprises qui recourent au travail illégal. Dans le même esprit, nous voulons aussi clarifier la frontière entre professionnalisme et amateurisme : trop d'amateurs prétendus sont en fait des professionnels déguisés.

Mme Catherine Morin-Desailly - Ces actions doivent être poursuivies. Nous pensons aussi à la formation initiale et continue, à la reconversion.

M. Joël Bourdin. - Notre collègue Yann Gaillard souligne que la gestion de la mission Culture pose la question de la responsabilisation des gestionnaires et du degré de déconcentration des crédits. Il s'interroge sur la complexité des dialogues de gestion entre les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC), les responsables de programmes et les directions sectorielles. La mise en oeuvre de la LOLF ne doit pas conduire à rajouter une couche administrative sur une organisation inchangée.

Le rapport annuel de performance indique qu'un certain nombre d'actions ont été engagées pour améliorer la performance du ministère en matière de fonction de soutien. Il cite la réforme des services déconcentrés fondée sur le rapprochement des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et des services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP).

Pourquoi avoir préféré un tel regroupement vertical à un regroupement horizontal des SDAP avec les directions départementales de l'équipement et de l'agriculture ? En quoi cette nouvelle organisation sera-t-elle plus performante, au sens de la LOLF ?

Mme Christine Albanel, ministre. - Ce rapprochement était prévu ; nous l'avons étudié et jugé qu'il avait du sens. Il est logique que mon ministère considère que l'architecture a plutôt à voir avec la culture !

On peut en attendre une plus grande rapidité dans le traitement des dossiers, une meilleure gestion des crédits, une fluidité accrue dans les opérations d'urbanisme, une plus grande cohérence de l'action des services en matière de patrimoine et, bien que les marges soient étroites, une optimisation des moyens et des personnels. Bref, cette réforme a du sens.

M. Joël Bourdin. - Merci de ces précisions.

M. Aymeri de Montesquiou. - Madame le Ministre, les relations entre élus et architectes des Bâtiments de France, dont les compétences sont reconnues et appréciées, sont parfois difficiles. (M. Fréville le confirme) Les décisions unilatérales des architectes retardent, voire compromettent, des projets de développement essentiels pour les maires qui veulent attirer les nouveaux rurbains et éviter la fossilisation de leur commune. Pour répondre aux souhaits des élus, je propose que l'association départementale des maires -je préside celle du Gers- organise une rencontre entre les parties en cas de désaccord, à laquelle participera éventuellement un représentant de la préfecture. Madame la Ministre, qu'en pensez-vous ?

Mme Christine Albanel, ministre. - Une instance d'appel existe depuis deux ans : la section de la commission régionale du patrimoine et des sites. Celle-ci, placée sous l'autorité du préfet de région et présidée par le directeur régional des affaires culturelles, compte trois élus, dont deux conseillers généraux et un maire. Cette section joue-t-elle effectivement son rôle ? La question mérite d'être posée, notamment s'agissant de la place des élus. Quoi qu'il en soit, nous pouvons considérer d'autres formules.

M. Aymeri de Montesquiou. - Merci de cette réponse à une question qui préoccupe de nombreux sénateurs-maires.

M. Yves Fréville. - En effet !

M. Aymeri de Montesquiou. - Cette section est une instance trop lourde et, qui plus est, trop lointaine. Pour éviter aux maires des petites communes rurales d'avoir le sentiment d'être mis en accusation, l'association départementale des maires pourrait jouer le rôle de médiateur.

M. Ivan Renar. - Voici maintenant quatre ans que la question du statut des intermittents obscurcit le paysage de la création français. Le protocole du 18 avril 2006 est loin de faire l'unanimité. En effet, il reconduit les principales dispositions de l'accord de 2003 et accentue les problèmes posés par les anciennes annexes 8 et 10. Cette réforme n'a pas permis de résorber le déficit, pas plus que de lisser les inégalités et de lutter contre les abus. Malgré le fonds transitoire, rebaptisé « fonds de professionnalisation », plus de 30 000 professionnels ont été exclus du système d'indemnisation.

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Le régime des intermittents ne dépend pas du ministère de la culture !

