SÉANCE

du lundi 29 novembre 2010

39e séance de la session ordinaire 2010-2011

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

Secrétaires : M. Jean-Noël Guérini, M. Bernard Saugey.

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Loi de finances pour 2011 (Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi pour 2011, adopté par l'Assemblée nationale.

Justice

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des crédits affectés à la mission « Justice » et les articles 75 et 75 bis.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Je suis heureux de vous saluer, monsieur le ministre ; votre nomination honore la Sénat.

La mission « Justice » bénéficie de moyens en hausse de 4,1 %, à 7,1 milliards d'euros en crédits de paiement. Les crédits du programme « Justice judiciaire » augmentent de 4,4 % ; 127 ETPT sont créés, mais le ratio de greffiers par magistrat reste insuffisant, à 0,86. S'agissant des frais de justice, la sous-budgétisation constatée les années précédentes se poursuit ; la commission aura un amendement sur ce point.

Un bon point, le coût de la nouvelle carte judiciaire est maitrisé.

Pouvez-vous nous éclairer sur l'effectivité des décisions pénales ?

L'administration pénitentiaire pénale voit ses moyens augmenter de 6,8 % en autorisations d'engagement et de 4,5 % en crédits de paiement ; le plafond d'emplois est fixé à 34 857, pour un gain net de 413 emplois ; 1 139 places sont créées. Cependant, la surpopulation carcérale dépasse parfois 200 %. À compter du 1er janvier 2011, le transfèrement des détenus sera, hormis pour les cas « signalés », confié au ministère de la justice, qui bénéficiera du transfert de 800 emplois. Quelles seront les deux régions pilotes, monsieur le ministre ?

Enfin, le nombre de psychiatres en milieu carcéral reste insatisfaisant, sachant que 25 % des détenus souffrent de troubles psychiques. Quelles solutions étudiez-vous pour y remédier ?

Depuis 2009, la protection judiciaire de la jeunesse privilégie la prise en charge des mineurs délinquants, conformément à son projet stratégique 2009-2011. Les crédits sont en diminution de 2,1 % ; les suppressions de postes concerneront la seule fonction support. On atteint là un plancher. Les résultats sont encourageants, 70 % des mineurs pris en charge n'ont pas récidivé ni réitéré dans les douze mois.

L'aide juridictionnelle progressera significativement, en raison cependant du passage du taux de TVA sur la rétribution des avocats de 5,5 % à 19,6 %. L'introduction d'un ticket modérateur devrait responsabiliser les plaideurs.

La réforme de la garde à vue constituera un défi budgétaire majeur.

Les crédits de l'administration centrale augmentent significativement et enregistrent des changements de périmètre. Un des enjeux de 2011 sera de réussir le regroupement des services en un site unique.

Sous réserve de l'adoption de l'amendement qu'elle a déposé, la commission vous propose d'adopter les programmes de la mission. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Les crédits du programme « Administration pénitentiaire » progressent de 4,5 %, dans le cadre d'un budget de la justice en forte augmentation.

Le plafond d'emplois atteint 34 857 ETPT, soit une augmentation de 1 837 en deux ans. Cela suffit à justifier l'avis favorable de la commission des lois, mais je souhaite interroger le Gouvernement sur certains aspects de la politique pénitentiaire.

Tout d'abord, nous n'observons pas de rééquilibrage des recrutements au profit du service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip) puisque les emplois créés sont essentiellement de surveillance et liés à l'ouverture de nouveaux établissements

Si la commission souhaite le remplacement des places obsolètes par d'autres conformes au respect de la dignité des détenus, elle relève que l'objectif d'accroissement du nombre d'aménagements de peines nécessiterait, selon l'étude d'impact de la loi pénitentiaire, la création de 1 000 postes de conseillers d'insertion ; il n'y en aura guère que 260 sur 2010 et 2011.

Le taux de détenus exerçant une activité rémunérée sera à peine supérieur en 2011 qu'en 2009. Envisagez-vous de mobiliser l'administration pénitentiaire ? On peut également s'interroger sur les indicateurs de performance relatifs à l'accès aux soins ou à la sécurité des établissements, ou encore sur le coût de la gestion déléguée. Le risque existe d'un parc pénitentiaire à deux vitesses.

L'encellulement individuel : depuis le 1er octobre 2009, nous avons divisé par deux le nombre d'établissements connaissant une densité supérieure à 150 % mais on ne peut justifier la fermeture d'établissements par l'impossibilité d'y atteindre les 100 % d'encellulement individuel. Nous ne sommes pas des ayatollahs de celui-ci : lorsque la loi Perben a été votée, on prévoyait 30 % de cellules collectives. Nous comptons sur votre modération, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Je suis partagé : les crédits du programme « Justice judiciaire » progressent, mais certains chefs de cour sont contraints de gérer la pénurie.

Si la logique de performance a permis d'accélérer la rationalisation du travail des juridictions, l'approche statistique offre une vision parfois déformée de la réalité : on agrège dans les indicateurs des procédures, quel que soit l'investissement exigé pour chacune. L'application Cassiopée permettra-t-elle de mieux appréhender ce qu'il en est ? La nouvelle carte judiciaire entrera en vigueur au 1er janvier. Globalement, l'accompagnement des personnels semble satisfaisant, mais le volet immobilier paraît moins assuré.

Les maisons de la justice et du droit (MJD) doivent faciliter l'accès au droit des personnes les plus fragiles, celles qu'on retrouve souvent en première instance ; mais elles ne fonctionnent que grâce à l'apport des collectivités territoriales...

Les frais de justice avaient diminué de 22 % en 2006 avec l'entrée en vigueur de la Lolf ; depuis, ils sont repartis à la hausse, au point de contraindre les responsables à réduire les frais de fonctionnement pour honorer les factures. Certaines juridictions ont cessé de payer les frais de justice en novembre ! Des mesures d'économie ont été prises. Que peut-on en espérer ?

La commission s'inquiète de l'absence de gestion prévisionnelle des effectifs. Il faut mettre l'accent sur la création de postes de greffiers et de fonctionnaires ; le problème ne sera pas résolu par la simple transformation de postes de secrétaires administratifs en postes de greffiers.

D'ici 2017, quelque 300 magistrats partiront à la retraite chaque année. Or, on n'ouvre que 105 places aux trois concours de l'ENM !

Il semble très optimiste de compter sur 500 magistrats dans la réserve judiciaire, puisque seuls 71 sont maintenus en surnombre.

La réforme de la garde à vue nécessitera des crédits spécifiques ; le paiement direct du droit de plaidoirie ne suffira pas. Pouvez-vous nous éclairer, monsieur le ministre ?

Les crédits du CSM augmentent pour prendre en charge les dépenses autrefois assumées par la Présidence de la République et accueillir 22 membres au lieu de 16. Les locaux sont-ils encore adaptés ? La commission des lois unanime souhaite un programme spécifique pour le CSM.

Sous le bénéfice de ces observations, elle est favorable à l'adoption des crédits du programme. (Applaudissements sur les bancs de la commission et UMP)

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Pour la troisième année consécutive, les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) diminuent. Presque 350 postes auront été supprimés sur la période 2008-2011. S'achèvera l'an prochain son recentrage sur la seule prise en charge des mineurs délinquants ; elle cessera de financer la prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs, à l'exception des mesures d'investigation, conformément à son projet stratégique de 2008.

Ce recentrage s'est accompagné d'un renforcement de la prise en charge des mineurs délinquants, dont les crédits ont augmenté de 27 % -le nombre de mineurs confiés au pénal à la PJJ a augmenté de 40 % entre 2002 et 2009. Les équipes éducatives ont été renforcées, les délais de prise en charge ont diminué malgré de grandes disparités territoriales, et les moyens ont été concentrés sur les structures accueillant les mineurs les plus difficiles, centres éducatifs fermés (CEF) et établissements pour mineurs (EPM).

Dans le même temps, les fonctions support ont vu leurs crédits baisser de 18 % en trois ans et l'offre a été rationalisée. Aujourd'hui, ce mouvement semble atteindre ses limites ; le seul levier de maîtrise des coûts semble aujourd'hui l'amélioration des taux d'occupation des structures. La commission estime que les crédits de la PJJ doivent maintenant être stabilisés. Pour cette raison, elle s'oppose à l'amendement adopté par la commission des finances.

Quelles seront les orientations stratégiques de la protection judiciaire de la jeunesse pour 2012-2014 ?

J'en viens aux CEF, dont j'ai constaté la qualité. Peut-on mesurer leur incidence sur la récidive et la réinsertion ? Les associations s'inquiètent des économies réalisées sur les alternatives à la détention, ainsi que sur l'investigation et la réparation pénale.

À compter de 2011, la protection judiciaire de la jeunesse ne prendra plus en charge les jeunes mineurs en danger, ni les jeunes majeurs. Quelles en seront les incidences budgétaires pour les départements ? Au demeurant, la limite entre mineur en danger et mineur délinquant est parfois ténue. Il est souhaitable que la protection judiciaire de la jeunesse poursuive à titre expérimental la prise en charge des jeunes délinquants après la fin de leur peine.

La commission est favorable à l'adoption des crédits de la mission. Je veux enfin rendre un hommage appuyé aux fonctionnaires et aux éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse. (Applaudissements au centre, à droite et sur le banc de la commission)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les orateurs de la majorité se montrent très critiques, et puis ils votent...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - C'est la loi du genre !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je ne conteste pas l'augmentation des crédits mais il y a un problème.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Un seul ? Tout va bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous désapprouvons totalement la politique du Gouvernement. Notre pays est au 37e rang des pays membres du Conseil de l'Europe pour les crédits de la justice.

Ceux de la justice judiciaire augmentent de 4,4 % ; 80 postes seulement seront mis au concours de l'ENM ; vous supprimez des postes de catégorie C, déjà insuffisants ; l'augmentation du ratio de greffier-magistrat est dérisoire. La nouvelle carte judiciaire éloignera les justiciables de la justice. Les frais de justice restent sous-évalués. Le Livre blanc de l'Union syndicale des magistrats est édifiant sur la misère de nombreuses juridictions.

Les crédits de l'aide judiciaire consacrée à la garde à vue passeront de 15 à 80 millions, mais la Chancellerie table sur une diminution des gardes à vue de moitié, ce qui semble ambitieux.

Les partenariats publics-privés deviennent la règle pour la construction et la maintenance des palais de justice, malgré leur coût prohibitif dénoncé par la Cour des comptes. Le privé se paie, et cher.

Quid du travail en prison, de l'accès aux soins, de l'aménagement des peines ? Les crédits de personnel ne permettront pas de compenser les départs à la retraite ! Et l'administration pénitentiaire devra désormais assurer les transfèrements.

L'enfermement demeure prioritaire. Vous fermez 45 établissements pénitentiaires et en ouvrez une vingtaine pour accueillir 14 000 détenus dans des structures de grande taille, où la technique prime sur l'humain, centralisées et privatisées. Le secteur privé rachètera les sites fermés et bénéficiera des partenariats publics-privés, alors que le coût de la gestion déléguée a augmenté de 13 % entre 2006 et 2008.

Les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse baissent pour la troisième année ; vous tentez de justifier cette baisse par le recentrage de la PJJ sur la prise en charge des mineurs, abandonnant aux conseils généraux les mineurs en danger et les jeunes majeurs. Les associations s'inquiètent d'une perte de cohérence de l'action. On concentre les moyens sur les CEF et les EPM, sans aucune évaluation. Dans son rapport de juillet dernier, la Défenseure des enfants relève que des adolescents sont confiés aux CEF, non pour leur profil de jeunes récidivistes mais en raison de l'absence d'une solution alternative à l'incarcération.

Le nombre de mineurs détenus s'est accru, conformément au souhait du Gouvernement de voir la justice des mineurs rejoindre peu à peu le droit commun.

Nous voterons contre les crédits.

M. Laurent Béteille.  - Je vous félicite, monsieur le ministre, pour vos nouvelles fonctions.

Le budget de la justice reste une grande priorité du Gouvernement, avec une augmentation sensible pour la septième année consécutive. Je souligne les efforts de notre majorité, malgré la contrainte budgétaire. Les effectifs de l'administration pénitentiaire comme de la justice judiciaire sont en augmentation ; le ratio greffier-magistrat se rééquilibre. L'action des Spip est recentrée.

Je salue particulièrement l'accroissement des effectifs de l'administration pénitentiaire, qui permettra d'ouvrir de nouveaux établissements et d'accroître l'offre de peines alternatives.

Quelles solutions envisagez-vous pour mettre fin aux difficultés auxquelles sont confrontés nombre de tribunaux, qui manquent de moyens ? Moderniser l'appareil judiciaire c'est aussi construire de nouvelles places en détention : 331 millions d'euros leur seront consacrés. Dans certaines maisons d'arrêt, les conditions de détention portent atteinte à la dignité des personnes et donc à celle de la patrie des droits de l'Homme.

La prise en charge des détenus atteints de troubles mentaux... Des efforts ont été faits, mais on sait que le milieu carcéral peut aggraver certaines pathologies. Comment cette question sera-t-elle prise en compte dans les nouveaux établissements ? Quels sont vos projets ?

Enfin, la modernisation suppose l'égal accès à la justice. L'augmentation des crédits de l'aide juridictionnelle s'explique pour l'essentiel par l'application du taux normal de la TVA aux missions des avocats. Un ticket modérateur devrait limiter les abus, mais le montant budgété reste très insuffisant. Quid enfin du recouvrement auprès de la partie qui perd le procès ?

Considérant que le Gouvernement utilise au mieux les crédits dont il dispose, le groupe UMP les votera. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Monsieur le ministre, je vous présente mes voeux de réussite, qui sont d'autant plus sincères que l'héritage est lourd...

Notre pays est passé du 35e au 37e rang des pays membres du Conseil de l'Europe pour les crédits affectés à la justice. La France vient après l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Il n'y a pas de quoi pavoiser.

Mme Nathalie Goulet.  - Pour eux, si !

M. Laurent Béteille.  - Ce n'est pas la même justice.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Parmi les domaines prioritaires de l'action publique, je citerai la justice, l'enseignement public et la recherche.

Certes, le budget augmente de plus de 4 %, mais en prenant en compte les reports de crédits... De même, comment se glorifier de la hausse des frais de justice par rapport à une estimation notoirement sous-évaluée ? L'augmentation de 17 % n'est qu'un trompe-l'oeil.

Les tâches de la protection judiciaire de la jeunesse sont en partie reportées sur les conseils généraux, qui peineront à les assumer.

Le rapporteur spécial a fait preuve de lucidité, lorsqu'il a constaté la sous-budgétisation des frais de justice, au point de mettre en doute la sincérité du budget.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - Vous me lisez avec attention !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous avez constaté que le ratio de magistrats par greffier restait insuffisant.

Le ratio est passé de 0,88 à 0,86 depuis 2006. Comme le nombre de magistrats va diminuer, il sera aisé l'an prochain de prétendre que le ratio s'améliore ! Cessons donc de jouer avec les chiffres et reconnaissons que les crédits de la justice doivent progresser.

À Orléans, cinq trafiquants présumés ont été libérés par erreur. L'inspection générale des services judicaires est sur place pour évaluer les responsabilités, mais cela fait des mois que les chefs de cour d'Orléans alertent la Chancellerie sur le manque de moyens. L'insuffisance du personnel se traduira à coup sûr par de nouvelles erreurs.

Nous attendons de vous, monsieur le ministre, l'instauration effective de la collégialité et une législation satisfaisante sur la garde à vue : on ne peut rester éternellement dans la situation paradoxale de gardes à vue réalisées en violation de la Constitution.

Votre prédécesseur était attaché à la suppression du juge d'instruction. Votre silence sur ce point, lors de votre premier discours ès-qualités, m'a fait penser que vous étiez hostile à cette funeste idée. Ai-je bien compris ?

M. Jacques Mézard.  - Nous aussi vous félicitons pour votre nomination au ministère de la justice et des libertés.

L'USM a dit son insatisfaction, après la régression du temps de Mme Dati et la stagnation avec votre prédécesseur. Pour une fois, ce que nous attendons, c'est la rupture, avec ce double héritage négatif. Ce n'est pas le cas et la majorité du RDSE votera contre votre budget. Il est vrai que nos concitoyens n'accordent d'importance à la justice que lorsqu'ils sont personnellement concernés.

Les Français veulent une justice indépendante, professionnelle, accessible à tous, s'intéressant aux victimes et aux libertés, prononçant des sanctions proportionnées et exécutées avec dignité. Qu'a-t-on vu ? L'insécurité juridique provoquée par une diarrhée législative ; des lois affichées puis placardées ; une résistance inouïe à l'application de la jurisprudence de la Cour européenne et d'une loi consensuelle ; des réformes qui se bousculent et se contredisent ; une priorité donnée au monde des affaires sur les simples citoyens ; un affichage de lois répressives, quand nombre de décisions ne sont pas exécutées. Il est vrai que cet héritage ne vous est pas imputable, monsieur le ministre.

Le budget est très déconnecté de la loi pénitentiaire, laquelle constitue un progrès incontestable. Les Spip doivent être densifiés. La fermeture de maisons d'arrêt se fait au nom de la RGSP et d'une imputation fallacieuse de la règle de l'encellulement individuel. Il faudrait que le bon sens s'applique.

Quel sera l'impact du transfert des escortes, de la politique de déjudiciarisation de certains actes confiés aux notaires ? Quel est le coût de la réforme de la carte judiciaire ? On sait au moins ce que va coûter le nouveau TGI de Paris. Il n'y a rien dans le budget pour stopper la désertification de nombreux départements sinistrés. De plus en plus de citoyens sont toujours plus éloignés de la justice. Comme le relèvent les « réquisitoires » (sourires) des rapporteurs, le projet de performance supprime 76 emplois de magistrats. Où est la gestion prévisionnelle des emplois ?

Les promesses faites aux avoués et à leurs salariés ne seront pas tenues.

Le budget ne règle pas le problème de l'aide juridictionnelle. Si les moyens financiers ne sont pas déployés, la réforme de la garde à vue sera illusoire. Il faut un prélèvement sur les assureurs ! (Mme Nathalie Goulet approuve) Les fortins de la Chancellerie s'effondrent l'un après l'autre sous les coups des juridictions nationales et européennes. L'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 23 novembre sonne le glas du système. Est-il vrai que le même jour la Chancellerie envisageait de légiférer au mépris de la Cour de Strasbourg ?

En contestant aux juges le droit à l'indépendance, en confondant le service de l'État et celui du Gouvernement, les hommes politiques du XIXe siècle sont à l'origine de la crise de la magistrature et de la justice au XXe, écrivait Jean-Louis Debré. La situation a-t-elle tant changé ? (Applaudissements au centre et à gauche)

M. Richard Yung.  - Les années se suivent et se ressemblent. Il est bon de créer 5 000 places de prison, si c'est pour diminuer la surpopulation des établissements, pas pour créer un appel d'air. La prison de Caen a un taux d'occupation de 200 %, celle de Mayotte encore plus. Quant à celle de Draguignan, détruite par la tempête, sa réparation n'est pas engagée.

Nous constatons avec M. Lecerf un revirement du ministère L'encellulement individuel est un objectif à interpréter avec intelligence et subtilité. Certains détenus préfèrent n'être pas seuls. Mieux vaut des prisons de petite ou moyenne dimension ; les professionnels jugent raisonnable une jauge de 300 places.

En avril, M. Bockel a commandé un rapport sur les prisons ouvertes. Où en est-on ? Le départ de M. Bockel a-t-il sonné le glas de ce beau concept ?

Je défendrai tout à l'heure un amendement instituant la gratuité de l'accès à la télévision.

Depuis le début de l'année, 150 détenus ont mis fin à leurs jours, contre 115 en 2009 et 109 en 2008. Le « kit antisuicide » n'est pas à la hauteur du défi.

Le concept d'établissement à réinsertion active devrait faciliter le traitement des malades qui relèvent de la psychiatrie -dont je considère que la place n'est pas en prison.

L'objectif de 37 % de détenus au travail n'est pas suffisant ; la crise a bon dos. En Europe du nord, le taux est bien plus élevé.

Vous créez 997 emplois supplémentaires, mais l'administration pénitentiaire devra assumer les escortes à la place des policiers et gendarmes : sera-ce suffisant ?

Notre vote ne sera pas favorable. (Applaudissements socialistes)

Mme Virginie Klès.  - Bien que ce budget n'ait pas été élaboré par vous, monsieur le ministre, vous avez la lourde tâche de le traduire en actes. L'exécutif multiplie les effets déclaratoires, confond mutualisation et coupes claires, et ne se prive pas de commenter certaines décisions de justice, confondant l'exécutif et le judiciaire.

Tous les ministres se satisfont de leur budget ; ils tiennent leur bifteck pour bien défendu. Je peine à comprendre alors que la RGPP pousse à diminuer la dépense publique.

L'incohérence du budget se mesure à celle des fermetures d'établissements. On en ferme certains qui donnent pleine satisfaction à tous... Quelle est la cohérence géographique ? Le suivi pour le bracelet électronique requiert du personnel à long terme. Quels moyens ? Aucun.

Le Gouvernement agit dans la précipitation. Cela fait des années qu'il est question du transfert des personnes sous main de justice. Il le fait brutalement, sans avoir pris le temps de préparer le personnel.

Le nombre accru de mineurs délinquants jugés en comparution immédiate a inquiété M. Bockel lui-même, les budgets sont insuffisants pour le suivi de ces mineurs, pour les mesures éducatives, pour la composition sociale, pour les déplacements des juges des enfants.

L'article 41 bénéficiera-t-il aux enfants ? D'où tireront-ils les 8,80 euros ?

Vous vous gargarisez de certains résultats alors que vous faites une justice à deux vitesses, accessible non aux plus démunis mais aux cols blancs et aux caïds de l'économie souterraine qui pourrissent la sécurité de nos concitoyens.

On répare dans la précipitation des erreurs qui auraient pu aisément être évitées. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - Je vous remercie tous d'être venus ce matin, malgré une météo défavorable. Cela montre l'intérêt que la Haute assemblée a toujours témoigné pour la justice.

Les crédits de mon ministère sont en augmentation...

M. Jean-Pierre Sueur.  - En trompe-l'oeil !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - ...dans le cadre d'un budget général très contraint. C'est signe à la fois d'un retard à combler et d'une attente des citoyens.

Mme Klès n'a pas modéré son expression. Je lui dirai que le retard des crédits de ce ministère ne date pas d'aujourd'hui.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est vrai.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Je me réjouis de vous voir devenue fort européenne, madame Borvo-Cohen-Seat. Il est vrai que sous un certain angle, nous sommes mal classés en Europe, mais la France est deuxième derrière l'Italie pour le budget de la justice. C'est le signe d'une vraie volonté politique. Nous allons passer à 5 milliards et devrions arriver à 7,37 en 2013, conformément à la loi de programmation.

