Modification du Règlement du Sénat

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat pour mettre en oeuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat, présentée par M. Gérard Larcher, Président du Sénat.

Discussion générale

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois.  - On connaissait le texte de la chanson, il fallait le mettre en musique... Nous allons le faire aujourd'hui avec l'examen de cette proposition de résolution.

Ce texte est le fruit de la longue réflexion menée par le groupe de travail animé par le Président Gérard Larcher, avec pour co-rapporteurs le vice-président Bernard Frimat et Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je rends hommage à l'un comme à l'autre pour le travail remarquable qu'ils ont accompli entre octobre et mars.

Un consensus a été recherché, mais il n'a pu être atteint faute de l'assentiment du groupe CRC-SPG, qui a confirmé son opposition à la révision constitutionnelle et à la loi organique. Notre commission a émis un avis défavorable aux amendements présentés par ce groupe : ils ne sont pas en harmonie avec l'esprit de ce texte, et ne sont pas non plus conformes au texte de la Constitution et de la loi organique.

La recherche d'un accord minimum m'a conduit à ne retenir que les amendements acceptés par le groupe de travail et défendus par les co-rapporteurs, et portant exclusivement sur la loi organique. Les autres aspects de notre Règlement pourront être abordés lors du rendez-vous prévu l'année prochaine ; les amendements s'y référant, dont certains ne manquent pas d'intérêt, ont donc été rejetés.

Notre Règlement, une fois modifié, respectera davantage les parlementaires et leurs groupes, les droits de l'opposition et des minorités. Cela se traduira par la composition du bureau du Sénat, par le droit pour les groupes minoritaires ou d'opposition de demander la création d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information, par la désignation aux organismes extraparlementaires et au bureau des commissions permanentes à la proportionnelle des groupes, ainsi que dans les débats thématiques, les résolutions, les débats d'initiative sénatoriale et les questions cribles.

Le rôle de la Conférence des Présidents sera renforcé. Nous accepterons cependant un amendement présenté par Hugues Portelli, qui tient compte d'une éventuelle opposition du Conseil constitutionnel : nous avions prévu que seule la Conférence des Présidents pût initialement fixer l'ordre du jour, mais il convient de mentionner également le Gouvernement.

M. Michel Charasse.  - Sagesse !

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - L'institution de la clôture a été renouvelée. Désormais, si le débat risque de s'enliser, la Conférence des Présidents sera immédiatement saisie. S'il faut prononcer la clôture une seconde fois, le temps de parole sera limité et seul un représentant de chaque groupe pourra s'exprimer. C'est un progrès, et cela nous évite d'opter pour un temps de parole « global » limité. Nous jugerons à l'usage de l'efficacité de cette procédure.

Cette proposition a recherché tout à la fois l'efficacité, la souplesse, l'adaptabilité et la transparence. Pour ce qui est de l'organisation du travail des commissions, nous avons dû rétablir la présence du Gouvernement, même pendant les votes, conformément à une décision du Conseil constitutionnel. Afin de faire face aux problèmes éventuels, il nous faudra adopter des règlements des commissions précisant dans quelles conditions les ministres pourront se faire assister de leurs collaborateurs.

Voilà qui recoupe une autre disposition, déposée par certains présidents de groupes, visant à autoriser la présence de collaborateurs. Ceci ne relève pas du Règlement, mais de l'instruction générale du bureau, à laquelle il reviendra de décider si les commissions peuvent s'ouvrir à d'autres personnes ou faire l'objet d'une diffusion télévisuelle. (M. Michel Charasse s'émeut) L'article 4 précise encore les appellations des commissions, l'article 10 les modalités de nomination de leurs membres, l'article 11 leurs pouvoirs d'évaluation et de contrôle, l'article 12 la procédure de dépôt et de diffusion des projets et propositions de loi, l'article 13 la procédure d'examen accéléré.

Nous avons eu un long débat, en commission, sur la question de l'irrecevabilité prévue aux articles 40 et 41 de la Constitution, qui nous a amenés à étendre l'irrecevabilité financière de l'article 40 aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, et donc à nous prononcer favorablement sur les amendements présentés en ce sens par MM. About et Vasselle.

Ce sera également un progrès que la commission saisie au fond, nommément son président, puisse déclarer l'irrecevabilité financière d'une disposition. En cas de doute, il saisira le président de la commission des finances, et s'il devait y avoir désaccord, la question se résoudra de la même manière qu'aujourd'hui.

Pour l'irrecevabilité de l'article 41, peu de changements : elle relèvera du Président de notre assemblée ou du Gouvernement, et le Conseil constitutionnel sera saisi en cas de désaccord.

Les nouvelles règles régissant le calendrier et les horaires répondent au même objectif de souplesse, d'efficacité et de transparence. Nous avons prévu des horaires de principe, mais pas de règle pérenne, qui n'aurait pas permis de parer aux chevauchements des réunions. L'article 3 prévoit ainsi que les réunions du bureau et des groupes auront lieu, en principe, le mardi matin tandis que l'article 8 pose des horaires de principe pour les réunions des commissions, celles de la commission des affaires européennes et de la délégation aux droits des femmes pouvant, c'est une nouveauté, avoir lieu, en principe, hors des jours de réunion de l'assemblée plénière.

L'article 16 fixe les règles relatives à l'ordre du jour et à l'organisation des débats...

M. Michel Mercier.  - En principe...

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - ...tandis que l'article 17 prévoit les règles d'organisation de la discussion générale, les horaires de séance étant fixés aux mardis, mercredis et jeudis matin, après-midi et soir. Il reviendra à la Conférence des Présidents d'y ajouter d'éventuelles séances les lundis et vendredis.

Une question reste en suspens : où s'arrête le soir ? Est-ce à l'heure où l'on ferme les grilles du jardin, ou à minuit, voire au-delà ? (Murmures) Je laisse ce point à votre appréciation.

J'en viens à l'article 24, qui fixe, et c'est une grande nouveauté, le temps de présentation des amendements à trois minutes au lieu de cinq. En revanche, les interventions sur un article, un amendement et les explications de vote restent fixées à cinq minutes.

Conformément à ce que prévoit la Constitution, les dispositions permettant de discuter en séance sur le texte établi par la commission ne s'appliquent pas aux lois constitutionnelles, aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, pour lesquelles c'est le texte du Gouvernement qui vient en discussion.

Autres nouveautés, celle de l'article 27, sur l'information et l'autorisation parlementaire en matière d'interventions de troupes à l'étranger, celle du très long article 28, qui organise les nouvelles compétences de la commission des affaires européennes et l'adoption des résolutions, celle de l'article 30, enfin, relatif au budget et aux comptes du Sénat, et sur lequel un important amendement nous sera présenté.

C'est au total un projet de Règlement très libéral sur lequel nous sommes appelés à débattre, et qui satisferait pleinement nos voisins britanniques. Mais pour être efficace, il faudra qu'il soit correctement appliqué ; il faudra que les responsables des groupes et chaque parlementaire respectent le fair play, si l'on veut éviter que les débats ne s'enlisent. Le Gouvernement aussi devra se discipliner. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) Il lui reviendra d'éviter les textes fourre-tout, trop longs, et qui appellent un trop grand nombre d'amendements.

Il nous appartiendra enfin, lors du rendez-vous fixé à l'an prochain, de réfléchir sur les pouvoirs des commissions : dans quelle mesure sont-elles susceptibles de décider de modifications législatives qui conduiraient à réduire les débats en séance publique ? Si tel devait être le cas, il faudra repenser notre organisation dans l'espace et réfléchir à la question de la publicité de leurs débats.

Nous avons là, ainsi que je vous le disais, un texte à mettre en musique : tout dépendra des interprètes. A nous de jouer un concert harmonieux et d'éviter l'abominable cacophonie. (M. Jean-Pierre Michel se gausse) Il y va de notre crédibilité : Les Français, le Gouvernement et ceux qui suivent nos travaux sont à l'écoute !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Cette proposition, fruit d'une initiative du Président Larcher, fait suite à la réflexion approfondie d'un groupe de travail au sein duquel tous les groupes politiques étaient représentés, et qui est parvenu à un large consensus, même si l'opposition de certains à la révision constitutionnelle ne leur permettait pas d'apprécier totalement la démarche. Je remercie M. Frimat, qui a participé autant que moi à la rédaction de ce texte (M. Michel Mercier s'amuse), comme y ont contribué M. Mercier, bien sûr (sourires) et tous les groupes.

M. Michel Mercier.  - L'enfant a beaucoup de vos traits.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il s'agit ici de mettre en oeuvre la révision constitutionnelle et de conforter le pluralisme sénatorial.

Il ne s'agit en aucun cas de modifier le Règlement de fond en comble, car nombre de nos pratiques actuelles sont pleinement satisfaisantes. Nous nous sommes au reste fixé rendez-vous à un an pour mieux mesurer les conséquences de la révision constitutionnelle -qui ne va pas sans la loi organique, ni, bien sûr, sans les décisions du Conseil constitutionnel, qui mériteraient une thèse à elles seules...

M. Michel Mercier.  - En effet !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Un rôle central est dévolu à la Conférence des Présidents, car, ainsi que l'a fait observer notre rapporteur, le Règlement doit rester un cadre souple et adaptable. C'est le cas pour la clôture du débat, qui devra être précédée d'un dialogue au sein de la Conférence. Nous avons veillé à garantir le droit des groupes de l'opposition et des groupes minoritaires (M. Michel Mercier et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat le soulignent), conformément à l'article 51-1 de la Constitution, qui, avec son article 48, et les dispositions nouvelles du Règlement assurant le respect du pluralisme dans la désignation de nos représentants auprès des organismes extra-parlementaires, dans celle des membres des commissions mixtes paritaires et prévoyant un droit de tirage sur la création des missions d'information et commissions d'enquête, illustre la volonté de permettre à tous de participer et de reconnaître les droits des groupes minoritaires, sous réserve que le nombre de leurs membres soit suffisant -mais il est vrai que l'un de nos présidents a déclaré que tous les groupes sont, au Sénat, minoritaires...

M. Josselin de Rohan.  - Rien de plus vrai !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Le fait que nous délibérions désormais, en séance, sur le texte adopté par la commission appelle sans doute une rationalisation de nos travaux, M. de Raincourt ne me contredira pas. A la lumière de nos premières expériences, il apparaît que nous ne sommes peut-être pas parvenus à l'équilibre sur la question de la répartition du droit d'amendements en commission et en séance. Il nous faudra de même réfléchir à la question de la publicité de nos débats en commission.

En effet, la publicité des débats n'est pas synonyme de séance publique. Il reste que la mise à disposition plus rapide et plus complète du travail des commissions est un des aspects de la réforme engagée par le Président du Sénat et par le Bureau.

Je reviens brièvement sur la présence des ministres en commission, pour dire que nous devons modifier en conséquence l'article 8. Au demeurant, je ne suis pas certain que cette présence simplifie nos débats. Heureuse commission des finances ! Heureuse commission des affaires sociales ! La première examine les lois de finances et la deuxième les lois de financement de la sécurité sociale, hors de toute présence ministérielle. Je souhaite que la commission des lois bénéficie d'une disposition analogue, mais nous ne sommes pas à la veille d'une nouvelle révision constitutionnelle...

Nous pouvons nous interroger sur la coexistence entre d'une part l'ordre du jour partagé, d'autre part la volonté de réaliser les réformes sur lesquelles le Président de la République et la majorité parlementaire se sont engagés. Empêcher la réalisation des promesses électorales serait contraire à la démocratie, mais le nouveau dispositif conduit à l'impasse, sauf à mettre systématiquement en oeuvre la procédure d'urgence dite « accélérée ».

Le contrôle de l'action gouvernementale doit se développer, mais à condition d'être substantiel et d'arriver en séance publique après une considérable préparation en amont. Dans cette activité, les commissions et les groupes -notamment de l'opposition ou minoritaires- doivent jouer un rôle fondamental de proposition. Pour ne pas rester anecdotique, ce contrôle doit s'inscrire dans la durée.

En définitive, la sécurité juridique des articles 34 et 37 de la Constitution est souvent absente. L'inflation législative -qu'il s'agisse du nombre de textes ou de leur longueur- pèse lourdement.

Pour conclure, je citerai tout d'abord Montesquieu : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ». J'invoquerai aussi Portalis : « Normalement la loi doit uniquement permettre, ordonner ou interdire ». Je finirai avec la plus belle citation, celle de Montaigne : « Nous avons en France plus de lois que dans le reste du monde ensemble, et plus qu'il n'en faudrait à régler tous les mondes d'Épicure... Qu'ont gagné nos législateurs à choisir 100 000 espèces et faits particuliers et à y attacher 100 000 lois ? Les plus désirables, ce sont les plus rares, plus simples et générales ». Puissions-nous nous référer à ces grands auteurs ! (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)

M. Bernard Frimat.  - Revaloriser le Parlement grâce à des pouvoirs nouveaux : telle était l'ambition prétendue de la révision constitutionnelle. Le message a été martelé afin de bien entrer dans la tête de nos concitoyens. Que de constitutionnalistes forcément éminents et de commentateurs naturellement avisés ont condamné les parlementaires qui avaient l'outrecuidance de ne pas rejoindre le concert de louanges à la gloire de cette grande réforme institutionnelle !

Qui peut prétendre aujourd'hui que le Parlement dispose de nouveaux pouvoirs et qu'il ait été revalorisé ?

Nous avions dénoncé l'avènement d'une monocratie, un renforcement accru de l'exécutif et l'illusion de nouveaux pouvoirs parlementaires. Les faits nous donnent raison.

M. Michel Mercier.  - Ah bon ?

M. Bernard Frimat.  - Nos craintes ont été confirmées par les lois organiques révélant les réelles intentions du Gouvernement, lui-même simple porte-voix de la volonté présidentielle : il fallait avant toute chose mettre en oeuvre les facilités dont le Gouvernement avait besoin. Ce fut l'objet de la première loi organique votée conforme par le Sénat. Ainsi, un ministre anciennement parlementaire rejoindra son assemblée d'origine à la fin de sa fonction ministérielle. La nomination de M. Xavier Bertrand au secrétariat général de l'UMP exigeait cette grande avancée démocratique... Il fallait ensuite déterminer la composition de la commission devant émettre un avis public sur le découpage des circonscriptions législatives. Loin de toute garantie de pluralisme, la nomination de son président par le Président de la République aggrave les doutes sur son indépendance. Enfin, le Gouvernement voulait revoir ce découpage par ordonnance, afin que M. Marleix puisse montrer l'étendue de ses talents.

Il faut beaucoup d'optimisme pour estimer que le recours aux ordonnances augmente les pouvoirs du Parlement. Il faut beaucoup de naïveté pour considérer comme démocratiquement irréprochable un découpage manifestement injuste et partisan, qui semble même négliger l'insistance du Conseil constitutionnel sur le respect de l'équilibre démographique.

Dans cette première loi organique, rien n'a revalorisé le Parlement.

M. Josselin de Rohan.  - Hors sujet.

M. Bernard Frimat.  - Les zélateurs du projet de révision avaient amplement disserté sur la limitation que le Président avait voulu imposer à son pouvoir de nomination. Ils glorifiaient la capacité de contestation offerte au Parlement, alors que ce faux-semblant exige une majorité des trois cinquièmes pour refuser le choix du Président. Un tel conflit entre le chef de l'État et la majorité Parlementaire n'est qu'une vue de l'esprit. En revanche, la volonté présidentielle d'étendre le champ de son pouvoir de nomination n'a rien de factice, la loi sur l'audiovisuel l'atteste. Les nominations de MM. Jean-Luc Hees et Yves Guéna ont montré l'inexistence du supposé pouvoir parlementaire.

La loi organique relative au fonctionnement du Parlement et la pratique gouvernementale au cours de la session ordinaire ont ôté les dernières illusions des parlementaires séduits de bonne foi par le discours sur les nouveaux droits. On nous avait annoncé un progrès significatif ; nous constatons un important recul démocratique.

La navette parlementaire a été supprimée en pratique, le dialogue entre les deux assemblées se limitant aux membres des commissions mixtes paritaires. Le recours systématique à la procédure d'urgence a été remplacé par le recours systématique à la procédure accélérée, malgré le constat fait unanimement lors des débats sur la révision que l'abus de cette procédure nuisait à l'élaboration des textes de loi.

Nous avions proposé de limiter quantitativement l'urgence, mais la majorité a préféré la modification sémantique introduisant la procédure accélérée. La novation tient à la possibilité offerte aux deux Conférences des Présidents de l'empêcher par une décision identique. La concrétisation de cette liberté formelle traduirait un conflit entre la majorité parlementaire et le Président de la République, puisque c'est lui qui définit en réalité les projets de loi. Prenons date, et armons-nous d'une infinie patience pour attendre la première mise en échec de la nouvelle procédure.