M. Ivan Renar. - Certes, mais le budget de l'Etat est transversal (Sourires à gauche).

Les travailleurs du spectacle qui concourent au développement culturel en milieu rural ou dans les petites villes sont précarisés tandis que se renforce la situation des mieux indemnisés. Bref, on nous prépare une création de plus en plus uniformisée. De plus, ce protocole incite à la sous-déclaration des heures travaillées.

Pourquoi avoir balayé la proposition de loi élaborée par le comité de suivi le 12 octobre dernier ? Elle avait pourtant reçu le soutien de 472 parlementaires, dont de nombreux collègues de la majorité.

Madame le ministre, le gouvernement va-t-il engager le dialogue pour aboutir à une nouvelle rédaction des annexes 8 et 10 qui garantisse un financement pérenne et équitable de la création ?

Mme Christine Albanel, ministre. - Comme je l'ai dit à Mme Morin-Desailly, la crise de 2003 est derrière nous : le système des intermittents compte aujourd'hui 98 000 bénéficiaires pour 1,2 milliard, contre plus de 120 000 en 2003 pour 1 milliard.

Pour autant, il subsiste de nombreuses difficultés. Les organisations syndicales, même si elles n'ont pas signé le protocole, participent toutes aux négociations sur le fonds de professionnalisation - je les avais reçues avant de visiter les festivals. Notre système, unique en Europe, permet aux artistes et aux techniciens d'exercer leur profession. S'agissant de la déclaration, je crois que la politique de contrôle portera ses fruits. Rendez-vous est d'ailleurs pris avec le ministère du travail sur ce point.

Monsieur le sénateur, soyez certains que nous avons le souci de pérenniser le système de l'intermittence, à condition d'accepter que tout le monde n'a pas vocation à être artiste, et de garantir les droits des créateurs.

M. Ivan Renar. - Je reste sur ma faim : la patate est encore chaude ! Il y va de l'avenir du spectacle vivant. La France, à la différence du Royaume-Uni ou de l'Italie, a su trouver les moyens de sauver son cinéma. Attention à la précarisation des travailleurs du spectacle. Et comme aimait dire Che Guevara, plutôt que de parler, faisons ! Nous serons à vos côtés si vous agissez.

M. Jean-Marc Todeschini. - Dans ce budget 2006, 11,5 millions consacrés à l'action Patrimoine monumental et archéologie ont été annulés. Vous accentuez une situation grave et déjà ingérable : depuis six exercices budgétaires, l'enveloppe destinée à cette politique a baissé de plus de moitié : 538 millions en 2002, 249 en 2007... Les DRAC, compte tenu du décalage entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement revus à la baisse par les collectifs, ce que M. Richert avait dénoncé l'an dernier, n'ont aucune visibilité sur les crédits dont ils disposent.

Ainsi à mi-année, une bonne partie d'entre elles, ayant dépensé la totalité de l'enveloppe annuelle, se trouve en cessation de paiement. Il faudrait le double pour que les DRAC puissent mener à bien leurs missions. Le Groupement des monuments historiques (GMH) a dénombré, pour 2006, quelque trois cents chantiers arrêtés des le mois de juillet, faute de moyens, soit près du tiers du millier de chantiers annuels. Environ sept cents emplois ont été supprimés, certaines des six cents entreprises spécialisées ont dû mettre la clef sous la porte et 55 % d'apprentis en moins ont été embauchés dans ces mêmes entreprises. A court terme vont disparaître les savoir-faire très pointus dans ces secteurs, garants du patrimoine historique et culturel de tous les Français.

Selon les estimations du même groupement, il faudrait un budget annuel de plus de 400 millions pour restaurer et entretenir les monuments historiques ; or ce soir nous votons des crédits de 284 millions pour ce secteur mais aussi pour l'archéologie .Le compte n'y est pas ! En 2006, le gouvernement précédent avait promis une rallonge de 100 millions dégagés sur le produit de privatisations. Seuls 40 auraient été versés et la quasi-intégralité de cette enveloppe aurait été absorbée par la rénovation du Grand Palais et de Versailles. Deux autres rallonges auraient été versées : 5,7 millions en février et 12 en mars 2006. On reste loin des 100 millions ,dont 40 ont été « détournés » pour combler, partiellement, le déficit budgétaire récurent de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). La situation de cet institut, comme celle de l'archéologie préventive en général, est tout aussi alarmante que celle du patrimoine. Le bricolage budgétaire dont est victime, depuis maintenant plus de cinq ans, notre patrimoine monumental doit cesser au plus vite. Il en va de la préservation de pans entiers de la culture séculaire de notre pays qui sont en train de tomber irrémédiablement en ruines et dont la valeur historique et artistique est pourtant inestimable. Pouvez-vous, madame la ministre, vous engager solennellement, ce soir, à présenter, au plus vite, un plan de financement pour le patrimoine français, par le biais d'une loi de programmation pluriannuelle, afin que l'ensemble des monuments historiques bénéficie des crédits nécessaires à son entretien ? C'est la seule solution raisonnable pour ce secteur. Je crains sinon que, dans dix ans, nous ne discutions encore vainement de l'annulation de crédits non consommés alors que certains édifices auront été rayés de la carte de France.

