Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Saisine du Conseil constitutionnel

Dépôt d'un rapport

Organisme extraparlementaire(Appel à candidature)

Organismes extraparlementaires (Candidatures)

Mission commune d'information (Demande)

Polynésie française (Deuxième lecture)

Discussion générale commune

Projet de loi organique

Discussion des articles

Article 3

Article 4

Article 5

Article 7 bis A

Article 7 bis

Article 10

Article 11 quater A

Article 12

Article 14 bis

Article 20

Interventions sur l'ensemble

Rappels au Règlement

Projet de loi ordinaire

Organismes extraparlementaires (Désignations)

Questions d'actualité

Universités (I)

M. Yves Détraigne

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Universités (II)

M. Jean-François Voguet

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Désenclavement de l'Orne

Mme Nathalie Goulet

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie

Violences à Villiers-le-Bel (I)

M. Hugues Portelli

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Violences à Villiers-le-Bel (II)

Mme Raymonde Le Texier

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville

Élections législatives en Russie

M. Josselin de Rohan

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme

Pouvoir d'achat (I)

M. Bernard Frimat

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi

Autoroutes de la mer

Mme Gisèle Gautier

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie

Vidéoprotection

M. Louis de Broissia

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Pouvoir d'achat (II)

M. Michel Dreyfus-Schmidt

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi

Hommage à deux délégations étrangères

Loi de finances pour 2008 (Suite)

Deuxième partie

Aide publique au développement

Orateurs inscrits

Examen des crédits

Article 33

Direction de l'action du Gouvernement

Orateurs inscrits

Examen des crédits

Article 33

Rejet de la contestation d'une élection

Loi de finances pour 2008 (Suite)

Conseil et contrôle de l'Etat

Pouvoirs publics

Publications officielles

Médias

Orateurs inscrits

Examen des crédits

Article additionnel

Article 62




SÉANCE

du jeudi 29 novembre 2007

31e séance de la session ordinaire 2007-2008

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président. - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Président du Conseil constitutionnel deux lettres par lesquelles il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, en application de l'article 61, alinéa 2 de la Constitution, le 27 novembre 2007, par plus de soixante députés, et le 28 novembre 2007, par plus de soixante sénateurs, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

Acte est donné de cette communication.

Le texte de ces saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Dépôt d'un rapport

M. le président. - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 44 de la loi du 30 décembre 1998 de finances rectificatives pour 1998, le rapport sur l'activité du FMI et de la Banque mondiale en 2006-2007.

Acte est donné du dépôt de ce rapport qui sera transmis à la commission des finances et sera disponible au bureau de la distribution.

Organisme extraparlementaire(Appel à candidature)

M. le président. - J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques.

Conformément à l'article 9 du Règlement, j'invite la commission des affaires culturelles à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.

Organismes extraparlementaires (Candidatures)

M. le président. - Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de plusieurs sénateurs appelés à siéger au sein d'organismes extraparlementaires. La commission des affaires sociales a fait connaître qu'elle propose les candidatures de MM. Jean-Marc Juilhard et Claude Domeizel pour siéger respectivement comme membre titulaire et comme membre suppléant au sein du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles ; de M. Dominique Leclerc pour siéger comme membre titulaire au sein du Comité de surveillance du fonds de solidarité vieillesse ; de M. Alain Vasselle pour siéger comme membre titulaire au sein du Comité de surveillance de la caisse d'amortissement de la dette sociale.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Mission commune d'information (Demande)

M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen d'une demande présentée par la commission des affaires sociales et la commission des finances tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission commune d'information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque.

Il a été donné connaissance de cette demande au Sénat au cours de sa séance du lundi 26 novembre 2007.

Je vais consulter le Sénat sur cette demande.

La demande est acceptée.

Polynésie française (Deuxième lecture)

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture des projet de loi organique et projet de loi tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française.

La Conférence des Présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.

Discussion générale commune

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. - Les deux textes soumis à votre examen visent à doter la Polynésie française d'une organisation institutionnelle durable. Malgré quelques divergences sur la méthode suivie, les deux assemblées ont eu à coeur de conforter l'objectif gouvernemental de stabilité et de transparence.

Les dispositions adoptées par le Sénat ont été approuvées par l'Assemblée nationale. Citons, parmi les plus significatives, le relèvement des seuils prévus pour l'admission à la répartition des sièges et la présence des listes au second tour de l'élection de l'assemblée ; l'élection du président ; une répartition plus claire des compétences entre collectivités et le rappel de la prohibition de toute tutelle de la collectivité sur les communes ; une meilleure définition du domaine des lois du pays et du régime d'applicabilité des lois et décrets en Polynésie française ; et, enfin, l'extension des attributions de l'assemblée en matière de transparence financière.

L'Assemblée nationale a utilement complété ces initiatives en confiant au Conseil d'Etat le soin de constater l'empêchement définitif du président ; en exigeant qu'une motion de défiance constructive ou une motion de renvoi, pour être déposée, soit signée au moins par un quart des représentants à l'assemblée ; et en encadrant plus précisément le pouvoir exceptionnel de substitution du Haut commissaire de la République. Sur ce dernier point, il ne s'agit nullement de rétablir une quelconque tutelle, mais de rappeler les attributions dont jouit le représentant de l'Etat à l'égard de chaque collectivité conformément à la Constitution.

Le Gouvernement se rallie très volontiers à ces modifications.

La société polynésienne, attachée à l'autonomie, ne supportait plus l'instabilité et l'opacité. Le retour aux urnes était inéluctable afin que le peuple puisse élire, démocratiquement et dans la transparence, une majorité de Gouvernement (M. Bernard Frimat se gausse.). Qui pourrait critiquer que l'on rende enfin la parole aux Polynésiens ?

M. Bernard Frimat. - Sans blague !

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. - Pour que le renouvellement anticipé de l'assemblée soit l'occasion de dégager une majorité claire, nous devions compléter le statut de 2004 par des éléments de stabilité, de responsabilité et de transparence qui faisaient jusqu'alors défaut.

Il n'y a dans notre démarche aucune volonté d'ingérence dans le débat politique local, aucune volonté de toucher à la répartition des compétences entre l'Etat et la Polynésie, aucune volonté de revenir sur les acquis du statut d'autonomie de la Polynésie française.

M. Bernard Frimat. - Oh non !

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. - Notre seul souci a été de répondre aux attentes des Polynésiens.

M. Bernard Frimat. - Vous ne croyez pas à ce que vous dites ! (M. Jean-Pierre Bel le confirme)

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. - Il était de notre devoir, celui d'un Etat impartial (on se gausse à gauche), de prendre cette initiative.

Le statut d'autonomie de la Polynésie française sortira renforcé de vos débats. L'Etat travaillera ensuite avec les élus polynésiens dans un esprit de partenariat loyal (Même mouvement). Je suis heureux de vous annoncer que le Président de la République se rendra en Polynésie française durant la deuxième semaine d'avril 2008 pour finaliser la signature du contrat de projet -j'ai signé un premier protocole avec M. Oscar Temaru, président, il y a quelques jours. Ce contrat permettra, je l'espère, d'engager résolument la Polynésie française sur le chemin du développement, de la prospérité et de l'égalité des chances ! Le temps est venu d'écrire une nouvelle page de l'histoire de la Polynésie française, de la Polynésie dans la France !

C'est pourquoi, le Gouvernement vous demande d'adopter ces deux projets de loi dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale. Nous laisserons ensuite la parole aux Polynésiens comme l'exige la démocratie. A eux de confier les rênes de leur gouvernement à ceux qu'ils en jugeront dignes ! (Applaudissements à droite. M. Fauchon applaudit aussi).

M. Christian Cointat, rapporteur de la commission des lois. - Les deux textes adoptés par l'Assemblée nationale ne modifient pas l'esprit de notre démarche et renforcent même le dispositif de contrôle que nous avons préconisé en plaçant au coeur de celui-ci l'Assemblée de Polynésie et sa commission de contrôle budgétaire et financier. Les députés ont en effet pris en compte la plupart de nos observations et les dispositions qu'ils ont adoptées sont marquées par une même recherche d'équilibre et une même volonté de répondre à l'attente des Polynésiens. Ces dispositions, cependant, présentent parfois quelques divergences -le plus souvent mineures- avec les formules que nous avions retenues.

D'abord, les députés ont réduit le nombre minimal de signatures, pour le dépôt d'une motion de défiance, de un tiers à un quart des membres composant l'Assemblée. Le projet initial du Gouvernement fixait ce nombre à un cinquième. Or, j'avais compris, lors de mes consultations sur place, qu'un trop faible nombre de signatures favorisait l'instabilité des institutions. II fallait donc augmenter ce nombre mais dans une proportion raisonnable. Si votre commission des lois avait proposé un tiers des élus, c'était uniquement pour rester en cohérence avec le dispositif adopté pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy. L'Assemblée nationale estimant que les spécificités de la Polynésie justifiaient un statut spécial a préféré retenir un chiffre à mi-chemin entre un cinquième et un tiers. C'est une autre conception mais tout aussi légitime et nous pouvons donc nous y rallier.

Autre modification, porter à trois heures, au lieu d'une, le délai pour le dépôt des candidatures entre les résultats du premier tour et le deuxième tour pour l'élection du président de la Polynésie. Si ce délai supplémentaire favorise l'émergence d'un candidat consensuel, on ne peut que s'en réjouir et nous n'y voyons aucune objection.

Les députés proposent aussi de réduire à huit jours -comme à l'heure actuelle- au lieu de dix comme envisagé par le Gouvernement, le délai de publication du procès-verbal de l'Assemblée de Polynésie. Dans son avis, celle-ci avait demandé d'augmenter ce délai jusqu'à douze jours mais cela risquait de gêner l'exercice des droits de recours. Cette divergence avec le Sénat est loin d'être fondamentale.

De même, l'Assemblée nationale a réécrit l'article relatif aux pouvoirs spéciaux du Haut Commissaire en cas de crise grave, afin de les encadrer davantage. Elle a en particulier ajouté un critère d'urgence. Cette rédaction ne diffère pas de celle du Sénat sur le fond et son adoption ne soulève pas de difficultés. Cependant, le texte du Sénat, reprenait les dispositions adoptées pour Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon...

S'ajoutent à cela de nombreuses modifications purement rédactionnelles qui ne sont pas de nature à faire débat... Un seul changement est vraiment d'importance car il remet en cause la solution que nous avions retenue pour résoudre une difficulté à la fois linguistique et juridique. Bien que l'usage des langues tahitiennes et polynésiennes ne soit pas autorisé à l'Assemblée de Polynésie par le statut d'autonomie de 2004, tel n'est pas le cas en pratique. On m'a même rapporté le cas où des ministres polynésiens ne s'étaient exprimés que dans une langue polynésienne. C'est d'ailleurs pour le traduire en français qu'un délai supplémentaire est demandé pour la publication du procès-verbal des travaux de l'Assemblée. Cette pratique, persistante bien que non conforme à la loi, crée une insécurité juridique et plusieurs textes -dont des lois du pays- ont été jugés illégaux par le Conseil d'État, les débats ne s'étant pas entièrement déroulés en langue française et un orateur ayant refusé de s'exprimer en français à la demande de représentants ne comprenant pas le tahitien. C'est pourquoi il nous avait semblé opportun -compte tenu de l'article 57 du statut de la Polynésie qui reconnaît les langues polynésiennes- d'en autoriser l'usage mais à la condition expresse, en contrepartie, que cette utilisation fasse l'objet « d'une interprétation simultanée » en français, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. L'Assemblée nationale ne nous a pas suivis dans cette d'ouverture dont, pourtant, la finalité était d'appliquer dans les faits -et non pas d'une manière théorique- l'obligation de recourir systématiquement à la langue française d'une manière directe ou indirecte. Visiblement la question n'est pas encore mûre. Elle pourra être reprise à d'autres occasions. Aussi, la suppression de notre amendement, si douloureuse soit-elle doit être considérée comme un appel à réfléchir davantage à une solution puisque le problème demeure non résolu.

Le texte des députés apporte également des compléments utiles. Par exemple, il introduit, par analogie avec Saint-Martin et Saint-Barthélemy, un dispositif en cas d'élections partielles. De même il ajoute la prise en compte de la position de la minorité dans les avis donnés par l'Assemblée de Polynésie. Les députés ont également validé la création, au sein de l'Assemblée de la Polynésie française, d'une commission de contrôle budgétaire et financier, et la possibilité, pour cette assemblée, de saisir la Chambre territoriale des comptes sur les projets à caractère financier. Ce rééquilibrage des pouvoirs permettra une gestion transparente et responsable des fonds publics car la lumière est la meilleure des protections.

Bien entendu, les deux rapporteurs se sont longuement concertés et je me félicite de la qualité des échanges que j'ai pu avoir avec notre excellent collègue et ami Jérôme Bignon. Sur la divergence relative à l'usage des langues polynésiennes, les deux rapporteurs s'en étaient finalement remis à la décision du Gouvernement, lequel a accepté la suppression de notre amendement, la question méritant d'être encore creusée. Sur le projet de loi ordinaire aucune divergence ne peut être notée ni sur le fond, ni sur la forme, les amendements de l'Assemblée nationale améliorant le texte.

Les rares points de divergence sont soit suffisamment mineurs pour ne pas justifier la poursuite du débat soit pas encore mûrs pour trouver dès à présent une légitime solution. Aussi, quelle que puisse être ma sympathie pour certains des amendements présentés, et à mon grand regret vis-à-vis de leurs auteurs pour lesquels j'ai encore plus de sympathie, je serai conduit à leur donner un avis défavorable. Votre commission des lois vous propose donc de voter conformes les deux textes adoptés par l'Assemblée nationale. (Applaudissements à droite).

M. Bernard Frimat. - Le débat à grande vitesse continue. Je suis heureux de vous revoir, monsieur le ministre ou, plus exactement, de vous revoir si vite. Vous aviez demandé l'urgence, mais comme l'urgence ne va pas assez vite, vous demandez le vote conforme. A peine le texte est-il voté dans la nuit de jeudi à vendredi dernier à l'Assemblée nationale que nous le retrouvons aujourd'hui au Sénat pour une deuxième lecture ! A défaut d'une commission mixte paritaire que nous attendions dans la logique des choses après la déclaration d'urgence par le Gouvernement, nous nous réunissons donc ce matin pour une seconde lecture, menant à un vote conforme annoncé dès le 23 novembre dernier dans une dépêche AFP : « On a appris vendredi, au Secrétariat d'État chargé de l'outre-mer, que le Sénat adopterait conformes jeudi, en deuxième lecture, les textes votés par l'Assemblée nationale ». Il nous faut bien respecter les dépêches AFP, d'autant que cela a le mérite de limiter, pour notre plus grande tranquillité d'esprit, le suspens insupportable qui règne d'ordinaire jusqu'à l'issue de nos débats...

Reste que cette façon d'aborder la Polynésie n'est pas inédite, je dirais même que c'est une bien mauvaise habitude. Souvenons-nous, le statut actuellement en vigueur a été débattu au Sénat dans la précipitation précédant la suspension des fêtes de fin d'année, après déclaration d'urgence, le 18 décembre 2003, puis le 14 janvier 2004 à l'Assemblée, et la lecture des conclusions de la CMP le 29 janvier dans les deux assemblées.

En ce début d'année 2007, le texte statutaire sur l'outre-mer a été promulgué en février, après déclaration d'urgence et débat au Sénat en octobre 2006, sans que la Haute assemblée ait pu être saisie de l'amendement intéressant la Polynésie et la prime majoritaire pour le parti arrivé en tête dans chacune des six circonscriptions, qui a donc été adopté par la seule majorité de l'Assemblée en janvier.

En 2007, toujours, mais en novembre, nous avons cette fois-ci l'occasion d'examiner l'ensemble des dispositions mais toujours en urgence et -c'est sans doute encore une coïncidence- beau au milieu de l'examen du projet de loi de finances.

Un passage en force, même sympathique, reste un coup de force. Le renforcement des pouvoirs du Parlement étant, dit-on, un thème élyséen, tous les espoirs sont permis -il y a un immense champ de progression en matière de procédure démocratique ! Je souhaite que pour le futur texte sur les communes de Polynésie, le Gouvernement pousse l'extravagance jusqu'à prévoir une navette classique, en nous laissant le temps de prendre connaissance des travaux du rapporteur...

Le projet de loi organique aurait mérité une commission mixte paritaire : il n'y a eu qu'une mini CMP, limitée aux seuls rapporteurs, avant le débat en séance publique. Étudiant, j'avais appris que la CMP intervenait plus tard, mais sans doute mes enseignants étaient-ils défaillants.

M. le rapporteur nous dit que la faiblesse des modifications de l'Assemblée nationale emporte un vote conforme. Ne serait-ce plutôt l'urgence de promulguer le texte avant la date limite du dépôt de candidatures pour les prochaines élections ? Sur le projet de loi organique, l'Assemblée nationale n'a adopté conformes que sept articles sur trente-sept, ce qui laisse une large marge de discussion. Les modifications apportées par l'Assemblée sont d'importance diverse, je vous l'accorde : simple réécriture, rééquilibrage, assouplissement ou au contraire encadrement renforcé.

Mais le texte comporte également quelques nouveautés. M. Lagarde -dont on ne sait s'il est député du Nouveau Centre ou du Fetia Api (Sourires) - a ainsi proposé que les groupes minoritaires à l'Assemblée de Polynésie puissent remettre un avis minoritaire sur un projet de texte. Très bien. Mais pourquoi ne tenez-vous pas aussi compte de l'avis de la majorité, qui ne veut pas de votre texte, (M. le président de la commission des lois le conteste), plutôt que de sponsoriser la minorité représentée par la conjonction de MM Tong-Sang et Schyle ?

Qui pourrait se plaindre de la démocratisation de l'audiovisuel ? TéléFlosse ne sera plus qu'un souvenir. C'est une évolution audacieuse, qui serait bienvenue également en métropole.

Le texte de l'Assemblée exprime également quelques points de désaccord avec le Sénat : le choix de la langue pour les débats -on ne tient pas compte de la réalité- ou le rôle de la commission de contrôle budgétaire, que l'on encadre pour mieux l'écarter, auraient mérité une discussion plus approfondie.

Qu'importe ces points de détails, il faut aller vite : la campagne de vos amis est prête. Notre groupe avait salué en première lecture les dispositions renforçant la transparence financière. Nous nous réjouissons que la majorité nous rejoigne sur des éléments que nous lui réclamions hier. Vous avez entrepris un processus de « déflossification » que je salue. Je regrette que vous ayez accepté que l'opacité s'installe. Il faut préciser que le rapport de la chambre régionale des comptes concerne la période antérieure aux élections de 2004 : la gestion des gouvernements qui se sont succédé n'est pas visée. C'est une question de rigueur intellectuelle. Ces affaires auront d'ailleurs une incidence sur les personnels des divers cabinets, majestueux par le nombre.

Vous nous proposez un nouveau mode de scrutin, dont vous savez qu'il n'apportera pas de stabilité aux institutions -mais ce n'est pas votre but. Vous croyez si peu à ce nouveau mécano que vous envisagez d'emblée des garde-fous à ce merveilleux système.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État.  - Pour assurer la transparence.

M. Bernard Frimat. - Grâce à une dissolution qui ne dit pas son nom, et que vous refusez d'assumer politiquement, vous espérez une nouvelle Assemblée plus conforme à vos voeux, avec un nouveau président -il y a peu de suspense sur le nom de votre poulain. Les lois de pure convenance ne sont pas rares lorsqu'il s'agit de la Polynésie - j'espère que celle-ci sera la dernière. (Mme Borvo Cohen-Seat en doute).

Sans surprise, parce que nous n'acceptons pas le vote conforme qui nous est imposé, le groupe socialiste votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes).

M. Robert del Picchia. - Ces deux textes approfondissent l'autonomie de la Polynésie française et améliorent le fonctionnement de ses institutions. Il y a urgence à améliorer le statut de 2004 car la Polynésie française souffre d'une instabilité institutionnelle et politique préjudiciable à son développement économique et social.

Il s'agit tout d'abord de garantir la stabilité des institutions politiques en évitant les censures à répétition et en contraignant ceux qui veulent s'unir non pour renverser mais pour construire. Le scrutin à deux tours pour l'élection des représentants à l'Assemblée de la Polynésie française permettra une représentation juste de tous les territoires et favorisera l'émergence d'une majorité stable.

Ces textes renforcent également la transparence, avec une meilleure publicité des travaux de l'Assemblée, le renforcement de la pratique des questions au Gouvernement, l'institution d'un débat d'orientation budgétaire et de règles d'incompatibilité de droit commun. Les modalités d'exercice des contrôles juridictionnels, financiers et budgétaires relèveront du droit commun des collectivités territoriales.

Ces mesures illustrent l'attachement du Gouvernement à la stabilité politique de la Polynésie. Je salue également le travail de notre commission des lois, qui a enrichi le texte, notamment en ce qui concerne les élections à l'assemblée territoriale. Le groupe UMP votera ces deux projets de loi avec la conviction qu'ils renforcent l'autonomie statutaire de la Polynésie en lui donnant les moyens de fonctionner efficacement et durablement. (Applaudissements à droite)

La discussion générale commune est close.

Projet de loi organique

Discussion des articles

M. le président. - Je rappelle qu'en vertu de l'article 42-10 du Règlement, à partir de la deuxième lecture, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres n'ont pas encore adopté un texte identique.

L'article premier est adopté, ainsi que l'article 2

Article 3

I et II. - Non modifiés............................................

II bis. - Le deuxième alinéa du II de l'article 107 de la même loi organique est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque l'application de cette règle ne permet pas de combler une vacance, il est procédé dans les trois mois à une élection partielle.

« Lorsque la vacance porte sur un seul siège, l'élection a lieu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. La déclaration de candidature comporte l'indication de la personne appelée à remplacer le candidat élu en cas de vacance du siège. Celle-ci doit remplir les conditions d'éligibilité exigées des candidats. Nul ne peut figurer en qualité de remplaçant sur plusieurs déclarations de candidature. Nul ne peut être à la fois candidat et remplaçant d'un autre candidat.

« Lorsque la vacance porte sur deux sièges, l'élection a lieu au scrutin de liste majoritaire à deux tours, avec dépôt de listes comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir, augmentés de un sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation.

« Dans les cas prévus aux troisième et quatrième alinéas du présent II, est élu au premier tour le candidat ou la liste qui a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés. Au second tour de scrutin, est élu le candidat ou la liste qui a obtenu le plus de voix. Seuls peuvent se présenter au second tour les candidats ou listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % du total des suffrages exprimés ; si un seul candidat ou une seule liste obtient ce nombre de suffrages, le candidat ou la liste arrivé en deuxième au premier tour peut se présenter au second tour ; si aucun candidat ou aucune liste n'obtient un tel nombre de suffrages, les deux candidats ou listes arrivés en tête au premier tour peuvent se maintenir au second tour.

« Lorsque la vacance porte sur trois sièges ou plus, l'élection a lieu dans les conditions fixées à l'article 105.

« Les nouveaux représentants sont élus pour la durée du mandat restant à courir. »

III et IV. - Non modifiés.........................................

M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Bernard Frimat. - Voilà le troisième mode de scrutin en trois ans que vous nous proposez. Le premier, en 2004, avait été taillé sur mesure par et pour notre collègue M. Flosse ; et contre toute attente, le costume avait été endossé par M. Temaru. Le second fut cousu main pour M. Tong Sang par les députés sans que nous ayons eu à en connaître ; personne n'a pu le revêtir. Voilà donc un nouveau prototype, un scrutin proportionnel à deux tours sans prime, qui n'existe nulle part ailleurs. On ne nous dit pas, mais nous pouvons aisément le deviner, pour qui est taillé ce nouveau costume ; nous souhaitons que les Polynésiens taillent un costume à ceux pour lesquels on l'a façonné...

Ce mode de scrutin ne garantit aucunement la stabilité institutionnelle ; vous voudriez même créer l'instabilité que vous ne vous y prendriez pas autrement. Et vous y croyez tellement peu que vous mettez aussitôt en place des stabilisateurs... On sait que l'instabilité sur le territoire tient moins au mode de scrutin qu'au comportement de certains.

Vous avez refusé à l'Assemblée nationale les propositions alternatives du groupe socialiste. Vous êtes un facteur d'instabilité : nous ne pouvons vous suivre.

M. Christian Cointat, rapporteur. - Le débat a déjà eu lieu. L'avis de la commission est évidemment défavorable. Si l'amendement était voté, nous reviendrions au mode de scrutin actuel, c'est-à-dire à la proportionnelle à un tour dont on ne peut pas dire qu'elle soit un facteur de stabilité.

Le texte organique doit être apprécié dans sa globalité ; c'est la conjonction des dispositions électorales et de celles relatives à la gouvernance qui favoriseront responsabilité et stabilité. J'ajoute que cette loi n'est pas de convenance ; c'est tout simplement une loi qui convient.

M. Robert del Picchia. - Bravo !

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État.  - Je le dis avec modestie et humilité, je n'ai pas de certitude. Vous connaissez bien la Polynésie, monsieur Frimat, nous avons eu un dialogue serein ; peut-être devriez-vous approfondir votre réflexion. Vous n'avez pas plus de certitude que moi.

Les modèles applicables en métropole ne sont pas nécessairement transposables en Polynésie. J'ai seulement cherché à permettre aux Polynésiens de faire leurs choix dans la transparence. Votre groupe défend la proportionnelle, celui auquel j'appartiens considère qu'il est anormal que des Français aient le sentiment, après s'être prononcés, de ne pas être représentés. Ce débat est ouvert dans le cadre de la réforme des institutions.

Aucun territoire, aucun Polynésien ne doit ressentir de la frustration, à quelque distance de Papeete qu'il se trouve. J'ai au moins une certitude, c'est que le mode de scrutin que nous avons retenu garantira la représentation des électeurs. Ceux-ci feront leur choix, et je travaillerai avec ceux qu'ils auront désignés. J'ajoute que les alliances entre les deux tours se feront dans la transparence ; les électeurs les valideront ou ne les valideront pas.

M. Bernard Frimat. - Nous entendons marquer nos désaccords. Il est toujours stimulant de réfléchir davantage, j'en conviens ; mais je vous retourne le compliment. Il est bien des points sur lesquels votre réflexion pourrait être approfondie. Vous n'avez pas la certitude que votre mode de scrutin garantira la stabilité institutionnelle ; je vous en donne acte. Mais votre argumentation sur la représentation des électeurs est un peu faible, dès lors vous ne changez rien aux circonscriptions ; je ne vois pas en quoi les populations des Tuamotu ou des Gambier seront mieux représentées.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Article 4

L'article 121 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 121. - L'assemblée de la Polynésie française élit son président pour la durée du mandat de ses membres. Elle élit chaque année les autres membres de son bureau à la représentation proportionnelle des groupes politiques et dans les conditions fixées par son règlement intérieur.

« En cas de vacance des fonctions de président de l'assemblée de la Polynésie française, il est procédé au renouvellement intégral du bureau.

« Lors du renouvellement annuel des membres du bureau ou lors de la première réunion suivant le renouvellement d'une partie des membres de l'assemblée de la Polynésie française, celle-ci peut décider, à la majorité absolue de ses membres, de procéder au renouvellement intégral du bureau. »

M. Bernard Frimat. - Vous dites vouloir la stabilité institutionnelle ; mais tout en prévoyant l'élection du président tous les cinq ans, vous imaginez un renouvellement annuel des membres du Bureau. L'Assemblée nationale a de plus prévu qu'une élection partielle pouvait entraîner un tel renouvellement. Nous devons au contraire maintenir des éléments de stabilité, comme la durée du mandat de l'assemblée, de son bureau et de son président ; cela éviterait bien des comportements ...

M. Christian Cointat, rapporteur.  - Les circonscriptions sont très différentes ; l'une d'entre elles compte 37 sièges. On comprend bien qu'une élection partielle puisse entraîner une nouvelle élection du président. C'est la démocratie.

L'article 4 est adopté.

Article 5

I. - L'article 156 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 156. - L'assemblée de la Polynésie française peut mettre en cause la responsabilité du président de la Polynésie française et du gouvernement de la Polynésie française par le vote d'une motion de défiance. Celle-ci n'est recevable que si elle est signée par au moins le quart des représentants à l'assemblée de la Polynésie française.

« La motion de défiance mentionne, d'une part, les motifs pour lesquels elle est présentée et, d'autre part, le nom du candidat appelé à exercer les fonctions de président de la Polynésie française en cas d'adoption de la motion de défiance.

« Si elle est en session, l'assemblée de la Polynésie française se réunit de plein droit trois jours francs après le dépôt de la motion de défiance. Si la motion de défiance est déposée en dehors de la période prévue pour les sessions ordinaires, une session est ouverte de droit cinq jours francs après ce dépôt. Le vote intervient au cours des deux jours suivants ; faute de quorum, il est renvoyé au lendemain. Les délais mentionnés au présent alinéa s'entendent dimanche et jours fériés non compris.

« Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de défiance, qui ne peut être adoptée qu'à la majorité absolue des représentants à l'assemblée de la Polynésie française. Chaque représentant à l'assemblée de la Polynésie française ne peut signer, par année civile, plus de deux motions de défiance.

« Le président de l'assemblée de la Polynésie française proclame les résultats du scrutin et les transmet immédiatement au haut-commissaire. Les résultats du scrutin peuvent être contestés par tout représentant à l'assemblée de la Polynésie française ou par le haut-commissaire, devant le Conseil d'État statuant au contentieux, dans le délai de cinq jours à compter de cette proclamation.

« Lorsque la motion de défiance est adoptée, les fonctions des membres du gouvernement de la Polynésie française cessent de plein droit. Le candidat au mandat de président de la Polynésie française est déclaré élu et entre immédiatement en fonction. Il est procédé à la désignation des autres membres du gouvernement dans les conditions prévues à l'article 73. »

II. - Après l'article 156 de la même loi organique, il est inséré un article 156-1 ainsi rédigé :

« Art. 156-1. - I. - Si, au 31 mars de l'exercice auquel il s'applique, l'assemblée de la Polynésie française a rejeté le budget annuel, le président de la Polynésie française lui transmet, dans un délai de dix jours à compter du vote de rejet, un nouveau projet de budget élaboré sur la base du projet initial, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements soutenus lors de la discussion devant l'assemblée. Ce projet est accompagné, le cas échéant, des projets d'actes prévus à l'article 140 dénommés « lois du pays », relatifs aux impôts et taxes destinés à assurer son vote en équilibre réel.

« Si l'assemblée de la Polynésie française n'a pas adopté ce nouveau projet de budget et, le cas échéant, les projets d'actes dénommés « lois du pays » qui l'accompagnent dans un délai de cinq jours suivant leur dépôt, le président de la Polynésie française peut engager sa responsabilité devant l'assemblée. Dans ce cas, le projet de budget et, le cas échéant, les projets d'actes dénommés « lois du pays » qui l'accompagnent sont considérés comme adoptés à moins qu'une motion de renvoi, présentée par au moins le quart des membres de l'assemblée de la Polynésie française, ne soit adoptée à la majorité absolue des membres de l'assemblée. La liste des signataires figure sur la motion de renvoi.

« La motion de renvoi est déposée dans un délai de cinq jours à compter de l'engagement de la responsabilité du président de la Polynésie française devant l'assemblée et comporte un projet de budget, accompagné, le cas échéant, des propositions d'actes prévus à l'article 140 dénommés « lois du pays », relatives aux impôts et taxes destinés à assurer son équilibre réel. Elle mentionne le nom du candidat appelé à exercer les fonctions de président de la Polynésie française en cas d'adoption de la motion de renvoi.

« Le jour du dépôt de la motion de renvoi, le président de l'assemblée de la Polynésie française convoque l'assemblée pour le neuvième jour qui suit ou le premier jour ouvrable suivant. La convocation adressée aux représentants est assortie de la motion de renvoi déposée et du projet de budget qu'elle comporte, accompagné, le cas échéant, des propositions d'actes prévus à l'article 140 dénommés « lois du pays », relatives aux impôts et taxes.

« Le vote sur la motion a lieu au cours de la réunion prévue au quatrième alinéa du présent I.

« Le président de l'assemblée de la Polynésie française proclame les résultats du scrutin et les transmet immédiatement au haut-commissaire. Les résultats du scrutin peuvent être contestés par tout représentant à l'assemblée de la Polynésie française ou par le haut-commissaire, devant le Conseil d'État statuant au contentieux, dans le délai de cinq jours à compter de cette proclamation.

« Si la motion est adoptée, le projet de budget qu'elle comporte et les propositions d'actes dénommés « lois du pays », relatives aux impôts et taxes, qui accompagnent celui-ci sont considérés comme adoptés. Les fonctions des membres du gouvernement cessent de plein droit. Le candidat au mandat de président de la Polynésie française est déclaré élu et entre immédiatement en fonction. Il est procédé à la désignation des autres membres du gouvernement dans les conditions prévues à l'article 73.

« Le budget est transmis au haut-commissaire de la République au plus tard cinq jours après la date à partir de laquelle il peut être considéré comme adopté conformément au deuxième alinéa du présent I ou la date de l'adoption ou du rejet et de la motion de renvoi.

« Par dérogation au premier alinéa des I et II de l'article 176 et au premier alinéa des articles 178 et 180, les actes prévus à l'article 140 dénommés « lois du pays », relatifs aux impôts et taxes, qui accompagnent le budget sont publiés au Journal officiel de la Polynésie française et promulgués par le président de la Polynésie française au plus tard le lendemain de leur adoption et peuvent, à compter de la publication de leur acte de promulgation, faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'État au titre du contrôle juridictionnel spécifique des actes dénommés « lois du pays » prévu par la présente loi organique.

« S'il est saisi à ce titre, par dérogation aux deuxième et troisième alinéas de l'article 177, le Conseil d'État annule toute disposition contraire à la Constitution, aux lois organiques, aux engagements internationaux ou aux principes généraux du droit.

« II. - Le présent article est également applicable aux autres délibérations budgétaires relatives au même exercice, hormis le compte administratif, qui font l'objet d'un vote de rejet par l'assemblée de la Polynésie française. Le président de la Polynésie française peut transmettre un nouveau projet à l'assemblée de la Polynésie française, dans un délai de dix jours à compter du vote de rejet, sur le fondement du projet initial, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements présentés lors de la discussion. »

III. - Non modifié...........................................

IV. - La même loi organique est ainsi modifiée :

1° Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 71, les mots : « ou par suite du vote d'une motion de censure » et les mots : « ou le vote de la motion de censure » sont supprimés ;

2° Dans la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 122, les mots : « motion de censure » sont remplacés par les mots : « motion de défiance ou de renvoi » ;

3° Dans l'avant-dernier alinéa du II de l'article 127, les mots : « motion de censure » sont remplacés par les mots : « motion de défiance ou de renvoi » ;

4° Dans l'avant-dernier alinéa du V de l'article 159, les mots : « motion de censure » sont remplacés par les mots : « motion de défiance ou de renvoi ».

M. Bernard Frimat. - Cet article construit un meccano inspiré de ce qui a existé un court moment dans les régions, la motion de défiance constructive.

Les renversements successifs d'alliance ont organisé l'instabilité mais l'assemblée de Polynésie estime que ces motions ont pour effet de maintenir au pouvoir un gouvernement sans aucune majorité. Comment, dans ces conditions, les institutions peuvent-elles fonctionner ? La motion de censure est en cela plus logique : s'il y a blocage des institutions, le plus raisonnable est de revenir devant le peuple, ce que votre majorité a refusé en 2005.

C'est le peuple qui octroie la majorité.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. - Vous êtes dans l'erreur.

M. Bernard Frimat. - Je vous sors donc de l'indifférence !

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. - La Polynésie est en panne depuis 2004.

M. Bernard Frimat. - C'est votre majorité qui l'a mise en panne.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. - Si vous considérez que les Polynésiens n'ont pas droit au haut débit, à la télévision numérique terrestre, à un système de santé de qualité ; si vous trouvez normal que 12 % seulement des étudiants polynésiens accèdent à la deuxième année ; bref, si vous jugez que cela va mieux depuis 2004...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Les maux de la Polynésie sont bien plus anciens que cela !

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. - C'est vous qui plaidez pour la motion de censure, qui a placé la Polynésie dans l'état où elle est, pas moi. Moi, je veux lui garantir la stabilité, ce que peut lui apporter la motion constructive et certainement pas la motion destructive.

L'article 5 est adopté, ainsi que les articles 6 bis, 7A et 7.

Article 7 bis A 

Après l'article 9 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée, il est inséré un article 9-1 ainsi rédigé :

« Art. 9-1. - Au plus tard le lendemain de l'adoption d'un avis par l'assemblée de la Polynésie française émis en application de l'article 9, les groupes constitués au sein de l'assemblée de la Polynésie française peuvent remettre au président de celle-ci un avis dit «avis minoritaire» sur le projet de texte ayant fait l'objet dudit avis. 

« L'avis minoritaire est annexé à l'avis de l'assemblée de la Polynésie française. »

M. Bernard Frimat. - Comme ce texte a été adopté contre l'avis du groupe majoritaire de l'assemblée de Polynésie, nous ne prendrons pas part au vote le concernant.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous voterons contre.

L'article 7 bis A est adopté.

Article 7 bis

I. - Le premier alinéa de l'article 13 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'État par l'article 14 et celles qui ne sont pas dévolues aux communes en vertu des lois et règlements applicables en Polynésie française.

« La Polynésie française et les communes de Polynésie française ont vocation, pour la répartition de leurs compétences respectives et sous réserve des dispositions de la présente loi organique, à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon.

« Les autorités de la Polynésie française ne peuvent, par les décisions prises dans l'exercice de leurs compétences, exercer une tutelle sur les communes de Polynésie française. »

II. - Non modifié...........................................

M. Bernard Frimat. - Point n'est besoin de se livrer au jeu facile de la caricature. Moi aussi, je sais faire mais mieux vaut revenir aux choses sérieuses.