Pour le chef de l'État, le Parlement n'est plus le lieu où la souveraineté du peuple s'exprime par la loi : il est vu comme un frein à la réalisation des annonces présidentielles. Fussent-elles contradictoires, celles-ci doivent trouver une traduction législative au plus vite ! Plusieurs lois ont été appliquées avant leur vote, cependant que certains textes adoptés, qui n'ont plus l'heur de plaire, sont négligés. Quel mépris pour les travaux parlementaires ! Les députés réclament à juste titre d'examiner en deuxième lecture la loi Hôpital. A leur place, nous ferions de même.

La priorité absolue pour le Gouvernement est d'avancer le plus vite possible. Ainsi, à la procédure accélérée s'ajoutent la multiplication des séances de nuit et l'adjonction du lundi, du vendredi, outre la systématisation de sessions extraordinaires qui n'ont d'extraordinaires que le nom, puisqu'elles sont devenues notre ordinaire en juillet, le mois de septembre paraissant appelé à connaître le même sort.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Nous sommes trop bavards...

M. Bernard Frimat.  - Siéger souvent, légiférer vite sous la surveillance du Gouvernement, limiter le droit d'amendements et le débat parlementaire en séance publique : telle est la pratique du Gouvernement, bien loin de revaloriser la représentation nationale.

Qui peut présenter comme un progrès la possibilité pour le Gouvernement d'être en permanence présent en commission ? Certes, il doit se faire entendre quand il le veut, mais après s'être exprimé, ne peut-il laisser les parlementaires élaborer le texte de la commission ? Doute-t-il à ce point de sa majorité qu'il veuille la mettre sous surveillance constante ? (A gauche, on confirme cette interprétation) Pour avoir à nouveau de l'intérêt, la séance publique doit être le lieu où les positions se confrontent avant la décision. Là où la démocratie exige la séparation des pouvoirs, le Gouvernement organise leur confusion !

Alors que rien ne l'y obligeait, le Gouvernement a voulu permettre l'instauration d'un temps global de débats parlementaires, ce qui pourrait empêcher un parlementaire de défendre son amendement pour convaincre ses collègues. Censée augmenter les droits des parlementaires, la révision constitutionnelle pourra donc leur ôter la plénitude du droit d'amendements. Quel paradoxe, ou plutôt quel aveu ! Le Sénat n'instaure pas le temps global ? Nous nous en réjouissons, mais la possibilité demeure.

Nous avons voté contre la dernière révision constitutionnelle et contre la loi organique qui l'a suivie. Aujourd'hui nous sommes saisis d'une proposition de modification du Règlement qui doit nécessairement respecter la Constitution, la loi organique et la dernière décision du Conseil constitutionnel, c'est-à-dire entériner des évolutions auxquelles nous ne sommes pas favorables.

Cependant les sénateurs socialistes ont participé sans réticence aux travaux du groupe de travail chargé de préparer la réforme, dont M. Gélard a présenté fidèlement les conclusions. Malgré quelques divergences, de nombreux points ont fait l'objet d'un accord unanime. Nous regrettons que la majorité n'ait voulu confier aucune présidence de commission à l'opposition. Mais ce texte représente un point d'équilibre eu égard au rapport de forces politique actuel, et un progrès par rapport au précédent Règlement. Nous avons voulu manifester notre satisfaction en ne déposant pas d'amendements. La commission des lois a amélioré la rédaction de certains passages et apporté quelques précisions, tout en respectant l'équilibre général. Ce texte reconnaît des droits à l'ensemble des groupes parlementaires, en prévoyant par exemple l'attribution des postes de responsabilité à la proportionnelle des groupes et au plus fort reste, alors que l'opposition était jusqu'ici soumise au bon vouloir de la majorité. Le fonctionnement démocratique de notre assemblée s'en trouvera renforcé. Nous nous félicitons également que le temps de parole global n'ait pas été instauré, et que chaque sénateur conserve ainsi la plénitude de son droit d'intervention en séance publique. Il est heureux que cette réforme ait été élaborée dans un esprit de dialogue.

Voilà pourquoi les sénateurs socialistes ne s'opposeront pas à la proposition de résolution ; si elle est mise aux voix par scrutin public, ils déposeront dans l'urne un bulletin rouge. (Applaudissements sur les bancs socialistes. Mme Anne-Marie Escoffier et M. François Fortassin applaudissent également)

M. Michel Mercier.  - Cette proposition de modification du Règlement du Sénat résulte de la dernière révision constitutionnelle et de la récente loi organique. Souhaitons que les autres lois organiques prévues soient rapidement adoptées, afin de rendre pleinement effectives les nouvelles dispositions de la Constitution : je pense notamment à l'instauration d'un contrôle de constitutionnalité qui offrira à chacun de nos concitoyens un nouveau droit.

Certaines dispositions du présent texte pourraient être regroupées sous le titre : « Un progrès du pluralisme au Sénat ». Ce sont des mesures de bon sens. Les responsabilités au sein du Bureau seront désormais attribuées à la proportionnelle des groupes, et le mode de votation de la Conférence des Présidents sera modifié afin que la pondération des voix reflète exactement la composition de notre assemblée : cette mesure capitale devrait faire de la Conférence des Présidents l'organe politique de préparation des débats.

Ces modifications visent à renforcer le rôle des groupes minoritaires et d'opposition. Mais en ce qui concerne les premiers, que je connais mieux, si les textes leur reconnaissent des droits, ceux-ci tardent à se concrétiser. Espérons qu'ils le feront au fil du temps.

J'en viens à la nouvelle organisation du travail législatif, dont l'examen du projet de loi sur l'hôpital nous a donné un avant-goût. Ces dispositions résultent, de l'aveu même de M. Gélard, de l'accord des deux co-rapporteurs du groupe de travail. (Protestations au banc des commissions) M. Gélard a dit lui-même que seuls les amendements conformes aux conclusions des deux co-rapporteurs avaient été retenus !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Les co-rapporteurs n'ont été que les porte-parole du groupe de travail : ils ont rendu compte fidèlement des propositions qui avaient rencontré un large consensus, et auxquelles votre groupe s'était lui-même associé.

M. Michel Mercier.  - Ils étaient aussi leurs propres porte-parole...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Nullement : nous n'avons pas ajouté notre grain de sel !

M. Michel Mercier.  - Toujours est-il que les deux principaux groupes se sont mis d'accord (M. Jean-Pierre Bel proteste) : il faut avoir le courage de le reconnaître ! J'espère au moins que ceux qui ont participé à ces tractations iront jusqu'au bout de leur démarche en votant le texte ! (Nouvelles protestations sur les bancs socialistes)

Le groupe que je préside n'a pas été associé à la réforme de l'agenda parlementaire : c'est justement l'un des points sur lesquels il faudra peut-être revenir au cours des mois ou des années à venir. Les deux plus grands groupes se sont entendus sur les nouveaux horaires des réunions de commission et des séances publiques. Mais notre travail n'a guère changé : il faut tenir compte de la réalité du travail parlementaire ! Il reste du chemin à accomplir avant de trouver un mode de fonctionnement satisfaisant. Il est également nécessaire, tout en garantissant les droits de chaque sénateur, de permettre aux débats parlementaires de progresser.

Je me réjouis que cette réforme ait été élaborée dans un esprit pluraliste, mais j'eusse souhaité qu'elle le fût un peu plus. Cependant ce texte représente un indéniable progrès et a rencontré un large consensus. C'est pourquoi notre groupe, même s'il n'est pas l'auteur de toutes les mesures qui y sont inscrites, assumera ses responsabilités et le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union centriste et quelques bancs du groupe UMP)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est indéniable que le groupe de travail chargé de préparer la réforme du Règlement a travaillé sérieusement. Cela ne signifie pas que cette réforme soit consensuelle. Elle procède de la dernière révision constitutionnelle et de la loi organique du 15 avril contre lesquelles nous avons voté parce qu'il est faux, selon nous, qu'elles aient renforcé le rôle du Parlement.

Le débat sur la loi organique fut significatif : la majorité UMP a choisi de rendre possible la limitation de la durée du débat public au Parlement -c'est le système du « crédit-temps »- alors même que le groupe de travail sénatorial renonçait à inscrire cette disposition dans notre Règlement. L'Assemblée nationale l'a introduite dans le sien. Au sein de cette chambre, les débats ont pris une bien curieuse tournure : le Président Accoyer recherchait un équilibre entre la majorité et l'opposition, entre l'exécutif et la majorité, entre l'exécutif et le Parlement, mais le président du groupe UMP a refusé tout infléchissement au nom du fait majoritaire. Quand on entend Xavier Bertrand, secrétaire général de l'UMP, déclarer que la légitimité de la majorité parlementaire -surtout à l'Assemblée nationale, précise-t-il- procède du Président de la République, on s'aperçoit que la boucle est bouclée !

La révision constitutionnelle, comme la pratique qui l'a précédée et inspirée, conduit à une situation très préoccupante où le pouvoir exécutif est concentré entre les mains du Président de la République, chef de la majorité, tandis que le Parlement en est réduit au bavardage : il peut débattre de divers sujets, créer des missions supervisées par le Gouvernement, bref mener l'inspection des travaux finis, sans grandes conséquences...

Pas une semaine ne passe sans que le Président de la République annonce une nouvelle réforme, au rythme des faits divers, des échéances électorales ou des sondages. Il crée des commissions ad hoc, missionne des personnalités de son choix ; de son côté, le Parlement étudie éventuellement la question en créant sa propre mission chargée de sonder l'opinion -c'est le testing présidentiel...

La loi sur la sécurité intérieure adoptée vendredi dernier en conseil des ministres est la treizième du genre depuis 2002. « Trop de loi tue la loi » : chacun d'entre vous a dû prononcer au moins une fois ces paroles dans cet hémicycle, mais la majorité continue comme un troupeau au bord du précipice... L'inflation législative force le Gouvernement à recourir de manière répétée à la procédure d'urgence, devenue « procédure accélérée », que nous critiquons depuis 1958. Était-il sérieux de déclarer l'urgence sur un texte, le projet de loi pénitentiaire, qui a été voté ici même en mars mais qui n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ? Est-il sérieux de maintenir cette procédure pour le projet de loi sur l'hôpital en privant les députés, élus au suffrage universel direct, de l'examen d'un texte qui a été considérablement réécrit au Sénat, même si le Gouvernement a « repris les choses en main », comme dit élégamment M. Accoyer ?

En cas de procédure accélérée, le délai obligatoire entre le dépôt d'un projet et sa discussion, l'une des rares avancées de la réforme, disparaît.

Mêmes causes, mêmes effets sur le fameux partage de l'ordre du jour. Soit on accepte un débat étriqué, soit le Parlement cède une partie de son ordre du jour, comme cela s'est déjà fait à l'Assemblée et comme cela est en train de se faire ici pour la loi sur l'hôpital. Il n'est pas sérieux d'annoncer une nouvelle répartition de l'ordre du jour sans s'affranchir de l'inflation législative du Gouvernement qui en rend l'application peu crédible quand il ne recycle pas ses projets en propositions de loi. La commission a pourtant rejeté notre amendement interdisant une modification de l'ordre jour en cours de route.

Nous avons déjà dit notre opposition au rôle nouveau des commissions. Présenté comme la quintessence du travail parlementaire, le débat en commission manque de transparence et minore le pluralisme alors que la séance publique assure le pluralisme dans la transparence.

Les premières semaines d'application de la révision constitutionnelles montrent qu'il faut soit réduire le droit d'amendements, comme c'est le cas à l'Assemblée nationale, soit accepter une confusion entre commission et séance publique. La présence des ministres en commission, que vous avez acceptée malgré votre opposition, accentue encore cette confusion qui appelle à réfléchir sur la séparation des pouvoirs. La commission des lois a refusé notre amendement tendant à limiter cette co-élaboration de la loi, qu'elle a qualifié d'anticonstitutionnel.

Nous ne méconnaissons pas le parti pris du Sénat de tempérer le fait majoritaire -la majorité relative du groupe UMP y est sans doute pour quelque chose. Pourtant, qui peut croire que le Sénat pourra longtemps débattre de manière plus démocratique et plus approfondie que l'Assemblée nationale qui sera en permanence sous le coup du 49-3 parlementaire ? J'espère me tromper en discernant dans l'attitude de la majorité sénatoriale un prétexte pour mieux valider la fin du débat démocratique dans l'Assemblée qui a le dernier mot.

Nous avons approuvé les modifications qui renforcent le pluralisme en appliquant la proportionnelle dans les bureaux des commissions, les organismes extraparlementaires ou la Conférence des présidents, ou qui apportent quelque reconnaissance aux groupes en application de l'article 51-1 que nous avions défendu. Cependant, ces avancées très modestes sont habilement contraintes. La commission des lois a ainsi refusé qu'un groupe puisse demander la discussion immédiate d'un projet ou saisir le Conseil constitutionnel. Elle a également refusé que chaque groupe compte un vice-président ou un questeur comme si l'existence de douze groupes, mathématiquement possible, n'était pas politiquement difficile. En refusant notre amendement interdisant le cumul d'avantages de la majorité et de l'opposition par les groupes qui ne se déclarent ni de l'une ni de l'autre, elle a entretenu une confusion regrettable. Elle a enfin rejeté deux amendements de mon groupe sur des points qui semblaient faire accord : placer les motions de procédure avant la discussion générale ; rendre la vérification du quorum à la demande d'un groupe effective.

Le Sénat, où l'alternance n'a jamais existé, a une longue expérience du fait majoritaire et de la rationalisation du débat par la majorité. Le Règlement lui en assurait déjà une parfaite maîtrise -on se rappelle l'irrecevabilité prononcée contre de nombreux amendements lors de la réforme des retraites en 2003.

Dans le contexte actuel du rapport de force, la réforme est moins contraignante ici qu'à l'Assemblée nationale, mais elle poursuit la rationalisation du travail en étendant les irrecevabilités financières et en renforçant un bipartisme qui ne correspond pas à la réalité politique.

Nous voterons contre une réforme du Règlement qui découle d'une révision constitutionnelle que nous réfutons. Nous contestons la répartition des rôles entre l'Assemblée nationale et le Sénat : il ne convient pas que les sages puissent débattre tandis que la chambre élue au suffrage direct serait bâillonnée. Souhaitons qu'on constate rapidement les dangers que la révision constitutionnelle fait courir à l'ordre républicain et qu'on y remédie sans tarder. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG)

M. Henri de Raincourt.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) D'évidence, modifier le Règlement est un acte politique, une nouvelle étape dans le chemin que nous avons commencé à tracer le 7 juillet 2008 en adoptant la plus importante révision constitutionnelle depuis 1958. Accordant une place plus grande au Parlement dans l'élaboration de la loi et dans sa capacité de contrôle et d'évaluation de l'action gouvernementale...

M. Daniel Raoul.  - C'est mal parti !

M. Henri de Raincourt.  - ...elle a commencé à s'appliquer le 1er mars dernier. Il ne faut pas manquer l'étape d'aujourd'hui, qui est une occasion de moderniser notre loi intérieure.

Chacun doit pouvoir s'appuyer sur un texte dont dépend la qualité de nos travaux et l'équilibre des pouvoirs : il est le premier outil donné au législateur pour s'exprimer dans le cadre du mandat qu'il a reçu du peuple. Il s'agit donc d'une chance de consolider la légitimité de notre Assemblée et sa spécificité dans l'exercice de ses missions constitutionnelles. Ce texte important conditionnera pour les années à venir nos travaux au service de la démocratie et de l'intérêt général.

Modifier notre Règlement nécessitait, conformément à notre tradition, de rechercher un accord global des différents groupes sur les grandes orientations. C'était d'autant plus nécessaire qu'à l'exception de la période 2002-2008 aucun groupe n'a détenu la majorité absolue depuis 1958. Vouloir passer en force aurait été déraisonnable, la modernisation du Sénat étant l'affaire de tous.

Votre décision, monsieur le Président, de constituer un groupe de travail pluraliste dès octobre s'est révélée judicieuse et déterminante. Pendant six mois, une réflexion approfondie a été menée dans un climat constructif et respectueux d'autrui. Je vous rends hommage de cette initiative. Je veux aussi saluer les deux rapporteurs, qui ont su écouter et traduire les préoccupations de chacun. Cette démarche a été fructueuse puisque les orientations recueillaient, me semblait-il, un assentiment global : approfondir le pluralisme, rendre son organisation plus efficace, moderniser les procédures de contrôle, renforcer l'action du Sénat en matière européenne.

Notre rapporteur l'a dit, le texte est le fruit d'un consensus et d'un équilibre, même si j'ai entendu des remarques que je n'avais pas pressenties. Notre groupe souscrit aux grandes orientations de la réforme.