Mme Christine Albanel, ministre. - Vous dressez là un tableau inquiétant. Depuis 2003, tout le monde le reconnaît, la crise est profonde. Des mesures ont été prises, des recettes de privatisation et une taxe extra-budgétaire ont été affectées à l'EMOC et la baisse des crédits consommés -300 à 320 millions par an- n'est pas si importante que vous le dites. Désormais, il faut en effet des moyens suffisants et constants, car ils conditionnent beaucoup d'emplois et il faut préserver le millier d'entreprises des métiers d'art des à coup de financement. Rien n'est plus désolant que des chantiers abandonnés et des échafaudages permanents. Le Premier ministre s'est engagé à assurer au patrimoine des crédits stables et souples.

M. Jean-Marc Todeschini. - M.Richert n'a pas été moins catastrophiste que moi. Il faut des crédits pour nos monuments historiques.

Mme Catherine Morin-Desailly - Dans le programme Création de la mission Culture une action du ministère vise à soutenir les industries culturelles avec l'objectif de favoriser la diversité des offres. L'année 2006 a également vu l'adoption de la loi sur les droits d'auteurs et des droits voisins dans la société de l'information (DADVSI). Son vote a été au coeur d'un débat plus large sur les nouveaux modes de consommation culturelle, la concentration des industries culturelles et la rémunération des créateurs. Elle a également posé la question de la préservation de la diversité de l'offre culturelle, principalement dans le domaine du disque et du livre.

L'industrie du disque est en crise depuis plusieurs années maintenant. Entre 2002 et 2006 le marché de la musique a perdu près de 36 % en valeur et 14,5 % pour la seule année 2006, entraînant la suppression de milliers d'emplois. Les ventes légales en ligne ne compensent pas les baisses de vente de CD matérialisés. Du fait de l'absence d'anticipation des majors confrontés à ce nouveau modèle de consommation, les offres et les prix des plateformes légales sont encore insuffisamment attrayantes. Le rapport annuel de performance indique que le ministère oeuvre pour le développement des offres légales de distribution dématérialisée de la musique grâce à un programme spécifique du Fonds pour la création musicale. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce dispositif, madame la ministre ? Les professionnels du secteur ont proposé plusieurs mesures pour soutenir la filière musicale : extension du crédit d'impôt voté en 2006, adaptation du mécanisme des SOFICA à l'industrie phonographique, moratoire pour l'application de la TVA à 19,6 % sur la musique dématérialisée... pour ne citer que les principales. Etes-vous favorable à ces mesures ?

Plus globalement, quel bilan dressez-vous de la loi DADVSI après un an d'application ? Cette loi qui n'empêche pas le téléchargement illégal doit-elle être revue et corrigée ? Quelles mesures envisagez-vous pour maintenir la diversité musicale, au-delà des dispositifs d'aide aux nouveaux talents qui existent déjà ?

Le ministère soutient également les commerces culturels de proximité, disquaires ou librairies indépendantes notamment, par la reconduction en 2006 du FISAC pour trois ans. Certaines aides, notamment du Centre national du livre, existent déjà pour les librairies indépendantes. Début 2007, le gouvernement a mis à l'étude des mesures juridiques et fiscales susceptibles de faire face aux difficultés grandissantes de ces commerces culturels de proximité, confrontés à la concentration du marché et aux bouleversements liés au numérique. L'idée d'un label spécifique pour les librairies indépendantes a été avancée, qui leur donnerait droit à des conditions fiscales incitatives, comme la possibilité d'être aidées par les collectivités locales à l'image des cinémas « Art et essai ». Où en est cette réflexion et ces mesures se concrétiseront-elles dans le budget de la mission culture pour 2008 ?