Cet article a été introduit sur proposition du rapporteur du Sénat. À cette occasion, vous avez été amené à répondre à des questions sur la mise à disposition des communes de personnel de cabinet, pratique condamnable très répandue en Polynésie. Vous avez dit aux députés que, sur le fond, vous étiez d'accord pour condamner cette pratique mais qu'elle ne pouvait être supprimée du jour au lendemain. Confirmez-vous ce propos ? La matière est réglementaire ; prendrez-vous des décisions en ce sens ?

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. - Un député socialiste, M. Dosières, avait déposé un amendement sur ce point. Je lui avais répondu que ce n'était ni conforme au texte ni opportun. Je constate notre accord sur ce point.

Sur le fond, toutefois, je lui avais donné raison, ajoutant que l'on ne pouvait supprimer brutalement cette pratique sans mettre en difficulté les maires, qui ont déjà si peu de moyens.

J'ai signé, lors de mon dernier voyage là-bas, une convention avec l'association des maires de Polynésie et nous avons créé une fonction publique communale qui sera mise en place sur sept ans. Du moins le statut est-il d'ores et déjà créé. Un projet de loi organique vous sera soumis au printemps, pour donner de nouvelles compétences aux maires de Polynésie. Ils bénéficieront enfin du contrôle a posteriori, eux qui subissent encore le contrôle a priori. Ils recevront les ressources nécessaires à l'exercice de ces compétences. C'est, de notre part, un grand témoignage de la confiance que nous accordons aux maires de Polynésie.

L'article 7 bis est adopté, ainsi que les articles 7 ter, 7 quater, 8 et 9 bis.

Article 10

I et II. - Non modifiés..................................

III. - L'article 91 de la même loi organique est ainsi modifié :

1° Dans le 19°, après les mots : « domaniaux de la Polynésie française », sont insérés les mots : «, notamment les transactions foncières, » ;

2° Sont ajoutés un 30° et un 31° ainsi rédigés :

« 30° Approuve les conventions conclues avec des personnes morales en application d'actes prévus à l'article 140 dénommés «lois du pays» ou de délibérations de l'assemblée de la Polynésie française ;

« 31° Approuve, au vu de demandes motivées, dans les conditions et selon les critères définis par l'assemblée de la Polynésie française, l'attribution d'aides financières ou l'octroi de garanties d'emprunt aux personnes morales. »

IV. - Après l'article 129 de la même loi organique, il est inséré un article 129-1 ainsi rédigé :

« Art. 129-1. - Dans les conditions fixées par son règlement intérieur, l'assemblée de la Polynésie française fixe les attributions de la commission de contrôle budgétaire et financier, ainsi que les modalités selon lesquelles les représentants élisent ses membres à la représentation proportionnelle des groupes politiques.

« La Polynésie française peut conclure avec l'État une convention qui détermine les conditions dans lesquelles des agents de l'État sont, en application du deuxième alinéa de l'article 169, mis à disposition de l'assemblée de la Polynésie française pour assister sa commission de contrôle budgétaire et financier dans l'exercice de ses attributions. Cette convention est signée par le haut-commissaire de la République et le président de l'assemblée de la Polynésie française. »

V. - L'article 144 de la même loi organique est complété par un III ainsi rédigé :

« III. - L'assemblée de la Polynésie française définit, par une délibération distincte du vote du budget ou par un acte prévu à l'article 140 dénommé «loi du pays», les conditions et critères d'attribution des aides financières et d'octroi des garanties d'emprunt aux personnes morales.

« Toutefois, pour les aides financières dont l'attribution n'est pas assortie de conditions, l'assemblée de la Polynésie française peut décider :

« 1° D'individualiser au budget les crédits par bénéficiaire ;

« 2° D'établir, dans un état annexé au budget, une liste des bénéficiaires avec, pour chacun d'eux, l'objet et le montant de l'aide financière.

« L'individualisation des crédits ou la liste établie conformément au 2° vaut décision d'attribution des aides financières précitées. »

VI. - Après l'article 157 de la même loi organique, sont insérés deux articles 157-2 et 157-3 ainsi rédigés :

« Art. 157-2. - Le président de la Polynésie française transmet à l'assemblée de la Polynésie française tout projet de décision relatif :

« 1° À l'attribution d'une aide financière ou d'une garantie d'emprunt à une personne morale ;

« 2° Aux participations de la Polynésie française au capital des sociétés mentionnées à l'article 30 et au capital des sociétés d'économie mixte ;

« 3° Aux opérations d'acquisition, de cession ou de transfert de biens immobiliers réalisées par la Polynésie française.

« La commission de contrôle budgétaire et financier émet un avis sur le projet de décision dans les vingt jours suivant sa transmission à l'assemblée de la Polynésie française ou, en cas d'urgence déclarée par le président de la Polynésie française, dans les dix jours. À l'issue de ce délai, un débat est organisé à l'assemblée de la Polynésie française ou, en dehors des périodes de session, au sein de sa commission permanente, à la demande d'un cinquième de leurs membres, sur le projet de décision.

« Sur le rapport de sa commission de contrôle budgétaire et financier, l'assemblée de la Polynésie française peut, par délibération, décider de saisir la chambre territoriale des comptes si elle estime que le projet de décision est de nature à accroître gravement la charge financière de la Polynésie française ou le risque financier qu'elle encourt. En dehors des périodes de session, cette saisine peut être décidée dans les mêmes conditions par la commission permanente de l'assemblée de la Polynésie française.

« Le projet de décision peut être délibéré en conseil des ministres de la Polynésie française, à l'issue d'un délai d'un mois ou, en cas d'urgence déclarée par le président de la Polynésie française, de quinze jours à compter de sa transmission à l'assemblée de la Polynésie française. 

« Art. 157-3. - Le président de la Polynésie française transmet à l'assemblée de la Polynésie française tout projet de décision relatif à la nomination des directeurs d'établissements publics de la Polynésie française, du directeur de la Caisse de prévoyance sociale et des représentants de la Polynésie française aux conseils d'administration et conseils de surveillance des sociétés d'économie mixte.

« La commission compétente émet un avis sur le projet de décision dans les vingt jours suivant sa transmission ou, en cas d'urgence déclarée par le président de la Polynésie française, dans les dix jours. À l'issue de ce délai, un débat est organisé à l'assemblée de la Polynésie française ou, en dehors des périodes de session, au sein de sa commission compétente, à la demande d'un cinquième de leurs membres, sur le projet de décision.

« Le projet de décision peut être délibéré en conseil des ministres de la Polynésie française, à l'issue d'un délai d'un mois ou, en cas d'urgence déclarée par le président de la Polynésie française, de quinze jours à compter de sa transmission à l'assemblée de la Polynésie française. »

M. Bernard Frimat. - L'apport de notre rapporteur à cet article a été important, même s'il n'a obtenu qu'un succès relatif dans son effort pour substituer une procédure intelligente à une usine à gaz.

En première lecture nous nous étions abstenus, considérant que l'Assemblée de Polynésie n'avait pas été consulté sur cette modification importante de ses statuts, de portée mal ajustée de surcroît. L'Assemblée nationale, sans revenir sur ce que nous avions voté, en a considérablement réduit la portée. Son rapporteur ayant modérément approuvé, c'est un euphémisme, la création de cette commission de contrôle, il l'a corsetée pour éviter qu'elle ne déstabilise l'exécutif local. De ce fait, l'Assemblée nationale n'est pas entrée dans le détail de son organisation. Nous le regrettons, car une discussion mieux approfondie en CMP aurait permis d'avancer. Nous nous abstiendrons à nouveau.

L'article 10 est adopté.

L'article 11 est adopté.

Article 11 quater 

L'article 124 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 124. - Le fonctionnement des groupes d'élus à l'assemblée de la Polynésie française  peut faire l'objet de délibérations sans que puissent être modifiées, à cette occasion, les décisions relatives au régime indemnitaire des élus prévu à l'article 126.

« Les groupes politiques à l'assemblée de la Polynésie française se constituent par la remise au président de l'assemblée d'une déclaration, signée de leurs membres, accompagnée de la liste de ceux-ci et du nom de leur représentant.

« Dans les conditions qu'elle définit, l'assemblée de la Polynésie française peut affecter aux groupes d'élus, pour leur usage propre ou pour un usage commun, un local administratif, du matériel de bureau et prendre en charge leurs frais de documentation, de courrier et de télécommunications. Lorsque des élus n'appartenant pas à la majorité de l'assemblée de la Polynésie française forment un groupe, ils disposent sans frais, à leur demande, du prêt d'un local commun et de matériel de bureau.

« Le président de l'assemblée de la Polynésie française peut, dans les conditions fixées par l'assemblée de la Polynésie française et sur proposition des représentants de chaque groupe, affecter aux groupes d'élus une ou plusieurs personnes. L'assemblée de la Polynésie française ouvre dans son budget, sur un chapitre spécialement créé à cet effet, les crédits nécessaires à ces dépenses sans que les dépenses de personnel puissent excéder 30 % du montant total des indemnités versées chaque année aux membres de l'assemblée.

« Le président de l'assemblée de la Polynésie française est l'ordonnateur des dépenses susmentionnées. L'élu responsable de chaque groupe d'élus décide des conditions et modalités d'exécution du service confié que ces collaborateurs accomplissent auprès de ces groupes au sein de l'assemblée de la Polynésie française.

« Lorsque la collectivité diffuse, sous quelque forme que ce soit, un bulletin d'information générale sur les réalisations et la gestion de l'assemblée de la Polynésie française, un espace est réservé à l'expression des groupes d'élus. Les modalités d'application de cette disposition sont définies par le règlement intérieur.

« Les autres conditions de fonctionnement des groupes politiques sont déterminées par le règlement intérieur. »

M. Bernard Frimat. - Nous voterons cet article, inséré par l'Assemblée nationale à l'unanimité.

L'article 11 quater A est adopté.

L'article 11 quater est adopté.

Article 12

I. - L'article 128 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée est ainsi modifié :

1° Supprimé...................................... ;

2° Le second alinéa est complété par les mots : « et rendu accessible au public sur support numérique, dans un délai de huit jours à compter de ces séances ».

II.  -  Non modifié..............................

M. Bernard Frimat. - La langue de la République est le français, nous en sommes tous d'accord. Mais faire une application stricte de ce principe aux débats de l'Assemblée de Polynésie, où il est souvent fait usage des langues vernaculaires, aurait conduit à invalider bon nombre de ses décisions. À quoi bon continuer de se voiler les yeux sur une pratique qu'eu égard à la situation politique locale, seuls les plus jacobins d'entre nous peuvent encore refuser d'admettre ?

Notre rapporteur, en première lecture, avait fait une proposition judicieuse, qui me semblait de nature à entraîner les bonnes questions. Je regrette qu'elle ait été supprimée par l'Assemblée nationale. Nous nous abstiendrons sur l'article.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État.  - La proposition de M. Cointat instituant une traduction simultanée pour éviter l'invalidation des actes, qui avait déjà suscité, sur vos bancs, l'opposition de quelques éminents constitutionnalistes, s'est heurtée à l'opposition de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Je rappelle que le statut de la Polynésie française est unique parmi les territoires d'outre-mer. L'article 57 de la loi organique du 24 février 2004, dispose que « le tahitien est un élément fondamental de l'identité culturelle » de la Polynésie, et que le français, le tahitien, le marquisien, le paumotu et le mangarevien étant les langues de la Polynésie française, « les personnes physiques et morales de droit privé en usent librement dans leurs actes et conventions ; ceux-ci n'encourent aucune nullité au motif qu'ils ne sont pas rédigés dans la langue officielle. »

Cette reconnaissance des langues locales me plaît personnellement beaucoup, tout comme vous. Je me suis engagé, quel que soit l'aboutissement de nos débats, à aller plus loin pour trouver le moyen de légaliser une pratique difficilement condamnable de l'Assemblée de Polynésie. M. Cointat l'a tenté ; c'est tout à son honneur. Je propose que nous mettions en place, dans les prochaines semaines, une commission réunissant des représentants de l'Assemblée nationale, du Sénat, de l'Assemblée de Polynésie et du Gouvernement pour rechercher une solution conforme à la Constitution.

L'article 12 est adopté.

Les articles 13, 13 bis, 13 ter et 14 sont successivement adoptés.

Article 14 bis

I. - L'article 164 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 164. - Le président du haut conseil de la Polynésie française est désigné parmi les magistrats de l'ordre administratif, en activité ou honoraires.

« Les autres membres du haut conseil de la Polynésie française sont désignés en considération de leur compétence en matière juridique, parmi les magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire, les professeurs et maîtres de conférence des universités dans les disciplines juridiques, les fonctionnaires de catégorie A, les avocats inscrits au barreau et les personnes ayant exercé ces fonctions.

« Les magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire mentionnés aux deux premiers alinéas ne doivent pas exercer leurs fonctions en Polynésie française ou y avoir exercé de fonctions au cours des deux années précédant leur nomination.

« Les fonctions de membre du haut conseil de la Polynésie française sont incompatibles avec celles de président de la Polynésie française, de membre du gouvernement de la Polynésie française, de représentant à l'assemblée de la Polynésie française et de membre du conseil économique, social et culturel de la Polynésie française. Les incompatibilités prévues à l'article 111 sont également applicables aux membres du haut conseil de la Polynésie française.

« Les membres du haut conseil de la Polynésie française sont nommés par arrêté délibéré en conseil des ministres de la Polynésie française, pour une durée de six ans renouvelable une fois, dans le respect des règles statutaires de leur corps le cas échéant. Ils ne peuvent être démis de leurs fonctions que pour motifs disciplinaires.

« Le président de la Polynésie française transmet à l'assemblée de la Polynésie française le projet d'arrêté portant nomination. Dans le mois qui suit cette transmission, l'assemblée, sur le rapport de sa commission compétente, donne son avis sur cette nomination. Hors session, la commission permanente exerce, dans les mêmes conditions, les attributions prévues au présent alinéa. »

II.   -  Non modifié....................................

III. - L'article 165 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cet arrêté détermine, notamment, le régime indemnitaire des membres du haut conseil de la Polynésie française ainsi que le régime applicable aux fonctionnaires qui y sont nommés, dans le respect des règles statutaires de leurs corps d'origine. »

M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Bernard Frimat. - Cet article est issu d'un amendement présenté par M. Flosse. Lors de son examen, la discrimination qu'il instituait envers les avocats nous paraissant surprenante, nous l'avions sous-amendé pour le rendre plus acceptable. L'enfer est pavé de bonnes intentions. Car nous n'en avions pas discerné, alors, la finalité : en l'adoptant, nous avons de fait voté la destitution à six mois d'une personne physique, comme si nous l'avions nommément désignée. Le moins que l'on puisse dire est que nous ne sommes pas là dans notre rôle de législateur. M. Temaru nous a écrit pour nous alerter : le haut conseil de la Polynésie française est présidé par une avocate polynésienne, docteur en droit, dont la compétence n'est mise en cause par personne.

Je sais que telles ne sont pas vos pratiques, monsieur le rapporteur : vous n'aviez nullement l'intention de destituer cette personne. En outre, il semble qu'il n'existe aucun magistrat de l'ordre administratif qui soit polynésien. Bien sûr, la loi n'a pas à indiquer des éléments ethniques, qu'ils soient statistiques ou autres. Mais la réalité s'impose quand même : le Parlement de la République dit aux Polynésiens que, dans un délai de six mois, ils devront destituer l'actuelle présidente. C'est totalement inacceptable. Il convient donc de supprimer cet article malheureux, même si je ne fais aucun procès d'intention au rapporteur. Je me garderai bien en revanche de me prononcer sur les intentions de l'auteur de cet amendement qui a une connaissance intime de la réalité du terrain.

L'idéal serait que vous soyez favorable à mon amendement. Mais M. Cointat va exprimer sa sympathie, le texte restera en l'état car le calendrier électoral de Polynésie ne permet pas une nouvelle navette. Il n'en reste pas moins que c'est inacceptable : qui d'entre nous voterait une loi qui vise une personne physique ?

M. Christian Cointat, rapporteur.  - Effectivement, cet amendement a été présenté par le sénateur de Polynésie, qui connaît bien le terrain. Sous réserve des modifications que nous avions proposées et qui avaient été acceptées par l'auteur de l'amendement, il nous semblait que la rédaction améliorait le texte de 2004 car elle précisait davantage les compétences, la composition et le rôle du Haut conseil. Il s'agit quand même d'une institution qui devra se comporter par rapport aux lois de son pays comme le fait notre Conseil d'État. Il ne nous a donc pas semblé anormal que la personne appelée à la présider soit un magistrat de l'ordre administratif. Mais il est également vrai que si j'avais eu connaissance des effets que cet article allait produire, j'aurais proposé une autre solution.

Contrairement à nous, l'Assemblée nationale a voté cet article en toute connaissance de cause et elle n'a pas jugé opportun de modifier l'article. Nous sommes donc contraints d'en faire de même puisque l'objectif reste d'avoir une institution aussi efficace que possible. Enfin, je suis persuadé que le délai de six mois permettra de trouver une solution.

C'est donc avec regret que je ne puis être favorable à cet amendement.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État.  - Votre position pourrait être louable, monsieur Frimat, à condition qu'elle soit dénuée de toute arrière-pensée. Connaissant votre intégrité, je ne puis l'imaginer un seul instant. Comme l'a rappelé M. Cointat, le sénateur Flosse a présenté un amendement pour améliorer la transparence et la compétence juridique du Haut conseil, et je tiens à lui en rendre hommage alors qu'il est absent ce matin. Les nominations au Haut conseil seront désormais soumises à l'avis de l'assemblée de la Polynésie française alors qu'avant, seul le conseil des ministres se prononçait. Il n'y a là rien de choquant ni de critiquable, d'autant que cette procédure est utilisée pour d'autres instances. Une telle procédure peut même éviter des nominations de complaisance, comme la désignation de membres de sa propre famille... Vous avez parlé, monsieur Frimat, des qualités de la présidente actuelle. Je n'ai pas à les contester, mais je vous demande de vous renseigner sur les conditions de sa nomination.

Désormais, le président sera auditionné par une commission de l'assemblée de Polynésie qui pourra se faire une idée précise de ses compétences juridiques. Comme le dispositif prévoit un remplacement du président au plus tard six mois après l'élection de l'assemblée de la Polynésie, il n'y a aucune urgence à remplacer la présidente actuelle. De plus, le Haut conseil est un organe purement consultatif chargé de conseiller le Gouvernement. Ce n'est ni une juridiction, ni une autorité administrative indépendante. Enfin, l'intéressée pourra, en tout état de cause, demeurer membre du Haut conseil.

M. Bernard Frimat. - Je tiens à remercier M. le rapporteur pour sa sincérité et dire à M. le ministre que j'ai bien entendu son hommage à M. Flosse. Je ne tiens pas à polémiquer sur les conditions de nomination de la présidente actuelle qui a été désignée en vertu du statut de 2004 que vous aviez adopté pour complaire à M. Flosse. Vous n'imaginiez pas, à l'époque, qu'il puisse perdre les élections. La présidente du Haut conseil a été nommée par M. Temaru, ce qui est bien normal puisqu'il était président de la Polynésie.

Lors de la première lecture, le Sénat ne connaissait pas tous les tenants et les aboutissants de cet amendement et je ne suis pas persuadé, connaissant l'intégrité de notre rapporteur, qu'il y aurait été favorable s'il en avait su toutes les conséquences. Je ne suis pas non plus convaincu que cet amendement aurait ressuscité à l'Assemblée nationale si nous l'avions enterré ici.

Il n'en reste pas moins que cet article a de graves effets : je maintiens donc mon amendement et les Polynésiens apprécieront, d'autant qu'avec ces nouvelles conditions de nomination, il y a fort à parier que ce ne sera pas un Polynésien qui sera président du Haut conseil. C'est quand même paradoxal et cela rappelle curieusement une époque que je croyais révolue et que l'on qualifiait de coloniale ! (Murmures à droite)

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article 14 bis est adopté

M. Bernard Frimat. - Nous ne participerons pas au vote sur les articles 15 à 17. En revanche, comme en première lecture, nous voterons l'article 18 car nous sommes favorables à la transparence financière. Au moment où vous abandonnez votre sponsoring à l'opacité, nous aurions mauvaise grâce à ne pas vous soutenir.

Vous avez enfin compris, grâce notamment au rapporteur, que la Polynésie française, dans le processus de « déflossification », a aussi le droit à la transparence et je m'en réjouis.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous nous abstiendrons sur les articles 14 quater à 17.

L'article 14 quater est adopté, ainsi que les articles 15, 16, 17.

L'article 18 est adopté.

M. le président. - L'article 18 a recueilli l'unanimité

Article 20

I. - Par dérogation aux dispositions de l'article 104 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, le premier tour des élections pour le renouvellement intégral de l'assemblée de la Polynésie française sera organisé en janvier 2008.

Le mandat des représentants à l'assemblée de la Polynésie française en fonction à la date de publication de la présente loi organique prend fin à compter de la réunion de plein droit de l'assemblée élue en application du premier alinéa du présent I, qui se tiendra dans les conditions prévues au second alinéa de l'article 118 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée.

Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article 156 de la même loi organique, le mandat de l'assemblée de la Polynésie française élue en application des deux premiers alinéas du présent I expirera à compter de la réunion de plein droit prévue à l'article 118 de la même loi organique et, au plus tard, le 15 juin 2013.

I bis. - Pour les élections organisées en application du I, le délai de six mois prévu au III de l'article 109 de la même loi organique est remplacé par un délai d'un mois. La mise en disponibilité des agents publics qui souhaitent se porter candidats à ces élections est de droit dès réception de leur demande par l'autorité dont ils dépendent.

II. - Non modifié.......................................

III. - Les articles 1er, 5, 6, 11, 13 à 16 et 18 entrent en vigueur à compter du renouvellement de l'assemblée de la Polynésie française prévu au I du présent article.

Les autres dispositions de la présente loi organique entrent en vigueur à compter de sa publication au Journal officiel de la République française.

IV. - L'article 14 quater est applicable aux recours déposés à compter de la publication de la présente loi organique au Journal officiel de la République française. 

V. - Les règles prévues au II de l'article 7 bis et aux articles 9, 10 et 11 quater doivent être adoptées par les autorités de la Polynésie française au plus tard le 1er juillet 2009. 

M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le I de cet article.

M. Bernard Frimat. - Avec cet amendement, je veux marquer notre opposition à ce texte. Cet article est le coeur de ce projet de loi organique : vous aviez besoin d'une procédure dérogatoire pour dissoudre, destituer -je vous laisse les choix des termes- l'assemblée actuelle de Polynésie française qui ne vous convient pas. M. Dominique Paillé, député de la majorité, a récemment déclaré à la presse souhaiter un renouvellement profond des hommes et des idées en Polynésie française en marquant sa préférence pour M. Tong Sang plutôt que pour l'ami de M. Chirac, M. Flosse.... (M. Henri de Raincourt s'esclaffe.) Ses collègues de l'UMP apprécieront qu'il dise tout haut ce que tout le monde pense tout bas !

Le Parlement n'a pas pour fonction de dissoudre l'assemblée de Polynésie française. Vous n'avez pas eu le courage politique d'assumer vos désaccords aussi avez-vous pris le biais parlementaire. Je vous fais grâce des éléments qui retiendront l'attention du Conseil constitutionnel, que j'avais rappelés en première lecture.

M. Christian Cointat, rapporteur. - Je n'aurais pas compris que M. Frimat ne déposât pas cet amendement de suppression, comme M. Frimat ne comprendrait pas que la commission ne lui donnât pas un avis défavorable ! (Sourires) En 2007, toutes les forces politiques polynésiennes ont demandé la tenue d'élections anticipées (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, approuve.) lorsqu'elles étaient, il est vrai, dans l'opposition...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ce qui change tout !

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. - Le Gouvernement a pris la décision d'élaborer ces textes le 1er août, lorsque le président de la Polynésie française était M. Tong Sang. Il ne s'agit donc pas d'une décision de circonstance (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) Nous avons refusé une dissolution précipitée de l'assemblée, demandée par MM. Flosse et Temaru, pour prendre le temps de la concertation. Après la communication en conseil des ministres du 1er août, les textes ont été soumis aux responsables polynésiens et au Conseil d'Etat, puis présentés au conseil des ministres avant d'être transmis au Parlement et feront éventuellement l'objet d'un contrôle par le Conseil constitutionnel. La plupart des acteurs polynésiens, je le répète, ont approuvé cette modification du statut. Le 27 janvier prochain, les Polynésiens retourneront devant les urnes pour décider de leur propre destin. Qui peut craindre leur choix ?

M. Bernard Frimat. - Pas nous !

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. - Ensuite, l'Etat travaillera de manière impartiale avec ceux que le peuple aura élus. Tous les Polynésiens que j'ai rencontrés m'ont dit : « Il faut faire vite, très vite, nous avons besoin de retrouver la stabilité pour que nos élus s'occupent enfin de nos enfants et engagent la Polynésie française sur le chemin de prospérité ! »

M. Robert del Picchia. - Très bien !

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

L'article 20 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. le président. - Je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Monsieur le ministre, prétendre que l'instabilité politique depuis 2004 explique un moindre développement de la santé et de l'enseignement et s'est accompagnée de pratiques financières douteuses est faux. Sur ce dernier point, vous savez, comme moi, que les dysfonctionnements pointés par la Cour des comptes sont antérieurs à 2004.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. - C'étaient les arguments de M. Frimat, et non les miens !

M. Bernard Frimat. - Caricature !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Pourtant, il m'a semblé vous entendre dire que l'instabilité politique avait freiné le développement et empêché l'accès à l'égalité des chances !

Au vrai, l'Etat n'a pas pu s'empêcher d'imposer à la Polynésie française les conditions de son évolution politique, ce qui est contraire, malgré tout ce que vous pourrez dire, à l'autonomie garantie à ce territoire. Pour éviter que la Polynésie ne s'éloigne de Paris, vous cherchez un nouveau couple sûr qui remplacerait celui que formaient autrefois MM. Flosse et Chirac. Au reste, la majorité des représentants de l'assemblée de Polynésie ont contesté la modification du statut de 2004 et la tenue d'élections dès le 27 janvier : pourquoi cette précipitation ?

Certes, les Polynésiens ne supportent plus les querelles politiciennes et l'instabilité. Mais ces textes ne permettent pas de répondre à leurs attentes, ils ont pour objet d'installer une assemblée à votre convenance. Le groupe CRC votera donc contre !

M. Bernard Frimat. - Monsieur le rapporteur, si la commission avait donné un avis favorable à l'amendement n°3, j'en aurais été ravi (Sourires).

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - On peut toujours changer d'avis !

M. Bernard Frimat. - Trêve de boutades, je regrette que ce débat n'ait pas été davantage polyphonique et que l'on n'ait pas discuté des véritables problèmes.

Vous dites avoir pris tout votre temps, mais nous avons commencé l'examen de ce texte le 7 novembre : connaissez-vous beaucoup de textes organiques que les deux assemblées aient examinés en seulement 22 jours ? La vérité, c'est que nous devons ce débat à grande vitesse à l'obsession du Gouvernement, de changer l'assemblée de Polynésie le plus vite possible ! Vous me dites qu'il ne faut pas avoir peur, mais je ne suis pas d'une nature craintive et je respecte pleinement le suffrage universel, même lorsque je ne suis pas satisfait de ses choix ! La démocratie, c'est accepter le suffrage universel : combien les gouvernements précédents auraient été bien inspirés de respecter le suffrage des Polynésiens, plutôt que de tout faire pour déstabiliser l'Assemblée qui en était issue ! Nous connaissons tout le feuilleton, en particulier le rôle de Mme Girardin : vous n'êtes pas responsable des actions personnelles de votre prédécesseur, mais une majorité est responsable de la continuité d'une politique que nous ne pouvons passer sous silence !

Vous parlez d'État impartial ? Pour les Polynésiens, c'est de la science-fiction, ils ne connaissent qu'un État interventionniste et partial ! Nous nous refusons à tout procès d'intention et nous jugerons votre action sur pièces. Le passif est cependant tel, en Polynésie, que l'État devra fournir beaucoup de preuves pour démontrer qu'il est devenu impartial.

Vous m'avez pris à partie, faisant comme si je souhaitais des obstacles au développement de la Polynésie, alors que je dis qu'elle doit se libérer d'un long passé clientéliste et que ce sera difficile ! Nous sommes tous pour le développement de la Polynésie et nous avons, à gauche, suffisamment combattu certains de vos amis politiques outre-mer, pour savoir quel est l'intérêt des peuples !

M. Christian Cointat, rapporteur.  - L'assemblée territoriale a certes émis un avis négatif, mais c'était contre le projet initial, avant que nous n'intégrions la plupart des propositions de cette assemblée. J'ai commencé mes consultations le 17 octobre, rencontré toutes les forces politiques polynésiennes : le débat a donc été diligent, six semaines, et l'Assemblée nationale s'est rendue au point de vue du Sénat, fort des propositions des Polynésiens !

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État.  - Merci à tous, pour cet excellent débat. J'ai particulièrement apprécié votre explication de vote, monsieur Frimat. Nous nous sommes beaucoup parlé : j'en retiens un échange de contributions, plutôt qu'une confrontation, chacun a donné le meilleur de lui-même, dans l'intérêt des Polynésiens. Vous avez évoqué bien des sujets où je ne vois pas ce qui nous empêcherait de nous rejoindre, sans procès d'intentions, et nous y passerons le temps qu'il faudra ! (Sourires) Le statut de 2004 a quelque vertu, puisqu'il a donné à la chambre territoriale des comptes les pouvoirs d'investigation grâce auxquels elle a mis en lumière les faits répréhensibles que vous dénoncez, sur le parc automobile, les primes, le nombre de personnels... M. Dosière nous a fait lecture, à l'Assemblée nationale, des observations des magistrats financiers, je ne suis pas sûr que les choses aient beaucoup changé depuis 2004... C'est pourquoi j'attends plus de transparence des outils que nous mettons en place. Les Polynésiens se défient de leurs représentants, parfois à tort. Ils sauront désormais que tous les actes de la vie publique seront décidés en toute transparence : nous allons rétablir ce lien de confiance entre les Polynésiens et leurs représentants !

N'ayons pas peur ! Avec ce texte, nous insufflons à la Polynésie cette volonté de changement profond que les Français ont exprimée le 6 mai. Je continuerai de donner le meilleur de moi-même, pour que vous ne soyez pas déçus, ni les Polynésiens : nous leur devons la transparence et l'impartialité ! (Applaudissements à droite et au centre)

En application de l'article 59 du Règlement, le projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin.

Nombre de votants 327
Nombre de suffrages exprimés 326
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 200
Contre 126

Le Sénat a adopté.

Rappels au Règlement

M. Bernard Frimat. - Je ferai le même rappel au règlement qu'en première lecture. La Conférence des Présidents a admis qu'un mandat écrit permette à un groupe -aujourd'hui l'UMP- de voter pour un groupe dont aucun membre n'est présent au débat. Personnellement je trouve cela choquant et je vous demande, monsieur le président, de le signaler au Président du Sénat. A nouveau, le président du groupe socialiste lui demandera si cela est conforme à un fonctionnement parlementaire normal. Lorsqu'on forme un groupe politique, le minimum est d'assurer une présence à tous les débats.

M. le président. - Je prends acte de votre déclaration dont je ferai part au Président du Sénat et le sujet sera abordé à la prochaine Conférence des Présidents. Quoiqu'il en soit, j'ai en main les deux mandats.

M. Bernard Frimat. - Je ne le mettais pas en doute.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je ferai la même observation. Nous tenons à la représentativité des groupes et il n'est pas bon de se constituer en groupe uniquement pour en tirer certains avantages.

M. Laurent Béteille. - Votre remarque est un peu singulière...

M. le président. - Acte est donné de votre déclaration.

M. Bernard Frimat. - Autre chose : s'il est possible, même avec un effectif réduit, de participer à un débat, activement et au fond, je m'interroge sur le fait que certain groupe, plus massivement représenté, puisse observer un silence religieux tout au long d'un débat....

Projet de loi ordinaire

M. le président. - Nous en venons au projet de loi ordinaire sur lequel aucun amendement n'a été déposé.

M. Bernard Frimat. - Dès lors que le projet de loi organique a été adopté, il n'y aurait aucun sens à voter contre une loi ordinaire qui n'est que l'application technique et logique de ce qui est maintenant la loi de la République. C'est pourquoi nous nous abstiendrons sur les articles et sur l'ensemble.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous voterons contre.

L'article premier est adopté, ainsi que les articles 2, 4 et 5.

Le projet de loi est adopté.

Organismes extraparlementaires (Désignations)

M. le président. - La commission des affaires sociales a proposé plusieurs candidatures pour des organismes extraparlementaires. La Présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement. En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :

- MM. Jean-Marc Juilhard et Claude Domeizel respectivement membre titulaire et membre suppléant du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles ;

- M. Dominique Leclerc membre titulaire du Comité de surveillance du fonds de solidarité vieillesse ;

- M. Alain Vasselle membre titulaire du Conseil de surveillance de la caisse d'amortissement de la dette sociale.

La séance est suspendue à midi vingt-cinq.

présidence de M. Christian Poncelet

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité. Chaque orateur dispose de deux minutes trente.

Universités (I)

M. Yves Détraigne .  - (Applaudissements sur les bancs UC-UDF). Madame la ministre de l'enseignement supérieur, après un mois de mobilisation étudiante contre la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, vous venez d'annoncer l'accélération de deux réformes très attendues sur les bourses et la lutte contre l'échec en premier cycle. Vous avez également signé, hier, avec le Premier ministre et le président de la Conférence des présidents d'université, un protocole-cadre en vue de la conclusion d'un contrat national pour la réussite des universités, qui prévoit notamment une augmentation progressive de 50 % du budget de l'enseignement supérieur d'ici 2012.

Qu'envisagez-vous d'inscrire dans ce contrat ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour lutter contre l'échec en premier cycle ? Comment comptez-vous financer ces réformes, et notamment l'augmentation, dès janvier 2008, de 7 % des bourses en faveur des étudiants les plus défavorisés ? (Applaudissements au centre)

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - J'ai reçu l'ensemble des organisations représentatives des étudiants pour les écouter et répondre aux craintes et aux préoccupations relatives à l'application de la loi du 11 août sur l'autonomie des universités et aux chantiers qui vont être menés par mon ministère. Hier, avec le Premier ministre et le président de la Conférence des présidents d'université, j'ai signé un protocole-cadre confirmant l'engagement pluriannuel de l'État envers l'université. Comme le Président de la République s'y est engagé, le budget de l'enseignement supérieur augmentera de 50 %, passant de 10 à 15 milliards : nous dépenserons 10 500 euros par étudiant et par an en 2012, contre 7 000 en 2007.

Je souhaite également accélérer les chantiers en cours, car les étudiants veulent un changement très rapide de leurs conditions de vie et d'études. Le plan Réussite, contre l'échec en première année, véritable plaie de l'université, sera présenté très prochainement à la communauté universitaire : il traite entre autres de l'orientation active, du contenu des licences, des compétences à acquérir, de l'insertion professionnelle. Son entrée en vigueur sera accélérée grâce aux moyens que les présidents d'université ont accepté de prendre sur leurs budgets, et ce dès janvier.

Enfin, les 100 000 étudiants les plus défavorisés verront le montant de leur bourse augmenter de 7 % dès janvier 2008. Cette mesure sera financée par redéploiement au sein du budget bourses. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Yannick Bodin. - Il n'y a plus d'argent !

Universités (II)

M. Jean-François Voguet . - Depuis plusieurs semaines, le mécontentement grandit dans les universités (murmures à droite) et gagne aujourd'hui les lycées. Nous comprenons et nous sommes solidaires de cette contestation qui ne fera que s'étendre. Nous avons combattu cette loi de fausse autonomie des universités que vous avez fait voter à la hussarde, en plein été, en urgence (protestations à droite) et qui ne répond ni aux défis de notre temps, ni aux besoins de nos universités, et signifie la mise en concurrence des universités et le désengagement de l'État. Des facultés d'élite sélectionneront leurs étudiants tandis que la grande masse des autres universités devra se contenter de maigres subventions et du soutien des collectivités locales. Cette loi casse la vie démocratique à l'université au profit des entreprises et des présidents et précarise l'ensemble des personnels universitaires.

Vous avez parié sur le pourrissement du mouvement, mais ce dernier perdure, vous contraignant à encadrer votre loi -et à admettre, par là même, les risques qu'elle fait courir. Vous annoncez quelques petits gestes en faveur de la vie étudiante, admettant ainsi l'urgence sociale. Mais ces promesses restent très insuffisantes. (« La question ! » à droite).

Allez-vous augmenter votre budget 2008 ?

M. Yannick Bodin. - La ministre a déjà dit que non !

M. Jean-François Voguet. - Les augmentations annoncées ne feront que financer les dépenses déjà engagées et à boucher les trous. Enfin, plutôt qu'un protocole sans valeur, êtes-vous prête à engager la Nation dans une réelle réforme démocratique de l'université, en proposant une loi d'orientation et de programmation, qui pourrait être préparée par des états généraux de l'Enseignement supérieur ? (Applaudissements sur les bancs CRC. M. Mélenchon applaudit aussi)

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Vous avez parlé de démocratie, monsieur Voguet : cela signifie que vous êtes un démocrate, et que vous respectez le suffrage universel et la loi. Or, cette loi a fait l'objet d'une concertation de soixante heures (applaudissements sur les bancs UMP), d'un débat démocratique au Parlement. Elle a été adoptée le 11 août.

Cette loi, aujourd'hui, s'applique : vingt-cinq universités ont mis en oeuvre les nouveaux statuts, trente ont demandé à bénéficier de l'autonomie dès le début de 2009. Respectez donc une loi de la République ! (Applaudissements à droite.)

Cela dit, j'ai entendu les craintes des étudiants, sans chercher à encadrer la loi comme vous le dites. Non, il n'y a pas désengagement de l'État, puisque ce dernier va consacrer 1 milliard d'euros sur cinq ans à l'enseignement supérieur, ce qui représente une hausse historique, sans précédent.