La nouvelle organisation de l'agenda va transformer nos habitudes de travail. Avec un temps clairement défini pour les groupes, pour les commissions et pour la séance publique, chaque sénateur pourra s'investir dans les travaux de notre assemblée.

La proposition de résolution conforte et approfondit le pluralisme sénatorial. Les groupes politiques sont le principal moteur de la vie parlementaire ; il était important de leur assurer une meilleure représentation au Bureau du Sénat et des commissions et de leur accorder de nouveaux droits, comme le droit de tirage pour la constitution d'une commission d'enquête ou d'une mission commune d'information. Les groupes d'opposition ou minoritaires reçoivent des droits spécifiques, notamment avec la journée mensuelle réservée. Ces avancées majeures et concrètes marquent un tournant dans la Ve République.

La Conférence des Présidents va devenir un lieu d'arbitrage de la séance publique et jouera un rôle essentiel dans le déroulement de nos débats. Les groupes politiques en seront des acteurs centraux puisque chaque président y dispose d'un nombre de voix égal au nombre des membres de son groupe, déduction faite de ceux qui participent à la Conférence des Présidents.

Progrès également, le fait que la Conférence des Présidents puisse décider d'organiser un débat préalable d'orientation en séance plénière après le dépôt d'un projet de loi. Le groupe UMP du Sénat appelait de ses voeux cette novation, grâce à laquelle les porte-parole des groupes politiques exprimeront leur position en amont des travaux de la commission. Les questions cribles, enfin, favoriseront des échanges spontanés et une plus grande réactivité par rapport à l'actualité, sur un mode plus direct : c'est une excellente manière de moderniser notre institution. L'ensemble de ces dispositions donnera une nouvelle dynamique à notre vie parlementaire.

Je voudrais cependant formuler une crainte, un regret et un souhait. Je crains la répétition des débats, en commission puis en séance publique. (« Oui ! » sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Voyez le projet de loi Hôpital !

M. Henri de Raincourt.  - Exactement. Comment mieux articuler les travaux de la commission et l'examen des textes en séance publique ? Est-il souhaitable qu'un même amendement puisse être examiné trois fois : lorsque la commission établit son rapport, lorsqu'elle délibère sur les amendements extérieurs et lorsque le texte est examiné en séance publique ?

M. Nicolas About.  - Il fallait adopter mon amendement !

M. Henri de Raincourt.  - Je vois là un risque de paralysie de l'ordre du jour. L'examen du texte « Hôpital, patients, santé, territoires », même s'il se déroule dans un climat sérieux et serein, n'a pas apaisé ma crainte. Certes, nous sommes en période d'adaptation, mais il nous faudra bien apporter des réponses à ces problèmes.

J'ai à plusieurs reprises exprimé un regret : celui que nous ne tirions pas mieux les conclusions de cette nouvelle donne dans l'organisation de la séance publique. La tradition sénatoriale ne justifiait sans doute pas de prévoir un « temps législatif programmé », mais nous devrons y réfléchir peut-être, à la lumière de l'expérience partagée. Le temps de présentation des amendements est réduit à trois minutes : cela raccourcira-t-il réellement les débats ? Nous aurions souhaité que les prises de parole sur les articles et les explications de vote soient réexaminées.

Les amendements de suppression d'un article seront désormais systématiquement disjoints de la discussion commune. Ce progrès est-il suffisant ? Les « tunnels » d'amendements rendent confus nos débats et démobilisent les parlementaires. Là encore, il faudra y revenir. Un consensus a été dégagé sur l'organisation de la clôture à l'article 19. Ce mécanisme est bon dans son principe et je n'ai pas ménagé mes efforts pour que nous parvenions à un accord.

M. André Dulait.  - Très bien !

M. Henri de Raincourt.  - Mais concrètement, il s'appliquera très rarement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Tant mieux !

M. Henri de Raincourt.  - Absolument ! Mais il est conçu pour sortir de l'enlisement : or il risque de se retourner chaque fois contre son utilisateur, instantanément accusé de vouloir empêcher le débat et de bâillonner le Sénat. (On renchérit sur les bancs UMP) Je suggère du reste de publier des statistiques sur la durée de prise de parole des uns et des autres...

Mme Isabelle Debré.  - Excellente idée.

M. Henri de Raincourt.  - ...pour connaître la répartition, entre Gouvernement, commission, sénateurs intervenant à titre individuel et représentants des groupes. (Applaudissements sur les bancs UMP ; protestations sur les bancs CRC-SPG) On sera surpris des résultats et l'on s'apercevra que nous sommes l'objet d'un procès d'intention !

M. Guy Fischer.  - Bien sûr, puisque vous voulez des votes conformes...

M. Henri de Raincourt.  - Il apparaîtra par exemple, monsieur Fischer, que sur le projet de loi Hôpital, vous êtes le champion toutes catégories. Nous sommes tous pleinement attachés à la séance publique et au respect du droit d'expression. Mais nous serons un jour contraints d'imaginer des solutions plus audacieuses pour le déroulement de nos débats.

Désormais, l'ordre du jour est partagé entre le Parlement et le Gouvernement, ce qui nous conduit à devoir faire en quinze jours ce que nous faisions auparavant en un mois. Je penchais plutôt pour trois semaines pour les textes du Gouvernement, une semaine pour l'initiative parlementaire.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - C'est ce qu'avait voté le Sénat.

M. Henri de Raincourt.  - Je crois que nous aurons du mal à tenir la répartition retenue.

M. Jean-Pierre Sueur.  - On le voit déjà !

M. Henri de Raincourt.  - Oui et au détriment de mon groupe...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous n'étiez pas obligés !

M. Henri de Raincourt.  - Mais nous avons eu le souci de favoriser le bon déroulement des débats...

Ensuite, la discussion dans l'hémicycle porte sur le texte de la commission : un débat important a déjà eu lieu en commission, en présence, s'il le décide, du Gouvernement. Le constituant a conçu la séance publique comme le lieu où la discussion se concentre sur les points les plus sensibles et les dispositions les plus politiques. Or nous entrons de plus en plus dans le détail des mesures. Il faudra voir comment mieux coordonner temps de la discussion en commission et temps du débat en séance publique, puisqu'une grande partie du travail parlementaire se joue désormais en commission. Dès 1989, nous étions trois, le Président Larcher, M. Guy Allouche et moi-même, à appeler à une telle évolution.

M. Guy Fischer.  - Des précurseurs !

M. Henri de Raincourt.  - Oui. La séance publique est à mes yeux le lieu du débat politique et la désaffection que l'on constate à son égard tient à ce que l'on y entre trop dans les détails. Il convient de repenser un nouvel équilibre sans nuire à la liberté d'expression. Moi-même et deux autres présidents de groupe demandons que des collaborateurs des groupes assistent au travail en commission : j'espère que cela se fera très bientôt.

J'ai finalement un souhait : que cette proposition de résolution soit une première étape. La modification de notre Règlement ne sera pas à elle seule suffisante pour parachever la réforme initiée par la révision constitutionnelle. Notre pratique sera décisive. Nombre d'évolutions proviendront de notre comportement et de celui du Gouvernement. Il appartient à chacun d'entre nous de participer à cette nécessaire modernisation de nos méthodes de travail, la crainte du changement ne devant pas l'emporter sur la perspective d'un Sénat plus moderne et plus efficace. Nous devons, par les modifications apportées à notre Règlement, moderniser notre institution.

Une phase d'expérimentation s'ouvre ; nous verrons, dans un an au plus, si des ajustements sont nécessaires. Les sénateurs du groupe UMP ont fait beaucoup d'efforts et de concessions...

M. Nicolas About.  - Merci !

M. Henri de Raincourt.  - ...pour qu'un accord se dégage lors des réunions du groupe de travail. Nous regretterions que les groupes politiques ne manifestent pas, par leur vote (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit) le climat serein qui a présidé à nos débats. Le groupe UMP votera votre proposition de résolution, monsieur le Président. Puisse l'application de ce nouveau Règlement apporter un nouveau souffle à l'institution parlementaire que nous incarnons, dans un esprit de fidélité à la Ve République. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Yvon Collin.  - La réforme du Règlement de notre Haute assemblée doit constituer l'ultime étape du processus de transformation du travail parlementaire engagé au printemps 2008 et mettre un terme à la subordination permanente du Parlement face à l'exécutif, subordination voulue par le constituant de 1958. Elle s'inscrit également dans la ligne du projet de loi organique relatif à l'application des articles 34, 39 et 44 de la Constitution, selon l'interprétation donnée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 avril dernier.

« Chambre d'enregistrement », « Parlement croupion » : les qualificatifs désobligeants à l'égard de la représentation nationale traduisent malheureusement l'essence de la Ve République et surtout de sa pratique -limitation du domaine de la loi, impuissance du Parlement dans la maîtrise de la procédure ou de l'ordre du jour, interdiction de proposer des dépenses nouvelles... Les Radicaux, viscéralement attachés aux droits du Parlement, dénoncent cet état de fait depuis 1958 et, plus encore, depuis qu'ils militent pour la VIe République, sous la forme d'un régime présidentiel, le seul qui autorise un Parlement fort et puissant. Ce doit être l'objectif de toute réforme du travail parlementaire En fait de rationalisation du parlementarisme, la Ve République a institutionnalisé un déséquilibre entre les pouvoirs dont nous supportons les conséquences désastreuses : inflation législative, instabilité juridique, verbiage, confusion du domaine législatif et du domaine réglementaire, trop grande soumission de la majorité parlementaire au Gouvernement.

La dernière révision constitutionnelle fut un moment de vifs débats et de clivages majeurs. Mais quelles que furent alors les positions de chacun, toutes respectables, l'esprit républicain nous impose aujourd'hui de prendre acte de l'applicabilité de ce texte et d'aller au bout de sa logique en adoptant un Règlement conforme à ses orientations.

Toutefois, il nous faut dépasser la simple mise en oeuvre de la révision constitutionnelle et utiliser toutes les possibilités que nous confère la nouvelle Constitution -elles sont nombreuses. Ne nous contentons pas d'une réforme a minima de notre Règlement. Soyons ambitieux pour le Parlement, pour le Sénat et pour nous-mêmes.

Le Règlement n'est pas un simple règlement intérieur, c'est le moyen de rénover en profondeur la démocratie parlementaire ; encore faut-il s'en donner les moyens. Nous sommes engagés dans un processus irréversible de transformation de nos méthodes de travail. L'examen en séance publique du texte de la commission est désormais une exigence constitutionnelle, mais il ne donne pas, en l'état, entière satisfaction ; il pose des problèmes aux commissions, aux groupes, aux sénateurs -on le voit avec la loi sur l'hôpital ou le Grenelle II. Nous ne pouvons pas plus longtemps faire du neuf avec du vieux, nous devons dépoussiérer nos outils, nos méthodes, notre mode de fonctionnement, nos équilibres internes entre groupes politiques comme entre groupes et commissions.

Le train de la réforme parlementaire est en marche, il accélère. La révision constitutionnelle a enfin acté l'existence du pluralisme parlementaire, celle, au côté du groupe majoritaire, de groupes d'opposition ou minoritaires qui disposent désormais de droits spécifiques. C'est un progrès ; encore faut-il que le Règlement des assemblées lui donne corps. Sur ce point, le groupe du RDSE reste sur sa faim. Une assemblée parlementaire, et a fortiori le Sénat, ne peut fonctionner de manière binaire dans un dialogue manichéen entre majorité et opposition.

M. Jean-Pierre Plancade.  - Absolument !

M. Yvon Collin.  - L'article 5 reste inchangé, qui dispose que les sénateurs peuvent s'organiser en groupes par « affinités » politiques -et non par appartenances partisanes.

M. Jean-Pierre Plancade.  - Très bien !

M. Yvon Collin.  - C'est précisément le cas du RDSE, dont sont membres des sénateurs d'opinions différentes qui se rassemblent autour de valeurs partagées. C'est son essence même. En cela il n'est pas anachronique, mais précurseur.

Je donne acte au Président Larcher de l'intitulé de sa proposition de résolution : conforter le pluralisme et rénover les méthodes de travail. Je salue le groupe de travail et le rapport de MM. Hyest et Frimat, en regrettant toutefois qu'aucun sénateur d'un groupe minoritaire ne se soit trouvé à leur côté...

Mais le groupe du RDSE ne peut se satisfaire de la rédaction actuelle de la résolution ; il souhaite donner véritablement corps à l'expression du pluralisme dans l'hémicycle et au Sénat tout entier. Bien que modeste en nombre, il entend prendre toute sa place dans le débat démocratique et peser politiquement plus que son poids réel ; il le fera par sa force de proposition et les principes qu'il défend. Mon groupe incarne même à lui seul, si j'ose dire, le pluralisme qui doit être inhérent à l'expression des opinions dans notre assemblée. Notre tradition d'ouverture, de tolérance et de liberté, notre composition plurielle, nous autorisent à considérer comme impératif de garantir l'expression de la diversité des opinions qu'impose désormais la Constitution. Au-delà de la Constitution et du Règlement, joue en notre faveur dans le Sénat d'aujourd'hui l'importance cruciale de l'avis des groupes minoritaires. Nombre de décisions majeures ne peuvent plus être prises sans tenir compte de l'opinion d'un groupe comme le notre, au grand dam, sans doute, des partisans d'un bipartisme réducteur. Nous entendons en faire le meilleur usage !

M. Jean-Pierre Plancade.  - Bravo !

M. Yvon Collin.  - C'est dans un esprit de grande responsabilité que nous accueillons les nouvelles prérogatives accordées par l'article 51-1 de la Constitution aux groupes minoritaires. Mais il est regrettable que la proposition de résolution n'aille pas au bout de la logique de la révision constitutionnelle, de la loi organique et de la décision du Conseil constitutionnel. Nous proposerons que le Règlement prenne totalement la mesure de la place qui doit être celle du pluralisme sénatorial, car, pour nous, le compte n'y est pas.

Il convient en particulier d'atténuer les effets de la proportionnelle dans la répartition des postes au sein de la Haute assemblée, qui se traduit paradoxalement par la sous-représentation de certains groupes. Il serait plus pertinent et plus juste d'appliquer ce que j'appellerais « la théorie du socle », que j'ai souvent défendue devant vous, monsieur le Président. Elle consiste à procéder dans un premier temps à une répartition égale entre les groupes d'une partie des postes et des temps de paroles, de sorte que nul ne soit lésé ; puis, dans un second, à attribuer postes et temps restant à la proportionnelle. Représentation des groupes et prise en compte de leur importance respective seraient ainsi conciliées. Cette règle, qui sera bientôt applicable aux postes de vice-présidents de commissions, pourrait aisément être étendue. De même, chaque CMP devrait comporter au moins un membre de chaque groupe politique ; et chaque groupe devrait avoir droit à deux questions lors des séances de questions cribles.

L'article 7 prévoit, avant la constitution de la CMP, la consultation des présidents des groupes intéressés. Cette rédaction me paraît au mieux maladroite... Peut-on raisonnablement penser qu'un président de groupe se désintéresse de cette question ? Ce serait sous-entendre qu'une partie importante du travail législatif ne concerne que quelques groupes, ce que je ne peux accepter en ma qualité de président d'un groupe qui est présent sur tous les fronts et intervient dans tous nos débats.

Donner sa pleine mesure à la transformation radicale du travail parlementaire, c'est aussi et surtout tirer les conséquences du rôle central désormais dévolu aux commissions. La nouvelle démocratie parlementaire impose la transparence aux travaux des assemblées, et donc à ceux des commissions. La nature même de ces travaux a changé : nous ne pourrons plus très longtemps nous dérober à leur pleine et entière publicité, les réunions de commissions étant appelées à devenir de véritables séances publiques en miniature, dotées des mêmes attributs : comptes rendus intégraux des débats, présence de collaborateurs des groupes, retransmission en direct, présence de la presse. Qu'on le veuille ou non, cette évolution est inéluctable et participe d'une démocratie parlementaire de plein exercice. On ne saurait tempérer ce processus par des considérations logistiques : l'argument de la taille des salles, monsieur le rapporteur, n'est guère convaincant. C'est pourquoi, dans le prolongement du courrier que nous avons adressé au Président Larcher le 18 février, nous proposerons d'accompagner cette évolution avec notre amendement n°40.

Le Règlement de notre Haute assemblée est plus qu'un simple règlement intérieur : c'est notre bien commun et l'indispensable support de la libre expression des sensibilités de notre pays et de ses territoires. Si le fait majoritaire est le fondement de toute vie démocratique, il ne saurait conduire à rendre invisibles ou inaudibles les minorités, a fortiori lorsqu'il n'y a pas, comme aujourd'hui dans notre assemblée, de majorité absolue. Les majorités sont à construire en permanence et au coup par coup ; c'est le débat qui en est grandi. Il est temps que notre Règlement prenne acte de ces évolutions et de la nécessité de renforcer la diversité au sein des assemblées. C'est le sens de nos amendements, dont le sort déterminera notre vote final.