Mme Christine Albanel, ministre. - Certaines filières sont en effet menacées par la pratique du téléchargement mais la chanson française s'en tire plutôt bien. La loi DADVSI existe, il faut l'appliquer et je lancerai une action, avec l'Intérieur et la Justice, pour qu'elle soit appliquée. Parallèlement, il faut mener une action plus contractuelle avec toutes les parties prenantes pour que l'offre soit plus attractive. Un groupe de travail sera constitué à la fin de l'été, qui présentera propositions et ajustements.

Mais il faut aussi soutenir le revenu des auteurs-compositeurs,-interprètes et prévoir une rémunération équitable de tous les diffuseurs. On peut envisager d'étendre le crédit d'impôt, qui a coûté 3 millions en 2006, ou encore la formule des SOFICA. Il faut, de toute façon, augmenter les moyens du Fonds des industries musicales.

Le rôle du FISAC est essentiel en faveur des librairies de proximité : en 2006, 92 ont été sauvées et 26 créées. Nous disposons aussi de l'excellent rapport sur l'éducation aux arts et à la culture, de Sophie Barluet, décédée la semaine dernière.... Nous allons lancer un plan livre.

Mme Catherine Morin-Dessailly. - Je remercie Madame la ministre de ces précisions.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - J'aimerais vous interroger sur deux aspects de l'action internationale de votre ministère. La France a joué un rôle de premier plan dans l'adoption de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Elle s'est engagée à verser 1 % de sa contribution au budget de l'Unesco au Fonds international pour la diversité culturelle. Un document a été formalisé en avril. Quelles sont, madame la ministre, les orientations de votre ministère dans le cadre du programme 224 Transmissions des savoirs et démocratisation de la culture de la prochaine loi de finances ?

Au sein du programme 224, l'action 6 Diffusion de la culture française n'est dotée, pour l'année de référence, que de quelque 20 millions en crédits de paiement et autorisation d'engagement, soit l'enveloppe la plus réduite du programme. Comment entendez-vous assurer le financement des aides aux structures de diffusion et de promotion ?

J'en viens à CultureFrance, opérateur commun de votre ministère et du ministère des affaires étrangères pour les échanges culturels internationaux, auxquels les Français de l'étranger restent très attachés. Dans un rapport d'information de 2006, notre rapporteur spécial relève que le ministère de la culture, dont la participation ne dépasse pas 20 % du budget, devrait y jouer un rôle plus important. De fait, votre ministère a les moyens d'une expertise efficace. Envisagez-vous, madame la ministre, de l'impliquer davantage au sein de CultureFrance, en augmentant sa contribution budgétaire ? Le budget prévisionnel de l'institution est en déséquilibre, conséquence des sacrifices importants qui lui ont été demandés l'année passée.

Mme Christine Albanel, ministre. - La convention de l'Unesco, adoptée en 2005, est aujourd'hui en vigueur. C'est un grand succès et la France peut être fière d'avoir été une tête de pont. Des actions seront menées dans ce cadre, dont le ministère de la culture sera l'organisateur. Au cours de la prochaine présidence française de l'Union européenne, qui verra l'année du dialogue interculturel, de nombreuses actions seront conduites. Nous mobiliserons l'emblématique cité de l'immigration. J'ai rencontré le commissaire européen à la culture, et nous sommes convenus de travailler ensemble sur le multilinguisme, qui porte, comme vous le savez, toutes les problématiques liées à la traduction.

Notre rôle dans le fonctionnement de CultureFrance n'est pas très important, mais nous avons participé à la signature du contrat d'objectifs et de moyens. Vous savez que l'action internationale est portée par de nombreux opérateurs et que nous sommes favorables à une transformation de CultureFrance en établissement public, pour articuler nos politiques avec celle du ministère des affaires étrangères. Nous souhaitons également développer les partenariats par le biais de la coopération décentralisée. Nous avons prévu de partager le coût des saisons étrangères, notamment des saisons européennes, et de favoriser le développement de résidences d'artistes.