La privatisation ? C'est une crainte sans fondement. Vous oubliez que le conseil d'administration, où seront représentés les étudiants et les enseignants, aura toute la maîtrise des fonds investis. Nos chantiers sont très concrets : la réussite en licence, la carrière des enseignants et la vie des étudiants, l'attractivité de la recherche. Les moyens financiers ? 15 milliards ! (Applaudissements et « bravo » à droite)

Désenclavement de l'Orne

Mme Nathalie Goulet . - Le département de l'Orne connaît un désenclavement autoroutier exceptionnel. Après l'autoroute A 28, le tronçon Argentan-Sées a été ouvert au public le 26 novembre dernier, sans que cet événement donne lieu à inauguration officielle, ce qui est bien curieux pour une réalisation très attendue et aussi coûteuse. Notre département rural n'étant pas coutumier d'une telle discrétion, à la veille d'une consultation électorale, chacun dès lors s'interroge...

Le fait est que le concessionnaire de la portion Falaise-Sées n'a toujours pas été désigné. Or, le département de l'Orne a déjà vécu une expérience désastreuse avec l'autoroute A 28, qui a mis plus de trente ans pour voir le jour. Il a fallu toute la persévérance du sénateur Daniel Goulet et du président Garrec pour venir à bout des différents obstacles.

Les élus d'Argentan s'inquiètent de tout retard qui pourrait différer la signature du contrat et l'achèvement de cet axe autoroutier essentiel pour le développement économique du bassin d'Argentan. Ils voudraient l'assurance que rien ne viendra plus retarder l'achèvement de l'A 28.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence M. Bussereau, qui est actuellement au conseil Transports à Bruxelles.

La liaison Caen-Le Mans est la seule ouverture de la Basse-Normandie en direction du Centre et du Sud de la France. Cette liaison est constituée de deux sections principales : Caen-Sées, et Sées-Le Mans. La section Caen-Sées, longue de 77 kilomètres, a vocation à devenir l'autoroute A 88. Elle est déjà aménagée à 2 x 2 voies sur 31 kilomètres entre Caen et Falaise. À son autre extrémité, entre Argentan et Sées, 15 kilomètres d'autoroute réalisés dans le cadre du contrat État-région ont été mis en service cette semaine. Restent donc environ 20 kilomètres à aménager.

Afin d'accélérer cet aménagement, l'État, la région Basse-Normandie, les départements de l'Orne et du Calvados sont convenu de recourir à la concession. Il est ainsi prévu de concéder l'autoroute A 88 entre Falaise et Sées, et d'intégrer dans la concession les 15 kilomètres mis en service entre Argentan et Sées. C'est l'objet de la procédure d'appel d'offres en cours.

Cette autoroute a déjà été déclarée d'utilité publique. Le recours à la concession a cependant obligé à relancer une enquête publique en vue d'une nouvelle déclaration d'utilité publique. Cette enquête est terminée depuis plusieurs mois et le projet de décret relatif à la concession est prêt à être envoyé au Conseil d'État.

Ne pas poursuivre dans les meilleurs délais la procédure d'appel d'offres en cours obligerait à relancer une consultation, compte tenu du fait que la validité des offres émises par les candidats expire fin janvier. L'échéancier pour aboutir à la publication du décret approuvant la concession avant cette date est d'ores et déjà tendu. Renoncer à la concession conduirait l'État et les collectivités territoriales à devoir financer les travaux sur leurs ressources budgétaires pour un montant de 213 millions d'euros. La réalisation de cet aménagement apparaît par conséquent nécessaire. (Applaudissements à droite)

Violences à Villiers-le-Bel (I)

M. Hugues Portelli . - Des violences ont émaillé la nuit du 26 novembre dans le Val-d'Oise suite au décès de deux adolescents. Nos pensées vont bien évidemment à leurs familles car la perte de deux enfants est toujours une tragédie.

Mais nos pensées vont aussi aux forces de l'ordre, qui ont fait preuve d'un sang-froid et d'un courage qui font honneur à la République, alors qu'elles étaient prises pour cible par des tirs de fusils de chasse. Peu de polices au monde auraient réagi comme la nôtre. Le rétablissement complet, dans chaque commune, dans chaque quartier, dans chaque rue, de l'ordre républicain est un impératif absolu et non négociable car l'autorité de l'État ne se partage pas.

Mais à moyen terme, peut-on envisager de tenir davantage compte des problèmes spécifiques de l'ordre public sur ces territoires ? (Voix sur les bancs socialistes : « Police de proximité ! ») Il faut une police adaptée aux différentes formes de violence et de délinquance (voix sur les bancs socialistes : « Police de proximité ! »), une police plus stable qui soit incitée à demeurer dans ses affectations (voix sur les bancs socialistes : « Police de proximité ! »), à être logée dans la circonscription où elle travaille (voix sur les bancs socialistes : « Police de proximité ! »), une police plus proche qui connaisse bien les particularités de chaque territoire et de chaque population (voix sur les bancs socialistes : « Police de proximité ! ») et surtout une police plus expérimentée.

Au-delà des nécessités de l'ordre public, quelle réponse sociale donner à des jeunes qui n'ont aucune notion de l'autorité qu'elle soit parentale, éducative ou professionnelle et comment les sortir de leur milieu pathogène. (Protestations sur les bancs socialistes)

M. Jean-Luc Mélenchon. - Qu'est-ce qu'un « milieu pathogène » ? C'est là qu'on vit !

M. Hugues Portelli. - ... afin de leur inculquer des règles de vie commune ? (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. .  - De fait, un dramatique accident dont nous déplorons qu'il ait causé la mort de deux adolescents, a servi de prétexte à des scènes de violence. Certains ont utilisé la situation pour se livrer à des vols, à des pillages, à des incendies volontaires, à la dégradation de bibliothèques et d'autres bâtiments publics. On a attaqué des pompiers et des représentants de l'ordre à tir tendu avec des armes de chasse.

Je vous remercie d'avoir rendu hommage à nos forces de l'ordre, qui ont fait preuve d'un sang-froid remarquable dans ces circonstances, où elles étaient attaquées très directement. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Il est évident que nous avons des problèmes dans certaines communes, mais ces problèmes sont causés par un très petit nombre d'individus, qu'il ne faut pas confondre avec la masse des habitants...

M. Jean-Luc Mélenchon. - Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - ...qui en sont les premières victimes.

M. Jacques Mahéas. - Qu'on ne parle pas de « milieux pathogènes », alors !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - L'image négative de leur quartier, de leur ville, rejaillit sur eux.

Nous devons apporter une réponse, en resserrant la chaîne des intervenants : maires -ils sont en première ligne- (murmures sur les bancs socialistes), éducateurs, associations, police, justice, acteurs de la réinsertion. C'est ensemble que nous trouverons des solutions pour ceux qui ne sont pas délinquants...

M. Jacques Mahéas. - Quelle solution pour les autres ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - ... les plus jeunes en particulier, ceux qui ont la volonté de s'en sortir.

Mais nous avons aussi besoin de réaffirmer l'autorité de l'État. Je ne laisserai pas dire qu'il n'y a pas de policiers au contact des habitants. Nous avons créé, depuis 2002, 13 000 postes de policiers et de gendarmes pour renforcer les quartiers où la situation était la plus dégradée. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jacques Mahéas. - Vous fermez des postes !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - L'implantation sur le terrain est réelle mais le problème reste que trop de policiers sont frais émoulus de l'école et n'ont ni l'âge ni la maturité suffisants. C'est pourquoi nous mettons au point, avec le directeur général de la police nationale, une action de fidélisation, appuyée sur une relation avec les maires, car la question du logement, comme celle des crèches, est essentielle. (Exclamations à gauche) Nous avons créé cinq mille places en région parisienne sur un budget que vous n'avez pas voté... (Applaudissements sur les bancs UMP)

Au-delà, pour faire face aux poussées de violence, nous avons prévu, dans le budget 2008, des unités de sécurisation, destinées à renforcer les effectifs sur l'un ou l'autre département, sans déshabiller les autres. En outre, nous aurons toujours besoin des forces mobiles, auxquelles nous devons toute notre gratitude. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

Violences à Villiers-le-Bel (II)

Mme Raymonde Le Texier .  - Je suis élue de Villiers-le-Bel depuis trente ans : l'objet de ma question ne vous surprendra pas.

Monsieur le Premier ministre, vous êtes venus à plusieurs reprises à Villiers-le-Bel, comme Mme Alliot-Marie. Vous avez vu une ville dévastée, des écoles, des commerces et une bibliothèque brûlés, les policiers et les pompiers pris pour cible. Vous avez rencontré deux familles qui pleurent leurs enfants.

Tandis que certains étaient sincèrement bouleversés par la mort de leurs deux amis, d'autres laissaient libre cours à la haine. Le déchaînement de la violence, dont plusieurs dizaines de policiers ont été directement victimes, a atteint un niveau inouï. Nous condamnons tous cette brutalité sans nom.

Mais au-delà, ce qui nous explose au visage, c'est la conséquence d'un abandon. Six millions de personnes, 10 % de la population, vivent dans des ghettos qui cumulent toutes les difficultés et où convergent toutes les impasses de notre société : jamais les promesses de notre pacte républicain ne s'y concrétisent.

Certes, l'État était présent cette semaine, durant les émeutes, et le déploiement considérable des forces de police a été déterminant dans l'arrêt des violences. Mais au quotidien, la République a déserté et ce constat n'est pas récent.

L'image des banlieues suscite le rejet : mais ce sont le désespoir et le sentiment d'être méprisé qui alimentent la colère, nourrissent la haine et attisent la violence. Les émeutes de 2005 n'ont rien changé. Certains jeunes qui, depuis bien longtemps, n'avaient plus d'horizon, n'ont aujourd'hui plus de limite.

Pourtant, les maires de villes de banlieues ont depuis longtemps préconisé des solutions concrètes. Ici, au Sénat, droite et gauche rassemblées, nous avons travaillé dans le cadre d'une mission d'évaluation des politiques de la ville et nous sommes retrouvés sur un diagnostic commun et des propositions d'action.

Nous étions alors plusieurs à dire que novembre 2005 n'appartenait pas au passé, mais restait toujours devant nous : l'échec scolaire désespère les familles et fait fuir celles qui le peuvent, accentuant l'effet de ghetto ; le niveau de chômage et la discrimination à l'embauche renforcent encore le sentiment de rejet ; la concentration des familles les plus fragiles tire tout le monde vers le bas.

Point n'est besoin, monsieur le Premier ministre, de parcourir à nouveau le territoire pour établir un diagnostic. Il est déjà posé, les actions concrètes à mettre en oeuvre sont identifiées. Ne manquent que la volonté et les moyens.

M. le président. - Votre question !

Mme Raymonde Le Texier.  - Afin de rétablir les fondements de la République et de dégager des perspectives d'espoir pour ces six millions d'habitants, êtes-vous prêt à écouter enfin les maires de ces communes ? (Applaudissements prolongés à gauche)

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Cette semaine de violences à Villiers-le-Bel a été déclenchée par un dramatique accident de la route qui a coûté la mort à deux jeunes adolescents. Après des actes de violence inouïs, la situation est revenue à la normale grâce à l'action exemplaire des forces de l'ordre, auxquelles je rends moi aussi hommage.

Le Président de la République a parlé d'un plan Marshall (Exclamations ironiques à gauche)

M. Charles Gautier. - Zorro est arrivé !

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État.  - Seule la détermination de tous les membres du Gouvernement peut changer la situation. Ce défi, reconstruire la République au coeur des cités, nous engage tous. Nous devons rebâtir nos pratiques, améliorer la gouvernance.

J'ai engagé pour cela une vaste concertation. Elle n'est pas superflue, madame la sénatrice, car il faut aller où l'on ne va jamais. Depuis le 1er septembre, j'ai demandé aux préfets d'organiser des réunions d'appartement (Mme Assassi s'exclame), j'ai également ouvert un blog ... (Exclamations à gauche)

M. Jean-Pierre Raffarin. - Respectez la ministre !

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État.  - Ces initiatives ont permis à beaucoup de pères et de mères de libérer leur parole et de participer au plan de reconquête de l'égalité des chances en faisant des propositions concrètes. Leurs préoccupations vont vers l'emploi des jeunes, mais aussi la sécurité : ils demandent eux aussi une présence plus forte de la police dans les quartiers. (Voix sur les bancs socialistes : « Pas celle-là ! »)

Je rejoins, madame la sénatrice, votre constat : les évolutions sont trop timides. Les inégalités se sont accentuées. Les difficultés structurelles alimentent le sentiment d'exclusion chez plus de six millions de nos concitoyens.

M. le président. - Il faut conclure !

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. - Je ne peux pas laisser dire que rien n'est fait. L'Anru agit sur le bâti et, depuis sa création, 9,8 milliards ont été programmés pour deux cents opérations dans les quartiers ; de 2004 à 2012, l'engagement total de l'Etat atteindra 12 milliards.

Simultanément à la rénovation urbaine, il faut entreprendre la rénovation sociale

M. le président. - Il faut conclure ! Sinon, par respect pour les autres orateurs, je vais devoir vous couper ! (On se récrie à droite)

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. - J'en viens au plan banlieue qui compte trois grands volets : désenclavement des quartiers, pôles de réussite et emploi des jeunes. Il faut que le chômage qui les frappe recule afin de mettre fin à la déshérence de certains d'entre eux. (Applaudissements à droite et sur certains bancs du centre)

M. le président. - Il faut que chacun respecte son temps de parole ; sinon, certains orateurs ne passeront pas à la télévision. Un peu de discipline, de correction et de fraternité !(Exclamations à droite)

Élections législatives en Russie

M. Josselin de Rohan . - (Applaudissements à droite) Le 2 décembre...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Napoléon III !

M. Josselin de Rohan. - ... vont se dérouler en Russie des élections législatives. L'opinion publique a été alertée à plusieurs reprises par les atteintes graves et répétées à la liberté d'opinion et d'expression et même par l'incarcération de certains opposants. Or, la Russie appartient au Conseil de l'Europe et à l'OSCE, organisations internationales qui ont vocation à contrôler les élections dans les pays membres.

Le Bureau international des droits de l'homme, émanation de l'OSCE, s'est vu imposer des restrictions sans précédent : limitation de la période d'observation et réduction drastique du nombre d'observateurs. Devant ces obstructions répétées, il a renoncé à contrôler ces élections.

Quant à l'assemblée parlementaire de l'OSCE, on ne lui a proposé que trente postes d'observateurs pour quatre vingt quinze mille bureaux de vote. Le président de la délégation française de l'assemblée parlementaire de l'OSCE, comme le président britannique, ont donc refusé de se rendre en Russie.

Le Gouvernement français, comme d'autres, a reçu une invitation bilatérale pour envoyer des observateurs et a été prié d'assister à une réunion où le président de la commission de contrôle présenterait ses observations. En outre, notre ambassadeur de Moscou était prié d'assister aux élections.

Le Gouvernement français va-t-il accepter l'invitation de la Russie au risque de cautionner des élections antidémocratiques ? (Murmures à gauche) Le Gouvernement français est-il disposé à demander à la Russie de respecter ses engagements internationaux ? Le Gouvernement français compte-t-il intervenir pour faire libérer les opposants injustement incarcérés ? (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme .  - (Applaudissements à droite) Effectivement, le 2 décembre se tiendront des élections législatives en Russie, étape essentielle avant les élections présidentielles de mars.

Le seuil pour être élu à la Douma a été récemment relevé de 5 à 7 %. Compte tenu des conditions strictes fixées à l'enregistrement des partis politiques et aux difficultés faites à des forces d'opposition divisées, ces élections opposeront pour l'essentiel le parti présidentiel Russie Unie au parti communiste. Ce tête-à-tête n'est malheureusement pas un gage de pluralisme politique.

Les conditions de déroulement de la campagne électorale ont conduit le mouvement d'opposition Une autre Russie à organiser des « marches du désaccord » le week-end dernier ; son chef, Gary Kasparov, a été arrêté et condamné à cinq jours de prison ferme.

Ce lundi, la France a exprimé publiquement son inquiétude, comme l'Allemagne et l'Union européenne.

L'invitation tardive adressée par les autorités russes au Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE, les conditions fixées par Moscou quant à leur nombre et leurs activités, enfin les difficultés créées à leur déploiement ont conduit cette institution à renoncer à l'envoi d'une mission d'observation.

La France a décidé, comme la plupart de ses partenaires européens, de ne pas envoyer d'observateurs dans un cadre bilatéral, parce que, comme l'OSCE, elle considère que les conditions d'un suivi sérieux de ce scrutin ne sont pas réunies, avec 95 000 bureaux de vote répartis sur 17 millions de km2.

Il y aura quand même une présence internationale, de loin préférable à une absence totale, et je tiens à remercier les parlementaires français qui y prendront part, soit au titre de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, soit au titre de celle du Conseil de l'Europe.

Sur le terrain, il y aussi des ONG russes, des représentants de petits partis politiques, certes en nombre insuffisant, mais qui auront une part active dans la dénonciation des éventuelles errances du scrutin.

C'est d'ailleurs là que se trouve notre espérance : dans le développement de cette société civile qui n'a pas plus qu'une autre vocation à la servitude. Le combat mené par des avocats, des journalistes, des défenseurs des droits de l'homme, des militants politiques, au péril de leur vie ou de leur liberté, en est la preuve manifeste. Nous connaissons tous les cas emblématiques d'Anna Politkovskaïa ou de Larissa Arap, ainsi que l'action exemplaire d'associations comme Mémorial.

Certes, ce combat s'accompagne de souffrances mais nous ne devons pas nous contenter d'attendre que le temps fasse son oeuvre, au prix de trop nombreuses vies et libertés encore sacrifiées sur l'autel de la lutte pour la démocratie. Notre devoir est double : favoriser les contacts de société civile à société civile et convaincre le Président Poutine de sa responsabilité d'homme d'État à la tête d'un immense pays qui a tout à gagner à accélérer sa marche vers la démocratie. (Applaudissements à droite et au centre)

Pouvoir d'achat (I)

M. Bernard Frimat . - « La France a un problème de pouvoir d'achat » : ce sont vos propres termes, monsieur le Premier ministre. Enfin, les difficultés quotidiennes des Français sont arrivées à la connaissance du Gouvernement. (Exclamations à droite)

Depuis plusieurs semaines, les sénateurs socialistes vous interrogent sans obtenir de réponse sur les inquiétudes des ménages qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts. Votre réponse se limite à décliner le slogan de campagne « Travailler plus pour gagner plus » et à développer sur les ondes une campagne glorifiant le supposé futur bonheur du salarié qui verrait ainsi son revenu majoré.

Cette propagande sera appréciée à sa juste valeur par ceux dont les revenus stagnent ou baissent : « gagner moins et payer plus » illustrerait mieux les conséquences de votre politique.

Que proposez-vous pour augmenter les salaires des travailleurs postés qui ne peuvent pas faire d'heures supplémentaires ou des travailleurs auxquels leur patron n'accorde pas d'heures supplémentaires ? Que faites-vous pour améliorer la situation des chômeurs qui demandent non pas à travailler plus mais, tout simplement, à travailler ?

Les choix de votre Gouvernement ont aggravé la situation. Vous avez refusé de donner un coup de pouce au Smic et d'augmenter la prime de rentrée scolaire.

M. Josselin de Rohan. - Et Jospin ?

M. Bernard Frimat. - Vous ignorez la vie difficile de ceux qui perçoivent des petites retraites et vous ne leur proposez, dans le prochain budget, qu'une augmentation de 1,1 %. (Nouvelles exclamations à droite)

Aucune négociation salariale sérieuse n'a été engagée dans le privé ni dans le public. Vous maltraitez les fonctionnaires (on se récrie sur les mêmes bancs) et ils vous l'ont crié dans la rue.

Vous répétez, monsieur le Premier ministre, qu'il n'y a pas d'argent à distribuer. Vous devriez dire qu'il n'y a plus d'argent, puisque vous avez préféré arroser généreusement les plus favorisés. (Exclamations indignées à droite)

Les Français ont besoin de mesures concrètes et rapides pour le pouvoir d'achat. Les socialistes ont fait des propositions, le Gouvernement tergiverse (Exclamations à droite) : son action consiste-t-elle seulement à attendre que le Président de la République annonce, à la télévision, une nouvelle recette miracle ? (Applaudissements à gauche).

Voix à gauche. - S'ils ont faim, qu'ils mangent de la brioche !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi .  - Le Gouvernement n'a pas attendu pour agir, mais vous devez avoir quelque problème d'audition pour ne pas vous être aperçu que le pouvoir d'achat était au coeur de la campagne présidentielle ! (Applaudissements à droite, vives exclamations à gauche)

M. Yannick Bodin. - Si ! C'est bien le problème : après la campagne, plus rien !

M. David Assouline. - Tous au Fouquet's !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Vous aimez les chiffres, en voici : 1, 2, 3, 4, 5 ! Un : les salaires en baisse de 1 %. Deux : c'est la durée, 1999 et 2000. Trois et quatre : un taux de croissance de 3,4 %. Cinq : c'est ce chiffre qui a été accolé au 3, pour cette erreur historique des 35 heures ! (Applaudissements enthousiastes à droite ; à gauche, les exclamations font place à un tollé couvrant la voix de l'oratrice ; plusieurs sénateurs de droite scandent les chiffres cités par la ministre)

M. le président. - Un peu de silence ! Ce n'est pas sérieux !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Indigne ! Propos de bistro ! Commencez par vous occuper de ceux qui ne peuvent pas travailler !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Travailler plus pour gagner plus, c'est une réalité : à raison de 4 heures supplémentaires par semaine, un salarié peut gagner un 13ème voire un 14ème mois ! (Exclamations à gauche)

M. Jean-Luc Mélenchon. - Esclavagiste !

M. David Assouline. - Quinze milliards aux riches !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Le chômage ? Il est à 8,1 % et la Dares estime que la baisse est durable ! Les négociations salariales ? Le 23 octobre dernier, lors de la conférence sur l'emploi, le pouvoir d'achat et le coût du travail, l'engagement a été pris de conditionner l'allègement de charges à l'engagement de négociations salariales annuelles : vous ne pouvez pas dire que nous ne faisons rien ! (Vifs applaudissements à droite et quelques applaudissements au centre, exclamations à gauche)

Autoroutes de la mer

Mme Gisèle Gautier . - La table ronde « mobilité et transports » du Grenelle de l'environnement a recommandé le développement d'autoroutes maritimes sur la Méditerranée et la façade Atlantique. Etant ligérienne, la question m'intéresse particulièrement : le « merroutage » protège l'environnement et représente une alternative au transport routier. La voie maritime prend moins de temps, elle coûte moins cher, elle décongestionne la route, en particulier pour le franchissement des reliefs, et ce mode de transport est moins polluant. Une ligne régulière existe déjà entre Saint-Nazaire et Vigo, au nord de l'Espagne ; son trafic a progressé de 16 % depuis le début de l'année.

Monsieur le ministre, le Grenelle de l'environnement peut-il contribuer à financer ces autoroutes de la mer ? L'État et l'Europe participeront-ils à la réalisation des infrastructures ferroviaires et terrestres nécessaires à l'acheminement des camions ?

Avec mes collègues de l'UMP, nous nous félicitons -incidemment- que les ministres qui répondent aujourd'hui à nos questions soient toutes des femmes : merci, messieurs les ministres et monsieur le Premier ministre, pour cette première ! (Applaudissements à droite, vives exclamations à gauche)

Mme Catherine Tasca. - Avec ce Gouvernement, la parité c'est une fois par mois !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Merci de souligner ce fait ! En conclusion du Grenelle de l'environnement, le Président de la République a fixé l'objectif de 2 millions de trajets routiers par camion en moins d'ici 2020.

Les autoroutes de la mer font partie de la politique de report modal, et sont particulièrement utiles pour les liaisons avec l'Espagne et l'Italie : le transit de camions avec ces pays est de moins en moins supportable. Nous encourageons l'aide au démarrage de telles liaisons et nous avons reçu début novembre plusieurs offres de qualité ; nous les examinons conjointement avec l'Espagne. Le financement est encadré par des règles communautaires : les autoroutes de la mer font partie du réseau trans-européen de transports ; elles sont éligibles au Feder et font partie de la coopération transfrontalière.

En matière de financement, la France a décidé d'allouer un budget de 41 millions, l'Espagne de 15 millions. S'agissant des dispositions douanières et administratives, le constat est partagé ; la Commission travaille à leur simplification. Enfin, le Gouvernement a décidé de mettre en place un comité opérationnel, réunissant tous les acteurs concernés, qui sera chargé de donner des suites concrètes aux mesures décidées lors du Grenelle de l'environnement. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre).

Vidéoprotection

M. Louis de Broissia . - (Applaudissements à droite) Ma question s'adresse à une femme ministre, ce dont je me réjouis ! (Exclamations ironiques à gauche) Madame la ministre de l'intérieur, les événements dramatiques de Villiers-le-Bel, la disparition tragique de Larmi et de Moushin, les violences faites aux policiers, aux pompiers -ne l'oublions pas !- ou aux enseignants -le principal d'un collège a été agressé à l'arme blanche il y a quinze jours- indiquent clairement que se développe un climat de contestation de l'autorité et de l'ordre. Le Gouvernement n'est pas resté inactif, comme l'a excellemment montré Mme Fadela Amara. Il s'agit à la fois de changer les mentalités, de résoudre un problème d'éducation et de donner des emplois aux jeunes, ce à quoi s'emploient les collectivités.

Au-delà, parce que les premières victimes de ces violences sont les Français les plus modestes, il convient de prendre des mesures d'urgence. Développer la vidéosurveillance, comme on l'a fait en Grande-Bretagne avec des résultats encourageants, permettrait de confondre les auteurs de violences et de prévenir par la dissuasion. Il y a quelques jours, lors de l'assassinat dans le RER D d'Anne-Lorraine, qui a mené un combat héroïque contre son agresseur, la vidéosurveillance a joué un rôle important.

Madame la ministre, vous avez créé il y a quelques semaines une commission nationale de la vidéosurveillance, dont font partie nos collègues Christian Cambon et Jean-Paul Alduy. Où en est cette commission ? Quels sont les obstacles à la mise en oeuvre du plan de vidéoprotection que vous aviez annoncé ? (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales .  - L'attention du ministère de l'intérieur n'est pas simplement retenue par les événements ponctuels, mais il est vrai extrêmement violents, qui ont marqué ces derniers jours. La tâche de mon ministère est d'assurer la sécurité de nos concitoyens au quotidien. Car, la sécurité est la première des libertés, elle conditionne toutes les autres libertés ; c'est la première obligation de l'État.

Nous sommes dans une société qui bouge ; la délinquance bouge, la violence bouge, la technologie bouge. Il est normal que nous utilisions cette technologie pour élucider les affaires et intervenir plus rapidement. Si le train où Mme Schmitt a été sauvagement agressé avait été équipé de caméras, nous aurions pu intervenir plus rapidement. D'ailleurs, nos concitoyens, autrefois réticents à l'utilisation de la vidéosurveillance, l'approuvent désormais à plus de 98 %. Je suis favorable à ce que l'on développe ce que l'on appelle aujourd'hui la vidéoprotection, qui est encadrée par des textes législatifs, dans tous les endroits sensibles. Nous avons accumulé du retard par rapport aux autres pays et nous voulons passer de vingt mille caméras aujourd'hui à soixante mille dans deux ans. Par ailleurs, nous voulons donner aux communes et aux institutions qui le souhaitent la possibilité de raccorder leur réseau au commissariat de leur ville. L'objectif est de passer de vingt-deux communes raccordées aujourd'hui à quatre-vingts d'ici 2009, sachant que vingt-et-une communes supplémentaires seront raccordées dès le début de l'an prochain. De la sorte, avec les installations que la SNCF et la RATP souhaitent mettre en place, nous aurons accompli de véritables progrès pour la protection de nos concitoyens ! (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

Pouvoir d'achat (II)

M. Michel Dreyfus-Schmidt . - Ma question s'adresse au Président de la République... (Exclamations à droite)

M. René Garrec. - Il n'a pas le droit de venir au Sénat !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. - ... puisqu'il se veut le seul responsable de la situation et, en particulier, de l'appauvrissement de ceux qui, parce qu'ils sont les plus nombreux, se voient réclamer tous les sacrifices. Il est curieux, d'ailleurs, qu'il ne demande pas à répondre lui-même aux questions d'actualité... Monsieur le Président de la République, nous aimerions savoir que dire à tous ceux qui nous interrogent. Que répondre à ceux qui doivent faire face à l'augmentation de 15 % du prix du carburant, soit 150 euros par ménage ? Qu'ils doivent se rendre au travail en bicyclette comme le leur a suggéré notre ministre de l'économie qui se garde bien de renoncer à sa voiture de fonction ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.).

M. Jacques Valade. - Minable !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Que répondre à ceux qui se chauffent au fuel ? De changer de chaudière ou de s'installer à Agadir ? Que répondre à ceux qui, à cause de l'augmentation de 3 % par an des loyers depuis cinq ans, doivent payer 380 euros de plus pour un couple avec deux enfants ? Que répondre aux 780 000 personnes âgées qui, dorénavant, paieront 116 euros de redevance par an, ce dont ils étaient dispensés jusqu'à présent ? Que répondre à ceux qui, déjà en difficulté pour vivre, subiront un véritable impôt santé avec l'instauration des franchises médicales en janvier prochain ? Que répondre à ceux dont les retraites n'ont pas été revalorisées alors que les prix alimentaires ont considérablement augmenté ?

M. Jacques Valade. - La question ! La question !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. - 8 % de plus sur le prix du pain, c'est ce qui s'appelle mener les gens à la baguette ! (Exclamations à droite). Aujourd'hui, consommer 400 grammes de fruits et légumes par personne et par jour coûte chaque mois 60 euros pour un couple et 115 euros pour une famille avec deux enfants. (On s'impatiente à droite).

M. le président. - La question !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Monsieur le Président de la République, que pouvez-vous nous répondre ? Nous le saurons certainement ce soir ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur quelques bancs communistes)

M. le président. - Monsieur Dreyfus-Schmidt, il m'est impossible de demander à M. le Président de la République de vous répondre en personne... (Sourires)

M. Josselin de Rohan. - Il faut modifier la Constitution ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi .  - Malgré le peu de temps qui m'est imparti, j'énumèrerai quelques unes des nombreuses mesures que nous avons déjà prises en très peu de temps. (M. Jean-Pierre Caffet : c'est-à-dire rien !) Contre la hausse du prix des carburants, nous avons, pour les ménages les plus modestes, doublé la prime à la cuve. Nous avons aussi demandé aux compagnies pétrolières de lisser les hausses, de répercuter les baisses et de pratiquer une totale transparence sur l'ensemble des augmentations et des diminutions des prix à la pompe.

M. Yannick Bodin. - Cela ne coûte rien de demander !

Voix sur les bancs socialistes - Et la TIPP flottante ?

Mme Christine Lagarde, ministre. - Parlons-en ! Cette TIPP flottante a coûté à la France 2,7 milliards pour une baisse d'à peine trois centimes à la pompe.

M. David Assouline. - Pas vrai !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Quant à la conditionnalité des aides, nous la préconisons et nous nous sommes mis d'accord avec les organisations syndicales, lors de la conférence du 23 novembre, pour lier les allégements de charges à une négociation salariale - et c'est à quoi avait oeuvré Gérard Larcher.

Pour faire baisser les prix, vous proposez le blocage, l'économie administrée : des mesures d'un autre âge ... Nous proposons une voie plus moderne, plus innovante : le développement de la concurrence au service des consommateurs.

M. le président. - Veuillez conclure.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Je n'ai cité que quelques unes des actions que, avec François Fillon, nous avons prises dans l'intérêt des Français. (Applaudissements à droite et au centre).

Hommage à deux délégations étrangères

M. le président. - J'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation du Haut conseil des Collectivités du Mali, conduite par son président M. Oumarou Ag Mohamed Ibrahim Haïdara. (Mmes et MM. les sénateurs et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent)

L'objet de leur mission est, entre autres, de renforcer les compétences des conseillers nationaux et des cadres du Haut conseil du Mali en vue de sa transformation en Sénat. (Marques de satisfaction) Je me réjouis de cette perspective et je les encourage vivement dans cette voie. Je formule enfin des voeux pour que cette visite contribue également à renforcer, d'une façon plus générale, les relations entre nos deux pays.

Je salue également la présence d'une délégation de parlementaires membres du groupe d'amitié du Sénat du Burundi (applaudissements) avec lequel nous entretenons des relations de coopération soutenues et particulièrement amicales.

Soyez tous les bienvenus au Sénat français ! (Applaudissements)

La séance est suspendue à 16 h 5.

présidence de M. Adrien Gouteyron,vice-président

La séance reprend à 16 h 15.

Loi de finances pour 2008 (Suite)

Deuxième partie

M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale. Nous abordons la deuxième partie consacrée aux dépenses.

Aide publique au développement

Orateurs inscrits

M. le président. - Nous allons examiner la mission « Aide publique au développement », le compte spécial « Prêts à des États étrangers » et le compte spécial « Accords monétaires internationaux ».

M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Avec une part du revenu national brut de 0,42 % en 2007, la France ne pourra pas respecter l'objectif fixé par le précédent Président de la République d'un seuil de 0,5 % du revenu national brut pour notre aide publique au développement. Cette inflexion n'est pas propre à la France, puisque l'aide des membres de l'OCDE a diminué de 5 % en 2006, pour la première fois depuis dix ans. Une augmentation de près d'un milliard d'euros de l'aide française est prévue pour 2008, mais rien n'est moins sûr.

Baisse de l'aide et de l'intérêt lors des sommets du G8, report de l'objectif de 0,7 % à 2015, essoufflement des annulations de dettes... cela ressemble à une fin de cycle. Pourtant, à mi-parcours de la trajectoire vers les objectifs du millénaire, nous savons déjà qu'il sera très difficile, voire impossible, de les remplir tous. Les avancées en matière de vaccination et d'achat de médicaments et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, auxquels la France contribue largement, donnent toutefois des raisons d'espérer sur les objectifs concernant la santé.

Cette mission interministérielle ne constitue qu'une fraction de l'effort global de l'aide notifiée à l'OCDE, soit un peu plus du tiers en 2008. Une douzaine d'autres programmes budgétaires y contribuent pour environ un tiers, et le solde se répartit entre les prêts, l'aide des collectivités territoriales, le prélèvement sur recettes au profit du budget européen, et surtout les annulations de dette, qui devraient encore s'élever à plus de 2 milliards d'euros. L'aléa sur ce chiffre demeure cependant élevé, car ces annulations concernent en priorité la Côte d'Ivoire et la République démocratique du Congo, où la situation politique instable a conduit à reporter les accords avec le FMI et les annulations de dette bilatérale, notamment dans le cadre des contrats de désendettement-développement (C2D). Le Gouvernement a-t-il à présent une vision plus claire de ces perspectives d'annulation ? En outre, le financement de ces contrats est désormais intégralement débudgétisé. Je ne crois pas que cette procédure, qui s'apparente à une contraction de recettes et de dépenses, soit conforme aux principes de la Lolf.

La complexité de la comptabilisation est une donnée structurelle de l'aide publique au développement, mais je m'interroge sur plusieurs points. Sur le plan de la « nomenclature Lolf », des actions telles que la promotion de la culture française, la francophonie multilatérale et les dotations à trois fonds de dépollution et sécurité nucléaires devraient sortir de la mission. Inversement, d'autres pourraient y figurer, comme la quote-part de subvention aux organismes de recherche. Où en sont les réflexions des ministères concernés ?

Il subsiste de réelles zones d'ombre sur les critères de notification à l'OCDE de dépenses qui comptent pour une part substantielle dans l'aide : écolage et aide aux réfugiés, dépenses de recherche, aide à Mayotte et Wallis-et-Futuna. Les explications très sommaires ou inexistantes, tant dans le document de politique transversale que dans les réponses aux questionnaires budgétaires, créent un malaise. Les chiffres sont-ils fiables et conformes aux directives du Comité d'aide au développement ? Le Parlement doit être mieux informé.

La réduction et la clarification des intervenants de l'aide, au caractère fondamentalement interministériel, relevant pour l'instant de la gageure, les outils de pilotage et de coordination ont au moins été étoffés. Les documents-cadres de partenariat deviennent des instruments de référence, mais je m'interroge sur leur portée juridique et sur le respect des priorités dans certains pays, dont Madagascar.

L'externalisation auprès d'opérateurs publics va croissant, sous la forme de regroupements d'organismes comme CulturesFrance et CampusFrance, de conventions d'objectifs et de moyens ou d'un recours aux partenariats public-privé. J'en tire au moins trois conclusions : l'Agence française de développement (AFD) doit être juridiquement considérée comme un « opérateur Lolf », les subventions pour charges de service public aux opérateurs doivent être cohérentes avec l'augmentation du volume d'activités et la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) doit s'adapter à son recentrage sur des fonctions de stratégie, de pilotage et de coordination. C'est le sens de deux amendements que je vous proposerai.

La mesure de la performance des administrations centrales s'est améliorée et les grands axes de la DGCID sont désormais beaucoup mieux présentés dans le programme « Solidarité à l'égard des pays en développement ». Des imperfections et des incohérences subsistent cependant. L'appropriation par le réseau culturel et de coopération est encore trop lente. Le futur logiciel unique de gestion devrait contribuer à l'accélérer. Quand l'expérimentation actuelle pourra-t-elle être généralisée à l'ensemble des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) ?

Les canaux multilatéraux représentent plus d'un tiers de notre aide globale en 2007. Cette fraction est sous-évaluée en 2008, puisque la contribution au Fonds européen de développement (FED) me paraît sous-budgétisée d'au moins 60 millions d'euros. Ces chiffres ont été vérifiés avec le rapporteur général du budget, car nous les avions appréciés différemment. Les décaissements du FED s'accélèrent, et j'ai suffisamment critiqué son inertie dans le passé pour ne pas m'en réjouir aujourd'hui. Mais il n'agit trop souvent que comme un sas pour de nouveaux versements à des initiatives et fonds multilatéraux. De même, le recours à l'aide budgétaire est en hausse. Si cette aide facilite l'harmonisation entre bailleurs et l'appropriation par le pays bénéficiaire, il y a deux écueils à éviter : les détournements et la dilution des apports de la France. La fiabilisation du contrôle financier et de la justice des pays aidés sont donc un préalable de l'aide budgétaire.