Un Parlement plus fort et une démocratie parlementaire rénovée, c'est d'abord un Règlement qui assure des droits substantiels à l'opposition, qui confère des prérogatives réelles aux minorités et qui assure la transparence de tous les débats. C'est à ce prix que nous entrerons alors, peut-être, dans l'ère trop vite annoncée de « l'hyperparlement ». (Applaudissements sur les bancs du RDSE et sur plusieurs bancs au centre)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il est bien difficile d'exposer en trois minutes l'ensemble des propositions des Verts. Je sollicite par avance l'indulgence de la présidence...

La proposition de résolution est la codification d'une révision constitutionnelle que nous avons refusée : la compétence du Sénat en l'espèce est liée. Je ne reviens pas sur les acquis de la révision, partage de l'ordre du jour ou développement du contrôle parlementaire, pour m'attacher à la supposée amélioration des droits du Parlement et de la qualité du processus législatif. Si la nouvelle procédure a permis aux assemblées de mieux assumer leurs positions sur quelques textes -on l'a vu lors de l'examen de la loi pénitentiaire- le temps s'est accéléré depuis le mois de mars. Le travail en commission n'a jamais été aussi intense. Et la procédure accélérée est devenu ordinaire pour un Gouvernement plus soucieux de quantité que de qualité. Il est vrai qu'en tous domaines le Président de la République veut « du chiffre »... Cette procédure est pourtant la négation de l'objectif premier de la révision constitutionnelle, donner au Parlement la maîtrise du processus législatif.

Le premier perdant, c'est le Parlement. L'urgence est devenue le maître mot de toute réforme, et l'émotion le fondement de la loi. La qualité de celle-ci s'en ressent évidemment. Nous n'avons pas plus qu'hier le temps de légiférer ni davantage de liberté. Le Gouvernement reste, par le truchement d'une majorité prompte à lui faire allégeance, le véritable maître de la procédure.

Pour ce qui est du fonctionnement démocratique du Sénat, je ne vois nulle trace, dans la proposition de résolution, d'une référence à l'absentéisme ou aux modes de votation, toutes choses qui sont au coeur de la crise de la démocratie parlementaire.

M. Michel Charasse.  - On ne débat pas quand on est 300 !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Ne sommes-nous pas élus pour exercer effectivement notre mandat ? L'absentéisme est pourtant une des raisons majeures de la défiance du public à l'égard de nos travaux en particulier, et des politiques en général. (M. Nicolas About approuve) Une sanction financière serait le seul outil à même d'assurer la présence effective des parlementaires et de rompre avec la pratique abusive du cumul des mandats. Le scrutin public d'aujourd'hui permet à un seul sénateur de voter pour tous et donne ainsi au Gouvernement le moyen d'étouffer toute dissidence et de faire croire à l'opinion qu'une majorité a voté la loi alors que ce sont des fauteuils qui ont voté ! (Applaudissements sur les bancs des Verts et quelques bancs du groupe socialiste)

C'est là le défaut majeur de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur quelques bancs socialistes) Elle évite soigneusement d'ouvrir la boite de Pandore ! Et pour cause : le Conseil constitutionnel veille au respect du principe constitutionnel du caractère personnel du vote. Selon ce principe, le vote ne peut être délégué qu'à une seule personne, nommément désignée. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'Assemblée nationale, du temps du Président Philippe Séguin...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il a eu tort !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - ....a choisi de se conformer à ce principe en modifiant son Règlement... Mais il a fallu du courage pour imposer ce principe, aujourd'hui largement respecté.

Au Sénat, on nous propose de maintenir le mode de scrutin public, en l'état. Pire encore, on évite soigneusement d'en parler dans le projet de Réglement, pour une raison simple : la crainte du Conseil Constitutionnel, qui examinera ce Règlement, et donc aurait relevé l'inconstitutionnalité d'une telle pratique. Voilà donc ce que vous nous proposez : nous en tenir aux principes non écrits, et avaliser une pratique contraire à la Constitution ! Si l'objet de cette réforme est d'améliorer le fonctionnement démocratique de notre assemblée, la moindre des choses est que ce fonctionnement respecte la Constitution. Ce n'est pas le cas avec le système de votation actuel. Nous verrons qui, dans notre Haute assemblée, aura le courage de rompre avec ces pratiques et votera pour notre amendement.

Pour toutes ces raisons, nous avons déposé des amendements qui atténuent les carences de cette proposition de Règlement, dans le strict respect de la Constitution. Je vous encourage à être plus ambitieux pour notre assemblée et pour notre démocratie ! (Applaudissements sur quelques bancs socialistes)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

I. - L'article 3 du Règlement est ainsi modifié :

1° Au 1, les mots : « respectivement élus pour trois ans, » sont supprimés et le mot : « nommés » est remplacé par le mot : « désignés » ;

1° bis (nouveau) Au début du 5, les mots : « Des scrutateurs tirés au sort » sont remplacés par les mots : « Les secrétaires d'âges » ;

2° Les alinéas 7 à 13 sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :

« 7. - Après l'élection du Président, les présidents des groupes se réunissent pour établir les listes des candidats aux fonctions de vice-président, de questeur et de secrétaire selon la représentation proportionnelle des groupes au plus fort reste. La représentation proportionnelle est calculée d'abord pour les postes de vice-président et de questeur, compte tenu de l'élection du Président, puis pour l'ensemble du Bureau. Ces listes sont remises au Président qui les fait afficher.

« 8. - Pendant un délai d'une heure, il peut être fait opposition à ces listes pour inapplication de la représentation proportionnelle. L'opposition, pour être recevable, doit être rédigée par écrit, signée par trente sénateurs au moins ou le président d'un groupe, et remise au Président.

« 9. - À l'expiration du délai d'opposition, s'il n'en a pas été formulé, les listes des candidats sont ratifiées par le Sénat et le Président procède à la proclamation des vice-présidents, des questeurs et des secrétaires.

« 10. - Si, à l'inverse, le Président a été saisi d'une opposition, il la porte à la connaissance du Sénat qui statue sur sa prise en considération, après un débat où peuvent seuls être entendus un orateur pour et un orateur contre, disposant chacun d'un temps de parole ne pouvant excéder cinq minutes.

« 11. - Le rejet de la prise en considération équivaut à la ratification de la liste présentée, dont les candidats sont sur-le-champ proclamés par le Président. La prise en considération entraîne l'annulation de la liste litigieuse. Dans ce cas, les présidents des groupes se réunissent immédiatement pour établir une nouvelle liste sur laquelle il est statué dans les mêmes conditions que pour la première. »

II (nouveau). - Au 5 de l'article 6 du Règlement, la référence : « alinéa 9 » est remplacée par la référence : « alinéa 7 ».

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après la deuxième phrase du deuxième alinéa (7) du 2° du I de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

Chaque groupe a droit à au moins un poste de vice-président ou de questeur.

M. Guy Fischer.  - Cet amendement reprend une proposition du groupe de travail sur la réforme du Règlement, présidé par le Président du Sénat, proposition qui n'a pas été reprise dans la rédaction finale de la résolution. Le respect du pluralisme et des groupes politiques, exigence désormais reconnue par la Constitution, impose de spécifier dans le Règlement du Sénat que la liste des candidats à la vice-présidence ou à la questure comprendra un représentant de chacun des groupes. Il n'est pas normal de solliciter leur participation et de ne pas les associer à la vie du Sénat.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Le groupe de travail a relevé que le nombre de groupes n'était pas fixé par le Règlement et que quinzre sénateurs suffisaient pour en constituer un. Dès lors, on pourrait compter jusqu'à 22 groupes et, donc, un nombre trop important de vice-présidents et de questeurs. Il est préférable d'en rester à la solution équilibrée arrêtée en octobre 2008 lorsque nous avons fait passer de six à huit le nombre de vice-présidents. Avis défavorable.

L'amendement n°41 n'est pas adopté.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le RDSE n'a même pas voté pour !

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par MM. Charasse, Chevènement et Vall.

I. - Compléter le 2° du I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« 12. - Si, pour l'élection des vice-présidents et des questeurs, le nombre des candidats, en sus de ceux figurant sur la liste visée au 7, est supérieur au nombre de sièges à pourvoir, le Sénat statue au scrutin secret par bulletins plurinominaux. »

II. - En conséquence, dans le premier alinéa du même 2°, remplacer le mot :

cinq

par le mot :

six

M. Michel Charasse.  - Le texte prévoit que, désormais, la liste des candidats aux postes de vice-présidents et de questeurs sera établie par les présidents de groupe et qu'il ne sera plus possible de s'y opposer. Si un sénateur conserve la possibilité d'être candidat à la présidence du Sénat, il ne peut l'être à un autre poste du Bureau. C'est inconstitutionnel dans la mesure où cette disposition introduit un mandat impératif, substitue les groupes au droit individuel des sénateurs et donne une interprétation extensive à l'article 4 de la Constitution. « Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage », mais ils ne font qu'y concourir et ils ne peuvent se substituer au droit individuel des sénateurs.

Actuellement, si un sénateur n'est pas d'accord avec la décision de son président de groupe, il peut poser individuellement sa candidature et le Sénat se prononce. Dans le futur système, ce sera impossible. Cela réintroduit au plus profond de la Constitution ce que la Ve République avait voulu rejeter : le régime des partis.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - La proposition de résolution, conformément à l'article 51-1 de la Constitution issue de la dernière révision, renforce le rôle des groupes et, désormais, la désignation des membres du Bureau procèderait de listes établies par ces groupes, comme c'est actuellement le cas pour les secrétaires du Sénat. Ce n'est en rien anticonstitutionnel. De plus, les listes peuvent faire l'objet d'une procédure d'opposition. Il s'agit d'une désignation par consensus et d'un domaine relevant de la libre décision parlementaire. Avis défavorable.

M. Michel Charasse.  - Une formule d'opposition est bien prévue mais, dans ce cas, les présidents de groupe se réunissent et, s'ils confirment leurs listes, cela vaut ratification. Je sais lire ! Par conséquent, je maintiens que c'est l'introduction dans la Constitution de la Ve République du régime des partis et que c'est contraire au principe républicain selon lequel tout parlementaire a le droit d'être candidat à n'importe quelle fonction au sein de son assemblée.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cet amendement est incompatible avec la reconnaissance des groupes politiques et avec le respect de la proportionnelle au Bureau.

M. Michel Charasse.  - Il peut y avoir une liste concurrente !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il faudrait déjà qu'elle se constitue au niveau du groupe ! Sinon, vous pourriez toujours, en présentant des candidatures individuelles, rendre impossible la représentation proportionnelle des groupes !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Si c'est inconstitutionnel, monsieur Charasse, le Règlement de l'Assemblée est inconstitutionnel depuis longtemps !

M. Michel Charasse.  - Et celui qui n'appartient à aucun groupe ? Il n'a aucun droit ? Aucun droit en tant que sénateur ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Quand vous n'appartenez à aucun groupe, vous n'avez pas tous les droits. Comment fonctionnerait un Parlement qui n'aurait pas de groupes ?

Ce n'est pas anticonstitutionnel puisque le Règlement de l'Assemblée prévoit cette disposition et que personne n'a jamais rien trouvé à y redire.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Je suis bien entendu favorable à cet amendement. Le vrai problème est celui du rôle du groupe par rapport à celui du sénateur. Le groupe ne détient pas un pouvoir absolu tel qu'il fasse disparaître les droits individuels du sénateur.

M. François Fortassin.  - Cet amendement est frappé du sceau de l'esprit républicain. On ne peut empêcher un sénateur d'être candidat à un poste quelconque. Sinon, le Président du Sénat ne peut être issu que du groupe le plus important...

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est souvent le cas ! (Rires sur les bancs socialistes)

M. François Fortassin.  - Cet amendement est parfaitement équilibré.

L'amendement n°17 rectifié n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°42 rectifié, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 2 de l'article 5 du Règlement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 2 bis. - Chaque groupe dispose d'une salle de réunion où il peut se réunir à chaque instant. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je vais sans doute le retirer... Nous demandons que chaque groupe dispose d'un local. Ce n'est pas le cas actuellement.

Il faut reconnaître à chaque groupe le droit de se réunir à chaque instant -ce qui n'est actuellement pas possible pour le groupe CRC-SPG.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Cette disposition ne relève pas du Règlement de notre assemblée, mais de la compétence du Bureau et des questeurs. Retrait.

L'amendement n°42 rectifié est retiré.

M. Michel Charasse.  - Le président du Sénat vous a entendu !

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. À la fin de la première phrase du 4 de l'article 5 du Règlement, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix ».

II. En conséquence, procéder au même remplacement au 1 de l'article 6.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'Assemblée nationale a porté de 20 à 15 membres le seuil de constitution d'un groupe politique. Appliqué au Sénat, ce ratio reviendrait à un seuil de neuf sénateurs pour constituer un groupe. Or, le seuil étant actuellement le même dans les deux chambres, certains groupes très minoritaires souffrent d'un manque d'autonomie administrative et de moyens matériels. Nous proposons donc de prévoir un minimum de dix membres pour la constitution d'un groupe politique. Nous ne sommes pas les seuls à le souhaiter puisque certains membres du groupe RDSE avaient déposé un amendement identique.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Tout d'abord, nous ne désirons pas modifier les dispositions autres que celles liées à la révision de la Constitution et à la loi organique. Pour cette question, nous vous donnons rendez-vous dans un an.

La remise en cause des règles de création des groupes n'a pas été envisagée par le groupe de travail : retrait ou avis défavorable, bien que le problème soulevé soit intéressant.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je retire l'amendement avec l'assurance que nous reviendrons sur cette question dans un an.

L'amendement n°2 rectifié est retiré.

Article 2

(Texte non modifié par la commission)

I. - Après l'article 5 du Règlement, il est inséré un article 5 bis ainsi rédigé :

« Art. 5 bis. - Dans les sept jours suivant sa création, ainsi qu'au début de chaque session ordinaire, un groupe se déclare à la Présidence du Sénat comme groupe d'opposition ou comme groupe minoritaire au sens de l'article 51-1 de la Constitution. Il peut reprendre ou modifier cette déclaration à tout moment. »

II. - Après l'article 6 du Règlement, il est inséré un article 6 bis ainsi rédigé :

« Art. 6 bis. - 1. - Chaque groupe a droit à la création d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information par année parlementaire.

« 2. - Dans le cas de création d'une commission d'enquête, les dispositions de l'article 11 sont applicables, sous réserve de l'alinéa suivant.

« 3. - La demande de création d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information doit être formulée au plus tard une semaine avant la réunion de la Conférence des présidents qui doit prendre acte de cette demande.

« 4. - Les fonctions de président et de rapporteur d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information sont partagées entre la majorité et l'opposition. »

M. le président.  - Amendement n°43, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après l'article 5 du Règlement, il est inséré un article   ter ainsi rédigé :

« Art. 5 ter. - Ne peut être considéré comme groupe minoritaire un groupe participant effectivement à la majorité de l'assemblée. »

Mme Éliane Assassi.  - Lors des débats sur la révision constitutionnelle de juillet 2008, le Gouvernement a promu un statut de l'opposition pour imposer une remise en cause sans précédent du droit d'amendements. Avec le concept de groupe minoritaire -concession aux groupes centristes de l'Assemblée nationale et du Sénat-, il s'agissait de s'assurer de leur soutien à un projet constitutionnel contesté.

Dans la pratique, cela permet à un groupe de la majorité de participer à la journée d'initiative mensuelle réservée à l'origine à l'opposition. Un groupe peut ne se reconnaître ni dans la majorité ni dans l'opposition, selon les circonstances politiques, mais s'il participe dans les faits à la majorité, il ne doit en aucun cas bénéficier du statut minoritaire : il ne peut avoir « le beurre et l'argent du beurre »... (M. Jean-Louis Carrère applaudit)

Quel critère choisir pour juger de l'appartenance à la majorité ? Dans le nouveau Règlement, seule l'élection des présidences de commission se fera au scrutin majoritaire, les postes de vice-présidents et de questeurs étant répartis à la proportionnelle. Un groupe dont un membre a été élu à la présidence d'une commission participe donc de facto à la majorité.