Je ne veux pas me gargariser de ce résultat : ce budget a été préparé par Mme Alliot-Marie, que je remercie. Nous sommes certes encore loin de la perfection ; c'est donc avec humilité que je me présente à vous.

Les moyens des juridictions sont stables mais la diminution des crédits affectés à la carte judiciaire revient à une augmentation pour les juridictions.

Non, monsieur Sueur, je ne diminuerai pas le nombre de magistrats pour améliorer le ratio des greffiers ! Je veux améliorer les moyens dont disposent les magistrats.

Des crédits importants sont affectés à la mise en sécurité des juridictions. Les nouvelles technologies sont une chance pour l'institution, dont elles améliorent l'efficacité. La modernité de la justice passe aussi par là.

Les crédits de l'aide juridictionnelle progressent aussi, même s'ils demeurent insuffisants, ainsi que pour la pénitentiaire et les programmes affectés.

Les effectifs aussi sont en hausse, avec 563 nouveaux emplois. Les établissements vétustes seront fermés ; des places aux normes seront créées.

Il faut aussi améliorer la gestion budgétaire, grâce à notre politique d'achats et à la maîtrise des frais de justice. La Chancellerie travaille à une meilleure mutualisation des moyens. Il faut aussi recentrer les tâches sur des métiers bien définis. C'est l'esprit de la réforme de la PJJ.

Toutes ces questions doivent être engagées sur le long terme. Je sais pouvoir compter sur le Sénat pour enrichir notre réflexion.

M. du Luart pose une question essentielle : l'effectivité de l'exécution des peines. Je n'imaginais pas à quel point cette question se posait : 82 000 peines sont en attente d'exécution ! Non, les magistrats ne sont pas laxistes, ils font leur métier, mais il faut voir comment faire en sorte que les décisions de justice soient exécutées. Nos concitoyens doivent voir que la justice fait son travail.

L'application Cassiopée permettra au directeur de mon cabinet de suivre au jour le jour le prononcé de l'application des peines.

Les agents du ministère de la justice doivent être recentrés sur leur métier. On demande aux magistrats de faire des tas de choses, loin de leur métier. Chaque fois que l'on crée une commission, on y met un magistrat. Ce n'est pas pour cela qu'ils ont été formés.

Pour les transfèrements, la négociation avec le ministère de l'intérieur a conduit à un déplacement de 800 emplois vers mon ministère. Des expérimentations vont être menées dans deux régions : la Lorraine, et une autre à déterminer en accord entre nos deux ministères.

M. Lecerf s'est inquiété de la déconnexion budgétaire de l'application de la loi pénitentiaire. Les conseillers d'insertion et de probation ont augmenté de 143 % depuis 2002 : ils sont 3 941 de plus. Cela a permis de faire face au développement des aménagements de peine. Je me souviens du jour où le Sénat a voté le principe de l'encellulement individuel. C'est désormais une exigence légale. Comment admettre que 30 % des détenus renoncent automatiquement à ce droit ? A ce jour, ce principe justifie le nouveau programme de 5 000 places, et aussi que nous réexaminions les ouvertures et fermetures d'établissements. Il faut évidemment fermer les établissements vétustes et indignes. J'ai compris que ce n'était pas le cas à Aurillac : j'irai le vérifier sur place.

Une gestion prévisionnelle des magistrats et greffiers ? Bien sûr. Il n'en reste pas moins que les créations de postes sont bien des créations ! Je sais parfaitement qu'il va y avoir beaucoup de départs de baby boomers. Un bureau de la gestion prévisionnelle des greffiers sera créé au 1er janvier.

Le CSM ? Avec davantage de membres, il faut davantage de locaux. La construction du nouveau TGI devra en libérer dans le bâtiment historique de la Cour de cassation.

Non, monsieur Alfonsi, l'État ne se retire pas de la PJJ, au contraire. Le recentrage sur les jeunes délinquants a été décidé en 2007. Je connais au moins un département qui a pris sa part de la tâche.

Je vous remercie, madame Borvo, de me soutenir en jugeant mon budget insuffisant. Les postes de greffiers répondent aux demandes des organisations syndicales. Vous êtes opposée par principe aux PPP. C'est pourtant une vieille tradition française, celle selon laquelle ont été construites toutes nos lignes de chemins de fer. On parlait alors de concessions. Le ministère conserve par ailleurs un budget pour l'immobilier.

Les crédits de fonctionnement des juridictions sont stables, monsieur Béteille, mais il y en a moins pour la carte judiciaire, donc bien plus pour le fonctionnement des juridictions : 11,7 millions. La santé mentale des détenus relève du ministère de la santé depuis 1994. La loi pénitentiaire a prévu des unités hospitalières spécialement aménagées pour les détenus atteints de troubles psychiques. J'ai participé à l'inauguration de celle de Lyon il y a quelques mois.

À propos de l'affaire d'Orléans une mission a été confiée à l'Inspection générale des services, monsieur Sueur. Une enquête avait eu lieu l'an dernier, qui n'avait pas conclu à un déficit global de personnel mais plutôt à un problème d'organisation.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Et pour les juges d'instruction ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - L'arrêt de la Cour de Strasbourg pose quelques problèmes. Lisez-le jusqu'au bout, vous verrez qu'il conduit à la suppression totale des juges d'instruction. (Exclamations à gauche)

Monsieur Yung, il faut lire intégralement les décisions de justice. Celle-ci imposera de passer à une procédure accusatrice, sans juge d'instruction. De grâce, nous devons réformer la garde à vue, mais d'autres chantiers demeurent, comme l'exécution des décisions de justice et la généralisation des jurys populaires : pour l'instant, c'est suffisant !

Monsieur Mézard, je ferai en sorte qu'il n'y ait pas de désertification judiciaire ; nous aurons l'occasion de parler du problème lors de la réforme de la garde à vue.

Monsieur Yung, j'ai compris votre message pour Draguignan. Je saisis l'occasion pour insister sur le professionnalisme des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire, qui ont évité le pire lors du sinistre. Nous cherchons un nouveau site.

Madame Klès, aucun incident grave n'a été constaté parmi les 5 000 personnes sous bracelet électronique.

Mme Virginie Klès.  - Ça va venir !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Je ferai par écrit les réponses que je n'ai pas eu le temps de faire oralement. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Article 48

Mme la présidente.  - Amendement n°II-87, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission des lois.

I. - Créer le programme : Conseil supérieur de la magistrature

II. - En conséquence, modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Justice judiciaireDont Titre 2

2 929 3942 047 307

2 929 3942 047 307

Administration pénitentiaireDont Titre 2

Protection judiciaire de la jeunesseDont Titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice  Dont Titre 2

Conseil supérieur de la magistratureDont Titre 2

2 929 3942 047 307

2 929 3942 047 307

TOTAL

2 929 394

2 929 394

2 929 394

2 929 394

SOLDE

0

0

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis.  - Cet amendement tend à créer un nouveau programme « Conseil supérieur de la magistrature ».

La loi organique du 22 juillet 2010 relative à l'application de l'article 65 de la Constitution a modifié l'article 12 de la loi organique du 5 février 1994, afin de prévoir que « l'autonomie budgétaire du Conseil supérieur est assurée dans les conditions déterminées par une loi de finances ».

Jusqu'ici, nos demandes en ce sens n'ont obtenu aucun succès. Or, le Parlement peut individualiser un nouveau programme au sein de la mission, puisque les crédits globaux restent inchangés.

J'ajoute que la révision constitutionnelle de 2008 et la loi organique prise en son application imposent l'autonomie budgétaire du CSM. Il faut au moins un programme spécifique.

Au demeurant, le maintien du CSM dans le programme « Justice judiciaire » pose un problème, car ce programme est placé sous l'autorité du directeur des services judiciaires, dont l'une des fonctions consiste à proposer les nominations sur lesquelles le CSM doit se prononcer.

À défaut de placer les crédits du CSM dans la mission « Pouvoirs publics », avec ceux du Conseil constitutionnel par exemple, la commission propose au moins une individualisation dans le programme « Justice judiciaire ».

La commission des lois s'est prononcée à l'unanimité en faveur de cet amendement.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - Le projet de loi de finances augmente de 31 % les crédits du CSM, pour qu'il ait les moyens de sa réforme.

La commission des finances comprend l'intention de la commission des lois. Cependant, un programme financièrement aussi limité serait source de rigidité : le mieux est l'ennemi du bien ! Aucun programme actuel n'étant aussi limité, la commission des finances préférerait inclure les crédits du CSM dans la mission « Pouvoirs publics ».

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - La commission des lois est allée aussi loin qu'elle le pouvait. Monsieur le garde des sceaux, est-il envisageable que la prochaine loi de finances place le CSM dans la mission « Pouvoirs publics » ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Individualiser des crédits aussi modestes que ceux du CSM pourrait paralyser celui-ci en cas de besoin inattendu, faute de fongibilité possible.

Je propose de retirer l'amendement, pour réfléchir à ce sujet pendant l'année à venir, d'ici la prochaine loi de finances.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Lorsque nous avons voté la loi organique sur le CSM, nous avions demandé de l'intégrer à la mission « Pouvoirs publics » dans la loi de finances pour 2011.

Cela n'a pas été fait, malgré des assurances données par votre prédécesseur. Et vous renvoyez encore au budget à venir ! L'amendement de la commission des lois n'est pas idéal mais son intention est louable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Laissez nous un peu de temps. Je n'ai pas la capacité d'accepter aujourd'hui une telle disposition.

M. Richard Yung.  - L'unanimité de la commission des lois montre que nous sommes dans la bonne direction.

Nous nous méfions de procrastinations législatives. Chacun sait que l'on compte ainsi sur l'oubli... Il importe de souligner l'indépendance du CSM ; l'argument de la modestie des crédits est faible face aux principes.

Nous voterons l'amendement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Nous ne faisons qu'appliquer la loi organique du 22 juillet 2010 qui établit l'autonomie budgétaire du CSM, selon des modalités relevant de la loi de finances.

Constitutionnellement, nous ne pouvons pas transférer un programme d'une mission à l'autre, ni créer une mission. Monsieur le ministre, vous venez d'arriver : la commission vous met en sursis au sens le plus strict du terme, pour l'intégration dans la mission « Pouvoirs publics ».

L'amendement n°II-87 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-217, présenté par le Gouvernement.

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaireDont Titre 2

150 800 000

Administration pénitentiaireDont Titre 2

Protection judiciaire de la jeunesseDont Titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice  Dont Titre 2

TOTAL

150 800 000

SOLDE

150 800 000

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Amendement purement technique.

L'amendement n°II-217, accepté par la commission, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-6, présenté par M. du Luart, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

Dont titre 2

30 000 000

30 000 000

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

7 500 000

7 500 000

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

7 500 000

7 500 000

Accès au droit et à la justice

7 500 000

7 500 000

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

7 500 000

7 500 000

TOTAL

30 000 000

30 000 000

30 000 000

30 000 000

SOLDE

0

0

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - L'an dernier, j'ai parlé d'insincérité budgétaire à propos des crédits des frais de justice.

En 2009, leur montant initial a été dépassé de 23,5 millions ; en 2010 il manquera encore 50 millions.

La loi de finances pour 2011 prévoit 459,4 millions d'euros ce qui permet d'augurer que la sous-budgétisation observée au cours des deux derniers exercices reste de mise. Outre qu'elle remet en cause la sincérité budgétaire pour 2011, cette situation fait courir le risque de perturber l'activité des juridictions.

La commission des finances est consciente de vos difficultés pour boucler votre budget, mais la situation actuelle est critique ; nous voulons connaître la stratégie du Gouvernement pour en sortir. Pourrions-nous n'avoir pas encore à employer la notion d'insécurité l'an prochain !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Je serai le plus sincère possible. Pendant longtemps, on a augmenté les crédits des frais de justice sans parvenir à maîtriser la dépense.

L'insuffisance des dotations de 2010 sera couverte par des redéploiements et des décrets d'avances, mais l'année en cours a subi des reports de charge liés à la réduction des délais de paiement, ramenés à deux mois. Les frais de justice devraient retrouver leur rythme tendanciel à partir de l'an prochain.

Parallèlement, le ministère a engagé des actions énergiques encadrant les tarifs applicables ; cette action commence à porter ses fruits. Quelques professions restent encore à tarifer, comme les experts-comptables. (Sourires) Dès lors, le crédit de 459,9 millions semble assez bien calibré.

En tout état de cause, le prélèvement proposé sur les autres programmes compromettrait le fonctionnement des administrations concernées.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - Ni la Chancellerie, ni les magistrats n'ont ménagé leurs efforts de maîtrise, mais il faut aller plus loin, tout en respectant l'indépendance des magistrats. Nous comptons sur ce point avec l'implication des services administratifs : les magistrats doivent bénéficier d'une aide à la décision et être éclairés sur les répercussions de leur décision.

Je retire mon amendement d'appel et insiste sur la nécessité de bien former le personnel des SAR.

L'amendement n°II-6 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-175, présenté par MM. Yung, Badinter et Anziani, Mmes Cerisier-ben Guiga et Lepage, MM. Lagauche et Bodin, Mme Blondin et MM. Mermaz, Raoul, Raoult, C. Gautier, Rebsamen et Guérini.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaireDont Titre 2

Administration pénitentiaireDont Titre 2

7 600 000

7 600 000

Protection judiciaire de la jeunesseDont Titre 2

Accès au droit et à la justice

6 600 000

6 600 000

Conduite et pilotage de la politique de la justice  Dont Titre 2

1 000 000

1 000 000

TOTAL

7 600 000

7 600 000

7 600 000

7 600 000

SOLDE

0

0

M. Richard Yung.  - Nous proposons la gratuité de la télévision dans les établissements pénitentiaires, car la location mise en place pour la Coupe du monde de football de 1986 devait être provisoire.

Les détenus sans ressources ne payent rien ; les autres doivent acquitter de 5 à 40 euros par mois : dans certains cas, ils auraient intérêt à acquérir les postes ! Votre prédécesseur avait proposé de fixer un tarif unique de 8 euros, mais quid de l'abonnement à Canal + ?

Depuis 25 ans, le système de location pénalise les détenus aux moyens limités : c'est une honte pour la République. Il n'est pas non plus normal que la location bénéficie à des associations au fonctionnement parfois opaque...

De l'avis des personnels pénitentiaires, la télévision a des vertus apaisantes ; de surcroit, elle maintient le lien social des détenus.

Nous prélevons les crédits nécessaires sur l'aide juridictionnelle et la communication de la Chancellerie, qui a beaucoup augmenté.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - Les prix de location varient de 6  à 41 euros par mois. Les tarifs élevés permettent aux associations intervenantes de financer d'autres activités, parfois extérieures à la vie carcérale.

L'administration pénitentiaire a engagé des actions pour unifier les tarifs et régulariser la situation des associations.

Le principe de la gratuité est contestable ; de plus, on ne peut accepter son gage. Défavorable à l'amendement.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je soutiens l'amendement : je participe, moi aussi, à un collectif qui demande depuis longtemps la gratuité de la télévision dans les prisons.

Nous devons prendre en considération les observations de la Cour des comptes ; nous devons également affirmer la dignité humaine.

J'éprouve des scrupules à réduire les crédits de l'aide juridictionnelle, mais par ceux affectés à la communication du ministère !

Mme Virginie Klès.  - La télévision joue un rôle social important : j'en veux pour preuve l'exonération de redevance accordée aux plus défavorisés...

L'argument de l'aide juridictionnelle me contrarie beaucoup.

M. Jacques Gautier.  - Je comprends l'intention des auteurs de l'amendement, mais comment justifier l'exonération des détenus ? Tous les citoyens paient une redevance pour accéder à la télévision. Je voterai contre l'amendement.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - Il y a des indigents en prison, mais aussi des caïds.

L'amendement n°II-175 n'est pas adopté.

Les crédits sont adoptés.

Article 75

Mme la présidente.  - Amendement n°II-164, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Alfonsi, Collin, Baylet, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

M. Jacques Mézard.  - Je présente un amendement de protestation ! Sur la forme, il est déplorable que cet article introduise un cavalier reportant la collégialité de l'instruction, décidée en mars 2007 à la suite de l'affaire d'Outreau.

L'article 75 met fin à la loi du 5 mars 2007. Il démontre qu'aucune anticipation n'avait eu lieu ! Cette méthode ne devrait plus être !

En attendant la suppression annoncée du juge d'instruction, nous sommes dans une situation très insatisfaisante.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - L'article n'est pas un cavalier ! Avis défavorable à l'amendement, d'autant que la commission a déposé un amendement n°II-5.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Le report de la collégialité a un rapport avec la loi de finances, ce que le Conseil d'État nous a confirmé.

On a reproché au Gouvernement de légiférer dans la précipitation : là, il se donne le temps du recul.

Retrait ou rejet.

M. Alain Anziani.  - Je m'associe à l'excellent amendement de M. Mézard.

Quelque chose ne va pas dans notre procédure pénale, condamnée plusieurs fois cette année, tant par le Conseil constitutionnel que par la Cour de cassation ou par la Cour européenne des droits de l'homme, qui ne conteste pas l'existence du juge d'instruction, mais exige seulement l'indépendance du parquet.

Mais à refuser de nous entendre, il vous faut maintenant travailler dans la précipitation pour supprimer la garde à vue d'ici le mois de juillet.

Comment avoir le toupet de demander la suppression des juges d'instruction après les incidents de l'affaire Bettencourt ?

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - C'est hors sujet.

M. Alain Anziani.  - En fait, ce sont les annonces improvisées qui imposent des décisions précipitées : on le voit encore avec l'annonce de nouveaux jurys populaires !

L'amendement de M. Mézard pose une question de principe : les lois que nous votons restent parfois lettres mortes. Tel est le cas de la loi pénitentiaire et des pôles d'instruction. (Applaudissements sur les bancs du parti socialiste)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Toute affaire sérieuse implique une instruction indépendante. Le Parlement a voté la collégialité de l'instruction, mais les gouvernements successifs n'ont pas voulu la mettre en oeuvre. M. Mercier veut prendre le temps de la réflexion : il pourrait en profiter pour réfléchir aussi sur la collégialité ! Or encore une fois, notre demande est renvoyée aux calendes grecques...

L'amendement n°II-164 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-5, présenté par M. du Luart, au nom de la commission des finances.

Remplacer le mot :

septième

par le mot :

sixième

M. Roland du Luart, rapporteur spécial.  - Compte tenu des explications données lors de l'amendement précédent, je retire l'amendement.

L'amendement n°II-5 est retiré.

L'article 75 est adopté.

Article 75 bis

L'amendement n°II-165 est retiré.

L'article 75 bis est adopté.

La séance est suspendue à midi cinquante.

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

La séance reprend à 14 heures 50.

Immigration, asile et intégration

Mme la présidente.  - Nous allons maintenant examiner les crédits affectés à la mission « Immigration, asile et intégration » ainsi que l'article 74.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Le contexte est différent des années précédentes : le ministère de l'intégration et de l'immigration a disparu.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - Mais pas les problèmes qu'il avait à traiter ni donc la mission. La politique d'immigration reste spécifique, au confluent de préoccupations sociales, sécuritaires et internationales. Ce sont au total seize programmes, dans treize missions et dix ministères, qui contribuent à cette politique transversale qui représentera en 2011 4,25 milliards en crédits de paiement -dont 562 millions pour la mission que nous examinons. Les dépenses liées à l'enseignement aux élèves étrangers représenteront 48 % de celles de la politique transversale ; la santé, 600 millions, autant que la mission « Intégration ».

Lors du contrôle que nous avons mené avec M. Frécon sur la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), nous avons constaté que les délais de jugement des demandes d'asile avaient un retentissement direct sur les crédits de la mission « Immigration », alors que la CNDA relève de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

Les crédits de la mission sont stabilisés, avant une légère régression d'ici 2013, conformément à la loi de programmation triennale. Cette baisse pourrait porter sur les lignes affectées à la construction et à l'entretien des centres de rétention ou encore sur celles des centres d'accueil des demandeurs d'asile (Cada), variés et peu contrôlés, dont les coûts pourraient baisser à moyen terme.

Les crédits du programme « Immigration et asile » représentent 86 % du total de la mission. Comme chaque année, ils apparaissent sous-évalués, sachant que les demandes d'asile ne cessent de s'accroître sans que les délais de traitement des demandes puissent être beaucoup réduits à court terme. Il faudra une fois encore recourir aux décrets d'avances. Le prochain collectif prévoit en outre l'ouverture de 47 millions en autorisations d'engagement et 57 millions en crédits de paiement. Au total, les crédits ouverts en cours de gestion en 2010 représenteront le quart des crédits en loi de finances initiale. J'ai déposé un amendement destiné à améliorer la sincérité budgétaire -qui ne devrait même pas être suffisant pour couvrir les besoins.

Le financement du centre de rétention administrative de Mayotte sera enfin effectif, à 9 millions, et les travaux devraient pouvoir commercer. Les effectifs de l'Ofpra seront renforcés, ce qui est moins couteux que de voir enfler le nombre de demandeurs d'asile en attente de décision. Les emplois qui seront créés cette année et les suivantes devraient permettre de limiter les délais d'attente et in fine de faire des économies.

L'autre programme de la mission « Intégration et accès à la nationalité française », représente seulement 73 millions, en baisse de 8 %. La subvention à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) se monte à 14 millions ; son maintien est nécessaire pour lui permettre de faire face à des actions d'insertion en croissance.

L'Ofii est en outre financé par près de 100 millions de taxes affectées, soit 71 % de ses ressources. L'article 74 modifie le tarif, à la baisse ou à la hausse, d'une grande partie de ces taxes, ce qui devrait accroître les ressources de l'Office de 10,5 millions.

La commission des finances vous propose d'adopter ces crédits ainsi que l'article 74. (Applaudissements à droite)

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - L'an dernier, j'évoquais une explosion du nombre de demandes d'asile : 23 % en 2009, soit 48 000 demandes, 10 % au premier semestre 2010. Les effectifs de l'Ofpra n'ont pas été accrus à proportion, si bien que les délais d'examen des dossiers sont passés cette année à quatre mois, contre trois en 2008. Le renfort de 30 agents contractuels pour dix-huit mois est bienvenu ; il devrait être pérennisé.

La France est la première destination européenne des demandeurs d'asile ; elle est au deuxième rang mondial derrière les États-Unis. L'origine majoritaire des demandeurs est désormais l'Europe, devant l'Afrique. Le nombre de demandeurs en provenance du Kosovo ou de la Russie a fortement augmenté, de même que celles venant du Bangladesh et de la République démocratique du Congo. Pour y faire face, la priorité devrait être une harmonisation des politiques au niveau européen et international, en attendant le régime d'asile européen espéré pour 2012.