Ce budget ne sacrifie pas l'aide-projet à laquelle le Sénat est très attaché, puisqu'elle est visible sur le terrain et palpable par les bénéficiaires. L'AFD, qui bénéficie d'une hausse de ses subventions de près de 40 %, en est le principal attributaire. Les administrateurs de l'agence, le président Gouteyron et moi-même, nous en réjouissons.

Si j'approuve les principales orientations de ce plan, je maintiens que l'exposition croissante sur les pays émergents tels que la Chine, l'Inde, le Brésil ou la Thaïlande ne doit pas distraire l'Agence de son coeur de métier ni doublonner avec l'aide au commerce extérieur. Je serai donc particulièrement vigilant sur l'indépendance et les conclusions de l'évaluation qui sera conduite en 2008.

J'avais souhaité il y a quelques mois que la création d'un programme relatif au co-développement accompagne celle du ministère dirigé par M. Hortefeux -je salue l'arrivée de mon compatriote auvergnat. Cette approche du développement permet notamment de capitaliser sur les compétences des migrants, de les faire participer financièrement au développement de leur pays.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - C'est du paternalisme auvergnat.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - Pas du tout. De grands Auvergnats ont contribué au développement de l'Afrique !

Ce programme reçoit une dotation modeste mais ses axes sont clairs et ses indicateurs peuvent être encore améliorés. Son succès, ou son échec, dépendra de l'étroitesse des liens entre le ministère du co-développement et celui dirigé par M. Bockel. Une concurrence entre eux aurait des conséquences dramatiques.

Je m'interroge également sur les perspectives du compte et du livret épargne co-développement. Ces dispositifs sont techniquement bien calibrés, d'un impact positif en termes de communication, mais peut-on garantir que cette épargne servira bien le développement ? J'espère, madame la ministre, que vous ferez inscrire la dépense fiscale correspondante en APD car les niches fiscales constituent de véritables dépenses.

Sous le bénéfice de ces observations et sous la réserve d'amendements que je vous présenterai, la commission des finances vous propose donc de voter les crédits de cette mission et des deux comptes spéciaux. (Applaudissements à droite.)

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.  - Les crédits de la francophonie sont répartis entre la mission « Aide publique au développement » -programme « Solidarité à l'égard des pays en développement »- et les missions « Action extérieure de l'État », « Culture » et « Médias ». C'est une première difficulté.

Notre effort financier demeure important : 58,4 millions sont consacrés à l'organisation internationale de la francophonie et à ses opérateurs. Plus de 15 millions d'euros, inscrits dans la sous-action « Langue française et diversité linguistique » du programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'État », iront au plan de relance du français, notamment en Europe, axe à mes yeux essentiel de notre politique francophone.

Les crédits de TV5 Monde sont portés à 65,7 millions, un dégel étant en outre intervenu pour pallier ses difficultés. C'est la chaîne de la francophonie, il faut la soutenir. Les crédits de la délégation générale à la langue française et aux langues de France sont maintenus autour de 4 millions.

En dépit de ces chiffres satisfaisants, j'ai une désagréable impression de déjà vu. Année après année, la France consacre des crédits importants à une politique qu'elle pilote mal et dont elle ne semble pas convaincue. Les majorités et les gouvernements changent. Mais la responsabilité de la francophonie continue à être confiée à un secrétaire d'État chargé à la fois de la coopération et de la francophonie. Est-ce bien pertinent ? La géographie, l'histoire et la force des choses condamnent le ministre à privilégier la coopération.

Vous n'avez pas, monsieur le ministre, d'autorité directe sur la direction générale de la coopération internationale et du développement qui dispose de l'essentiel des moyens.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.  - Hélas !

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis.  - Il est par ailleurs difficile de mener une action concertée avec le ministère de la culture. Il faudrait réunir dans une même main les relations culturelles extérieures, la francophonie et l'audiovisuel extérieur de la France, au sein du ministère des affaires étrangères.

La francophonie attire chaque année de nouveaux pays. Jusqu'où irons-nous dans cette expansion ? Il y a dans le monde entier des personnes qui aiment et utilisent la langue française, qui souhaitent échanger et lire en français. La francophonie est avant tout une notion linguistique. Privilégions la notion de réseau mondial plutôt que de rassembler des États plus ou moins francophones.

Nous ne tirons pas toutes les conséquences de l'adoption par l'Unesco de la convention en faveur de la diversité culturelle, et donc linguistique. Les langues doivent pouvoir exprimer les réalités du XXIème siècle. Croit-on vraiment qu'une langue qui n'est plus utile, utilisée, pour exprimer la création nouvelle, la découverte, la modernité, peut conserver un rayonnement mondial ? Or nous nous résignons à ce que le français soit de moins en moins utilisé dans le domaine des sciences -le débat sur le protocole de Londres l'a montré.

On cantonne l'usage du français à la sphère privée, en prétextant le coût des traductions. Mais le recours à la traduction, avec l'apprentissage de langues étrangères, est la seule façon de permettre aux langues de s'exprimer sur tout et de favoriser entre les différentes aires linguistiques un véritable dialogue. Parce que j'aime et respecte le français, j'aime et respecte toutes les langues : je fais donc le choix d'un monde qui traduit, où la francophonie trouve sa raison d'être.

En dépit de l'absence de vision stratégique, la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Trois questions pour conclure : monsieur le ministre, où en est le projet de la Maison de la francophonie ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Beau sujet !

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis.  - Où en est le chantier de la réforme de l'audiovisuel extérieur et quelle est votre ambition pour TV5 Monde ? Enfin, le Gouvernement va-t-il inciter l'Assemblée nationale à examiner enfin la proposition de loi de notre collègue M. Marini, adoptée à l'unanimité par le Sénat ? (Applaudissements à droite)

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Devant notre commission, le ministre a parlé de « pause dynamique » : en effet, après cinq années de progression, l'aide française au développement se stabilise. Le Président de la République a cependant réaffirmé l'objectif d'y consacrer à terme 0,7 % de la richesse nationale.

L'impératif d'efficacité impose de faire des choix. Des choix d'organisation tout d'abord : il faut stabiliser le dispositif d'aide, conforter les personnels, donner une vision claire à tous. Des choix géographiques ensuite : la France ne peut pas tout faire, partout. L'urgence et les attentes sont en Afrique. Concentrons nos moyens là où nous sommes plus efficaces. Des choix stratégiques enfin, quant aux instruments à mettre en oeuvre et aux résultats attendus.

Nos contributions multilatérales ne doivent pas répondre pas à une simple logique de dépense : il ne suffit pas de faire un chèque. Qu'attendons-nous précisément de telle ou telle institution ? Notre contribution au Fonds européen de développement (FED) pourrait atteindre plus de 860 millions si le lissage demandé par les gouvernements allemand et français n'est pas accepté. Comment la Commission a-t-elle accueilli cette demande ? De même, il serait paradoxal d'augmenter nos contributions volontaires avant l'aboutissement des réformes du système de développement des Nations unies et d'affranchir les organisations multilatérales de la rigueur que nous nous imposons !

Tout effort supplémentaire doit s'effectuer au sein de l'enveloppe multilatérale actuelle, sous peine de mettre en péril nos instruments bilatéraux. Comme en 2007, les instruments de l'aide-projet ne sont préservés qu'en sollicitant l'intégralité du résultat de l'Agence française de développement : ce sont les intérêts des prêts de l'Agence qui financent les subventions bilatérales. Je ne suis pas hostile à ce recyclage de l'argent du développement, mais l'Agence doit pouvoir prendre des risques, comme elle le fait en Afrique. Son rôle dans le développement de l'union des pays riverains de la Méditerranée sera précieux : n'hypothéquons pas l'avenir.

Le déclin de nos instruments bilatéraux est enrayé : les crédits progressent de 9,4 %. Il faut désormais être offensif en matière d'assistance technique. Les coopérants, recrutés et payés par les pays bénéficiaires, ne font pas obstacle à une démarche de partenariat. Il faut renforcer les capacités en Afrique, pour permettre une absorption utile de l'aide.

Ces orientations positives devront être confortées, au service d'une vision claire et d'une vraie stratégie. La tâche est gigantesque mais nous sommes sortis de la phase d'ajustement structurel en Afrique. Il y a place pour un nouvel élan et une nouvelle ambition. Notre commission a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Tasca. - La mondialisation, c'est plus d'échanges dans le monde, mais pas, loin s'en faut, moins de conflits et d'inégalités. La responsabilité d'organiser les solidarités en direction des pays du Sud nous incombe plus qu'à d'autres, en raison de notre histoire, du poids de la France et de l'Europe. Or le budget de la mission « Aide Publique au développement » révise à la baisse cette ambition. Je déplore l'abandon d'objectifs chiffrés qui engageaient la France, le gonflement artificiel de l'aide multilatérale au détriment de l'aide bilatérale, l'insuffisant soutien aux ONG, et le nouveau programme « co-développement », qui risque fort de ressembler à un faux-nez.

La France s'était engagée à consacrer au moins 0,7 % de sa richesse nationale à l'aide publique au développement d'ici 2012. En 2005, nos partenaires européens ont repoussé l'échéance à 2015, engagement confirmé par le Président Sarkozy lors du dernier G8. Je ne vois pas comment nous parviendrons à tenir cette échéance au rythme actuel.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - On n'y arrive pas.

Mme Catherine Tasca. - Après plusieurs années d'augmentation, les crédits de l'APD ont en effet reculé.

En 2002, la France s'était fixé comme objectif intermédiaire 0,5 % du RNB pour 2007. Ce rendez-vous a également été manqué. Le budget réel 2007 a donc constitué une rupture regrettable, à rebours de nos engagements internationaux.

Puisque le montant des annulations de dettes inscrit dans les statistiques de l'APD française entamera une forte décrue à l'horizon 2010 ou 2011, il faudrait que l'APD devienne une véritable priorité budgétaire de l'État, et ce de manière significative et régulière tout au long de la législature. On en est loin. Bien sûr, le niveau d'APD prévu pour 2008 augmente de 931 millions si on le compare aux prévisions d'exécution du budget 2007. Mais dans l'hypothèse, probable, d'un nouveau retard des annulations de dettes de la République démocratique du Congo et de la Côte-d'Ivoire, l'APD française en 2008 sera en réalité en stagnation, voire à nouveau en baisse. Comment comptez-vous éviter un nouvel écart majeur entre l'objectif affiché et la réalisation effective ? Plutôt que de préparer la forte progression de l'APD nécessaire au respect de l'engagement des 0,7 %, votre projet de budget aligne la mission APD sur la règle générale de la croissance zéro des dépenses publiques. Pourquoi dès lors continuer de faire croire à des objectifs dont on sait à l'avance qu'ils ne seront pas respectés ? Cela entame la crédibilité de la France.

Mais je relève aussi une mauvaise répartition interne des crédits. La France s'est engagée à contribuer de manière importante à plusieurs fonds multilatéraux d'aide au développement, comme le Fonds européen de développement, le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, l'Agence internationale de développement de la Banque mondiale. Nous saluons cet effort comme l'ont salué de nombreuses ONG, tout en regrettant qu'il ne soit guère articulé avec les outils actuels de l'APD française. Reste que l'augmentation de l'aide multilatérale se fait au détriment de l'aide bilatérale. C'est ainsi que les crédits des programmes 110 et 209 sont en baisse. L'aide bilatérale fait figure de variable d'ajustement afin de tenter d'honorer nos engagements européens et multilatéraux.

Certaines contributions, comme celle du Fonds européen de développement, semblent sous-budgétisées, ce qui fait courir un risque de redéploiement en cours d'exercice qui serait encore au détriment de l'aide bilatérale, j'imagine. Du point de vue de la politique globale d'aide au développement, je pense pourtant que la France doit garder des instruments d'actions variés et efficaces ; l'aide bilatérale en est un, qu'il ne faut pas abandonner.

La France est toujours le dernier pays de l'OCDE pour la part de son aide publique au développement transitant par les ONG : un peu plus de 1 %, contre 8 % par exemple pour le Royaume-Uni et pour l'Allemagne. Certes le Président de la République a confirmé l'engagement de son prédécesseur de doubler cette part d'ici à 2009, mais de cela aussi on a de sérieuses raisons de douter.... Beaucoup d'ONG s'inquiètent de ne pas voir leurs crédits dans le PLF 2008. La surmédiatisation de la récente mésaventure d'une pseudo-ONG au Tchad ne doit pas occulter l'immense travail effectué par les ONG françaises, particulièrement en Afrique. Beaucoup d'entre elles se sont engagées dans un dialogue sérieux avec les pouvoirs publics, notamment sous le label Coordination Sud. Ne les décevez pas !

J'ai noté une autre illustration des incohérences de votre budget à propos de la contribution au Fonds mondial sida : elle a été doublée depuis 2005, ce qui constitue un effort notable. La France s'est engagée, lors de la conférence de reconstitution du fonds en septembre dernier, à y participer à hauteur de 900 millions par an sur la période 2008-2010. Mais ne sont inscrits que 280 millions en crédits de paiement, contre 300 en 2007. En outre, il n'est même pas sûr que ces 300 millions votés l'année dernière soient réellement affectés cette année dans leur intégralité. Il est pourtant essentiel que la France honore ses engagements dans ce secteur crucial. Et il n'est pas normal que les recettes levées par la taxe sur les billets d'avion soient utilisées pour alimenter la contribution de la France au fonds sida, alors qu'elles sont en principe destinées à Unitaid, c'est-à-dire au financement et à l'approvisionnement en médicaments des populations qui en ont le plus besoin.

Les objectifs réels et les moyens du programme 301 dit de codéveloppement ne sont pas à la hauteur des enjeux. Ce programme, qui est une innovation budgétaire, est doté de 60 millions en autorisations d'engagement et de 29 millions en crédits de paiement, ces crédits provenant d'ailleurs pour une bonne part de redéploiement des programmes 110 et 209. Ne nous y trompons pas : les trois actions engagées, sont en réalité presque entièrement centrées sur le contrôle des flux migratoires et l'accompagnement des retours. Ce n'est évidemment pas une surprise quand on connaît l'intitulé de votre ministère, monsieur Hortefeux ! Le volet co-développement de chaque accord avec les pays d'origine n'est destiné qu'à « vendre » ces accords aux pays réticents -et on comprend leurs réticences. Je regrette ce mélange très préjudiciable entre une partie de la politique d'aide publique au développement et celle dite de maîtrise des flux migratoires. C'est ce type de confusion qui pèse sur la gestation du Centre d'informations et de gestion des migrations de Bamako. Où en est ce projet ?

Les migrations sont largement dues à la misère qui sévit dans de trop nombreux pays. La politique française d'aide au développement devrait plus se soucier de supprimer la pauvreté plutôt que d'empêcher les hommes et les femmes de la fuir. Je préfèrerais donc que l'on replace le codéveloppement dans le cadre d'une coopération partenariale ambitieuse avec les pays du Sud, dont beaucoup, faut-il le rappeler, appartiennent à l'ensemble francophone. Obtenir une réelle implication des pays d'origine est la condition première de la réussite d'une politique d'aide au développement. Ce n'est certainement pas la perspective ouverte par ce budget avec vos engagements revus à la baisse.

Pour toutes ces raisons, les socialistes voteront contre votre projet de budget. (Applaudissements à gauche)

M. Robert del Picchia. - Depuis neuf ans que je suis sénateur, j'attire l'attention du ministère des affaires étrangères et du ministère de la coopération sur nos compatriotes retraités d'Afrique. Ceux-ci ont travaillé et cotisé aux régimes obligatoires de sécurité sociale locaux, conformément aux conventions bilatérales, mais ils ne perçoivent pas, en retour, leur pension. Ils ont passé la majeure partie de leur vie active en Afrique et n'ont pas d'autre source de revenus que leurs retraites africaines, déjà réduites de moitié du fait de la dévaluation du franc CFA de 1994. Beaucoup d'entre eux sont acculés à quémander les minima sociaux alors qu'ils ont travaillé et cotisé toute leur vie Allons-nous attendre encore des années que nos compatriotes retraités soient tous décédés et que le problème disparaisse avec eux ?

À Djibouti, la situation s'est améliorée pour certains de nos ressortissants mais d'autres attendent toujours depuis des années la liquidation de leurs droits à pension, le paiement des arriérés ou le versement régulier de leur pension. Si ce dysfonctionnement ne concerne encore que quelques personnes, il faut bien se rendre compte que pour celles-ci le quotidien est dramatique. Au Congo, des centaines de personnes sont piégées par une mauvaise volonté institutionnalisée. Et malgré tous ses efforts depuis une dizaine d'années, la France n'est pas parvenue à convaincre son partenaire de régler les arriérés et de verser les pensions.

Le Congo souhaite renégocier le Document cadre de partenariat (DCP) signé il y a seulement quelques mois ; on comprend mieux ce souhait quand on sait que le calendrier de paiement des arriérés de pension est lié au DCP et que celui-ci prévoit qu'en cas de difficulté, la France pourra ajuster en conséquence son aide publique au Congo. On est dans ce cas ! (Mme Paulette Brisepierre le confirme) Le Président de la République ne s'y est pas trompé, qui conditionne la renégociation du DCP au paiement total des arriérés de pension.

J'ai donc déposé un amendement en parfaite conformité avec le DCP pour la création d'un programme « Prise en compte de la dette aux ressortissants français ». Ce programme est doté de 16 millions destinés à l'apurement de la dette de l'État congolais vis-à-vis de nos retraités. Il est incompréhensible et inadmissible que l'on continue à verser de l'argent au Congo pendant que nos ressortissants retraités doivent mendier le minimum vieillesse parce que le Congo qui n'est pas aujourd'hui en difficulté bien au contraire, grâce au pétrole, persiste encore à ne pas payer les retraites. L'adoption de cet amendement prouvera la solidarité de la France envers ses ressortissants retraités du Congo, en permettant de régler enfin et définitivement leurs arriérés de pension. Ce sera également un signal fort, vis-à-vis de tous les États défaillants, de la volonté de la France de faire respecter les obligations réciproques qui découlent des conventions bilatérales. (Applaudissements à droite et au centre)

À la suite de l'appel de Porto Alegre, en 2005, contre la pauvreté, le budget des États européens devait être orienté vers les pays les plus pauvres. Mais deux ans se sont écoulés et les promesses sont oubliées : ce budget, son recul l'atteste, n'est plus une priorité. L'année 2007 devait marquer une étape décisive, celle où l'on franchirait le palier symbolique de 0,5 % du PIB. Notre effort a pourtant été ramené à 0,42 %, alors que celui des Anglais, des Allemands, des Espagnols connaît une croissance sensible.

L'Afrique est le premier continent touché. Il est malheureusement probable que l'objectif du millénaire ne sera pas atteint en 2015. Le discours empreint de suffisance du Président de la République à Dakar a été ressenti comme une humiliation par de nombreux dirigeants africains.

L'Afrique reste la première région qui continue d'être durement frappée par la misère : huit cent mille personnes y meurent de faim, des milliers d'enfants y font la guerre, d'autres, un travail harassant, trois cent mille meurent de maladies.

Les documents budgétaires n'aident pas à cerner la réalité. Les allégements et les annulations de dettes représentent encore, une part non négligeable du volume des crédits mais ils ne masquent pas leur baisse.

Que prévoirons-nous pour maintenir ou augmenter nos efforts quand ces lignes budgétaires n'existeront plus ? Rien n'est fait pour lever nos inquiétudes quant à la clarté et à l'efficacité de notre aide sur le terrain. Votre budget est-il sincère, qui prévoit 2 milliards d'annulation de dette en faveur de la Côte-d'Ivoire et du Congo, quand on sait que la France a été à l'initiative d'une proposition, à l'ONU, visant à poursuivre la restriction des aides destinées à la Côte-d'Ivoire, notamment ?

La représentation internationale doit pourtant se concentrer sur sept objectifs, classés comme prioritaires par le programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) : éliminer l'extrême pauvreté -en Afrique subsaharienne, la population vit avec moins d'un dollar par jour- ; assurer l'éducation primaire pour tous ; promouvoir l'égalité des sexes ; réduire la mortalité des enfants de moins de 5 ans ; combattre le virus du sida et le paludisme -si la contribution de la France à l'Onusida a doublé grâce à la taxe sur les billets d'avion elle n'en reste pas moins nettement insuffisante : 7 millions de personnes, dans les pays en voie de développement, attendent un traitement contre le sida- ; assurer un environnement propre et sain -en Asie occidentale, 80 % des habitants n'ont pas accès à l'eau potable- ; assurer, enfin, un partenariat mondial pour le développement en poursuivant la mise en place d'un système commercial et financier fondé sur des règles non discriminatoires.

La participation de la France au Fonds européen de développement (FED), principal instrument de la coopération entre la Communauté européenne et les États ACP, à 725 millions, est en recul. Je plaide pour un renforcement de ce fonds, et j'ai voté contre le projet de loi relatif aux accords de partenariat ACP-Communauté européenne, qui ne respecte en aucune façon nos partenaires. Le président Wade s'en est expliqué dans un article du Monde, et je ne sache pas qu'il vienne de rejoindre une cellule communiste de Seine-Saint-Denis. (Sourires.) Il serait infiniment plus réaliste de repousser la signature de cet accord et d'envisager une période transitoire, afin de poursuivre les négociations.

Même si 984 millions sont consacrés à l'aide financière aux pays en voie de développement, soit une hausse de 13 %, c'est peu, compte tenu des objectifs prioritaires que je viens d'énoncer. Le problème de la dette est loin d'être résolu. Comment un pays tel que le Kenya pourrait-il réaliser les objectifs du millénaire tandis que 40 % de son budget est consacré au remboursement de la dette ?

On peut aussi s'interroger sur le fonctionnement de l'Agence Française de Développement qui n'aurait utilisé que 50 % des 327 millions de crédits qui lui sont alloués pour 2007.

J'en viens à l'aide aux ONG. Les activités contestables de l'Arche de Zoé ont été l'occasion pour certains de jeter l'opprobre sur les ONG.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Elles s'en chargent elles-mêmes.

M. Robert Hue. - Notre soutien reste trop timide : les ONG ne reçoivent pas plus de 1 % du budget total de l'aide publique au développement. Le peu de lisibilité des crédits...

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Elles ne les utilisent même pas.

M. Robert Hue. - ... paralyse leur action. Désappointées par le peu d'efficacité, depuis des décennies, de nos politiques de coopération successives et le peu de vergogne de certaines élites, elles ont le sentiment que leur action difficile ne profite que très peu aux populations concernées.

Un mot, enfin, sur la délimitation nouvelle des compétences entre le ministère de la coopération et celui de l'identité nationale et du co-développement, nouvellement créé, qui ternit sensiblement notre image en Afrique et dans le monde. Il aurait pour mission, sur fond de politique de l'immigration encadrée par des statistiques ethniques et autre tests ADN, de participer à la politique d'aide au développement ? L''opinion africaine en est vivement choquée, à juste titre. Ce n'est pas cette conception régressive qui aidera les pays du Sud à sortir de la pauvreté.

Les pays riches, quoi qu'on en dise, sont favorisés dans les négociations commerciales. Le Président de la République souhaite un « nouvel ordre mondial ». Soit, pourvu qu'il soit dirigé par des motivations d'humanité, de justice et d'équité sociale.

Parce que telle n'es pas la priorité de ce gouvernement, le groupe CRC ne votera pas ces crédits et demande que la représentation nationale puisse exercer plus régulièrement son rôle de contrôle de la politique étrangère du Gouvernement. Car cette politique, si elle devait se poursuivre, briserait la dynamique nécessaire à un co-développement partagé entre la France, l'Europe et l'Afrique. (Applaudissements à gauche.)

M. Georges Othily. - La continuité prévaut dans notre politique d'aide au développement. L'effort français, depuis la création du ministère de la coopération au début des années 60, ne s'est jamais démenti. Certes, un décalage demeure entre les objectifs proclamés et les résultats obtenus et l'on s'indigne dès que les crédits ne sont pas engagés...:

Les annulations de dettes conditionnées aux réformes menées par les États -je pense aux opérations financières de l'année passée engagées en faveur de la Côté-d'ivoire et de la République du Congo- contreviennent, par leur caractère virtuel, à la sincérité budgétaire. De même, le récent rapport du PNUD indique que l'objectif d'atteindre, à l'horizon 2012, un montant de l'aide au développement représentant 0,7 % du revenu national brut des États développés semble bien compromis.

Mais ne peut-on renverser les termes du problème ? Au lieu de déplorer la persistance de la grande pauvreté, demandons-nous plutôt ce qu'il serait advenu sans les actions menées depuis plus d'une quarantaine d'années.

Les critères permettant de mesurer l'efficience « exogène » de notre politique d'aide au développement doivent être clairement définis. On ne peut que louer la démarche engagée en ce sens par le Gouvernement lors des Journées de la coopération internationale et du développement, le 17 juillet dernier.

Quels contours pour la réforme ? En premier lieu, ne nous laissons pas intimider par ceux qui reprochent à la France le saupoudrage de son aide. Les thèses qui prévalent à la Banque mondiale me semblent procéder d'une éthique mal comprise : il ne faut aucunement renoncer à aider les pays mal gouvernés. Conditionner l'aide, sur le mode anglo-saxon, au respect des droits de l'homme ou à la clarté de la gouvernance est un leurre lorsque l'on sait, comme le rappellent bon nombre d'experts de la transition démocratique, que les conditions économiques déterminent pour beaucoup les possibilités d'évolution -la Corée du Sud en est une illustration historique. N'oublions pas que les mal gouvernés sont aussi les plus pauvres.

Le paradoxe est que l'on reproche dans le même temps à la France la trop grande sélectivité de ses aides, centrées sur l'Afrique subsaharienne. Mais le maintien de liens étroits avec des pays francophones ne contrevient en rien à l'efficience de notre action, dès lors qu'elle se garde de tout clientélisme.

Plus intéressant me semble le principe de conditionnalité de performance, qui vise à sanctionner la surévaluation, par les États bénéficiaires, d'engagements économiques qu'ils se révèlent généralement inaptes à tenir. Les conclusions d'un récent rapport du Conseil d'analyse stratégique, qui rompent avec un certain néo-colonialisme ambiant, soulignent que l'enjeu véritable réside en une appropriation, par les États aidés, des politiques suscitées par les États aidants. Les objectifs finaux qui conditionnent l'aide devraient ainsi être mesurés par des indicateurs d'impact, tels qu'en matière de santé, la réduction de la mortalité infanto-juvénile, ou d'éducation, le taux de scolarisation. Car c'est la faiblesse des indicateurs retenus qui a fait partiellement manquer son but à la tentative de la Commission européenne de promouvoir une culture de résultat.

L'évaluation devrait également laisser le temps aux politiques de produire leurs effets et tenir compte des chocs extérieurs qui influent sur la performance.

A cette efficience exogène s'ajoute une efficience endogène propre à notre circuit de décision : la continuité prévaut puisque les réformes de 1998 et de 2004 permettent de rationnaliser nos circuits de décisions. Pourtant, tous les travaux universitaires et de récents rapports d'expert notent que le processus reste inachevé. La politique d'aide au développement est historiquement une mission interministérielle et la création de l'Agence française de développement n'a pas résolu le double problème d'une dispersion des centres de décisions et d'une tutelle trop distendue. La sélectivité du champ d'action de l'AFD contredit sa qualification d'opérateur pivot. Dès lors, le Royaume-Uni fait office de modèle car la réforme entamée en 1998 fut menée à terme et permit une réelle autonomisation ministérielle. Alors même que l'aide du Royaume-Uni est inférieure à celle de la France, là où l'AFD gère moins de 10 % de l'aide brute, son homologue anglais, le DIFD, en gère plus des trois quarts. Un tel élargissement du champ de compétence de l'Agence ne serait possible que si elle s'accompagnait d'une refondation des liens politico-administratifs.

Au début des années soixante, notre politique d'aide au développement est née d'une combinaison parfois difficile entre diverses visions portées par plusieurs départements ministériels : le ministère de la coopération était favorable à l'essor des régions aidées tandis que le ministère des finances encourageait notre rayonnement économique et que les affaires étrangères privilégiaient l'influence culturelle de notre pays. La création récente du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement, semble ne pas faciliter cette convergence de vue, dès lors qu'elle ne contribue pas tant à clarifier qu'à ajouter un nouveau « référentiel migratoire » fondé sur la régulation des flux migratoires et l'abaissement des tensions entre résidants et citoyens français. Cette voie est-elle la bonne ? Sans nul doute si cette politique parvient à abaisser les tensions et à protéger ces malheureux candidats de la misère.

Néanmoins notre groupe, attaché aux valeurs humanistes, met en garde contre toute dérive qui tendrait à chercher une substitution d'un référentiel global aux diverses visions portées jusqu'à présent par l'aide française au développement. Le simple ajout de la ligne budgétaire réservée nous donne, pour l'heure, satisfaction de même que les 13 millions consacrés à l'aide multilatérale.

Enfin, nous nous félicitons que le programme co-développement crée un fonds fiduciaire doté de 3 millions, ce qui permettra de mener à bien de nombreux projet ambitieux. Pouvez-vous nous indiquer précisément quel sera le rôle de ce nouveau fonds et quelles seront les banques qui le soutiendront ?

Le groupe RDSE, dans sa majorité, votera cette mission aide au développement. (Applaudissements à droite)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - En dépit de mon goût pour les oxymores, je ne commencerai pas mon discours par une « pause dynamique » ! (Sourires) Une pause dynamique n'entraverait pas la marche de la France vers l'objectif de 0,7 %, fixé de longue date, mais elle retarderait certainement ma péroraison, ce que les règles du débat ne m'autorisent pas.

J'en viens donc aux questions désagréables.

L'aide publique française au développement est, à 75 %, orientée depuis les indépendances vers l'Afrique francophone et méditerranéenne. Mais toutes les études et les enquêtes judiciaires conduisent au même constat : nous continuons à recevoir de l'Afrique beaucoup plus que nous ne lui donnons. D'après le dernier rapport de la Cnuced, sur la période 1991-2004, 13 milliards de dollars en moyenne ont été transférés illégalement chaque année de l'Afrique vers l'Europe. En trente ans ce sont 400 milliards de dollars qui ont été subtilisés aux peuples africains, et transférés dans les pays riches, dont le nôtre. Ce montant doit être comparé aux 215 milliards de dollars de la dette de l'Afrique. Qui doit combien à qui ? A qui la faute ? A l'instabilité politique et économique de certains pays qui incite les entrepreneurs à mettre leurs capitaux à l'abri. Mais ces détournements de fonds sont surtout le fait de régimes corrompus. Nous maintenons au pouvoir des gouvernements grâce à des accords de défense obscurs et à l'appui de nos forces armées comme cela a été le cas au Tchad il y a moins d'un an. Nous sommes piégés par des décennies de politique complaisante et complice avec ces chefs d'État qui font plus ou moins rempart à des anarchies encore plus prédatrices et sanglantes que leurs régimes. Ces détournements de fonds sont aussi le fait des entreprises internationales qui emportent les marchés grâce aux pots de vin versés aux responsables politiques et administratifs. La Banque Mondiale estime leur montant à 40 % de l'aide publique internationale. Et la situation s'aggrave avec l'arrivée des entreprises et de l'État chinois en Afrique. « Qui osera rendre un jour au Nigeria, au Cameroun, au Congo, au Congo-Brazzaville ce que la France leur doit ? » s'interroge Eva Joly à l'issue de son instruction de l'affaire Elf et sur la base des enquêtes qu'elle mène actuellement.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - On se demande à quel titre !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Le Comité catholique contre la faim, dans son rapport Biens mal acquis, évalue à 3 milliards de dollars les fonds versés au Libéria et détournés par l'ancien Président Charles Taylor, à 4 milliards de dollars la fortune amassée par le Président Bongo. Pour Sassou N'guesso, dont la fortune est immense, on a retrouvé trace de 472 millions aux Bermudes : c'est la partie visible de l'iceberg.

Que représente notre aide au développement par rapport à cette corruption qui profite aux pays riches, dont nous-mêmes ? Bien peu de choses. C'est avec gravité que je vous demande, monsieur le ministre, si dans un tel contexte, il est convenable, honorable de se servir de montants présumés d'annulation de dettes pour masquer la baisse réelle de notre aide au développement ? Ce procédé a permis d'inscrire 9 milliards dans la loi de finances pour 2007 alors que seuls 7,84 milliards ont été versés. En 2007, notre véritable aide publique au développement a donc atteint le montant des sommes que les migrants maghrébins et africains établis en France envoient dans leur pays d'origine, d'après les chiffres du ministère de l'immigration. Au concours de la générosité, qui gagne ? Notre grand pays généreux ou les migrants méprisés, sous-payés et contrôlés au faciès ?

Je ne reviendrai que brièvement sur les manipulations comptables, pas toujours conformes aux prescriptions du Comité pour l'aide au développement de l'OCDE et dont le montant atteint 1,68 milliard dans ce budget, soit près de 20 % de l'aide publique au développement annoncée : dépenses pour les étudiants gonflées à près de 900 millions, alors que les visas d'études pour les Africains et les Maghrébins diminuent, accueil des réfugiés estimé à 439 millions, alors que la police des frontières refoule les demandeurs potentiels dès la descente des avions. Vous devez voir cela comme moi quand vous allez, à Roissy de bon matin...

Comme notre rapporteur, j'estime que les statistiques établies selon les critères du Comité pour l'aide au développement de l'OCDE sont utiles pour les comparaisons internationales, mais elles ne permettent pas de juger de la réalité de notre contribution. Notre aide publique au développement réel ne représente qu'environ un tiers de celle que nous notifions à ce comité.

J'en viens au programme 209 dont les crédits diminuent de 13,6 millions : les crédits de coopération multilatérale ne peuvent augmenter que si les crédits de coopération bilatérale baissent. Seul 1 milliard est donc mobilisable sur le terrain par nos postes et par l'Agence française de développement pour l'aide publique bilatérale au développement. Il est regrettable que, de ce fait, la France n'apparaisse plus aux yeux des populations comme un partenaire actif pour la scolarisation, pour la santé et dans la lutte contre la pauvreté. Au Sénégal, l'Agence française de développement dispose de seulement 20 millions alors que les organismes multilatéraux en ont 100, dont une part vient d'ailleurs de la France. Mais qui le sait, au Sénégal, et qui contrôle l'usage des fonds à Paris ?

Quant aux organisations de solidarité internationale, elles restent le parent pauvre. Les promesses de 2007 concernant le doublement des crédits mis à leur disposition n'ont pas été tenues. Comment le seraient-elles, cette année, quand le projet de loi de finances n'indique que 35,5 millions de crédits ? Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner des précisions ?

Malheureusement, notre engagement pour le développement baissera encore plus dans les prochaines années, puisque les autorisations d'engagement pour 2008 ne permettent pas d'anticiper une forte croissance des crédits de paiement. Au moment où les parlementaires ACP et Union Européenne, réunis à Kigali, appellent l'Europe à s'engager pour l'accès aux soins de santé, au moment où les pays ACP s'inquiètent des accords de partenariat régionaux que l'Union veut leur imposer et qui ruineront leurs agricultures non subventionnées et leurs industries et artisanats non concurrentiels, quelle sera la position de la France au sommet de l'Union européenne-Afrique qui se tiendra à Lisbonne les 8 et 9 décembre ? Dans le cadre de la revue générale des politiques publiques, il faudra veiller à ce que les moyens que la France affecte au développement ne soient pas réduits, en hommes, en structures et en financement.

Tous les efforts seront vains, cependant, si la lutte contre la corruption n'est pas menée efficacement : le Gouvernement compte-t-il renforcer les moyens contre ce fléau ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.  - Nous prévoyons de porter notre APD de 0,42 % du PIB cette année à 0,45 % l'an prochain, avec l'hypothèse -partagée par les institutions financières concernées- d'une annulation de dettes de 1,2 milliard. L'aspect qualitatif, cependant, est au moins aussi important et nous poursuivrons quatre priorités.

La qualité de l'aide, d'abord. Nous voulons mieux mesurer l'efficacité de chaque euro d'aide, et pour cela développer la culture du résultat, y compris auprès des organismes multilatéraux avec lesquels nous coopérons. L'aide doit avoir un impact tangible, mesurable par des critères aussi concrets que l'accès à l'eau, à la santé, ou encore les flux migratoires. Elle doit avoir également un effet d'entraînement sur le développement. Mme Brisepierre l'a dit, nous devons élever notre niveau d'exigence d'une gestion rigoureuse envers les organisations multilatérales. Nous devons aussi veiller à une meilleure coordination entre bailleurs bilatéraux et multilatéraux ; la présidence française plaidera pour une division internationale du travail plus efficace.

Un nombre plus restreint de priorités, ensuite, en cohérence avec nos grands enjeux politiques et nos domaines d'expertise : santé, environnement, co-développement grâce à la revalorisation des transferts des migrants.

Nous voulons aussi recentrer l'aide avec un meilleur ciblage géographique. Conforme à nos liens historiques, à nos intérêts et à notre expertise. A trop vouloir satisfaire chacun, on mécontente tout le monde ! L'Afrique sub-saharienne demeurera le premier destinataire de notre APD, avec 57 %. Nous venons d'insister auprès de la Banque mondiale, qui a décidé d'accroître ses interventions en Afrique. Notre participation au fonds africain de développement progressera de 6,5 %, avec un effet levier dans le cadre multilatéral, au profit des États fragiles.

Nous voulons mieux prendre en compte la place croissante des nouveaux acteurs dans l'aide au développement, qu'il s'agisse des collectivités locales, des fondations, ou d'autres associations. Nous pouvons encourager ces nouveaux acteurs par la fiscalité, développer des partenariats public privé. Sans prétendre attirer tous les Bill Gates ou Warren Buffett, pourquoi notre ingénierie juridique et fiscale ne leur offrirait-elle pas des moyens de coopérer avec nous ? La mondialisation voit émerger de nouveaux pays donateurs, vous avez évoqué la Chine : le fonds chinois représente 200 milliards de dollars. A Pékin, le Président de la République a proposé que l'expertise française se mette au service de projets réalisés par les Chinois, où on ne décèle pas toujours un intérêt manifeste pour le développement africain.