Le projet de bibliothèque numérique européenne est lancé avec pour ressource la redevance sur appareils reprographiques lui assure une ressource. Plusieurs programmes ont débuté. Un prototype expérimental du nouveau projet Gallica de numérisation de texte a été mis en ligne en 2007. Pour la numérisation massive que nous envisageons, le développement des infrastructures techniques est essentiel, comme le sont les négociations de la BNF pour les documents sous droits.

M. David Assouline. - Depuis plus de quatre ans, le protocole du 26 juin 2003 est contesté par l'immense majorité des intermittents. L'exclusion de plusieurs milliers de professionnels de l'assurance-chômage a obligé le gouvernement Raffarin à créer, au 1er avril 2004, un fonds spécifique provisoire pour en compenser les effets. Reconduit au 1er janvier 2005, ce fonds, géré par les ASSEDIC, a été remplacé par un système pérenne de professionnalisation et de solidarité. Les dépenses sont passées de 4,6 millions en 2004 à 73,7 millions en 2005, et probablement à 150 millions en 2006. La Cour des Comptes observe que ces crédits ont été de facto gérés par le ministère de la Culture, en l'espèce par le cabinet de votre prédécesseur.

Ne serait-il pas opportun de rattacher, en 2008, ces crédits à la mission Création, et de justifier en droit l'action du directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles ?

Depuis les grèves de l'été 2003, la majorité restée campée sur sa volonté de réguler les dépenses. Pour sortir d'un climat délétère, le groupe socialiste avait déposé une proposition de loi tendant à pérenniser les principes de l'assurance-chômage dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle au sein de l'UNEDIC. Mais comme les propositions des communistes et des centristes, qui allaient dans le même sens, elle a été rejetée par la majorité. Ne serait-il pas enfin temps de mettre fin à la crise ?

Mme Christine Albanel, ministre. - Il me sera difficile d'ajouter à ce que j'ai déjà répondu à Mme Morin-Desailly et à M. Renar. Le système faisait peser sur les contribuables une charge anormale, mais l'État ne s'est pas dérobé puisqu'il a mobilisé 160 millions et que le chiffre attendu pour 2007 est de 230 millions.

La situation est aujourd'hui plus apaisée qu'en 2003. Rendez-vous a été pris avec le ministre du travail et les partenaires sociaux pour améliorer ce qui peut l'être. Vous savez que je souhaite la pérennisation d'un régime spécifique, qui permet à beaucoup d'artistes de vivre leur vocation. Mais à la voie législative, je préfère celle du dialogue social, même s'il est évident que l'État doit assumer ses responsabilités.

M. David Assouline. - Je prends acte de vos propos, mais vous n'avez pas répondu sur l'idée de faire gérer le fonds en droit, et non seulement en fait, par votre ministère, afin que chacun sache où est le pilote.

M. Ambroise Dupont. - Ma question concerne les crédits de votre ministère consacrés au patrimoine. M. Richert, qui a présidé la mission d'information sur ces crédits a largement évoqué la crise. Deux ratios sont significatifs à cet égard : la répartition des ressources entre Paris et la province, ainsi qu'entre les monuments de l'État et ceux d'autres propriétaires.

Ces ratios pourraient-ils servir d'indicateurs ?

Les recettes exceptionnelles des privatisations sont allées surtout à de grandes opérations parisiennes. Quelle part de cette bouffée d'oxygène a concerné les opérations en régions ? Idem, pour les 20 millions dégelés ?

Au gré de la fongibilité, 40 millions du titre VI sont allés au titre V : pourquoi l'Etat a-t-il ainsi privilégié les opérations dont il a la maîtrise d'ouvrage ? Quelles ont été les conséquences pour la répartition des crédits entre bâtiments appartenant à l'Etat, et ceux appartenant à d'autres propriétaires ? C'est important de le savoir, en particulier pour les départements qui déterminent les crédits qu'ils devront affecter à leurs propres opérations.

Mme Christine Albanel, ministre. - La loi de finances a prévu 231 millions pour le patrimoine, dont 199 millions en régions, soit 86 %. La dotation exceptionnelle de privatisation de 47,7 millions est allée essentiellement à de grandes opérations en Ile-de-France...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Surtout en région parisienne !