Je constate avec satisfaction une plus grande professionnalisation des magistrats de la CNDA, qui accroîtra encore son impartialité.

La commission est favorable à l'adoption des crédits.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Le budget de la mission est stable en 2011, avec une augmentation de 2 % du programme « Immigration » et une baisse du programme « Intégration ». Depuis 2007, le nombre de demandeurs d'asile a augmenté d'un tiers, pour atteindre 47 700 en 2009. Nous devons remplir nos engagements internationaux et accueillir les demandeurs dans les meilleures conditions possibles. Comptons sur les effets de la réforme de la CNDA pour réduire les délais d'instruction et les coûts de la prise en charge des demandeurs.

Les marges de manoeuvre sont un peu plus larges du côté de l'Ofii avec la revalorisation des taxes affectées. Les crédits d'intervention sur le programme « Intégration » sont stabilisés.

Je salue la réforme de la procédure de naturalisation. Si les délais ont été raccourcis, les taux d'acceptation sont trop différents d'une préfecture à l'autre. La transformation du visa long séjour valant désormais titre de séjour est par ailleurs une excellente chose.

Mme Nathalie Goulet.  - Très juste.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.  - La lutte contre les filières d'immigration clandestine doit rester intense. Le taux d'exécution des mesures d'éloignement s'est amélioré : on reste à 20 %. La commission des lois est favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Tasca.  - Cette discussion s'inscrit dans un contexte singulier, qui devrait rendre nos débats moins convenus que sur d'autres missions. La disparition d'un ministère spécifique et l'abandon de l'intitulé « identité nationale » pourraient laisser penser que la politique du Gouvernement a évolué ; il n'en est rien. Elle reste stigmatisante et contraire à notre tradition.

Les crédits de la mission diminuent de 0,2 % en crédits de paiement, et augmentent de 0,7 % en autorisations d'engagement. Cette quasi-stabilité doit être mise en regard des crédits affectant les autres missions de la politique transversale, qui sont en net recul.

Le soutien aux demandeurs d'asile représente plus de la moitié des crédits de la mission, conformément à la tradition séculaire d'accueil et de protection de la France. Le Gouvernement revendique souvent cette tradition ; comment alors expliquer le sentiment que la politique française de l'asile est écornée ? Nous avons accueilli 36 Irakiens blessés dans l'attentat qui a visé la cathédrale de Bagdad, c'était une exigence morale ; mais pourquoi une compassion à deux vitesses, au détriment d'Afghans expulsés malgré les menaces qui pesaient sur eux ? Dans la tradition française, le seul critère à prendre en considération est la protection.

Les conditions pratiques d'exercice du droit d'asile se dégradent. Je mesure la difficulté d'adapter les dispositifs à des flux de demandes d'asile difficilement prévisibles, mais on ne peut se satisfaire d'une politique d'à-coups. Le nombre de places en Cada a été multiplié par six depuis 1998, mais le dispositif d'hébergement est aujourd'hui saturé. Les demandeurs d'asile, contraints à une obligation légale de domiciliation, peuvent être privés de l'exercice de leurs droits faute de celle-ci. Que compte faire le Gouvernement pour renforcer le dispositif de domiciliation ?

Les délais de traitement se sont accrus : on est passé à 135 jours contre 100 en 2008. On va recruter trente contractuels pour dix-huit mois. Suffiront-ils ?

Je regrette que la politique de l'éloignement ne puisse être évaluée. Que sait-on de son coût ? Les crédits relatifs à la lutte contre l'immigration irrégulière sont contractés. À cause de la baisse du coût de la billetterie ? Mais l'évaluation des frais d'éloignement est faite sur un nombre stable de retours forcés et un coût moyen stabilisé. Qu'en est-il ?

Les centres de rétention administrative d'Île-de-France sont saturés, et cela va empirer avec l'augmentation de la durée de rétention souhaitée par le Gouvernement.

La politique d'intégration des immigrés est durement affaiblie alors même qu'on déclare vouloir la renforcer -voir l'exposé des motifs du projet de loi à venir. Une politique de l'immigration et de l'asile se juge moins à ses crédits qu'à la pensée qui l'inspire -que nous n'approuvons pas. Et les moyens déployés ne sont pas à la hauteur des enjeux. Nous voterons contre les crédits affectés à cette mission. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Mézard.  - « Il y a toujours dans les maux publics un mal réel et un mal d'imagination » disait Thiers. De fait l'opinion publique redoute l'immigration, alors qu'elle a participé à la construction de notre pays et qu'elle nous est fort utile -comment serait-on soigné à l'hôpital sans les médecins étrangers qui y exercent ? La République ne doit pas craindre l'immigration, tandis que celle-ci doit la respecter pour s'y intégrer.

Après la phase de construction ministérielle de 2008 et les importants changements de périmètre de 2009, les choses paraissaient stabilisées. Patatras ! Voilà que le ministère disparaît le 14 novembre. Nous ne nous en plaignons pas : il est normal que la mission relève désormais du ministère de l'intérieur, qui est en charge de la sécurité et aussi des libertés.

Nombre de demandes d'asile en forte croissance, crédits en diminution sur la période 2011-2013 : la contradiction saute aux yeux. Et les crédits du programme « Intégration » baissent de plus de 8 %...

Les moyens affectés à l'asile sont encore sous-évalués, inférieurs même à ceux disponibles en 2010 alors que le nombre de demandeurs augmente et que les délais de traitement se sont allongés. L'action relative à l'aide au retour et à la réinsertion dans les pays d'origine est supprimée. On mesure ici les dangers de la communication médiatique, démagogique qui a été faite autour de l'aide au retour.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Jacques Mézard.  - Est-il exact que le coût d'une reconduite approche les 13 000 euros ?

La question de l'immigration est polluée par l'utilisation démagogique qui en est faite, et pas seulement à droite ou à l'extrême droite. Oui, les flux d'immigration doivent être régulés ; oui, ceux qui vivent en France doivent accepter les lois de la République. Il faut une politique d'intégration très volontariste qui implique le logement, l'éducation, la politique de la ville, l'aménagement du territoire ; elle ne se pose pas de la même façon partout. Ce sujet fait le lit de l'extrême droite en Europe ; à preuve la votation suisse hier. Il doit être traité dans le respect de la dignité humaine et conformément aux principes fondamentaux de la République. (Applaudissements à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - À écouter les annonces grandiloquentes, on pourrait croire que le Gouvernement est pris d'un élan de solidarité envers les demandeurs d'asile. Mais nous ne sommes pas dupes. Nous aurions apprécié la légère augmentation des crédits si elle avait été l'occasion de redonner du sens au droit d'asile -et si le Gouvernement n'avait pas en la matière un tel passif. M. Sarkozy, réformant le droit d'asile en 2003, prétendait que la majorité des demandes d'asile n'étaient que prétexte à une immigration économique. Sans la confusion entretenue par le Gouvernement entre immigration, asile et délinquance, nous aurions pu vous croire. Le prochain projet de loi sur la nationalité ne fait qu'aggraver les choses.

Les condamnations internationales sont nombreuses, de la CEDH aux instances de l'ONU en passant par le Conseil de l'Europe. La Cour de Strasbourg s'en prend à la France à cause l'absence de recours suspensif devant la CNDA. Le comité de lutte contre la torture des Nations Unies s'inquiète de la procédure prioritaire. Et je ne parle pas du sort que vous faites aux Roms.

Vous vous abritez volontiers derrière les directives européennes, mais n'appliquez pas celles qui vous arrangent. D'autres contentieux sont en cours sur la question des empreintes digitales des demandeurs d'asile ; les préfectures considèrent de plus en plus qu'elles sont volontairement altérées pour notifier une reconduite à la frontière sans saisine de l'Ofpra. Ces pratiques sont illégales et anticipent sur un texte qui n'a pas encore été examiné par le Parlement.

Nous ne voterons pas les crédits de cette mission qui nous paraît surtout entretenir une xénophobie d'État. (Applaudissements à gauche)

M. Richard Yung.  - L'année 2010 aura été marquée par plusieurs débats importants dont celui, inutile, sur l'identité nationale dont nous nous réjouissons que vous ayez enfin mesuré la dangerosité.

Doit-on se réjouir du rattachement du ministère de l'immigration à celui de l'intérieur ? La confusion avec le ministère de la sécurité laisse à croire que l'immigration a à voir avec l'insécurité, dans l'esprit du discours de Grenoble.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Tout à fait !

M. Richard Yung.  - On peut aussi s'inquiéter du transfert des crédits du développement solidaire ; la séparation d'avec les activités de coopération peut conduire à de mauvaises interprétations...

Les tracasseries que l'on fait subir aux migrants ne s'atténuent pas. Les droits de chancellerie augmentent de façon considérable. Au Mali, il faut débourser 220 euros pour demander un visa, et l'obtenir ou non, sachant que le salaire moyen n'est que de 61 euros par mois. Des taxes aussi élevées ont pour effet d'encourager, de fait, les filières d'immigration illégale. Nous nous félicitons que désormais les refus de visa doivent être motivés.

Un étranger en situation irrégulière interpellé représente, pour les statistiques, une affaire élucidée. C'est l'art de gonfler les chiffres. Comme lorsque l'on met dans les mêmes statistiques les retours forcés et volontaires.

Est-il opportun d'accroître le nombre de places en rétention administrative ? Le taux d'occupation des centres est de 58 %. La construction de nouveaux centres vise donc manifestement à se donner les moyens d'accueillir tous ceux que l'on y enverra avec la prochaine loi sur l'immigration.

Même le nouveau tableau de bord ne permet pas de calculer le coût complet, qui serait supérieur à 3 000 euros par personne, un vrai gâchis budgétaire.

Le projet de budget augmente les subventions aux associations aidant les étrangers à faire valoir leurs droits. Le Gouvernement doit indemniser celles qui n'ont pu répondre à l'appel d'offre : l'ont-elles été ?

Enfin, le droit d'asile est compromis par l'insuffisance des crédits. La France est le pays le plus demandé par les demandeurs d'asile, pas, et loin de là, celui qui aurait le plus fort taux d'acceptation !

Les crédits seront inférieurs de 44 millions aux dépenses de 2010 : un nouveau décret d'avances sera inévitable. Le budget n'est donc pas sincère.

Le Gouvernement veut raccourcir les délais d'examen des demandes ; espérons que le sérieux du travail n'en pâtira pas, malgré la procédure prioritaire qui sera bientôt introduite.

Nous ne voterons pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Catherine Troendle.  - Ce budget reflète la politique équilibrée d'immigration conduite depuis 2007, entre fermeté contre les irréguliers et protection pour ceux qui respectent nos règles et nos valeurs.

La mission « Immigration, asile et intégration » avait bénéficié de crédits majorés en 2010. Ils seront maintenus en 2011, conformément aux objectifs fixés par le Président de la République et le Premier ministre ; les dépenses de fonctionnement du ministère seront réduites.

Le budget conforte la politique humaniste d'asile ; il permet de maîtriser les flux migratoires pour mieux protéger les immigrés contre les filières ; enfin il favorise l'intégration des immigrés légaux.

La France reste le premier pays accueillant des demandeurs d'asile, devant l'Allemagne. Les demandes se sont accrues de 40 % ; les crédits des demandeurs d'asile augmentent encore de plus de 3 % ce dont nous nous réjouissons. Surtout, les crédits permettent de mieux accueillir les demandeurs avec un nombre accru de places.

Pour améliorer le traitement des dossiers, la régionalisation est effectuée. À cela s'ajoutent l'amélioration des moyens de l'Ofpra et le renforcement de la CNDA. Une action spécifique est menée en faveur des personnes sous protection internationale. Le Gouvernement poursuit la maîtrise volontariste des flux migratoires, avec la stabilisation de l'immigration familiale et les succès de la lutte contre l'immigration clandestine. Le Gouvernement concentre son action contre les passeurs et les marchands de sommeil. Chaque année sont démantelés davantage de réseaux : 128 ces huit derniers mois.

Le nombre de reconduites à la frontière augmente, mais trop d'éloignements prononcés ne sont pas effectués.

La lutte contre l'immigration clandestine est une politique humaine qui doit toujours respecter la dignité des personnes : d'où la réhabilitation des centres de rétention, qui ne sont plus saturés. Parmi les crédits de la lutte contre l'immigration irrégulière, le seul poste qui augmente tient à l'accompagnement sanitaire juridique et social des retenus.

Enfin, l'intégration et l'accès à la nationalité française représentent une part significative du programme, malgré une baisse des subventions versées à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) qui verra en compensation ses taxes affectées réévaluées

L'accueil et la promotion sociale des nouveaux migrants en situation régulière seront confortés, notamment grâce à l'école des parents.

L'immigration n'est pas un problème ; ce qui pose problème, c'est le refus si longtemps prolongé de dégager une politique claire de l'immigration.

Ce budget atteste la volonté du Gouvernement d'aujourd'hui de mener une politique qui demande générosité, respect de la dignité des personnes et esprit de responsabilité, selon la formule du Président de la République.

Le groupe UMP votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.  - La volonté de maîtriser l'immigration est clairement confirmée.

Sitôt élu, Nicolas Sarkozy m'avait confié la politique migratoire. Pour la première fois, un ministère de plein exercice était chargé de ce sujet, depuis la délivrance des visas jusqu'à l'intégration, voire la naturalisation ou au raccompagnement dans le pays d'origine. Nous avons créé une administration d'état-major.

Avec le rattachement organique à l'intérieur, la politique d'immigration du quinquennat aborde une nouvelle phase, qui n'a rien d'une déconstruction. C'est pourquoi le décret d'attribution fusionne pour l'essentiel les deux décrets d'attribution antérieurs, à part une différence de quelques mots qui ne vous a pas échappé...

L'action repose sur trois principes : comme tout pays, la France a le droit de choisir qui elle accueille et tout étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d'origine, sauf cas particulier ; un étranger accueilli légalement a des droits économiques et sociaux semblables à ceux des Français.

Chaque année, nous combattons ceux qui exploitent l'immigration clandestine. En 2008 et 2009, nous avons dépassé nos objectifs d'éloignement. Sur les dix premiers mois de 2010, nous sommes à 23 498 sur 28 000 prévus. Nous combattons les personnes et les patrons-voyous, ces esclavagistes modernes. C'est un combat politique, c'est une exigence morale. Nous avons démantelé 156 filières.

Parallèlement, nous tentons de substituer l'immigration professionnelle à l'immigration familiale. Celle-ci tend à se stabiliser, voire à baisser.

Sur le plan européen, la présidence française a fait avancer le dossier : un pacte européen a été adopté.

Madame Tasca, puisque vous jugez notre politique effroyable, j'imagine que vous portez les mêmes critiques au sein de l'Internationale socialiste ; par rapport à vos collègues espagnols, ou travaillistes hier, au pouvoir nous sommes bien moins sévères !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Pourquoi l'Internationale socialiste ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Vous la défendez ? Je croyais que vous l'aviez quittée au Congrès de Tours ... (Sourires à droite) Parallèlement, un dialogue fructueux a été engagé avec les pays d'origine : 15 accords ont été signés.

Mme Catherine Tasca.  - Le Mali n'a pas signé.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Depuis 2003, 500 000 contrats d'accueil et d'intégration ont été signés par des immigrés légaux, qui s'engagent à apprendre la langue française et à respecter les valeurs de la République.

Chacun sait combien le contexte européen s'est aggravé, avec un nombre fortement accru de demandeurs d'asile. La France est au troisième rang mondial des pays demandés, après les États-Unis et le Canada.

Les délais d'instruction atteignent à ce jour dix-neuf mois. C'est trop, mais une véritable juridiction administrative a été créée. J'ajoute la régionalisation des instructions.

Beaucoup a été fait depuis 2007, mais nous devons aller plus loin.

Le budget de la mission reste stable en 2011, à 591 millions en crédits de programme. Les effectifs sont stabilisés.

La première priorité est la lutte contre l'immigration clandestine. Les effectifs de la PAF resteront donc maintenus.

La deuxième priorité concerne l'immigration légale, avec en particulier des visas biométriques dans nos consulats. Parallèlement, l'immigration professionnelle sera favorisée. Nous affectons 30 millions au développement solidaire. Enfin, nous poursuivons une politique durable d'intégration : les crédits de l'Office augmentent.

Nous amplifierons le dispositif « école ouverte aux parents ».

Madame Tasca, je confirme le maintien de la politique française, appréciée en Europe depuis les communistes chypriotes jusqu'aux responsables italiens.

M. Jean-Louis Carrère.  - Et toute la gauche européenne bien sûr !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Je n'ai pas compris ce que vous vouliez dire à propos de l'accueil des chrétiens irakiens menacés...

Mme Catherine Tasca.  - J'ai dit que c'était une très bonne chose !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - J'estime que leur accueil est à l'honneur de la France.

Globalement, la reconduite coûte en moyenne 12 250 euros par personne, soit 232 millions au total.

Monsieur Mézard, j'ai apprécié le caractère mesuré de votre intervention. Dommage que vous n'ayez pas fait de même lors du débat sur la réforme des collectivités territoriales.

Mme Nathalie Goulet.  - Nul n'est parfait ! (Sourires)

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Madame Assassi, vous vous livrez à un amalgame à propos des demandeurs d'asile. Il faut bien les distinguer des autres immigrés.

Mme Éliane Assassi.  - Ce tri, vous le faites !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Monsieur Yung, dommage que vous n'ayez pas soutenu autrefois le ministre de l'immigration de plein droit ; cela m'aurait aidé. J'ajoute que le ministère de l'intérieur siégeait déjà au conseil d'administration de l'AFD.

Ne parlez pas de « chasse aux étrangers » : c'est une insulte aux policiers, aux gendarmes, aux préfets. Bien sûr, j'encourage les retours volontaires, qui représentent un tiers des reconduites.

Je ne reviens pas sur les procédures dilatoires d'une association, qui n'a pas accepté la fin de son monopole dans la défense des personnes retenues.

Ce budget est au service d'une politique humaine, ferme et juste. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Article 48

Mme la présidente.  - Amendement n°II-4, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asileDont Titre 2

12 850 000

12 850 000

Intégration et accès à la nationalité française

12 850 000

12 850 000

TOTAL

12 850 000

12 850 000

12 850 000

12 850 000

SOLDE

0

0

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - Cet amendement a pour objet d'abonder à un niveau plus raisonnable les crédits affectés à l'hébergement des demandeurs d'asile et au versement de l'allocation temporaire d'attente (ATA).

En effet, le projet de loi de finances prévoit des crédits en diminution de 56 % pour l'hébergement d'urgence et de 14 % pour l'ATA par rapport aux crédits ouverts cette année.

Or, en 2010, des ouvertures de crédits supplémentaires, à hauteur de 60 millions d'euros inscrits par décret d'avances, ont été imposées par l'augmentation des flux de demandeurs d'asile et par la hausse des délais de traitement des demandes d'asile. Ces ouvertures font suite à deux décrets d'avances en 2008 et en 2009.

Le Gouvernement reconnaît que la demande d'asile continue à augmenter au rythme élevé de 8 % à 10 %.

Le contrôle effectué en 2010 sur la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) interdit de croire à une diminution sensible des délais de traitement dès 2011.

Pour une meilleure sincérité des comptes, cet amendement transfère sur le programme « Immigration et asile » une partie des crédits de l'action « Actions d'intégration des étrangers en situation régulière » du programme « Intégration et accès à la nationalité française » : 2,85 millions d'euros destinés à la Cité nationale de l'histoire de l'immigration qui devrait être financée par le ministère de la culture ; 10 millions d'euros de subventions à des acteurs économiques et sociaux mettant en place des dispositifs d'intégration.

Le transfert proposé devrait combler une partie du déficit du programme « Immigration et asile », estimé à 50 millions d'euros.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - M. le rapporteur spécial a raison sur le constat : la hausse des demandes se poursuite. Mais l'amendement risque de déstabiliser l'intégration, sans régler la question de l'asile.

Ne condamnons pas le Musée de l'histoire de l'immigration ! Mieux vaut agir en amont, comme je le fais en étoffant les moyens de l'Ofpra et de la CNDA.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Il s'agissait d'un amendement d'alerte pour le budget de 2012.

L'amendement n°II-4 est retiré.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Les familles demandant à bénéficier du droit d'asile sont hébergées dans des hôtels ; les enfants sont à la charge des départements.

On se trouve devant des drames humains, et financièrement difficiles à gérer. Ne sous-estimez pas vos crédits pour cette mission !

Les crédits de la mission sont adoptés.

Article 74

Mme la présidente.  - Amendement n°II-35, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Supprimer cet article.

M. Jean Desessard.  - Nous voulons supprimer le « droit de visa de régularisation » de 220 euros, censé rééquilibrer les recettes de l'Ofii. On aurait pu taxer les employeurs, mais, comme avec le bouclier fiscal, vous faites en sorte que les plus pauvres paient pour les plus riches !

Que veut le Gouvernement en imposant une nouvelle taxe ? Augmenter le nombre des étrangers en situation irrégulière ?

Que dire de l'exonération sur le renouvellement des titres de séjour ? Parallèlement, la politique de l'immigration choisie bat son plein !

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-176, présenté par M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

M. Richard Yung. - Sous prétexte de rééquilibrer les recettes de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), le Gouvernement augmente le montant des taxes qui doivent être acquittées par les étrangers, les personnes qui hébergent des étrangers et les employeurs qui embauchent des travailleurs étrangers, il crée un droit de timbre sur les demandes de naturalisation, de réintégration dans la nationalité française et de déclaration d'acquisition de la nationalité à raison du mariage.

Vu la réalité des délais du greffe du tribunal du château des rentiers, le dispositif ne manque pas d'humour.

Il faudrait un parallélisme des formes avec le régime des Français demandant un passeport ou une CNI.

N'encourageons pas la clandestinité !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial de la commission des finances.  - La commission approuve l'article 74 car l'Ofii exerce des nouvelles missions, qu'il faut financer. Dans le contexte budgétaire actuel, on ne peut solliciter encore l'État. Enfin, le dispositif est équilibré.

La commission n'a pas examiné les amendements, mais approuvant l'article, elle est défavorable

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Les amendements tendent à diminuer les recettes de l'État, ce qui les rend irrecevables...

En outre, les taxes sont revues à la hausse ou à la baisse.

L'introduction d'un droit de timbre est justifiée, d'autant que le tarif est quatre à dix fois plus faible qu'en Italie ou en Allemagne.

Les amendements identiques n°sII-35 et II-176 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-177, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

L'article L. 211-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est abrogé.

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Richard Yung.  - Nous voulons supprimer la taxe de validité d'une attestation d'accueil. Qu'est-ce qui justifie cette taxe, instituée en 2003, et due même si la validation est refusée ? Initialement fixée à 15 euros, son montant avait triplé pour favoriser le programme d'enseignement du français. Nous contestons cette pénalisation des personnes hébergeant des étrangers.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - Le montant de cette taxe a diminué et la commission a approuvé l'article : avis défavorable à l'amendement.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Supprimer la taxe serait excessif.