Quant à la définition du périmètre de l'APD, les différences constatées avec les définitions de l'OCDE sont normales, le programme ayant directement vocation à suivre l'action menée au titre du budget de l'Etat. Vous souhaitez, monsieur Charasse, améliorer l'impact de l'annulation de la dette, j'y suis très attachée également. L'APD ne fait pas l'objet d'une fiscalité affectée, mais elle répond aux mêmes obligations que les autres crédits pour la mesure de performance. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - La France engage son APD pour soutenir les pays les plus pauvres, d'abord africains. Nous voulons améliorer la gouvernance de l'aide : non pas donner moins, mais autrement.

Nous travaillons en parfaite harmonie avec les services de M. Hortefeux sur le co-développement. La modernisation de notre coopération passe par des opérateurs comme l'Agence française de développement, qui est largement reconnue sur le plan international. Grâce à ces opérateurs reconnus, nos administrations centrales pourront se concentrer sur leurs fonctions d'orientation stratégique et d'arbitrage.

Nous devons accroître les synergies entre nos moyens bilatéraux et multilatéraux. Notre influence est encore insuffisante dans les organismes multilatéraux, nous sommes insuffisamment des actionnaires soucieux de leurs intérêts, alors que l'aide au développement elle-même change de modèle, devenant pluraliste à mesure qu'elle intègre un plus grand nombre d'opérateurs.

L'APD constatée cette année n'a pas atteint les objectifs que nos prédécesseurs lui fixaient : 0,42 % du PIB, au lieu de 0,47 %.

En 2008, elle devrait atteindre 0,45 % du PIB, grâce au rôle positif joué par les prêts. J'ai entendu vos observations sur la comptabilisation de la taxe sur les billets d'avion. Quoique nous y perdions dans certains domaines, nous avons tout à gagner à redéfinir les contours de l'aide au développement de manière précise, notamment pour les dépenses de sécurité et de paix dont la réalité est loin de la description caricaturale qui en a été faite tout à l'heure. L'objectif est de tenir l'engagement qu'a pris le Président de la République, comme ses autres collègues européens, de porter l'aide publique au développement à 0,7 % en 2015. Dans le contexte budgétaire très tendu qui est le nôtre, l'essentiel a été préservé, grâce à nos interventions de cet été. D'autant que, pour reprendre l'expression de Mme Brisepierre, nous sommes dans une phase de « pause dynamique » puisque nous avons obtenu l'assurance que les autorisations d'engagement progresseraient. Les graines de l'APD de 2009, 2010 et 2011 sont bien plantées ! Nous respecterons nos engagements internationaux. Monsieur Charasse, s'agissant de l'appel à contribution renforcé du fonds européen, nous discutons actuellement avec la Commission d'un lissage de notre participation afin que nous soyons en mesure de contribuer de manière, certes modeste, mais régulière.

L'aide bilatérale a longtemps fait longtemps figure de parent pauvre de notre budget, mais les autorisations d'engagement sont en progression.

S'agissant des ONG, nous travaillons avec les ONG volontaires sur l'élaboration d'une charte de qualité après l'affaire de l'Arche de Zoé. Il leur sera consacré 30 millions, ce qui constitue une augmentation.

Je partage les analyses de M. Legendre sur la francophonie, nous en avons d'ailleurs discuté lors de récentes réunions à Ventiane et à Libreville. L'inspection générale des finances et les affaires étrangères, que le Premier ministre avait chargées d'une mission sur la maison de la francophonie, rendront leur rapport dans les jours prochains. Sans éventer son contenu, nous serons en mesure d'affirmer à M. Abdou Diouf, secrétaire général de la francophonie, que nous trouverons une solution avant la fin de l'année.

J'en viens à l'audiovisuel extérieur. Nous avons convaincus nos partenaires de TV5 lors de la réunion de Lucerne qu'il fallait moderniser la chaîne et créer une espèce de « marque ombrelle », de holding pour parler en « franglais ». En effet, si nous ne bougeons pas, la chaîne disparaîtra du fait de l'évolution des technologies.

Monsieur Marini, je m'engage à ce que votre proposition soit discutée dès que possible par l'Assemblée nationale.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Excellent ! Elle avait recueilli l'unanimité au Sénat.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Monsieur del Picchia, s'agissant de la question sensible du Congo, nous avons progressé : un premier versement de 250 millions de francs CFA a été réalisé en septembre, mais nous avons indiqué au Président Sassou-Nguesso que le document ne sera pas signé tant que le problème des pensionnés n'aura pas été réglé. Le Gouvernement restera donc vigilant.

Je suis disposé à répondre à d'autres questions.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Vous ne m'avez apporté aucune réponse ! (Rires)

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Je fais ce que je peux !

Un dernier mot sur les relations entre l'Union européenne et les pays ACP pour rappeler l'accord, que le Sénat vient d'approuver, dont l'objectif est de mettre en oeuvre le 10e FED. (Applaudissements à droite)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement.  - Quelques mots rapides après les réponses précises et exhaustives de M. Jean-Marie Bockel, responsable de la coordination de la politique de coopération.

80 % des fonds envoyés par les migrants de France dans leurs pays d'origine sont consacrés à la consommation courante. L'utilisation, même partielle, de ces transferts à des fins d'investissement productif serait un levier essentiel du développement. Ces transferts sont considérables : ils représentent 8 milliards pour une aide publique au développement de 9 milliards. Le développement est la seule manière de maîtriser, à long terme, les flux migratoires.

Au sein de la mission que nous examinons, le programme « co-développement » est doté de 60 millions en autorisations d'engagements et de 29 millions de crédits de paiement, soit des augmentations respectives par rapport à 2007 de 139 % et de 85 %. Grâce à ces nouveaux moyens, nous serons en mesure de négocier six accords de gestion concertée des flux migratoires et de co-développement, à l'image de celui que j'ai signé le 5 juillet 2007 avec le Gabon, et plus récemment le 25 octobre dernier avec la République du Congo et hier, le 28 novembre, avec le Benin.

Avec ces deux derniers accords, le ministère va consacrer près de 6 millions d'euros par an à soutenir des projets de création d'entreprises au Congo ou le secteur de la santé au Benin.

Monsieur Charasse, je vous remercie de la qualité de votre rapport. La création d'un nouveau programme pour le co-développement, que vous avez saluée, traduit la priorité que le Gouvernement accorde à cette politique, laquelle s'incarne également par l'institution d'un compte et d'un livret épargne-développement.

Madame Brisepierre, je vous sais gré d'avoir insisté sur le lien réel entre co-développement, lutte contre la pauvreté et création d'emplois.

Madame Tasca, veuillez croire que j'ai écouté attentivement votre intervention. Si j'ai été distrait par moment, c'est à cause de M. Karoutchi ! (Sourires)

Le co-développement n'est pas une annexe de la politique de maîtrise des flux migratoires. L'accord de gestion des flux et de co-développement que j'ai signé avec le Bénin en est un bon exemple.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre. - Il comporte, ce qui est sans précédent, des mesures de co-développement en matière de santé. Il ne s'agit en rien de favoriser le retour de clandestins, comme on nous suspecte souvent de le faire, mais d'aider des infirmiers, des médecins et des pharmaciens, des gens compétents et bien installés, qui veulent rentrer pour participer à la modernisation de leur système de santé confronté au paludisme et au sida.

Avec la signature de cet accord, nous les aidons à réussir leur retour, ponctuel ou définitif, dans leur pays. Ce retour est ardemment souhaité par le gouvernement du Bénin dont le ministre de la santé a lui-même été, pendant près de trente ans, chirurgien urologue à Paris, puis a renoncé à cette situation pour retourner dans son pays. Je souhaite que cette politique de co-développement, innovante et concertée, soit prise en exemple ailleurs.

J'étais encore hier au Centre d'information et de gestion des migrations à Bamako, centre que nous avons créé en début d'année avec la Commission européenne. Notre nouvelle politique d'immigration se veut globale. Avec le Mali, nous n'avons pas besoin d'initiatives isolées, aussi constructives et brillantes soient-elles. Nous avons besoin d'un accord global permettant de mieux organiser l'immigration professionnelle, mais aussi de lutter, avec les pays d'origine, contre l'immigration illégale et de promouvoir le co-développement. Hier, le président Amani Touré a approuvé ce message utile et constructif que la France a adressé à son pays. (Applaudissements à droite).

Examen des crédits

Article 33

Il est ouvert aux ministres, pour 2008, au titre du budget général, des autorisations d'engagement et des crédits de paiement s'élevant respectivement aux montants de 358 886 842 503 € et de 354 974 914 061 €, conformément à la répartition par mission donnée à l'état B annexé à la présente loi.

M. le président. - Amendement n°II-64, présenté par M. del Picchia.

Article 33

état B

I. Créer le programme : Prise en compte de la dette aux ressortissants français dans l'aide au développement

II. En conséquence, diminuer de 16 millions les crédits des programmes : « solidarité à l'égard des pays en développement » et les affecter au programme créé.

M. Robert del Picchia. - J'ai déjà longuement expliqué la dramatique situation de cinq cent cinq Français qui vivent du minimum vieillesse au Congo-Brazzaville, alors qu'ils y ont cotisé toute leur vie. L'amendement crée un programme « Prise en compte de la dette aux ressortissants français dans l'aide au développement » doté de 16 millions en autorisations d'engagement et crédits de paiement pour apurer la dette de l'État du Congo-Brazzaville vis-à-vis des retraités français, conformément au document-cadre de partenariat entre la France et ce pays. Le programme est créé par transfert de crédits en provenance de l'action n° 3 « Politiques et stratégies sectorielles bilatérales dans les pays de la ZSP et les PMA »  du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », à imputer sur l'aide bilatérale au Congo-Brazzaville. C'est un audit international digne de confiance qui a déterminé la somme et le ministre nous a dit que seuls 184 000 euros d'arriérés avaient été payés.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - La commission n'ayant pas examiné cet amendement, déposé après que nous ayons statué sur cette mission, je m'exprime à titre personnel. C'est un amendement plus qu'utile. Je parcours moi-même beaucoup de ces pays et j'y reçois toujours les doléances de concitoyens âgés qui ne parviennent pas à percevoir la pension qu'ils se sont constituée et, cela, du fait des gouvernements de toute une série de pays. Certains règlent le problème -le Cameroun, par exemple, est venu, non sans mal, à résipiscence. Reste le Congo-Brazzaville.

Personnellement, je pense quand même difficile de créer un programme spécifique pour ce pays, programme appelé à disparaître aussi vite qu'il sera apparu. Ce n'est sans doute pas dans l'esprit de la Lolf. En outre, il semble délicat de prendre sur le budget que la France consacre aux pauvres de ces pays, pour payer d'autres pauvres et rembourser la dette d'un État étranger. La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement. Mais nous n'éviterons pas un point complet de la situation dans l'ensemble de ces pays, afin de chiffrer leurs dettes et de mettre leurs gouvernements en demeure de payer. On peut bien, à l'occasion des multiples négociations que nous avons avec eux, leur demander d'ajouter ce petit chouïa d'apurement d'une dette sociale. Si l'amendement était adopté, il faudrait compléter le DCP par un avenant. Ma longue expérience me permet de considérer que, si on le veut, on peut « convaincre » ces États à faire le nécessaire. En tout cas, la situation n'est plus moralement supportable. (Applaudissements à droite).

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Cet amendement est une interpellation, un ferme avertissement à ne plus nous laisser mener en bateau. Mais son adoption aurait un effet pervers, celui d'encourager une fois de plus les responsables à fuir leurs responsabilités. Au nom du Gouvernement, je prends l'engagement de ne pas signer de DCP avant que la question ne soit réglée et je propose une réunion dans les prochaines semaines, avec les sénateurs représentant les Français de l'étranger et le rapporteur spécial.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - L'amendement n'est pas techniquement recevable mais on ne peut continuer à laisser le Congo-Brazzaville ne pas payer nos retraités alors que les pensions des Congolais sont payées ! Nos avons déjà eu plusieurs réunions à Bercy sur ce problème qui ne peut être réglé que dans le cadre de l'annulation de la dette. Il faut rendre hommage à Paulette Brisepierre qui se bat depuis longtemps et avec ténacité pour régler ce problème. (Applaudissements à droite). Je note l'engagement du ministre ; il faut que cela soit résolu dans l'année qui vient.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'initiative est opportune. M. Charasse nous dit que voter l'amendement serait reconnaître que la France doit payer des arriérés.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Exactement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cela ne peut être admis, car ce problème relève de la responsabilité de nos partenaires. M. Bockel l'a indiqué : des négociations sont en cours pour trouver un équilibre et en finir avec cette question. Il était utile de traiter de ce sujet lors du débat budgétaire et l'appel de M. del Picchia a porté ses fruits. L'engagement du Sénat, et plus particulièrement de ses membres représentant les Français établis hors de France, devrait lui permettre de retirer son amendement.

M. Robert del Picchia. - Monsieur le ministre, vos prédécesseurs ont déjà tenu les mêmes propos. Mme Cerisier-ben Guiga a rappelé que plusieurs réunions se sont déjà tenues sur ce sujet. Le Sénat ne peut aller plus loin, et les rapporteurs s'occupent de ce problème d'un point de vue technique. Un audit effectué par une grande institution internationale a donné au ministère des affaires étrangères tous les chiffres pour agir.

Au lieu de dire que vous ne signerez pas le DCP avant que la question ne soit réglée, vous devriez dire à la République démocratique du Congo que vous ne payerez pas tant qu'elle ne se sera pas engagée à payer. Nous avons procédé ainsi avec le Cameroun et quatre semaines plus tard les retraites étaient payées. Je vous renvoie à un discours du Président de la République.

Si vous me donnez cette assurance, je retire mon amendement.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. - Nous ne financerons pas de nouveau programme tant que cette question n'est pas réglée. Nous ne pouvons pour autant suspendre les affaires en cours sur le terrain, nous irions à l'encontre de notre éthique.

M. Michel Charasse. - Il n'y aura pas de nouvel engagement ? (M. Bockel, secrétaire d'Etat, le confirme.) Si une nouvelle réunion a lieu avec l'AFD ou le Fonds de solidarité prioritaire (FSP), le programme sera renvoyé ultérieurement tant que le problème n'est pas réglé ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. - Oui.

L'amendement n°II-64 est retiré.

M. le président. - Amendement n°II-35, présenté par M. Charasse, au nom de la commission des finances.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

  (en euros)

Réduire de 1440660 les autorisations d'engagement et crédits de paiement du programme « Solidarité à l'égard des pays en développement » et accroître du même montant le titre 2 « Codéveloppement ».

 

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Il s'agit de réduire les crédits de la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) du ministère des affaires étrangères, qui emploie quatre cent quatre vingt cinq équivalent temps plein travaillé (ETPT), dont plus des deux tiers sont imputés sur le programme 209 de la mission « Aide publique au développement ».

L'évolution de l'aide française, désormais confiée de manière croissante aux services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et à des opérateurs extérieurs, au premier rang desquels l'AFD, Egide et Cultures France, implique un recentrage de cette direction sur des fonctions d'état-major, de pilotage et de coordination des nombreux intervenants. Malgré la réforme de la coopération menée en 1998, la DGCID est un monstre ingérable quelles que soient les qualités de ses directeurs. En 2008, moins de 25 % des actions financées sur le programme 209 seraient conduites par la DGCID, le solde étant délégué aux organismes multilatéraux, aux opérateurs Lolf et à l'AFD.

Si la création en 2006 d'un bureau de la tutelle des opérateurs et du contrôle répondait à une réelle nécessité, la DGCID ne dispose pas d'effectifs cohérents avec sa vocation. En outre, les bureaux géographiques de la direction des politiques du développement tendent à doublonner avec les directions et sous-directions régionales du Quai d'Orsay.

Cet amendement propose donc de supprimer vingt ETPT afin d'initier le mouvement de mutation de la DGCID en une administration « de mission », dans la perspective des conclusions de la revue générale des politiques publiques qui sera certainement plus sévère. Cet amendement est le pendant de celui présenté par notre collègue Adrien Gouteyron pour la mission « Action extérieure de l'Etat » (suppression de dix ETPT sur le programme 185). Ces vingt postes ne représentent que 6 % de l'effectif de la DGCID : on est loin du non-remplacement d'un fonctionnaire sur trois ! Cet amendement est vertueux car il va dans le sens de la réforme de l'Etat. Il est très modéré, mais il incite la direction à se réformer. Ainsi, elle compte onze emplois dans un bureau de la mobilité étudiante dont l'utilité n'est pas flagrante (Mme Cerisier ben-Guiga le conteste) et cinq dans un bureau des questions européennes, comme si personne ne s'en occupait ailleurs.

Soyons raisonnable, ce n'est pas la mort du cheval... Il vaut mieux renforcer les crédits du co-développement et améliorer l'efficacité des opérations de terrain.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. - Il faut effectivement recentrer la DGCID sur ses missions stratégiques, mais dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Ce n'est pas facile et créera des tensions, mais nous nous sommes engagés dans une démarche qui ira très loin. Il ne faut pas la perturber, au risque de la bloquer. C'est une question de méthode.

M. Charles Josselin. - Je suis réservé sur l'amendement Charasse.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Présenté au nom de la commission !

M. Charles Josselin. - Je l'ai bien compris, et c'est pourquoi il est difficile de le retirer. Nous voterons contre, car cette mesure est prématurée. Le Quai d'Orsay bruisse de projets de réorganisation et de restructuration. Il faut attendre mars, et au-delà, la révision générale des politiques publiques. Attendons les conclusions de celle-ci avant de supprimer vingt emplois.

M Michel Charasse, rapporteur spécial. - Avec les dix autres suppressions prévues, cela fait trente emplois.

M. Charles Josselin. - On ne peut utiliser l'argument du bureau des affaires européennes. Pour les programmes d'aide au développement, une relation directe avec Bruxelles peut être nécessaire. Le fait de passer par les couloirs de l'administration française nous affaiblit par rapport à nos partenaires britanniques.

Ce matin, M. Sarkozy a commis un lapsus en parlant du ministère de l'immigration, de l'identité nationale et de la coopération. (Sourires.) Je fais partie de ceux qui ont du mal à accepter l'association entre politique migratoire et développement.

M. Brice Hortefeux, ministre. - La nouveauté fait parfois peur !

M. Charles Josselin. - La politique migratoire concerne des milliers de personnes, le co-développement quelques-unes seulement.

Nous verrons les résultats à l'usage. Il est trop tôt pour mesurer les conséquences concrètes de la politique migratoire et des accords de gestion concertée des flux.

J'invite nos rapporteurs à suivre l'application de ces accords et leur impact sur les flux migratoires.

Cette mesure de réduction des crédits est inopportune. M. Charasse, qui, sur ce dossier, est plus radical que socialiste, a sans doute été un peu rapide.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ne croyez pas ça.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Être socialiste, c'est créer des emplois à tour de bras ?

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Que M. Josselin se rassure : c'est au terme d'une très longue discussion en commission des finances que M. Charasse a emporté notre conviction. La réforme de l'État est à l'oeuvre, elle est difficile. Il est de la responsabilité du Parlement d'aider les ministres à mettre leur administration sous tension : c'est dans cet esprit constructif que nous avons approuvé la proposition de suppression de ces vingt emplois.

M. Charasse conduit sa mission avec opiniâtreté depuis de nombreuses années, et connaît bien le sujet. Tout en étant attentif aux arguments du ministre, nous pensons lui rendre service en créant l'électrochoc dont les administrations ont besoin.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - C'est pour cela qu'on a des suicides chez Renault !

Mme Catherine Tasca. - J'approuve l'attitude de M. Bockel face à cet amendement et je m'étonne que la commission des finances, qui a toujours une approche stratégique et globale et prend d'ordinaire les problèmes de haut, fasse une proposition qui porte sur trente emplois.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Si vous avez plus à nous proposer, n'hésitez pas !

Mme Catherine Tasca. - Je m'étonne de ce travail de broderie.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - De la dentelle d'Alençon !

Mme Catherine Tasca. - Comme M. Josselin, je juge cette mesure fort inopportune. On annonce une révision générale des services de l'État : à moins que le Gouvernement ne préjuge du résultat, il faut laisser cette démarche se dérouler avant d'en déduire les réformes à mettre en oeuvre, y compris pour la DGCID. Une mesure ponctuelle comme celle-ci serait incompréhensible pour les services.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Ce n'est pas notre problème. Nous ne sommes pas au service des services.

Mme Catherine Tasca. - Mais nous avons le souci de la lisibilité des réformes par les parlementaires et les citoyens, donc aussi par les services !

M. Josselin a mis le doigt sur un vrai problème : qu'est-ce qui relèvera demain du nouveau ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement ? L'amendement laisse augurer un transfert plus important des compétences et des crédits du Quai d'Orsay vers le nouveau ministère. C'est mettre la charrue avant les boeufs : ce sujet mérite un vrai débat au Parlement, une fois que le Gouvernement aura tiré les conclusions de la révision générale des politiques publiques. Ne préjugeons pas aujourd'hui de l'avenir par cet amendement peu compréhensible.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Je m'insère loyalement dans la logique engagée par la commission des finances, et ma conviction est faite. Nous ne détournons pas ces crédits, nous les donnons aux pays pauvres en supprimant des emplois superflus au sein de cette énorme direction qu'est la DGCID. À quoi sert le bureau des questions européennes -cinq emplois-, le bureau Europe occidentale et communautaire -encore cinq emplois ? À quoi servent les vingt-huit personnes dans les sous-directions régionales ? M. Josselin sait bien qu'il y a des directions sectorielles au Quai ! Et la DGCID aurait ses propres directions ? Pour quoi faire ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Un Quai d'Orsay bis ?

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - La commission des finances propose la suppression de vingt emplois à la DGCID, et de dix autres au budget du ministère des affaires étrangères, pour transférer les crédits afférents à l'aide au développement. Choisissez entre les bureaux et les pauvres !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Madame Tasca, c'est quand on voit les problèmes de trop haut qu'on ne décide rien, et nos discussions budgétaires ont été souvent trop générales.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Rien ne vaut le bon sens auvergnat.

M. Jean Arthuis, président de la commission. - La seconde nature du Parlement, c'est le contrôle sur place et sur pièces. C'est parce qu'il est allé au contact des réalités, sur le terrain, que le rapporteur spécial a pu forger sa conviction.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Nous ne sommes pas au service des services, mais nous leur devons le respect. La DGCID est déjà dégarnie et sous tension.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Dégarnie, avec quatre cent quatre vingt cinq emplois !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Il a déjà fallu rétablir les directions géographiques qui avaient été supprimées car les postes ne savaient plus où s'adresser ! Prétendre que la DGCIF a trop de trois cents agents pour gérer trois programmes Lolf, les actions bilatérales, la coordination géographique, l'orientation de la politique de développement, impulser la coopération pour la gouvernance, coordonner l'action avec les organisations européennes et multilatérales, et j'en passe, c'est inacceptable. Une fois de plus, on dégarnit un service du ministère des affaires étrangères qui n'en peut mais.

L'amendement n°II-35 est adopté.

M. le président. - Amendement n°II-34, présenté par M. Charasse, au nom de la commission des finances.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

Réduire de 1 000 000 d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement le programme « Aide économique et financière au développement ».

Augmenter du même montant les autorisations d'engagement et crédits de paiement du programme « Solidarité à l'égard des pays en développement »

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - J'espère que cet amendement suscitera moins de controverses... Le groupement d'intérêt public « Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières » (Adetef), qui dépend du ministère de l'économie, gère la coopération technique, en même temps que France Coopération Internationale (FCI), qui dépend du Quai d'Orsay.

L'Adetef bénéficie en 2008 de la reconduction d'une subvention de fonctionnement de 4,2 millions, sans compter des avantages en nature évalués à 2,66 millions. Il est prévu qu'il rémunère soixante-quinze emplois hors plafond. Son budget prévisionnel en 2007 s'élève à 17,98 millions, mais ses ressources sont évaluées à 21 millions si l'on inclut les avantages en nature. Il en résulte une réelle aisance financière, qui ne justifie pas ce niveau de subvention. Nous pouvons sans inconvénient réduire ses crédits d'1 million pour augmenter le budget de M. Bockel. Le GIP a vocation à s'autofinancer à terme, comme c'est le cas pour FCI, créé beaucoup plus récemment, auquel le Quai réduit d'ores et déjà la subvention. Si on lui appliquait les mêmes critères qu'à l'Adetef, FCI recevrait neuf fois plus de crédits qu'aujourd'hui !

M. Charles Josselin. - Allons-y !

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. - Selon que vous serez au ministère de l'économie ou au Quai d'Orsay, selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront... On connaît la suite.

J'ajoute que, contrairement au Quai d'Orsay ou au ministère du co-développement, et malgré mes demandes répétées, le ministère de l'économie ne m'a jamais transmis les renseignements élémentaires que j'ai réclamés sur l'Adetef -crédits de fonctionnement, crédits d'investissement, fonds de roulement- et que tout rapporteur spécial est en droit d'attendre.

Cette rétention d'information est intolérable.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - L'Adetef a besoin d'une subvention de l'État, car ses actions commerciales ne peuvent subvenir à ses besoins, d'autant qu'elles diminueront si la subvention de l'État est réduite. (M. le rapporteur spécial s'étonne.) Elle doit en effet fournir des cautionnements et prévoir des provisions en cas d'échec lors des appels d'offre. C'est grâce à cette subvention que des appels d'offre ont été gagnés, donnant ainsi une visibilité accrue à l'expertise française. Avis défavorable.

M. Michel Charasse, rapporteur.  - Les ressources non budgétaires de l'Adetef augmentent avec ses activités commerciales et, si elle a besoin d'une dotation en capital, il faut la faire comme il faut et non pas de cette façon irrégulière.

L'amendement n°II-34 est adopté.

M. le Président. - Amendement n°II-36, présenté par M. Charasse, au nom de la commission des finances.

Retirer 620 000 euros du programme « Solidarité à l'égard des pays en développement » pour les ajouter au programme « Co-développement ».

M. Michel Charasse, rapporteur. - Nous supprimons les crédits du Haut conseil à la coopération internationale (HCCI), dont la commission des finances ne sait toujours pas à quoi il sert, soit 620 000 euros.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Voilà une interpellation provocatrice !

Mme Catherine Tasca. - Radicale.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Nous avons un rôle à jouer, la question est de savoir comment le remplir. Supprimer le HCCI sans autre forme de procès pose un certain nombre de questions. Il était présidé par Jacques Pelletier et je puis témoigner des services utiles qu'il a rendus. Peut-être avons-nous seulement le tort de ne pas avoir assez utilisé ses travaux. Sans doute aussi doit-il évoluer, se transformer, mais commencer par le supprimer n'est pas la meilleure méthode. Il faudrait pour le moins engager une concertation avec ses partenaires, ONG, entreprises, élus...

M. Charles Josselin. - C'est Jacques Pelletier qui présidait ce Haut Conseil depuis cinq ans, lorsqu'il a eu la mauvaise idée de nous quitter, le 19 septembre dernier. Serait-il encore de ce monde, je ne suis pas sûr que la commission des finances eût osé faire cette proposition.

Ses chiffres mêmes sont faux : comment ôter 620 000 euros à un organisme dont les frais de fonctionnement ne dépassent pas les 61 000 euros ! Le reste est consacré à des actions...

M. Michel Charasse, rapporteur.  - Les voyages !

M. Charles Josselin. - L'argument est choquant...

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - En la matière, il faut bien voyager !

M. Charles Josselin. - ...et trop facile.

On semble oublier la notion même de coopération décentralisée. Où se déroule le dialogue avec les syndicats, les entreprises, les universités ? Au HCCI. Tous y ont des représentants, nommés par décret, et leur mandat court jusqu'en mars 2009. Qu'en ferez-vous ? Comment leur expliquerez-vous cette interruption de mandat à mi-parcours ?

Le HCCI n'est pas un organisme de recherche. Il s'est donc contenté de produire 10 contributions, 42 avis, 23 rapports, dont un en particulier sur la coopération économique avec les pays ACP. Dans sa fonction de lieu d'échanges et de concertation, le HCCI n'est pas contournable. Supprimez-le et, d'ici quelques mois, vous devrez créer autre chose. C'est la seule instance consacrée au développement où la société civile puisse dialoguer avec l'État.

M. Michel Charasse, rapporteur.  - L'Arche de Zoé...

M. Charles Josselin. - Parlons-en ! Quand vous voulez ! Et parlons aussi de la manière dont on échauffe l'opinion publique à propos du Darfour !

Mme Catherine Tasca. - J'appuie M. Josselin, que sa modestie a empêché de dire qu'il avait remplacé Jacques Pelletier à la présidence de cet organisme. Une présidence qu'il n'a pas souhaitée mais qu'il assume par fidélité à Jacques Pelletier.

Cet amendement est une nouvelle initiative incompréhensible. Dans les prochains mois, le Gouvernement va engager le vaste chantier de la modernisation de notre administration de la politique étrangère. Quel est le sens d'un geste comme celui-ci à quelques mois d'un tel remodelage ? On nous regarde ! La politique étrangère est déjà fort peu présente dans le débat national, n'allons pas supprimer un des instruments propres à faire partager les objectifs de notre politique étrangère à nos concitoyens. À certains moments, on réquisitionne la société civile ; à d'autres, on voudrait l'oublier.

Une telle suppression ne pourra que surprendre de nombreux partenaires de l'action publique. Quand existe un lieu où se déroulent le dialogue et la concertation, on doit chercher à améliorer son fonctionnement au lieu de le faire disparaître !

M. Jean Arthuis, président de la commission  - On ne va pas attendre les conclusions de cette révision générale pour prendre des initiatives.

Mme Catherine Tasca. - Alors, cela ne sert à rien.

M. Jean Arthuis, président de la commission  - La France a pris le très noble engagement d'atteindre le chiffre de 0,7 % de son PIB pour l'aide au développement, mais cet engagement est-il crédible quand notre déficit dépasse les 40 milliards ? Notre crédibilité dépend de notre capacité à mettre de l'ordre dans nos finances publiques.

M. Michel Charasse, rapporteur.  - Cela fait dix ans que la commission des finances demande la suppression de cet organisme et que je me bats avec mes amis socialistes. Cela a commencé avant même la présidence de Jacques Pelletier, quand c'était Jean-Louis Bianco. Si cet organisme était si important, il y a bien longtemps que le Gouvernement aurait trouvé quelqu'un pour remplacer Jacques Pelletier.

M. Charles Josselin. - Bravo !

Mme Catherine Tasca. - Quelle élégance !

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°II-36, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

Les crédits de la mission sont adoptés, ainsi que ceux des comptes spéciaux « Prêts à des États étrangers » et « Accords monétaires internationaux ».

Direction de l'action du Gouvernement

Orateurs inscrits

M. le président. - Le Sénat va maintenant examiner les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

M. Michel Moreigne, co-rapporteur spécial de la commission des finances.  - Cette mission est hybride : plus qu'une politique publique au sens de la Lolf, elle correspond à un regroupement hétérogène de crédits de services du Premier ministre qui concourent à la politique gouvernementale.

Par rapport à l'an passé, la mission « Direction de l'action du Gouvernement » a été reformatée : le programme « Fonction publique », rattaché à la mission en 2007, a été transféré à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », à la suite de la création du ministère du budget, des comptes et de la fonction publique. Il a été en revanche créé un programme « Présidence française de l'Union européenne », destiné à recevoir les crédits concourant à la présidence de l'Union européenne qu'assumera notre pays au second semestre de l'année 2008. Enfin, plusieurs actions ont rejoint l'autre programme de la mission, « Coordination du travail gouvernemental » : il s'agit des crédits correspondant à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, à l'Ordre de la Légion d'honneur et à l'Ordre de la Libération. Les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » restent cependant modestes par rapport à ceux des autres missions du budget général de l'État puisqu'au total les crédits de la mission s'élèvent à 528,24 millions en crédits de paiement, répartis entre deux programmes « Coordination du travail gouvernemental » et « Présidence française de l'Union européenne » qui a vocation à cesser en 2009.

Vos rapporteurs spéciaux saluent la cohérence de la nouvelle maquette budgétaire. Ainsi, le choix de regrouper l'ensemble des crédits liés à la présidence française de l'Union européenne est une initiative heureuse : des décisions différentes avaient été prises, lors des précédentes présidences françaises de l'Union européenne en 1995 et en 2000, ce qui avait eu pour conséquence un manque de transparence et de cohérence dénoncé à juste titre par la Cour des comptes. Cette année, ces crédits relèvent du seul secrétaire général de la présidence française de l'Union européenne, placé directement sous l'autorité du Premier ministre.

Doit-on cependant regarder l'actuelle maquette budgétaire comme achevée ? Non, car le programme « Coordination du travail gouvernemental » a encore trop l'apparence d'un patchwork. Y figurent, pêle-mêle, les crédits du Secrétariat général de la défense nationale (SGDN), des fonds spéciaux, du Centre d'analyse stratégique et de divers organismes prospectifs, ainsi que de plusieurs autorités administratives indépendantes, comme le médiateur de la République et le Conseil supérieur de l'audiovisuel, et des directions d'administration centrale relevant des services du Premier ministre.

Une fois de plus, vos rapporteurs spéciaux observent que le programme « Coordination du travail gouvernemental » regroupe les crédits d'autorités administratives indépendantes (AAI) qui ne relèvent pas directement de l'action gouvernementale. Nous vous proposerons donc un amendement tendant à créer, au sein de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », un nouveau programme « Protection des droits et des libertés fondamentales ». Deux amendements identiques avaient été adoptés par le Sénat l'an dernier et nous renouvelons notre proposition cette année encore.

Les crédits proposés pour le programme « Coordination du travail gouvernemental » appellent peu d'observations, car il s'agit de la reconduction des moyens déjà alloués en 2007 ou de la poursuite de programmes d'investissement antérieurs.

Deux observations, toutefois, à la suite des missions de contrôle budgétaire effectuées par vos rapporteurs spéciaux : d'une part, il vous est proposé de réduire les crédits de 216 300 euros, ce qui correspond à la suppression du comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, dont les missions sont aujourd'hui largement assumées par la Cour des comptes. D'autre part, la création du secrétariat d'État chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques ne simplifie pas le paysage des institutions qui remplissent des missions prospectives auprès du Gouvernement : M. Marc et moi-même espérons que soit enfin conduit le travail de rationalisation des organismes gouvernementaux à vocation prospective, comme nous l'avions préconisé, en juin 2006, à l'issue de notre mission de contrôle budgétaire sur le Centre d'analyse stratégique.

M. François Marc, co-rapporteur spécial de la commission des finances.  - En tant que co-rapporteur, avec M. Moreigne, de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », je me suis intéressé plus particulièrement au programme « Présidence française de l'Union européenne » qui constitue un réel progrès en termes de transparence budgétaire de l'action publique. Pourtant, des interrogations demeurent.

Le montant des dépenses, 190 millions d'euros en autorisations d'engagement, se situe dans une moyenne haute. À titre de comparaison, le coût des deux précédentes présidences françaises, en 1995 et en 2000, s'était respectivement élevé à 14,1 et 56,9 millions d'euros. De même, le coût des récentes présidences autrichienne, finlandaise et portugaise a été de l'ordre de 70 millions. En revanche, les dépenses liées à la présidence allemande, au premier semestre de cette année, ont atteint 180 millions, soit un niveau très proche de celui proposé pour la présidence française.

Le Gouvernement estime, à juste titre, que la France doit « tenir son rang » : notre pays pourrait exercer l'une des dernières présidences semestrielles de l'Union européenne, avant l'entrée en vigueur du nouveau traité institutionnel, attendue en 2009, et il est effectivement cohérent de se comparer à l'Allemagne, un des autres pays moteurs de la construction européenne. Il est également vrai que l'augmentation du nombre d'États membres et la hausse des dépenses de sécurité après les attentats du 11 septembre biaisent les comparaisons. Néanmoins, l'autorisation budgétaire du Parlement doit se fonder sur des informations claires, précises et vérifiables. Depuis l'examen en commission des finances, le Sénat peut cependant se féliciter des explications que nous a apportées Claude Blanchemaison, secrétaire général de la présidence française de l'Union européenne.

Tout d'abord, la moitié des dépenses du programme, présentées comme des dépenses obligatoires pour préparer les réunions des institutions européennes, dépassent, à elles seules, le budget des présidences portugaise ou finlandaise. Une grande partie des dépenses consiste en l'organisation de réunions ou de manifestations, dont le coût unitaire est évalué à 1 million d'euros. Ce chiffrage mériterait d'être affiné, en fonction des différents postes de dépenses. Enfin, il faudra veiller à ce que les financements par les ministères ne soient pas sources de dépenses supplémentaires. Le budget sécurité des manifestations a atteint 11 millions pour la présidence finlandaise. Quel sera le montant des dépenses engagées à ce titre par la présidence française ?

Le budget de la communication s'élève à 15 millions, soit 8 % du total. Pour mémoire, le coût de la communication gouvernementale assurée par le service d'information du gouvernementale se monte à 6 millions. De plus, ce montant n'inclut pas la prise en charge des journalistes qui couvriront les réunions et les manifestations. Quelles sont donc précisément les actions de communication envisagées ? Disposerons-nous de coûts consolidés, incluant les frais liés à la communication pour les différentes réunions et manifestations ?

Pour conclure, vos co-rapporteurs spéciaux sont convaincus que la France doit réaffirmer son ambition européenne, qui justifie l'importance du budget alloué, mais ce qui ne doit pas exclure la transparence de la dépense publique.

Sous réserve de ces observations, la commission a proposé l'adoption, avec modification, des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». (Applaudissements)

M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Nous sommes tous convaincus que la réussite de la présidence française de l'Union européenne est un enjeu important pour notre pays et pour l'Europe. La France est attendue et la création d'un programme spécifique représente un progrès notable, notamment au regard des critiques formulées par la Cour des comptes à l'égard de la gestion de la précédente présidence française en 2000. Ce budget de 190 millions est comparable aux dépenses effectuées par l'Allemagne au cours de sa présidence. Il paraît donc équilibré.