M. Nicolas About.  - C'est aller vite en besogne !

Mme Éliane Assassi.  - La notion de groupe minoritaire n'a plus de sens dans cette configuration car, pour obtenir le soutien du groupe le plus important de la majorité, il faut faire acte d'allégeance. Nous avons déjà dénoncé l'absurdité de ce concept, facteur de confusion et renfort du bipartisme. Nous estimons que les groupes se distinguent par leur option politique fondamentale : appartenir à la majorité ou à l'opposition. Tous doivent être égaux, et il faut accorder à l'opposition de nouveaux droits. A défaut, nous n'avons que de petits arrangements entre amis. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG et sur quelques bancs socialistes)

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Cette définition est contraire à l'esprit du texte adopté par l'Assemblée nationale. La notion de groupe minoritaire se définit numériquement. S'il s'agissait des groupes n'ayant pas la majorité absolue, tous les groupes de notre assemblée seraient minoritaires, et Henri de Raincourt pourrait demander ce statut ! (Sourires) Il n'est pas possible d'adopter la définition proposée par le groupe CRC-SPG, car un groupe minoritaire peut voter un jour avec la majorité, et le lendemain contre. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste)

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est le cas du groupe centriste.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - La Constitution ne permettant pas de réserver des droits spécifiques à certains groupes minoritaires, la proposition de résolution a retenu un régime de déclaration. Avis défavorable.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Il est étonnant que certains groupes minoritaires votent avec l'UMP. (Protestations sur les bancs UMP) Il serait plus simple de choisir comme critère le fait que les groupes qui ont en leur sein un président de commission appartiennent à la majorité.

M. Henri de Raincourt.  - Et le parti socialiste à l'Assemblée ?

Mme Éliane Assassi.  - Justement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'explication donnée par le rapporteur est subtile, mais nous tournons en rond. Si l'Assemblée permet à un membre de l'opposition de présider une commission, il n'en est pas de même au Sénat -notre groupe ne revendique d'ailleurs pas de présider une commission car, selon nous, cela revient à la majorité. Dans la réalité, les présidents des commissions du Sénat appartiennent à la majorité. Nous refusons qu'un groupe puisse bénéficier d'un tel avantage tout en ayant droit à une journée d'initiative parlementaire.

Il faut que les groupes minoritaires se positionnent dans la majorité ou dans l'opposition. Dans ce cas, certains groupes minoritaires participeraient à l'initiative parlementaire sur le compte de la majorité. C'est logique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Nous n'allons pas reprendre le débat que nous avons eu lors de la révision constitutionnelle... Il s'agit des groupes d'opposition ou minoritaires -qui peuvent être d'opposition et minoritaire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Mon groupe est dans l'opposition et minoritaire. Qu'avons-nous comme avantage ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Vous participez à la journée d'initiative parlementaire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est la moindre des choses !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - C'est dans la Constitution.

L'amendement n°43 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°18 rectifié, présenté par MM. Charasse, Chevènement et Vall.

I. - Dans le 1 du texte proposé par le II de cet article pour l'article 6 bis du Règlement, remplacer les mots :

a droit

par les mots :

peut obtenir

II. - Rédiger comme suit le 3 du même texte :

« 3. - La création d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information est de droit si, dans le délai d'une heure après l'affichage de la demande aucune opposition n'a été formulée par un ou plusieurs sénateurs. Si une opposition est formulée, le Sénat statue sur sa prise en considération. »

M. Michel Charasse.  - Selon les meilleurs auteurs depuis Eugène Pierre, la création d'une commission temporaire est une mesure d'ordre intérieur qui relève de la souveraineté de chaque assemblée. Or, cet article donne à chaque groupe le droit de créer une commission d'enquête ou une mission d'information et prévoit que la Conférence des Présidents en prend acte.

Monsieur le président, chaque groupe a-t-il le droit de créer chaque année une commission ou une mission, ou les deux ? Le Sénat devra en tout état de cause travailler dans le cadre d'une commission dont il n'aura pas eu l'initiative, sur un sujet qui n'aura pas été soumis à un examen préalable de recevabilité -hormis le cas où l'enquête porte sur des faits ayant donné lieu à une procédure judiciaire. Or il se peut que la commission d'enquête concerne les intérêts supérieurs de la France, le Président de la République, la séparation des pouvoirs, un État étranger, certaines catégories de la population comme les immigrés, une entreprise...

Si chaque groupe a le droit de créer une commission d'enquête ou une mission d'information, le Sénat tout entier devrait pouvoir s'opposer à cette demande.

Sinon, on s'approche encore dangereusement de l'écueil du mandat impératif et l'on ne sait où cela peut nous conduire, si était demandée la création d'une commission d'enquête portant atteinte aux principes fondamentaux de la République. Comprenez que je soulève là un problème qui va bien au-delà du simple contrôle d'opportunité...

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Ces demandes, qui s'inscrivent dans le droit de contrôle du Parlement, doivent faire l'objet d'un examen de recevabilité minimal. Ce serait sinon remettre en cause le droit de tirage reconnu aux groupes. Défavorable.

M. Michel Charasse.  - Y compris sur des sujets mettant en cause l'intérêt supérieur de la Nation ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'impatiente)

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Collin et les membres du groupe RDSE.

Compléter le 4 du texte proposé par le II de cet article pour l'article 6 bis du Règlement par les mots et une phrase ainsi rédigée :

lorsque la demande de création émane d'un groupe de l'opposition ou d'un groupe de la majorité. Lorsque cette demande émane d'un groupe minoritaire, l'une de ces deux fonctions revient à ce groupe minoritaire et l'autre à un groupe de la majorité ou à un groupe de l'opposition.

M. Yvon Collin.  - Il s'agit de rendre pleinement consistant le droit de tirage annuel des groupes. Le texte prévoit que les fonctions de président et de rapporteur ne seront plus systématiquement occupées par les seuls membres de la majorité sénatoriale, mais il ne reconnaît de droit spécifique à occuper ces fonctions qu'à l'opposition. Il serait logique que, si un groupe minoritaire est à l'origine de la création d'une mission d'information ou d'une commission d'enquête, l'un de ses membres puisse occuper l'une ou l'autre fonction.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - L'article 2 permet aux groupes minoritaires de se voir attribuer ces fonctions. Ce sera à déterminer avec le groupe majoritaire, dans la majorité ou l'opposition. Retrait ou rejet.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Parle-t-on de groupe minoritaire ou de groupe d'opposition ? Là est bien toute la question.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Le groupe minoritaire est par définition comme la chauve-souris du fabuliste. Tantôt il sera dans la majorité, tantôt dans l'opposition. (Exclamations à gauche) S'il est du côté de l'opposition, à lui de composer avec l'opposition.

M. Michel Charasse.  - C'est la girouette d'Edgar Faure !

M. Yvon Collin.  - J'estime notre rédaction plus précise et je souhaite un vote sur l'amendement.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Article 3

(Texte non modifié par la commission)

Après l'article 6 du Règlement, il est inséré un article 6 ter ainsi rédigé :

« Art. 6 ter. - Les groupes se réunissent en principe le mardi matin, à partir de 10 heures 30. »

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par M. Charasse.

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 6 ter du Règlement :

« Art. 6 ter. - Les groupes politiques et la formation des sénateurs non-inscrits à un groupe se réunissent librement sur convocation de leur président. Toutefois, la matinée du mardi, à partir de 10 heures 30, leur est réservée et aucune réunion de commission permanente ou spéciale ne peut être simultanément convoquée, sauf accord des présidents de groupe. »

M. Michel Charasse.  - C'est un souci louable de votre part, monsieur le Président, comme auteur de la proposition, d'avoir voulu clairement cadrer les horaires des réunions de commission. Mais la rédaction retenue est de nature à être sans cesse contournée. J'en propose une autre, qui répond mieux à votre souci.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Dans l'esprit de l'article 6 ter du Règlement, les réunions des groupes politiques sont fixées au mardi matin à 10 h 30. Mais le Sénat peut siéger, le mardi matin, pour les questions orales. C'est pourquoi l'ouverture de la séance a été fixée, dans ce cas, à 9 h 30, pour qu'il ne soit pas trop empiété sur les réunions des groupes. Défavorable.

M. Michel Charasse.  - Tout cela est théorique. Ce ne sera que coups de bâtons dans l'eau, sauf si vous avez la vraie volonté d'interdire les abus, monsieur le président.

M. le président.  - Je l'ai.

L'amendement n°19 est retiré.

L'article 3 est adopté.

Article 4

I. - L'article 7 du Règlement est ainsi rédigé :

« Art. 7. - 1. - Après chaque renouvellement partiel, le Sénat nomme, en séance publique, les six commissions permanentes suivantes :

« 1° la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui comprend 57 membres ;

« 2° la commission des affaires sociales, qui comprend 57 membres ;

« 3° la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, qui comprend 57 membres ;

« 4° la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui comprend 78 membres ;

« 5° la commission des finances, qui comprend 49 membres ;

« 6° la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, qui comprend 49 membres. 

« 2 (nouveau). - À titre transitoire, jusqu'au 31 septembre 2011, les commissions mentionnées aux 1°, 2° et 3° comprennent 56 membres et les commissions mentionnées aux 5° et 6° comprennent 48 membres. »

II. - En conséquence, dans le 3 bis de l'article 16, les 4 et 5 de l'article 18 et le 2 de l'article 22, les mots : « commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation » sont remplacés par les mots : « commission des finances ».

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Dans le quatrième alinéa (3°) du 1 du texte proposé par cet article pour l'article 7 du Règlement, après le mot :

éducation

insérer les mots :

, de la recherche

Mme Éliane Assassi.  - Le choix de nouvelles dénominations pour les commissions permanentes n'est pas chose anodine. Nous aurions pu déposer un amendement sur le nouvel intitulé de la commission des finances, qui abandonne la référence à la Nation et devient la commission de toutes les finances, qu'elles soient publiques ou privées. Mais tant mieux, si en même temps qu'elle élargit son champ d'investigation au contrôle des vastes oeuvres des marchés et de leurs actionnaires, elle se relâche un peu dans son obsession de « chasse à la dépense publique ».

En revanche, que la commission des affaires culturelles abandonne toute référence à la recherche nous inquiète bien davantage. Alors que le monde universitaire et de la recherche traverse une crise sans précédent, l'initiative est pour le moins malheureuse. Est-ce un ministère de l'industrie et de la recherche qui se profile ? Le privé deviendra-t-il bientôt le seul cadre offert aux chercheurs ? La commission perdrait alors tout contrôle sur ce secteur fondamental. Lui retirerez-vous un jour toute compétence dans le domaine culturel au nom de l'existence du mécénat ? Nous souhaitons un vrai débat sur ce point. Le service public de la recherche doit trouver sa place, sans ambiguïté, au sein de nos commissions.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Chaque président de commission a été interrogé dans le cadre du groupe de travail. Le président de la commission des affaires culturelles, après consultation de ses membres, n'a pas estimé nécessaire d'ajouter le mot recherche. On peut d'autant mieux le comprendre que la recherche peut relever de la culture, mais aussi des affaires sociales ou des affaires économiques (MM. Nicolas About et Michel Charasse approuvent) Il n'apparaît donc pas souhaitable de remettre en cause l'accord qui s'était dégagé. Défavorable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Un accord auquel notre groupe n'avait pas part ! Pour que les choses soient claires, je rappelle que le budget de la recherche publique relève de la commission des affaires culturelles.

L'amendement n°44 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

L'article 5 est adopté.

Article 6

(Texte non modifié par la commission)

L'article 13 du Règlement est ainsi modifié :

1° Le 2 est ainsi rédigé :

« 2. - Le bureau des commissions permanentes comprend, outre le président et huit vice-présidents, un secrétaire par fraction de dix membres de leur effectif. » ;

2° Le 2 quater est ainsi rédigé :

« 2 quater. - Pour la désignation des vice-présidents, les groupes établissent une liste de candidats selon le principe de la représentation proportionnelle, en tenant compte de la représentation déjà acquise à un groupe pour le poste de président. Le nombre des vice-présidents est, le cas échéant, augmenté pour assurer l'attribution d'au moins un poste de président ou de vice-président à chaque groupe. » ;

3° Le 3 est ainsi rédigé :

« 3. - Après la désignation des vice-présidents, les groupes établissent la liste des candidats aux fonctions de secrétaire selon le principe de la représentation proportionnelle et compte tenu de leur représentation déjà acquise pour les autres postes du Bureau. » ;

4° Le 4 est supprimé ;

5° Le 5 est ainsi rédigé :

« 5. - Les dispositions du présent article sont applicables au bureau d'une commission spéciale. » ;

6° Le 6 est ainsi rédigé :

« 6. - Les commissions des finances et des affaires sociales nomment chacune un rapporteur général qui fait, de droit, partie du bureau de la commission. »

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par MM. Charasse, Chevènement, Mézard et Vall.

Compléter le 2° de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, s'il y a plus de candidats que de postes à pourvoir, il est procédé selon les modalités prévues au 12 de l'article 3. »

M. Michel Charasse.  - Cet amendement transposait au bureau des commissions ce dont notre assemblée n'a pas voulu pour le Bureau du Sénat : je le retire.

L'amendement n°20 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Collin et les membres du groupe RDSE.

Compléter le second alinéa du 3° de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Le nombre des secrétaires est, le cas échéant, augmenté pour assurer l'attribution d'au moins un poste de secrétaire à chaque groupe. 

M. Yvon Collin.  - Nous vous proposons d'aller au bout de votre logique en matière de représentation des groupes au sein des commissions permanentes. Vous avez voulu que chaque groupe puisse bénéficier d'une présidence ou d'une vice-présidence, au prix d'une entorse à la représentation proportionnelle pure. Nous vous proposons d'augmenter, comme vous l'avez fait pour les postes de vice-présidents, le nombre des postes de secrétaires, afin que chacun des groupes s'en voie attribuer au moins un.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Il faudrait une augmentation considérable pour assurer la proportionnalité des groupes. Retrait, sinon, défavorable.

L'amendement n°11 est retiré.

L'article 6 est adopté.

Article 6 bis

Après le septième alinéa (3 bis) de l'article 16 du Règlement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 3 ter. - Les projets de loi de financement de la sécurité sociale sont renvoyés de droit à la commission des affaires sociales. »

M. Michel Charasse.  - La Constitution dispose qu'un projet de loi est en principe renvoyé à une commission spéciale, la saisine d'une commission permanente ne devant intervenir que par défaut. La rédaction de l'article 6 bis ne respecte pas cette disposition.

M. Michel Mercier.  - La Constitution a changé !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Le texte constitutionnel en vigueur a inversé l'ordre.

L'article 6 bis est adopté.

Article 7

La première phrase du 3 de l'article 12 du Règlement est complétée par les mots : « après consultation des présidents des groupes politiques intéressés ».

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Collin et les membres du groupe du RDSE.

Dans cet article, remplacer les mots :

des présidents des groupes politiques intéressés

par les mots :

et en suivant les propositions éventuelles des présidents des groupes politiques qui lui font connaître lesquels de leurs collègues, à la fois membres de leurs groupes et de la commission compétente, figureront sur cette liste

Amendement n°14, présenté par M. Collin et les membres du groupe du RDSE.

A la fin de cet article, supprimer le mot :

intéressés

Amendement n°12, présenté par M. Collin et les membres du groupe du RDSE.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

II. - Après la même phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Elle comprend au moins un membre de chaque groupe politique. »

M. Yvon Collin.  - Situés au coeur de la démocratie parlementaire, les groupes politiques doivent jouer un rôle déterminant dans la composition des commissions mixtes paritaires.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - La commission est favorable à l'amendement n°14, qui supprime une précision non indispensable.

Il en va autrement pour les amendements nos12 et 13, car la bonne organisation du travail parlementaire exige que la commission compétente désigne seuls les membres de la CMP, même si la consultation des groupes représentés en son sein fait partie des bons usages. En pratique, les CMP comprennent toujours au moins un membre de chaque groupe. Je propose le retrait de ces deux amendements, satisfaits en pratique.

L'amendement n°13 est retiré.

L'amendement n°14 est adopté.

L'amendement n°12 est retiré.

L'article 7, modifié, est adopté.

Article 8

I. - L'article 14 du Règlement est ainsi rédigé :

« Art. 14. - Le Sénat consacre, en principe, aux travaux des commissions le mercredi matin, éventuellement le mardi matin avant les réunions de groupe et, le cas échéant, une autre demi-journée fixée en fonction de l'ordre du jour des travaux en séance publique. »

II. - Après l'article 23 du Règlement, il est inséré une division ainsi rédigée :

« CHAPITRE III bis

« Offices parlementaires, délégations et autres instances

« Art. 23 bis. - Les instances autres que les commissions permanentes et spéciales, la commission des affaires européennes et la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes se réunissent en principe en dehors des heures où le Sénat tient séance. »

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Charasse.