L'amendement n°II-177 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-178, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Richard Yung.  - Le présent amendement tend à supprimer l'augmentation de la taxe de primo-délivrance de titre de séjour, qui doit passer de 340 à 385 euros. Cette taxe s'est accrue de 75 % en quatre ans. Les étrangers financent ainsi leur propre intégration !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - La hausse du tarif est nécessaire et justifiée : je suis défavorable à l'amendement.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Même au plafond, le tarif resterait très inférieur à celui pratiqué dans les autres pays européens.

L'amendement n°II-178 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-179, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

M. Richard Yung.  - Le présent amendement tend à supprimer l'augmentation de la taxe devant être acquittée par l'étranger lors du renouvellement de son titre de séjour et lors de la fourniture d'un duplicata. Elle doit passer de 110 à 20 euros : ce doublement est inacceptable.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - La modulation de la taxe me paraît intéressante : à titre personnel -la commission ne s'est pas réunie-, défavorable à l'amendement.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Avec cet article, le tarif du titre d'un an baissera, contrairement au tarif pour dix ans.

L'amendement n°II-179 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-180, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

M. Richard Yung.  - Le présent amendement supprime la restriction actuellement prévue de la taxe acquittée par l'étranger s'il est étudiant lors du renouvellement de son titre de séjour et lors de la fourniture d'un duplicata.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - Même idée que précédemment : la taxe est modulée en fonction de la durée du séjour. Avis défavorable.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Même avis. Cet amendement n'est pas financé.

L'amendement n°II-180 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-181, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

M. Richard Yung.  - L'amendement maintient l'exonération de taxe de renouvellement dont bénéficient les réfugiés et les étrangers qui se sont vu accorder le statut de la protection subsidiaire. L'alinéa est contraire à nos traditions de générosité.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - Cette suppression se justifie car le réfugié bénéficie d'une carte de résident valable dix ans. Quand il en demande le renouvellement, il est donc en France depuis dix ans... Il n'y a pas de raison d'appliquer un régime spécifique.

L'amendement n°II-181, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-182, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Alinéa 8

Après le mot :

par

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

les mots : « 20 euros pour le mineur de moins de quinze ans et de 45 euros pour un mineur de quinze ans et plus ».

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Richard Yung.  - Cet amendement propose d'aligner strictement le montant de la taxe applicable au titre d'identité républicain sur celui du droit de timbre pour la délivrance d'un passeport en reprenant la modulation du tarif selon l'âge du mineur. Le droit de timbre pour les titres des mineurs étrangers doit être aligné sur celui des nationaux.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - La commission est favorable à l'augmentation des tarifs prévus à cet article. Avis défavorable.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Il est difficile de distinguer en fonction de l'âge des mineurs. En outre, l'Ofii a besoin de recettes suffisantes. Avis défavorable.

L'amendement n°II-182 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-183, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Alinéa 11

Remplacer les mots :

à 220 €

par les mots :

au double du droit qui lui aurait été appliqué normalement

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Richard Yung.  - Le présent amendement propose de maintenir le double droit de chancellerie qui est acquitté par les étrangers lors de la délivrance du visa de régularisation.

Cet article prévoit une pénalité forfaitaire de 220 euros largement supérieure au double droit actuel.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - Cette taxe de 220 euros se substitue à la pratique complexe du double droit de chancellerie. Avis défavorable.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Le système était devenu illisible, incompréhensible et inefficace. Mieux vaut la remplacer par une taxe générale, simple, juste... et pédagogique.

L'amendement n°II-183 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-184, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Alinéa 16

Remplacer les montants :

50 et 300 €

par les montants :

25 et 150 €

II. - En conséquence, alinéas 17 et 18

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

8° Au cinquième alinéa du même article, le taux : « 60 % » est remplacé par le taux : « 30 % » ;

9° À la fin du sixième alinéa du même article, les montants : « 50 euros et 300 euros » sont remplacés par les montants : « 25 euros et 150 euros » ;

10° À la première phrase du septième alinéa du même article, le montant : « 50 euros » est remplacé par le montant : « 25 euros ».

III. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

M. Richard Yung.  - Cet amendement vise à réduire de moitié le montant des taxes pesant sur les employeurs qui embauchent un travailleur étranger. Ces freins à l'embauche de travailleurs étrangers entravent leur intégration. Il faut réduire de moitié le montant de ces taxes, pour encourager les embauches des étrangers. Ce sont les autres employeurs qu'il faut pénaliser !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - L'article 74 réduit déjà les taxes dues par les employeurs de travailleurs étrangers. Il ne faut pas aller trop loin.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Cet amendement priverait l'Ofii de 15 millions d'euros. Avis défavorable.

L'amendement n°II-184 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-224, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission des finances.

Alinéas 19 et 20

Rédiger ainsi ces alinéas :

III. - 1. A la fin de l'avant-dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 311-9 du même code, les mots : « ou par l'établissement public appelé à lui succéder », et à la fin du premier alinéa de l'article L. 311-15 dudit code, les mots : « ou de l'établissement public appelé à lui succéder » sont supprimés.

2. A la première phrase du premier alinéa des A et B et au C de l'article L. 311-13 du même code, les mots : « l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ou de l'établissement public appelé à lui succéder » et au D du même article, les mots : « l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ou à l'établissement public appelé à lui succéder » sont remplacés par les mots : « l'Office français de l'immigration et de l'intégration ».

L'amendement rédactionnel n°II-224, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-36, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Alinéas 21 à 23

Supprimer ces alinéas.

M. Jean Desessard.  - Nous sommes opposés à la mise en place d'un droit de timbre sur la demande de naturalisation, la demande de réintégration et la déclaration d'acquisition de nationalité par mariage.

Il serait absolument inique de faire supporter aux demandeurs l'acquisition de la nationalité, les coûts des mesures d'intégration à la charge de l'Ofii, étant entendu qu'ils devront aussi acquitter les droits de timbre afférents à la fabrication du passeport et de la carte nationale d'identité.

Mme Nathalie Goulet.  - Et aux États-Unis ?

M. Jean Desessard.  - Les droits sont élevés pour éviter des dépôts excessifs de dossiers. Il s'agit d'un cadeau d'accueil que le Gouvernement refuse d'accorder : la citoyenneté ne se monnaye pas.

M. André Trillard.  - Ça part d'un bon sentiment.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-185, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Richard Yung.  - Amendement identique.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. - Le montant du droit de timbre me parait très raisonnable ; de plus, les missions de l'Ofii s'accroissent.

Avis défavorable.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Ces amendements diminuent les recettes de l'État. Le droit de timbre est justifié et les tarifs raisonnables.

Mme Nathalie Goulet.  - Pour une simple démarche aux États-Unis, une carte de travail par exemple, il faut un avocat, et ça coute 5 000 dollars. Certes, la France n'est pas les États-Unis, mais ici les tarifs ne sont nullement excessifs.

Les amendements identiques n°s II-36 et II-185 ne sont pas adoptés.

L'article 74, modifié, est adopté.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°II-167 rectifié, présenté par MM. Bernard-Reymond et Frécon.

Après l'article 74, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le bénéfice de l'aide juridictionnelle peut être demandé au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception par le requérant de l'accusé de réception de son recours, lequel l'informe des modalités de cette demande. »

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - Au nom de la commission des finances, les rapporteurs pour avis des missions « Immigration, asile et intégration » et « Conseil et contrôle de l'État » ont mis en oeuvre, cette année, un contrôle sur la CNDA dont les délais excessifs de jugement devant la CNDA ont une incidence budgétaire majeure sur les crédits de la mission.

Une des raisons expliquant ces délais supérieurs à treize mois est le fait que les demandes d'aide juridictionnelle sont très souvent formulées le jour même de l'audience. La formation de jugement est alors tenue de reporter l'examen de l'affaire, le temps pour le bureau d'aide juridictionnelle de statuer sur cette demande et de désigner, éventuellement, un avocat inscrit sur la liste des barreaux, qui sont d'ailleurs très peu nombreux.

Ces très nombreux renvois sont préjudiciables aux autres requérants. Les demandes d'aide juridictionnelle présentées après enrôlement sont ainsi à l'origine de 20 % des renvois.

Sans priver ni limiter les requérants du droit à l'aide juridictionnelle, nous voulons en rationaliser l'exercice dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Ainsi, l'aide devra être demandée au plus tard dans le mois qui suit la réception, par le demandeur, de l'accusé réception de son recours. Cet accusé de réception mentionnera formellement cette nécessité de présenter la demande d'aide juridictionnelle dans ce délai, à peine de forclusion et donnera toutes informations utiles pour formuler cette demande.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - La réduction d'un mois de délai de procédure entraîne des économies avoisinant 10 millions. Avis défavorable.

L'amendement n°II-167 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Sécurité

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des crédits affectés à la mission « Sécurité ».

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Cette mission est dotée de plus de 16 milliards, soit + 2,7 %. Son budget est adossé à la future loi Loppsi II. Des écarts significatifs demeurent entre la programmation triennale prévue dans la Loppsi I et ce qui est prévu dans la Loppsi II.

La police et la gendarmerie doivent s'adapter à une délinquance qui évolue. La responsabilité des transfèrements de détenus sera confiée au ministère de la justice, qui bénéficiera de 800 emplois supplémentaires en provenance de la mission « Sécurité ». Le Gouvernement a enfin écouté les parlementaires ! Dommage qu'il ne l'ait pas fait il y a dix ans.

La vidéoconférence permettrait d'éviter bien des déplacements inutiles !

La réduction des doublons entre police et gendarmerie devra se poursuivre. Il faut éviter les errements désastreux du passé, comme la non-compatibilité entre les systèmes informatiques Acropole et Rubis.

La RGPP fixe une réduction de 960 ETP pour la gendarmerie. Notre pays se place pourtant parmi les pays à forte densité policière. La maîtrise du personnel doit demeurer une priorité.

Le recul des crédits de fonctionnement de la police nationale -soit - 7,5 % pour 2011- les réduit à un plancher : on ne peut envisager d'aller au-delà.

Les dépenses de fonctionnement de la gendarmerie diminuent de 2 %.

Nos forces de sécurité doivent encore se rationaliser : la police nationale et la gendarmerie n'ont pas encore fini de se moderniser.

La commission des finances vous propose d'adopter ces crédits. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Je veux rendre hommage aux 24 gendarmes et policiers victimes de leur devoir en 2010.

Cela fait longtemps que je plaide pour la suppression des taches indues des forces de l'ordre. Nous nous réjouissons des progrès qui vont avoir lieu l'année prochaine.

Le recentrage sur le coeur de métier est en oeuvre depuis plusieurs années. Souhaitons qu'il se poursuive en 2011.

Je salue l'abandon du taux global d'élucidation. La nouvelle présentation, plus claire, permet de faire ressortir divers bons résultats. Seules 15 % des atteintes aux biens sont élucidées.

Les missions de renseignements ont fusionné, mais les renseignements intérieurs sont rattachés à la police nationale : pourquoi ne pas la placer sous votre autorité directe, comme la DGST est placée sous l'autorité directe du ministre de la défense ?

Enfin, le rapprochement entre la gendarmerie et la police nationale se poursuit, avec la création de deux services communs : technologie et coopération internationale. Deux nouvelles unités de coordination ont été créées : sécurité routière et forces d'intervention. Pourtant, certains syndicats estiment qu'il reste difficile aux deux forces de travailler ensemble. Pouvez-vous en dire plus, monsieur le ministre ?

Sous réserve de ces observations, la commission des lois vous recommande l'adoption de ces crédits. (Applaudissements à droite)

M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Le maintien de la capacité opérationnelle de la gendarmerie tout d'abord. Elle doit perdre 3 000 postes entre 2011 et 2013, après les 3 500 suppressions de postes qui viennent d'avoir lieu. À l'unanimité, notre commission est préoccupée par cette baisse des effectifs. La capacité opérationnelle risque d'être compromise, notamment pour les brigades territoriales. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Ne pourrait-on réduire les tâches indues qui pèsent lourdement sur la gendarmerie ?

Deuxième observation : les crédits d'investissement diminuent fortement. Les hélicoptères Écureuil utilisés depuis 1978 ne peuvent pas être remplacés. Même chose pour les véhicules blindés et les casernes, dont beaucoup sont vétustes.

Enfin, le financement des opérations à l'extérieur. Actuellement, plus de 700 gendarmes sont déployés à l'étranger, dont 200 en Afghanistan. Leur présence est appréciée, mais la dotation n'est que de 15 millions, alors que leur coût est évalué à 20 millions. Cette année, il pourrait s'élever à 30 millions. Les crédits nécessaires seront prélevés sur d'autres postes de la gendarmerie ; les Opex devraient être mieux évaluées, et, en cas de dépassement, être financées par la réserve interministérielle. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Votre commission, malgré ces réserves, vous invite à adopter les crédits de la mission. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Louis Carrère.  - Le 26 novembre, le Congrès des maires a rappelé que la sécurité des citoyens est l'affaire des collectivités territoriales et de l'État. Il appelait à un véritable partenariat et à la présence de l'État sur le terrain. Cela n'en prend pas le chemin !

La gendarmerie n'aura plus une présence rurale en France.

La sécurité publique n'est plus assurée sur tout le territoire.

Vous nous dites que le rattachement de la police et de la gendarmerie est en bonne voie : petit à petit, il devient une fusion ; à terme, il y aura une seule force, et donc fusion des statuts. Or, l'organisation de la République requiert la dualité des forces et des statuts. Je suis défavorable à la concentration de la police et de la gendarmerie dans un seul ministère. Les gendarmes ne sont plus là où il faut ; la raréfaction de leur présence est due à la politique que vous menez depuis 2002.

Je réside à côté d'une gendarmerie : depuis trois ans, elle est toujours fermée. Il faut téléphoner pour rencontrer un gendarme : bientôt, il faudra prendre rendez-vous ! Pour les élus locaux, ce qui compte, c'est la présence des forces de sécurité sur le terrain. Or de vastes zones rurales et périurbaines sont désertées. Les délais d'intervention s'allongent eux aussi.

Le RGPP a fait des ravages : la saignée se poursuit dans la gendarmerie. Quels seront les secteurs touchés ? Des escadrons devront être supprimés. Déjà, certaines unités mobilisées éprouvent des difficultés pour se déplacer avec des effectifs au complet.

La brigade devrait être au coeur de la population. Ce n'est plus le cas ! Les élus se sentent abandonnés.

Une présence constante est nécessaire. La gendarmerie regroupée en plusieurs brigades est trop éloignée pour intervenir rapidement. L'organisation actuelle est très insatisfaisante et affaiblit la capacité opérationnelle de la gendarmerie.

Votre échec dans le domaine de la sécurité est patent. La communication ne remplace pas l'action ! Et vos prévisions budgétaires ne sont pas bonnes, comme l'a souligné notre président de la commission des finances. Il vous a fallu un décret d'avance pour payer les fonctionnaires de huit ministères, dont ceux de la défense et de l'intérieur ; et vous avez l'arrogance de donner des leçons à nos voisins européens ! Alors que l'insécurité progresse, vous diminuez les effectifs. Votre politique n'est qu'apparence, chiffres et coups d'éclats : nous la combattrons. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Je m'interdis d'être excessive : l'excès rend inaudible, dans la critique comme dans l'approbation.

Je ne m'associe donc pas à la diatribe adressée par des policiers à la police elle-même.

Les personnes les plus fragiles sont de plus en plus fragiles. Les violents de plus en plus violents. Je salue le travail exemplaire de nos forces de sécurité, ...

M. Jean-Louis Carrère.  - Ils ont bien du mérite !

Mme Anne-Marie Escoffier.  - ...mais cette exemplarité a un prix.

La politique de sécurité ne cesse de se durcir : pas moins de dix-sept textes ont été adoptés depuis 2002 !

Le budget reste discret sur l'utilisation des effectifs. La baisse prévue du nombre de gendarmes a suscité de nombreuses inquiétudes en zone rurale. Les zones d'intervention devront être élargies.

Le recentrage des missions de la gendarmerie permet de la libérer de ses tâches administratives. L'évolution prévue pour 2011 traduit des transferts d'emplois. Il sera difficile de maintenir le même niveau de sécurité auprès de nos concitoyens.

La réduction de moyens est préoccupante car elle pèse sur tout le matériel. Certaines priorités ne seront pas honorées.

Enfin, je me réjouis de la coproduction de sécurité. Nous avons été nombreux à craindre le rapprochement entre la police et la gendarmerie ; mais pour le moment, la fusion entre police et gendarmerie, que nous redoutions, n'a pas eu lieu, et police nationale et gendarmerie travaillent en bonne intelligence...

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial.  - C'est vrai !

Mme Anne-Marie Escoffier.  - ... ce qui n'a pas toujours été le cas.

En revanche, la coproduction avec les collectivités ne doit pas se substituer aux prérogatives régaliennes de l'État.

La Lopsi a prévu de nombreuses mesures positives, mais je m'interroge sur leur mise en oeuvre, qui se révèle difficile.

Je ne doute pas de votre détermination, monsieur le ministre, mais certains d'entre nous s'interrogent sur la pertinence de votre politique et ne voteront pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Éliane Assassi.  - Ce budget se situe dans la droite ligne des années précédentes : de nouvelles réductions d'emplois sont prévues. Le locataire de l'Élysée n'a plus grand rapport avec le candidat Sarkozy ! Au fil des années, le démantèlement de la maison Police s'amplifie : ainsi, il n'y a pas eu de concours de gardien de la paix en 2009 !

La Lopsi II évoquait les nécessaires économies d'échelles et les synergies indispensables. A l'instar de votre vocabulaire issu du verbiage néo-libéral, vos chiffres ne sont que poudre aux yeux.

Pour 2011, les crédits augmentent, dites-vous. Ce n'est qu'un trompe-l'oeil ! Les dépenses de fonctionnement et d'investissement baissent à un niveau préoccupant. La hausse des dépenses de personnel ne traduit pas une politique de recrutements mais le financement de mesures catégorielles et le vieillissement des forces de l'ordre.

La révolution sarkozyste n'aura pas eu lieu. Le bilan est désastreux. Pour pallier la régression des moyens, le Gouvernement a externalisé ses missions. On compte 18 000 policiers municipaux, soit une hausse vertigineuse en six ans, sans que leur formation ne s'améliore. Et les agents de sécurité privée ne se sont jamais aussi bien porté : ils sont 170 000 pour 220 000 policiers et gendarmes ! C'et une catastrophe pour nos concitoyens, que les statistiques publiées la semaine dernière par l'Observatoire de la délinquance ont éclairés.

Nous ne voterons donc pas vos crédits. (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Troendle.  - Je félicite le ministre pour son action et son budget, son implication personnelle et sa présence sur le terrain. Je salue la gendarmerie nationale, la police nationale et les polices municipales. La diminution de la délinquance est imputable à leur action.

La police nationale a besoin de moyens pour remplir ses missions. Nous devons apporter de nouvelles réponses : telle est la politique du Gouvernement, illustrée récemment par les suites données au dramatique incident de Marseille. Pouvez-vous nous préciser les mesures prises pour démanteler les trafics ?

M. Alain Anziani.  - Rien du tout !

Mme Catherine Troendle.  - La sécurité est d'abord l'affaire de l'État ; elle est aussi l'affaire de tous et des élus en particulier. Le renforcement de la présence policière en zone urbaine a déplacé la délinquance vers les zones rurales ou périurbaines. La gendarmerie nationale y est le partenaire de proximité des élus ; elle répond systématiquement à leurs demandes en termes de prévention, par exemple en intervenant en milieu scolaire. L'élu rural est le référent de proximité par excellence pour ses concitoyens, qui s'adressent souvent au maire pour tout signalement -à charge pour lui d'informer ses interlocuteurs.

Il est impératif de pourvoir tous les emplois budgétaires, ce qui n'a pas toujours été le cas. Malgré la conjoncture, les crédits de la police et de la gendarmerie augmentent ; grâce aux redéploiements, la présence des forces sur le terrain n'est pas altérée.

Pour combattre la délinquance, les policiers doivent se concentrer sur leur coeur de métier. Quelle est votre conception des unités territoriales de quartier ? Bravo pour les plans opérationnels ciblés sur certaines formes de violence, bandes violentes, économie souterraine, violences scolaires, cambriolages... Pourriez-vous en dresser le bilan et tracer les perspectives d'avenir ?

Le groupe UMP souscrit à votre stratégie de sécurité routière.

Nos forces de l'ordre font un travail extraordinaire : après la septième année de baisse consécutive de la délinquance globale, la France est un des pays les plus sécurisés au monde.

Le groupe UMP votera avec confiance ce budget ambitieux. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Charles Gautier.  - Je proteste contre le départ inopiné du ministre de l'intérieur, dont l'attitude est désinvolte ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il paradait à Grenoble !

M. Charles Gautier.  - La semaine dernière, dans un quartier populaire de Marseille, un enfant de 11 ans a été blessé, un adolescent de 16 ans a été tué par un tir de kalachnikov. Il ne s'agissait pas de balles perdues ! Alors que les élus, de droite comme de gauche, constatent qu'il manque 350 policiers sur le terrain, le Gouvernement se borne à envoyer ponctuellement des CRS lorsque la tension est palpable. L'action coup de poing de la semaine dernière n'a permis de récolter que quelques grammes de stupéfiants et quelques armes. Et vous semblez vous en contenter...

Sitôt les CRS repartis, les habitants sont à nouveau pris en otage, les jeunes attirés par l'argent facile reprennent leurs trafics... et le Gouvernement regarde ailleurs...

Vous annoncez dans ce budget une augmentation de façade, absorbée par des mesures salariales. La baisse des dépenses d'investissement fait prendre le risque, aux dires mêmes du directeur général de la police nationale, d'une paupérisation des services. La Cour européenne des droits de l'homme déplore les conditions de détention en France, l'état de commissariats où les gardiens de la paix travaillent dans des conditions déplorables.

M. Carrère a rappelé la colère des maires de France, car vous vous êtes insidieusement défaussé de vos compétences sur les collectivités territoriales. Résultat : l'égalité des citoyens n'est plus assurée, seules les communes riches pouvant se doter de polices municipales. Postes de police et gendarmeries ferment à tour de rôle. (M. Roland Courteau le confirme) Il a fallu attendre cinq ans après les événements de 2005 pour avoir un commissariat à Clichy-sous-Bois.

Mme Éliane Assassi.  - Il en manque encore un.

M. Charles Gautier.  - Quant à la Loppsi II, son examen est reporté sine die. Le constat d'échec est patent. L'OND a publié sa dernière enquête de victimation : le sentiment d'insécurité progresse incontestablement. Quelques 4,7 millions de Français ont déclaré avoir été victimes de vols ou de tentatives de vol en 2007, trois fois de plus que les chiffres officiels.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Ça a toujours été comme çà !