Mme Christine Albanel, ministre. - Effectivement, puisqu'elles étaient gérées par l'EMOC. Les 20 millions supplémentaires sont allés d'autant plus facilement en régions. Il faut y ajouter les 9,5 millions « dégelés », qui sont allés intégralement aux opérations en régions.

La progression du titre V a une cause technique : c'est qu'en mode LOLF, nous avons joint aux crédits visant les bâtiments appartenant à l'Etat, les opérations dont l'Etat a la maîtrise d'ouvrage -on est ainsi passé des 88 millions prévus, à 144 millions dépensés. Le titre VI a regroupé les seules opérations sur les bâtiments n'appartenant pas à l'Etat, pour un montant de 164 millions.

M. Ambroise Dupont. - Merci pour ces précisions utiles. Vous ne croyez pas si bien dire en parlant d'échafaudages permanents : dans le Calvados, un chantier s'éternise depuis sept ans, celui du tribunal de grande instance de Lisieux ! (Sourires)

M. Robert del Picchia. - Nous connaissons tous la Villa Médicis à Rome, la Casa de Vélasquez, à Madrid, nous ne connaissons pas encore le musée universel d'Abu Dhabi, qui, avec le Louvre, va faire rayonner notre culture, dans une région du monde où nous sommes peu présents, tout en gagnant de l'argent. Les sénateurs représentant les Français de l'étranger ne peuvent que s'en réjouir. Une agence a été créée : qu'en attendez-vous ? Où en sont les négociations ? L'opération rapporterait 400 millions au Louvre : qu'en est-il précisément ?

Le Louvre à Abu Dhabi démontre l'ouverture de notre pays au dialogue entre les cultures. Comme l'a dit l'architecte Paul Andreu : « La seule manière de protéger sa culture, c'est d'accepter de la mettre en danger »

Mme Christine Albanel, ministre. - Après le ralentissement du projet en raison des élections, nous l'avons recentré sur sa mission. Nous avons affirmé le rôle de l'agence et l'implication de tous les partenaires. L'agence a été installée le 11 juillet, une délégation est aussitôt partie sur place pour commencer à travailler. L'opération rapportera effectivement 400 millions au Louvre, dont 150 millions ont déjà été versés ; 195 millions iront aux établissements qui prêteront des oeuvres à long terme, 185 millions à ceux qui prêteront des oeuvres pour des expositions temporaires, 165 millions iront à l'agence.

Cette opération est très importante, nous vendons notre savoir-faire, mais il en va aussi du rayonnement de la France.

M. Robert del Picchia. - Au total, un milliard : bravo !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'Etat a négocié avec un Etat étranger la cession d'un concept, il a réalisé un actif immatériel et précisé la rémunération du dépôt d'oeuvres à long terme et pour des expositions temporaires. L'enveloppe globale s'élève à un milliard, qu'une agence, c'est-à-dire un établissement public, va percevoir pour le compte de l'Etat, si j'ai bien compris, pour en répartir ensuite le montant. Comment cette somme sera-t-elle répartie ?

Mme Christine Albanel, ministre. - La somme que vous évoquez ne va pas transiter par l'agence, qui touchera 165 millions pour son expertise.

Les autres sommes seront versées aux opérateurs intéressés en fonction de leur participation aux expositions et aux prêts. La transparence sera totale, car tout figure dans l'accord intergouvernemental qui a été signé.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Une vraie débudgétisation...

M. Joël Bourdin. - Le rapport de la mission d'audit de modernisation sur les modalités d'attribution des crédits d'intervention en faveur du spectacle vivant a constaté que le dispositif d'aide était en forte croissance, mais très dispersé entre des réseaux, des labels et des disciplines artistiques, mais aussi entre collectivités publiques. Il souligne la faiblesse des marges de manoeuvre et l'encadrement inégal du dispositif, qu'il propose de simplifier. La gestion des structures culturelles du spectacle vivant a souvent été mise en cause.

Madame le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer la gestion de ces aides au spectacle vivant ?