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article 14 du Règlement :

« Art. 14. - Sous réserve du premier alinéa de l'article 48 de la Constitution, le Sénat consacre, par priorité, le mercredi matin aux travaux des commissions ainsi que, éventuellement, le mardi matin avant 10 heures 30 et s'il y a lieu une autre demi-journée fixée en fonction de l'ordre du jour des travaux en séance publique. En outre, et sous réserve de l'article 6 ter, les commissions peuvent être réunies à tout moment en cas de nécessité et avec l'accord de la Conférence des Présidents. »

M. Michel Charasse.  - Il s'agissait encore de sanctuariser les horaires des réunions de groupe. Comme notre assemblée l'a refusé tout à l'heure, je retire la suggestion. Il en va de même pour l'amendement n°22.

Les amendements nos21 et 22 sont retirés.

L'article 8 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°40 rectifié, présenté par MM. Collin, de Raincourt et Mercier.

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 18 du Règlement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ... - Un membre du secrétariat de chaque groupe politique peut assister aux réunions des commissions. Il ne participe à aucune discussion, ne peut s'exprimer en lieu et place d'un commissaire et ne prend part à aucun vote. Il est tenu à observer publiquement le même devoir de réserve et de discrétion que celui qui s'impose aux fonctionnaires du Sénat. »

M. Yvon Collin.  - Cette disposition se situe au coeur de la réforme équilibrée du Règlement, afin que celle-ci prenne en compte le rôle crucial des groupes politiques.

Par courrier du 18 février, les cinq présidents de groupe politique de notre assemblée ont écrit au Président du Sénat pour lui demander que les collaborateurs des groupes puissent participer aux travaux des commissions. Notre amendement poursuit cette démarche, même s'il n'a pas été signé par tous, pour des raisons de tactique politique.

La montée en puissance de la nouvelle organisation de notre travail exige que chaque groupe puisse instantanément connaître le travail des commissions. Même si les comptes-rendus des réunions de commissions sont à l'avenir publiés plus rapidement, la présence des secrétaires de groupe n'en sera pas moins indispensable. Ils n'auront bien sûr pas vocation à s'exprimer au nom des sénateurs.

L'urgente nécessité de cette proposition est confirmée par les travaux sur le projet de loi Hôpital, patients, santé, territoires.

Je rappelle que les collaborateurs des groupes sont soumis aux mêmes obligations de réserve que celles imposées aux fonctionnaires du Sénat.

M. le président.  - Sous-amendement n°74, présenté par M. Charasse à l'amendement n°40 rectifié présenté par MM. Collin, de Raincourt et Mercier.

compléter la première phrase du dernier alinéa de l'amendement n°40 rect. par les mots :

permanentes ou spéciales

M. Michel Charasse.  - Cette précision exclut les réunions secrètes des commissions d'enquête.

M. le président.  - Sous-amendement n°75, présenté par M. About à l'amendement n°40 rectifié présenté par MM. Collin, de Raincourt et Mercier.

Dans la première phrase du second alinéa de l'amendement n°40 rect., après les mots :

groupe politique

insérer les mots :

, si au moins sénateur de son groupe est présent,

M. Nicolas About.  - Il n'est pas question qu'un collaborateur siège en l'absence de tout sénateur de son groupe. Le respect l'impose.

M. Henri de Raincourt.  - Bien sûr !

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - L'amendement n°40 rectifié peut être justifié lorsque la commission élabore le texte qui sera soumis à la séance plénière, mais la rédaction proposée est trop générale. En outre, cette disposition relève non du Règlement, mais d'une instruction générale du Bureau.

J'en propose donc le retrait, en laissant au Bureau le soin de traiter cette question, sans oublier l'observation faite par M. Charasse ni les suggestions de M. About. Il sera également possible d'envisager la présence de collaborateurs du ministre, voire de la presse écrite ou parlée.

M. Michel Mercier.  - Ce sujet a une certaine importance, mais il n'est pas nécessaire d'y consacrer beaucoup de temps.

La présence de secrétaire de groupe lors des réunions de commissions est déjà entrée dans nos moeurs. Il s'agit exclusivement d'assurer une liaison plus efficace entre les commissions et groupes, ce qui devient indispensable puisque le délai entre la réunion de commission et la séance publique tend à se réduire. Nous avons tous besoin de connaître les amendements adoptés ou repoussés par la commission, et de savoir pourquoi, pour ne pas les représenter.

Monsieur Hyest, il faut croire à l'avenir et à l'amélioration de tout le monde, des présidents de commission comme des présidents de groupes... !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Oui, et des groupes minoritaires.

M. Michel Mercier.  - Vous commencez à entrevoir leur utilité : être les aiguillons des groupes majoritaires.

Retirer l'amendement ? D'accord, mais un jour, les débats les commissions feront l'objet d'une publicité intégrale.

M. Yvon Collin.  - Je souhaite un vote sur cette disposition qui va dans le sens de l'histoire. (Marques d'incompréhension sur le banc de la commission et à droite)

M. Michel Charasse.  - Je soutiendrai la position que vient de défendre le président de mon groupe, car une instruction du Bureau ne me choquerait nullement. Mais je ne serais pas non plus offusqué par l'adoption de l'amendement sous-amendé...

Il reste à préciser un point : lorsque le ministre des finances vient avec les commissaires du Gouvernement exposer le projet budgétaire devant la commission au grand complet, il n'y a plus une place disponible. Ayant commencé ma carrière parmi les secrétaires de groupe, je n'ai rien contre eux, mais le président de la commission doit pouvoir décider s'il les accepte ou non.

M. Henri de Raincourt.  - J'ai cosigné l'amendement rédigé par M. Collin, qui faisait suite à une lettre signée en février par tous les présidents de groupe. Mais l'argumentation de M. le rapporteur me convient.

De nouvelles latitudes de travail sont utiles pour accélérer la circulation de l'information. J'ai en tête la loi Hôpital, patients, santé, territoires.

Les conditions dans lesquelles la commission des affaires sociales a examiné le texte n'ont pas permis aux collaborateurs des groupes d'être informés avant un délai très long.

La réflexion de M. Charasse m'amène d'ailleurs à dire que les salles des commissions sont devenues inadaptées (M. Jean-Paul Emorine marque son approbation) ; je souhaite que le Bureau se penche rapidement sur ce problème.

Cela étant dit, je souhaite à titre personnel que notre amendement soit retiré. (MM. Yvon Collin et Michel Mercier y consentent)

L'amendement n°40 rectifié est retiré.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Tout ça pour ça !

M. Henri de Raincourt.  - Il fallait cosigner l'amendement !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - On accuse souvent les commissions d'être hostiles aux groupes.

Mme Jacqueline Gourault.  - C'est en effet l'impression qu'elles donnent !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Pour ma part, c'est un reproche que je n'ai jamais compris. Les commissions sont composées de membres des groupes ! C'est plutôt le Gouvernement qui se méfie de ces derniers et cherche à les contrôler en assistant aux réunions des commissions...

Si les ministres sont présents, il serait paradoxal que les représentants des groupes ne puissent l'être ! J'étais tout à fait hostile à la présence permanente des ministres aux réunions de commissions, qui occasionnera selon moi des dégâts considérables, et qui a déjà commencé à en faire... Mais le Règlement ne prévoit pas non plus que les fonctionnaires du Sénat assistent aux réunions ! Les auteurs de l'amendement ont raison de vouloir faire évoluer les choses, mais leur proposition pourrait être améliorée dans sa forme. Il faudra aussi tenir compte des avertissements de M. Charasse.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je n'ai pas cosigné l'amendement parce que c'eût été une manière de cautionner une réforme à laquelle mon groupe n'adhère pas. Mais j'ai dit que nous aurions voté cet amendement s'il n'avait pas été retiré.

Le droit pour les représentants des groupes d'assister aux réunions ne doit pas être soumis au bon vouloir des présidents de commission, alors que les collaborateurs des ministres ont toute liberté d'aller et venir dans les salles de réunion et dans les couloirs  !

Article 9

I. - La dernière phrase du 1 de l'article 18 du Règlement est ainsi rédigée :

« Les membres du Gouvernement peuvent assister aux votes destinés à arrêter le texte des projets et propositions de loi sur lequel portera la discussion en séance. »

II. - Dans le 2 du même article, les mots : « Conseil économique et social » sont remplacés par les mots : « Conseil économique, social et environnemental ».

III. - En conséquence, il est procédé (cinq fois) à la même substitution dans le 4 de l'article 42 du Règlement.

M. le président.  - Amendement n°46, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer le I de cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le Règlement actuel permet aux ministres d'être entendus par les commissions mais les oblige à se retirer lors des votes. La Constitution n'imposait nullement de revenir sur ce point. Nous n'avions pour notre part aucune intention d'interdire au Gouvernement l'accès aux commissions.

L'article 9 résulte de la décision du 9 avril dernier du Conseil constitutionnel, saisi de la loi organique ; le Conseil a jugé légitime d'autoriser le Gouvernement à assister aux votes des commissions, considérant que celui-ci a accès aux assemblées, qu'il peut y être entendu lorsqu'il le souhaite, que le débat en séance publique porte désormais sur le texte de la commission et que le Gouvernement doit pouvoir invoquer les articles 40 et 41 sur les amendements. Mais cette interprétation de la Constitution est trop large ! Les ministres peuvent d'ores et déjà être entendus par les commissions ; la recevabilité financière des amendements est déjà vérifiée préalablement à la séance -beaucoup de nos amendements en ont fait les frais- et le Gouvernement peut toujours y revenir lors du débat public.

Le cadre naturel de la discussion entre le Gouvernement et les parlementaires est la séance publique ! Les commissions sont des instances préparatoires, non des lieux de débat public ou de confrontation.

Cette disposition reviendrait à transférer aux commissions une partie des débats réservés jusqu'ici à la séance. M. le président Hyest s'y était opposé. Le Gouvernement risque d'accroître son contrôle sur les parlementaires ; je n'exclus pas d'être moi-même un jour dans la majorité, mais je refuse d'être ainsi soumise à la pression des ministères !

Dans l'hémicycle, des bancs sont réservés aux ministres qui siègent face aux parlementaires, signe de la séparation des pouvoirs. Ce n'est pas le cas en commission.

Le Conseil constitutionnel ne fait pas la loi !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission et M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Eh si !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous n'arriverez pas à me le prouver. Vous savez que j'ai toujours été hostile à ce genre d'empiètements.

M. Michel Charasse.  - Quand la Cour de cassation a décidé du sort de M. Chirac, nul ne l'en a empêchée !

M. le président.  - Amendement n°45 rectifié, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit le I de cet article :

I. - Le 1 de l'article 18 du Règlement est ainsi rédigé :

« 1. - Les ministres peuvent être auditionnés par les commissions. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est défendu. J'ajoute que le Conseil constitutionnel devrait revoir sa position en tenant compte des conditions d'examen de la loi sur l'hôpital : loin de collaborer avec le Parlement, le Gouvernement a déposé un très grand nombre d'amendements en séance publique...

M. Guy Fischer.  - Cent vingt-trois !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - ...et les collaborateurs de la ministre laissaient traîner l'oreille à la porte du président de la commission des affaires sociales !

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - La commission s'est battue pour défendre la même position que Mme Borvo et elle a recueilli l'assentiment unanime du Sénat. (M. Michel Charasse le confirme) L'Assemblée nationale était d'avis contraire, mais elle a fini par se ranger à notre position.

Cependant, le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision du 9 avril, que les dispositions constitutionnelles impliquent « que le Gouvernement puisse participer aux travaux des commissions consacrés à l'examen des projets et propositions de loi ainsi que des amendements dont ceux-ci font l'objet et assister aux votes destinés à arrêter le texte sur lequel portera la discussion en séance ». En vertu de l'article 62 de la Constitution, les décisions du Conseil s'imposent à tous, et nous sommes donc obligés de suivre celle-ci. Avis défavorable aux deux amendements.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Avec regret !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Défendez la souveraineté du Parlement !

L'amendement n°46 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°45 rectifié.

L'article 9 est adopté, contre l'avis du groupe CRC-SPG.

Les articles 10 et 11 sont adoptés.

Article 12

(Texte non modifié par la commission)

I. - Le 1 de l'article 24 du Règlement est ainsi rédigé :

« 1. - Le dépôt des projets de loi, des propositions de loi transmises par l'Assemblée nationale ainsi que des propositions de loi ou de résolution présentées par les sénateurs est enregistré à la Présidence. Il fait l'objet d'une insertion au Journal officiel et d'une annonce en séance publique lors de la plus prochaine séance. Les projets et propositions sont envoyés à la commission compétente sous réserve de la constitution d'une commission spéciale. Ils sont publiés. Leur distribution fait l'objet d'une insertion au Journal officiel. »

II. - Dans l'ensemble du Règlement, les mots : « imprimés et distribués » sont remplacés par le mot : « publiés » et au 2 bis de l'article 16, le mot : « distribution » est remplacé par le mot : « publication ».

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié, présenté par MM. Charasse et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, de Montesquiou, Plancade et Vall.

Compléter l'avant-dernière phrase du second alinéa du I de cet article par les mots :

et imprimés

M. Michel Charasse.  - L'article 12 dispose que les documents relatifs aux textes débattus par le Sénat sont « publiés », sans préciser qu'ils sont également imprimés et distribués. Le risque est grand que les rapports ne soient bientôt plus imprimés ! La doctrine de la présidence et du Sénat dans son ensemble est de considérer qu'il suffit de mettre un document en ligne sur internet pour le publier.

M. le rapporteur estime que la disposition que je propose « va de soi ». C'est loin d'être le cas ! Nous serons peut-être un jour contraints de courir dans les couloirs et d'appeler nos assistants pendant la nuit pour qu'ils impriment les documents nécessaires au débat ! Je veux bien que l'on tente de faire des économies par tous les moyens, mais celui-ci me paraît de nature à détériorer le travail parlementaire.

Si M. le président de la commission, M. le rapporteur et M. le Président du Sénat, qui est aussi l'auteur de la proposition de résolution, m'assurent que mes craintes sont infondées, je retirerai l'amendement. Sinon, il me paraît indispensable de le voter. Je ne suis pas aux ordres des fournisseurs d'accès à internet !

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Nos débats en séance font partie des travaux préparatoires qui joueront un rôle décisif dans l'interprétation du Règlement. Je puis donc vous assurer que, dans l'esprit de la commission, la publication des documents implique leur impression sur papier et leur distribution.

M. Charasse craint l'avenir. Mais rien n'interdira d'imprimer les documents publiés sur internet. En toute hypothèse, son amendement est donc satisfait et je sollicite son retrait.

M. le président.  - La Présidence entend bien que les documents continuent d'être imprimés et distribués. Mes compétences informatiques restent d'ailleurs limitées : nous progresserons ensemble ! (Sourires)

M. Michel Charasse.  - Merci de ces précisions. Mais M. Gélard écrit dans son rapport que mon amendement est « satisfait par la pratique ». Il ne s'agit pas de la pratique, mais des principes ! Fort des assurances qui m'ont été apportées, je retire l'amendement. Mais un drame surviendra le jour où l'on cessera d'imprimer les documents, car je n'utiliserai jamais internet ! (Rires)

Ce n'est pas confidentiel et je n'ai pas confiance !

L'amendement n°23 est retiré.

L'article 12 est adopté.

Article 13

I. - Après l'article 24 du Règlement, il est inséré un article 24 bis ainsi rédigé :

« Art. 24 bis. - Lorsque le Gouvernement engage la procédure accélérée prévue au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, il en informe le Président du Sénat, en principe, lors du dépôt du projet de loi. Dans le cas d'une proposition de loi, le Gouvernement fait part de sa décision d'engager la procédure accélérée au plus tard lors de l'inscription de la proposition à l'ordre du jour. »

II. - Dans la deuxième phrase du 2 bis de l'article 16 du Règlement, les mots : « de déclaration d'urgence formulée » sont remplacés par les mots : « d'engagement de la procédure accélérée ».

M. le président.  - Amendement n°48, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après les mots :

au plus tard lors

rédiger comme suit la fin de la seconde phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 24 bis du Règlement :

du dépôt de la proposition de loi sur le Bureau du Sénat.

M. Guy Fischer.  - Annoncer la procédure accélérée lors du dépôt du texte est une garantie minimum pour qui connaît la pratique gouvernementale et sa précipitation, dont témoigne encore la loi HSPT. L'inflation législative asphyxie le Parlement et le réduit à un simple rôle d'enregistrement. Le projet de loi sur l'hôpital donne lieu à un examen attentif au Sénat, mais la procédure accélérée va priver l'Assemblée nationale de la possibilité de débattre d'un texte profondément remanié. Le projet de résolution apporte une garantie minimale, mais la procédure accélérée levant le délai entre le dépôt d'un texte et son examen en séance publique, ce ne sera pas une grande contrainte pour le Gouvernement d'annoncer la procédure accélérée pour des textes qu'il veut voir passer la semaine suivante. Il faut établir un parallèle avec les propositions de loi qui servent trop souvent de cheval de Troie au Gouvernement : le Gouvernement doit annoncer la procédure accélérée lors de leur dépôt. D'ailleurs, cette déclaration suspend-elle l'obligation de dépôt six semaines au moins avant la discussion en séance publique ? Cela créerait une inégalité insupportable entre les groupes de la majorité et ceux de l'opposition.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Il peut s'écouler des mois entre le dépôt d'une proposition de loi et son inscription à l'ordre du jour : l'amendement encouragerait le Gouvernement à déclarer systématiquement la procédure accélérée. Même pour les projets, il a paru prudent de prévoir que ce délai s'appliquerait « en principe ». Avis défavorable.

M. Guy Fischer.  - On avait compris.

L'amendement n°48 n'est pas adopté.

L'article 13 est adopté.

Article 14

I. - Après l'article 28 du Règlement, il est inséré une division ainsi rédigée :

« CHAPITRE IV bis

« Examen des projets et propositions de loi

« Art. 28 bis. - La Conférence des présidents peut décider de l'organisation d'un débat d'orientation en séance publique sur un projet ou une proposition de loi.

« Art. 28 ter. - 1. - Deux semaines au moins avant la discussion par le Sénat d'un projet ou d'une proposition de loi, sauf dérogation accordée par la Conférence des présidents, la commission saisie au fond se réunit pour examiner les amendements du rapporteur ainsi que les amendements déposés au plus tard l'avant-veille de cette réunion. Ces amendements sont mis en distribution auprès des membres de la commission et transmis, le cas échéant, à la commission des finances ou à la commission des affaires sociales qui rendent un avis écrit. Le président de la commission se prononce sur leur recevabilité au regard de l'article 40 de la Constitution ou de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. La commission est compétente pour statuer sur les autres irrecevabilités, à l'exception de celle prévue à l'article 41 de la Constitution.

« 2. - Le rapport de la commission présente le texte qu'elle propose au Sénat et les opinions des groupes. Le texte adopté par la commission fait l'objet d'une publication séparée.

« 3. - La commission détermine son avis sur les amendements déposés sur le texte qu'elle a proposé avant le début de leur discussion par le Sénat. La commission saisie au fond est compétente pour se prononcer sur leur recevabilité, sans préjudice de l'application des articles 40 et 41 de la Constitution, ainsi que de l'article 45 du présent Règlement.

« Art. 28 quater (nouveau). - Le présent chapitre ne s'applique pas aux projets de révision constitutionnelle, aux projets de loi de finances et aux projets de loi de financement de la sécurité sociale. »

II. - En conséquence, le 1 bis de l'article 20 est supprimé.

III. - L'article 42 du Règlement est ainsi modifié :

1° La seconde phrase du 2 est ainsi rédigée :

« Pour la première lecture d'une proposition déposée au Sénat, la discussion est ouverte par l'auteur dans la limite de vingt minutes et se poursuit, le cas échéant, par la présentation du rapport de la commission. » ;

2° Le 6 est ainsi rédigé :

« 6. - La discussion des articles des projets ou propositions porte sur le texte adopté par la commission.

« Si la commission ne présente aucun texte ou si elle oppose une question préalable, une exception d'irrecevabilité ou une motion de renvoi en commission et que le Sénat la rejette, la discussion porte sur le texte du projet ou de la proposition, tel qu'il a été déposé ou transmis, ou, en cas de rejet par l'Assemblée nationale après transmission du Sénat, sur le texte précédemment adopté par le Sénat. Il en est de même des projets de révision constitutionnelle, des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

« Si le Sénat est saisi des conclusions d'une commission mixte paritaire, la discussion porte sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire. »

IV. - L'article 50 du Règlement est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Ce délai limite n'est pas applicable aux amendements de la commission saisie au fond ou du Gouvernement, ni aux sous-amendements. Il est reporté au début de la discussion générale lorsque le rapport de la commission saisie au fond n'a pas été publié la veille du début de la discussion en séance publique. »

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par M. About.

Après les mots :

Conférence des Présidents,

rédiger comme suit la fin de la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 28 ter du Règlement :

la commission saisie au fond se réunit pour examiner, successivement ou simultanément, les amendements du rapporteur et les amendements déposés dans le délai fixé par la Conférence des Présidents.

M. Nicolas About.  - Cet article a une importance particulière. Il dispose que la commission saisie au fond se réunit pour examiner les amendements du rapporteur et ceux déposés au plus tard l'avant-veille de sa réunion ; elle les examine en même temps. La commission des affaires sociales a expérimenté la nouvelle procédure avec la loi sur l'hôpital sur laquelle 1 500 amendements ont été déposés. Elle a siégé 39 heures pour élaborer un texte dans des conditions difficiles ; le rapporteur, qui a travaillé pendant des mois, et procédé à des dizaines voire à des centaines d'auditions, n'a plus la possibilité de présenter ses propositions de manière cohérente, ce qui rend nos travaux moins lisibles. On peut appeler prioritairement ses amendements, comme nous l'avons fait en considérant, dans l'esprit de la réforme, que les amendements compatibles n'étaient pas écrasés pour autant. Cependant, si le texte est long et compliqué, un examen au fil de l'eau gêne la compréhension du débat.

En séance publique, un membre de la commission des lois s'est étonné de la complexité du débat, et évoqué la procédure plus harmonieuse pour le projet de loi pénitentiaire. C'est que celui-ci avait été examiné sous les deux procédures, à cheval sur l'ancien et le nouveau système : le rapporteur avait présenté ses amendements à la commission, laquelle avait ensuite examiné la trentaine d'amendements extérieurs, puis élaboré son propre texte, sur lequel des amendements ont été déposés en séance publique.

Mon amendement laisse donc la possibilité aux commissions d'écouter d'abord la position du rapporteur et ses amendements. Conjuguant les avantages de l'ancienne et de la nouvelle procédure, elle permet aux commissions de choisir entre un examen simultané de tous les amendements ou l'examen successif de ceux du rapporteur et des autres. Cette souplesse sera bien utile.

Deuxièmement, l'amendement tend à ne pas figer à l'avant-veille le délai limite pour le dépôt des amendements. Dans certaines circonstances, par exemple à la veille des vacances parlementaires, ce délai peut être difficile à tenir. La Conférence des Présidents pourrait alors le fixer.

Je veux enfin faire état de difficultés techniques. Avec le système Ameli, tous les amendements débattus en séance publique ont une présentation similaire et sont classés par articles. Peut-être faudra-t-il imaginer quelque chose de semblable en commission car nous avons dû manipuler des centaines de fichiers informatiques. Il a également fallu réaliser 120 000 photocopies ; des écrans éviteraient de manipuler autant de papier à un moment où notre Assemblée s'engage dans une gestion plus respectueuse de l'environnement.

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

I. - Après les mots :

examiner les amendements

rédiger comme suit la fin de la première phrase du 1 du texte proposé par le I de cet article pour l'article 28 ter du Règlement :

qui sont déposés au plus tard l'avant-veille de cette réunion.

II. - Après la première phrase du 1 du même texte, insérer une phrase ainsi rédigée :

Les amendements du Gouvernement ne sont pas recevables en commission.

M. Guy Fischer.  - M. About vient de tirer les leçons de ce que nous venons de vivre sur le projet Hôpital, santé, patients, territoires. Notre groupe n'est pas celui qui a déposé le plus d'amendements et je partage en grande partie son analyse.

Cela fait quelque temps que notre Assemblée a mis en place la nouvelle procédure, laquelle pose des problèmes de forme et de fonds. Mon amendement tend d'abord à lever une ambiguïté de la première phrase de l'article 28 ter. Mieux vaut en effet que le Règlement ne prête pas à interprétation. Nous voulons que les amendements soient déposés au plus tard l'avant-veille de leur examen en commission -nous nous retrouvons ici avec le président About, mais nous considérons que cela doit être le cas de tous les amendements, y compris ceux du rapporteur afin d'éviter les difficultés auxquelles seraient confrontés les petits groupes qui n'ont pas beaucoup de collaborateurs, comme les grands groupes, ainsi que vient de l'expliquer M. de Raincourt. Il faut que les amendements du rapporteur soient portés à la connaissance de tous de manière à permettre un débat égal. Il convient donc que le Règlement prévoie le même délai pour tous les amendements et énonce clairement les nouvelles modalités. M. Gélard explique que le délai s'applique à tous les amendements...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - C'est écrit !

M. Guy Fischer.  - La seconde partie de mon amendement dispose que les amendements du Gouvernement ne sont pas recevables en commission. Mme Bachelot-Narquin ne s'est pas privée d'en déposer pendant l'examen de son projet : elle en a, pour faire plaisir au Président Sarkozy, déposé 123, tous plus importants les uns que les autres.

Pour préserver la séparation des pouvoirs, il est bon d'écrire noir sur blanc que les amendements du Gouvernement ne sont pas recevables en commission. Mme Bachelot et ses collaborateurs ont été omniprésents lors du débat en commission, sur le projet de loi Hôpital. Tirons les leçons de cette expérience.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - L'examen des amendements en commission ne relève pas du Règlement. En outre, il ne faudrait pas extrapoler à partir de l'expérience malheureuse du texte sur l'hôpital.

M. Guy Fischer.  - Chat échaudé...

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Chaque commission organise ses travaux comme elle l'entend. Le délai pour le dépôt des amendements vise à assurer l'information la plus complète des commissaires, mais rien ne justifie de réduire au minimum le délai de dépôt des amendements. Retrait du n°32, qui ne simplifie pas les choses... Quant au n°49, écarter le dépôt d'amendements gouvernementaux devant la commission n'est conforme ni à la Constitution, ni à la bonne information de la commission. Défavorable.

M. Nicolas About.  - J'ouvre la possibilité au président de la commission de modifier la méthode de travail selon les circonstances. M. Emorine verra, lorsque sa commission devra venir à bout de 1 400 amendements au projet de loi sur l'environnement, s'il préfère un examen séparé des amendements du rapporteur ou un examen tous amendements confondus, en bloc.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il faut laisser ouverte la façon de travailler. J'ai une certaine expérience de la présidence d'une commission... Sur l'article 28 ter, le groupe de travail est parvenu à un équilibre. Les amendements du rapporteur sont communiqués en même temps que les autres, ce qui n'est plus possible dans la rédaction du n°32.

M. Nicolas About.  - Nous laissons le choix !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Alors quel intérêt y a-t-il à l'écrire ?

M. Nicolas About.  - Si vous préférez voter une erreur, libre à vous mais je préfère pour ma part voter le n°32.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - J'ajoute qu'il y a toujours eu une concertation entre présidents de commission. Ici, elle eût été souhaitable.

M. Nicolas About.  - Cette fois, je suis mis en cause personnellement ! Je respecte tout le monde mais j'entends être également respecté. Je n'ai aucune expérience de présidence de commission, chacun le sait ; et la commission des affaires sociales n'a qu'une faible activité, chacun le sait... (On se récrie) Mais ouvrir la possibilité de choisir la méthode de travail en fonction des circonstances, ce n'est pas mettre quiconque en difficulté !

M. Pierre-Yves Collombat.  - La loi pénitentiaire s'est bien passée, la loi Hôpital beaucoup moins. Dans le premier cas, si le travail en commission a été fructueux, c'est que le rapporteur a pu présenter son texte dans sa cohérence, puis rassembler autour de sa rédaction au-delà même de sa majorité.

Nous sommes à la croisée des chemins. L'amendement About améliore le fonctionnement du Sénat. Il me paraît judicieux de prendre connaissance dans leur ensemble, dans leur cohérence, des propositions du rapporteur, plutôt que d'organiser une vaste foire d'empoigne.

M. Jean-Paul Emorine.  - Je suis partisan d'une entente cordiale entre présidents de commission ! (Sourires) Dans l'examen du projet de loi « Engagement national pour l'environnement », nous en sommes au titre premier, sur lequel ont été déposés 288 amendements. Nous examinons en priorité les amendements du rapporteur, puis les autres. Laissez-nous organiser nos travaux comme nous l'entendons ! C'est ce que nous avons fait jusqu'à aujourd'hui, cela n'a pas si mal réussi ! L'amendement de M. About se borne à confirmer notre pratique. Au sein du groupe de travail, nous sommes parvenus à un accord, l'amendement est inutile, nous avons toute faculté d'organiser le travail en commission.

M. Michel Charasse.  - Ne laissons pas le débat dériver vers les mises en cause entre collègues. Nous devons tous ensemble appliquer un texte constitutionnel que nous n'avons ni inventé ni demandé et qui semble provenir d'arrière-salles enfumées de rédactions de journaux, voire de cafés du commerce. Mais nous devons le mettre en musique du mieux que nous pouvons...

Je comprends la position de M. About mais aussi les arguments du rapporteur. Chaque président organise les travaux de sa commission comme il l'entend. Si les inconvénients signalés par M. About se manifestent, il y a toujours la possibilité de demander la réserve du vote.

La commission des lois propose de réfléchir d'ici un an à une nouvelle refonte partielle des règles. Ce serait peut-être l'occasion d'interdire le dépôt d'amendements identiques rédigés comme un sabot par des groupes de pression préoccupés seulement par la défense d'intérêts corporatistes. Il n'est pas nécessaire d'entendre et réentendre encore leur présentation : une seule fois suffit et chacun ensuite s'exprime s'il le souhaite. Voilà une manière d'améliorer le travail parlementaire.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Je vous prie de m'excuser, cher président About, si je vous ai choqué ; telle n'était pas mon intention. Mais l'article 28 ter a fait l'objet de longs débats au sein du groupe de travail. « Simultanément ou successivement » : le problème ne vient pas de là mais du délai posé par la Conférence des Présidents pour l'examen en séance publique. Lorsque l'on dispose de six semaines, tout va bien ! Quant à la deuxième partie de l'amendement, un accord a été trouvé difficilement au sein du groupe, restons-en là.

M. Nicolas About.  - Souvenons-nous du titre IV, que l'on a encore décalé en Conférence des Présidents !

L'amendement n°32 n'est pas adopté, non plus que le n°49.

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après les mots :

des membres de la commission

supprimer la fin du 1 du texte proposé par le I de cet article pour l'article 28 ter du Règlement.

Mme Éliane Assassi.  - Cet amendement, comme l'amendement n°51, est relatif à la pratique, élaborée dans une grande discrétion, de l'irrecevabilité.

La majorité n'a pas souhaité ici retenir le crédit-temps, qui n'a aucun fondement constitutionnel mais qu'on a vu apparaître avec la loi organique. Le nouvel article 44 ouvre à nos yeux la voie à ce que nous avons appelé le 49-3 parlementaire prôné par M. Balladur et sa commission à dominante présidentialiste. Gouvernement et majorité s'étaient engagés à respecter le droit d'amendement, et M. Lang comme les radicaux de gauche ont fait confiance aux porte-parole du Gouvernement : mal leur en a pris, puisqu'il en est aujourd'hui fini du débat démocratique à l'Assemblée nationale. Que M. Accoyer, tel Tartuffe, pousse des cris d'orfraie à destination de son comparse M. Copé et fasse celui qui n'a rien vu n'y change rien. (Exclamations à droite) Cette commedia dell'arte serait drôle si la victime n'en était la démocratie parlementaire.

Le Sénat dans sa sagesse a décidé de ne pas appliquer la limitation du temps de débat. Mais qui peut croire qu'une assemblée élue au suffrage indirect pourra faire vivre le débat démocratique dans l'atonie de l'Assemblée nationale ? Il fallait un moyen de tuer le débat de manière plus civilisée : la pratique de l'irrecevabilité est entre les mains de la majorité et du Gouvernement une arme utile et efficace ! Nous l'avons vérifié lors de l'examen de la loi sur les retraites, lorsque le président de la commission des finances a arbitrairement fait disparaître plus d'une centaine d'amendements de notre groupe.

Avec la proposition de résolution, le court-circuitage n'a plus lieu en séance, mais en commission. Nous refusons cette modification.

M. le président.  - Amendement n°24 rectifié, présenté par MM. Charasse, Collin et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde et MM. de Montesquiou, Plancade et Vall.

Dans la deuxième phrase du 1 du texte proposé par le I de cet article pour l'article 28 ter du Règlement, après les mots :

des affaires sociales

insérer les mots :

, sous réserve de l'accord du Président de la commission des finances

M. Michel Charasse.  - Je rectifie cet amendement : les mots que je souhaite insérer ont mieux leur place au début de la troisième phrase.

M. le président.  - Il s'agira de l'amendement n°24 rectifié bis.

M. Michel Charasse.  - Qui sera juge de l'article 40 ou des dispositions analogues relatives aux lois de financement de la sécurité sociale ? Aujourd'hui, il n'y en a qu'un, c'est la commission des finances. Depuis 1958, tant l'Assemblée nationale que le Sénat ont mis en oeuvre une pratique qu'on peut certes contester mais que le Conseil constitutionnel n'a jamais remise en cause, et d'une grande homogénéité. Or la proposition de résolution risque d'apporter un grand désordre et beaucoup de mécontentement entre collègues en laissant le soin aux présidents de commission, même s'ils s'efforcent de s'inspirer de la pratique de la commission des finances, de juger eux-mêmes de la recevabilité des amendements déposés devant celle-ci. Que se passera-t-il, monsieur le Président, si l'on vous réveille à 2 heures du matin pour vous demander de trancher un différend entre le président d'une commission et celui de la commission des finances, un différend que le Règlement ne vous donne pas le pouvoir de trancher ? Le premier pourra juger un amendement recevable, et le second irrecevable un amendement extérieur identique au précédent...

Ma proposition est simple ; je souhaite que la commission des lois l'accueille favorablement. Il n'est pas question de nier le pouvoir d'appréciation des présidents de commission mais de dire qu'il ne peut y avoir de décision définitive sans l'accord du président de celle des finances.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Comme le mal des patients du docteur Knock, l'article 40 chatouille ou gratouille, on ne sait... (Sourires)

L'amendement n°50 supprime un dispositif qui me paraît, s'agissant de cet article, plus simple que celui d'aujourd'hui et sans doute plus adapté. Il est clair que certains présidents de commission se tourneront en cas de doute vers celui de la commission des finances. L'irrecevabilité refusée par un président de commission pourra toujours être soulevée en séance publique ; le différend sera tranché de la plus simple des façons.

M. Michel Charasse.  - C'est humiliant !

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Grâce à un amendement de MM. About et Arthuis, la commission des finances, saisie, devra se prononcer par écrit. Toutes les précautions sont prises. On ira plus vite et on évitera des surprises.

Avis défavorable à l'amendement n°50 et retrait de l'amendement n°24 rectifié bis. On verra ce que donnera la pratique.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Contrairement à ce qui se passait à l'Assemblée nationale, le Sénat, jusqu'à l'été 2007, ne pratiquait pas le contrôle de recevabilité a priori ; la commission des finances attendait la discussion en séance publique et l'éventuelle invocation de l'article 40 pour se prononcer. Cette pratique a suscité chez certains ministres -sans doute déçus par les arbitrages interministériels- la tentation de rechercher la bienveillante compréhension de l'un d'entre nous pour faire passer un amendement ; ils s'en remettaient alors à la sagesse et personne n'invoquait l'article 40 -ce qu'ils n'auraient pas osé faire dans l'autre chambre. Jusqu'au moment où le Conseil constitutionnel a censuré certaines initiatives sénatoriales, avec des attendus plutôt sévères, en particulier lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

Nous en avons alors débattu et la Conférence des Présidents a tranché. Depuis l'été 2007, la commission des finances examine systématiquement les amendements. Un rapport a été déposé en juin 2008 pour faire le point. Le contrôle de tous les amendements nécessite une forte mobilisation de moyens au sein de la commission des finances, étant entendu qu'elle doit être présente dans l'hémicycle pour dire éventuellement son mot sur les sous-amendements de séance. Elle devrait désormais se mobiliser pour se prononcer sur la recevabilité de tous les amendements déposés devant la commission.

Il ya eu une large concertation au sein du groupe de travail et nous avons décidé que les présidents de la commission saisie au fond ou de la commission spéciale auraient à se prononcer sur la recevabilité au regard de l'article 40. C'est une question de confiance entre le président de la commission saisie au fond et celui de la commission des finances. Lorsqu'il y a doute, je fais procéder à une expertise que je communique par écrit à la commission saisie au fond.

En séance publique, nous avons la possibilité d'invoquer l'article 40 et, s'il m'apparaît, avant même la séance, qu'il y a un doute, j'en informe le président de la commission concernée.

Les propositions de loi posent un problème : en dépit des précautions extrêmes de leurs auteurs (sourires), il peut arriver (nouveaux sourires) qu'une proposition soit totalement ou partiellement irrecevable au regard de l'article 40. Pour ne pas exercer de pression sur les auteurs de ces propositions, il a été convenu qu'on ne se prononcerait pas sur la recevabilité des propositions.

Il peut aussi arriver -et Michel Charasse l'a signalé- qu'un amendement soit conforme à la philosophie de la proposition de loi mais déclaré irrecevable par la commission des finances ; c'est arrivé il y a peu de temps... Le Gouvernement nous rendrait service s'il invoquait lui-même l'irrecevabilité quand il y a doute.

C'est cette pratique qu'il faut faire vivre, une pratique fondée sur la confiance. J'ajoute que je n'éprouve aucun plaisir particulier à me prononcer sur cette recevabilité et je m'en dispenserais volontiers. J'avais même eu l'audace de proposer un amendement supprimant l'article 40, au motif qu'il ne nous avait pas mis à l'abri d'une dette publique de 1 000 milliards...

L'amendement n°50 n'est pas adopté.

M. Michel Charasse.  - Si j'ai bien compris le rapporteur, il y aura transmission quasi systématique des amendements douteux. La proposition de doubler, dès le mois prochain la retraite du combattant, par exemple... (« Ah enfin ! » sur divers bancs à droite et au centre), n'a aucune chance d'être transmise. (Rires) Si ce système prévaut, j'ai satisfaction. Mon objectif n'est pas de ridiculiser le Sénat devant le Conseil constitutionnel, ni d'humilier les présidents des commissions. Cet article 40 n'est pas facile à appliquer, pour personne, il nécessite du doigté et, si j'étais le président Arthuis, il m'arriverait d'envier les présidents des autres commissions. Mais si désormais, lorsqu'il y a doute, on transmet à la commission des finances qui tranche, je retire mon amendement.

L'amendement n°24 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Collombat.

Rédiger comme suit la troisième phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 28 ter du Règlement :

Le président de la commission saisie au fond et, le cas échéant, ceux des commissions des finances et des affaires sociales se prononcent par avis motivé sur leur recevabilité au regard de l'article 40 de la Constitution ou de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.

M. Pierre-Yves Collombat. - Suite à la décision du 14 décembre 2006 du Conseil constitutionnel, sur laquelle je préfère passer, le Sénat a mis en place, le 1er juillet 2007, un nouveau système de vérification de la recevabilité financière des amendements au regard de l'article 40 de la Constitution. Contrairement à ce qu'affirme le président de la commission des finances dans son rapport d'information n°401, ce système renforce la censure déjà lourde exercée sur les sénateurs, censure a priori et aléatoire; condamnation au silence sans recours ni possibilité de se défendre ou de s'expliquer. Il parait que c'est pour mieux assurer la « sécurité juridique » des textes que nous votons. Cette sécurité sera parfaite lorsque l'initiative des lois et le droit d'amendements seront réservés au Gouvernement, au nom, bien sûr, du renforcement des droits du Parlement.

Depuis la mise en place de la nouvelle procédure le pourcentage des rejets au titre de l'article 40, par rapport au nombre d'amendements présentés a été multiplié par 2,5. L'interprétation traditionnellement extensive de la notion de « charges publiques » est désormais poussée jusqu'à l'absurde, au burlesque. Pour prendre le récent exemple de la loi pénitentiaire, préciser que non seulement un détenu doit être informé de ses droits mais qu'il doit l'être dans une langue qu'il comprend tombe sous le coup de l'article 40. Comme l'observait le président About, rapporteur pour avis : « Lorsque la commission propose simplement qu'un infirmier puisse veiller en permanence sur les détenus et servir de relais, on lui oppose l'article 40, mais lorsqu'elle demande l'installation d'un bloc opératoire, d'un service de réanimation, on estime que l'article 40 n 'est pas applicable ».

Les choses absurdes devant être faites selon des règles, une casuistique byzantine permet de justifier l'injustifiable. Elle distingue notamment les dépenses supplémentaires qui ne peuvent être ni gagées ni compensées des diminutions des recettes qui peuvent l'être. Une proposition de déductibilité fiscale de pertes boursières peut venir en discussion si l'auteur a pris la précaution de la gager par une taxe sur les tabacs ou sur les Carambars. En revanche, rendre facultative l'organisation du SMA par les communes de moins de 3 500 habitants n'est pas recevable, même si l'hypothétique dépense supplémentaire qu'elle est censé entraîner pour l'État, est compensée par une économie sur le versement de la contribution de celui-ci à la commune chargée d'organiser le service !

C'est un article très pratique pour éviter de parler de ce qui fâche. Même quand tout le monde est d'accord, seules des acrobaties juridiques bizarres permettent d'aboutir : financements portés par des sous amendements gouvernementaux, articles bidons pour lever le gage.

J'exagère ? Je caricature ? Voici quelques jugements glanés sur les bancs de la majorité sénatoriale, lors de l'examen de la loi pénitentiaire.

Jean René Lecerf, rapporteur : « Les voies de l'irrecevabilité financière, comme celles du Seigneur, sont parfois impénétrables ».

Roland du Luard, président de séance : « Je me permets d'observer, en ma qualité de plus ancien membre de la commission des finances, que l'on peut parfois s'interroger sur l'usage qui est fait de l'article 40. Les arguments que je viens d'entendre me paraissent plein de bon sens... Il y a là manifestement quelque chose d'incompréhensible ».

Nicolas About : « Je regrette que l'article 40 ait été opposé à une disposition qui paraissait raisonnable parce qu'elle pouvait être appliquée avec les moyens existants ».

Jean Jacques Hyest, président de la commission des lois : « Nous sommes parfois un peu surpris de l'application de l'article 40... Peut-être devra-t-on mener une réflexion globale, comme nous l'avons demandé, sur la mise en oeuvre de l'article 40 ».

Hugues Portelli : « L'utilisation de l'article 40 me semble excessive, en particulier sur le texte que nous examinons aujourd'hui ».

Il conviendrait, en effet, de mener une réflexion globale sur l'application de l'article 40 au Sénat. On regrettera d'autant plus que la révision de notre Règlement n'en ait pas été l'occasion.

L'objet de cet amendement est beaucoup plus modeste que la proposition du président Hyest. II ne remet pas en cause non plus, le délicat équilibre auquel la commission du Règlement est parvenue. Il corrige l'aspect le plus choquant de la censure exercée au nom de l'article 40, quel que soit celui qui l'exerce : président de la commission saisie au fond, de la commission des finances ou des affaires sociales. Avec le nouveau Règlement, comme par le passé, les sénateurs continueront à être censurés sans pouvoir se défendre. Qu'au moins leur condamnation soit motivée par autre chose qu'une formule mécanique, du type : « cette proposition équivaut à un transfert de charges publiques des communes vers l'État » ou « représente une augmentation de la charge publique ». Qu'ils soient informés, par les bruits de couloirs, par téléphone, par écrit ou par pigeon voyageur ne change rien à l'affaire. Ce qui importe c'est de donner aux décisions un minimum de fondement. Tout le monde et les institutions s'en porteront mieux. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - L'article 40 ne chatouille ni ne gratouille M. Collombat, il lui cause une urticaire géante. L'irrecevabilité au nom de l'article 40 est un impératif absolu qui n'exige aucune motivation. La rédaction proposée par la commission, qui prévoit un avis écrit est un progrès par rapport à la proposition de résolution initiale. De plus le texte même de l'article 40 est une explication motivée. Avis défavorable.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Je veux rassurer M. Collombat. Il a utilisé le terme « aléatoire ». C'est en conscience, quelquefois au terme d'une longue réflexion que nous prononçons l'irrecevabilité, conscients de la gravité de cet avis. Ce n'est pas une censure, c'est l'application d'une disposition prévue par la Constitution. Nous n'avons pas de marge de manoeuvre : si nous commencions à interpréter, nous entrerions dans une jurisprudence aléatoire et serions menacés par l'arbitraire.

Notre collègue Collombat nous dit que l'on apprend que les amendements sont irrecevables par des bruits de couloir. Voilà une appréciation bien abusive. A chaque fois, un message est envoyé par courriel, que je confirme par écrit. Sans doute les motivations sont-elles parfois lapidaires, mais lorsque vous avez eu votre mouvement d'irritation, je vous ai accueilli à la commission des finances : la courtoisie sénatoriale doit régner sans faille. Je suis toujours à votre disposition pour tenter d'expliquer ce qui vous apparaît arbitraire.

N'oubliez pas que la rédaction de l'article 40 est très stricte. Elle parle de recettes publiques -au pluriel-, et donc une diminution d'impôt peut être compensée par l'augmentation d'un autre, mais pour l'aggravation de la charge publique -au singulier- il n'y a pas de gage possible. S'il l'on parle de l'accueil d'enfants dans une commune de moins de 3 500 habitants, oui, l'État devra en assurer la charge, et l'article 40 s'applique.

J'ai entendu nombre d'appréciations critiques, y compris, c'était une première, de la part d'un président de séance, y compris de la part de membres de la commission des finances. Je les assume. Car dans les mois qui viennent, nous allons entrer dans une démarche plus compréhensive de l'application de cet article.

M. Michel Charasse.  - L'intervention de M. Collombat, faite avec une certaine sincérité, me rappelle le débat que nous avons eu lors de la révision constitutionnelle de 2008.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Absolument !

M. Michel Charasse.  - Je vous rappelle qu'il était question d'assouplir, voire de supprimer l'article 40. Le Parlement, à l'unanimité -ou en tout cas à la majorité de ses assemblées-, a décidé de ne pas y toucher. Je ne vois pas comment nous pourrions aujourd'hui revenir là-dessus.

L'article 40 n'est pas une invention de la Ve République. C'est le décret Guy Mollet du 19 juin 1956 qui a posé les principes de l'irrecevabilité financière, et il s'est appliqué durant toute la fin de la IVe République, jusqu'au changement de Constitution. Si Guy Mollet, pourtant très favorable au régime parlementaire, s'est résolu à prendre une telle disposition, c'est que les choses étaient devenues très difficiles.

Nous avons toujours essayé, à la commission des finances, de faire l'application la plus souple et la plus intelligente de l'article 40. En matière pénale, nous ne l'appliquons pratiquement pas. Sinon, on ne pourrait tout simplement ni réduire ni supprimer une amende, puisqu'il y aurait une perte de recettes pour l'État. Même chose pour les lois d'amnistie, qui faisaient perdre un maximum de recettes, y compris aux collectivités locales... Nous avons de même toujours accepté que les propositions de loi créant des dépenses soient gagées, ce qui est contraire à la jurisprudence comme à la doctrine. Sinon, aucune proposition de loi ne pourrait jamais être déposée sur notre Bureau ou celui de l'Assemblée... sauf en matière fiscale, où la compensation est possible.

Lorsque nous avons voté la loi organique relative aux lois de finances, dont je rappelle qu'elle est issue d'une proposition Migaud-Lambert, donc une construction parlementaire transcendant les clivages politiques puisque l'Assemblée nationale et le Sénat n'étaient pas alors de la même couleur, nous avons autorisé le transfert de crédits d'un programme sur un autre, et le Conseil constitutionnel a accepté, sur le rapport, il est vrai, de l'un de ses membres qui se trouvait avoir été ancien secrétaire général de l'Assemblée nationale, où il avait sans doute pu éprouver les difficultés à appliquer l'article 40...

Ne soyons donc pas trop injustes à l'égard des autorités chargées d'en assurer l'application, sinon, c'est le Conseil constitutionnel qui s'en chargera, et l'on a vu le résultat sur la loi organique du printemps dernier...

Je crains, enfin, qu'un jour le Conseil constitutionnel ne se réveille sur le caractère sérieux des gages et ne prohibe le gage bidon, ce qui ferait tomber un pan entier de nos initiatives financières en matière fiscale... Moralité, moins on remuera la mélasse sur cette affaire, mieux on se portera.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je veux dire au président Arthuis que je n'entendais pas soulever un problème personnel, et je lui donne volontiers acte qu'il examine les amendements en conscience. Mais en conscience, on peut aboutir à des résultats aléatoires, là est bien le problème.

Si l'on pouvait inscrire de telles propositions dans un texte, je sous-amenderais volontiers le mien en reprenant la formule de M. Charasse : qu'il soit fait l'application la plus souple et la plus intelligente de l'article 40.

Quant à M. Gélard, je lui répondrai que certes, l'article 40 s'applique de façon absolue, mais qu'il y faut un minimum d'explication : je ne demande pas autre chose. Visiblement, hélas, tout le monde est convaincu que j'ai raison, mais personne ne veut voter mon amendement.

Mme Jacqueline Gourault.  - Vous êtes bien pessimiste.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 19 h 10.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.