M. Charles Gautier.  - Pour les violences physiques, c'est cinq fois plus... En définitive, seuls les vols baissent -exclusivement grâce aux mesures techniques de protection. Dans certains quartiers, les Français se sentent de moins en moins en sécurité tandis que les fonctionnaires chargés de la sécurité travaillent la peur au ventre.

Nous ne voterons pas ce budget qui ne correspond pas aux besoins. (Applaudissements socialistes)

M. Marc Laménie.  - Je salue le travail quotidien des gendarmes et des policiers, qui ont la difficile mission d'assurer la sécurité des personnes et des biens.

La délinquance diminue depuis années. (On le conteste à gauche) La sécurité est bien une priorité du Gouvernement.

La loi Loppsi II met l'accent sur la modernisation des forces, la mutualisation, le management. Gendarmerie et police poursuivent une coopération efficace, mais je place au premier plan l'aspect humain. J'affirme mon attachement à la répartition territoriale des gendarmes et au statut militaire des gendarmes. (Marques d'approbation sur les bancs socialistes)

Les communautés de brigades ont amélioré la présence sur le terrain, avec le soutien des brigades motorisées. Mais les petites brigades doivent être maintenues... (M. Jean-Louis Carrère applaudit)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Marc Laménie.  - ...malgré les contraintes légitimes de la RGPP. Elles couvrent les petites communes sur de grands espaces. La notion de proximité doit être préservée, les maires, de plus en plus souvent sollicités par leurs administrés, ont besoin d'interlocuteurs référents. (Marques d'approbation sur les bancs socialistes)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Marc Laménie.  - La relation humaine doit être privilégiée. Avec le groupe UMP, je voterai les crédits. (Applaudissements à droite)

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.  - Je vous prie...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il est rare que le ministre de l'intérieur ne soit pas là pour parler de sécurité.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Le Gouvernement parle d'une seule voix. Je vous prie donc de bien vouloir excuser M. Hortefeux, retenu par une importante réunion à l'Élysée sur la sécurité.

Je suis très heureux de présenter les crédits de la mission « Sécurité ».

Protéger les Français et leur permettre de vivre sereinement est un combat permanent pour lequel le Gouvernement est totalement mobilisé. La permanence de l'action est symbolisée par le maintien de M. Hortefeux au ministère de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Sueur.  - La justice et les affaires étrangères sont-elles instables ? (Sourires à gauche)

M. Patrick Ollier, ministre.  - Écoutez-moi et vous n'aurez plus rien à dire.

Le contexte économique doit être pris en compte : la charge de la dette atteint 46 milliards par an. C'est pourquoi le Président de la République et le Premier ministre ont engagé la RGPP, à laquelle le ministère de l'intérieur ne pouvait échapper. Nous avons donc innové, repensé et dynamisé notre action.

M. Jean-Louis Carrère.  - Cela ne suffit pas !

M. Patrick Ollier, ministre.  - Je remercie Mme Troendle et M. Laménie d'avoir salué l'action de la gendarmerie en milieu rural.

La rationalisation impose de nouvelles stratégies de bataille, d'apporter une réponse ciblée à une question ciblée, des cambriolages au trafic de stupéfiants, en passant par la violence dans les stades et la sécurité des personnes âgées.

Grâce au rapprochement historique de la police et de la gendarmerie, nous gagnons en efficacité (on en doute à gauche) dans tous les domaines. La force d'intervention de la police nationale et le GIGN travaillent ensemble, ce qui renforce encore leur efficacité. Comment ne pas évoquer aussi la police d'agglomération créée à Paris et dans la petite couronne, qui sera prochainement étendue à Lille, Lyon, Marseille et Bordeaux ?

Les brigades spécialisées de terrain sont rattachées à une zone de délinquance : aux deux qui existent aujourd'hui à Perpignan et Toulon s'en ajouteront bientôt 26 autres.

M. Jean-Louis Carrère.  - Tout sur la Côte-d'Azur !

M. Patrick Ollier, ministre.  - Si la police de proximité, c'est la connaissance du terrain, ces brigades vous satisferont ! Mais le rôle de la police n'est pas de dialoguer avec les délinquants, entraîner des équipes de football ou faire du social. (On approuve sur le banc des commissions)

La politique ciblée donne des résultats concrets. Après une hausse historique de 17,8 % entre 1997 et 2002, la délinquance générale a baissé de 14,4 %, entre 2002 et 2009, pour revenir au niveau de 1997. Elle baisse encore en 2010. C'est le cas des atteintes aux biens, qui avaient augmenté de 14,4 % sous le gouvernement Jospin.

M. Jean-Pierre Sueur.  - On a entendu cent fois ces chiffres, qui sont contestables.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Depuis 2002, elles ont baissé de 29,9 %. Elles diminuent de 2,7 % sur les dix premiers mois de 2010.

Les violences aux personnes... M. Chevènement a bien fait de reprendre les chiffres donnés par M. Hortefeux lors de la discussion de la Loppsi ; vérification faite, elles n'ont pas augmenté de 55 %, mais de 60,8 % !

M. Jean-Louis Carrère.  - On vote le budget pour 2011 !

M. Patrick Ollier, ministre.  - Entre mai 2002 et mai 2007, la hausse a été enrayée : elle est presque stabilisée aujourd'hui. Ces chiffres sont incontestables !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Loin de là !

M. Patrick Ollier, ministre.  - Pour la première fois, une baisse a été constatée cet été. Le combat est difficile et de longue haleine.

Le travail de fond paie. Les stades sont rendus aux supporters et aux familles, grâce à 555 interdictions de stade.

Mme Éliane Assassi.  - Parlez-nous du budget !

M. Patrick Ollier, ministre.  - Je vous explique à quoi sert un budget ...

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Patrick Ollier, ministre.  - En Seine-Saint-Denis, 5 000 halls d'immeubles ont été contrôlés ces sept derniers mois pour combattre le trafic de stupéfiants. Des quantités remarquables de cannabis ou de cocaïne ont été saisies.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.  - Très bien !

M. Patrick Ollier, ministre.  - La part des personnes âgées diminue de façon spectaculaire parmi les victimes d'escroqueries et d'infractions financières, et même d'atteintes à l'intégrité des personnes.

M. Jean-Louis Carrère.  - Et de 65 % pour des attaques du Mildiou ! Quelle pantalonnade !

M. Patrick Ollier, ministre. - Il importe que les personnes âgées puissent compter sur les forces de l'ordre ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Le nouveau ministère est également responsable de la sécurité routière. L'objectif a été fixé par le Président de la République : passer sous la barre des 3 000 morts en 2012. Je l'indique à Mme Troendle, nous agissons dans quatre directions : l'alcool au volant, la consommation de stupéfiants, la grande délinquance routière et le trafic de points, notamment sur internet.

M. Jean-Louis Carrère.  - On va finir avec la météo !

M. Patrick Ollier, ministre.  - La baisse de 41 % du nombre de morts depuis 2002 montre que la mortalité sur la route n'est pas inéluctable. M. Charles Gautier,...

M. Charles Gautier.  - Présentez-nous le budget !

M. Patrick Ollier, ministre.  - La Loppsi II n'est pas reportée sine die ; elle viendra le 14 décembre devant l'Assemblée nationale et sera ensuite à votre ordre du jour vers la mi-janvier.

A Marseille, les 5 535 policiers ont été renforcés pour donner un coup d'arrêt aux trafics : cinq policiers affectés au renseignement, deux unités mobiles supplémentaires, renforcement des équipes d'enquête, 117 ADS mis à la disposition du préfet, dont le plan d'action donne des résultats très positifs. Il faut rétablir la vérité !

En 2011, le ministre de l'intérieur veut amplifier ces résultats. Le budget de la sécurité représente 70 % des crédits du ministère. Ils progressent de 2,6 % en 2011, pour un plafond d'emploi égal à 86 % des effectifs du ministère, le troisième après l'éducation nationale et la défense. En 2010, 1 500 gardiens de la paix ont été recrutés, madame Assassi. Je veux rétablir une vérité : la présence sur le terrain a été renforcée, avec des emplois plus nombreux qu'il y a dix ans. (On en doute à gauche) On compte 4 300 policiers et gendarmes de plus qu'en 2006.

M. André Vantomme.  - La population aussi a augmenté !

M. Patrick Ollier, ministre.  - Il y aura autant de policiers et de gendarmes sur le terrain en 2011 qu'en 2010. Le ministère a anticipé le recrutement de 500 ADS.

M. Hortefeux veille à décharger policiers et gendarmes des tâches indues. En trois ans, 1 000 policiers et gendarmes auront ainsi été rendus disponibles pour des missions opérationnelles, dont les deux tiers sont des gendarmes, monsieur Faure. (M. Jean-Louis Carrère s'impatiente)

Le transfèrement de détenus occupe actuellement 1 200 emplois, qui seront transférés sur trois ans au ministère de la justice. M. Hortefeux veut aussi s'attaquer aux tâches administratives indues, comme les procurations électorales, qu'il proposera de transférer aux commissions de révision. Parallèlement, du personnel administratif est recruté pour des tâches administratives.

La deuxième priorité est l'application du protocole « plans et carrières » de la gendarmerie, ainsi que la revalorisation des 104 000 gradés et gardiens de la paix, outre les 74 000 sous-officiers de la gendarmerie. Le principal syndicat de police a qualifié cet accord d'historique.

La Loppsi II est la troisième priorité du ministère, avec la modernisation des équipements, outre les moyens accrus de la police scientifique. La négociation avec les assureurs devraient aboutir d'ici le mois de janvier. Outre les terminaux mobiles de PV électroniques, nous développerons la vidéo-protection -9 000 caméras de voie publique supplémentaires seront installées. Trois hélicoptères de la gendarmerie seront changés d'ici 2013, dont un en 2011. Le budget de fonctionnement est maintenu.

Nous devons rénover l'action et nous adapter aux évolutions de la délinquance. De nouveaux outils juridiques seront proposés. La Loppsi II permettra de rapprocher les fichiers de police judiciaire et de bloquer à distance les téléphones volés !

M. Jean-Louis Carrère.  - Pas les autres ?

M. Patrick Ollier, ministre.  - Renforcement des outils opérationnels, de la police administrative, des sanctions, du partenariat avec les autres acteurs de la sécurité : tels sont les axes de la Loppsi.

M. Jean-Louis Carrère.  - L'UMP parle à l'UMP !

M. Patrick Ollier, ministre.  - Le ministre parle aux sénateurs.

La Loppsi est une boîte à outils au service de la sécurité.

Le contexte budgétaire contraint n'empêche pas d'agir.

M. Jean-Louis Carrère.  - Surtout pas de parler !

M. Patrick Ollier, ministre.  - Il pousse à être rigoureux et ambitieux. Je rends hommage aux dix-neuf policiers et gendarmes morts en service cette année.

Nous sommes tenus par une exigence d'efficacité : ce budget a pour seule ambition de donner aux policiers et gendarmes les moyens de la première des libertés : la sécurité ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Les crédits de la mission « Sécurité » sont adoptés.

La séance, suspendue à 18 heures 45, reprend à 18 heures 55.

Administration générale et territoriale de l'État

Mme Michèle André, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Cette mission est en recul de 5,6 % et la RGPP continue de peser de tout son poids : 2 107 ETPT ont été supprimés, ce qui est extrêmement préoccupant. Le pari de la productivité grâce à la technologie est en passe d'être perdu dans les préfectures. Les mutualisations n'ont permis de compenser que 65 ETPT.

La dernière vague de suppressions d'emplois concernera 764 ETPT dans les préfectures.

Le plafond d'emplois de cette mission dépasse 28 000 ETPT.

L'agence nationale des titres sécurisés (ANTS) est une plaque tournante importante dans le paysage administratif national.

Le renouvellement des actes de l'état civil et la délivrance des permis de conduire sont effectués par cette agence.

Je regrette que le coût du timbre pour les passeports n'ait pu être ramené à son juste prix estimé à 55 euros, et non 89, par la Cour des comptes. La décote de 3 euros pour les demandes de passeport ayant leurs photos d'identité n'a pu être appliquée aux étrangers pour l'obtention de leur titre de séjour.

Le programme relatif aux élections diminue : il y aura peu d'élections coûteuses en 2011.

La commission des finances propose l'adoption de cette mission, même si je ne puis le faire à titre personnel. (Applaudissements)

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - La RGPP a dépassé les limites du supportable : pour la suppression des emplois c'est réussi. En revanche, pour les gains de productivité, c'est l'échec : avec la mutualisation, ils ont compensé 65 postes sur les 1 000 supprimés ! L'effet de ciseaux a des conséquences sur la qualité du service public et sur les conditions de travail.

La mission d'information du Sénat a souligné le rôle des préfectures dans l'élaboration des plans de prévention des risques naturels et la nécessité de renforcer le contrôle de légalité sur les actes d'urbanisme, en particulier les permis de construire

La délivrance des titres sécurisés s'est améliorée, mais les disparités géographiques demeurent. Les usagers doivent assumer un coût de timbre qui n'a rien à voir avec le prix réel.

Le fichier qui doit être mis en place pour la future carte nationale électronique doit offrir les plus grandes garanties.

Un mot sur l'indemnisation des communes : elle n'est accordée qu'aux centres d'attraction commerciale ou touristique. Il faut élargir ce critère.

Face aux dérives sectaires qui s'accroissent, il faut transmettre plus de renseignements à la Miviludes. Le ministère de l'intérieur est plus coopératif, mais les préfectures doivent aller plus loin.

La Miviludes doit bénéficier de la même immunité que le Défenseur des enfants, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou le Médiateur de la République.

Je ne puis, à titre personnel, voter les crédits de cette mission, mais la commission leur est favorable. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Monsieur le ministre, je vous adresse tous mes voeux de réussite mais j'ai été désolé de vous entendre lire le pensum bourré de chiffres du ministre de l'intérieur.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Le débat est fini !

M. Jean-Pierre Sueur.  - L'Observatoire de la délinquance se montre très prudent : « nous luttons contre le fétichisme des chiffres » dit son président, M. Bauer, proche de M. Sarkozy.

De très nombreux faits ne sont pas enregistrés par la police. Le taux d'élucidation effectif reste dont très faible.

Accordons-nous pour que les chiffres de la délinquance soient collectés par un organisme indépendant, sinon nous n'avancerons jamais.

J'en viens à ce budget : vous êtes un homme de terrain, monsieur le ministre, et j'ai beaucoup de mal à faire comprendre la nouvelle organisation des préfectures à nos concitoyens. On a choisi des appellations abstraites parfaitement incompréhensibles.

M. Roland Courteau.  - C'est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Philippe Muray est mort : c'est dommage, car il en aurait fait une étude réjouissante. DDSCPP, DDEFP, DIRRECTE ! Soyez concret, monsieur le ministre ! Les fonctionnaires commencent seulement à comprendre, pas la population.

M. Roland Courteau.  - C'est voulu !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il faut être attentif au principe de l'égalité. La nouvelle procédure déconcentrée par la mutualisation semble très disparate selon les départements.

Enfin, Mme André relève que le pari de la productivité est en passe d'être perdu. De 2009 à 2011, plus de 2 000 emplois ont disparu, car 80 % des départs à la retraite ne sont plus remplacés.

Gérer rigoureusement, soit, moderniser, oui, mais sans dépasser certaines limites. Les services de l'État ne peuvent plus fonctionner correctement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Cette mission est en recul, ce qui affaiblit l'administration territoriale de l'État. Tous les ingrédients sont réunis pour faire des préfectures des laissées pour compte de la politique gouvernementale. La Lolf et la RGPP sont des Harpagon budgétaires.

La réforme des préfectures exige que les préfectures régionales aient autorité sur celles des départements. Les sous-préfectures voient leurs activités se réduire comme peau de chagrin. Tendez l'oreille, monsieur le ministre ! Cette réforme a été élaborée en dehors des préfectures. Les grosses directions départementales connaissent une nouvelle indépendance, en lien direct avec le ministère, plutôt qu'avec le préfet.

Les fonctionnaires de catégorie A et B ne bénéficient pas de formations suffisantes pour exercer des fonctions managériales. Le budget des préfectures départementales est géré au niveau régional. Les changements d'organisation auraient pu n'être ressentis que par le personnel. Il n'en est rien : les élus sont inquiets, car la réforme ne leur a guère été expliquée. A l'heure où il n'est question que de proximité, cette recentralisation déguisée éloigne encore les citoyens de l'administration.

J'espère que vous aurez à coeur de respecter le personnel, les élus et les concitoyens. Je crains que ce pari soit difficile à tenir.

La majorité du groupe RDSE ne votera donc pas le budget. (Applaudissements à gauche)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - L'enveloppe de cette mission diminue. La qualité du service public va s'en ressentir. La productivité attendue n'est pas au rendez-vous. La mise en oeuvre de la RGPP est confirmée dans les préfectures. En 2011, 80 % des départs à la retraite ne sont pas remplacés. Cette suppression est d'autant plus contestable que de nouvelles tâches incombent aux fonctionnaires ; leurs conditions de travail vont se détériorer, et on leur demande de s'adapter sans formation.

L'amélioration du service n'est pas au rendez-vous. Il serait préférable de s'arrêter pour tirer le bilan de la RGPP car la pause n'est pas la marque des indécis, comme l'a dit M. Fillon, mais des clairvoyants, qui veulent éviter des catastrophes !

J'appuie M. Anziani dans sa demande de renforcer la lutte contre les dérives sectaires. Mon groupe votera contre les crédits de cette mission. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il n'y a pas d'orateur de l'UMP ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - L'essentiel, c'est de voter les crédits !

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.  - Veuillez excuser M. Richert, dont le train a été bloqué par la neige. Je salue le travail des rapporteurs et les interventions des sénateurs. Cette mission représente 2,6 milliards et recouvre deux fonctions : la continuité de l'État et la mise en oeuvre territoriale des politiques de l'État. Les préfectures ont connu une évolution profonde. Dans un contexte budgétaire contraint, il s'agit d'un véritable défi. Les préfectures et les sous-préfectures continuent à se moderniser, avec la RGPP.

En 2011, de nouvelles réductions d'emplois auront lieu, mais le mouvement se ralentira à partir de 2012. Pour l'administration centrale, qui doit montrer l'exemple, aucun départ à la retraite ne sera remplacé. Nous réussirons la réforme grâce à l'innovation, qui améliore le travail des agents.

Nous avons déjà des résultats remarquables.

L'an passé, nous avions connu quelques difficultés pour la délivrance des passeports, désormais obtenus en moins de dix jours, et des immatriculations, dont la moitié sont délivrées aujourd'hui directement par les concessionnaires. C'est une charge de travail en moins pour les préfectures.

La carte nationale d'identité électronique sera lancée en 2011.

Les procédures ont été simplifiées depuis mars 2010 pour délivrer les cartes d'identité sans atténuer la sécurité. Les personnels sont associés à cette politique et je souhaite leur rendre hommage. Je veux aussi rendre hommage au corps préfectoral, cher à Mme Escoffier.

La rénovation du parc immobilier se poursuit : 42 millions d'euros lui sont consacrés.

La RGPP a réformé l'organisation territoriale. M. Sueur a évoqué les nouvelles directions : les anciennes appellations étaient - elles plus compréhensibles ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Les mots parlaient d'eux-mêmes !

M. Patrick Ollier, ministre.  - Quant aux statistiques, elles ne prennent en compte que les faits déclarés ! Les autres sont vraisemblablement de faible importance.

Une nouvelle organisation est en place dans les départements depuis 2010.Elle sera étendue à l'outre-mer l'année prochaine.

Les relations entre préfets de région et de département ont été clarifiées.

Cette réforme d'une ampleur inédite depuis 30 ans, permet à l'administration de mieux répondre à sa mission. Le rapprochement immobilier des services territoriaux de l'État a permis de récupérer 300 000 m² de bureaux et d'économiser 10 millions de loyers.

Le sous-préfet est l'échelon de proximité qui permet l'animation de l'État au plus près des citoyens. Le réseau sera maintenu. Le défi des sous-préfectures est de se réorganiser. Il s'agit de passer d'une administration de guichet à une administration de projet. La sous-préfecture est la tête de pont de l'État territorial.

Ce budget confirme le rôle de l'administration territoriale au profit de nos concitoyens.

Madame André, le récent rapport de la Cour des comptes estime à 55 euros le coût d'un passeport, mais il faut le rapporter au coût moyen -69 euros- de l'ensemble des passeports délivrés, notamment aux enfants dont le coût est bien moindre. Certains sont même accordés gratuitement.

En ce qui concerne les cultes, les emplois sont maintenus car il ne s'agit pas d'agents de l'administration... La tempête Xynthia a été un drame. Avant même la tempête, le ministère avait demandé une évaluation des risques. Nous avons renforcé ce dispositif. Il est indispensable de protéger les habitants.

M. Anziani a appelé le Gouvernement à lutter contre les sectes. Les moyens sont maintenus. Je vous rappelle que sept agents de police ont été affectés à la Caimades, comme promis. J'espère que ces apaisements seront de nature à vous faire voter les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite)

Article 48

Mme la présidente.  - Amendement n°II-228, présenté par le Gouvernement.

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Administration territorialeDont Titre 2

282 563276 761

282 563276 761

Vie politique, cultuelle et associativeDont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieurDont Titre 2

TOTAL

282 563

282 563

SOLDE

- 282 563

- 282 563

M. Patrick Ollier, ministre.  - Cet amendement minore de 282 563 euros les crédits du programme « Administration territoriale » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », afin de tirer les conséquences des ajustements de transferts aux collectivités territoriales de certaines compétences du ministère de l'intérieur. Sont concernés : le Syndicat des transports d'Île-de-France pour des services de l'État participant à l'exercice de compétences en matière de plan de déplacements urbains, d'organisation et de fonctionnement des transports scolaires ainsi que de remboursement des frais de déplacement des élèves ; la Polynésie française pour des agents de l'inspection du travail ; la Ville de Paris pour des services participant à la délivrance des autorisations préalables au changement d'usage des locaux destinés à l'habitation ; pour les départements du Nord et de l'Yonne, les compétences du Fonds de solidarité logement jusqu'alors exercées par le préfet.

Le solde du montant à compenser fera l'objet d'une hausse de la dotation générale de décentralisation inscrite sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Mme Michèle André, rapporteur spécial.  - La commission n'a pas examiné cet amendement, dont je prends acte. Il serait quand même utile que la commission soit saisie plus tôt. Sagesse.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Je comprends votre réaction, mais les crédits restent constants.

L'amendement n°II-228 est adopté.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous nous abstenons, car nous avons beaucoup de mal à comprendre !

Les crédits de la mission sont adoptés.