Mme Christine Albanel, ministre. - La gestion du spectacle vivant est perfectible mais les indicateurs de performance cités dans le rapport annuel de performance (RAP) de 2006 sont positifs : ainsi, la part des charges fixes a été stabilisée à 56 %. L'évolution de la fréquentation est également favorable. Et les exemples d'équipements culturels bien gérés sont nombreux, à l'image de l'Opéra National de Paris qui mène une politique innovante et connaît un taux de remplissage de 95 %. Je souhaite développer une politique de contractualisation avec, en contrepartie des financements publics, des engagements en matière d'éducation artistique et de diffusion. Le travail d'Angelin Prejlocaj à Aix montre bien qu'une très grande qualité n'est pas incompatible avec la présence massive d'un public enthousiaste !

L'article 4 est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Fréville au nom de la commission.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le rapport annuel de performances de la mission « Défense », annexé au projet de loi de règlement pour 2006 est ainsi modifié :

I. Dans le (1) du tableau « suivi des crédits de paiement associés à la consommation des autorisations d'engagement » de la page 283, la valeur : « 34.681.601.431 » est remplacée par la valeur : « 24.085.869.042,92 ».

II. Dans le (1) du tableau « suivi des crédits de paiement associés à la consommation des autorisations d'engagement » de la page 117, la valeur : « 7.111.681.371 » est remplacée par la valeur : « 7.090.121.609,77 ».

M. Yves Fréville, rapporteur spécial. - Il est rare de présenter un amendement qui porte sur 10,5 milliards d'euros... Je demande une rectification de l'écriture budgétaire, conséquence d'une de ces imperfections que vous évoquiez, monsieur le ministre. Les autorisations d'engagement consommées de la mission Défense s'élèvent à 20,7 milliards, dont 10,5 correspondent à la régularisation d'engagements internationaux pris en matière d'armement au titre de programmes conjoints gérés par l'OTAN. Sous l'empire de l'ordonnance organique, seuls les appels de fonds étaient inscrits en engagements juridiques : cette correction était donc nécessaire, mais elle se traduit ici par une double correction comptable. En 2005, le budget de la défense incorporait tous les engagements : on a donc compté deux fois la même chose ! En conséquence, dans le RAP, les chiffres représentant la dette qui reste à la charge de l'État en crédits de paiement sont à tort majorés de 10,5 milliards, qu'il s'agisse du programme Équipement des forces, de la mission Défense ou du budget général de l'État. Au moment où l'on prépare un livre blanc sur la défense, il importe que le Parlement soit correctement informé. La commission des finances demande donc que le RAP soit rectifié à due concurrence.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je n'ai rien à ajouter à ces explications lumineuses. (Sourires)

M. Eric Woerth, ministre. - Je vous félicite pour votre lecture attentive... Votre analyse est juste, mais il est délicat de modifier ce qui n'est qu'une annexe. Retrait, au bénéfice de mon engagement à faire corriger ces chiffres dans le PAP 2008 et le RAP 2007.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial. - Merci de me donner acte qu'une erreur de 10,5 milliards a été commise... Nous serons d'ici deux mois en possession du PAP 2008 : je serai heureux de voir cette erreur corrigée.

M. Jean Arthuis, président de la commission. - L'amendement est retiré. Ce document n'a pas de portée juridique, mais je souhaite que tous les documents émanant du ministère de la défense soient d'une parfaite sincérité. M. le rapporteur spécial, avez-vous le sentiment de disposer d'un éclairage suffisant ?

M. Yves Fréville, rapporteur spécial. - L'erreur n'est pas du côté du ministère de la défense, mais du ministère de l'économie et des finances. Sans doute est-ce imputable aux logiciels qui ne correspondent pas.

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Quand Chorus sera là...

L'amendement n°2 est retiré.

L'article 5 est adopté, ainsi que les articles 6, 7 et 8

Article 9

Dans l'article 14 de la loi n° 2006-888 du 19 juillet 2006 portant règlement définitif du budget de 2005, après le mot : « rapport », sont insérés les mots : «, pour la dernière année dont l'exécution est définitivement connue, l'année en cours et l'année suivante, ».

M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Marini au nom de la commission.

Rédiger comme suit cet article :

L'article 14 de la loi n° 2006-888 du 19 juillet 2006 portant règlement définitif du budget de 2005 est ainsi modifié :

I. Après le mot : « rapport » sont insérés les mots : « , pour la dernière année dont l'exécution est définitivement connue, l'année en cours et l'année suivante ».

II. Après le mot : « emplois », sont insérés les mots : « , en précisant les catégories statutaires, ».

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il s'agit de préciser le contenu d'une annexe au projet de loi de finances initial concernant les opérateurs de l'État. Les députés ont adopté un amendement à l'article 14 de la loi de règlement de 2006, qui prévoit un rapport portant sur la dernière année dont l'exécution est connue, l'année en cours et la suivante.

Nous souhaitons que les emplois des contractuels figurent dans le rapport sur les opérateurs publics.

M. Eric Woerth, ministre. - Je partage votre opinion mais nous n'avons pas tous les éléments pour distinguer entre les catégories de personnel dès 2007. Je m'engage à ce que le projet de loi pour 2008 contienne des indications et que les PAP 2008 les approfondissent, en ayant pour objectif un document complet dans le projet de loi de finances pour 2009.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Notre souci est d'effectuer un contrôle homogène de la masse salariale et des décisions de recrutement. Les opérateurs qui ne subissent pas la contrainte de la loi organique disposent d'une opportunité d'optimisation...Ce que fait l'agence créée pour promouvoir le savoir-faire du Louvre, l'administration centrale de la Culture n'aurait-elle pu s'en charger ?

Nous souhaitons aussi pouvoir consolider les chiffres. Et disposer dès que cela sera possible des informations concernant les contractuels. Le ministre approuve notre démarche, je suis rassuré.

L'amendement n°3 est retiré.

L'article 9 est adopté, les groupes socialiste et CRC s'abstenant.

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Marini au nom de la commission.

Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article 141 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 est ainsi modifié :

A. Les mots : « qui sont devenus inutiles aux missions qu'ils assument » sont supprimés.

B. Il est complété par les mots et un alinéa ainsi rédigés :

«, ou à défaut évalué par l'autorité compétente de l'Etat.

« Les transferts mentionnés au précédent alinéa peuvent également être effectués au profit d'une société appartenant au secteur public et sur laquelle la société mentionnée à l'article 63 précité exerce son contrôle au sens du I de l'article L. 233-3 du code de commerce. »

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est un complément à l'article 141 introduit à l'initiative de votre commission des finances du Sénat. La SOVAFIM, détenue entièrement par l'État, gère utilement le patrimoine immobilier de l'État et devrait intervenir non seulement sur les immeubles devenus inutiles mais sur tout bâtiment, occupé ou non.

M. Eric Woerth, ministre. - Il convient de conforter le succès de la SOVAFIM qui fait du bon travail. Mais l'objet de l'amendement est éloigné du champ de ce texte. Revenons-y en loi de finances pour 2008.

L'amendement n°4 est retiré.

M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Gaillard au nom de la commission.

I. Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le gouvernement transmet au Parlement, avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2008, un rapport sur la gestion par le Centre des monuments nationaux de la fraction égale à 25 % du produit de la taxe instituée au profit de l'Etat par le III de l'article 95 de la loi de finances rectificative pour 2004, qui lui est affectée selon les dispositions prévues par l'article 48 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007.

II. En conséquence, faire précéder cet article par la mention :

Culture

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial - Il est défendu, mais retiré, puisque cela devient la mode...(Rires).

L'amendement n° 5 est retiré.

Intitulé du projet

M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Marini au nom de la commission.

Après le mot :

règlement

rédiger comme suit la fin de l'intitulé du projet de loi :

des comptes et rapport de gestion pour l'année 2006.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cet amendement est très important, il exprime la position de fond de la commission.

M. Michel Sergent. - Il va être retiré !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'intitulé actuel évoque un coup de règle sur les doigts...Dans l'esprit de la LOLF, nous proposons -pour la seconde fois- une autre formulation.

M. Eric Woerth, ministre. - C'est bien volontiers que je m'engage à vous présenter l'an prochain un texte portant cet intitulé.

L'amendement n°1est retiré.

Intervention sur l'ensemble

M. Michel Sergent. - Ce projet de loi a de nombreux défauts et nous voterons contre ; je regrette que tous les amendements aient été retirés...Il fallait un vote conforme. Et la proposition de M. Fréville portait sur 10 milliards d'euros seulement ! (Rires).

L'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public de droit

M. le président. - Voici les résultats du scrutin n° 120 :

Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 324
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l'adoption 199
Contre 125

Le Sénat a adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, mardi 24 juillet 2007, à 10 heures.

La séance est levée à minuit quarante-cinq.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

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