Ma seule inquiétude, monsieur le ministre, ne porte pas tant sur le budget que sur la manière d'associer les Français. Cette présidence offre, en effet, une occasion unique de rapprocher nos concitoyens de l'Europe, trois ans après le « non » au référendum sur le traité constitutionnel. Or, lorsque je consulte la liste des manifestations qui seront organisées sous présidence française, j'avoue m'interroger sur leur impact sur nos compatriotes et, par exemple, sur la capacité mobilisatrice de réunions telles que celle sur l'évaluation des politiques publiques en Europe. La présidence française ne devra pas se résumer à des conférences diplomatiques et à une approche trop institutionnelle et devra associer les assemblées nationales et européenne, qui ont également un rôle important à jouer. Sur ce point, monsieur le ministre, pour ce qui concerne notre pays, je dois vous féliciter. Mais les collectivités locales, le monde économique et la société civile devraient également être impliqués, car ce sont eux qui font vivre l'Europe au quotidien.

Enfin, la présidence française de l'Union européenne devrait nous donner l'occasion de changer notre manière de parler de l'Europe aux citoyens. Que demandent les Français ? Pas d'être davantage informés sur l'Europe, mais davantage d'être écoutés et de voir leurs attentes réellement prises en compte. La présidence française ne doit donc pas se résumer à des campagnes d'information, mais donner lieu à une véritable appropriation par les citoyens.

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, l'idée d'organiser durant la présidence française huit conventions régionales et un débat sur l'Europe avec un forum permanent sur internet. C'est très bien si ces différentes manifestations ouvrent un véritable débat contradictoire. Elles n'auront toutefois que peu d'intérêt si elles ne réunissent que les convaincus et des universitaires, comme cela a souvent été le cas par le passé. Il faut aller à la rencontre des citoyens et montrer notamment à ceux qui ont voté « non » qu'on les écoute et que leurs préoccupations sont prises en compte.

Avec le traité de Lisbonne, la France a effectué son retour en Europe. J'espère que cette présidence donnera l'occasion d'un retour de l'Europe en France.

Notre pays ne devrait exercer à nouveau la présidence de l'Union européenne qu'en 2022 ! Au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense, je vous invite à approuver les crédits de ce programme ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean François-Poncet. - La France est attendue, on l'a dit, et elle a des atouts : en plus d'un excellent secrétaire d'État aux affaires européennes, elle est à l'origine du traité simplifié et, grâce encore au Président de la République, elle a établi d'excellentes relations avec la Commission comme avec les nouveaux États membres d'Europe de l'est. Cependant, le menu est copieux et peut faire peur. La présidence devra se livrer à deux exercices obligés. D'abord l'installation des nouvelles institutions, comme la présidence durable du conseil européen et le ministre des affaires étrangères de l'Union, même s'il ne portera pas ce titre. Il faudra les doter de services, ce qui suppose des décisions politiques. La programmation budgétaire devra en outre, faire l'objet d'une remise à plat, notamment la politique agricole commune.

La France est attendue, aussi, sur l'énergie et l'environnement, sur la défense, sur la protection des citoyens -nous devrons expliquer à nos partenaires ce que nous entendons par « préférence communautaire »-, sur l'Union méditerranéenne. Les crédits de cette mission sont donc nécessaires, nous savons qu'ils seront bien employés ! (Applaudissements à droite)

M. Robert Hue. - Le programme « Fonction publique » ayant migré vers la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », on ajoute cette année le programme « Présidence française de l'Union européenne » à la coordination du travail gouvernemental et aux autorités administratives indépendantes, pour arriver à une mission bien disparate.

Nous ne mettons pas en cause les autorités administratives indépendantes et voterons l'amendement relatif à leur fonctionnement, mais il faudra un jour se demander si elles sont toujours la voie la plus adaptée et la plus économe pour les fonctions qu'on leur confie.

Le programme « Présidence française de l'Union européenne » consacre 100 millions à promouvoir l'action de la France, et peut-être et surtout celle de son Président et du Gouvernement ! Est-ce bien nécessaire pour diffuser de la propagande sur l'adoption du pseudo-mini-traité européen, qui ressemble fort au traité que nos compatriotes ont massivement rejeté le 29 mai ? Ne vaudrait-il pas mieux agir pour la convergence des politiques publiques, poser les jalons de l'Europe sociale, prendre des initiatives pour la protection de l'environnement ou pour la constitution de puissants services publics d'échelle européenne ? Nous le pensons, c'est pourquoi nous voterons contre les crédits de cette mission ! (Applaudissements sur les bancs CRC )

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.  - Les deux programmes de cette mission changent cette année, compte tenu de la nouvelle organisation gouvernementale. À titre conservatoire, les crédits de personnels et de fonctionnement de la direction générale de l'administration et de la fonction publique sont maintenus au sein du programme « Coordination du travail gouvernemental » dans l'attente de la révision générale des politiques publiques.

Le programme « Présidence de l'Union européenne » regroupe les services aidant le Premier ministre dans sa fonction de direction de l'action du gouvernement : secrétariat général du gouvernement, secrétariat général de la défense nationale, secrétariat général des affaires européennes, service d'information du gouvernement, centre d'analyse stratégique, conseil d'analyse économique, conseil d'orientation de l'emploi, conseil d'orientation des retraites, conseil d'analyse de la société, direction générale de l'administration et de la fonction publique et direction du développement des médias.

Ce programme regroupe également le médiateur de la République, la Commission d'accès aux documents administratifs, le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la Commission nationale de déontologie de la sécurité et la nouvelle Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde).

L'Assemblée nationale, en seconde délibération, a proposé de rattacher également le contrôleur général des lieux de privation de liberté et la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Milt).

Les crédits hors personnel augmentent de 9,9 %, notamment pour que le SGDN poursuive son programme d'investissement, et pour assurer la participation de l'État au groupement « France Télé numérique ». (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.  - Je suis heureux de vous parler encore d'Europe après le riche débat d'hier ! La France est effectivement attendue et elle a les atouts que vous avez cités, l'initiative du nouveau traité, la relation nouvelle avec la Commission et les relations enfin renouées avec les nouvelles démocraties... Le menu est copieux mais le temps est compté.

La France prendra la présidence de l'Union européenne durant le second semestre 2008. Le calendrier international sera substantiel et nous aurons fort à faire. Citons, parmi les rendez-vous importants, la mise en place des nouvelles institutions, les perspectives financières, la politique agricole commune, la défense et la protection des citoyens ou encore l'Europe du futur. Les attentes sont fortes en matière de recherche, d'environnement, d'énergie, de services publics et, monsieur Hue, nous devrons effectivement faire vivre l'agenda social.

Je remercie MM. Moreigne et Marc, rapporteurs spéciaux, et M. Haenel, rapporteur pour avis, pour la qualité de leurs travaux.

Les frais engagés par la France au titre de la présidence de l'Union sont des dépenses à caractère exceptionnel -j'y insiste. Compte tenu du précédent de l'an 2000, des observations de la Cour des comptes et des exigences de la Lolf, nous avons regroupé ces crédits au sein d'un même programme dont le suivi sera confié, par décret, au secrétaire général chargé de la présidence française du Conseil de l'Union. Ce programme est rattaché à la mission « Direction de l'action du Gouvernement », ce qui est tout à fait logique. En effet, l'action européenne, si elle relève pour une part de la politique extérieure, a surtout une dimension fortement interministérielle. De l'ordre de 180 millions, ces crédits, dont M. Marc a rappelé le détail, sont légèrement inférieurs à ceux consacrés récemment par l'Allemagne à sa présidence de l'Union, mais l'on ne tient pas compte ici des participations en nature. Les rapporteurs ont bien montré en quoi cette présidence ne peut pas être comparée aux présidences antérieures en raison de l'importance croissante accordée aux questions de sécurité.

J'en viens maintenant aux questions posées par les rapporteurs. S'agissant de la sécurité, nous devons faire face à des exigences accrues. Nous disposons de 10 % d'évaluations forfaitaires. Les évaluations sont plus précises pour les Conseils européens ou les sommets, auxquels participe le Président de la République, qui font d'ailleurs l'objet de budgétisations spécifiques. Nous prévoyons que 15 millions seront consacrés aux actions de communication, dont 4 millions pour les actions interministérielles et diverses manifestations usuelles, 1,5 million pour l'impression des brochures et 5 millions pour les campagnes et la communication.

Monsieur Hue, vous avez fait des observations sur les 100 millions de dépenses. Effectivement, elles ne sont pas obligatoires selon les règles du Conseil. Mais, comme l'a bien montré M. Haenel, elles sont extraordinairement importantes. Il convient d'organiser un certain nombre de réunions avec les responsables européens, notamment ceux de la Commission, pour leur démontrer notre savoir-faire technologique, industriel, culturel et universitaire. Ces manifestations informelles ont aussi pour but de rapprocher nos concitoyens de l'Europe, et travailler à l'instauration d'un lien direct entre les Français et l'Union ne dépend pas du jugement que l'on porte sur le nouveau traité.

Enfin, rassurez-vous, le secrétaire général de la présidence française de l'Union et moi-même présenterons un compte rendu détaillé de l'utilisation des crédits, qui comportera des indicateurs de performance adaptés aux relations internationales.

Le succès d'une présidence se mesure à la qualité de son organisation et, partant, à une gestion irréprochable des crédits. C'est l'occasion, pour la France, de montrer à l'Europe ses traditions, ses exigences et son potentiel ! Nous devons réussir ce rendez-vous, gage pour d'un véritable retour de l'Europe en France ! (Applaudissements à droite)

M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. - Très bien !

Examen des crédits

Article 33

Il est ouvert aux ministres, pour 2008, au titre du budget général, des autorisations d'engagement et des crédits de paiement s'élevant respectivement aux montants de 358 886 842 503 € et de 354 974 914 061 €, conformément à la répartition par mission donnée à l'état B annexé à la présente loi.

M. le président. - Amendement n°II-28, présenté par M. Marc, au nom de la commission des finances.

I. Créer le programme : Défense et protection des droits et des libertés fondamentales

II. Transférer 60 262 500 d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement du programme coordination du travail gouvernemental au programme défense et protection des droits et des libertés fondamentales.

M. François Marc, rapporteur spécial. - Il s'agit de regrouper les crédits de plusieurs autorités administratives indépendantes qui concourent à la défense et à la protection des droits et des libertés fondamentales au sein d'un même programme. Ces dépenses relèvent actuellement du programme « Coordination du travail gouvernemental » bien qu'elles ne relèvent manifestement pas des fonctions d'état-major de l'action gouvernementale, ce qui n'est pas conforme à l'article 7 de la Lolf.

Cette proposition s'inspire des travaux de notre collègue M. Gélard sur les autorités administratives indépendantes et de son rapport de juin 2006.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Le Gouvernement comprend la préoccupation de la commission. Mais créer un programme serait prématuré. Le Président de la République et le Premier ministre poursuivent les consultations sur la révision constitutionnelle, laquelle devrait concerner les institutions en charge de la protection des droits et libertés. L'idée est intéressante, mais attendons que la révision constitutionnelle aboutisse !

M. Jean Arthuis, président de la commission. - La commission dépose chaque année cet amendement. Lors de la présentation de la nouvelle maquette budgétaire, nous avions milité pour la création d'un programme particulier qui préserve l'indépendance des autorités et les mette à l'abri des régulations budgétaires. Monsieur le ministre, la création d'un programme n'est pas gravée dans le marbre ! La commission y attache beaucoup d'importance, nous y voyons le gage d'une meilleure protection de l'indépendance de ces autorités. Récemment, l'une d'entre elles a été soumise à une régulation budgétaire peu de temps après que son président a fait des déclarations qui n'étaient pas dans la ligne du Premier ministre d'alors. C'est fâcheux !

L'amendement n°II-28 est adopté.

M. le président. - Amendement n°II-26, présenté par M. Marc, au nom de la commission des finances :

Supprimer les crédits du Comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics.

M. François Marc. - Cet amendement supprime les crédits du Comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics. Suite au rapport de vos rapporteurs spéciaux...

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Excellent rapport !

M. François Marc. - ... reposant notamment sur une enquête demandée à la Cour des comptes par notre commission des finances, en application de l'article 58-2 de la Lolf, sur les commissions et instances consultatives ou délibératives placées auprès du Premier ministre, notre commission avait préconisé de supprimer ce Comité. S'il a joué un rôle historique significatif à la Libération et pendant les Trente Glorieuses, ses missions d'audit ont aujourd'hui vocation à être exercées par la Cour des comptes. D'ores et déjà, il est présidé par le Premier président de cette Cour et ses travaux sont régis par le code des juridictions financières. La diminution des crédits proposée serait de 216 300 euros. C'est conforme à l'exigence de rigueur de la commission des finances.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Je m'en voudrais d'avoir des problèmes avec mon ancien patron politique parce l'organisme en question relève directement de la Cour des comptes. La composition tripartite et la sobriété budgétaire de cet organisme en font un outil précieux. La Cour des comptes avait recommandé qu'il lui soit rattaché, ce qui serait conforme à la volonté du Président de la République de donner à la Cour des comptes les moyens de devenir le grand outil d'audit dont le pays a besoin. Des mesures en ce sens seront prises au premier semestre 2008, puis dans le projet de loi de finances pour 2009. L'adoption de cet amendement pourrait laisser supposer que nous n'avons pas pleine confiance dans la Cour des comptes.

M. Jean Arthuis, président de la commission. - La commission des finances entretient des relations de confiance avec la Cour des comptes dont l'expertise nous est précieuse. S'il y avait le moindre doute que cet amendement altèrerait nos relations avec elle, nous ne prendrions pas un tel risque ! Les rapporteurs, MM Moreigne et Marc, ont fait un excellent travail d'où nous retirons que ce Comité fait partie des vestiges archéologiques qu'on n'a jamais eu le courage de supprimer ; c'est aussi le rôle du Parlement que d'aider le Gouvernement à agir. En votant, hier, l'article d'équilibre, nous nous sommes engagés à extraire au moins 120 millions d'économies de l'examen des différentes missions et, cela, pour financer l'aménagement de l'article 12 sur lequel, avec l'aide du Gouvernement, nous avons trouvé un heureux compromis. Cet amendement est une première contribution.

L'amendement n°II-26 est adopté.

M. le président. - Amendement n°II-27, présenté par M. Marc, au nom de la commission des finances.

Modifier comme suit les crédits des programmes : transférer 13 318 125 euros du programme « Coordination du travail gouvernemental » au programme « présidence française de l'Union européenne »

M. François Marc. - Nous proposons de transférer les crédits du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), du programme « Coordination du travail gouvernemental », vers le programme « Présidence française de l'Union européenne » parce que la mission de ce Secrétariat général participe davantage de l'action européenne de la France que de la coordination du travail gouvernemental stricto sensu. Cette modification se justifie également par le rôle qu'est appelé à jouer le SGAE dans la préparation de la présidence française de l'Union et dont rend compte le renforcement de ses moyens, en hausse de 2,5 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2007, soit une création de treize emplois temps plein travaillés, dont six postes contractuels.

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - Le SGAE, créé en 1948, est une structure pérenne des services du Premier ministre. Jusqu'en 2005, il a fonctionné sur la base de la mise à disposition d'agents de différents ministères. En 2006, avec la Lolf, cent trente sept emplois ont été transférés sur le programme « Coordination du travail gouvernemental ». En 2007, nous avons porté le nombre d'emplois pérennisés à cent quarante trois ; en 2008, même pérennisation de mises à disposition portant sur treize emplois qui seront affectés à la mise en place du site de la présidence française, qui regroupe des actions interministérielles. Il serait donc inopportun de transférer des crédits relatifs à une structure pérenne vers une structure temporaire. Retrait ?

M. François Marc. - Compte tenu de vos observations, je retire l'amendement. (« Très bien ! » à droite)

L'amendement n°II-27 est retiré.

Les crédits de la mission sont adoptés.

L'article 43 bis est adopté.

La séance est suspendue à 20 heures.

présidence de M. Adrien Gouteyron,vice-président

La séance reprend à 22 h 5.

Rejet de la contestation d'une élection

M. le président. - Par décision du 29 novembre 2007, le Conseil constitutionnel a rejeté la contestation dirigée contre l'élection à l'Assemblée nationale, à la suite du scrutin du 17 juin 2007, de M. Philippe Goujon comme député de la douzième circonscription de Paris. En conséquence, M. Philippe Goujon cessera d'appartenir au Sénat à compter de ce soir à minuit.

Loi de finances pour 2008 (Suite)

Conseil et contrôle de l'Etat

M. le président. - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat ».

M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Comme chaque année, nous allons consacrer un peu de temps à débattre de cette mission constituée de trois programmes, correspondant à trois organismes importants : « Conseil d'État et autres juridictions administratives », « Conseil économique et social », « Cour des comptes et autres juridictions financières ». La logique de performance, conforme à l'esprit de la Lolf, s'est progressivement imposée.

Le programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » est doté de 286,4 millions d'euros, soit plus de 53 % des crédits de l'ensemble de la mission. Il convient de saluer une meilleure maîtrise des frais de justice : la dotation correspondante avait augmenté de 28 % en 2005, de 42 % en 2006 et de 12 % en 2007, elle baisse cette année de 3,4 %. Au terme de la période couverte par la loi d'orientation et de programmation pour la justice, sept emplois de magistrats administratifs auront été créés. Ces renforts ont profité en particulier aux tribunaux administratifs de la région parisienne, soumis à une très forte augmentation du volume de contentieux. Quatre tribunaux administratifs ont été créés, à Nîmes, Saint-Barthélémy et Saint-Martin, ainsi qu'à Toulon -où l'ouverture est prévue en septembre prochain. Les indicateurs de performance ne posent guère de difficulté, puisque la référence à des délais moyens de jugement était utilisée depuis plusieurs années déjà par le Conseil d'État.

Le programme « Conseil économique et social » s'articule désormais autour de trois actions. Le Conseil bénéficie d'une forte autonomie de gestion. Son budget étant modeste, ses dépenses relativement rigides et ses activités -conseil, dialogue- difficilement évaluables, il n'est pas incité à se doter d'une véritable comptabilité analytique. Toutefois, il dispose d'une capacité d'analyse par fonction qui lui assure un suivi maîtrisé des coûts. Ses crédits, en très faible progression, s'élèvent pour 2008 à 36,3 millions d'euros. Par nature, cette assemblée consultative se prête mal à la mesure de la performance. « Les chiffres ne remplacent jamais les idées »... Toutefois, conformément aux préconisations de la commission des finances en 2005 et en 2006, le projet annuel de performance a connu des améliorations certaines, de nouveaux indicateurs ont été introduits, ce dont notre commission des finances se félicite.

Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières », bénéficie d'une enveloppe de 194,7 millions d'euros, en hausse de 7,1 %, du fait notamment des dépenses immobilières. Pour 2008, le plafond d'emploi autorisé est fixé à 1 840 emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT), soit une diminution de 11 ETPT. Les nouvelles missions de certification semblent avoir été absorbées par des redéploiements internes à la Cour et par le recrutement d'experts issus du privé et encadrés par des magistrats, Il n'est prévu aucune création supplémentaire au titre des missions de certification, ce qui mérite d'être souligné. Les 1 840 emplois du programme incluent les 372 ETPT mis à disposition des juridictions financières par le ministère de l'économie. Le statut des intéressés est en pleine réforme. S'agissant des catégories B et C, des corps administratifs et techniques propres aux juridictions financières ont été créés en 2007. Pour la catégorie A, la création d'un corps spécifique devrait intervenir en septembre 2008. Enfin, la démarche de performance engagée par les juridictions financières mérite d'être saluée ; des améliorations sensibles ont été apportées sur les indicateurs de performance.

Je dois souligner que la collaboration entre notre commission des finances et ces trois grandes structures est empreinte d'une grande confiance ; même si le contrôle a suscité des questions, il nous a été répondu franchement. La commission des finances propose au Sénat l'adoption des crédits de la mission.

M. Simon Sutour, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Cette année encore, les crédits du programme « Conseil d'État et autre juridictions administratives » sont retracés dans la mission « Conseil et contrôle de l'État », à côté des programmes « Cour des comptes et autres juridictions financières et Conseil économique et social ». Il faudra sans doute préciser les choses après le prochain renouvellement sénatorial, sachant que des liens perdurent entre les juridictions administratives et le ministère de la justice.

L'augmentation des contentieux, notamment à propos du permis à points, et leur accroissement attendu en matière de droit au logement opposable démontre la montée en puissance de la justice administrative dans le quotidien de nos concitoyens.

Le programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » voit ses crédits progresser de 4,1 % à périmètre constant, contre 1,6 % pour le budget général de l'État. Les priorités se concentreront sur la création d'emplois, la poursuite des améliorations statutaires et les opérations immobilières indispensables.

La loi de programmation de 2002 n'ayant atteint ses objectifs qu'à hauteur de 70 % -avec 335 nouveaux emplois sur les 480 prévus- il est nécessaire de poursuivre les créations de postes. Les nouvelles juridictions en absorbent une bonne part, mais il faut également prendre en considération la hausse des contentieux et le vieillissement de la pyramide des âges dans les corps des magistrats et agents des greffes. En 2008, 29 postes de magistrats et 27 emplois dans les greffes doivent être créées, ce qui augmentera de 6 % les dépenses de personnel. Il faudra amplifier cet effort par la suite. Je salue la revalorisation du taux indemnitaire moyen, qui sera portée à 55,8 %, satisfaisant ainsi une ancienne revendication, certes avec un léger étalement dans le temps.

En matière d'investissements, il est nécessaire de créer en Île-de-France un nouveau tribunal, par exemple en Seine-Saint-Denis, pour alléger la charge pesant sur les juridictions administratives de la région parisienne et le tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Plus au sud, il faut choisir le site devant accueillir le tribunal administratif de Toulon, dont le projet paraît en voie de concrétisation. Enfin, j'attends des informations sur le ravalement de la façade du tout nouveau tribunal administratif de Nîmes, dans mon département, pour un coût estimé à 655 000 euros, sachant que les collectivités locales concernées peuvent y participer.

J'en viens à l'évolution préoccupante du contentieux, alimentée par la multiplication des procédures.

Entre 2005 et 2006, le contentieux du droit des étrangers a augmenté de 9 %, celui des permis à points s'est accru de 146 %. Chaque année, les juridictions administratives doivent absorber les affaires nouvelles par milliers, sans détériorer la qualité des jugements. Pour l'heure, l'augmentation continue des moyens a permis de maintenir la qualité des décisions malgré une certaine réduction des délais de jugement, mais les juridictions administratives risquent d'être engorgées à l'avenir.

Des solutions existent déjà, qui permettent de réduire le délai moyen, conformément aux contrats d'objectifs qui se généralisent depuis 2002. Ainsi, le décret du 23 décembre 2006 étend le recours au juge unique, tout en maintenant l'examen collégial dès qu'il s'agit de libertés ou des droits sociaux. En outre, le même décret rationalise la procédure contentieuse. Il étend aussi le filtrage des pourvois par le président d'une formation de jugement du tribunal administratif ou d'une cour administrative d'appel.

Un décret est attendu pour mettre en oeuvre le recours préalable au contentieux de la fonction publique afin de prévenir la saisine des juridictions. Il serait sans doute utile de créer un dispositif analogue pour le permis à points.

Notre collègue Pierre Jarlier, rapporteur pour avis de la commission des lois sur le droit au logement opposable, avait attiré l'attention du Gouvernement sur le risque de « saturation des juridictions administratives » induit par ce texte, qui est un exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Gouverner, c'est prévoir. Or, les contentieux consécutifs à de nouvelles dispositions ne sont toujours pas anticipés. Il serait souhaitable que le Gouvernement accompagne systématiquement ses projets de loi d'une étude d'impact précisant les moyens supplémentaires qu'ils nécessiteront.

La commission des lois est favorable à l'adoption des crédits du programme « Conseil d'État et autre juridictions administratif ». (Applaudissements au centre et sur les bancs des commissions.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Mon intervention portera sur le programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », faute de temps.

Monsieur le rapporteur pour avis, je ne sais si des constats voisins conduiront aux mêmes conclusions... La situation des tribunaux administratifs est catastrophique, surtout en région parisienne.

Malgré une hausse de 5,8 % des crédits de paiement, l'engorgement des tribunaux administratifs perdurera, car il tient aux modifications apportées en 2006 au droit des étrangers. Le contentieux correspondant représente plus du quart des requêtes et son rythme d'évolution est très supérieur à la moyenne, avec 10,29 % d'affaires supplémentaires constatées au premier semestre 2007 contre une croissance générale de 6,14 %. La loi du 24 juillet 2006 a fusionné les contentieux du séjour et de l'éloignement pour alléger la charge des magistrats, mais l'inverse s'est produit. En effet, la loi du 20 novembre 2007 a créé un recours suspensif au profit des demandeurs d'asile à qui l'entrée sur le territoire est refusée. Favorable à cette procédure, je crains que l'explosion du chiffre des affaires ne se traduise par une détérioration de la justice. La politique de l'immigration est critiquable sur le fond mais également sur la forme, puisqu'elle rend intenable la situation des juridictions administratives.

L'entrée en vigueur de la loi instituant le droit au logement opposable va encore aggraver la situation : en l'absence de commissions départementales de médiation, les demandeurs pourront saisir directement le juge administratif. Je rappelle que quatre millions de personnes sont potentiellement concernés par cette loi. Au vu des documents budgétaires, le Gouvernement ne semble pas avoir pris la mesure de la situation. En effet, la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002 n'aura été exécutée qu'à hauteur de 70 % et non de 84,3 % comme le rapport l'indique en incluant les créations de postes pour 2008, pourtant extérieures à cette loi. Et même à supposer que la loi d'orientation soit entièrement exécutée, le rapporteur avoue qu'il faudrait « obtenir en 2009 33 postes de magistrats administratifs ». Les 29 postes inscrits dans le budget pour 2008 ne sont qu'un minimum vu la croissance exponentielle du contentieux. J'ajoute qu'il aurait fallu également accroître le nombre des agents du greffe pour au moins maintenir le ratio agent du greffe par magistrats -actuellement de 1,3- alors que la Cour européenne des droits de l'homme, par exemple, compte 250 assistants juristes pour 47 juges. La loi de programme est encore moins bien appliquée s'agissant des greffes que des magistrats.

Envisagez-vous de couper le cordon qui relie le ministère de l'intérieur à la justice administrative ? Aujourd'hui, le personnel des greffes des tribunaux administratifs relève encore de la place Beauvau. Allez-vous aligner leur situation sur celle des fonctionnaires du Conseil d'État ? Enfin, pourquoi les magistrats administratifs ne bénéficient-ils pas de la revalorisation indemnitaire accordée aux magistrats des chambres régionales des comptes ?

Alors que la situation des tribunaux administratifs est critique, on ne peut demander aux magistrats d'accroître leur productivité bien que ce soit à la mode depuis six mois, s'ils doivent veiller à la qualité de la justice rendue. Augmenter les effectifs et rendre la profession plus attractive en l'ouvrant plus ou diplômés de l'ENA, développer le précontentieux, comme le proposent les magistrats eux-mêmes, ne semble pourtant pas à l'ordre du jour. C'est pourquoi nous ne pourrons voter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs CRC.)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.  - Je salue le travail des rapporteurs de la mission.

Assemblée constitutionnelle, le Conseil économique et social a réalisé cette année un remarquable effort d'adaptation de sa présentation budgétaire aux exigences de la Lolf. Sa dotation globale connaîtra une augmentation de 1,5 %. La nomination de deux nouveaux conseillers pour l'outre-mer et l'augmentation de la valeur du point d'indice pour la rémunération du personnel expliquent cet accroissement. La dotation correspondant aux autres postes est inchangée depuis 2001.

Le programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » s'inscrit dans un contexte d'augmentation de l'activité des juridictions administratives. Ce budget permettra de créer un nouveau tribunal administratif à Toulon et de renforcer les effectifs des juridictions administratives pour faire face à la croissance du contentieux. Le Conseil d'Etat s'est lancé, depuis 2006, dans une politique volontariste de maîtrise de ses frais de justice, constitués pour l'essentiel de frais d'affranchissement. Cette dotation, ajustée à la hausse tous les ans, a pu être pour la première fois reconduite à l'identique. L'expérimentation de l'envoi par Internet des pièces de procédure devrait mener à une réduction des coûts d'affranchissement tout en améliorant le service rendu aux justiciables.

Monsieur Frécon, vous vous inquiétez de la dégradation d'un indicateur important : les délais de jugement. Depuis l'élaboration des documents budgétaires, au printemps, la situation s'est notablement redressée. La poursuite de la croissance soutenue du nombre d'affaires enregistrées, qui devrait atteindre 5 % en 2007, est absorbée par une augmentation plus importante du nombre d'affaires traitées, de 8 % sur les dix premiers mois de 2007. Cela devrait mécaniquement réduire le stock, et donc les délais de jugement. En outre, les juridictions administratives sont engagées depuis longtemps dans une démarche de performance s'appuyant sur une amélioration de la productivité des magistrats et des agents de greffe sans nuire à la qualité des décisions juridictionnelles.

La pratique du détachement et de la mise à disposition de membres du Conseil d'État permet à ses membres d'acquérir une expérience qui contribue à la qualité de leur travail. La proportion de personnels mis à disposition n'a pas significativement varié depuis 2001. A l'inverse, de plus en plus de fonctionnaires expérimentés en provenance d'autres administration sont accueillis au Conseil d'Etat.

Trois éléments caractérisent le programme « Cours des comptes et autres juridictions financières ». L'autonomie de gestion de leurs ressources humaines -malgré les 200 000 euros dont il a été question plus tôt- est renforcée : la consolidation de la situation juridique des personnels, engagée en 2006, sera achevée en 2008. Et le budget rationalise leurs moyens : si la mission de certification des comptes a nécessité la création d'emplois en 2006 et 2007, les recrutements correspondants d'experts ne seront achevés qu'en 2008. Par ailleurs, l'externalisation de certaines fonctions, le stockage et la sécurité par exemple, et la modernisation des moyens permettent la suppression, en 2008, de onze emplois. Enfin, le projet de budget 2008 est marqué par une opération immobilière de grande envergure avec la rénovation de la tour des Archives, principal projet immobilier depuis l'installation de la cour au palais Cambon en 1912. Elle mobilisera 8,4 millions d'euros en 2008, et les services qui y sont actuellement installés devront être relogés. Cette opération explique l'essentiel de la progression des crédits des juridictions financières.

Pour répondre aux questions de M. Sutour, les effectifs des magistrats en région parisienne seront renforcés et la création d'un nouveau tribunal administratif doit y être envisagée. Les locaux du futur tribunal de Toulon ont été trouvés et l'équipe de préfiguration mise en place. Le Premier ministre a demandé au Conseil d'État de lui remettre à la fin du premier trimestre 2008 une étude contenant des propositions concrètes pour développer le recours administratif obligatoire, afin notamment de diminuer le contentieux concernant les étrangers, ce qui répondrait également aux inquiétudes de Mme Borvo Cohen-Seat. (Applaudissements à droite et au centre.)

Les crédits de la mission sont adoptés.

Pouvoirs publics

M. le président. - Le Sénat va maintenant examiner les crédits de la mission « Pouvoirs publics » (et article 45 ter).

M. Jean Arthuis, rapporteur spécial de la commission des finances. - Rapporteur d'une mission ne donnant pas lieu à des évaluations de performances, je suis néanmoins attaché à ce que la Lolf permette, selon une expression qui nous est chère, de « mettre de la lumière dans toutes les pièces ». Nous devons donc nous réjouir que l'Assemblée nationale ait apporté cette lumière au palais de l'Elysée.

Je me félicite de la présentation des documents budgétaires, qui s'étoffent, particulièrement pour ce qui concerne les assemblées parlementaires. Les crédits de la mission regroupant les dotations de fonctionnement des pouvoirs publics progressent raisonnablement de 2,23 %, plus que les prévisions d'inflation de 1,6 % pour 2008.

Compte tenu de la diversité et de la pondération de chacune des dotations, cette évolution recouvre plusieurs tendances, qui traduisent toutes une volonté affirmée de maîtrise des dépenses. Certaines dotations contiennent leur évolution en-deçà de l'inflation prévue. Ainsi de la dotation de la Cour de justice de la République, qui baisse de 1,38 % grâce à une évaluation moindre des dépenses de frais de justice à venir et malgré le poids excessif des loyers et des charges des locaux de la rue de Constantine. La dotation destinée à couvrir les indemnités des représentants français au Parlement européen n'augmente que de 0,15 % et celle de l'Assemblée nationale de 0,75 %, du fait d'une forte baisse des investissements et d'un important prélèvement sur ses disponibilités.

Une deuxième catégorie regroupe les dotations qui s'accroissent davantage que les prévisions d'inflation, dont la dotation du Conseil constitutionnel, pour laquelle le document « bleu » remis au Parlement ne m'a pas permis d'établir de comparaison ou d'analyse. Je m'en entretiendrai prochainement avec le président du Conseil. La progression des crédits liés à la mission institutionnelle du Sénat, qui s'élève à 4,51 %, est justifiée par l'impact du prochain renouvellement triennal en septembre 2008 et par l'arrivée de douze nouveaux sénateurs, dont deux pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy. A périmètre constant, la dotation du Sénat ne progresse que de 1,6 % sous l'effet conjugué de la diminution des effectifs et de sa contribution sur ses ressources propres au financement des travaux lourds. Les crédits sollicités pour le musée du Luxembourg régressent de plus d'un tiers grâce à une baisse des charges de fonctionnement et à une stabilisation des investissements. La forte progression, de 8,54 %, de la dotation de La Chaîne parlementaire est liée à la diffusion de la TNT : l'élargissement de l'audience et l'extension de la couverture du territoire obligent à renforcer des moyens d'exploitation tels que les régies de production, le site Internet, les captations d'événements et les tournages extérieurs.

Deux dotations « hors catégorie » figurent dans la mission. Comme les années précédentes, aucun crédit n'a été sollicité pour la Haute cour. Quant à la dotation de la Présidence de la République, je dirai avec Lawrence Sterne « si la cause est bonne, c'est de la persévérance, si la cause est mauvaise, c'est de l'obstination ». Nous avons bien fait de persévérer car la cause était bonne. Depuis de nombreuses années, le Sénat et l'Assemblée nationale demandaient une clarification. Le volontarisme du Président de la République a permis à l'Assemblée nationale, sur la proposition du Gouvernement, d'avancer sur cette voie. La consolidation des crédits destinés au fonctionnement et à la rémunération des personnels mis à la disposition de la présidence de la République assure une plus grande transparence. Plus de 68 millions d'euros lui sont transférés par les ministères concernés. La directrice de cabinet du Président de la République, ordonnateur et comptable des dépenses de l'Elysée, m'a confirmé que se mettent en place des procédures conformes à la Lolf. L'alignement des conditions de rémunération du Président de la République sur celles du Premier ministre, introduit par l'article 45 ter, se fera par redéploiement au sein de la dotation dans le cadre de la fongibilité asymétrique prévue par la Lolf.

Lors de l'examen du projet de loi de règlement définitif du budget de 2008, nous pourrons vérifier que les engagements d'aujourd'hui ont été tenus. Je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Pouvoirs publics » et l'article 45 ter rattaché. (Applaudissements à droite et au centre.)

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Les dotations du Conseil constitutionnel, de la Haute cour de justice et de la Cour de justice de la République évoluent peu et n'appellent guère de commentaires. Je ne soulignerai que le caractère très partiel des réponses du Conseil constitutionnel.

Je vous parlerai de deux institutions qui relèvent de la mission « Justice », la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) et le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), dont la spécificité justifierait qu'on les intègre à la mission « Pouvoirs publics ». Le CSM -qui n'est pas une juridiction mais un élément essentiel de garantie et de contrôle de l'indépendance de la justice- ne peut se satisfaire que ses crédits correspondent à une simple action du programme « Justice judiciaire ». A la suite des propositions du comité Balladur, le CSM doit voir son rôle spécifique reconnu par la nomenclature budgétaire, comme c'est le cas pour le Conseil constitutionnel, la Haute cour de justice et la Cour de justice de la République. Une telle institution doit être indépendante et ses crédits sanctuarisés.

Si les moyens de la Cnil augmentent en 2008, ils sont encore loin de ceux de ses homologues étrangers. Son budget n'a rien à faire dans le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice », mais doit rejoindre celui d'autres autorités administratives indépendantes, comme la Halde, le médiateur de la République ou le CSA dans une mission spécifique. La Cnil ne saurait être assimilée à un simple démembrement d'un ministère, sauf à nier son indépendance réelle et sa spécificité d'action.

Nous venons d'adopter un amendement de la commission des finances qui regroupe au sein d'un même programme les crédits de plusieurs autorités administratives indépendantes concourant à la défense et à la protection des droits et des libertés fondamentales.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Excellent amendement -qui aura sans doute du mal à survivre à la CMP... (Sourires)

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis.  - Si cet amendement devait revenir l'an prochain, nous souhaiterions y voir intégrer la Cnil.

La commission des lois a donné un avis favorable sur les crédits de la mission « Pouvoirs publics », avec l'espoir d'être entendue l'an prochain. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Très bien.

M. Robert del Picchia. - (Applaudissements sur les bancs UMP) Je veux dire ma satisfaction de parlementaire, mais aussi de citoyen, à voir progresser la transparence des documents budgétaires soumis à notre contrôle. Cette dotation est sensible, et toute opacité susciterait l'incompréhension, voire la méfiance de nos concitoyens.

S'agissant des crédits de l'Élysée, nous pouvons nous féliciter du bouleversement introduit par l'Assemblée nationale. Il ne faut pas céder aux sirènes de la démagogie. Selon un nouveau principe de réalité, le Chef de l'État va être payé au même niveau que le Premier ministre, ce qui paraît naturel. Nous saurons exactement combien, mais aussi par qui, et comment. Les objections sur le montant de la rémunération ne tiennent pas : comment pousser des cris d'orfraie quand on sait ce que gagne un chef d'entreprise dans le privé ?