La séance est suspendue à 19 heures 45.

présidence de Mme Monique Papon, vice-présidente

La séance reprend à 21 heures 45.

Sécurité civile

Mme la présidente.  - Nous allons examiner les crédits affectés à la mission « Sécurité civile », ainsi que l'article 86 decies.

M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Les crédits de la mission augmentent légèrement en autorisations d'engagements (+ 2,5 %) mais diminuent en crédits de paiement (- 4 %). Ce budget doit remplir la feuille de route fixée à la sécurité civile par la RGPP, ainsi que par le Livre blanc de la loi de programmation. Nous constatons un écart de 12 millions par rapport à la Loppsi II. Pourquoi ?

Le budget départemental des Sdis -87 % des crédits affectés !- représente dix fois plus que la mission « Sécurité civile ». Les Sdis seront sollicités à hauteur de 10 millions pour l'investissement des Antarès. Cette nouvelle charge imposée aux départements est inacceptable.

L'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers à Aix-les-Milles se développe de façon satisfaisante. La subvention de l'État doit baisser cette année ; sa suppression en 2013 risque de fragiliser l'établissement : ce n'est pas très cohérent avec la politique antérieure.

J'ai exprimé mes réserves, mais la majorité de la commission des finances s'est prononcée pour l'adoption de ces crédits. (Applaudissements)

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Je rends hommage à tous les acteurs de la sécurité civile, en particulier aux sapeurs-pompiers qui ont perdu la vie. En 2009, 1 080 sapeurs-pompiers ont été agressés. C'est inacceptable. Il ya une semaine, des dizaines de jeunes ont donné l'assaut à une caserne des Yvelines. C'est profondément scandaleux et insupportable.

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Que fait le ministre ?

Mme Bariza Khiari.  - Il arrive ! (Sourires)

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis.  - Le budget du FAI subit les effets redoutables du système Antarès. La prise en charge des dépenses de fonctionnement a suscité des crispations. Il est question d'un accord avec les services de police : deux-tiers pour la police, un tiers pour les Sdis. Pouvez-vous confirmer cet accord ?

Il semble qu'à l'issue des arbitrages, la participation à la DRCI ait été supprimée. Qu'en est-il ?

Le devenir de l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers pose problème. La subvention de l'État doit disparaître en 2014 ; pourtant, c'est une école de référence dans le monde qui doit pouvoir répondre aux sollicitations. Un désengagement de l'État serait incompréhensible.

Pourquoi les résultats du recensement des emplois de travailleurs handicapés prévu en 2008 ne sont-ils toujours pas connus ? Quand adoptera-t-on la proposition de loi sur les sapeurs-pompiers volontaires ?

Sous réserve de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements à droite)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Nous nous réjouissons de votre venue sur ces bancs, monsieur le ministre.

Nombre d'entre nous ont été invités à la célébration de la sainte Barbe, sainte patronne des hommes du feu. Son martyr est-il à l'image de ce que subissent les sapeurs-pompiers ? Elle dut la palme du martyre à son assassinat par son propre père, qui l'avait enfermée dans une tour à trois fenêtres. Nous avons tous salué le courage, la compétence, l'abnégation des hommes du feu, qui au péril de leur propre vie, ont choisi de sauver la vie de l'autre ; mais s'ils sont bien les porteurs de la palme, quel est donc, derrière les trois fenêtres de la tour, le responsable des trois raisons de leur punition ? Ne serait-ce pas le projet de loi de finances pour 2011 ? (Rires à gauche) Certes, il se situe dans la ligne du Livre blanc, mais il souffre de trois handicaps majeurs.

D'abord, son manque de lisibilité. La séparation entre les deux programmes de la mission est artificielle. À preuve les mouvements de crédits induits par la campagne de vaccination contre la grippe A... Il faudrait suivre les recommandations du Comité interministériel d'audit des programmes.

Deuxième handicap : le recours accru aux collectivités locales. Le Fonds d'aide aux investissements des Sdis diminue ; Antarès a tout d'un projet « somptuaire » selon le mot du président Arthuis. Nombre de collectivités continuent de s'interroger sur son utilisation locale...

Troisième handicap : l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers. Peut-être fallait-il une nouvelle structure de formation ; peut-être fallait-il se rapprocher du coeur historique d'Aix. Mais comment comprendre que l'État veuille cesser de subventionner cet établissement ?

M. Roland Courteau.  - Bonne question.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Tels sont les trois coupables que j'ai enfermés dans la tour aux trois fenêtres où sainte Barbe est recluse. J'espère que vos éclaircissements lèveront nos doutes sur l'intérêt de voter en l'état ces crédits globalement respectueux des engagements de l'État, mais très en retrait par rapport à l'effort global de 5 milliards engagé par l'ensemble des acteurs de la sécurité civile.

Mme Éliane Assassi.  - Je souhaite à mon tour saluer les sapeurs-pompiers, en particulier les 67 d'entre eux morts depuis 2003. Ce triste bilan souligne la dangerosité du métier.

A l'instar d'autres professions, ce projet de loi ne les ménage pas. La sécurité civile est une mission essentielle de la société et aussi une mission régalienne. Le Gouvernement n'a cessé de parler d'un « droit à la sécurité ». A voir l'état de cette mission, cela apparaît pour une formule creuse.

L'inflation des dépenses intervient dans un contexte budgétaire contraint, au détriment donc des collectivités locales. Que représentent en valeur absolue les sommes en question ? Trop pour vous, trop peu pour les personnes touchées. La directive européenne risque fort d'accroître encore les difficultés créées par la RGPP.

Nous voterons contre les crédits de cette mission. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Peyronnet.  - J'ai trois questions à vous poser.

La première concerne le volontariat. Il a peu d'équivalents en Europe ; même après la départementalisation, le lien assuré avec les communes est un gage d'efficacité. L'amalgame avec les professionnels renforce encore cette efficacité. Or, la directive européenne menace le statut du volontariat. J'ai cru comprendre que le Gouvernement déposerait un projet de loi sur le statut du volontaire. Est-ce bien le cas ? Ou allez-vous vous contenter de la proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale par une cinquantaine de députés ? Que pensez-vous de son article 1-3, qui dispose que l'engagement citoyen en tant que sapeur-pompier volontaire ne relève pas des règles du code du travail ni de celui de la fonction publique ?

Ma deuxième question concerne Antarès, qui risque d'absorber tous les moyens du FAI. Quid de la maintenance ? Le système analogique actuel bénéficie de spécialistes de grande qualité. Les Sdis devront-ils se séparer de ces techniciens experts parce qu'il serait interdit à ceux-ci de mettre le doigt sur Antarès ?

Je termine sur ma troisième question. Les officiers de sapeurs-pompiers ne bénéficient pas de la fin de carrière qu'ils méritent, en particulier pour l'accession au hors-échelle. Ce serait pourtant dans l'ordre des choses par rapport aux militaires et aux policiers. Des propositions ont été faites au printemps ; quels sont les officiers concernés ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jacques Gautier.  - Je vous prie d'excuser M. Béteille qui, coincé dans un train, m'a demandé de le remplacer.

Je rends hommage au personnel de la sécurité civile. On salue souvent les sapeurs-pompiers, je pense aussi aux démineurs.

Cette mission comporte des dotations contrastées : les AE augmentent de 2,5 %, les CP diminuent de 4,6 %. Je vois dans cette évolution le signe d'une réelle maîtrise des coûts.

M. Roland Courteau.  - On peut le voir comme ça.

M. Jacques Gautier.  - Le groupe UMP votera avec conviction les crédits de cette mission, qui ne donnent qu'une vision partielle de l'action publique en matière de sécurité civile. En effet, les dépenses des collectivités territoriales contribuent pour plus de 4 milliards aux Sdis. Les coûts de ceux-ci ont fortement augmenté. La cartographie des risques montre que certains départements doivent se doter des moyens humains et matériels particulièrement importants. Il faudrait pouvoir mutualiser les achats entre Sdis, et même prévoir des achats groupés.

Les ayants droit des fonctionnaires de la sécurité civile tués en mission ne bénéficient pas des mêmes compensations financières que ceux des militaires ou des pompiers de Paris et de Marseille.

Un alignement serait une mesure d'équité.

Le rapport de la commission sur le volontariat est attendu avec impatience.

Je reviens sur l'indemnisation de la sécheresse de 2003. Cette question n'est toujours pas résolue. (M. Roland Courteau le confirme) La majorité des préfets ne sont pas en mesure d'évaluer les crédits nécessaires, sachant que le versement des aides est conditionné par la présentation des factures. J'attire votre attention sur le désarroi des victimes de la sécheresse de 2003. Ce dossier doit être enfin clos. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.  - M. Hortefeux, retenu par d'autres obligations, regrette de ne pouvoir vous présenter lui-même les crédits de cette mission ; moyennant quoi cet honneur me revient.

À mon tour, je remercie les sapeurs-pompiers et tous les acteurs de la sécurité civile pour leur action constante au service de tous. En 2009, les sapeurs-pompiers sont intervenus plus de 4 millions de fois ! Le Gouvernement est très attentif aux agressions commises contre les sapeurs-pompiers ; les auteurs sont systématiquement recherchés.

L'écart de 12 millions résulte notamment de la réorganisation du déminage.

Ce projet de budget repose sur trois piliers d'action.

Le premier pilier est la subsidiarité : oui, État et collectivités locales sont complémentaires. Le niveau départemental est l'échelon pertinent. Avec les Sdis, l'État et les conseils généraux avancent du même pas, tant pour les multiples interventions quotidiennes que pour celles d'importance exceptionnelle, comme pour la tempête Xynthia ou les inondations du Var.

Les avis de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours présidée par M. Doligé sont systématiquement suivis par le Gouvernement. La tendance à la maîtrise de dépenses se confirme. Depuis 2007, les budgets sont stabilisés. La meilleure maîtrise des dépenses ne s'est pas faite au détriment de la qualité des interventions.

La mutualisation des achats et un des moyens de réduction des dépenses. Le FAI sera maintenu à son montant actuel malgré la situation budgétaire contrainte. L'État a supporté seul l'investissement, supérieur à 800 millions, qui a permis de réaliser le réseau national numérique INPT. Grâce à Antares, les Sdis n'auront plus à investir dans les réseaux départementaux qu'ils finançaient seuls dans le passé. Ce dispositif retenu, qui laisse deux tiers des charges à la police et à la gendarmerie, sera soumis dès demain à la CNSIS.

Deuxième pilier : le Livre blanc. Ses recommandations doivent être appliquées. Le projet SAIP est d'importance. L'ancien RNA est périmé et doit être modernisé. Les sirènes disponibles vont être mutualisées. Un appel d'offre sera lancé au premier semestre.

Troisième pilier : la coordination des acteurs. Il faut mettre en oeuvre des moyens maximaux de secours ; l'amélioration de la réactivité prendra en compte les risques NBCE. Le service de déminage poursuit sa réorganisation. L'arrivée de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur facilitera cette réorganisation.

Deuxième moyen de réactivité : la flotte aérienne sera modernisée et amplifiée.

Enfin, les préfets de zone de défense voient leurs compétences élargies en cas de crise.

Concernant le temps de travail, nous ne souhaitons pas que la réglementation communautaire nous conduise à restreindre notre sécurité civile.

Le soutien de l'État à l'École nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers sera maintenu en 2011.

Les ayants droit des agents de la sécurité civile morts en service seront indemnisés ; le texte a été signé ce matin même.

Le volontaire n'est ni un agent public ni un salarié de droit ordinaire, mais un citoyen qui agit dans l'intérêt de tous. (Applaudissements)

M. Charles Revet.  - C'est important de le dire !

Les crédits de la mission sont adoptés.

L'article 86 decies est adopté.

Ville et logement

Mme la présidente.  - Nous allons maintenant examiner les crédits de la mission « Ville et logement » ainsi que les articles 98 et 99.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Je salue MM. Leroy et Richert et les félicite pour l'importante mission qu'ils doivent mener.

Nous devons impérativement clore cette séance avant 1 heure 30, soit dans 170 minutes. Les orateurs disposent de 102 minutes, mais il y a 25 amendements et trois prises de paroles sur les articles : il me paraît donc peu probable d'en terminer avant 1 heure 30. Si la discussion n'est pas terminée, nous en reprendrons le fil samedi après-midi.

Si vous voulez finir ce soir, je vous invite à la plus extrême concision ; certes, la discussion générale des crédits d'une mission est un grand moment de la vie parlementaire, mais si sa durée pouvait être réduite, nous y gagnerons tous, car le moment le plus riche et le plus interactif est la discussion des amendements.

M. Charles Revet.  - Ce n'est pas si sûr...

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Cette année, nous nous focaliserons certainement sur l'article 99. Mais je ferai deux séries de remarques, sur le respect de la Lolf et sur la sincérité budgétaire.

La mission a perdu de sa cohérence au fil des ans. Elle est devenue interministérielle. Je ne suis pas seul à regretter que le remaniement n'ait pas conduit à un ministère unifié. L'éclatement de la mission n'est pas sans conséquences sur les opérateurs, notamment l'Anru, qui est dans le périmètre du ministère de la ville mais dont les ressources relève du secrétariat d'État au logement...

Les financements extrabudgétaires prennent une ampleur inédite. Les fonds de concours sont devenus la clé de certains financements, comme celui de l'Anah. Les sommes nécessaires pour permettre à l'Anru de passer la bosse 2011-2014 proviennent de l'action logement et du monde HLM -si l'amendement de la commission des finances n'est pas adopté.... Peu importe les moyens, dira-t-on, pourvu qu'ils existent... Oui, mais le message de l'État est brouillé et la confiance des partenaires s'étiole.

Concernant la sincérité budgétaire, le Gouvernement pourrait faire mieux. Le budget est plus sérieux, mais par exemple les crédits finançant les nuitées hôtelières pour l'hébergement d'urgence ou l'aide alimentaire sont systématiquement sous-évalués ; le financement des maisons-relais a heureusement été revu à la hausse, mais il ne compensera pas la fin du plan de relance.

La dépense fiscale est très largement supérieure aux dépenses budgétaires et croît de 5,8 % pour atteindre 12 milliards d'euros ; 68 mesures sont rattachées à la mission, mais seules 40 font l'objet d'une évaluation.

Le Scellier n'est pas correctement évalué, et il est coûteux.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Très coûteux !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Le Dalo a eu des conséquences budgétaires limitées durant les deux premières années de mise en oeuvre. En 2012, le Dalo sera ouvert à tous les demandeurs de logements sociaux non satisfaits dans les délais ; il n'est pas réaliste de réduire les crédits des commissions d'admission. Il faudra aussi que les dépenses de contentieux soient prises en compte ; les 10 millions prévus nous semblent sous-estimés. Pouvez-vous nous en dire plus et nous convaincre que la mesure a été prise des conséquences financières du Dalo en 2012 ?

Je n'ai pas abordé la réforme de l'accession à la propriété, ni de la politique de la ville. Il n'y a hélas pas grand-chose à en dire, car les crédits ont fondu, sinon pour saluer l'engagement des agents sur le terrain.

Votre tâche, monsieur le ministre, sera rude.

La commission des finances vous demande d'adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite)

M. Dominique Braye, en remplacement de M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission de l'économie.  - Je vais vous lire l'intervention de M. Pierre André, qui vient de subir une intervention chirurgicale sur les cordes vocales. Mon organe pourvoira à sa voix. (Sourires)

Je vous félicite pour votre nomination et votre reconduction, MM. les ministres. La commission de l'économie vous soutiendra et a donné un avis favorable aux crédits de cette mission.

Lancé en 2003, le Programme national de rénovation urbaine (PNRU) avait des objectifs très ambitieux ; même s'ils ne seront pas tous atteints en 2013, le bilan est très positif. L'effet levier de l'Anru est essentiel, qui a permis près de 40 milliards d'investissements. Des territoires entiers ont retrouvé espoir et perspectives. Il est indispensable de réfléchir à un PNRU II après 2013, si le financement du PNRU I est assuré, bien sûr. La commission des finances a trouvé la façon de financer l'Anru sans pénaliser les HLM. La politique économique et sociale ne doit pas être négligée ; come l'a dit le Premier ministre, le 8 novembre, la rénovation urbaine c'est aussi l'emploi, l'éducation, la sécurité, les infrastructures de transport.

La révision de la géographie prioritaire a été repoussée à 2011 ; elle doit passer d'une logique de zonage à une logique de contractualisation. Pour réformer la politique de la ville, les moyens de l'État doivent être concentrés sur les communes les plus en difficulté. J'espère que 2011 sera mise à profit pour organiser le grand débat national que j'appelle de mes voeux. (Applaudissements à droite)

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis de la commission de l'économie.  - Certains programmes augmentent modestement, d'autres diminuent. Le programme 177 est sous-budgété, une fois encore ; le programme 108 voit ses crédits diminuer alors que nous sommes encore en pleine crise. Le programme 135 couvre les aides à la pierre : les perspectives d'évolution sont inquiétantes pour 2012 et 2013.

Je m'inquiète du désengagement de l'État en matière de construction de logements sociaux et regrette que les bailleurs sociaux soient mobilisés pour y faire face, alors que les collectivités investissent massivement.

Les objectifs du Gouvernement en matière de construction de logements sociaux sont ambitieux, mais avec quels moyens ?

A titre personnel, je considère que ce budget ne répond pas aux enjeux auxquels est confronté notre pays. Comme l'a dit Jérôme Bédier, ce n'est pas à Bercy de gérer la politique du logement. Cependant, la commission de l'économie a émis un avis favorable.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Le défi auquel le Parlement et le Gouvernement sont confrontés n'est pas facile puisqu'il s'agit de réduire de 10 % la dépense publique toute en maintenant la vitalité de la politique du logement et la continuité de celle de la ville.

Certains dénoncent les baisses des crédits à la pierre. Au regard de la dette de l'État, pouvait-on faire autrement ? J'apprécie que dans ce contexte la capacité d'intervention de la politique de la ville ait été relativement préservée.

La répartition de l'effort doit être équitable ; certains choix du Gouvernement sont à cet égard discutables. Le PTZ n'est certes pas rattaché à la mission mais il relève de la politique d'accès au logement. Le Gouvernement l'a voulu universel, ouvert à tous. Pourquoi ? Croyez-vous que l'État doive s'endetter pour aider à se loger des gens qui gagnent 10 000 euros ?

Mme Nicole Bricq.  - Sûrement pas !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - Les efforts ne seront acceptés par le pays que s'ils sont équitablement répartis. La justice sociale, ce n'est pas obligatoirement la dépense publique. Il faut inventer de nouveaux dispositifs efficaces et moins coûteux.

La commission des affaires sociales vous proposera un amendement pour promouvoir la garantie des risques locatifs (GRL), laquelle couvre 200 000 ménages. Encore faut-il que ce risque soit mutualisé, que tous les assureurs le proposent. Un logement HLM coûte 35 000 euros à l'État, la GRL 300 euros. Je vous laisse apprécier la différence...

La commission soutient cette mission. (Applaudissements à droite)

M. Jacques Mézard.  - Les crédits de la politique de la ville sont en baisse. Les contrats urbains sont prorogés jusqu'en 2013, mais ils diminuent de 10 % par an. Les collectivités devront compenser cette baisse.

Pour les aides à la pierre, la diminution se confirme. L'injustice du nouveau dispositif vient d'être dénoncée. Le recentrage de la politique du logement sur les zones les plus tendues a des effets pervers.

L'article 99 ne peut être qualifié d'instrument de péréquation. Ce dispositif, même revu par l'amendement de notre rapporteur spécial, aura des conséquences catastrophiques sur le terrain, notamment dans les petits départements où il n'y a pas de promoteurs privés ; on ponctionnera un organisme que je connais bien de près de 90 % de son résultat -autant dire qu'il ne pourra plus agir.

Dans ces conditions, la majorité de mon groupe ne votera pas cette mission. (Applaudissements à gauche)

Mme Odette Terrade.  - Cette mission n'est pas à la hauteur des enjeux ; pire, elle entérine le désengagement de l'État dans un domaine qui relève de l'intérêt général. Aujourd'hui, 3,5 millions de personnes, dont 600 000 enfants, sont mal logées, 1,2 million sont en attente d'un logement social, 100 000 vivent à l'hôtel et 100 000 en camping. Mais le Gouvernement ne parle que de rigueur. La mission « Ville et logement » doit participer à la réduction des déficits, qui se poursuivra en 2012 et 2013.

Les aides à la pierre diminuent alors que les dispositifs fiscaux représentent 12 milliards ! Soixante-dix pour cent des aides publiques sont orientées vers le privé. Certes, 120 000 logement sociaux seront construits l'an prochain mais la Fondation Abbé Pierre juge qu'il en faudrait 900 000...

Pour l'insertion des personnes vulnérables, la trajectoire retenue pour les trois prochaines années est orientée à la baisse.

Les crédits de l'aide au logement baissent de 84 millions. Les APL devraient être revalorisées de 20 %, comme nous le demandons depuis des années. Les APL ne sont plus payées rétroactivement : le Gouvernement fait ainsi une économie de 240 millions sur les plus pauvres. C'est une honte.

Au programme 135, les crédits destinés aux constructions locatives se réduisent au profit d'un recours croissant aux fonds de concours. L'article 99 va ponctionner les offices HLM au prétexte de la suppression d'une niche fiscale : il s'agit en réalité d'un hold-up sur le financement des logements sociaux. M. le rapporteur propose de limiter la ponction à 150 millions. Nous souhaitons la suppression de cet article.

Les aides à la pierre vont considérablement se réduire d'ici 2013. La participation de l'État aux Plus et Plai a diminué de moitié en quelques années. Les collectivités doivent prendre le relais, alors qu'elles connaissent de grandes difficultés du fait de la suppression de la taxe professionnelle.

Nicolas Sarkozy appelle de ses voeux un pays de propriétaires, grâce au PTZ+ ; 2,5 milliards d'économies sont attendues. Mais comment favoriser l'accession à la propriété dans ces temps de crise ? A qui profitera ce PTZ, sinon aux banques qui se sont honteusement gavées pendant la crise ?

Ce budget n'est pas acceptable en l'état. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Alain Fouché.  - Quelques inquiétudes d'abord sur la taxation des offices HLM : quels sont les critères retenus ? Prendrez-vous en compte les conventions Anru, les nouvelles normes du Grenelle ? Que des offices qui ont des réserves importantes soient taxés, soit, mais pas ceux qui font des efforts d'investissements importants.

Un mot aussi de l'article 55 de la loi SRU. Certaines collectivités préfèrent payer l'amende, ce qui est scandaleux. Nous sommes convaincus qu'il faut construire des logements sociaux pour tous, sans exclure les pauvres de certaines communes. Il faut obliger les communes récalcitrantes à en construire. Ne faudrait-il pas relever le seuil des sanctions, aujourd'hui inférieures au coût de construction de logements sociaux ? (Applaudissements sur certains bancs au centre et à droite)

M. Thierry Repentin.  - Bravo !

M. Pierre Jarlier.  - Malgré les efforts de ces dernières années, la crise du logement est de plus en plus préoccupante : 3,3 millions de personnes sont mal logées, et le nombre de logements mis en chantier régresse. Le nombre de recours Dalo ne cesse d'augmenter.

L'État a dû revoir ses priorités pour répondre aux attentes dans les zones les plus tendues ; mais le ciblage doit être équilibré et le soutien à la construction adapté à la diversité des territoires. Il est des zones rurales non tendues où le besoin est criant. La réforme des aides de l'Anah est la bienvenue. Mais du côté des propriétaires bailleurs, le dispositif de la prime « réduction de loyer en zone tendue Anah » risque là encore de provoquer la réduction du nombre de conventions de catégorie sociale ou très sociale dans les zones rurales non tendues.

Enfin, l'article 99 : les organismes HLM s'en sont émus et la commission des finances a supprimé dans un premier temps la taxe sur les « dodus dormants ». M. Marini nous propose de passer de 340 à 150 millions : c'est acceptable.

Mme Nicole Bricq.  - Pas du tout !

M. Pierre Jarlier.  - Le critère retenu du potentiel financier ne doit pas pénaliser les organismes les plus fragiles. J'espère que nos amendements seront retenus. (Applaudissements à droite)

Mme Bariza Khiari.  - Il y a cinq ans, les banlieues s'embrasaient, avec un degré de violence inédit. Mais aucun débouché politique n'a été proposé. Dans ces quartiers qui ont mal vieilli, le chômage est fort, les services publics absents et le sentiment d'injustice exacerbé. Or, cette mission ne traite qu'à la marge de cette question.

Devant un tel désengagement, les masques tombent : le plan « Espoir banlieues » n'était qu'affichage. Le budget 2010 était critiquable, celui de 2011 est marqué par le cynisme et le mépris. L'espoir pour les banlieues ? C'est cela : aux pauvres on ne laisse que l'espoir et on ne leur accorde rien. Tout retard allongera in fine le montant de la facture ; avec le plan « Espoir banlieues », vous avez communiqué mais n'avez rien fait. Mme Amara portait seule ce plan. Cette année, le rideau est tombé, les masques sont tombés, fin du carnaval ! Vous ne comprenez pas l'urgence de la situation. De plus, vous supprimez brutalement certaines aides. Les banlieues ont besoin de tout, sauf d'improvisation. Les événements de Grenoble devraient vous alerter.

Les collectivités ne sont pas la variable d'ajustement des errements de vos politiques.

Vous aviez prévu de ponctionner les HLM pour financer l'Anru. Depuis quand le fait de se loger est une niche fiscale ? En ponctionnant sans vergogne les offices, vous demandez aux classes populaires de financer la rénovation de leurs logements en lieu et place de la solidarité nationale. L'amendement de la commission des finances apporte un peu de réalisme, mais il est insuffisant. Cette politique est incompréhensible. Nous refusons ce budget indécent car nous avons besoin d'une politique ambitieuse, et non de ce bouclier fiscal que vous refusez de mettre à bas. (Applaudissements à gauche)

M. Charles Revet.  - Quand le bâtiment va, tout va ! Le logement représente un enjeu important, humain, social et économique. Notre pays a connu des années fastes, les Trente glorieuses, et le bâtiment y a beaucoup contribué. Tous les éléments sont aujourd'hui réunis pour que le bâtiment participe au redémarrage de l'économie. Beaucoup de familles rêvent d'accéder à la propriété et les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas.

Mais les lourdeurs administratives n'ont jamais été aussi pesantes pour faire aboutir un document d'urbanisme ou obtenir un permis de construire. Toute ma vie d'élu, j'ai développé la construction de logements locatifs ou en accession. Dans les années 1970, il était possible pour une famille d'accéder à la propriété sur un terrain de 1 000 mètres carrés pour moins de 100 000 Francs ; il ya dix ans, il fallait 100 000 euros et aujourd'hui il faut cette même somme, mais pour le terrain seul -dans la même commune.

Renversez cette situation, monsieur le ministre, c'est une question de réglementation. Une révision classique d'un PLU prend du temps. Qu'est-ce qui justifie de reprendre tous les éléments préparatoires ? Une dérogation devrait permettre aux communes qui le souhaitent de dégager des terrains.

Dites à vos services, qui font souvent preuve de zèle, qu'ils aussi ont une mission de conseil et d'accompagnement. Nous pourrions alors dire : « quand le bâtiment va, tout va ». (Applaudissements à droite)

M. Jean Desessard.  - Le Gouvernement a promis la rigueur. Nous attendions un budget austère. Il est désolant.

La précarité mine le pays, 8 millions de personnes, dont 2 millions d'enfants, vivent sous le seuil de pauvreté. Le tissu des centres sociaux lutte pour restaurer le lien social, maintenir les familles dans leur logement. Pourtant, vous proposez de réduire leur budget de 38 % pour économiser... 9 petits millions, alors que 1 169 contribuables reçoivent 423 millions au titre du bouclier fiscal !

Ce n'est même pas du cynisme, c'est une erreur ! Ces 9 malheureux millions font vivre un réseau et pour un emploi financé, dix bénévoles travaillent. Vous ne tenez pas compte de cet important levier social.

Vous persistez dans votre politique de réduction des dépenses sans vouloir relever les impôts. Vous externalisez, vous privatisez. En 2006, de retour des États-Unis, Nicolas Sarkozy voulait une France de propriétaires, en facilitant le crédit hypothécaire -les Américains ont vu en 2008 à quoi cela menait !

Le nombre de logements sociaux construits diminue chaque année, et vous gaspillez des milliards d'euros en dépenses fiscales et dispositifs Borloo, Scellier ou Robien. En l'absence de tout encadrement des loyers, l'APL justifie les relèvements de loyers par les propriétaires.

En cette saison, j'évoque le droit de réquisition. Huit étudiants sont passés en jugement aujourd'hui pour avoir occupé un appartement vide depuis dix ans, rue de Seine. Ils étaient prêts à partir dès qu'on leur demanderait, mais la propriétaire, multimillionnaire, domiciliée fiscalement en Belgique, a voulu l'intervention de la police et de la justice.

Nous faisons plus que diverger : votre politique du logement nous est intolérable. Nous ne pouvons la cautionner. (Applaudissements à gauche)

M. Maurice Leroy, ministre de la ville.  - Je tiens à vous dire tout l'honneur qui m'est fait : commencer ma fonction de ministre devant vous, en défendant les crédits de la ville.

Le Gouvernement souhaite renforcer la politique de la ville et lui donner une nouvelle impulsion. C'est pourquoi a été créé ce ministère de la ville, à volonté interministérielle, auquel est rattaché le grand Paris, pour gagner la bataille de l'humain au service de tous les Français. Je m'inscris dans la poursuite de l'action de Mme Amara. Et je regrette l'absence de M. Dauge, qui fut le premier délégué interministériel de la ville.

Ce budget préserve les principaux leviers d'intervention tout en participant à l'effort de redressement des finances publiques. Je sais le président Arthuis attaché à la maîtrise des dépenses publiques.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Comme vous, monsieur le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre.  - Mme Khiari sait bien que doivent être prises en compte, outre les crédits de cette mission, les dépenses fiscales ainsi que les crédits de la rénovation urbaine. Dans les prochaines semaines, je lancerai une expérimentation sur une trentaine de quartiers. Je regrette qu'en France on n'expérimente pas assez.

M. Alain Fouché.  - C'est vrai !

M.Maurice Leroy, ministre.  - Les crédits de programme baissent de 12 %, certes, mais c'est le respect mécanique de la loi, qui prévoit la diminution du remboursement des exonérations de charges sociales dans les ZFU et ZRU.

Dans le cadre du budget triennal, les crédits des Cucs seront prolongés jusqu'en 2014, ce qui donne une vraie visibilité.

Pour la rénovation urbaine, la capacité d'affectation de l'Anru est de 16 milliards, qui génèrent plus de 40 milliards de travaux. On construit plus qu'on ne démolit ; cette dynamique se poursuit. Cependant, nous sommes entrés dans la « bosse » de l'Anru, avec un plus grand besoin de financement du PNRU. C'est pourquoi le Gouvernement vous propose un financement fondé sur les bailleurs sociaux. Toucher les « dodus dormants » est justifié.

La notion de géographie prioritaire est essentielle. Celle-ci doit être remise à jour. Les banlieues intégrées à la ville sont une chance, pas un handicap. La France de demain se construira dans ces villes solidaires. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Nous avons souhaité le rebasage budgétaire : avoir la loi de finances la plus crédible possible en début d'année. Ainsi avons-nous obtenu cette année une vraie sincérité budgétaire, afin de donner de la sécurité au monde associatif.

L'aide alimentaire ? La baisse de 6 millions du PEAD sera compensée. Nous n'avons pas la géographie précise du Scellier, cela viendra.

Non, monsieur Repentin, on ne peut parler de désengagement de l'État en matière de logement social : de 1977 à 2003, la moyenne était à 50 000 logements sociaux ; nous en sommes au double ! Ne sombrons pas dans un manichéisme opposant les bonnes collectivités locales au méchant État.

Pourquoi le PTZ+ ? Oui, nous l'avons ouvert aux déciles 9 et 10. Le décile 9 commence à 1 500 euros, et le 10 à 2 500 euros. Ce sont les classes moyennes, pas les riches ! Ceux-ci ne sont pas primo-accédants. Ils n'ont donc pas droit au PTZ. La GRL n'a pas encore trouvé sa cible ; il demeure un désaccord avec les assureurs.

Comment parler de désengagement de l'État pour la zone C, celle des territoires ruraux, monsieur Mézard ? 200 000 euros de plus ! Je connais l'inquiétude en zone C. Il faut accentuer la production où c'est nécessaire, or on produit plus en zone C qu'en A ou B1. Ce rééquilibrage ne signifie pas qu'on ne financera plus la construction en zone C !

Oui, monsieur Revet, les procédures actuelles d'urbanisme sont trop longues et trop coûteuses. Nous allons simplifier le droit de l'urbanisme. (Applaudissements à droite)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Je souhaite la priorité sur l'article 98 et l'amendement n°II-26.

M. Benoist Apparu, ministre.  - Favorable.

La priorité est de droit.

Article 98

Mme Odette Terrade.  - Cet article ne serait pas contestable s'il n'avait pour fonction principale de servir au désengagement de l'État, même si le ministre le conteste. L'État doit maintenir sa participation au FNAL. Nous nous abstiendrons donc.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-26, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

À la première phrase du dernier alinéa du même article, les mots : « et les employeurs relevant du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale » sont supprimés.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - La commission des finances souhaite sortir de la situation délicate où nous a mis le Gouvernement. Cet amendement est un élément de sa proposition. Contrairement au Gouvernement, nous considérons qu'il n'y avait pas là un mécanisme de péréquation. L'Anru va avoir besoin de 1,3 milliard, c'est la fameuse bosse. Nous proposons que les 262 millions nécessaires cette année soient trouvés en prélevant 200 millions sur la société du grand Paris -c'est le premier étage de notre fusée, lancée en première partie de la loi de finances- ainsi que par cet amendement et un autre, que par cohérence il faudra adopter.

Cet amendement devrait rapporter 53 millions en supprimant une niche fiscale. C'est le deuxième étage de votre fusée.

Mme Nicole Bricq.  - Certaines fusées ne décollent jamais...

M. Benoist Apparu, ministre.  - Vous voulez faire payer l'Anru par le monde agricole ! Le Gouvernement n'est pas d'accord.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Il a été battu sur notre premier amendement, en première partie !

M. Benoist Apparu, ministre.  - Avec la crise que connaît le monde agricole, n'en rajoutons pas !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - L'Anru est un magnifique projet, qui n'a pas trouvé son financement. Le Sénat est incité, par cohérence, à aller au bout de sa démarche. Le premier étage de la fusée a été adopté en première lecture, continuons.

Il est vrai qu'il est dangereux de taxer le travail. Mais cet amendement ne touche pas que les coopératives agricoles ; il vise aussi certaines de leurs superstructures, qui captent des avantages que les agriculteurs ne voient pas, alors que c'est en leur nom qu'on prétend agir...

Il peut aussi se faire que des salariés du monde agricole trouvent à se loger dans des conditions couvertes par l'Anru.

L'amendement n°II-26 est adopté.

L'article 98, modifié, est adopté.

Article 48

Mme la présidente.  - Amendement n°II-28, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables

Aide à l'accès au logement

53 000 000

53 000 000

Développement et amélioration de l'offre de logement

Politique de la ville

53 000 000

53 000 000

TOTAL

53 000 000

53 000 000

53 000 000

53 000 000

SOLDE

0

0

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Il n'y a sans doute aucun lien entre le monde agricole et l'Anru, mais nous n'allons pas creuser le déficit !

M. Benoist Apparu, ministre.  - Défavorable par cohérence.

L'amendement n°II-28 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-151, présenté par M. Braye.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables

Aide à l'accès au logement

Développement et amélioration de l'offre de logement

6 000 000

6 000 000

Politique de la ville

6 000 000

6 000 000

TOTAL

6 000 000

6 000 000

6 000 000

6 000 000

SOLDE

0

0

M. Dominique Braye.  - Cet amendement est cohérent avec celui de la commission des finances visant à affecter 53 millions de crédits pour financer l'Anru. Il propose de verser une partie du montant de crédits dégagés depuis l'action 04 « Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie » du programme 147 « Politique de la ville » à l'action 04 « Réglementation de l'habitat, politique technique et qualité de la construction » du programme 135 « Développement et amélioration de l'offre de logement ».

L'objectif est d'abonder la dotation de 10 millions d'euros inscrite pour financer les astreintes que l'État est condamné à payer quand il est dans l'incapacité de loger les demandeurs de logement ou d'hébergement prioritaires au titre du Dalo à hauteur de 6 millions d'euros. En effet, le souci de sincérité budgétaire doit conduire à réviser le montant de cette dotation pour le porter à 16 millions d'euros. Ce montant correspond mieux à l'appréciation des condamnations qui pourraient être prononcées en 2011 par les tribunaux.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Ce rebasage de 6 millions est nécessaire.

L'amendement n°II-151, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-97 rectifié, présenté par M. Jeannerot et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables

Aide à l'accès au logement

1 000 000

1 000 000

Développement et amélioration de l'offre de logement

1 000 000

1 000 000

Politique de la ville

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

M. Claude Jeannerot.  - Depuis 1975, l'État apporte son soutien au fonctionnement de l'Agence nationale pour l'information sur le logement (Anil) et des Agences départementales d'information sur le logement (Adil). Or, le projet de loi de finances réduit considérablement les moyens de ces agences qui exercent une mission de service public auprès d'une population modeste.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-150, présenté par M. Braye.

M. Dominique Braye.  - Tous les sénateurs qui connaissent le dossier vont dans le même sens.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-162 rectifié ter, présenté par MM. Beaumont, Leroy, Courtois, del Picchia et Magras.

M. Michel Magras.  - L'amendement est défendu.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - La somme me paraît très importante... Ne peut-on réduire ? Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, ministre.  - Favorable : maintien des crédits d'une année sur l'autre, création de deux Adil et aide à d'autres associations. Si l'on réduit, favorable aussi.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - On pourrait couper la poire en deux et proposer de s'en tenir à 500 000 euros.

M. Dominique Braye.  - Soit.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - C'est une démarche constructive et un encouragement à la mutualisation : il faut éviter la multiplication d'associations.

M. Claude Jeannerot.  - Les départements contribuent de façon très significative au financement de ces Adil. Or ils doivent contenir rigoureusement leurs budgets. C'est pourquoi j'insiste.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - La commission est défavorable à l'amendement n°II-97 rectifié, s'il reste à 1 million. Elle sera favorable aux amendements rectifiés pour revenir à 500 000 euros.

L'amendement n°II-97 rectifié n'est pas adopté.

Les amendements identiques n°sII-150 rectifié et II-162 rectifié quater sont adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-202, présenté par le Gouvernement.

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention de l'exclusion et insertion des personnes

vulnérables

17 300 000

17 300 000

Aide à l'accès au logement

Développement et amélioration de l'offre de logement

Politique de la ville

TOTAL

17 300 000

17 300 000

SOLDE

17 300 000

17 300 000

M. Benoist Apparu, ministre.  - Le Gouvernement veut une vraie sincérité budgétaire -sans craindre la redondance ! (Sourires)

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Favorable, bien sûr... En espérant que nous n'aurons pas à y revenir !

L'amendement n°II-202 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-29, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits de la mission et des programmes : 

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention de l'exclusion et insertion des personnes

vulnérables

839 810

839 810

Aide à l'accès au logement

Développement et amélioration de l'offre de logement

Politique de la ville

TOTAL

839 810

839 810

SOLDE

- 839 810

- 839 810

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Il s'agit d'un amendement d'appel, monsieur Revet !

Il supprime les crédits inscrits au titre de la subvention pour charges de service public versées à l'Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales (Ifcass) de Dieppe dont le rattachement à la présente mission « Ville et logement » n'est pas justifié. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

M. Benoist Apparu, ministre.  - Je peux le faire ! (Sourires)

L'Ifcass accueille principalement des stagiaires de l'outre-mer. La fin de l'année scolaire 2010-2011 sera financée. Il s'agit de savoir ensuite comment mieux mutualiser. Si nous décidons de perpétuer l'Ifcass, nous reviendrons devant vous.

Quant au motif de rattachement à la mission « Logement », c'est un mystère pour moi aussi.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Vous pourriez accepter cet amendement et que votre collègue d'outre-mer prenne à son compte ces crédits. Ce serait bon pour la « vraie sincérité » budgétaire. (Sourires)

M. Benoist Apparu, ministre.  - Je préfère un retrait.

L'amendement n°II-29 est retiré.

Les crédits de la mission sont adoptés.

Article 99

M. Thierry Repentin.  - Cet article a suscité un vif émoi dans le monde HLM. Contrairement à ce que la commission des finances juge une présentation « abusive et trompeuse » par le Gouvernement, cet article n'a rien de péréquateur. Une telle ponction aurait conduit à la non-construction de 28 000 HLM par an. L'Assemblée nationale a heureusement modifié ce texte. Mais peut-on considérer que 70 % des organismes de HLM seraient des « dodus dormants » ?

La commission des finances a beaucoup travaillé sur cette question. La semaine dernière, elle a adopté un mode de financement de l'Anru jusqu'en 2013. Le dispositif qu'elle nous propose est donc nettement « moins pire » que celui de l'Assemblée nationale mais les organismes de HLM restent frappés. Il y a des ressources mobilisables : le nouveau PTZ coûtera 80 millions pour une efficacité douteuse.

Si l'amendement de la commission devait être adopté, ce devrait n'être que pour trois ans.

Mme Bariza Khiari.  - Le hold-up sur les organismes de HLM pour financer l'Anru, c'est demander aux pauvres de financer les pauvres !

L'amendement de la commission des finances est déjà moins déraisonnable. Mais on puise dans la société du grand Paris, ce qui est un enterrement de première classe pour ce projet. Une fois encore, le Gouvernement a donné dans l'affichage et recule devant l'obstacle.

Je remercie notre commission des finances pour ses efforts, mais le caractère péréquateur du dispositif reste insuffisant. Il est inacceptable que l'État puisse s'affranchir de son fardeau. Vous pouvez toujours aller voir du côté du bouclier fiscal. Les milliardaires américains demandent à être taxés davantage...

Mme la présidente.  - Amendement n°II-107 rectifié, présenté par M. Caffet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Claude Jeannerot.  - L'essentiel a été dit. La ponction n'est plus aussi douloureuse que prévu, mais nous ne pouvons l'accepter. Les pauvres ne doivent pas payer pour les plus pauvres. Si cet article est adopté, c'est moins d'investissements pour les HLM. Les économies envisagées ne doivent pas être aveugles ni injustes. Ainsi, pourquoi ouvrir les PTZ+ à des personnes qui n'ont pas à en bénéficier ? Il y aura des effets d'aubaine, et des pertes de recettes fiscales pour l'Etat.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-172 rectifié, présenté par MM. Collin, Chevènement et Mézard.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - La notion de potentiel financier, qui sert de base au calcul de prélèvement touchera indifféremment les organismes ayant une faible activité d'investissement et des réserves financières conséquentes et ceux qui investissent massivement, notamment dans des opérations de rénovation urbaine. 

Cette mesure est injuste et absurde, car elle ne permettra pas de construire des logements. En outre, elle pénalisera les nombreux locataires et ne peut être qualifiée d'instrument de péréquation.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-174, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Odette Terrade.  - Cet article aura connu un destin mouvementé. Hélas, 70 % des offices resteront touchés. M. Dallier propose de ramener les recettes à 150 millions. Nous voulons supprimer cet article car le secteur HLM ne doit pas être mis en difficulté, alors que la crise sévit. Les organismes HLM ont été mis devant le fait accompli, ce qu'ils n'ont pas apprécié. Une telle mesure n'est pas acceptable. Vous prenez à Jacques pour donner à Paul. L'Etat ne sait plus quoi inventer pour pallier son désengagement ! Il doit prendre ses responsabilités.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Je vous demande de vous rallier à l'amendement de la commission. Il n'est pas anormal de mettre en place un réel mécanisme de péréquation entre bailleurs sociaux. Retrait.

M. Dominique Braye.  - Je regrette que l'on n'aborde pas cette question de façon globale. Il y a deux fois plus de pauvres dans le secteur privé que dans le logement social, n'en déplaise à M. le président de l'USH.

J'ai voulu organiser une péréquation entre bailleurs sociaux lors de la loi Mole, en vain. Il y a une véritable réaction corporatiste des offices HLM, qui semblent avoir oublié leur vocation sociale. Monsieur le président de l'USH, l'amendement de la commission n'est pas parfait, mais je le voterai. Il est grand temps, monsieur le ministre, de mettre en place une véritable péréquation. (M. Philippe Dallier en convient) Les offices doivent mettre leurs fonds à disposition des plus modestes. Les offices qui n'investissent pas doivent participer à l'effort de la Nation. C'est normal, monsieur le président de l'USH.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Faisons bref !

M. Thierry Repentin.  - Nous allons prendre le temps qu'il faut pour régler cette question. Il est anormal de s'adresser ici non à un sénateur mais à quelqu'un en fonction de ses responsabilités extérieures.

On peut les affirmer avec force, mais les poncifs restent des poncifs !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Faites un congrès !

M. Thierry Repentin.  - Le monde HLM n'a pas oublié sa vocation sociale, monsieur le président de l'Anah. En 2009, avec la crise, nous avons eu à gérer une augmentation de 30 % des impayés...

M. Jean Desessard.  - Bien sûr !

M. Thierry Repentin.  - ...et une progression de 50 % des procédures de surendettement. Pour soutenir le Gouvernement, on peut proférer des contrevérités, mais elles restent des contrevérités !

M. le président de l'Anah aurait pu citer bien d'autres mesures dérogatoires, comme le taux réduit de TVA ou l'exemption du foncier non bâti. Le seul levier qui fait la différence, c'est celui des aides à la pierre. C'est la ligne fongible. Depuis les années 2000, la subvention unitaire apportée à chaque logement construit diminue : elle est passée de 7 000 à 800 euros.

Arrêtez de dire qu'il y a d'un côté les bons et de l'autre les mauvais, monsieur le président de l'Anah. Le monde HLM n'a jamais oublié sa vocation sociale. (Applaudissements à gauche)

M. Dominique Braye.  - Il ne suffit pas de le dire pour que ce soit vrai !

M. Benoist Apparu, ministre.  - A vous entendre, tout ce qui est bien, c'est les collectivités et les HLM et tout ce qui est mal, c'est l'État ! On peut quand même rappeler que l'État dépense 9 milliards de dépenses fiscales pour le logement social. Cet argent ne sert à rien ?

Oui, il y a au sein du monde HLM des bailleurs sociaux qui ont moins besoin de construire : ce n'est pas les stigmatiser mais simplement reconnaître la vérité : certains territoires ont moins besoin de construire. C'est d'ailleurs un gouvernement de gauche qui a imaginé un système de péréquation entre les collectivités. Nous vous proposons une péréquation entre les bailleurs sociaux.

Certains proposent de prendre des PTZ+ pour donner aux HLM.

Cessons d'opposer l'accession à la propriété au logement social !

M. Dominique Braye.  - Absolument !

M. Benoist Apparu, ministre.  - La politique du logement, c'est un ensemble ; le parcours résidentiel que vous prônez, il faut en tirer les conséquences ! La politique du logement doit s'appuyer sur trois piliers : le logement social, l'investissement locatif et l'accession à la propriété. Enfin, si vous considérez que pour un célibataire en zone C, 1 554 euros, c'est être trop riche pour être aidé, nous n'avons pas la même conception de la richesse. Pour nous, c'est quelqu'un qui a besoin d'une aide pour acquérir son logement.

Enfin, il est normal que les bailleurs sociaux essayent de nous convaincre, mais qu'ils fassent payer par l'argent des locataires des pages de publicité dans les journaux pour asséner des contrevérités, c'est pousser un peu loin le bouchon ! Non, l'Etat ne se désengage pas du logement social.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Il nous reste 25 minutes et douze amendements.

Les amendements identiques n°s II-107 rectifié, II-172 rectifié et II-174 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-27 rectifié, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances.

Rédiger ainsi cet article :

I. - L'article L. 423-14 du code de la construction et de l'habitation est ainsi rédigé :

« Art. L. 423-14. - À compter du 1er janvier 2011, les organismes d'habitations à loyer modéré qui disposent d'un patrimoine locatif sont soumis à un prélèvement sur leur potentiel financier.

« Le prélèvement dû au titre d'une année ne peut pas dépasser un montant égal au produit d'une partie des ressources comptabilisées au titre de l'exercice précédent par un taux défini pour chaque organisme. Les ressources prises en compte dans ce calcul sont les loyers et redevances, définis aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 452-4, appelés au cours du dernier exercice clos, et les produits financiers à l'exception des dividendes et des produits financiers issus des sociétés de construction constituées en application du titre I du livre II du présent code pour la réalisation d'immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation en accession à la propriété. Pour chaque organisme, le taux est de 8 %. Le cas échéant, il est minoré par le taux de croissance moyen sur les cinq derniers exercices du nombre de logements sur lesquels l'organisme détient un droit réel, à l'exception des logements acquis auprès d'un autre organisme d'habitations à loyer modéré.

« Le potentiel financier correspond à l'écart entre les ressources de long terme et les emplois à long terme. Les ressources de long terme prises en compte sont le capital, les dotations et les réserves à l'exception de la part des plus-values nettes sur cessions immobilières correspondant aux ventes de l'année de logements à des particuliers, les reports à nouveau, les résultats non affectés déduction faite des fonds propres venant en couverture de la garantie délivrée en application du deuxième alinéa de l'article L. 453-1, les subventions d'investissement à l'exclusion des subventions à recevoir, les provisions autres que les provisions pour gros entretien, les emprunts et les dettes assimilées à plus d'un an à l'origine, hors intérêts courus, à l'exception des intérêts compensateurs, hors dépôts et cautionnements reçus. Les emplois à long terme pris en compte correspondent aux valeurs nettes des immobilisations incorporelles et corporelles de toute nature, des immobilisations en cours, aux participations et immobilisations financières, aux charges à répartir et primes de remboursement des obligations.

« Le prélèvement sur le potentiel financier dû pour une année est égal au produit du nombre de logements au sens des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 452-4 sur lesquels l'organisme détient un droit réel au 31 décembre de l'année précédente par une contribution moyenne par logement.

« La contribution moyenne par logement résulte de l'application, à la moyenne des potentiels financiers par logement des cinq exercices précédents, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé du logement qui portent le produit total annuel du prélèvement sur l'ensemble des organismes visés au premier alinéa à 150 millions d'euros, du barème progressif par tranche suivant :

« 

Tranches du potentiel financier par logement

Taux de contribution

 

Inférieure à 1 000 €

0 %

De 1 000 à 1 500 €

de 4 % à < ou = 8 %

De 1 500 à 2 000 €

de 8 % à < ou = 12 %

De 2 000 à 3 000 €

de 12 % à < ou = 16 %

Supérieure à 3 000 €

de 16 % à < ou = 20 %

« Le potentiel financier par logement de chacun des cinq exercices précédents est obtenu en divisant le potentiel financier au 31 décembre de l'exercice par le nombre de logements au sens des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 452-4 sur lesquels l'organisme détient un droit réel à la même date.

« Les organismes soumis au prélèvement versent avant le 31 août de l'année au titre de laquelle le prélèvement est dû le montant des sommes dont ils sont redevables à la Caisse de garantie du logement locatif social. Les articles L. 452-5 et L. 452-6 sont applicables à ce prélèvement.

« Le prélèvement n'est pas effectué si son produit est inférieur à 10 000 € ou si, à la date où il devient exigible, l'organisme bénéficie des mesures de redressement de la Caisse de garantie du logement locatif social mentionnées à l'article L. 452-1 ou en a bénéficié dans les cinq années précédant cette date.

« Sur sa demande, la Caisse de garantie du logement locatif social obtient des organismes les informations nécessaires à l'application du présent article. Les organismes qui ne communiquent pas ces informations sont redevables d'une pénalité égale à 50 % des droits éludés par logement dans la limite de 300 € par logement au sens des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 452-4 sur lesquels l'organisme détient un droit réel au 31 décembre de l'année précédente. Cette pénalité est recouvrée au bénéfice de la Caisse de garantie du logement locatif social dans les conditions prévues à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 452-5.

« Un organisme d'habitation à loyer modéré ou une société d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux qui contrôle de manière exclusive ou conjointe, dans les conditions prévues par l'article L. 233-16 du code de commerce, un ou plusieurs organismes ou sociétés peut opter, avec leur accord, pour une détermination consolidée du potentiel financier par logement. Cette option est valable pour une période de cinq ans.

« Le résultat consolidé est obtenu en faisant la somme algébrique des ressources, des emplois et des logements de chaque organisme ou société.

« Chaque membre du groupe est redevable de la contribution calculée en multipliant le nombre de logements des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 452-4 du présent code sur lesquels il détient un droit réel par le potentiel financier par logement du groupe.

« Un décret en Conseil d'État fixe, en tant que de besoin, les conditions d'application du présent article.

« Les sociétés d'économie mixte sont soumises dans les mêmes conditions au prélèvement pour les logements à usage locatif et les logements-foyers leur appartenant et conventionnés dans les conditions définies à l'article L. 351-2 ou, dans les départements d'outre-mer, construits, acquis ou améliorés avec le concours financier de l'État. »

II. - Le chapitre II du titre V du livre IV du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa de l'article L. 452-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Elle contribue, dans les conditions fixées à l'article L. 452-1-1, à la mise en oeuvre de la politique du logement en matière de développement de l'offre de logement locatif social. » ;

2° À l'avant-dernier alinéa du même article, la référence : « à l'article L. 452-4-1 » est remplacée par la référence : « au II de l'article 5 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion » ;

3° La seconde phrase de l'article L. 452-1-1 est remplacée par une phrase et deux alinéas ainsi rédigés :

« Ce fonds contribue au développement et à l'amélioration du parc de logements locatifs sociaux appartenant aux organismes d'habitation à loyer modéré et aux sociétés d'économie mixte.

« Une commission composée majoritairement de représentants de l'État arrête les emplois du fonds.

« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités de mise en oeuvre du fonds, notamment la composition et le fonctionnement de la commission. »

III. - À compter du 1er janvier 2011 et jusqu'au 31 décembre 2013, par dérogation aux articles L. 442-1 et L. 445-4 du code de la construction et de l'habitation, la révision sur une année des loyers pratiqués mentionnés au même article L. 442-1 pour les logements appartenant aux organismes mentionnés à l'article L. 411-2 du même code, ne peut excéder la variation de l'indice de référence des loyers définie au d de l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. L'indice de référence des loyers à prendre en compte est celui du troisième trimestre de l'année précédente.

Toutefois, l'autorité administrative peut, dans la limite prévue aux articles L. 442-1 et L. 445-4 du même code, autoriser un organisme à déroger aux dispositions de l'alinéa précédent soit dans le cadre d'un plan de redressement approuvé par la Caisse de garantie du logement locatif social, soit pour une partie du patrimoine de l'organisme ayant fait l'objet d'une réhabilitation.

Le présent III est applicable à tous les contrats de location y compris aux contrats en cours.

IV. - 1° Au premier alinéa de l'article L. 445-1 du code de la construction et de l'habitation, la date : « 31 décembre 2010 » est remplacée par la date : « 1er juillet 2011 » ;

2° Après le mot : « années », la fin du second alinéa du II bis de l'article 1388 bis du code général des impôts est ainsi rédigée : « 2011 à 2013 sous réserve de la signature de la convention d'utilité sociale avant le 1er juillet 2011. » 

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Voici le dernier étage de la fusée.

Nous avons essayé de garantir les 150 millions attendus, ce qui suppose que les bailleurs sociaux jouent le jeu ; cet amendement permet de les responsabiliser : on peut imaginer que certains essayent de passer au travers du dispositif en remboursant des emprunts...

Ces 150 millions iront aux aides à la pierre exclusivement ; il n'est plus question de financer l'Anru. Sur cette somme, 80 millions vont remonter à l'Etat, 70 millions contribueront au financement du logement social.

Le prélèvement est plafonné à 8 % et il est minoré au profit de ceux qui construisent. Nous avons déterminé un potentiel financier par logement de chacun des organismes.

M. Braye a raison : le mécanisme est perfectible mais adoptons-le pour l'améliorer d'ici la CMP.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-106 rectifié à l'amendement n° II-27 rectifié de M. Dallier, au nom de la commission des finances, présenté par M. Repentin et les membres du groupe socialiste.

Alinéa 3 de l'amendement n° II-27

Après les mots :

À compter du 1er janvier 2011

insérer les mots :

et pour une durée de trois ans

M. Thierry Repentin.  - Le premier étage a été adopté pour trouver des recettes pour l'Anru durant trois ans.

Le présent amendement prévoit que le prélèvement sera appliqué pendant trois ans, c'est à-dire sur la période 2011-2013, comme le plafonnement à l'indice de référence des loyers (IRL) de l'évolution des loyers prévu par ce même article 99.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-173 rectifié à l'amendement n° II-27 rectifié de M. Dallier, au nom de la commission des finances, présenté par MM. Collin, Chevènement et Mézard.

Alinéa 3 de l'amendement n° II-27

Après les mots :

À compter du 1er janvier 2011

insérer les mots :

et jusqu'au 31 décembre 2013

M. Jean-Pierre Chevènement.  - L'amendement de M. Dallier est meilleur que le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale. Pour autant, il n'est pas encore satisfaisant.

On ne peut parler de péréquation alors que 80 millions remontent à l'Etat !

Une dose de mutualisation peut se concevoir à condition qu'elle n'excède en aucune manière les 150 millions d'euros figurant dans l'amendement n°27 du rapporteur spécial ; qu'elle soit bien employée pour renforcer les moyens des organismes qui n'ont pas les moyens suffisants de leur activité ; qu'elle prenne en compte les besoins réels des territoires, et que le Parlement puisse contrôler véritablement son application.

Le sous-amendement permet le respect de ces conditions en limitant le dispositif dans le temps à trois ans. Le Parlement pourra ainsi décider s'il souhaite reconduire le dispositif, en fonction de l'usage qui aura été fait des fonds.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-239 à l'amendement n° II-27 rectifié de M. Dallier, au nom de la commission des finances, présenté par M. Jarlier.

I. - Alinéa 3 de l'amendement n° II-27

Compléter cet alinéa par les mots :

et un prélèvement sur leur autofinancement

II. - Alinéa 7 de l'amendement n° II-27

Remplacer le montant :

150 millions

par le montant :

100 millions

III. - Alinéa 8 de l'amendement n° II-27, tableau, seconde colonne

Rédiger ainsi la troisième ligne de cette colonne :

de 0 % à < ou = 8 %

IV. - Après l'alinéa 11 de l'amendement n° II-27

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le prélèvement sur l'autofinancement, dont le produit total annuel  sur l'ensemble des organismes est limité à 50 millions d'euros, est égal à 2,85 % de l'autofinancement net  de l'organisme calculé en déduisant les remboursements d'emprunts liés à l'activité locative, à l'exception des remboursements anticipés, de la différence entre les produits et les charges de l'exercice, dans les conditions définies par décret en Conseil d'État. »

M. Pierre Jarlier.  - La péréquation entre offices HLM est une bonne idée. Néanmoins, le potentiel financier ne constitue pas un indicateur suffisamment performant de la richesse d'un organisme HLM. Il est donc proposé d'utiliser le prélèvement sur le potentiel financier à hauteur de 100 millions et d'utiliser un second prélèvement sur l'autofinancement, indicateur plus pérenne, à hauteur de 50 millions.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-141 rectifié ter à l'amendement n° II-27 rectifié de M. Dallier, au nom de la commission des finances, présenté par M. J.L. Dupont et les membres du groupe UC.

Alinéa 4 de l'amendement n° II-27, dernière phrase

Remplacer les mots :

cinq derniers exercices du nombre de logements sur lesquels l'organisme détient un droit réel

par les mots :

trois derniers exercices des immobilisations brutes (comptes 21 et 23)

M. Claude Biwer.  - Le potentiel financier considéré pour servir d'assiette à la taxation, est calculé sur la moyenne des potentiels financiers des cinq derniers exercices.

Pour l'année 2011, sont considérés les exercices 2006 à 2010.

Cette période de référence de cinq ans est particulièrement longue et ne permet pas de prendre en compte les efforts d'investissement déployés par les organismes.

Une prise en compte réduite à trois ans serait plus en adéquation avec les rythmes de construction et d'investissement.

Mme la présidente. - Sous-amendement n°II-136 rectifié quater à l'amendement n° II-27 rectifié de M. Dallier, au nom de la commission des finances, présenté par M. J.L. Dupont et les membres du groupe UC.

Alinéa 4 de l'amendement n° II-27, dernière phrase

Après les mots :

à l'exception des logements

insérer le mot :

sociaux

M. Claude Biwer.  - Amendement de précision.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-137 rectifié quater à l'amendement n° II-27 rectifié de M. Dallier, au nom de la commission des finances, présenté par M. J.L. Dupont et les membres du groupe UC.

Alinéa 4 de l'amendement n° II-27, dernière phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ou d'une société d'économie mixte

M. Claude Biwer.  - Il convient d'inclure également les logements sociaux des sociétés d'économie mixte.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-138 rectifié quater à l'amendement n° II-27 rectifié de M. Dallier, au nom de la commission des finances, présenté par M. J.L. Dupont et les membres du groupe UC.

Alinéa 5, deuxième phrase

après le mot :

capital

insérer les mots :

, à l'exception de la part du capital versée par les collectivités territoriales,

M. Claude Biwer.  - Cet amendement retire du calcul du potentiel financier taxable le capital social versé par les collectivités territoriales.

M. Jean Desessard.  - Bravo !

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-168 à l'amendement n° II-27 rectifié de M. Dallier, au nom de la commission des finances, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Alinéa 5 de l'amendement n° II-27

Supprimer les mots :

les subventions d'investissement à l'exclusion des subventions à recevoir,

II. - Alinéa 11 de l'amendement n° II-27

Remplacer les mots :

bénéficie des mesures de redressement de la Caisse de garantie du logement locatif social mentionnées à l'article L. 452-1

par les mots :

bénéficie d'un plan de rétablissement d'équilibre de la Caisse de garantie du logement locatif social ou d'un plan de consolidation

III. - Alinéa 12 de l'amendement n° II-27

Supprimer cet alinéa.

Mme Nicole Bricq.  - Lors du vote du volet recettes, le groupe socialiste a voté contre l'étage de la fusée proposé par la commission des finances.

Si l'Anru doit être financée, il doit l'être par une dotation de l'État budgétée. Il convient de régler un problème d'équité.

Certains organismes sont visés comme exclus du dispositif de taxation, notamment les organismes en procédure CGLLS. Cependant, le texte vise les mesures de redressement de la Caisse de garantie du logement locatif social. Or, techniquement plus aucun organisme ne relève spécifiquement de cette procédure. La terminologie à adopter serait plutôt « plan de rétablissement d'équilibre » et « plan de consolidation ».

Il faut lever l'ambiguïté car certains d'entre eux sont engagés dans des opérations Anru lourdes et risquent d'être taxés.

Enfin, la disposition permettant à certains organismes d'opter pour une détermination consolidée du potentiel financier par logement ne semble bénéficier qu'à une certaine catégorie d'organisme. Par souci d'équité, nous souhaitons que cette mention disparaisse.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-238 à l'amendement n°II-27 rectifié de M. Dallier, au nom de la commission des finances, présenté par MM. Mézard, Chevènement et Collin.

Alinéa 5 de l'amendement n° II-27, dernière phrase

Après les mots :

immobilisations financières,

insérer les mots :

à l'augmentation des postes de stocks

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Il faut tenir compte de l'implication et des efforts des organismes HLM dans le développement de l'accession sociale à la propriété.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-227 à l'amendement n°II-27 rectifié de M. Dallier, au nom de la commission des finances, présenté par M. Lise et les membres du groupe socialiste.

Après l'alinéa 5 de l'amendement n° II-27 rect.

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les financements affectés à des opérations réalisées en application des articles 199 undecies C et 217 undecies du code général des impôts ne sont pas retenus dans le calcul du potentiel financier tant que les logements ainsi financés ne sont pas la propriété de l'organisme.

Mme Bariza Khiari.  - Les bailleurs sociaux d'outre-mer feraient l'objet d'une taxation au titre d'un sous-investissement alors même que leurs investissements se sont accrus mais selon des règles spécifiques et sur la base d'un mécanisme voulu par le législateur.

Le sous-amendement corrige cette anomalie, en neutralisant ce type d'opération dans le calcul du potentiel financier.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-142 rectifié à l'amendement n° II-27 rectifié de M. Dallier, au nom de la commission des finances, présenté par M. J.L. Dupont et les membres du groupe UC.

Alinéa 7 de l'amendement n° II-27

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

M. Claude Biwer.  - Je l'ai défendu.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-140 rectifié ter à l'amendement n° II-27 rectifié de M. Dallier, au nom de la commission des finances, présenté par M. J.L. Dupont et les membres du groupe UC.

Amendement n° II-27, paragraphe I

Compléter ce paragraphe par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les investissements et financements des opérations financées en application des articles 199 undecies C et 217 undecies du code général des impôts ne sont pas retenus dans le calcul du potentiel financier par logement avant la cinquième année suivant leur mise en service.

« Les fonds propres affectés au confortement sismique d'un organisme sont déduits de la contribution de péréquation. »

M. Claude Biwer.  - Il s'agit ici des opérations locatives sociales en outre-mer.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-139 rectifié ter à l'amendement n° II-27 rectifié de M. Dallier, au nom de la commission des finances, présenté par M. J.L. Dupont et les membres du groupe UC.

Après le III de l'amendement n° II-27

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - 1° Après l'article L. 353-9-2 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un article L. 353-9-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 353-9-3. - Les loyers et redevances pratiqués pour les logements faisant l'objet d'une convention conclue en application de l'article L. 351-2, à l'exception des logements mentionnés à l'article L. 321-8 et L. 411-2, sont révisés chaque année au 1er janvier en fonction de l'indice de référence des loyers prévu au d de l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86- 1290 du 23 décembre 1986. La date de l'indice de référence des loyers prise en compte pour cette révision est celle du troisième trimestre de l'année précédente.

« Le présent article est applicable à compter du 1er janvier 2011 à toutes les conventions, y compris aux conventions en cours. »

2° L'augmentation des loyers et redevances pratiqués résultant de la révision du 1er janvier 2011 des logements mentionnés à l'article L. 353-9-3 du code de la construction et de l'habitation, ne peut excéder la variation sur 6 mois, de janvier à juin inclus, de l'indice de référence des loyers.

M. Claude Biwer.  - Nous proposons d'harmoniser à tous les bailleurs sociaux et pour leurs logements conventionnés le régime d'évolution des loyers pratiqués.

Mme la présidente.  - Je vais lever la séance. (Protestations sur de nombreux bancs, et notamment au banc des commissions) La Conférence des Présidents a décidé d'arrêter nos travaux à 1 heure 30 pour commencer les questions orales à 10 heures 30. La discussion de l'article 99 et des articles additionnels après l'article 99 se poursuivra samedi.

Prochaine séance aujourd'hui, mardi 30 novembre 2010, à 10 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 25.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 30 novembre 2010

Séance publique

À 10 heures 30

1. Questions orales.

À 14 heures 30 et le soir

2. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l'Assemblée nationale (n° 110, 2010-2011).

Examen des missions :

Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 79 à 86)

Compte spécial : avances aux collectivités territoriales

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 25) ;

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (avis n° 116, tome IX).

Enseignement scolaire (+ article 73 quater)

MM. Gérard Longuet et Thierry Foucaud, rapporteurs spéciaux (rapport n° 111, annexe n° 13) ;

M. Jean-Claude Carle, Mmes Françoise Férat et Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteurs pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (avis n° 114, tome V).

Politique des territoires

M. François Marc, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 19) ;

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (avis n° 115, tome V).