Mais la France n'est pas une entreprise, et la rémunération du Chef de l'État n'a pas les mêmes fondements idéologiques. Le principe d'une rémunération des charges électives est né avec la démocratie : Périclès avait instauré la mistophorie afin de permettre à chacun de participer aux travaux de la Cité, quels que soient ses revenus. (M. le président de la commission approuve)

M. Ivan Renar. - Ah, les Grecs ! Timeo Danaos... (Sourires)

M. Robert del Picchia. - L'indemnisation des élus est nécessaire tant pour garantir une égalité d'accès aux fonctions électives que pour lutter contre la corruption.

Homme d'information, je juge la transparence indispensable au bon fonctionnement d'une démocratie. Français de l'étranger, je note que ce n'est pas tant le montant des rémunérations qui change d'un pays à l'autre, que la manière d'en rendre compte.

Dans le même esprit de clarification, j'ai déposé une proposition de loi proposant d'inscrire dans la loi l'indemnité mensuelle complémentaire des conseillers élus à l'Assemblée des Français de l'étranger, par souci de transparence et afin d'en assurer la pérennité.

Réalité, transparence, donc contrôle, et par conséquent pérennité : on ne peut concevoir dans une démocratie moderne que la rémunération du Chef de l'État et les moyens alloués pour son action soient fonction de sa personnalité. Je voterai ce budget avec enthousiasme. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Vera. - La mission « Pouvoirs publics » fait l'objet de conditions particulières d'exécution et de contrôle, qui vont d'ailleurs évoluer. Ainsi, les comptes des deux Assemblées parlementaires seront désormais certifiés par audit externe, dans des conditions qui restent à définir. La Cour des comptes nous paraît être la mieux à même de répondre à cette mission.

Je me félicite de la refonte de la présentation du programme de la Présidence de la République, et je salue l'effort de clarification concernant les postes budgétaires mis à disposition de l'Élysée et la rémunération du Chef de l'État. Je comprends toutefois l'émotion légitime que le triplement de la rémunération officielle du Président a pu créer dans l'opinion, deux mois après le refus d'accorder le moindre coup de pouce au Smic et aux retraites, et alors que le pouvoir d'achat des Français stagne. Les explications embarrassées des porte-paroles du Gouvernement et de l'Élysée n'ont pas dissipé les interrogations.

L'article 45 ter, qui porte la rémunération du Président de la République au niveau de celle du Premier ministre, a le mérite de la clarté. Mais même si cette augmentation est financée par redéploiement au sein de la dotation, elle reste néanmoins choquante pour bien des Français confrontés aux fins de mois difficiles.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Il faut leur expliquer.

M. Bernard Vera. - Comptez sur nous ! Notre groupe sera très vigilant sur la transparence des frais de fonctionnement des pouvoirs publics. Puisque, pour l'heure, seul le pouvoir d'achat du Président de la République semble pris en compte, nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Je salue la remarquable qualité du travail réalisé par les rapporteurs.

La mission « Pouvoirs publics » regroupe les organes constitutionnels de la République. En vertu de la séparation des pouvoirs, il n'est pas de coutume que le représentant du Gouvernement évoque les budgets de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le programme « Cour de justice de la République » n'appelle pas de remarque particulière.

Le programme « Conseil constitutionnel » augmente de 7 % pour trois raisons : les charges supplémentaires représentées par ses deux nouveaux membres, l'application d'une contribution employeur nouvelle prévue par la loi et le transfert de la charge budgétaire des frais de garde de gendarmerie.

Mais, bien sûr, c'est le programme « Présidence de la République » qui est au coeur du débat cette année. Je salue à ce propos la connaissance sans défaut que M. del Picchia manifeste de la Grèce ancienne.

Je complimente M. Vera pour sa modération, sans évidemment partager sa vision. Le budget du programme « Présidence de la République », par la volonté du Président de la République et conformément aux conclusions du Comité de modernisation et de rééquilibrage des institutions, est à un tournant fondamental. Afin de conférer enfin au budget de la Présidence de la République toute la transparence et la cohérence souhaitables, dans le respect des prérogatives particulières de cette mission, le budget 2008 réintègre dans le budget officiel de l'Elysée l'ensemble des dépenses qui contribuent à son fonctionnement. Cela comprend les collaborateurs directs du Président qui, lorsqu'ils sont issus de la fonction publique, ne doivent plus être rémunérés par leur administration d'origine. La rémunération du Président de la République, qui était jusqu'à présent fixée par l'intéressé lui-même, sera désormais fixée par la loi, votée chaque année. Elle sera au même niveau que celle du Premier ministre, qui est aussi celui des homologues étrangers du Président de la République française. Cette rémunération sera exclusive de tout autre traitement ou pension.

De nouvelles mesures de contrôle viendront renforcer encore la mise en cohérence et la clarification du budget de la Présidence de la République. La Cour des comptes vérifiera désormais chaque année la nature des dépenses effectuées et certifiera l'exactitude et la sincérité du rapport d'activité de la Présidence et des documents communiqués au Parlement. Les observations et recommandations formulées lors de ce contrôle seront évidemment publiques. J'ajoute que le Parlement sera destinataire de documents explicatifs concernant ce budget. En outre, la Présidence de la République s'engage à publier chaque année, à compter de 2008, un rapport d'activité retraçant l'utilisation des fonds alloués à son fonctionnement.

La conséquence immédiate de cette nouvelle présentation clarifiée est une augmentation purement comptable, sans effet sur le montant réel des dépenses, de la dotation qui doit être allouée à la Présidence, puisque celle-ci prend désormais en charge des dépenses autrefois supportées par les ministères.

Bref, cette mission est de plus en plus transparente, de plus en plus contrôlée, à l'image de la dignité que l'on peut attendre de cette fonction.

Les crédits de la mission sont adoptés, ainsi que l'article 45 ter.

Publications officielles

M. le Président. - Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Budget annexe des publications officielles et information administrative ».

M. Bernard Vera, rapporteur.  - La mission « Publications officielles et information administrative » est dans sa première année d'existence, je dirai même coexistence, puisqu'il s'agit du rassemblement des deux directions, Journaux officiels et Documentation française, au sein d'un budget annexe unique. Ce rapprochement se traduit par un développement des coopérations et la mise en place de structures communes et permet à chaque entité de fonder son activité sur son coeur de métier. Les tâches d'impression ont été totalement abandonnées par la Documentation française, les Journaux officiels en ont repris une partie. Sur l'année 2007, 110 millions de pages, représentant un quart des impressions de la Documentation française, ont été imprimées par les Journaux officiels qui se sont donné comme objectif de définir, d'ici le printemps 2008, un projet complet de repositionnement de la structure industrielle en adéquation avec les attentes des donneurs d'ordre.

En ce qui concerne l'édition et la diffusion, les travaux délégués restent à développer et sont circonscrits aux codes, conventions collectives et quelques ouvrages et rapports institutionnels. Une agence comptable et un schéma informatique communs seront mis en place dès 2008. Ces évolutions conduisent à s'interroger sur la pertinence de la mise en place, à terme, d'une structure unique. La question se pose d'autant plus que les agents ont subi de sévères plans sociaux et ont besoin d'une visibilité à long terme de l'avenir des deux entités.

Plus généralement, me semble posée la question de l'avenir d'un grand pôle public de l'édition, de l'impression et de la diffusion, en vue d'améliorer et de développer la qualité du service rendu. C'est de l'évolution de la coopération entre les deux entités à partir des spécificités de chacune qu'émergeront les perspectives d'avenir.

La direction des Journaux officiels doit régler d'importants problèmes de réductions d'effectifs. Elle a lancé, à cet effet, un plan de mutualisation des tâches, basé sur le redéploiement, la mobilité et la formation des personnels de la DJO et de la Sacijo. L'objectif est d'assurer une meilleure unité des agents, au-delà des tâches très segmentées de vérification et de fabrication, et de favoriser la réorganisation autour de l'outil commun, la nouvelle plate-forme éditoriale. La mutualisation des tâches, si elle est séduisante, ne va pas sans poser des difficultés, à cause déjà des différences statutaires.

Des plans sociaux calqués sur le plan de cessation anticipée de travail de la presse parisienne, ont été mis en place fin 2006. Ils concernent potentiellement 153 personnes à la DJO et 138 à la Sacijo. L'estimation est imprécise car elle dépend de démarches volontaires des agents.

Deux vecteurs sont essentiels pour accompagner les évolutions en cours : la formation qualifiante du personnel, tant sur les métiers d'avenir que sur les métiers traditionnels, afin d'optimiser la mutualisation des tâches ; et les investissements indispensables pour accroître les possibilités de coopération et anticiper sur les évolutions.

La Documentation française poursuit le redressement de sa situation financière et le développement de ses activités. De profondes réformes ont été menées en très peu de temps. Son endettement est passé de 11 millions en 2002 à 6 millions en 2006, et les effectifs ont été réduits de 50 emplois. Parallèlement, l'institution s'est attachée à développer ses activités, le chiffre d'affaires est passé de 14,61 millions en 2002 à 17,67 fin 2006.

Les centres interministériels des renseignements administratifs (Cira) et le service « Allo 39-39 » ont été pris en charge par la Documentation française. Les sites internet « service-public », « vie-publique », « formation-publique », « la documentation française » remportent un très vif succès avec plus de 40 millions de visiteurs en 2007.

Un audit de modernisation portant sur l'accueil à distance des administrations préconise la suppression des Cira au profit d'un traitement des questions au niveau de chaque ministère. Si le coût du renseignement reste élevé, cette solution risque d'aller à l'encontre de l'intérêt de l'usager. L'avantage des Cira se situe dans l'interministérialité. Ils jouent en quelque sorte un rôle d'observatoire de l'attente des usagers du service public.

Si les deux directions ont intérêt à la mise en place d'une structure unique et si l'adhésion du personnel est totale, chaque entité doit terminer auparavant les réformes en cours.

Les crédits du budget annexe n'attirent pas de commentaires particuliers et se maintiennent au niveau de 2007 : 193,9 millions en autorisations d'engagement et 196,2 en crédits de paiement. Les recettes du budget annexe sont en légère baisse. Elles permettent cependant un excédent d'exploitation de 1,3 million, la bonne situation financière de la direction des Journaux officiels permettant d'absorber l'endettement de la Documentation française.

Alors que les effectifs sont en baisse de 2,3 %, avec 1 008 ETPT, les dépenses de personnel progressent de 4,7 % pour atteindre 73 millions, à cause du coût des plans de modernisation sociale et d'un recours accru de la direction des Journaux officiels à des agents temporaires.

Des progrès restent à faire, pour les deux programmes, en matière de performance, trop souvent mal définie.

La majorité de la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits proposés pour cette mission.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Je tiens à remercier M. Vera pour la grande qualité de son propos, qui met en oeuvre une vraie réflexion et ouvre des pistes.

Depuis 2007, le budget annexe « Publications officielles et information administrative » regroupe les programmes 621 et 622 finançant respectivement les Journaux officiels et la Documentation française. Des mutualisations sont organisées entre les deux directions. La direction des Journaux officiels assure en effet l'impression des périodiques et ouvrages propres de la Documentation française, laquelle diffuse l'ensemble des ouvrages.

L'année 2008 marquera une nouvelle étape, avec la création d'une agence comptable unique et d'une direction des systèmes d'information commune aux deux directions. Un travail commun destiné à mutualiser certains achats des deux directions est en cours.

En ce qui concerne le programme 621 « Accès au droit, publications officielles et annonces légales », le budget proposé par la direction des Journaux officiels assure l'équilibre global du budget annexe, tout en réaffirmant la maîtrise des coûts et des tarifs mise en oeuvre ces dernières années.

Les dépenses courantes diminuent mais les dépenses de personnels augmentent légèrement. Ceci s'explique par des surcoûts provisoires liés au début d'application du plan de départs anticipés, les charges de personnels devant diminuer ensuite. Les dépenses de fonctionnement sont en baisse importante grâce à la politique de dématérialisation engagée ces dernières années.

Les dépenses d'investissement diminuent également en crédits de paiement mais augmentent en autorisations d'engagement afin d'assurer la poursuite des projets stratégiques, notamment la nouvelle plate-forme de production éditoriale. L'excédent du programme 621 serait de 32,9 millions et celui du budget annexe de 1,3 millions.

J'en viens au programme 622 « Edition publique et information administrative » qui se décline en trois actions : la première correspond aux activités d'édition, diffusion et documentation, la seconde au renseignement administratif et la troisième supporte la dépense de soutien.

Pour 2008, il est prévu 50 millions en autorisations d'engagement et 49 millions en crédits de paiement. Les recettes propres devraient se monter à 17,5 millions, soit une hausse de 3 %. Par rapport à l'an dernier, les demandes d'autorisation d'engagement relatives aux opérations courantes progressent de 3,9 % et celles des crédits de paiement de 2,1 %.

Conformément aux engagements du plan de consolidation, il est procédé à sept suppressions ETPT. Fin 2008, cinquante emplois budgétaires de la direction de la Documentation française, soit 15 % par rapport à 2003, auront été supprimés.

Les principales augmentations de dépenses, hors personnel, correspondent à des améliorations informatiques destinées aux sites d'information « Service public.fr » et « Vie publique.fr » et à l'accroissement de l'offre numérique des publications. Les sites pilotés par la direction de la Documentation française auront reçu cinquante millions de visites cette année. C'est un beau succès qui devra se confirmer en 2008.

Pour ces raisons, le Gouvernement vous demande d'adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite et au centre)

Les crédits de la mission sont adoptés

Médias

Orateurs inscrits

M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des crédits de la mission « Médias-Compte spécial : avances à l'audiovisuel public (+ article 62) ».

M. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances. - (Applaudissements à droite) En ce qui concerne la presse, cela fait dix ans que je rapporte ce budget et il est curieux de constater que notre presse est l'une des plus aidées d'Europe et peut être même du monde et elle est sans doute aussi l'une des plus en difficulté. Une bonne nouvelle, pourtant : pour la première fois depuis des décennies, le compte de l'AFP est excédentaire. C'est tout à l'honneur de cette entreprise qui a réussi à redresser la situation. J'avais d'ailleurs eu l'occasion d'effectuer des contrôles sur pièce et sur place en Asie.

Parmi les choses qui ne vont pas, le décret prévu à l'article 14 de la loi de finances pour 2007 qui concerne les investissements consacrés à la presse et les prises de participation n'est toujours pas appliqué alors que le Gouvernement et le Parlement voulaient favoriser les mutations. Et tout cela est arrivé parce que, croyant bien faire, le Sénat puis l'Assemblée nationale ont prévu un décret en Conseil d'Etat et ce dernier a considéré que ce sujet n'était pas de son ressort. Il faut donc rapidement modifier la loi, peut-être à l'occasion du collectif budgétaire. Il est quand même regrettable qu'il y ait des crédits, une volonté politique et que rien ne bouge !

Un deuxième problème n'est pas réglé : les relations entre La Poste et les entreprises de presse. Il y a deux ans, le Gouvernement a décidé d'améliorer la rémunération de La Poste qui estimait qu'elle n'était pas suffisamment payée. Aujourd'hui, les entreprises de presse estiment que La Poste ne fait pas bien son travail. Il faut regarder ce dossier de près : le contrat qui lie La Poste aux entreprises de presse doit être respecté afin que les journaux soient reçus là où il faut et en temps utile.

On parle beaucoup de mesures de performance, Lolf oblige : or la presse perçoit 242 millions d'aides budgétaires, sans compter les multiples exonérations dont elle bénéficie de la part de l'État et des collectivités. Mais les résultats sont tellement minces que l'on est en droit de se demander à quoi servent ces aides. Il faudra bien avoir un jour le courage de se pencher sur ce dossier.

Pour ce qui est de la communication audiovisuelle, il faut se souvenir qu'il y a dix ans, A2 était en quasi faillite et que FR3 ne valait guère mieux : l'audiovisuel public était, à l'époque, en grande difficulté. Grâce aux divers gouvernements qui se sont succédé, les choses se sont améliorées : les contrats d'objectifs et de moyens ont défini les règles du jeu : pendant trois ans, les directeurs des chaînes savent désormais où ils vont et quelles sont leurs marges de manoeuvre. Tout ceci a tellement été positif que FR2 est aujourd'hui une entreprise en bonne santé.

N'oublions pas non plus que France Télévisions est le premier groupe français de télévision. On a toujours tendance à dire que c'est Pierre, Paul ou Jacques. Pas du tout : c'est FTV. Pour 2008, elle disposera de 2,89 milliards, soit 3,6 % de plus que cette année : que demande de plus  le peuple audiovisuel ?

Et puis, le débat sur la redevance est-il vraiment nécessaire ? J'estime que l'audiovisuel public est convenablement doté. Actuellement, le produit de la redevance stagne. Il y a eu une sorte de cassure lors de la mise en oeuvre du nouveau mode de recouvrement. L'an dernier, il y a eu 600 000 recours contentieux, soit les trois quarts du contentieux fiscal français. On nous avait dit à l'époque que cette procédure permettrait de faire des économies. Avec Louis de Broissia, nous n'en étions pas persuadés, mais on ne nous a pas écoutés.

Il y a aussi le problème des récepteurs : la redevance est un impôt sur les téléviseurs, mais quid de tous ceux qui regardent la télévision grâce à Internet sur leur ordinateur ? Ils peuvent se permettre de ne pas payer la redevance et on ne peut les poursuivre. Nous devrons donc réfléchir à la définition d'une nouvelle assiette.

Enfin, un certain nombre d'entre nous ont réclamé pendant des années une CNN à la française. Le précédent Président de la République a choisi de créer France 24. Au cours des divers voyages que j'ai effectués à l'étranger, notamment en Malaisie, j'ai été frappé par le fait que les ambassadeurs ne connaissaient pas les responsables locaux de TV5 et de l'AFP qui eux-même ne se rencontraient pas alors qu'ils travaillaient sur les mêmes sujets. On nous avait dit que France 24 permettrait de faire la synthèse de tous ces moyens. J'ai le sentiment qu'il n'en a rien été. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement au nom de la commission des finances, qui propose de mettre dans le même chapitre budgétaires tous les crédits qui concernent l'action audiovisuelle public à l'étranger. Ce n'est pas facile car il y a des intérêts publics et privés, et il faut aussi tenir compte des Belges, des Suisses, des Canadiens. Mais les moyens n'étant pas extensibles à l'infini, il faut impérativement trouver une solution si nous voulons réussir. C'est le sens du rapport Benhamou.

La commission des finances vous propose d'accepter les crédits qui vous sont proposés au titre de cette mission. (Applaudissements à droite)

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.  - Saluons les efforts du budget pour la presse, tout en doutant qu'ils suffisent à sortir le secteur de l'ornière, ou à rendre obsolète le titre interrogatif du rapport que le lui ai consacré il y a quelques années : « Chronique d'une mort annoncée ? ». Aussi me permettrez-vous cette suggestion : pourquoi pas lancer « un Valois de la presse », qui serait plus pertinent qu'un éventuel « Grenelle de l'audiovisuel »...

Le constat comptable de l'audiovisuel est satisfaisant : le budget de l'audiovisuel progresse, les sociétés peuvent compter sur les crédits inscrits à leur contrat d'objectifs et de moyens. Mais la situation demeure inquiétante. Dénonçant les dérives du financement des sociétés de programme, j'ai rencontré une succession de petites lâchetés : quand j'ai proposé d'augmenter la redevance, je n'ai pas trouvé grand écho au Sénat. Au gré d'erreurs successives, Bercy a surévalué le produit de la redevance, les encaissements publicitaires, mais sous-évalué les coûts de gestion de cette taxe. Que dire de la réforme de la redevance, qui s'est privée des ressources des résidences secondaires, et réintègre aujourd'hui dans l'assiette 800 000 foyers, ce qui ne va pas améliorer leur pouvoir d'achat ? Nous sommes contraints de faire aujourd'hui ce que nous redoutions : budgétiser une part croissante des ressources de l'audiovisuel public ! Les coupes budgétaires suivront nécessairement...

Notre commission des finances écarte tout amendement qui se traduirait par des prélèvements obligatoires supplémentaires, mais la contribution budgétaire à l'audiovisuel public est passée de 29 millions en 2005 à 65 millions en 2006, l'augmentation va se poursuivre.

La réforme de l'audiovisuel manquait d'ambition, le risque pour l'audiovisuel public est de se paupériser durablement. Il faut envisager de faire participer tous les supports de réception à son financement -en Allemagne, on acquitte la redevance lorsqu'on achète un ordinateur qui reçoit la télévision, c'est la neutralité technologique-, et nous proposons d'indexer la redevance sur l'inflation.

Dans le contrat d'objectifs et de moyens de France télévisions, nous avions prévu qu'une ligne budgétaire financerait la diffusion des décrochages de France 3 sur satellite : madame le ministre, pourquoi cette ligne budgétaire n'apparaît-elle pas dans ce texte ?

Le budget accordé à France 24 est passé subitement de 70 à 88,5 millions : d'où proviendront les fonds ? Il serait anormal que cette somme échappe au contrôle du Parlement !

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis.  - L'État trouverait 18,5 millions pour honorer un contrat d'objectifs et de moyens, mais il refuserait de respecter un autre contrat, pour économiser 6 millions ?

En dépit de ces remarques, la commission des affaires culturelles a adopté ces crédits ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Madame la ministre, vous avez dit que les 18,5 millions supplémentaires pour France 24 proviendraient d'un redéploiement : où allez-vous les prendre ?

Le comité de pilotage de la réforme de l'audiovisuel extérieur remet demain ses conclusions au Président de la République, nous apprenons par la presse -toujours mieux informée que le Parlement-, qu'il proposerait une holding nommé France Monde pour regrouper l'ensemble des opérateurs de l'audiovisuel extérieur. Qui peut croire que c'est en empilant les structures qu'on définira une stratégie d'ensemble ?

Le deuxième danger serait la fusion autoritaire des opérateurs de l'audiovisuel extérieur. TV5 Monde est une chaîne francophone où la France n'est pas seule à décider, même si elle finance à plus de 80 %, et nos partenaires se sont émus d'être mis à l'écart de cette réforme. Mieux vaut encourager les synergies entre les opérateurs, pour la production et la distribution.

L'avenir de l'audiovisuel extérieur passe par internet : il faut constituer un véritable pôle multimédia de l'audiovisuel extérieur.

Enfin, la réforme de l'audiovisuel extérieur passe par une remise à plat de son mode de financement. Comment justifier que les crédits destinés aux opérateurs soient scindés entre deux programmes ? Comment expliquer que France 24 bénéficie d'une visibilité budgétaire grâce à sa convention pluriannuelle de subvention contrairement à TV5 Monde ou RFI ? Est-il normal que les opérateurs de l'audiovisuel extérieur soient soumis au système de la réserve légale, contrairement aux opérateurs de l'audiovisuel public national financés sur la redevance ? Enfin, comment expliquer le fort déséquilibre qui existe entre les financements destinés à l'audiovisuel public national et ceux consacrés à l'audiovisuel extérieur ?

La commission des affaires étrangères et de la défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de ces deux programmes, mais nous souhaitons que le Parlement soit associé à la réforme de l'audiovisuel extérieur, dès la phase d'élaboration : nous ne voulons pas être mis, une fois encore, devant le fait accompli ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre)

M. David Assouline. - II y a un an, nous examinions le texte supposé créer les conditions du développement de la « télévision du futur » en France. Un an plus tard, avec la même majorité de droite aux commandes, le temps est venu de s'assurer de la volonté du Gouvernement de donner à l'audiovisuel public les moyens de trouver sa place dans cette télévision du futur.

D'abord, il faut constater que la révolution numérique bouscule le marché de l'audiovisuel : la multiplication des réseaux de diffusion, avec la télévision numérique terrestre, la télévision mobile personnelle (TMP), l'internet à haut débit et à très haut débit, ou la fibre optique, qui viennent s'ajouter au câble et au satellite, constituent autant de vecteurs d'une diversification accrue de l'offre. Or, ces changements technologiques s'accompagnent d'une évolution profonde du comportement des téléspectateurs et une nouvelle attente par rapport à la télévision s'exprime particulièrement parmi les 18-34 ans qui ont accès à un large éventail de médias. Autrement dit, la révolution numérique rencontre les aspirations d'un public qui se détache de la « télévision de l'offre », proposée par les grandes chaînes hertziennes privées et visant à réunir le plus possible de téléspectateurs devant des programmes fédérateurs, en faveur d'une « télévision de la demande », répondant à des attentes individualisées. Dans cette perspective, les chaînes publiques détiennent a priori un avantage comparatif réel par rapport aux chaînes privées « historiques » parce que leur participation essentielle à la création d'oeuvres de fiction et à la production de documentaires leur permet de disposer de programmes variés, rediffusables à différents horaires et sur des supports diversifiés. Dans cette mutation, le service public de l'audiovisuel a-t-il les moyens de prendre le virage éditorial et technologique vers la télévision du futur ? Les contrats d'objectifs et de moyens d'Arte-France et de France Télévisions assignent aux antennes des objectifs volontaristes en matière de programmation et de diffusion. Au moment de l'extinction de la diffusion analogique, France Télévisions devra ainsi consacrer 420 millions à des programmes de création, soit 100 de plus qu'en 2005. Pour sa part, Arte-France a pris l'engagement d'apporter, à la création d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques, un soutien financier augmentant en moyenne de 5,1 % par an entre 2007 et 2011. Dans le même temps, les antennes du service public doivent assurer leur présence systématique sur l'ensemble des supports de diffusion. Le COM de France Télévisions lui fixe ainsi pour ambition de devenir un « média global », acteur majeur du développement accéléré de la « télévision numérique pour tous » en France. De ce point de vue, Arte a développé une stratégie offensive de présence sur les nouveaux réseaux au travers d'« Arte Global ». Les chaînes publiques préparent aussi la diffusion de leurs programmes en haute définition et sur les réseaux de TMP. Les opérateurs de la télévision publique ont donc pris des engagements stratégiques et financiers importants. Le Gouvernement se prévaut aujourd'hui, selon les termes de la ministre devant notre commission des affaires culturelles, du « respect sans faille des engagements [financiers] de l'État » à l'égard de France Télévisions. En effet, la dotation à France Télévisions d'une partie du produit de la redevance augmente de presque 3,5 % par rapport à 2007, conformément aux dispositions du COM. Mais ce contrat sous-estime les besoins d'investissements du groupe dans les nouveaux supports de diffusion. Les recettes publicitaires stagnent du fait de l'éclatement du marché et des audiences structurellement en baisse de la télévision hertzienne, et elles ne peuvent donc garantir des ressources sûres et suffisantes à France Télévisions. Or, les hausses contractuellement garanties de la ressource publique sur la période 2007-2010, représentent à peine le coût annuel de la diffusion analogique des chaînes. Et le calendrier d'extinction de la diffusion analogique accuse aujourd'hui un retard d'au moins un an. Dans ces conditions, le plan de financement prévu par le COM n'est déjà plus valable et doit être amendé d'urgence -j'aurai prévenu. Le groupe est aujourd'hui amené à puiser sur ses fonds propres pour réaliser les investissements nécessaires à sa diffusion sur les nouveaux supports. La ressource publique d'Arte-France risque aussi de décrocher par rapport à l'augmentation de ses charges, liées à la poursuite d'investissements lourds dans les nouvelles technologies. Or, Arte-France doit participer parallèlement au fonctionnement d'Arte-GEIE, qui n'est pas prévue par le COM, et devra aussi supporter l'augmentation de ses coûts de diffusion du fait du retard pris dans le passage au « tout numérique ». Les annonces gouvernementales sur le thème « Promesses tenues à l'égard de l'audiovisuel public » ne peuvent donc masquer le sous-financement durable du service public de la télévision.

Radio France n'est pas mieux lotie, qui doit assumer la ruineuse mais nécessaire réhabilitation des locaux de la Maison de la radio, sans réels moyens d'investir dans la radio numérique. Quant à Radio France Internationale (RFI), il est difficile d'en parler sans éprouver un sentiment de honte à l'égard des journalistes, des techniciens, de l'ensemble des équipes qui réalisent des programmes en vingt langues, diffusés dans une centaine de pays, mais qui restent dans l'ignorance de leur sort futur, suspendus qu'ils sont aux arbitrages à venir en matière de restructuration de l'audiovisuel extérieur. Sacrifier RFI au développement de France 24, né du seul fait du prince, serait tout simplement scandaleux, et je souhaite que la ministre nous fasse part de son point de vue sur ce dossier, même si elle n'est pas en mesure de prendre les décisions.

Il est difficile de ne pas s'inquiéter, une nouvelle fois, du décrochage préoccupant entre l'évolution du produit de la redevance et l'augmentation des besoins à l'ère numérique. On ne peut que regretter que l'UMP sénatoriale, obéissant aux instructions du Gouvernement, ait rejeté les propositions d'amendements de notre commission des affaires culturelles tendant à augmenter la redevance. Notre assemblée a perdu là l'occasion d'assurer un financement durable à notre audiovisuel public. A l'avenir, il faudra songer à l'instauration d'une taxe nouvelle, plus légitime pour nos concitoyens et plus productive pour les finances publiques, assise sur le chiffre d'affaires publicitaire des opérateurs privés de télévision. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis.  - La publicité, c'est toujours le consommateur qui la paye...

M. Louis Duvernois. - La puissance publique s'est engagée à réorganiser l'audiovisuel extérieur, enjeu stratégique majeur pour l'influence de la France, pour la diffusion de sa langue et pour la diversité culturelle. Nous approuvons la révision de la politique audiovisuelle extérieure de la France, souhaitée par le Président de la République car la pratique actuelle qui fait intervenir de multiples opérateurs laisse une impression de confusion. La presse vient d'ailleurs d'annoncer la remise imminente du rapport demandé par le Président Sarkozy et qui préconiserait la création d'un holding France-Monde coiffant TV5 Monde, France 24 et RFI. Toutefois, la configuration actuelle du système ne se prête pas à la mutualisation des ressources humaines et financières il faut savoir si cette réforme répond à une réelle volonté de réorganiser en profondeur un audiovisuel extérieur perturbé depuis l'arrivée en 2006 de France 24. Nous aimerions, madame le Ministre, connaître votre sentiment sur ce point.

Deux chaînes de .télévision, TV5 Monde et France 24, ainsi que d'autres acteurs comme France 2, Arte et Euronews, une radio publique, RFI et une banque de programmes Canal France International (CFI) constituent un paysage audiovisuel extérieur sous la tutelle de trois autorités publiques différentes et souvent discordantes -Affaires étrangères et européennes, Culture et communication, Économie et financ- auxquelles il faut ajouter, pour France 24, le rattachement aux services du Premier ministre.

L'analyse des crédits ne fait pas apparaître clairement les évolutions d'un secteur d'activité menacé par une concurrence accrue et par la révolution technologique du numérique et par internet. Nos craintes d'un audiovisuel extérieur à plusieurs vitesses sont fondées. Le manque de transparence dans l'orientation et le contrôle de ces opérateurs par les pouvoirs publics, l'application régulière de la « réserve de précaution », la complexité de la procédure budgétaire à TV5 Monde qui avantage finalement les actionnaires minoritaires, tout cela invite à une profonde réforme de l'investissement public.

Pour France 24, dont personne ne conteste la raison d'être, les crédits inscrits pour 2008, s'élèvent à 70 millions, alors que la convention avec l'État prévoit une augmentation annuelle « automatique » calculée selon une obscure formule mathématique. En vertu de celle-ci, la subvention atteindra en fait 88,5 millions en 2008 par « redéploiement en cours de gestion ». D'où proviennent ces 18,5 millions attribués à titre de « dotation complémentaire » sans l'aval parlementaire ?

Pour Radio-France Internationale, les ressources publiques n'ont progressé que de 3,4 % tandis que les autres sociétés de l'audiovisuel public, sur la même période 2004-2008, ont augmenté de 11,9 à 17,8 % ! Cette disparité de traitement tient essentiellement aux montants de la subvention annuelle.... du ministère des affaires étrangères et au fait que le financement public de RFI repose pour plus de 50 % sur cette subvention. Il n'est donc ni logique ni économiquement sain que la dévolution des crédits votés par le Parlement soit conditionnée par la nature du financement, redevance ou subvention. La réforme de l'audiovisuel extérieur passe aussi par des pratiques transparentes d'allocations des crédits, votés conformément à la Lolf.

Pour TV5 Monde, le problème est tout autre puisque la France, investisseur très largement majoritaire, cogère l'organisme avec quatre autres entités étatiques, la Communauté française de Belgique, la Suisse, le Canada et le Québec. Cependant, le mécanisme de la réserve légale appliqué à TV5 Monde complique la gestion de la chaîne et affecte sa capacité à atteindre les objectifs fixés par la loi de finances. Cette équation particulière à TV5 Monde, entre gestion de « frais communs » et « frais spécifiques », conduit à une analyse comptable illisible, avec comme première conséquence, la passivité des pays bailleurs de fonds qui au fil des ans n'ont pas voulu accompagner l'augmentation des besoins de modernisation de la chaîne.

Avec ces mauvais exemples d'organisation institutionnelle, on en viendrait à s'interroger sur la montée en puissance à l'international d'Arte qui absorbe à elle seule et par année 219 millions provenant de la seule redevance française.

Quel est le sens de l'engagement financier de l'État ? Pour quelles missions audiovisuelles extérieures, quels objectifs, quels résultats ? Dans cet habillage institutionnel hétéroclite, on a au fil des ans empilé de nouvelles structures, sans coordination entre elles ; on a fragilisé l'infrastructure publique. France 24 a été créée sans que soit tenu le moindre compte, après un quart de siècle d'existence, de TV5 Monde. De même il semble que l'on renonce aux ambitions de RFI, que l'on cesse de rechercher une couverture mondiale par voie hertzienne. Faudra-t-il se résoudre à une gestion désordonnée, quand nous possédons le premier réseau mondial d'émetteurs FM, devant la BBC ? La diffusion FM reste puissante et efficace !

TV5 Monde, en outre, est un atout majeur pour promouvoir la francophonie, dont le centre de gravité se déplace du Sud vers le Nord. Veut-on fermer cette vitrine en Europe ? N'oublions pas que TV5 est le seul opérateur français à pouvoir acquérir une présence audiovisuelle mondiale. Les concepts de francophonie et de multilatéralité seraient-ils désuets ? Le monde hispanophone et lusophone, pourtant, nous les envie ! Comment exporter notre savoir-faire audiovisuel si nous nous freinons par faiblesse politique et carence administrative, si nous refusons obstinément de lier production et diffusion ? Les groupes audiovisuels sont les mieux à même d'exporter leurs programmes !

Nous devons assurer une diffusion dans les langues porteuses et assurer une diffusion « tri-médias » : télévision, radio et internet. Dans l'immédiat, la singularité de France 24 brouille l'analyse et suscite des interrogations.

Chacun gagnerait à une clarification des rôles et missions. L'État, unique financeur de France 24, n'en est pas actionnaire. La chaîne est le seul opérateur de l'audiovisuel extérieur détenu à 50 % par un actionnaire privé. La participation de TF1 au capital fut à l'origine de 18 500 euros, part aujourd'hui estimée à plusieurs millions d'euros. En cas de retrait négocié de l'opérateur privé, l'État devrait indemniser l'actionnaire pour la valeur qu'il a lui-même créée ! (Applaudissements sur les bancs socialistes) Madame le Ministre, nous comptons sur vous pour mettre un peu d'ordre dans ce capharnaüm. Vous pouvez vous appuyer, pour y parvenir, sur un travail parlementaire approfondi et consensuel dont vos prédécesseurs n'ont pas suffisamment tenu compte. (M. Lagauche rit) La définition d'une politique audiovisuelle extérieure doit être un préalable à l'ingénierie audiovisuelle et non l'inverse. Je me fais ici le porte-parole du groupe UMP qui votera néanmoins les crédits de la mission. (M. Lagauche rit derechef)

M. Jack Ralite. - Dans les années cinquante, je suis de ceux qui ont acheté une télévision : ma famille et moi, nous nous régalions des programmes en direct dits des « Buttes-Chaumont ». Titulaire de la première rubrique télévision de L'Humanité-Dimanche, j'ai pu nouer des relations amicales et profondes avec nombre de professionnels de « cet instrument nouveau et bizarre... qui se proposait la connaissance et la conquête du public, non sa banale satisfaction », comme disait Claude Santelli. À Aubervilliers, des dizaines de télé-clubs étaient fréquentés par des centaines de personnes que rejoignaient après l'émission les artistes qui nous avaient ravis. C'est inoubliable. C'est une des composantes fortes de ma vie ! Et cette télévision de service public a été construite par une sorte d'actionnariat populaire aux dimensions du pays : la redevance, sans que l'État y mette un sou.

C'est dire à quel point je suis sensible à ce que devient la radio-télévision française. Par-delà les nombreux malmenages qu'elle a connus, on constate avec colère l'émergence d'un régime spécial pour les grands diffuseurs commerciaux, au détriment des artistes, des techniciens de télévision, des téléspectateurs et du service public. Quelle cascade de cadeaux du pouvoir à quelques gros intérêts...Novembre 2006 : lors des débats sur la télévision du futur, le pouvoir a offert à TF1, Canal + et M6, opérateurs privés, un canal bonus. Les nouveaux entrants de la TNT, Bolloré, Bertelsmann-RTL, Lagardère-Hachette et Canal + -TPS ont reçu un accès automatique aux futurs réseaux de télévision mobile personnelle. À Orange, filiale de France-Télécom, à SFR, filiale de Vivendi et à Bouygues Télécom est échu le marché de la télévision mobile personnelle.

Le 11 octobre 2007, nous débattions de la politique numérique. Mais le pouvoir offre à la télévision mobile le « dividende numérique » à travers la vente des fréquences hertziennes aux enchères. Mardi dernier encore, il ajoute un échelonnement de paiement pour l'attribution de la quatrième licence mobile UMTS. Nouveauté par rapport aux trois précédentes attributions... Il retire au pouvoir législatif sa responsabilité et s'en empare au nom de la concurrence non-libre et faussée. Il y a deux ans, Orange, SFR et Bouygues Télécom avaient obtenu les trois premières licences et leurs marges sont souvent supérieures à 40 %. Accepteront-ils la nouvelle méthode suggérée par Free ?

Donc, le pouvoir gratifie les grandes affaires d'un « droit d'affaire », qui sera protégé du droit des affaires que Mme Rachida Dati veut alléger. Mais non contentes de ces cadeaux de Noël répétés, les grandes affaires demandent des mesures de dérégulation. Le 9 octobre 2007, le discours ministériel annonce une prochaine loi en vue d'augmenter le volume de la publicité, assouplir les obligations de production, sans oublier la levée des seuils anti-concentration. « Tout est positif dans ce projet », concluait un courtier en bourse. Le décret entérinant les votes unanimes du Sénat et de l'Assemblée nationale sur les oeuvres audiovisuelles a donc été reporté ; c'est ce que souhaitaient les chaînes commerciales.

Pourtant, un très beau et profond débat sur la création audiovisuelle avait eu lieu le 22 novembre 2006. Là s'était formulée la pensée qui sous-tend ce décret : soutien à la diversité culturelle et à la création. Ce report a motivé, le 21 novembre dernier, au Cinéma des Cinéastes la rencontre d'auteurs, de producteurs, d'artistes-interprètes, d'agents, de techniciens, de syndicats, tous ces professionnels de l'audiovisuel qui enragent contre l'attitude présidentielle. La lettre de mission du Président de la République à la ministre de la Culture ne précise-t-elle pas : « L'objectif doit être de supprimer les incohérences croissantes de la législation actuelle et de permettre l'émergence de groupes de communication audiovisuelle français de premier plan » ?

Les chaînes commerciales seraient-elles fragiles et mal assurées ? TF1, depuis 1999, a vu son chiffre d'affaires augmenter de 43,1 %, M6 de 104 %. TF1 est en si bonne santé qu'il a augmenté depuis 2002 le dividende distribué de 30 % -et M6 de 66 %. Or 1 % du chiffre d'affaire cumulé de TFI et de M6 représente 20 millions d'euros, soit vingt heures de fiction ou cent heures de documentaires... ou vingt mille journées de travail pour les artistes et les techniciens. Les perspectives boursières sont bonnes ; une étude de la Société générale évalue « les impacts positifs potentiels », Goldman Sachs prévoit des changements réglementaires importants, facteur positif pour TF1 et M6... Bref, les difficultés supposées des télévisions commerciales sont une comédie jouée par des lobbyistes.

Face à eux, clamons notre solidarité avec ceux du Cinéma des Cinéastes, qui veulent simplement promouvoir la création et le pluralisme culturel. C'est une ambition à maintenir en entrant dans l'ère du numérique.

Le décret serait à renégocier dans le cadre de la mission Kessler-Richard dont les questions biaisées opèrent déjà un renversement de notre politique, fondée jusqu'ici sur le soutien de la nation à la création. Sachant que la lettre de mission présidentielle du 1er août met aussi en cause la création dans le spectacle vivant, qui devrait apporter « une offre répondant à l'attente du public » et la création du passé en souhaitant « la possibilité pour les opérateurs publics d'aliéner les oeuvres de leurs collections », on ne peut qu'adopter une position d'alerte combative, d'autant plus que les chaînes publiques, malgré l'insistance de leur président, sont bridées dans leur volonté de créer. La lettre de mission présidentielle ajoute qu'il faut réallouer les moyens publics des « politiques inutiles » au profit des « politiques que nous voulons entreprendre ».

Ainsi, nous qui avons voté à l'unanimité l'amendement sur le renforcement des obligations patrimoniales, serions des « inutiles » et des « incohérents », comme les participants du Cinéma des Cinéastes !

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis.  - Très bien !

M. Jack Ralite. - Pour le Président de la République, l'utilité et la cohérence croissante résident dans la volonté de grands groupes, qui bénéficient d'un régime spécial !

M. Sarkozy devrait lire René Char : « A tous les repas pris en commun nous invitons la liberté à s'asseoir. La place demeure vide, mais le couvert est mis. » Élargissons donc notre responsabilité de législateurs, car le statut de la création est en jeu, comme l'ont rappelé les scénaristes réunis à Aix-les-Bains il y a un mois. Dans son dernier roman Portrait de l'écrivain en animal domestique, Lydie Salvayre montre l'affrontement d'un écrivain et d'un commanditaire opulent. La finance arase la vie et malmène l'imaginaire, ses méfaits se propagent dans la presse quand elle devient propriété de grands groupes : tout le monde sait la bataille menée par les journalistes des Échos et de La Tribune face à LVMH.

Mon beau souvenir de la télévision des Buttes-Chaumont m'attirera peut-être cette objection : « Vous êtes passéiste ! ». Je répliquerai avec Pierre Schaeffer, cet immense homme d'innovation et de musique : « L'archéologie, comme on le sait, n'est pas exclusivement vouée au passé. Elle enracine le présent. Elle répond à la question : comment en sommes-nous arrivés là ? » Avec les vingt organisations de l'audiovisuel, nous ne voulons pas en arriver à ce que souhaite le Président de la République. Ayons une cohérence croissante et tenons fermement notre amendement adopté, à l'unanimité, le 22 novembre 2006 ! (Applaudissements à gauche.)

M. Yves Détraigne. - Madame Morin-Desailly n'ayant pu être des nôtres, je vais m'exprimer à sa place, au nom de notre groupe UC-UDF.

Le Gouvernement a ouvert de nombreux chantiers pour adapter l'audiovisuel public aux évolutions techniques et engager une réforme des structures. Je pense à la rationalisation de l'audiovisuel extérieur et à la mission confiée à David Kessler et Dominique Richard. Consultations et de réflexion sont en cours. Nous attendons les décisions du Gouvernement.

Par-delà l'augmentation de 3,6 % des crédits, les moyens accordés au service public de l'audiovisuel lui permettent-ils d'atteindre ses objectifs et relever ses défis ? Certaines évolutions figurent déjà dans les contrats d'objectifs et de moyens. Celui de France Télévisions, signé en avril, comporte des objectifs ambitieux, puisque la spécificité éditoriale accrue de ses chaînes doit accompagner la mise en oeuvre des nouvelles techniques audiovisuelles et une gestion modernisée du groupe.

Ce secteur est marqué par de nombreux bouleversements technologiques, avec l'extinction de diffusion analogique au profit du numérique, alors même que le service public doit assurer la continuité dans la réception de ses services. De même, la télévision numérique terrestre obligera les chaînes à généraliser une offre en haute définition, ce qui suppose un investissement très coûteux. En outre, internet oblige les chaînes à développer des services interactifs, notamment avec des offres de vidéo à la demande. Enfin, après quelques retards, la télévision mobile personnelle, prévue pour la Coupe du monde de rugby, est désormais attendue à l'occasion des Jeux olympiques de Pékin. Les chaînes devront donc concevoir et développer des programmes spécifiques, courts et interactifs. Aux coûts de production s'ajoutera celui de la diffusion sur les réseaux de téléphonie mobile. Or ces investissements très onéreux ne figurent pas toujours dans les contrats d'objectifs et de moyens.

En outre, les chaînes publiques subissent une concurrence exacerbée, puisque les dix-huit chaînes gratuites de la télévision numérique terrestre affectent l'audience des chaînes historiques. C'est pourquoi les recettes publicitaires de France Télévisions augmentent d'à peine 1,2 % en 2007. De plus, la concurrence conduit à une surenchère dans les achats d'oeuvres cinématographiques, ce qui augmente le coût de la grille.

Or, les obligations légales imposées aux chaînes du service public demeurent, notamment la diffusion d'oeuvres européennes ou françaises aux heures de grande écoute et la contribution à la production cinématographique et audiovisuelle. Le législateur impose également, désormais, le sous-titrage de programmes pour les sourds et malentendants. Utiles pour la création et l'accessibilité, ces obligations sont également coûteuses, alors que les ressources n'évoluent pas en conséquence.

Si nous voulons que la télévision publique diffuse des programmes de qualité et se distingue des chaînes privées, nous devons lui en donner les moyens. Il faut donc approfondir la réflexion sur le financement, qui repose à la fois sur les recettes publicitaires et la redevance, mais l'insuffisant dynamisme de ces ressources impose une adaptation à la hausse des coûts et aux exigences des téléspectateurs. Or, la redevance française est l'une des plus basses d'Europe et la seule non indexée sur l'inflation. Cette année encore, son produit augmente, grâce seulement au rendement accru apporté par la réforme qui adosse sa perception à la taxe d'habitation. Simultanément, les recettes publicitaires vont stagner par suite de la baisse d'audience et du moindre investissement des annonceurs dans les chaînes de télévision.

Les économies que pourraient apporter les synergies importantes au sein du groupe France Télévisions ne pourront suffire. Seules restent donc deux solutions : augmenter les ressources publicitaires ou réévaluer la redevance. La première option revient à modifier les règles applicables à la publicité télévisée. On évoque ainsi, dans le cadre de la transposition de la directive « Services de médias audiovisuels sans frontières », l'augmentation du volume horaire publicitaire, le passage de l'heure glissante à l'heure d'horloge, enfin l'augmentation de la publicité dans les émissions de flux, également mentionnée par le Président de la République. Tout cela mérite réflexion, mais sans oublier qu'augmenter la publicité sur ces chaînes risquerait de les assimiler à leurs concurrentes privées.

Trois pistes pourraient rendre la redevance plus dynamique. La première consiste à augmenter son montant et à l'indexer sur l'inflation. Depuis 2002, elle reste immuablement fixée à 116 euros. C'est pourquoi les commissions des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat défendent une légère augmentation et l'indexation sur l'indice des prix, considérant qu'en valeur constante depuis 2002, la redevance devrait atteindre aujourd'hui 128 euros. La deuxième piste reposerait sur le remboursement intégral par l'État des exonérations pour motifs sociaux. Enfin, il convient, à l'instar de l'Allemagne, de taxer aussi les ordinateurs équipés pour la réception des chaînes de télévision, puisqu'ils constituent un « dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour l'usage privatif » conformément à l'article 1605 du code général des impôts.

Pendant la campagne électorale, Nicolas Sarkozy avait admis que l'audiovisuel public manquait de moyens pour se développer. D'où vient donc la fin de non-recevoir à laquelle s'est heurté le président de France Télévisions lorsqu'il a demandé que des coupures publicitaires puissent intervenir dans les émissions de flux ? Sous certaines conditions, cette mesure pourrait favoriser la création et les programmes culturels.

Nous regrettons également que le Gouvernement et la commission des finances repoussent l'amendement d'équité déposé par la commission des affaires culturelles du Sénat et tendant à réévaluer la redevance pour qu'elle atteigne 120 euros. Certes, son produit augmentera de 3,6 % cette année, car certaines personnes âgées n'en seront plus exonérées, mais il n'en ira pas de même en 2009. Or, sans ressources nouvelles, le contrat d'objectifs et de moyens ne pourra pas être honoré.

Le groupe UC-UDF souhaite le succès des réformes engagées, mais il juge essentiel d'augmenter rapidement les moyens de l'audiovisuel public. Nous voterons les crédits des missions « Médias » et « Avances à l'audiovisuel public » pour 2008 en espérant que les réformes aboutiront dans le courant de cette même année. (Applaudissements au banc des commissions)

M. Serge Lagauche. - Cette année encore, nous ne pouvons que constater le sous-financement chronique de notre audiovisuel public. France Télévisions n'aura pas les moyens de faire face aux bouleversements technologiques et à la concurrence. Il en va ainsi pour le passage au numérique : non seulement les coûts induits sont mal évalués, mais le calendrier pour 2011 ne pourra être tenu, ce qui risque de rendre encore plus coûteuse la double diffusion analogique et numérique. Nous l'avons signalé lors de l'examen de la loi relative à la télévision du futur. Quant à la télévision mobile personnelle, elle est absente du contrat d'objectifs et de moyens qui court jusqu'en 2010, alors que les frais de diffusion sont évalués à 8 millions d'euros par an et par chaîne à partir de 2009, sans parler de la production de contenus spécifiques.

C'est pourquoi, cette année encore, je regrette que tout amendement visant à augmenter notre redevance audiovisuelle, pourtant une des plus basses d'Europe, soit systématiquement rejeté. Suivons notre rapporteur de la commission des affaires culturelles et mettons fin à l'hypocrisie. D'une manière ou d'une autre, nos concitoyens paient la publicité. L'argument du pouvoir d'achat des ménages avancé par le Gouvernement et le groupe UMP est à géométrie variable, puisque ne les soucie guère le pouvoir d'achat des 780 000 personnes âgées à revenus modestes exonérées jusque-là de redevance. Le maintien de ces exonérations aurait certes exigé un relèvement de leur plafond, car l'audiovisuel public n'a pas à financer la politique sociale du Gouvernement. L'amendement du Gouvernement visant à relever le plafond, voté à l'article 21, est une bonne chose, mais on est encore bien loin de respecter le principe, adopté en 2000 à l'initiative du gouvernement Jospin, du remboursement intégral des dégrèvements pour motifs sociaux. La réforme de 2004 a tout misé sur une augmentation significative du recouvrement, mais les économies n'ont pas été à la hauteur des prévisions, et les écarts entre les montants votés et les encaissements ont même augmenté.

Comme le rapporteur de la commission des affaires culturelles, je pense qu'à l'heure où les supports de réception de la télévision se diversifient, nous ne pourrons retarder beaucoup plus longtemps le débat sur l'élargissement de l'assiette de la redevance : 3,5 millions de Français regardent la télévision sur internet, et bientôt ils pourront le faire sur la télévision mobile personnelle. Nous attendons de connaître le contenu des réformes que vous avez annoncées, madame la ministre.

A l'instar des professionnels de l'audiovisuel, nous considérons comme un très mauvais signe le report des décrets d'application des obligations patrimoniales votées à l'initiative du Sénat. Invoquer les réformes à venir pour ne pas mettre en oeuvre les sous-quotas patrimoniaux constitue un recul pour la création. Vous avez ainsi accepté, madame la ministre, que ces sous-quotas entrent dans un marchandage sur d'autres sujets. La lettre de mission que le Président de la République vous a adressée l'été dernier vous enjoignait de faciliter l'émergence de groupes de communication audiovisuelle français de premier plan, tout en tenant compte de la nouvelle donne du marché comme des exigences de la création. Je crains que cette dernière recommandation ne passe par pertes et profits !

Les derniers épisodes de la crise de la presse, avec le rachat des Échos, nous ont montré que la défense du pluralisme et de l'indépendance de la presse n'étaient pas non plus une de vos priorités. Il est vrai que la presse n'est pas en crise pour tout le monde, et, en tout cas, pas pour les publicitaires, ni pour les « gratuits », ni pour les investisseurs. Le dispositif des aides à la presse ne peut à lui seul inverser une tendance de fond. Il ne peut être dissocié des questions soulevées par la concentration et la financiarisation des groupes multimédias. Que Bernard Arnault s'offre un des rares quotidiens français bénéficiaires, et une des plus importantes sources d'information nationale pour les milieux d'affaires, qu'il soit en mesure de choisir l'identité de son principal concurrent avec la revente de La Tribune, sous le regard bienveillant du Gouvernement et de la Présidence de la République, en dit long sur la convergence idéologique entre le pouvoir actuel et les grands groupes industriels. Les journaux se font d'abord avec des actionnaires, qui donnent la ligne éditoriale, l'information n'est plus qu'une simple marchandise. S'il est des secteurs qui doivent être protégés du « tout-libéral », la presse d'opinion ne devrait-elle pas pourtant en faire partie ? C'est de la vitalité de notre démocratie qu'il est question. Peut-être ce sujet mériterait-il également un Grenelle, ou un Valois, pour reprendre l'idée de M. de Broissia...

Dans un tel contexte, le groupe socialiste votera contre la mission « Médias ». (Applaudissements à gauche)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.  - Je remercie les orateurs pour la précision de leurs interventions, qui dressent un tableau complet de l'audiovisuel public, de la presse et de l'audiovisuel extérieur, sujet qui préoccupe particulièrement M. Devernois et Mme Cerisier-ben Guiga.

L'audiovisuel public est un sujet sensible, et les rapporteurs spécial et pour avis, MM. Belot et de Broissia, ont insisté sur l'effort important accompli par l'État, dont l'engagement fort s'est exprimé par le biais les contrats d'objectifs et de moyens. Dès mon arrivée rue de Valois, je me suis battue pour qu'ils soient maintenus car ils marquaient une augmentation sensible, de 3 % pour France Télévisions et de 4,5 % pour Arte. En contrepartie, les chaînes doivent préserver leur identité de chaînes publiques et aborder les nouvelles technologies, comme l'a évoqué M. Assouline, à savoir la TNT, la haute définition et la télévision mobile personnelle.

Faut-il accroître le financement de France Télévisions ? La possibilité de coupures de publicité n'a pas été retenue, notamment pour préserver le pouvoir d'achat. J'ai également tenu compte de l'imbrication du marché publicitaire : une mesure isolée aurait pu avoir des conséquences dangereuses sur les autres médias, telles la radio et la presse.

Certaines réflexions doivent être menées, des chantiers sont à ouvrir, dans le respect de la mission essentielle de France Télévisions. J'espère rassurer M. Ralite à ce sujet : même si nous n'en sommes plus à l'époque de Claude Santelli, nous attendons tous beaucoup de la télévision publique. S'agissant de France Télévisions, nous avons commencé à travailler avec les responsables sur l'évolution des structures, et l'articulation entre les chaînes et la holding. Celle-ci pourrait assurer certaines fonctions support et ainsi dégager des ressources qui constitueraient une des solutions au financement de l'audiovisuel public.

Nous souhaitons un virage éditorial plus marqué car si, comme l'a souligné David Assouline, les pratiques évoluent, il existe un public pour une télévision de qualité. L'audience de grandes séries ou de la pièce de Sacha Guitry, Faisons un rêve, en témoigne.

Une réflexion globale sur le financement de France Télévisions passe non seulement par une mutualisation et le développement des ressources propres, mais aussi par la redevance. Toute augmentation de celle-ci a été écartée pour 2008. Reste à étudier le problème du recouvrement et à réfléchir à un nouveau système. J'ai demandé un audit du paysage publicitaire, pour connaître notamment la répartition des flux et les conséquences des dispositions prises pour la grande distribution. Il ne faut pas déstabiliser un marché aussi imbriqué, mais un apport d'argent donnerait de la souplesse et accroîtrait les possibilités de création pour les producteurs.

En réponse à des observations de MM. Lagauche et Ralite, j'observerai que les grands groupes privés contribuent aussi puissamment à la production et à la création. Ils nous offrent une télévision gratuite, et emploient de bons producteurs, des documentaristes, des experts dans le domaine de l'animation. 16 % du chiffre d'affaires de TF1, soit 240 millions d'euros, sont investis chaque année dans la production.

Un autre chantier portera sur les relations producteurs-diffuseurs. Ce sujet a été évoqué avec les décrets Tasca et les sous-quotas patrimoniaux, auxquels je suis attachée. Ce n'est pas pour les voir disparaître au profit des grands groupes que ces décrets ont été différés.

Les décrets Tasca ont aussi eu des effets pervers en matière de circulation et de diffusion. La réflexion est donc engagée, nous ferons des propositions début 2008 pour moderniser le système tout en respectant les intérêts des diffuseurs, des producteurs et des auteurs.

Le dossier des seuils de concentration n'est pas ouvert, mais je rappelle que nos grands groupes ne sont pas si grands que cela comparés aux groupes des télécom ou étrangers...

Nous réfléchissons à la question des décrochages de France 3. J'ai été saisie par les responsables de France Télévisions, mais reste la question du financement ad hoc.

M. Jacques Valade, président de la commission.  - C'est nous qui l'avions prévu.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Nous allons en parler avec le Premier ministre.

Que M. Lagauche se rassure, nous tiendrons le calendrier des évolutions techniques : les appels d'offre sont lancés par le CSA, le Premier ministre annoncera au printemps le schéma retenu. Le passage au numérique a certes un coût, mais il générera aussi environ 200 millions de ressources. La télévision mobile personnelle pourra s'autofinancer, par exemple via les abonnements.

Nous investissons 370 millions dans l'audiovisuel extérieur, autant que nos voisins européens, mais nos investissements sont éparpillés. Il faut davantage de cohérence : c'est un travail interministériel, coordonné par l'Élysée et le Premier ministre. La complexité du secteur exige que l'on avance prudemment, en recherchant des synergies entre nos différents points forts : diffusion pour TV5, information pour France 24, implantation pour RFI. Jusqu'ici chacun travaillait dans son domaine, sans l'ignorance des autres. Nous allons étudier les propositions du rapport Benamou, qui prône une holding composée de TV5 et France 24, avec un GIE gérant la ressource internet et une agence d'information où les journalistes puiseraient l'information avant de la traiter en fonction de leur culture propre. Nous devons avancer avec nos partenaires de TV5, et résoudre les problèmes financiers et sociaux qui se posent. Les décisions ne sont pas encore prises. Le Sénat sera associé à la réflexion, nous avancerons dans la transparence.

Mme Cerisier-ben Guiga a souligné l'intérêt d'internet et des pôles multimédias dans certaines zones. Nous disposons d'ores et déjà d'une large palette avec la télévision et la radio, notamment en Afrique.

Nous travaillons à un contrat d'objectifs et de moyens pour que RFI engage enfin une réflexion sur son financement et ses structures.

Monsieur Ralite, il n'est pas question de vendre aux enchères les fréquences hertziennes. Je me bats pour que l'on conserve la possibilité de développer notre audiovisuel : il ne faut rien préempter. Des enchères sur le modèle anglais préconisé par le commissaire européen ne sont absolument pas à l'ordre du jour.

M. de Broissia a souligné notre effort en faveur de la presse : 288 millions, en hausse de 6 %. La subvention aux NMPP passe de 8 à 12 millions. Il faut multiplier les points de vente pour répondre à l'omniprésence des gratuits : la création de cinq cents points de vente supplémentaires a déjà stimulé les ventes. Le développement de la presse sur internet pose la question des droits d'auteur. Faut-il un « Valois » de la presse ? En tous cas, nous devons mener une réflexion globale sur un secteur en pleine mutation. Nous sommes attachés au pluralisme : les acquéreurs des Échos et de La Tribune ont apporté beaucoup de garanties, et le combat des rédactions pour leur indépendance est un gage supplémentaire ! Le Gouvernement et la direction de la concurrence suivent ces affaires de près.

Je reviens au financement de France 24, fixé à 70 millions par le projet de budget mais à 88,5 millions par le contrat d'objectifs et de moyens. Le Premier ministre s'est engagé par lettre à abonder la somme initiale au cours de l'année 2008.

L'article 14 de la loi de finances pour 2007 va être rendu applicable grâce à un amendement adopté hier par la commission des finances de l'Assemblée nationale dans le cadre de la loi de finances rectificative.

Nous vivons une période de mutation que nous voulons accompagner en respectant les équilibres dans un secteur qui n'est pas facile mais qui est très important pour chacun, comme l'a souligné M. Ralite.

Développer de grands groupes n'est pas mal en soi mais il faut aussi développer notre audiovisuel public vers l'extérieur. C'est un mouvement d'ensemble à conduire. Et nous pouvons être fiers de notre télévision : on s'en rend compte à l'étranger ! (Applaudissements au banc des commissions)

Examen des crédits

M. le Président. - Amendement n°II-15, présenté par M. Belot, au nom de la commission des finances.

I. Créer le programme : Action audiovisuelle extérieure

II. Supprimer les programmes : Chaîne française d'information internationale, Audiovisuel extérieur

III. En conséquence, modifier comme suit les crédits des programmes : 

(en euros)

Chaîne française d'information internationale : AP : - 70 000 000 CP : - 70 000 000

Audiovisuel extérieur : AP : - 159 191 844 CP : - 159 191 844

Action audiovisuelle extérieure : AP : + 229 191 844 CP : + 129 191 844

M. Claude Belot, rapporteur spécial. - Nous voulons regrouper le plus possible l'audiovisuel public, y compris en matière budgétaire : le contrôle est plus facile sur un seul programme ! Nous avons cru comprendre que les choses étaient en train de se faire mais que c'était un peu compliqué. L'esprit n'est pas de gêner le Gouvernement. Si cet amendement ne vous agrée pas, nous le retirons bien volontiers ; s'il vous arrange, le Sénat sera unanime à le voter.

M. Jean Arthuis, président de la commission. - C'est en quelque sorte un programme « France monde »...

Mme Christine Albanel, ministre. - Je comprends votre souci de plus grande cohérence mais, à ce stade, je ne puis être favorable à cet amendement.

L'amendement n°II-15 est retiré.

Les crédits de la mission sont adoptés.

Article additionnel

M. le Président. - Amendement n°II-54, présenté par M. de Broissia, au nom de la commission des affaires culturelles.

Avant l'article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le III de l'article 1605 du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « À compter du 1er janvier 2009, ce montant est revalorisé, chaque année, dans la même proportion que l'indice des prix à la consommation ».

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. - Nous n'avons pu réévaluer la redevance il y a deux jours, si bien que le pouvoir d'achat de l'audiovisuel public va continuer de diminuer. Je dois dire que les groupes politiques ne m'ont guère soutenu à cette occasion... (Exclamations sur les bancs socialistes)

J'ai entendu le Président de la République : ce qui vaut pour les loyers vaut aussi pour la redevance ! Elle doit augmenter au même rythme que les prix à la consommation. En n'augmentant pas la redevance, on passe à 65 millions sur le budget de l'État. Il ne faut pas se leurrer : c'est toujours payé : si ce n'est pas par la redevance, c'est par l'impôt ou par la publicité. Il n'y a pas d'information gratuite, monsieur Ralite.

M. Jack Ralite. - Ai-je dit quelque chose de tel ? Il doit s'agir d'un homonyme.

M. Claude Belot, rapporteur spécial. - Depuis des années, nous faisons un numéro de duettistes sur ce thème. (Sourires) Du simple fait que cet amendement a été repoussé en première partie, nous ne pouvons l'adopter maintenant. La commission dit non à cet amendement mais elle ne nie pas la réalité du problème. La redevance n'est pas exactement un prélèvement obligatoire puisque nul n'est contraint de détenir un téléviseur.

Il y avait une recette affectée à une action particulière et, la marée montant, les moyens montaient. Le service de la redevance savait ce qu'il donnait à Bercy et nous le faisait savoir, grâce à quoi il nous est arrivé plusieurs fois de prendre le Gouvernement en flagrant délit de captation de ces sommes pour d'autres usages. Mais il n'y avait pas de crédit budgétaire.

Aujourd'hui, le système est renversé : l'État s'arc-boute sur une redevance ne varietur et, constatant que son produit est insuffisant alors qu'il a déjà garanti une augmentation des crédits, prend l'engagement de payer. Depuis vingt ans que j'y siège, je vois la commission des finances tenter de trouver des ressources convenables sans trop plumer la volaille. On raisonne mal mais c'est ainsi, la messe est dite pour cette année ; préparez vos prières pour l'année prochaine. (Sourires)

Mme Christine Albanel, ministre. - Le Gouvernement a décidé de ne pas augmenter la redevance cette année à cause du pouvoir d'achat. Pour 2009, on verra.

M. Ivan Renar. - Je ne crois pas que la question soit définitivement tranchée ; je suis pourtant un vieux conventionnel régicide ! (Sourires) Face aux défis actuels, l'avenir du service public de l'audiovisuel passe par l'augmentation de ses ressources. La publicité nuit à la spécificité de la télévision publique et elle fragilise la presse écrite, mais la redevance est devenue taboue, sauf quand on supprime, de façon scandaleuse, l'exonération pour les plus de 65 ans.

Il est clair que, sans moyens supplémentaires, France télévisions ne pourra faire face. Il faut sortir de ce cercle vicieux. Dans la Cantatrice chauve, Ionesco écrit : « prenez un cercle, caressez-le et il devient vicieux ». M. de Broissia en est aujourd'hui la victime expiatoire.

Notre redevance est une des plus faibles d'Europe. L'augmenter d'un euro, c'est en accroître le produit de 20 millions. On peut aussi en élargir le périmètre, l'indexer sur le coût de la vie, en agrandir l'assiette jusqu'aux fournisseurs d'accès à Internet, grâce à quoi le montant payé par chacun serait plus faible. Nous vivons une période révolutionnaire. Pourquoi ne pas révolutionner la redevance ?

Il ne suffit pas d'améliorer les tuyaux, il faut aussi améliorer les contenus. Pour que le service public de l'audiovisuel diffuse des émissions culturelles, il faut que l'État joue son rôle d'actionnaire afin de remettre la pensée, l'intelligence et le sensible au coeur de l'image et du son.

Cet amendement est contradictoire car il prévoit l'augmentation de la redevance mais il ne remet pas en cause la suppression de l'exonération pour les personnes âgées. Pourtant, nous le voterons.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. - Nous nageons en pleine incohérence ! Nous ne faisons que proposer une revalorisation de la redevance et c'est d'autant plus acceptable que dans les autres pays européens, elle est nettement plus élevée. Il n'y a qu'en Italie où elle est inférieure à 100 euros. Voulons-nous un audiovisuel à l'italienne ? A priori, non, même s'il fut un temps où l'on avait fait venir M. Berlusconi en France...

Nous proposons au Gouvernement de réévaluer la redevance et on nous dit non en première partie, puis non en deuxième partie de la loi de finances. Et il n'y a pas de troisième partie...

Il faut que l'aide publique soit clairement identifiée. Si une chaîne publique diffuse Le Trouvère ou du Sacha Guitry, c'est de la publicité en moins. Cela ne rapporte pas, que voulez-vous !

Nous proposons une mesure d'une simplicité biblique que mon conseil municipal comprendrait. Mais on nous la refuse...

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Je suis très intéressé par ce débat où chacun est dans son rôle. Nous sommes fiers de l'audiovisuel public français mais nous n'avons pas encore tranché un certain nombre de contradictions. Nous voulons de la publicité, mais aussi de la redevance. Lorsque nous avons auditionné le président de France Télévisions, il m'est apparu qu'il y avait peut-être encore des marges de progression et que certaines réformes structurelles étaient encore au milieu du gué. Une augmentation de la redevance risquait d'envoyer un mauvais signal alors qu'il est de la responsabilité du Gouvernement d'indiquer clairement que l'audiovisuel public doit être administré.

Il est évident que nous souhaitons que les chaînes publiques remplissent leurs missions mais il n'est pas sûr que le meilleur moyen soit d'indexer la redevance sur l'indice du coût de la vie. Peut-être faudra-t-il ensuite aller plus loin si l'on tranche le débat entre la publicité et la redevance.

Nous devrons sans doute améliorer encore la situation, notamment sur le plan juridique. M. de Carolis estime en effet que l'organisation en silo n'est pas optimale et qu'un décloisonnement juridique permettrait de réaliser des économies. La revalorisation de la redevance n'est donc pas la seule bonne réponse.

Nous avons beaucoup d'affection et d'attachement pour M. de Broissia et pour la commission des affaires culturelles, mais c'est à regret que nous sommes défavorables à son amendement. Nous aurons d'autres rendez-vous et d'autres auditions avec la commission des affaires culturelles pour poursuivre la réflexion. En outre, je serais intéressé d'entendre le Gouvernement sur cette question dans les prochains mois.

M. David Assouline. - Avec l'intervention du président Arthuis, nous avons compris que la commission des finances ne voulait pas donner les moyens nécessaires au service public de l'audiovisuel. Il serait pourtant absolument normal de permettre au grand actionnariat populaire, dont parlait M. Ralite, de financer ces chaînes.

Je suis très étonné que l'on vienne nous dire d'attendre au motif qu'il existe encore des marges de progression : c'est un peu comme si on nous disait que grâce au plan d'économie, on allait ensuite pouvoir augmenter la redevance. J'ai dit à M. de Carolis que si son plan de restructuration permettait de dégager de nouveaux moyens, cela permettrait au personnel d'avoir une vie plus agréable et de bénéficier d'augmentations de salaires, mais non pas de faire des économies et de licencier.

Or, aujourd'hui, les moyens sont insuffisants et France Télévisions est confrontée à une course à l'audimat qui l'empêche de diffuser certains programmes. Elle peut, un soir, réaliser un bon coup en diffusant une pièce de théâtre, mais elle ne pourra pas le faire tous les soirs, car les autres chaînes diffusent des séries américaines.

Avec cet amendement, il ne s'agit pas d'augmenter la redevance, mais de suivre le coût de la vie alors que depuis neuf ans elle n'a pas été revalorisée. Il s'agit donc d'un simple rattrapage. En Europe, les redevances sont non seulement plus importantes, mais elles augmentent régulièrement. En Allemagne, elle est passée de 196 à 204 euros sans que cela pose le moindre problème. Je ne comprends toujours pas pourquoi les amendements de la commission des affaires culturelles sont systématiquement retoqués. Les parlementaires doivent faire ce qu'ils estiment juste et pas seulement démagogique.

M. Jack Ralite. - Les paroles du président de la commission des finances sont raisonnables, mais elles me convaincraient davantage si elles étaient toujours les mêmes sur tous les sujets. Or, mardi, lors du vote qui est intervenu à la suggestion de Free, on ne s'est pas préoccupé des dépenses supplémentaires qui allaient incomber à l'État. Il en est de même pour tous les cadeaux qui sont faits, sans aucun regret, aux grands groupes de diffuseurs depuis des années. Et ils continuent à demander la suppression de règles qu'ils jugent trop contraignantes alors qu'ils gagnent bien leur vie.

Quand on supprime l'exonération de redevance pour les personnes âgées, l'État empoche les sommes correspondantes. Il n'y a donc qu'un perdant : le service public. J'en arrive à me dire qu'en haut lieu, on n'en veut pas !

Je voterai cet amendement : c'est une question de principe.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. - Depuis quelques années, nous essayons de convaincre le Gouvernement -quel qu'il soit d'ailleurs- que l'audiovisuel ne peut rester immobile. Lors de l'élaboration des contrats d'objectifs et de moyens, nous nous efforçons d'apporter notre contribution de façon à ce que la télévision publique réponde aux attentes des téléspectateurs.

Le président de la commission des finances souhaite que les crédits mis à la disposition de France Télévisions soient utilisés avec rigueur. Lors de son audition, M. de Carolis a indiqué quelles pouvaient être les économies et nous avons vu ensemble comment améliorer l'utilisation des subventions.

M. de Carolis nous a confirmé qu'une telle réforme est en cours. Le chef de l'Etat a donné des instructions pour que la fonction culturelle soit assumée par France Télévisions.

Madame la ministre, on ne peut demander tous ces efforts à l'audiovisuel public et contraindre ses moyens à ce point. Nous demandons une augmentation modeste de la redevance, vous nous la refusez. Nous ne sommes pas obstinés, mais cohérents et nous demandons seulement d'indexer la redevance sur le coût de la vie, alors qu'elle n'a pas augmenté depuis neuf ans !

Les moyens nouveaux vont être absorbés par la mise à niveau technologique.

M. David Assouline. - Bien sûr !

M. Jacques Valade, président de la commission. - Je regrette d'être en contradiction avec le président de la commission des finances, mais je voterai cet amendement.

A la demande du Gouvernement, l'amendement n°II-54 est mis aux voix par scrutin public.

M. Jack Ralite. - Certains ont pris peur !

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 305
Nombre de suffrages exprimés 304
Majorité absolue des suffrages exprimés 153
Pour l'adoption 133
Contre 171

Le Sénat n'a pas adopté.

Article 62 

Le deuxième alinéa du 3° de l'article 1605 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Le bénéfice de ce dégrèvement est maintenu à partir de 2006 s'agissant des redevables visés au B du IV de l'article 37 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003) et pour les seules années 2006 et 2007 s'agissant des redevables visés au A du même IV, lorsque : ».

M. Ivan Renar. - Cet article réintègre dans l'assiette de la redevance près de 800 000 foyers, constitués de personnes âgées et de personnes handicapées, qui ne satisferaient plus aux conditions de l'exonération. Cependant, l'audiovisuel public n'en gagnera pas un euro : le budget général sera le seul gagnant, puisqu'il n'aura plus à compenser ces exonérations ! En fait, 800 000 retraités ou handicapés donneront leur écot pour réduire le déficit public.

D'un côté, on aménage les concessions de la quatrième licence UMTS pour complaire à un opérateur privé qui n'a pas les moyens d'acquitter les droits d'entrée de 619 millions, de l'autre on reprend 40 millions à des retraités et des handicapés : comme pour les régimes spéciaux, c'est confiseries pour les uns, et potion amère pour les autres ! On impose la rigueur aux téléspectateurs, mais on accorde les plus grandes facilités à quelques grands groupes privés de l'audiovisuel. On s'arrache à prix d'or l'exclusivité d'événements sportifs, on racole le téléspectateur avec des programmes qui se situent en dessous de la ceinture, on farcit les programmes de publicités, mais on désarme le secteur public en lui refusant les moyens qui lui sont nécessaires ! Nous voterons contre cet article.

L'article 62 est adopté.

Prochaine séance aujourd'hui vendredi 30 novembre à 10 h 45.

La séance est levée à 1 h 45.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du vendredi 30 novembre 2007

Séance publique

À 10 HEURES 45, 15 HEURES ET LE SOIR

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (n° 90, 2007-2008).

Rapport (n° 91, 2007-2008) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

Examen des missions :

- Justice

M. Roland du Luart, rapporteur spécial  (rapport n° 91, annexe n° 16) ;

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 96, tome III) ;

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 96, tome IV) ;

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 96, tome V).

- Travail et emploi (+ articles 52, 53, 53 bis, 54 à 59)

M. Serge Dassault, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 33) ;

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 95, tome VII).

- Solidarité, insertion et égalité des chances (+ articles 49 à 51 bis)

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial  (rapport n° 91, annexe n° 31) ;

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 95, tome VI).

_____________________________

DÉPÔTS

La Présidence a reçu de M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux.