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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Conventions fiscales

Discussion générale commune

Discussion des articles uniques

Mécanisme de stabilité (Procédure accélérée)

Mécanisme européen de stabilité (Procédure accélérée)

Discussion générale commune

Décision du Conseil constitutionnel

Mécanisme de stabilité (Procédure accélérée - Suite)

Mécanisme européen de stabilité (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale commune (Suite)

Mécanisme de stabilité (Exception d'irrecevabilité)

Mécanisme de stabilité (Discussion de l'article unique)

Mécanisme européen de stabilité (Exception d'irrecevabilité)

Mécanisme européen de stabilité (Discussion de l'article unique)

Conventions internationales

Communes « Compagnon de la Libération »

Discussion générale

Débat préalable au Conseil européen des 1er et 2 mars 2012

Communes « Compagnon de la Libération » (Suite)

Discussion générale (Suite)

Discussion des articles




SÉANCE

du mardi 28 février 2012

72e séance de la session ordinaire 2011-2012

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

Secrétaires : M. Jean Boyer, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Conventions fiscales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l'île Maurice tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d'Arabie saoudite en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu, sur les successions et sur la fortune et du projet de loi autorisant la ratification de l'avenant à la convention entre la République française et la République d'Autriche en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune.

Ces trois projets de loi font l'objet d'une discussion générale commune.

Discussion générale commune

M. Jean Leonetti, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes.  - Il s'agit de trois avenants à des conventions visant à éviter les doubles impositions, à favoriser l'échange d'information et à mettre fin au secret bancaire.

Pour l'avenant franco-autrichien, nous avons attendu des évolutions du droit interne. La lutte contre les pratiques fiscales dommageables est une priorité de la France : un réseau conventionnel parmi les plus denses, plus de quarante accords bilatéraux, une liste noire propre d'États non-coopératifs, assortie de sanctions.

Sur le plan multilatéral, nous sommes également actifs, en particulier dans le cadre du Forum fiscal mondial. Le président de la République y est revenu lors du G 20 de Cannes.

L'approbation de ces accords sera une étape importante pour évaluer concrètement les progrès effectués par les États et constituera une avancée dans la lutte contre les pratiques fiscales dommageables. (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - La commission des finances a adopté ces trois propositions de loi. Je comprends les interrogations de nos collègues communistes sur les quarante neuf accords fiscaux examinés par le Sénat ces dernières années, qui les ont conduits à demander l'inscription de ce débat à l'ordre du jour.

La commission d'enquête, à l'initiative du groupe CRC, est bienvenue. L'efficacité de la politique conventionnelle française doit être évaluée.

Ces trois accords comportent une obligation de transmission d'information conforme aux standards de l'OCDE. Les États ne pourront plus s'opposer à une demande de renseignements.

Notre commission s'est interrogée sur les enjeux de la ratification. L'avenant autrichien n'aura ainsi qu'une portée mineure : l'objectif est l'échange automatique, et non sur demande.

Pour Panama, on peut s'étonner que la signature de l'accord soit intervenue avant les résultats de l'évaluation du Forum mondial, destinée à mesurer l'adéquation du cadre conventionnel de l'État concerné pour l'échange de renseignements.

Il est vrai qu'il n'en va pas de même pour l'île Maurice, qui ne figure pas, au demeurant, sur la liste des États non-coopératifs. Reste que le Sénat avait refusé de ratifier l'accord panaméen...

La politique de négociation bilatérale menée depuis trois ans est trop opaque, et le Parlement insuffisamment informé.

Nous attendons toujours le jaune budgétaire sur le contrôle des filiales détenues à l'étranger par les entreprises françaises, qui devait accompagner le projet de loi de finances pour 2012. Quand la liste nationale des États non-coopératifs sera-t-elle actualisée ? Elle devrait être mise à jour annuellement, au 1er janvier. L'information du Parlement est soit rare, soit tardive, soit les deux.

Le taux de réponse aux demandes françaises de renseignements est de 30 % : le bilan, sombre, révèle les limites de notre politique conventionnelle. Il faut renforcer les obligations déclaratives des entreprises, ainsi que les sanctions.

Les pratiques fiscales dommageables s'observent chez certains de nos voisins, pas seulement dans des paradis exotiques ! Du fait des accords Rubik, la Suisse conserve le secret bancaire en contrepartie d'un prélèvement sur les avoirs allemands et britanniques dans leurs banques. Un tel accord amputerait notre administration du contrôle de la levée de l'impôt.

La possibilité de prélèvement à la source, qui existe dans la directive Épargne, n'est que transitoire ; il faudra y revenir. La ratification de l'accord Rubik a soulevé, en Allemagne, bien des oppositions.

En outre, la réglementation américaine Foreign account tax compliance act (Fatca), qui sera bientôt en oeuvre, aura un impact sur les conventions bilatérales existantes.

Où en sont les discussions autour du Fatca ? Les Américains accepteront-ils de se soumettre aux règles de réciprocité ? Le Fatca s'oppose directement à la logique de conservation du secret bancaire des accords Rubik...

Si la Suisse présente des mesures visant à améliorer son image, elle refuse toujours l'échange automatique d'informations.

La France doit jouer tout son rôle pour favoriser la transparence. « Les paradis fiscaux, c'est fini », avait annoncé le président de la République. Manifestement, ce n'est plus à l'ordre du jour !

L'efficacité des accords que nous signons est conditionnée par la volonté politique des pays de collaborer réellement. Il reste du pain sur la planche ; il faudra parvenir à fermer, une à une, les fenêtres qui donnent ouverture à la fraude.

En conclusion, la commission des finances vous propose d'approuver ces projets de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. François Marc.  - Très bien !

Mme Leila Aïchi.  - « Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c'est terminé », déclarait Nicolas Sarkozy en 2009. Une de ces déclarations hâtives et sans fondement, auxquelles le président de la République nous a habitués.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous voulez dire le candidat sortant !

M. Charles Revet.  - Il reste le président de la République !

Mme Leila Aïchi.  - Il reste, en effet, 73 États non-coopératifs ! Le G 20 de Londres avait donné lieu à l'établissement par l'OCDE d'une liste noire, d'une liste grise et d'une liste blanche. Pour passer de la grise à la blanche, il suffisait de conclure douze accords bilatéraux de transparence fiscale. Quelle audace avait-il fallu à M. Sarkozy et au G 20 pour mettre en place un accord à ce point contraignant ! C'est ainsi qu'en septembre 2009, le gouvernement monégasque avait pu être blanchi par la signature d'accords de transparence fiscale avec douze États, dont Andorre, les Bahamas... mais aussi la France.

Pour ne pas cautionner ce véritable blanchiment des paradis fiscaux, le Sénat avait ainsi refusé de ratifier l'accord avec Panama.

Nous ne sommes pas ici dans le même cas : la signature de ces avenants n'entraîne la radiation d'aucune liste, et nous suivrons la commission des finances.

Dans l'attente de la révision de la directive Épargne, c'est un pis-aller, sachant que ces dispositions resteront lettre morte sans volonté politique des États concernés.

Il est regrettable de faire reposer notre politique de lutte contre l'évasion fiscale sur une politique conventionnelle peu efficace. La législation américaine, Fatca permettra, dès 2013, aux États-Unis d'avoir des informations sur les comptes de leurs ressortissants à l'étranger. A défaut, les banques seront taxées à 30 % sur l'ensemble de leurs revenus locaux. Voilà un véritable acte de volontarisme contre l'évasion fiscale !

Mais la majorité présidentielle préfère s'attaquer à la prétendue fraude sociale et aux chômeurs qu'à l'évasion fiscale. (Rires à droite ; applaudissements à gauche)

La lutte contre l'évasion fiscale n'en est qu'à ses débuts. Ne nous trompons pas de combat et donnons-nous les moyens d'y parvenir. (Applaudissements à gauche)

M. Éric Bocquet.  - Ces avenants concernent trois pays bien différents : l'Autriche, qui compte trois fois plus de comptes bancaires que de résidents ; l'île Maurice, paradis des vacanciers fortunés et base arrière des hommes d'affaires britanniques ; l'Arabie saoudite, royaume féodal et arriéré qui ignore la démocratie. (Mme Nathalie Goulet s'exclame)

L'adoption de ces conventions soulève des réserves. Les précautions de langage de la rapporteure générale montrent bien que nous sommes loin de l'absolue transparence...

M. Francis Delattre.  - A quand les Soviets ?

M. Éric Bocquet.  - Nous attendons toujours le bilan, prévu par la loi de finances pour 2011, sur les États non-coopératifs. Celui sur la fraude fiscale, qui nous est parvenu hier, est inquiétant et révèle les limites de la politique conventionnelle. Mme Pécresse envisage d'ailleurs -curieusement- de durcir les sanctions -alors que la politique conventionnelle vise à radier les pays de la liste noire, avant tout contrôle...

La défaillance dans l'échange de renseignements n'est pas seulement le fait de pays lointains : la Belgique, le Luxembourg sont fautifs. Nous donnons quitus à nos entreprises qui se livrent à ces pratiques.

L'accord bénéficiera plus au fils cadet d'un prince de famille régnante qu'au salarié philippin qui travaille dans l'un de ses palais... (Mme Nathalie Goulet s'exclame) C'est surtout un label de virginité offert aux entreprises qui font des profits sur place ! Nous ne voterons pas ces trois conventions, dont l'objectif est connu : faire entrer au chausse-pieds les pays concernés dans la liste « blanche » de la finance globale et transparente.

Nous ne pensons pas que notre législation fiscale gagne beaucoup à se contenter d'assurer de petits arrangements entre amis, sur le dos de l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Yvon Collin.  - La crise financière a changé le regard sur les paradis fiscaux. La concurrence fiscale dommageable fait désormais l'objet d'une prise de conscience. L'OCDE a établi les fameuses listes noires et grises d'États qui ne respectent pas leurs engagements. Conséquence : on est passé de 60 à 700 accords depuis 2008 ! Mais la transparence financière n'est toujours pas acquise. L'engagement de coopération de certains États n'est pas toujours suivi d'effet... L'indisponibilité de l'information est problématique, certains États n'ayant pas les moyens administratifs et normatifs de tenir leurs engagements.

C'est bien la raison pour laquelle nous avions rejeté l'accord panaméen, qui avait pour conséquence d'entraîner sa radiation de la liste française des États non-coopératifs.

L'effectivité des accords n'est pas garantie, a reconnu Mme Pécresse. Dans le collectif pour 2012, le Gouvernement renforçait les sanctions. Intention louable mais il faut des moyens ; or les effectifs de l'administration fiscale fondent... Nous ne disposons d'aucun élément pour évaluer l'efficacité de cette politique.

Selon la Cour des comptes, l'articulation entre lutte contre la fraude fiscale et lutte contre le blanchiment doit être renforcée.

Ces trois avenants vont dans le sens souhaité par l'OCDE : il convenait de revoir ces conventions pour renforcer la transparence. L'Autriche a fait évoluer sa législation pour limiter le secret bancaire. C'est un progrès.

Mon groupe votera ces trois avenants mais je m'associe également à notre rapporteure pour insister sur la nécessité d'une évaluation claire et transparente de la politique conventionnelle française et de l'efficacité de la coopération fiscale qui doit constituer une priorité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale commune est close.

Discussion des articles uniques

L'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l'île Maurice est adopté.

L'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d'Arabie saoudite est adopté.

L'article unique du projet de loi autorisant la ratification de l'avenant à la convention entre la République française et la République d'Autriche est adopté.

Mécanisme de stabilité (Procédure accélérée)

Mécanisme européen de stabilité (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi autorisant la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l'euro (procédure accélérée) et du projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité (procédure accélérée).

Discussion générale commune

M. Jean Leonetti, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes.  - Les textes qui vous sont soumis ont un objet simple : sauver la Grèce aujourd'hui, l'Europe demain.

Mme Nathalie Goulet.  - Timeo Danaos...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - ...et dona ferentes !

M. Jean Leonetti, ministre.  - Il nous faut rétablir la confiance dans les États, la confiance en nous-mêmes ; pour la rétablir, deux principes intangibles sont nécessaires : discipline et solidarité.

C'est le choix du courage et de la responsabilité. La discipline, c'est la garantie que tous les États européens feront les efforts nécessaires pour résoudre la crise. La solidarité, c'est l'assurance que personne ne sera abandonné. Nous, États européens, partageons le même destin, nous appartenons à la même famille, nous défendons les mêmes valeurs. Cette union est charnelle : nous ne pouvons pas la laisser se défaire.

Avec la discipline et la solidarité, nous avons trouvé le juste équilibre, je dirais même plus, un équilibre juste.

Le Mécanisme européen de stabilité (MES), qui constitue le volet « solidarité » de cet accord global, est le « pare-feu » de la zone euro face aux attaques des marchés financiers. Plus encore que l'aide qu'il apporte, c'est le message de confiance qu'il porte qui est essentiel. « Ce n'est pas tant l'aide de nos amis qui nous aide que la confiance en cette aide » disait Épicure. (Exclamations sarcastiques à gauche)

Le premier projet de loi vise à la ratification de la décision du 25 mars 2011 par laquelle le Conseil européen est convenu de modifier l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Cette modification contribue à une meilleure sécurité juridique.

Le second projet permet la ratification du MES, le fonds de solidarité européen. Il présente des garanties supérieures à son prédécesseur, le Fonds européen de stabilité financière (FESF).

L'engagement de la France s'élève à 6,5 milliards cette année.

Les mécanismes de stabilité sont puissants et diversifiés ; plus simples aussi, puisque la majorité qualifiée de 85 % suffira ; plus rapide enfin, puisqu'il entrera en vigueur dès juillet 2012.

Je voudrais maintenant répondre sereinement à certaines critiques.

La croissance ignorée ? Non : elle sera examinée par un prochain Conseil de l'Europe. S'il y a discipline et solidarité, c'est bien pour créer de la croissance et de l'emploi. (Exclamations à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Parlez-en aux Grecs !

M. Jean Leonetti, ministre.  - Une discipline insupportable ? Non : des mécanismes correcteurs sont indispensables, et il ne peut y avoir de solidarité sans discipline. Nous avons déjà donné ! La Grèce a reçu 50 milliards en dix ans, sans aucune contrepartie. (Mme Éliane Assassi s'exclame)

Un mécanisme technocratique ? Non : les personnes qui gèreront le système ont la légitimité démocratique pour le faire.

La Grèce abandonnée ? Non : à Bruxelles, le Premier ministre grec s'est félicité de l'action de notre pays !

Un pare-feu insuffisant ? Non : le MES défend les pays endettés, il se bat contre la finance. Il ne suffit pas de dire que la finance est l'ennemi, mais de dire si, oui ou non, nous pouvons aider la Grèce et faire progresser le fédéralisme européen. (Exclamations à gauche)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ben voyons !

M. Jean Leonetti, ministre.  - Il y a quelques heures, le Bundestag a voté ce MES -avec l'aide des socialistes, car les socialistes allemands savent que ce système vise à défendre les peuples contre la finance ! (Exclamations à gauche)

M. Robert del Picchia.  - Voilà !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est ça, la responsabilité !

Mme Éliane Assassi.  - Pourquoi ne faites-vous pas de référendum ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Vous êtes le seul parti socialiste en Europe à refuser de voter !

M. Jean-Louis Carrère.  - On sera les seuls à gagner !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Perrette et le pot au lait... Attention avant de vous répartir les places !

M. Jean Leonetti, ministre.  - Je sais qu'il y a, sur tous les bancs, des hommes et des femmes qui pensent que défendre la Grèce est une obligation morale et politique, qu'il faut avancer dans le fédéralisme et que le MES est la démarche logique.

Mme Éliane Assassi.  - Pas sur tous les bancs !

M. Jean Leonetti, ministre.  - J'espère que personne ne se réfugiera dans une abstention coupable. (Rires à gauche)

Demain, on demandera : qui a sauvé la Grèce ? J'espère que vous pourrez dire : nous en sommes. (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Éléments de langage !

M. David Assouline.  - Langue de bois !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Il ne s'agit pas de la Grèce, mais du MES. A chaque fois qu'il a fallu aider la Grèce, le parti socialiste a voté pour. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La chancelière allemande, elle, négocie en ayant un mandat de son Parlement et lui rend compte de ses négociations. En France, le Parlement n'est ni consulté avant, ni informé après. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Le parti socialiste serait désinformé et ignorant ? J'espère que vous reconnaîtrez votre erreur à la fin du débat !

Je suis favorable au MES.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est dans le programme de Hollande !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale.  - Je suis favorable à une Europe dotée d'un mécanisme permettant de soutenir les États ; il est normal que ce soutien soit apporté en échange d'une discipline budgétaire. D'ailleurs, depuis la crise, toutes les aides sont assorties d'une conditionnalité.

En dehors de la Grèce, le Portugal et l'Irlande ont été victimes d'un mécanisme auto-réalisateur d'augmentation des taux, rendant leur refinancement insupportable.

La FESF, avec tous ses défauts et les atermoiements des chefs d'État, n'a pas endigué les réactions exagérées des marchés.

Le MES a vocation à clarifier les choses : les investisseurs sauront qu'existe un fonds permettant d'honorer la dette des États membres. C'est pourquoi j'y suis favorable. Quand à la conditionnalité, c'est un enjeu. La logique de l'Union monétaire a permis aux États de bénéficier de faibles taux. Mais elle était bancale, en l'absence de gouvernement économique. La mutualisation des dettes publiques, sous forme d'euros-bonds, voilà la logique. Encore faut-il avoir l'assurance que les États donnent des gages de sérieux. L'engagement de M. Hollande de respecter, en 2013, les 3 % de PIB prend ici tout son sens, de même que l'objectif de retour à l'équilibre en 2017.

L'instrument, ici, est-il adapté ? Telle est la question. Doter le fonds de capital est un choix judicieux, même si celui-ci pèse sur les déficits budgétaires. Reste la question du mécanisme lui-même. Il pâtit de deux défauts. Sa taille, d'abord : 523 milliards d'euros, c'est trop peu pour prévenir la contagion si un pays comme l'Espagne ou l'Italie devait faire défaut. Il serait souhaitable que l'Allemagne accepte d'ajouter la force de frappe du FESF à celle du MES, voire du FMI. Il s'agit d'atteindre un niveau écartant vraiment le risque d'augmentation auto-réalisatrice des taux. Autre problème : l'absence d'adossement du MES à la BCE, qu'avait proposé notre commission des finances sur la suggestion de M. Marini.

Le plan de soutien à la Grèce conduit à s'interroger sur la logique économique qui le fonde. Quid de son effet récessif, sachant que le poids de la dette grecque sera encore, en 2020, de 120 % ? Il faudra un troisième plan. C'est le raisonnement que j'ai entendu nos collègues SPD tenir au Bundestag.

Quant au choix de la conditionnalité à la signature du MES, j'y vois une provocation. On nous dit que ce point n'est pas négociable. Mais si la stabilité de la zone était menacée par la situation d'un pays comme l'Italie ou l'Espagne -laquelle vient d'annoncer qu'elle ne pourrait respecter sa trajectoire budgétaire compte tenu de la récession attendue en 2012-, qui peut croire que l'Allemagne s'opposerait à l'intervention du MES au motif que le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) n'aurait pas été ratifié ? Je demande à voir !

Et les règles du TSCG sont déjà en vigueur depuis le 16 novembre, malgré, du reste, l'opposition des socialistes européens. Le TSCG en rajoute avec l'obligation de l'inscrire dans les constitutions. Ce sont des considérations purement politiciennes que le président candidat veut faire figurer dans son programme de campagne. Ce qui est recherché, ce n'est pas la discipline budgétaire, déjà à l'oeuvre, mais l'adhésion à une politique économique. Si le peuple français fait confiance à François Hollande, celui-ci sera en position de force pour assortir le traité d'un volet relatif à l'emploi et la croissance. (On ironise, à droite)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - A lui tout seul ? Quelle puissance !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale.  - Que vaudrait un traité européen qui ne serait pas ratifié par la France ? Rien. Mme Merkel le sait. Et la France pourrait être suivie par d'autres États.

M. Francis Delattre.  - Incantation !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale.  - Je répète que c'est l'Allemagne, alors, qui sera demandeur.

M. Francis Delattre.  - La chancelière à genoux !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale.  - La conditionnalité entre MES et TSCG nuit à la crédibilité du MES. Dès que l'on touche à la Constitution, on a des débats passionnés dans bien des États, ce qui fragilise le MES, on écarte un peu moins le risque d'auto-réalisation. C'est en raison de ce risque de mise en péril du MES que j'ai proposé à la commission des finances de recommander au Sénat de s'abstenir. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est tiré par les cheveux.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères.  - Depuis quelques années, la crise de la dette souveraine s'accélère vertigineusement et les sommets « de la dernière chance » se succèdent. L'utilisation de la procédure accélérée, pour la dix-neuvième fois depuis octobre -dire que la révision constitutionnelle de 2008 devait renforcer le Parlement !-, n'est qu'un des éléments d'une politique d'évitement systématique du Parlement sur les questions touchant à la zone euro.

La situation institutionnelle n'est guère claire. Il ne revient pas aux parlements de négocier les traités mais, en France, le Parlement n'a été ni informé, ni même consulté. Pourtant, ce traité est loin d'être technique. Éminemment politique, il engage l'avenir et devrait découler d'un grand choix de société, publiquement débattu, démocratiquement assumé.

Le MES se présente comme une sorte de fonds monétaire européen qui se substitue au FESF, séquence en trois temps dont le dernier acte soulève bien des questions.

Le premier fut la révision simplifiée, à quoi le Parlement n'a été en rien associé. Le deuxième acte est ce MES, doté d'une capacité initiale de 500 milliards, à quoi la France participera pour 16,3 milliards, deuxième contributeur après l'Allemagne. Le bon remède à la crise, dites-vous ? Mais quid de la capacité de résistance du MES si un grand pays venait à faire défaut ? La vraie raison de la détente récemment constatée sur les marchés ne tient-elle pas à l'aide apportée aux banques ?

Viendra enfin l'acte 3, avec le TSCG, validé en marge du Conseil européen du 30 janvier et qui est présenté comme la réponse politique et juridique à la crise. Un traité pourtant négocié en quelques semaines, selon une méthode purement intergouvernementale, et qui consacre une doctrine monétariste si stricte qu'elle va inévitablement étouffer la croissance. Cela pose bien des problèmes de contrôle démocratique. Le Parlement européen n'est pas compétent sur les politiques budgétaires nationales. Certes, une conférence des commissions compétentes des parlements nationaux est bien prévue, mais quels seront ses pouvoirs ? Comment justifier auprès de nos concitoyens des sacrifices ni débattus ni consentis ? La solution à la crise de l'Europe ne se trouve pas dans l'austérité mais dans l'appui à la croissance et à l'emploi.

Nous avons besoin de plus d'Europe, pour peser sur les évolutions du monde. Craignons que l'Europe ne se diffracte. Quelles articulations entre l'Europe des Dix-sept, celle des Vingt-sept, celle des Vingt-cinq ? Le fait majeur de ce début de siècle est la fin du monopole occidental de la richesse. Le centre de gravité se déplacera vers l'Asie. Quelle politique européenne pour que le rééquilibrage ne signe pas un déclin ? A l'heure de la mondialisation, que sera demain la France sans une Europe forte ? Pour l'euro, nous avons frôlé le naufrage. La crise actuelle doit nous être l'occasion d'aller plus loin qu'un début de réponse, sans aller à l'encontre de ce qui fonda le projet européen. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Je suis moi aussi favorable à un MES, filet de sécurité de l'Union européenne.

M. Jean Leonetti, ministre.  - Bonne nouvelle !

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Ce nouvel instrument apparaît après bien des tâtonnements. Le FESF est passé du format de l'ambulance à celui de l'hôpital de campagne.

Mais la crise est loin d'être terminée. Grèce Portugal, Espagne : les remèdes n'ont pas guéri les malades. Jusqu'où aller sans que le remède soit pire que le mal ? La quadrature du cercle est connue : l'austérité paralyse la croissance et empêche ainsi le retour dans un cercle vertueux. Le FESF, le MES demain sont là pour limiter les dégâts mais la modestie de leurs moyens n'en fait pas une solution. Ont-ils même la crédibilité suffisante si un grand pays comme l'Espagne était en péril ? Sa dette atteint 800 milliards d'euros : comment le mécanisme de stabilité peut-il être un pare-feu avec seulement 500 milliards ? Cette faiblesse des moyens contraste avec la liste sans cesse croissante des fonctions dévolues au Fonds de stabilisation et au Mécanisme de stabilité : assistance financière à titre de précaution, assistance pour la recapitalisation des banques, soutien sur le marché primaire, soutien sur le marché secondaire et, enfin, prêts classiques.

Prenons le cas de la Grèce. Ce nouvel accord ne fera qu'empêcher la faillite pure et simple, assistée d'une austérité implacable. Rien pour la croissance et l'emploi. Cela doit nous conduire à réfléchir à une évolution du rôle de la BCE.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Absolument.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Accordons donc au MES le statut d'établissement de crédit, pour démultiplier sa capacité d'action. La BCE jouerait alors pleinement son rôle de prêteur en dernier ressort, comme le fait la FED.

Les mécanismes retenus, enfin, manquent de crédibilité. La garantie ne porte que sur 30 % des pertes éventuelles. Le Premier ministre chinois a déclaré envisager de participer au MES mais sans donner plus de précisions. Et quelles contreparties seraient demandées par les prêteurs ? La crédibilité de la zone euro sur les marchés dépend avant tout de sa capacité à aider les pays à renouer avec la croissance. On en voit mal les effets en Grèce... Une coordination dynamique, enfin, de nos politiques économiques et fiscales est indispensable.

Le Mécanisme européen de stabilité ne peut avoir de sens que dans un ensemble plus vaste, celui d'une coordination dynamique de nos politiques économiques, fiscales et budgétaires. Sans quoi, les marchés auront toujours un temps d'avance sur nous et le Mécanisme de stabilité s'apparentera à une ligne Maginot.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères.  - Le fédéralisme...

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Conditionner le MES à la signature du TGCS, enfin, condamnera aux politiques d'austérité. La convergence budgétaire ne sera acceptée par les peuples que si existe un vrai contrôle démocratique sur Bruxelles. Nos parlements ne peuvent rester simples chambres d'enregistrement. Bref, il n'y a pas de quoi déborder d'optimisme. Ce mécanisme, c'est peut-être mieux que rien.

Mme Éliane Assassi.  - Ben voyons !

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Quel contraste entre l'inertie européenne et ce que propose le président Obama : 350 milliards de dollars pour stimuler l'emploi et 476 milliards pour moderniser les infrastructures.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Comment financez-vous tout cela ? Par l'emprunt, j'imagine.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Ecoutez le président Obama : « Nous pouvons rétablir une économie où tout le monde a une chance, où tout le monde fait son dû et tout le monde joue suivant les mêmes règles, Washington, Wall Street et la classe moyenne ».

Il n'y aura pas de sortie de crise sans une Europe plus ambitieuse. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - L'Europe institutionnelle doit faire son mea culpa. Si les difficultés sont grandes, c'est que la gouvernance de la zone n'a jamais atteint son point d'équilibre. C'est notre responsabilité à tous. Parmi les erreurs, il en est une dont on parle peu, sur laquelle Patrick Artus a attiré notre attention : on n'a pas distingué entre crise de liquidités et crise de solvabilité. La Corée, le Brésil, la Russie, dans les années 90, ont connu de lourdes crises de liquidités. D'où la nécessité de mobiliser des prêts.

En revanche, quand un pays est insolvable, à quoi bon lui prêter de l'argent ? Il ne pourra rembourser.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Il faut le mettre à genoux ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Il faut d'abord reconnaître les faits pour en rechercher les causes, annuler une partie de sa dette, tout en vérifiant que les mesures sont prises pour revenir à la vertu. Seule la Grèce est insolvable. Le Portugal est solvable mais il est victime d'une crise auto-réalisatrice : la crise est de liquidités. Dès le départ, il eût été bon d'admettre cette distinction, ce qui eût réduit les risques et les coûts pour la zone euro.

Les ministres des finances sont responsables, mais aussi M. Trichet, par son intransigeante rigidité. Pour la Grèce, il eût fallu, dès 2010, accepter de reconnaître son insolvabilité, de réduire sa dette. Le détail du plan adopté il y a peu reste flou : nous devons rester attentifs.

La Grèce, un des États fondateurs, est dans la rupture. Il n'est d'autre solution qu'une réduction drastique de sa dette. L'accord du 21 février s'y achemine. Sera-ce le dernier épisode ? S'y ajoute un grave problème de rupture du lien démocratique, du peuple grec avec ses élites politiques, de la Grèce avec l'Europe. Il n'y a pas d'autre scénario de sortie de la crise grecque que celui d'une réduction drastique de sa dette publique, en étant sans ambiguïté sur le fait que la Grèce ne saurait constituer un précédent. Combattons l'idée fausse du château de cartes et de la contagion !

Toute autre est la situation du Portugal, de l'Espagne et de l'Irlande. Celle-ci est totalement responsable, par la gestion aventureuse de ses banques. L'unique vrai point noir du Portugal est le commerce extérieur -il n'est pas seul dans son cas. L'impossibilité de dévaluer a enfermé dans l'impasse des pays comme l'Espagne et le Portugal, dont les finances étaient saines.

Quel mécanisme nous est proposé ? La BCE, grâce à son programme de refinancement bancaire à trois ans, a, en toute indépendance, su ramener le calme sur les marchés, évitant l'implosion par manque de liquidités en 2012.

M. David Assouline.  - Cadeau aux banques.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Voilà le premier pilier, quoi qu'on en dise. Les États sont le second pilier : il ne faut pas éluder nos responsabilités ; les déficits doivent être réduits, c'est une question de bon sens et d'indépendance nationale. Il n'est pas mauvais d'être un peu poussé à le faire, mais il faut avant tout le faire par soi-même.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale.  - Dites-le à Nicolas Sarkozy : 100 milliards par an de dette supplémentaire depuis 2007 !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - J'étais à Bruxelles cette semaine. Que d'illusions sur les euro-bonds ! Quelle garantie ? Qui les paierait ? Les États, donc les citoyens ! Quand on souffre de trop d'emprunt, c'est la fuite en avant !

M. François Marc.  - Nicolas Sarkozy 500 milliards nous laisse de dette !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale.  - L'Europe n'est pas endettée !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - On prévoit ici un pare-feu, avec le MES, qui peut bénéficier d'un AAA, même si les États participants ne sont notés que AA. (Mme Michelle Demessine s'exclame) Sa capacité est de 500 milliards. L'Europe s'est toujours faite à petits pas. L'espoir du Grand soir relève d'une vision idyllique ! Ce mécanisme est un progrès, même si l'on a des réserves, et j'en ai.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale.  - On l'a compris.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Notre excellente rapporteure générale a développé tous les arguments favorables à ce texte. Elle a rappelé que la disposition sur la constitutionnalisation n'est pas dans le corps du traité, mais dans le préambule. (Mme Éliane Assassi s'exclame) Ce n'est pas une disposition contraignante.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale.  - Pourquoi l'y avoir mis, alors ? C'est une provocation !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Comme tout préambule, il sera interprété.

Mme Michelle Demessine.  - Toujours dans le même sens !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Ce n'est pas une disposition contraignante. Je m'étonne donc que Mme Bricq conclue en préconisant l'abstention. (Exclamations à droite)

De quoi avons-nous besoin, sinon d'un mécanisme rassurant les investisseurs ? Gardons-nous d'aller vers un fédéralisme budgétaire qui retomberait sur le nez des citoyens. Les 16 milliards de la France et la garantie hors bilan qu'elle apporte signifient bien que la surveillance ne doit pas être assurée par les seules instances supranationales mais bien que les parlements nationaux ont leur rôle à jouer.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale.  - On croit rêver ! Allez-vous voter contre ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Il conviendra de revaloriser notre rôle. On ne peut pas se contenter de regarder passer les balles. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Caffet.  - Voilà un beau plaidoyer pour l'abstention !

M. Jean-Vincent Placé.  - Alors que le peuple grec souffre, il est bon de rappeler que c'est lui qui a inventé l'Europe, mot qui a d'abord désigné le territoire de la Grèce continentale, berceau de la démocratie.

Les difficultés financières d'aujourd'hui ne doivent pas nous abuser : nous vivons le déclin d'un modèle de développement qui a fait fi de la finitude de la planète. La croissance apparaît désormais intrinsèquement limitée par la rareté du pétrole. Les libéraux ont toujours justifié les inégalités par l'abondance croissante : chacun aurait une part d'un gâteau qui s'agrandissait. On vit les limites d'une logique absurde, qui a conduit à une raréfaction générale des ressources.

C'est un leurre que de croire que l'on peut se passer de s'attaquer aux racines écologiques de la crise. Rien ne sera possible sans un vrai budget européen, doté de ressources propres comme la taxe Tobin, pour aller, via des investissements d'avenir, vers une transition écologique.

Au plan social, nous ne pouvons plus pousser toujours les jeux de la compétition intra-européenne, qui creuse les écarts de richesse. L'Allemagne, à cet égard, joue un rôle dévastateur. Et c'est sur ce moins-disant que veut nous aligner le président de la République ! A quand, enfin, une vraie réserve de liquidités européenne ? La BCE a, récemment, joué enfin le rôle qui devrait être le sien. Il est incompréhensible que le MES ne puisse bénéficier de la même latitude. Sans une vraie gouvernance, pas d'avenir.

La Commission européenne dit que la Grèce devrait construire enfin une administration fiscale digne de ce nom. Mais elle devrait aussi contraindre l'Allemagne à cesser d'assécher les échanges commerciaux intra-européens en jouant d'une compétitivité assise sur de fortes inégalités intérieures.

Le couple franco-allemand, avec son droit de veto, pousse à la juxtaposition intergouvernementale d'égoïsmes nationaux.

Plaidant pour davantage d'intégration européenne, les écologistes voteront majoritairement contre le MES.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Au Parlement européen, ils votent pour !

M. Jean-Vincent Placé.  - Ils voteront contre l'austérité ultralibérale et le repli national ! (Exclamations à droite)

M. Alain Gournac.  - Courage, fuyons !

M. Éric Bocquet.  - Depuis 1986, l'Europe interdit les restrictions à la libre circulation des capitaux ; le traité de 2005 prônait la « concurrence libre et non faussée » ; le traité de Lisbonne, a dit M. Giscard d'Estaing, en est le frère jumeau : comment, dès lors, s'étonner des excès de la finance ? Ce sont les textes européens qu'il faut intégralement réécrire !

Le MES ne fait que pérenniser le FESF, créé dans l'urgence en 2010. Le « S », dans un cas comme dans l'autre, ne signifie pas solidarité mais stabilité. Ce n'est pas la même chose... L'article 12 du traité prévoit qu'il s'aligne sur le TSCG -qui n'est pas le traité pour la solidarité, la croissance et la générosité (rires sur les bancs CRC) mais bien l'instrument de l'austérité imposée aux peuples. Un remède digne des Diafoirus de Molière grâce auxquels le malade meurt guéri.

Sur 11 millions de Grecs, on compte 3 millions de pauvres. Sans compter l'humiliation de ces purges imposées. En Irlande, le chômage atteint 14 %. L'Italie, confiée à un gouvernement de techniciens, voit son activité stagner. En Espagne, la récente réforme du marché du travail a jeté la population dans la rue. Aucun pays n'a réussi à sortir de ses difficultés en appliquant ces politiques. Les saignées ont, au contraire, aggravé les problèmes. La zone euro a été constituée de pays différents, voire antinomiques.

L « Euroland » était de l'intérêt de l'Allemagne fédérale, qui voulait élargir son aire d'influence vers l'Est et disposer ainsi d'une main-d'oeuvre qualifiée à bon marché. On domptait également ainsi la concurrence française -notre commerce extérieur n'a d'ailleurs fait que se dégrader depuis.

Aucun pays signataire n'entend consulter sa population. De quoi a-t-on peur ? Que les citoyens aient la mauvaise idée de voter contre le MES et l'austérité qu'il implique ?

Mme Éliane Assassi.  - Bien sûr !

M. Éric Bocquet.  - Adopter le MES en l'état n'est pas acceptable. Nous en appelons solennellement à la majorité sénatoriale. (« Ah ! » à droite) Ne pas rejeter ces textes aujourd'hui hypothèque l'avenir.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Ça promet !

M. Éric Bocquet.  - Le groupe CRC prend ses responsabilités et votera contre. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Michel Baylet.  - Les radicaux de gauche et la majorité du groupe du RDSE s'abstiendront sur ces textes, non seulement pour marquer leur opposition à la politique de Nicolas Sarkozy...

M. Jean Leonetti, ministre.  - Les aveux vont venir...

M. Jean-Michel Baylet.  - ...mais aussi parce que ces projets de loi sont insuffisants. Européens convaincus, ardents défendeurs du fédéralisme, nous aurions pu approuver cette première étape de l'Europe fédérale, seule capable de peser face aux dérives de la mondialisation.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Jusque là, d'accord !

M. Jean-Michel Baylet.  - Mais ce traité vise avant tout à préserver les intérêts bancaires bien plutôt que l'intérêt européen. Le TSCG imposera la règle d'or aux États.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Normal ! C'est la responsabilité et la solidarité.

M. Jean-Michel Baylet.  - Votre solidarité rime avec rigueur punitive. Le TSCG imposera une austérité qui rendra impossible la croissance et poussera la Grèce dans la spirale infernale de la récession.

Les radicaux de gauche se félicitent donc de l'engagement pris par François Hollande de renégocier ce traité. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; exclamations à droite)

Nous souhaitons doter l'Europe de moyens économiques renforcés : augmentation du budget communautaire, euro-bonds, investissements dans l'énergie ou l'aérospatial.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères.  - Très bien !

M. Jean-Michel Baylet.  - Cette rigueur imposée ne peut que nourrir la méfiance, voire le rejet de l'Europe. Le MES n'aura pas le force financière suffisante pour remplir ses objectifs, faute d'adossement à la BCE. Le projet de loi de ratification du traité ne fait qu'une partie du chemin vers la gouvernance partagée. Nous nous abstiendrons donc. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; exclamations à droite)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Courageux, pour un européen convaincu !

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères.  - On est bien nerveux, sur les bancs de l'UMP...

M. Richard Yung.  - Depuis quelques semaines, on constate une accalmie sur les marchés obligataires, grâce à une politique originale de la BCE, longtemps attendue. Mais la crise des dettes souveraines n'est pas terminée pour autant. La réforme de la gouvernance économique européenne est marquée par le déséquilibre entre la solidarité et la discipline. C'est la pensée unique. Rien ne sert de sauter comme un cabri en criant « austérité, austérité ! »... Le message envoyé hier par l'Allemagne est loin de rassurer.

Oui, un mécanisme de stabilité est indispensable. En 1989, Jacques Delors avait d'ailleurs proposé un dispositif de ce type. La confiance des marchés devrait en être renforcée. Grâce à ses fonds propres, le MES sera moins sensible à la notation que le FESF et empruntera à des taux d'intérêt plus intéressants. Le mécanisme de décision en urgence devrait faciliter la prise de décision. Enfin, la participation des créanciers privés pourrait rapprocher son fonctionnement de celui du FMI.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Cela fait beaucoup d'avantages !

M. Richard Yung.  - Il s'agit toutefois a priori, dans ce dernier cas, d'une intervention exceptionnelle, pour la Grèce.

Mais le MES est sous-dimensionné : avec 500 milliards, il ne peut couvrir que 6 % de la dette globale. L'erreur est de n'avoir pas combiné le MES et le FESF.

M. Jean Bizet.  - Ça viendra !

M. Richard Yung.  - Il aurait alors disposé d'une capacité totale de prêt de 940 milliards. Les chefs d'État devaient en discuter lors du prochain Conseil, mais la réunion est reportée... sous la pression allemande. Le MES devra dès lors se tourner vers le FMI, d'où le relèvement de la participation de la France à cet organisme. Curieux paradoxe ! La création d'un vrai fonds de solidarité européen passe par l'adossement à la BCE. Pourquoi la France a-t-elle abandonné cette proposition ?

Le MES est insuffisant pour remettre l'économie européenne sur la voie de la croissance et stabiliser durablement la zone euro. D'autres mécanismes sont nécessaires, à commencer par une mutualisation partielle des dettes souveraines. Cela suppose de distinguer la dette en deçà de 60 % et au-delà.

A défaut d'attribuer la licence bancaire au MES, il faudrait faire de la BCE un prêteur en dernier ressort, comme l'a proposé Michel Rocard.

L'essentiel, c'est de relancer la croissance, créer des emplois, relancer les investissements, les exportations. Regardez le reste du monde : Chine, plus 8 % de croissance, pays émergents : plus 7 %, États-Unis : plus 2 %, Amérique latine : plus 3,5 %, Europe ? Moins 0,3 %. Pourquoi notre vieux continent est-il seul en récession ? C'est à cause de ses politiques ! Il faut agir, être plus ambitieux, relancer l'investissement, en permettant à l'Union européenne d'emprunter. C'est une thèse que les sénateurs de gauche ne sont pas seuls à défendre. Voyez les positions de M. Bernard-Reymond. Il faut aussi renforcer le budget communautaire, lui affecter des taxes comme l'écotaxe, un temps évoquée et vite jetée aux orties.

Or, le TSCG ne comporte aucune disposition en ce sens. Et le déclassement du MES est conditionné à sa ratification ! Difficile, dès lors, de l'accepter, d'autant que le TSCGT fait de la règle d'or -inefficace et inutile- la condition d'accès au MES.

Ce que nous proposons ? De renégocier le traité et de le compléter par un volet croissance. C'est raisonnable et tout à fait jouable : si la France ne ratifiait pas le traité, il tomberait ! Nombre de pays seront intéressés par les propositions que fera François Hollande quand il sera aux affaires. (Exclamations à droite)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ne vendez pas la peau de l'ours !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale.  - Nous n'avons rien à « vendre », en ce qui nous concerne.

M. Richard Yung.  - Le groupe socialiste s'abstiendra sur ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ces traités répondent à l'urgence de la crise et à la nécessité de garantir la stabilité de la zone euro. Le MES est une réponse européenne à la crise. La stabilité de la zone euro est la seule manière de lutter contre les attaques spéculatives contre notre monnaie. Le traité fournit aux États en difficulté des instruments pour se financer, en se libérant de l'emprise des marchés. Avec le MES, nous rappelons notre attachement à l'euro. Nous nous étions arrêtés au milieu du gué et avons dû bricoler...

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - La faute à qui ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Le MES est un embryon de fonds monétaire européen. La faillite d'un État entraînerait la faillite de nos banques !

La solidarité ne peut toutefois être un chèque en blanc : elle doit s'assortir de discipline. Ce n'est pas l'austérité mais l'obligation de ne plus laisser déraper les déficits publics.

Absence de transparence ? Au contraire : le conseil des gouverneurs sera seul à décider. Abandon de la souveraineté nationale ? Au contraire : les ministres des finances décideront.

Une des conditions d'accès au MES sera d'avoir ratifié le TSCG et adopté une « règle d'or » -condition qui conduit certains à prôner l'abstention. La renégociation est un voeu pieu. Ces traités ont été arrachés de haute lutte...

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Par Mme Merkel !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - ...par le président de la République. Mais la gauche ne veut pas voter avec la majorité : quelle image déplorable !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale.  - Occupez-vous donc de la droite !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Le MES sera pérenne, sa capacité d'intervention sera bien supérieure à celle du FESF. C'est une réponse aussi aux agences de notation. Mais les socialistes français privilégient l'intérêt électoral à l'intérêt européen et donnent des gages au Parti de gauche !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Et voilà !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Êtes-vous motivés uniquement par l'anti-sarkozysme primaire ? (Exclamations à gauche) Vous risquez de rendre l'Europe impopulaire et d'ouvrir la voie au populisme. Ce n'est pas digne d'un parti de gouvernement.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Vous dérapez !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Voter contre ou s'abstenir, c'est rejeter une étape majeure de l'intégration européenne. C'est une faute politique ! Même M. Cohn-Bendit voit dans le MES une grande avancée. M. Hollande lui-même propose -page 69 de son projet- un mécanisme identique. Pourquoi ne le votez-vous pas ? Au Parlement européen, les Verts et les socialistes se sont battus pour ! Cette solidarité est la première étape vers les euro-bonds que vous réclamez ! Décidément, je ne comprends pas !

Le MES est une avancée. Le soutenir, c'est soutenir la solidarité, l'ambition d'une Europe forte. Tous les partis socialistes d'Europe votent le MES !

M. Alain Gournac.  - Voilà !

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères.  - Quelle sollicitude soudaine pour les socialistes !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Au-delà des clivages et des échéances électorales, il est de notre devoir d'afficher une volonté commune. L'abstention, c'est l'absence de courage, de responsabilité.

M. Francis Delattre.  - Très bien !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est une position équivoque, qui ne trompe personne ! (Exclamations à gauche) Nous, nous disons la vérité aux Français.

Nous voterons ces deux textes, car nous voulons une France forte, dans une Europe forte ! (Applaudissements à droite)

Décision du Conseil constitutionnel

M. le président.  - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat, par courrier en date de ce jour, le texte de la décision du Conseil constitutionnel déclarant contraire à la Constitution la loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi. (Applaudissements sur certains bancs socialistes)

Mécanisme de stabilité (Procédure accélérée - Suite)

Mécanisme européen de stabilité (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale commune (Suite)

M. Jean-Yves Leconte.  - Après trois ans de crise, il était temps de pérenniser un mécanisme de soutien dissuadant la spéculation. Mais le MES est imparfait... Il impose une conditionnalité discutable. Pas de solidarité sans responsabilité, soit. Mais ici, l'aide est conditionnée à la ratification du TSCG, dont on sait qu'en l'état, il fait fi de l'emploi et de la croissance. Quant aux conditions faites à la Grèce, elles sont insupportables.

Voter le MES, c'est accepter la constitutionnalisation de la règle d'or et la tutelle sur les États en difficulté. Il aurait pu être une avancée décisive mais n'est, in fine, qu'un leurre. L'intérêt national primera sur l'intérêt général, malgré la règle de la majorité à 85 %, étant donné les minorités de blocage. Sous prétexte de solidarité, on entend imposer les principes de gestion de l'Allemagne -qui n'arrive pourtant pas à faire accepter par ses propres Länder les règles qu'elle veut imposer au reste de l'Europe.

Il aurait fallu un autre système de gouvernance. L'absence de pilotage de la zone euro, le dogme de l'austérité, l'absence de la BCE feront échec à la solidarité. Pour être dissuasifs, il faudrait lever non pas 500 milliards mais 1 000 milliards d'euros. On recherche donc des partenariats avec la Chine et le FMI. Est-ce cohérent avec les principes de l'Union européenne ?

Le MES n'est pas une panacée mais un compromis acceptable, alors que le tsunami menace. Mais le lier à la ratification du TSCG est inacceptable. Nous nous engageons à renégocier le traité dès mai et à évaluer les effets pervers de certaines politiques de cohésion, qui poussent à l'endettement pour financer des projets. L'idée européenne ne se limite pas à des considérations financières. Ses valeurs sont la paix et la démocratie. Les renier serait dangereux pour l'Union européenne, et pour la démocratie.

Comment accepter de consacrer 99 % de son temps aux questions budgétaires quand la liberté de la presse est menacée en Hongrie ? Quand 25 à 50 % de la jeunesse est sans emploi ? Europe, as-tu perdu tes valeurs ? Il faut aller vers un nécessaire fédéralisme. Les droites actuelles se sont arcboutées sur les frontières. Que peut-on attendre des dirigeants actuels ? La solution ne passe pas uniquement par le couple franco-allemand : elle doit être partagée par tous. L'Europe de papa est morte. Il faut se mobiliser pour la croissance et l'emploi. Ne dispersons pas nos forces pour ne pas livrer l'Europe aux puissances de l'argent !

Monsieur le ministre, quels outils se donne la zone euro pour le retour à la croissance, pour mettre la BCE au service des Européens et pour assurer un contrôle démocratique sur les décisions ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Quand on parle du MES, il faut parler aussi du TSCG. L'un va avec l'autre, ainsi qu'il résulte des considérants des deux traités, qui conditionnent le déclenchement du MES à la ratification du TSCG.

M. Jean Bizet.  - Eh oui !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Il est clair que l'Etat qui n'acceptera pas les clauses extrêmement rudes du TSCG ne bénéficiera pas du MES. L'Allemagne, qui use de son droit de veto, fait du TSCG un préalable au MES. Elle est le seul grand pays à bénéficier encore d'un AAA. Certains appellent à une fédération. Mais il faudrait au moins être deux !

L'Allemagne aujourd'hui veut imposer la réforme du « frein à l'endettement » -Schuldenbremse-, qu'elle a adoptée pour elle-même en 2010 : c'est la règle d'or, en fait règle d'airain. M. Sarkozy l'a reprise à des fins clairement électorales.

Mais le TSCG va bien au-delà : dans son article 4 figure une clause de désendettement à vingt ans visant à réduire à 60 % du PIB le stock de la dette, qui nous mène au mur ! C'est, plus qu'un traité de rigueur, un véritable cilice, un traité de mortification, un piège dont le MES n'est que l'appât.

Le MES ne restaurera pas la compétitivité des pays européens : ce qui plombe l'euro, ce sont des écarts de compétitivité croissants. L'adossement promis à la BCR pour demain ? C'est un voeu pieux. L'Allemagne ne l'entend pas de cette oreille. Quant aux fonds et à la garantie des États, aucun contrôle parlementaire n'est prévu, alors que la Cour de Karlsruhe, on le sait, exerce un contrôle vétilleux. Que n'étend-on donc pas cette obligation de contrôle à la France : ce serait un bon exemple de l'amitié franco-allemande !

La révision simplifiée est un pur et simple détournement de procédure. (Mme Eliane Assassi approuve) Ne nous payons pas de mots : elle n'est pas possible juridiquement. Le transfert, en toute illégalité, à des autorités européennes et internationales qui ne sont soumises à aucun contrôle démocratique de pouvoirs qui relèvent de la souveraineté populaire s'apparente à un véritable coup d'État.

On le vérifiera devant le Conseil constitutionnel, qui vient de montrer, sur l'Arménie, sa vigilance. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et sur plusieurs bancs à gauche)

L'Europe croit se sauver en violant sa propre légalité. En réalité, elle persévère dans l'erreur ; iI serait plus sage de reprendre un peu de distance pour ne pas s'obstiner à remplir le tonneau des Danaïdes. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et sur plusieurs bancs à gauche)

M. Jean Bizet.  - Les turbulences sans précédent que traverse l'Europe l'ont conduite à créer, en 2010, le fonds de stabilité financière. Ce dispositif, créé dans des circonstances exceptionnelles et avec un statut de société privée, a été établi pour une durée limitée de trois ans. Pourtant, le problème de l'endettement de la zone euro réclamera des années d'efforts pour tous les États membres.

II faut donc s'inscrire dans la durée et aller au-delà du FESF, franchir un saut qualitatif en instaurant un mécanisme permanent. Pourquoi Maastricht ne l'avait-il pas prévu ? C'est que l'on craignait alors une Europe à plusieurs vitesses et un transfert indu de souveraineté. Aujourd'hui, les esprits ont évolué : personne n'est troublé par la notion de souveraineté partagée.

Les avancées, nous les devons à l'indéfectible volonté française : l'Allemagne était, il y a encore deux ans, totalement fermée à l'idée d'une gouvernance économique.

Ne pas se doter d'une monnaie unique sans parallèlement mettre en place une coordination des politiques économiques fut une grossière erreur : le MES nous offre le mécanisme d'intervention rapide qui manquait. Et ce sont bien, même si le FMI et la BCE ont leur rôle à jouer, les ministres des finances qui prendront la décision : elle sera politique.

On critique le choix de l'intergouvernemental ? Mais l'urgence l'imposait. Reste que la ratification du traité ne saurait être considérée comme un abandon de souveraineté : rien n'est fait sans le consentement des États.

Nous ne pouvons continuer à mener des politiques fiscales isolées quand nous avons une monnaie commune. C'est le sens de l'accord intergouvernemental qui doit être prochainement ratifié. Pour que ce mécanisme conserve tout son sens, il est indispensable que les États membres s'engagent à l'assainissement de leurs finances, condition indispensable pour renouer avec la croissance. Cet accord, à l'heure où une certaine finance veut parier sur la discorde, est une bonne nouvelle. C'est un engagement capital pour l'Europe à l'égard du monde, qui nous juge sur notre crédibilité.

Ces deux traités symbolisent aussi le renforcement du lien franco-allemand. Rien n'est possible sans cette amitié fondatrice. On sait d'expérience qu'elle prépare toujours des accords plus larges.

La croissance ? Il est vrai que la zone euro est touchée par la récession. Mais n'oublions pas que la France garde une croissance de 0,4 % en 2012. C'est en luttant contre le poids de la dette que l'on renouera avec la croissance, et en approfondissant le marché européen.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien.

M. Jean Bizet.  - Je regrette qu'un tel sujet ne permette pas de dépasser les clivages partisans. Dans Le Monde du 25 février, M. Cohn-Bendit a qualifié de « bourde historique » le vote de la gauche à l'Assemblée nationale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale.  - Attendez le vote du Sénat !

M. Jean-Pierre Caffet.  - Soixante-huitard !

M. Jean Bizet.  - Le monde a changé : vous, vous ne changez pas.

M. Christian Bourquin.  - Vous nous provoquez !

M. Jean Bizet.  - Nous devons adresser aux marchés un signal fort, et indiquer clairement nos choix : un modèle économique basé sur l'économie de marché et un modèle social qui ne pourra plus jamais être financé à crédit, comme cela fut trop longtemps le cas.

M. Alain Néri.  - Tout a commencé sous Giscard !

M. Jean Bizet.  - Voyez les sociaux-démocrates allemands : ils ont fait ce choix à Bad Godesberg... en 1959 !

Je voterai avec conviction et détermination en faveur de ces deux traités. (Applaudissements à droite)

M. Aymeri de Montesquiou.  - Le MES donne à l'Union européenne la stabilité économique qui lui faisait défaut : structure pérenne, elle remplace le FESF, conçu comme temporaire. Organisation internationale, fonctionnant à la majorité de ses membres, il répond à l'évolution des traités.

La stabilité y est consacrée, pour donner confiance aux investisseurs. Il sera un système d'assurance. Le rôle du couple franco-allemand dans la stabilisation de la crise grecque a été moteur. Le MES pose aujourd'hui la question de l'étendue de la solidarité : notion mal comprise par nos voisins britanniques, comme le souligne un éditorialiste du Financial Times.

Jacques Delors, Valéry Giscard d'Estaing, ces éminents européens, ont enfin été entendus. Nous sommes peut-être entrés sur la voie du fédéralisme.

Quel calendrier, monsieur le ministre, à la ratification ? Quel lien entre les deux traités ? Je crains qu'une conditionnalité étroite n'affaiblisse l'efficience du MES.

L'Europe doit favoriser la croissance et l'emploi : la lettre de M. Cameron, signée par onze chefs d'État et de Gouvernement, ouvre peut-être des pistes. C'est en rassemblant et en se coordonnant que l'Europe avancera. C'est pourquoi je comprends mal la position socialiste, bien peu mitterrandienne. Faut-il citer M. Cohn-Bendit ?

M. Jean Bizet.  - Eh oui.

M. François Marc.  - Soixante-huitard !

M. Aymeri de Montesquiou.  - ...européen incontesté, qui stigmatise « l'hypocrisie dans la gauche française, Verts compris » ? Selon lui, « si demain, la gauche parvient au pouvoir, elle sera très contente d'avoir un MES à sa disposition pour organiser la solidarité financière ».

M. Louis Nègre.  - Merci !

M. Aymeri de Montesquiou.  - N'insultons pas l'avenir.

La Grèce ? Je pourrais citer Thucydide, qui déplorait déjà que les cités grecques jouassent indépendamment les unes des autres, c'est-à-dire les unes contre les autres. La Grèce d'aujourd'hui, ses ministres eux-mêmes le reconnaissent, était gangrénée par la fraude. Mais il ne faut pas se priver de dénoncer le rôle scandaleux de Goldman Sachs, qui a incité à spéculer sur la dette grecque tout en conseillant le gouvernement grec... Rapporteur d'une mission d'information sur les agences de notation, je suis persuadé que nous obtiendrons des informations très intéressantes.

L'OCDE salue les réformes entreprises en France depuis cinq ans Cependant, en cette période électorale, I'économiste Klaus Zimmermann dresse un constat alarmant sur le programme économique de la gauche, qui nous ferait revenir au moins dix ans en arrière.

Soyons tous responsables, soyons tous Européens, retrouvons l'enthousiasme des pères fondateurs. Comme eux, plaçons les intérêts de l'Europe, de la France au-dessus des intérêts partisans en votant ce mécanisme. (Applaudissements à droite)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Très bien !

M. Jean Leonetti, ministre.  - Le vote est acquis : la droite votera ces textes, une partie de la gauche s'abstiendra et l'autre partie votera contre.

De quoi s'agit-il ? De défendre des États fragiles, donc leurs peuples, dans un contexte de spéculation déstabilisatrice. Je constate, me tournant vers le centre et la droite, que j'y trouve aujourd'hui moins de voix souverainiste pour m'interpeller. C'est qu'elles sont aujourd'hui résolument européennes. Il y a donc consensus : on ne laissera pas des États en détresse, même si leur responsabilité n'est pas pour rien dans leurs difficultés.

On connaît la position des communistes -car il en reste-, la voix forte de M. Chevènement. Quant aux socialistes, ils ont choisi... de ne pas choisir. C'est donc à eux que je m'adresserai. Le MES n'est pas une décision prise à la va vite, dans un souci électoraliste. Je regrette que nous n'ayons pas eu à coeur, alors que l'on connaît les positions qui sont les vôtres (exclamations à gauche), d'exprimer un consensus. La construction européenne, nous la devons à des hommes et des femmes qui ont su prendre leurs responsabilités. Ne pas choisir, c'est peut-être une habilité tactique mais, politiquement et moralement, c'est une faute. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Marc Todeschini.  - Pas de leçons ! Pas de morale !

La discussion générale est close.

Mécanisme de stabilité (Exception d'irrecevabilité)

M. le président.  - Motion n°1, présentée par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l'euro.

Mme Éliane Assassi.  - Mme Pécresse, devant l'Assemblée nationale, s'exclamait : nous ne laisserons pas tomber les Grecs. Seul argument pour inviter à voter le MES. Mais en Grèce, le chômage touche 25 % des actifs, 40 % des jeunes ; les services publics sont bradés, la pauvreté, la malnutrition sont devenus réalité : 3 millions d'habitants sont pauvres. La presse a cité le cas d'une jeune femme qui a du renoncer, faute d'argent, à accoucher à l'hôpital !

Qui est responsable de cette barbarie, qui ne touche pas seulement la Grèce mais aussi l'Allemagne, n'en déplaise à M. Sarkozy ?

C'est la voie laissée ouverte aux spéculateurs par la dérégulation qui a fait de la finance la vertu cardinale de l'Europe. L'oligarchie financière tombe les masques : elle place ses hommes aux commandes des États. Les conseillers des fossoyeurs, comme Goldman Sachs, sont désormais aux commandes. L'entreprise, on le sait, encourageait la spéculation. Aujourd'hui, le président de la BCE, le président italien, le Premier ministre grec sont tous d'anciens de Goldman Sachs. Ce sont les pyromanes qui crient au feu !

Près de 350 milliards ont déjà été investis en Grèce, et le pays ne s'en sort pas. Le peuple grec serait-il inférieur ? Non, c'est que ces fonds vont aux circuits spéculatifs. La chancelière allemande l'a dit : ceux qui bénéficient de l'aide européenne devront renoncer à une part de leur souveraineté. On ne peut être plus clair.

La France sera la première à ratifier ce traité. Pourquoi cette précipitation ? Espère-t-on bénéficier bientôt du MES ? Mais chacun sait que c'est la croissance qui sauvera la zone euro.

Ces traités sont manifestement contraires à notre Constitution. Souvenons-nous de nos débats de naguère, quand on voulut nous imposer la proposition de loi constitutionnelle instaurant la règle d'or, cette camisole financière, sans succès, au grand dam de M. Sarkozy. A l'époque, M. Hyest lui-même soulignait que cet abandon de souveraineté présenterait de graves inconvénients pour le contrôle démocratique du Parlement. Pourquoi d'ailleurs les parlementaires socialistes, qui avaient voté contre alors, accepteraient-ils un abandon de souveraineté décidé par les autorités de Bruxelles ?

L'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 fonde la souveraineté populaire sur les choix de finances publiques. On brocarde aujourd'hui, sur certains bancs, une disposition jugée désuète. Le Conseil constitutionnel ne manque pourtant pas de s'y référer. Le traité MES, en ses articles 5 et 13, bafoue notre Constitution et met en cause notre souveraineté budgétaire.

La procédure simplifiée ? Mais l'article 48 exige que les compétences de l'Union européenne ne doivent pas, s'il y est fait recours, être modifiées. C'est pourquoi l'on s'emploie à nous le démontrer : la décision sera politique, nous assure-t-on. Il n'en est rien. (Marques d'impatience à droite)

Autre motif d'irrecevabilité : l'article 54 de la Constitution permet de saisir le Conseil constitutionnel en amont de la ratification d'un accord international. Pourquoi MM. Sarkozy et Fillon ne l'ont-ils pas fait, comme auparavant ? Omission volontaire qui relève du mépris ! Et pourquoi ne pas nous saisir nous-mêmes de la possibilité offerte à 60 parlementaires de saisir le Conseil constitutionnel ? Je vous laisse méditer.

L'argent du MES sera entre les mains des dirigeants d'une société financière. En somme, les citoyens n'auront sur lui plus aucune prise.

L'Europe vers laquelle on nous entraîne, c'est une Europe du mépris des peuples et de l'asservissement. Avec le Front de gauche, les sénateurs communistes lutteront pied à pied contre ce coup de force et réclameront sans relâche un référendum. Pour l'heure, nous demandons un scrutin public sur cette motion. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale.  - La commission des finances s'est prononcée contre cette motion, mais je veux répondre sur le fond.

La Commission européenne a donné un avis sur la procédure. Elle estime que les conditions de recours à la procédure simplifiée sont remplies car les textes n'affectent pas les compétences attribuées à l'Union européenne par les traités.

Le Conseil constitutionnel, quant à lui, ne se prononce pas sur l'élaboration des traités européens. (Mme Éliane Assassi le conteste)

M. Jean Leonetti, ministre.  - Le Gouvernement est défavorable. L'oratrice a utilisé son temps de parole sans démontrer d'inconstitutionnalité. Le MES n'est en aucun cas un mécanisme privé : il est entièrement piloté par les ministres des finances de la zone. Il n'y a aucun transfert de souveraineté à un organisme privé.

Cette motion m'est simplement l'occasion de constater qu'à gauche, il y a deux visions de l'Europe, radicalement opposées : c'est une question que vous pourriez vous poser entre le premier et le deuxième tour... (Exclamations à gauche)

A la demande des groupes UMP, UCR et CRC, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 191
Majorité absolue des suffrages exprimés 96
Pour l'adoption 24
Contre 167

Le Sénat n'a pas adopté.

Mécanisme de stabilité (Discussion de l'article unique)

M. le président.  - Nous allons procéder au vote de l'article unique du projet de loi autorisant la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l'euro.

M. Pierre-Yves Collombat.  - L'Europe, rappelez-vous, devait réunir les peuples. Elle les dresse les uns contre les autres. L'Europe devrait exorciser les fantômes. Jamais l'extrême droite n'a été aussi puissante. L'Europe devait se libérer du capitalisme anglo-saxon. Elle est aujourd'hui soumise au FMI, soumise à un purgatoire éternel, tandis que la Grèce, descendue en enfer, est livrée aux usuriers.

Qui nous fera croire que l'on fera respirer la zone euro en la plaçant sous un poumon d'acier, quand on sait que l'Allemagne réalise ses excédents commerciaux sur le dos de ses partenaires ? L'Europe devait garantir la croissance, nous entrons en récession. Belle solidarité qui étrangle ses bénéficiaires. Qui peut croire que le MES, édifice qui ne tient que par la tapisserie, sortira l'Europe de la crise ? La BCE était la seule réponse. Pas plus qu'un bricolage financier ne tient lieu de banque centrale, le copinage des conservateurs français et allemands ne peut tenir lieu de gouvernance. Si le MES représente pour vous un progrès, c'est dans une voie sans issue ! (Applaudissements sur les bancs CRC ; M. Jean-Pierre Chevènement et Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudissent aussi)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - L'Europe est notre bien commun. La stabilité financière est une garantie contre les démagogues et les spéculateurs. J'ai déjà appelé à la création d'un Trésor européen, à un vrai fédéralisme budgétaire. La France, le monde ont besoin de l'Europe, au même titre que la Grèce ou le Portugal. L'Europe n'est pas seulement un idéal, elle est aussi une nécessité. Le MES n'est pas le TSCG. Il n'est pas acceptable d'invoquer le second pour se dédouaner du premier.

Je suis consternée de voir les socialistes s'abstenir sur un tel texte. Je suis atterrée de voir que les communistes vont jusqu'à parler de manipulation. La dépense budgétaire n'a jamais suffi à relancer la croissance. Le monde change vite. Le MES est une étape nécessaire pour l'Europe.

Mme Éliane Assassi.  - Demandez donc son avis au peuple !

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Le groupe UCR votera avec conviction ce projet de loi instituant le MES. (Applaudissements à droite et au centre)

A la demande du groupe UMP, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 332
Nombre de suffrages exprimés 195
Majorité absolue des suffrages exprimés 98
Pour l'adoption 168
Contre 27

Le Sénat a adopté.

Mécanisme européen de stabilité (Exception d'irrecevabilité)

M. le président.  - Motion n°1, présentée par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité.

Mme Éliane Assassi.  - Nous persistons à dire que le MES est contraire aux valeurs constitutionnelles. La souveraineté budgétaire, actée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, est un pilier de la souveraineté populaire. Si les révolutionnaires ont alors gravé ce principe dans le marbre, c'est parce que le contrôle du budget du pays par le peuple mettait fin à la domination de quelques-uns, marque de l'Ancien régime.

Ceux qui défendent ce MES sont au mieux dans le déni, au pire dans la manipulation. En repoussant cette motion, vous livrez l'Europe aux intérêts privés. Cette question mérite que le peuple soit consulté par référendum. Nous demandons un scrutin public.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale.  - Vous invoquez l'atteinte à la souveraineté budgétaire. La création du FESF n'a soulevé aucune exception d'inconstitutionnalité. C'est une pratique courante que la participation au capital soit appelable par cette procédure.

Le Parlement devra approuver préalablement chacun des instruments du MES, dont la gouvernance est politique : ce sont les ministres de finances qui décident. La France, comme l'Allemagne et l'Italie, dispose d'un droit de veto pour l'entrée en vigueur du MES et la décision d'appeler du capital. Même avec la majorité à 85 %, la France conserve son droit de veto. Voilà pourquoi je ne pense pas que la souveraineté budgétaire soit mise en cause par ce texte.

C'est la première fois que la question de la solidarité financière est posée. Je remercie le groupe CRC de le faire ; c'est pourquoi j'ai tenu à lui répondre point par point.

M. Jean Leonetti, ministre.  - Une fois de plus, Mme la rapporteure générale a fait un plaidoyer étincelant pour le MES. On se demande pourquoi elle ne le vote pas !

Qu'est-ce que la souveraineté ?

Mme Éliane Assassi.  - Bonne question !

M. Jean Leonetti, ministre.  - Il y en a assez d'entendre que l'Union européenne attenterait à la souveraineté grecque ! Sans l'Europe, la Grèce ne pourrait payer ses fonctionnaires. Sans l'Europe, l'État serait en faillite, comme naguère l'Argentine.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ils se portent très bien, les Argentins !

M. Jean Leonetti, ministre.  - C'est le peuple qui en souffre. Il est curieux de dire que la souveraineté du peuple grec est altérée quand vous ne proposez pas autre chose que de soumettre les Grecs au joug des spéculateurs.

Mme Éliane Assassi.  - Pourquoi craignez-vous tellement le peuple de France ?

M. Jean Leonetti, ministre.  - Car c'est bien ce qui arriverait sans les milliards qu'a déjà débloquée la solidarité européenne.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Des milliards rendus nécessaire par la spéculation, et qui sont venus l'alimenter.

M. Jean Leonetti, ministre.  - Oui, le peuple grec souffre. Mais c'est aussi parce que ses dirigeants ont été irresponsables. Aujourd'hui, l'Europe vient à son secours et le MES empêche qu'une telle situation se reproduise. (On le conteste sur les bancs du CRC) La souveraineté, c'est pouvoir payer ses fonctionnaires à la fin du mois.

M. Jean Bizet.  - Très bien !

A la demande des groupes UMP, UCR et CRC, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 191
Majorité absolue des suffrages exprimés 96
Pour l'adoption 24
Contre 167

Le Sénat n'a pas adopté.

Mécanisme européen de stabilité (Discussion de l'article unique)

M. le président.  - Nous allons procéder au vote de l'article unique du projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité.

M. Éric Bocquet.  - La conditionnalité de l'intervention du MES fait problème : le principe d'immanence de l'État l'interdit.

La Grèce peut-elle faire défaut et disparaître du paysage politique de l'Europe, au motif qu'elle ne disposerait pas des moyens de payer ses dettes ? Il est évident que non.

La Banque centrale européenne, dans sa grande sagesse si l'on peut dire, est prête, depuis plusieurs années et encore ces prochains jours, à engager plusieurs centaines de milliards d'euros à destination des établissements de crédit en vue d'éviter ce que l'on appelle un « credit crunch », c'est-à-dire le blocage systémique du secteur bancaire.

Ce sont 489 milliards d'euros que la BCE a d'ores et déjà avancés aux établissements de crédit et c'est une enveloppe de 300 à 600 milliards qui va être prêtée demain aux établissements de crédit au taux de 1 %. Moyennant le respect des règles prudentielles de Bâle, on engage plus pour les banques que dans le cadre du MES !

On est plus exigeant envers les États souverains qu'envers les établissements de crédit -dont l'action a conduit certains d'entre eux dans la situation que nous connaissons aujourd'hui ! Et ce, alors que la raréfaction du crédit aux PME, la chute libre des engagements de prêts en direction des collectivités locales, situation aggravée en France par la probable faillite de Dexia, montrent que l'argent accordé en abondance aux établissements de crédit n'a pas servi à l'activité économique.

Nous ne pouvons tolérer de telles distorsions. Le débat se poursuivra car, si je puis l'oser, le MES n'est pas dit. Ce soir, nous voterons contre ce texte.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Quand l'Europe est menacée, nous devons faire preuve d'un courage unanime. Or la gauche française n'a pas conscience de la gravité de la situation et fait primer des considérations électoralistes sur l'intérêt européen. Je regrette que l'intérêt de l'euro ne soit pas défendu par tous. Le groupe UMP votera évidemment cet article.

M. Jean Bizet.  - Très bien !

A la demande du groupe UMP, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 204
Majorité absolue des suffrages exprimés 103
Pour l'adoption 169
Contre 35

Le Sénat a adopté.

Conventions internationales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de six projets de loi tendant à proposer la ratification ou l'approbation de conventions internationales, selon la procédure simplifiée retenue par la conférence des présidents.

L'article unique du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l'Union des Comores instituant un partenariat de défense est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République libanaise est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la Brigade franco-allemande est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité entre le Royaume d'Espagne, la République française, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas et la République portugaise, portant création de la force de gendarmerie européenne Eurogendfor, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation des amendements à l'article premier et à l'article 18 de l'accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement est adopté.

Communes « Compagnon de la Libération »

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, modifiant la loi du 26 mai 1999 créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ».

Discussion générale

M. Marc Laffineur, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants.  - L'Ordre national des compagnons de la Libération a été créé par le général de Gaulle dès 1940. Au lendemain de l'Armistice, nul ne pouvait prévoir la victoire. Ceux qui se sont engagés alors méritaient de voir leur patriotisme salué. Sur les 1 038 compagnons de la Libération, ils ne sont plus que 28 à survivre aujourd'hui. Les communes « Compagnon de la Libération » -Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l'île de Sein- leur survivront et, grâce à elles, la mémoire de leur combat C'est une bonne chose. La gouvernance de l'Ordre en sera pérennisée. La gestion du musée de l'Ordre sera confiée à un établissement public à caractère administratif (EPA).

Cette proposition de loi signée par le président Accoyer et M. Destot est une très belle initiative à laquelle le Gouvernement est très favorable. (Applaudissements)

M. Jacques Gautier, rapporteur de la commission des affaires européennes, de la défense et des forces armées.  - Cette proposition de loi, qui dépasse les clivages politiques, nous propose des modifications d'apparence mineures mais essentielles.

Le 20 janvier 1946, quand le général de Gaulle signe le décret mettant fin à l'attribution de la croix de la Libération, 1 061 croix ont été attribuées, dont 18 à des unités combattantes et 5 à des communes, avec pour seul critère la qualité exceptionnelle du service rendu, qui pouvait être militaire ou d'autre nature.

Se pose la question de la gouvernance de l'Ordre, une fois que les personnes physiques auront disparu. La loi de 1999 a apporté des solutions équilibrées, mais devait être précisée. C'est l'objet de cette proposition de loi, qui organise la gestion du musée, autorise le recrutement de contractuels et précise les ressources du Conseil national. La loi entrera en vigueur au plus tard au 70e anniversaire de l'Ordre, le 12 novembre prochain. Ces précisions en assureront la pérennité.

La commission des affaires étrangères l'a adoptée conforme, j'invite le Sénat à faire de même. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 19 h 30.

*

*          *

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Débat préalable au Conseil européen des 1er et 2 mars 2012

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat préalable au Conseil européen des 1er et 2 mars 2012. Demandé par la commission des affaires européennes, il traitera également du fédéralisme budgétaire européen, comme l'avait initialement demandé le groupe UCR.

M. Jean Leonetti, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes.  - Merci à M. Zocchetto de son initiative. Nous avons, cet après-midi, adopté le MES, regrettant l'absence d'unanimité. Certains déplorent que la croissance ne soit pas au coeur des textes. Le sujet sera au centre du prochain Conseil européen, les 1er et 2 mars prochain.

L'Europe a su éteindre l'incendie et démontrer sa capacité à surmonter une crise sans précédent. Le sommet sera l'occasion d'affirmer son rôle. Son volontarisme lors des printemps arabes, vis-à-vis de la Syrie aujourd'hui, montre son statut de leader mondial : la puissance politique qu'est l'Europe doit se battre pour ses valeurs.

Discipline, convergence, coordination des actions en faveur de la croissance et de l'emploi, le TSCG inscrit ces exigences dans nos textes fondamentaux. Le Conseil fixera des orientations pour relancer la croissance en 2012, en tirant le bilan du premier exercice du semestre européen. Cette année, pour la première fois, seront mis en oeuvre de nouveaux instruments de surveillance des déséquilibres macro-économiques et de discipline budgétaire. La Commission rendra, en novembre, un rapport annuel sur la croissance et le premier rapport sur le mécanisme d'alerte a été remis le 14 février.

La coordination se fait au profit de la croissance et de l'emploi, et le Conseil prendra des décisions pour redynamiser le marché intérieur. M. Barnier présentera les douze mesures prioritaires en ce sens. Favoriser l'innovation exige de faciliter l'accès des PME au fonds européen de capital-risque. Des actions sectorielles seront soutenues, e-commerce, économie verte, etc.

Enfin, la convergence fiscale doit progresser rapidement, assiette de l'impôt sur les sociétés, taxation des transactions financières... Le fonds de solidarité européen financera l'apprentissage, la formation des jeunes.

L'Europe représente une communauté de destin, économique mais aussi politique : l'élargissement et la politique extérieure sont également à l'ordre du jour. L'Europe est faiseuse de paix, le dialogue Serbie-Kosovo le montre. Le Conseil Affaires générales a débattu aujourd'hui du statut de candidat à l'adhésion, qui sera, je l'espère, accordé à la Serbie si les dernières réticences de la Roumanie sont levées. La politique extérieure est une prérogative nouvelle : nous dresserons le bilan de notre action lors du printemps arabe et de notre politique de voisinage, de la situation en Syrie.

L'Europe a été la première à condamner la répression opérée par le régime syrien. C'est qu'elle n'est pas seulement une entité économique mais porte une histoire et des valeurs. Elle ne baissera jamais les bras face à la tyrannie. Le Conseil devra également se prononcer sur le renouvellement du mandat de M. Van Rompuy, que la France soutient. (Applaudissements à droite)

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Le Conseil sera prioritairement consacré à la croissance, avec l'adoption d'objectifs ambitieux, sans moyens supplémentaires hélas. Mais il annoncera une cure d'amaigrissement avec la mise en place de règles plus que strictes. De telles contradictions conduisent à la névrose ! Ici, son premier signe est l'europessimisme.

Il faudrait un vrai budget européen, en progression et avec des ressources propres. Or certains, comme la France, prônent le gel jusqu'en 2020...

M. Jean Bizet.  - Pas tout à fait...

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Nous ne serons pas protégés contre d'autres crises, la BCE n'ayant pas les pouvoirs d'intervention nécessaires.

« Il n'y a pas de politique sans risques mais il y des politiques sans chances », disait Edgard Faure. Après le Six pack, le Two pack, la règle d'or la plus stricte ne nous laisserait aucune chance ! Les États ont, grâce à l'endettement public, amorti la crise ces dernières années, mais demain ?

Sur la réforme de la gouvernance économique, pas un des eurodéputés avec lesquels nous nous sommes entretenus n'estime le nouveau traité indispensable. Entre les institutions à 27, à 25, à 17, comment tout cela fonctionnera-t-il ? Le Conseil va lancer un signal... de confusion. Le traité impose une révision constitutionnelle dans notre pays. Je souligne que c'est la Cour de justice qui estimera si notre loi organique ou notre texte fondamental assure bien la transposition de la règle d'or... Qu'en dira le Conseil constitutionnel ? L'insécurité juridique sera totale.

Les perspectives du prochain Conseil ne m'incitent pas à l'optimisme. Nos concitoyens attendent un message d'espoir. Nous en sommes loin. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie.  - Le volet « croissance » est sous-dimensionné : il ne peut se réduire à une dérégulation mortifère ni à une succession de plans d'austérité, qui appauvrissent les populations et nourrissent la montée des populismes.

Des objectifs économiques et sociaux, et non seulement budgétaires et monétaires, devraient être inscrits dans le traité. C'est en poursuivant, grâce à des ressources propres, des politiques sociales et de grands projets, que l'Union européenne renouera avec la croissance durable, tout en faisant face aux enjeux, énergétiques par exemple. Les investissements pourraient être financés par des project bonds. Les interconnexions prévues en matière de transport et de communications sont insuffisantes.

Pardonnez-moi de jouer les Cassandre mais l'Europe n'atteindra pas objectifs en matière d'énergie si elle ne s'en donne pas les moyens. L'économie verte recèle un gisement de croissance, pour peu que l'Europe définisse une véritable politique. L'Union importe plus de 50 % de son gaz, ce qui justifierait une politique d'achats communs. La sécurité des approvisionnements est une question de géopolitique et, face à Gazprom, il faut un acheteur unique, une Agence européenne d'achat du gaz, puis puissante que la Caspian Development Corporation. Moins l'Europe consommera d'énergies fossiles, plus sa sécurité sera un objectif réaliste.

En matière d'électricité, une agence européenne s'impose. L'Acer, Agence de coopération des régulateurs de l'énergie, n'en fait pas assez car il faut développer considérablement les infrastructures européennes -les impératifs environnementaux sont là ; la création d'un marché des quotas de CO2, le débat sur la place du nucléaire illustrent les préoccupations européennes.

Il faut, surtout, rechercher un autre modèle de civilisation, une économie décarbonée. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Arthuis.  - L'Europe dessine notre avenir collectif, porte nos espoirs de paix et de prospérité. Elle seule nous permettra de participer à la régulation du monde et d'imposer le respect des droits de l'homme. Chantier prometteur, et pourtant la défiance pèse, la menace plane sur l'Europe.

Croissance atone, chômage, déficits et dettes publics à des niveaux insoutenables : les déséquilibres entre partenaires se creusent en raison d'écarts de compétitivité. Face aux accidents, grec en particulier, l'Union européenne se montre désemparée. Pour venir en aide à une Commission pusillanime, elle appelle à l'aide le FMI et embarque la BCE, au mépris de ses règles d'indépendance, dans une troïka de circonstance.

Les pays fondateurs avaient choisi, après les jalons posés dans l'industrie lourde et l'énergie, de progresser sur le plan économique, avec le marché unique. Cependant, les dévaluations compétitives font se lever des cohortes de chômeurs et rendent indispensable la monnaie unique. Monnaie orpheline d'État : nous avons donc créé un règlement de copropriétaires, avec un pacte de stabilité et de croissance -plus de stabilité que de croissance, d'ailleurs.

M. Roland Courteau.  - C'est vrai !

M. Jean Arthuis.  - Promis, juré, chacun le respecterait. Les États membres qui subissaient auparavant des taux d'intérêt de 10 ou 15 % ont immédiatement bénéficié de taux nettement plus intéressants, autour de 4 %. Nous en avons profité, les engagements de rigueur ont été allègrement transgressés tandis que la Commission laissait faire.

Lorsque la crise des subprimes a éclaté, les autorités européennes ont réagi rapidement mais n'avaient guère de moyens d'action : elles ont regardé la Grèce s'enfoncer dans la débâcle.

Après les années folles, la sagesse l'emporte, on entend restaurer des règles, revenir à la rigueur, donner à la Commission l'autorité dont elle a besoin. C'est le six-pack et un TSCG qui vient à son heure. Il doit être mis en oeuvre dès que possible car il fixe le cap pour assurer à la zone euro une stabilité et une croissance durables.

Nous ne pouvons abandonner la Grèce, que nous avons admise -trop tôt peut-être- dans la zone euro. Nous sommes coupables de l'avoir laissée maquiller ses comptes.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Tout le monde le savait.

M. Jean Arthuis.  - En outre, une sortie de l'euro entraînerait une déstabilisation progressive et fatale.

M. Roland Courteau.  - C'est sûr.

M. Jean Arthuis.  - Les nouvelles règles sont beaucoup plus strictes, les interventions seront immédiates en temps de crise. La zone euro a besoin d'une gouvernance spécifique.

Il faut aussi mettre en synergie les économies des États membres. L'article 13 du traité prévoit une association des parlements ; allons au-delà d'un alibi démocratique ; surveillons les ministres et chefs de gouvernement ; ne les laissons pas traiter les choses dans leur coin...

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Très bien !

M. Jean Arthuis.  - Il faut une commission de contrôle comportant des parlementaires.

M. Jean Bizet.  - Très bien !

M. Jean Arthuis.  - Nombre de directives et de règlements sont des activateurs de dépense publique et des freins à la compétitivité, donc à l'emploi ; mais au sein du marché unique, la zone euro s'efforce de réduire les dépenses publiques et de retrouver de la croissance et de la compétitivité.

Dépassons cette contradiction ! Avec la monnaie unique, nous avons pris un billet sans retour vers une intégration politique. Assumons le fédéralisme qui s'impose pour atteindre nos grands objectifs économiques et sociaux. Il y a urgence à agir. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Michelle Demessine.  - Ce débat préalable est surréaliste : théâtre d'ombres, les décisions étant déjà prises, ailleurs. Le président de la République a décidé de signer le TSCG. Le 1er mars, 25 des 27 chefs d'État l'adopteront, seul point que l'histoire retiendra de ce sommet.

C'est un nouvel instrument antidémocratique pour imposer la loi des marchés financiers aux peuples. Le peuple français avait rejeté la Constitution européenne, le président de la République l'a imposée par la voie parlementaire. Aujourd'hui, les plans d'austérité vont mettre les peuples à genoux.

La possibilité pour un État membre de bénéficier du MES sera conditionnée à la signature du traité : la carotte est là pour faire accepter le bâton... On leur impose un gouvernement autoritaire, au prétexte de les protéger contre les attaques des marchés financiers. La règle d'or, on l'a dit, est une loi d'airain.

Des solidarités concrètes face aux déstabilisations des marchés financiers, voilà ce qu'il aurait fallu aux peuples européens, mais nos dirigeants n'en ont pas la volonté.

Toutes les mesures vont dans le sens de politiques d'austérité, réclamées par les marchés. Elles sont pourtant impuissantes à juguler la crise et risquent d'être fatales à nos pays. Elles font reculer la demande, creusent les déficits, les pays s'appauvrissent et sont engloutis dans la dépression tandis que les services publics sont démantelés, les droits sociaux et le droit du travail mis en pièces.

Le PIB de la Grèce a baissé de 20 % depuis le début de la crise, les salaires et les retraites seront bientôt au niveau de la Roumanie : belle solidarité.

La Commission a annoncé les perspectives de croissance : huit États membres, la Grèce et le Portugal, mais aussi l'Italie et l'Espagne, mais encore les Pays-Bas et la Belgique seront en récession ; la France et l'Allemagne connaîtront une croissance infime. MES ou FESF, la seule différence est que le nouveau mécanisme est pérenne, mais Standard & Poor's l'a déjà placé sous surveillance...

Jamais un traité n'a impliqué une telle perte de souveraineté, un tel recul démocratique. Un condominium franco-allemand organise un contrôle implacable sur les budgets nationaux, un corsetage des finances publiques. La troïka, Commission, BCE et FMI, a élu la Grèce comme laboratoire d'une politique du démantèlement des droits sociaux et économiques. Avec quels résultats, hélas...

La nouvelle règle budgétaire s'accompagne de sanctions. Le danger est de réduire le contrôle des parlements et de mettre nos politiques sous la tutelle de la Commission et, indirectement, du FMI.

Que devient l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoyant que les citoyens consentent librement l'impôt et en contrôlent l'emploi par eux-mêmes ou par leurs représentants ? Que devient l'article 39 de notre Constitution aux termes duquel les projets de lois de finance et de lois de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale ?

Ce sont des technocrates non élus qui auront la main sur notre budget. Il n'est pas souhaitable que le président de la République sortant, à quelques semaines des élections, décide seul.

Mme Michelle Demessine.  - Il faudra consulter nos concitoyens, par référendum. (Applaudissements sur les bancs CRC, Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit aussi)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Le Conseil européen va se pencher sur la récession qui va frapper en 2012, selon la Commission. La Chine est en croissance de 8 %, l'Amérique latine de 3 %, les États-Unis de 1,5 %, malgré leur déficit et leur endettement.

C'est la logique de l'euro elle-même, juxtaposant dix-sept économies hétérogènes, réunies sous la bannière d'une BCE conçue sur le modèle de la Bundesbank, qui nous a fait perdre 30 % de compétitivité par rapport aux États-Unis depuis 1999 !

La Grèce n'est pas la seule touchée et le MES n'est pas un pare-feu suffisant. La croissance de l'Italie sera négative... M. Cohn-Bendit veut faire croire que les 500 milliards d'euros suffiront, mais nous verrons.

Mal pensée dès l'origine, la monnaie unique est un tonneau des Danaïdes, parce que l'on a voulu faire l'Europe sans les nations. Le traité de Maastricht, disait Philippe Seguin, est l'anti-1789. Nous y sommes !

Le grand saut fédéral, monsieur Arthuis, serait irréaliste : le système proposé est purement coercitif, quoique doucereux en apparence. M. Olli-Rehn a imposé à M. Berlusconi trente-cinq conditions !

C'était un peu plus encore que les vingt-et-une conditions, madame Demessine... (Sourires) Trois jours après, M. Berlusconi était remplacé par M. Monti, ancien commissaire européen.

Les États sont dépouillés de leur souveraineté budgétaire. Derrière les mots, on perçoit un bruit de chaînes... M. Sarkozy accepte la règle d'or -que devient le droit d'initiative parlementaire ?

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Le TSCG, traité essentiellement disciplinaire, est suicidaire. Je demande que le président de la République, si friand de référendum désormais, le soumette au référendum. On évoque une vague conférence interparlementaire, qui n'aurait pas de réel droit de contrôle.

Le projet de traité doit être révisé, il faut restaurer les prérogatives des parlements nationaux, relancer l'investissement et les salaires. On ne peut transformer l'Europe du sud en un vaste mezzogiorno, comme semble le souhaiter l'Allemagne.

M. le président.  - Concluez, je vous prie.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - A jouer cavalier seul, l'Allemagne y perdra. Qu'elle soit donc cette Allemagne européenne dont rêvait Thomas Mann, dans une Europe européenne, selon le mot du général de Gaulle, pour défendre les intérêts du peuple européen. C'est ce qu'aurait dû faire M. Sarkozy et que fera, je l'espère, le prochain président de la République. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, socialistes et CRC)

M. Jean Bizet.  - Le traité met en place une Europe plus forte. La crise aura au moins accéléré la gouvernance intégrée de l'Union européenne. L'action volontariste du président de la République a été décisive : la voix de la France est respectée, ses initiatives suivies.

Les négociations de la semaine dernière sur le plan d'aide à la Grèce ont été un succès. Nous allons, par pragmatisme, vers un fédéralisme budgétaire européen. Les régulateurs européens légifèrent pour introduire plus de transparence. L'Union européenne s'est mobilisée sur la régulation des banques pour résoudre les futures crises : projet de taxe bancaire, amélioration des garanties, limitations des bonus et du secret bancaire. Les banques vont devoir prendre toutes leurs responsabilités.

Les États ont su assumer leur propre responsabilité en instaurant un contrôle plus strict de leurs pratiques budgétaires. Le fonds d'urgence est pérennisé. S'y ajoute la volonté de responsabiliser les États en difficulté. Le semestre européen inaugure un contrôle en amont des budgets nationaux. Il y a aussi des mesures de contrôle en aval.

Le pacte comprend trois volets : discipline budgétaire, gouvernance économique, croissance et emploi, par la coordination des politiques économiques. L'addition de plans de rigueur est un préalable au rétablissement de la confiance et de la compétitivité mais elle ne suffit pas. Avec le MES, nous arrivons à un système pérenne de stabilité ; il pourrait juguler une crise de marché. Il faut tirer les enseignements du passé et gommer les écarts de compétitivité. Le MES est complémentaire de la volonté d'évoluer vers une Union plus forte.

Pour l'heure, nous montrons un front uni. La France doit donner l'impulsion en ratifiant la première les textes qui traduisent cet accord.

L'abstention du groupe socialiste sur le traité MES est incompréhensible -comment peut-on ainsi sacrifier l'idéal européen, porté si haut par M. Jacques Delors, à des calculs purement électoraux ? Le MES n'est ni de droite ni de gauche. Un traité engage la parole des pays qui le signent.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Quand il est ratifié !

M. Jean Bizet.  - On ne renégocie pas les traités quand il y a un changement de gouvernement !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Aberrant ! Le général de Gaulle ne serait jamais sorti de l'Otan, dans cette logique.

M. Jean Bizet.  - Nous avançons vers plus de fédéralisme, économique et budgétaire. Ma famille politique a été plutôt souverainiste ; aujourd'hui, nous nous engageons avec pragmatisme vers le fédéralisme budgétaire.

Pour bâtir la croissance, il faut un marché intérieur dynamique. Notre commissaire européen, M. Barnier, s'y emploie. Il reste un potentiel de progression inexploité, dans de nombreux domaines.

Les fonds structurels ne peuvent-ils être mieux utilisés, pour la relance ? Aux États d'appliquer des plans de rigueur, à l'Europe de faire de la relance.

Le débat sur les euro-obligations est lancé : il s'agit de mutualiser les dettes souveraines pour financer les investissements d'avenir. Malgré les réticences allemandes, la réflexion doit progresser. Je suis persuadé que c'est un bon outil, quand la rigueur budgétaire sera devenue la règle.

L'Europe a profondément réformé sa gouvernance, réagissant à la crise, consciente des enjeux. Discipline accrue et convergence de compétitivité, l'arsenal juridique est complet. Le succès dépend de la capacité des États à réagir. Il y va du destin de la France et de l'Europe. (Applaudissements à droite)

M. André Gattolin.  - Il y a quelques mois, un homme politique français, Valéry Giscard d'Estaing, s'émouvait de la polémique autour du référendum voulu par M. Papandréou. Il jugeait naturel que le dirigeant grec veuille interroger son peuple et rappelait que l'Europe doit être démocratique.

Le projet des pères fondateurs est mal en point. Ils voulaient construire un espace de paix, de démocratie, de prospérité et de partage pour relever l'Europe du terrible conflit. La deuxième génération, celle des Giscard d'Estaing et Geremek (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit), était nettement moins pragmatique. La troisième génération, celle qui est aux affaires, au lieu de réparer ces erreurs, les a aggravées.

Il y a cinq ans, Nicolas Sarkozy rappelait que la France, elle, n'avait pas inventé la solution finale ; aujourd'hui, retournement du président de la République : l'Allemagne est devenue son modèle. L'Europe n'est plus présentée comme incontournable, mais comme une contrainte ; elle n'est plus projet, mais outil. Si le président de la République est à la peine, c'est de la faute de l'Europe ; s'il y a un succès en Europe, c'est grâce à lui...

Pourquoi notre débat a-t-il lieu la veille d'un Conseil purement formel, et non à la veille des négociations sur le traité ? Quand autant de décisions sont prises lors des réunions informelles, il faut saisir le Parlement avant chacune d'entre elles ! Pourquoi la France est-elle le seul pays dont la politique européenne est à ce point accaparée par le chef de l'État ?

Les conditions dans lesquelles a été discuté le MES ne sont pas satisfaisantes.

L'ordre du jour du Conseil européen est d'abord de clore la première phase du semestre européen, en matière de coopération économique. Réforme potentiellement dangereuse, qui porte atteinte aux compétences du Parlement européen et des parlements nationaux, qui tourne le dos à l'Europe fédérale et aggrave les déséquilibres entre pays.

M. Olli Rehn pointe dix-sept États membres à surveiller, Crète, Espagne, Portugal, mais aussi la France, jugée insuffisamment compétitive, ou la Grande-Bretagne.

Mais l'Allemagne, elle ne se voit reprocher aucun déséquilibre en dépit d'une balance de ses comptes courants -donc de ses exportations- excédentaire, ce qui indique des salaires insuffisants et une demande intérieure faible. C'est que l'Allemagne, qui fait croisade pour l'austérité, a fait pression sur la Commission pour qu'elle ne l'épingle pas !

Nicolas Sarkozy a conclu une alliance tactique et opportuniste avec Mme Merkel. Celle-ci a besoin de lui pour ne pas apparaître trop isolée. L'Europe aujourd'hui, pour eux, ne doit être ni fédéraliste ni communautaire mais un simple directoire franco-allemand.

M. Monti s'est exprimé contre cette confiscation par deux États, qui risque de conduire à la dislocation de l'Union européenne. Le fondement du projet européen ne devrait-il pas être de défendre les libertés et les droits ? Mais certains jugent inopportuns de s'intéresser aux libertés en Hongrie. Et l'UMP invite M. Orban à Marseille...

La Grèce est dans une situation insoutenable mais jamais le président de la République, le Premier ministre, le ministre des affaires étrangères ni vous-même ne sont allés à Athènes discuter avec les principaux intéressés. Ce serait une preuve de considération envers le peuple grec. Allez-vous l'envisager ? (Applaudissements à gauche)

M. Alain Richard.  - Le sommet qui va s'ouvrir a pour mission de faire remonter le sentiment européen et recréer l'espoir. Mais il n'a à son ordre du jour que la confirmation du TSCG...

Des obligations d'équilibre budgétaire existent depuis 1992. Le compromis interprétatif de 2004/2005 a surtout compliqué les choses, sans donner satisfaction.

La Constitution précise les conditions d'élaboration du budget. Les difficultés que nous connaissons sont les conséquences de décisions prises, non de la seule malchance ! La France en 2003 a cherché à esquiver ses obligations, nos partenaires s'en souviennent. La trajectoire des finances publiques française n'aboutit pas à l'équilibre. Le déclin de notre compétitivité ne laisse pas non plus présager un retour de la croissance.

La conséquence, c'est la position dominante de l'Allemagne qui, méfiante, exige un encadrement des finances publiques. La négociation était déséquilibrée.

Une zone monétaire unique sans banque centrale prêteur en dernier ressort, sans régulateur, sans mise en commun des dettes, c'est un exercice d'équilibrisme ! La comparaison avec le Royaume-Uni est hasardeuse : ce pays a certes plus de difficultés que nous mais lui a un prêteur en dernier ressort.

Le projet de traité ne remédie pas aux tensions sociales de plus en plus fortes, notamment en Grèce.

M. Roland Courteau.  - En effet.

M. Alain Richard.  - L'opinion s'en inquiète, alors que les règles imposées nourrissent le risque de récession.

Le traité confie à la Cour de justice le rôle de vérifier le respect des engagements des États. Sur quels actes concrets sera-t-elle saisie ? Par qui ? Quelle crédibilité auront les sanctions en cas de conflit d'interprétation ? Y a-t-il un début d'évolution dans le rôle de la BCE ? Une concertation est-elle envisagée pour lui permettre de se coordonner avec les gouvernements ? Où sont les mesures de croissance ? On sait ce que signifient « convergence » et « compétitivité » : recul de la solidarité et dérégulation du travail. Mais où sont les leviers d'innovation productive ?

Ce traité aura-t-il une contrepartie en faveur de la croissance ? Ces mesures restrictives ouvrent-elles au moins la perspective de mettre en commun les dettes et de lancer des emprunts européens pour financer les grands investissements et la croissance décarbonée ? Enfin, où sont la confrontation démocratique, le débat dans ce traité ?

Il faudra rouvrir la discussion avec nos partenaires, une fois les élections passées. Nous devrons renforcer le potentiel de croissance et de solidarité de l'Union européenne, pour que celle-ci reparte du bon pas, celui de l'efficacité et de la justice. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Richard Yung.  - Une évidence : cette réforme de la gouvernance économique et budgétaire européenne se fait dans la confusion ; et l'empilement des textes crée de l'insécurité juridique : Six pack, Two pack, TSCG, MES... On peut redouter des conflits de compétences entre les institutions chargées de les mettre en oeuvre.

Le rétablissement de la stabilité financière passe par davantage d'Europe. Le rééquilibrage du système de surveillance budgétaire suppose de desserrer le carcan : pourquoi la même règle pour dix-sept États dont les situations sont différentes ?

La recherche de l'équilibre budgétaire ne doit pas freiner les investissements, nécessaires à la croissance.

Pourquoi la France ne soutient-elle pas le plan pour la croissance de l'Europe lancé par le Royaume-Uni et l'Italie ? Pour une fois que les Anglais proposent quelque chose d'utile à l'Europe !

Sur la solidarité financière, nous nous sommes exprimés cet après-midi.

Il faut mutualiser les dépenses d'avenir, en dotant l'Union européenne d'une capacité d'emprunt, qui passe par une réforme de la BCE et de la Banque européenne d'investissement. Les États sont endettés mais l'Union européenne ne l'est pas, comme le rappelle souvent M. Bernard-Reymond. Profitons-en.

Le renforcement du contrôle démocratique sur l'intégration budgétaire passe, enfin, par un rôle accru des parlements. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jacques Mézard.  - Le TSCG, arrêté le 30 janvier, devrait être signé en marge du sommet à venir. Je ne reviens pas sur le processus démocratique... Pour nos concitoyens, le coeur du débat, c'est l'emploi, la compétitivité, la croissance.

Comment la juxtaposition de nations aussi développées n'aboutit-elle qu'à une cacophonie, loin des ambitions de peuples qui la composent ? Nous sommes très attachés à la construction européenne et au respect des peuples.

L'Union européenne peine à définir une politique prospective, subissant les événements au lieu de les prévoir. Le TSCG a ainsi été négocié dans l'urgence et hors cadre communautaire ; un accord aurait pu être conclu à traités constants -dixit M. Van Rompuy.

La principale innovation, c'est la règle d'or, dont le non-respect sera sanctionné par la Cour de justice. Le traité consacre aussi la majorité qualifiée inversée, sans remettre en cause des objectifs irréalistes. Les États de la zone euro risquent de s'enfermer dans une rigueur budgétaire absolue, au risque de tuer la croissance. Pour nous, il faut des investissements, qui passent par un renforcement du fédéralisme.

Il n'y a pas d'alternative au renforcement de l'intégration. Il faut, estime M. Patrick Artus, maintenir les mécanismes de financement des déficits publics, avec en particulier des achats de dette publique par la BCE. Cela suppose aussi un véritable budget européen et une stratégie d'investissement.

Nous en sommes loin. Ce traité n'est pas en adéquation avec les enjeux : il conviendrait de ne pas le signer en l'état. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et sur quelques bancs socialistes)

M. Yvon Collin.  - Ce sommet traitera de l'approfondissement de l'intégration budgétaire de l'Union européenne. Le TSCG, voulu par l'Allemagne, est conçu comme la contrepartie au MES : rigueur budgétaire sans faille et règle d'or, au mépris des considérations économiques.

Le traité peut encore être amélioré et renégocié. Les faiblesses de jeunesse de l'euro ne sont pas irréversibles.

La presse anglo-saxonne a prédit la fin de l'aventure et un éclatement de la zone euro. Je n'y crois pas et personne ne doit le souhaiter. L'économiste Olivier Pastré juge qu'à côté d'une implosion de l'euro, la crise des subprimes et la faillite de Lehman Brothers « feraient figure de plaisant accroc conjoncturel ». Le prix Nobel d'économie Paul Krugman écrivait il y a tout juste un an que « toute tentative de remettre en place des devises nationales enclencherait la mère de toutes les crises financières ».

La seule solution est d'aller de l'avant dans l'intégration budgétaire et politique. Relisez nos rapports de 2007 et 2009 appelant à une réelle coordination des politiques en Europe. L'Union européenne doit se doter d'un vrai budget, de ressources propres. Certes, il est plus facile politiquement de prôner un budget européen minimum et à faire de « Bruxelles » le responsable de tous les maux. Mais la sortie de crise passe par plus d'intégration et plus de démocratie. Expliquons l'Europe aux peuples car elle ne se fera pas sans eux. Comme le dit Jean-Pierre Jouyet, « il y a un moment où il faut donner aux gens l'envie d'aimer l'Europe ». (Applaudissements sur les bancs du RDSE et socialistes)

M. Jean Leonetti, ministre.  - Nous avons 26 partenaires, 16 dans la zone euro. Il y a des compromis et donc des traités : aucun n'est parfait mais aucune régulation des marchés financiers ne peut résulter des seules décisions de la France.

Notre tradition jacobine n'est pas celle, décentralisée, de l'Allemagne. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on se méfiait de l'Allemagne, de ses visées hégémoniques toujours possibles. Or celle-ci est soumise à des contrepouvoirs permanents et l'exécutif français est plus fort que l'allemand. Ceux qui dénonçaient un « coup d'État permanent » se sont fort bien accoutumés des institutions de la Ve République.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Pas tous !

M. Jean Leonetti, ministre.  - Notre exécutif fort a ses avantages.

« Voilà ce qu'il faut faire », énoncent les orateurs. Encore faut-il discuter avec nos partenaires, discussions parfois bloquées par un seul, pour des motifs qui peuvent apparaître mineurs.

Antagonisme entre croissance et TSCG ? La rigueur n'empêche pas la relance : en France, nous avons orienté nos dépenses d'avenir sur l'innovation, tout en visant une réduction des déficits.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Il faut emprunter pour investir !

M. Jean Leonetti, ministre.  - En France, un préfet peut mettre une commune sous tutelle en cas de dérapage budgétaire, cela ne choque personne.

M. Michel Le Scouarnec.  - C'est très rare.

M. Jean Leonetti, ministre.  - Parce que la sanction existe et qu'elle est dissuasive.

La Cour de Luxembourg ne peut rien faire d'autre que vérifier la bonne transposition.

On reproche à M. Fillon d'avoir creusé les déficits pour faire de la relance. Mais la gauche veut faire encore plus de déficit !

« Générer l'espoir » ? Nous le voulons tous ! L'espoir est fait de lucidité, de rigueur, de perspectives. Le médecin que je suis sait qu'il vaut mieux être névrosé que psychotique. (Sourires) Je préfère être angoissé dans la réalité que rêver et me réveiller en plein cauchemar. (Exclamations sur les bancs CRC) La réalité budgétaire est ce qu'elle est.

Pour vous, le coupable, c'est l'euro, c'est l'Europe. Et comme il était simple, le monde, quand existait le bloc communiste, sans concurrence. Heureusement, ces pays sont devenus démocratiques et se sont ouverts à la compétitivité.

Mme Cécile Cukierman.  - Du passé faisons table rase ! Construisons un avenir commun !

M. Jean Leonetti, ministre.  - La capacité d'endettement à taux très bas grâce à l'euro -autour de 4 %- a autorisé des excès, devenus manifestes lors de la crise.

Le chômage des jeunes atteint 46 % en Espagne, 23 % en Europe ; le financement de formations et d'apprentissages est indispensable. Il est aisé de jouer à Cassandre, on est sûr de finir par avoir raison -un jour. Comme celui qui prédit que l'on mourra : oui, mais quand ?

L'énergie. De fait, c'est bien un problème d'indépendance et de sécurité. Avec le mix, chaque pays est libre de choisir ses énergies. Avec 11 % des émissions de CO2, l'Europe se comporte bien ; reste à convaincre les autres.

M. Arthuis a répété avec conviction son credo habituel. Il a montré les erreurs et les crises de l'Europe, qui ont été surmontées. Je suis pour un contrôle de la monnaie unique, au niveau de la zone euro, par les chefs de gouvernement et les parlements.

Du Conseil européen, on retiendra, madame Demessine, que la crise a été surmontée parce qu'on va de l'avant. Il n'y a pas de billet retour.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - C'est pourquoi il faut interroger les peuples d'abord !

M. Jean Leonetti, ministre.  - La Grèce n'est pas un laboratoire mais l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire : elle a trois fois plus de fonctionnaires que les pays de taille comparable, cela coûte cher.

M. Alain Néri.  - Faites payer les armateurs !

M. Jean Leonetti, ministre.  - Pourquoi s'insinuerait-on dans les systèmes fiscaux nationaux...

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Vous ne faites que cela !

Mme Michelle Demessine.  - Toujours du côté des riches !

M. Jean Leonetti, ministre.  - L'Europe n'a pas à imposer un type de fiscalité à un pays. Nous le refuserions.

M. Alain Néri.  - Les armateurs grecs ont 800 milliards dans les banques suisses ! Et, de l'autre côté de la société, on impose aux Grecs de vivre avec 480 euros par mois !

M. Jean Leonetti, ministre.  Vouloir faire entrer dans la zone euro tel ou tel pays a sans doute été une erreur, monsieur Chevènement, mais ne parlez pas de bruit des chaînes, l'Europe n'asservit pas, elle a été source de progrès. S'il y a des chaînes, ce sont celles des dettes. Les euro-bonds, tout le monde est pour en principe, encore faut-il en accepter la discipline. La droite n'aime pas trop que je cite Rousseau mais je n'hésite pas à le faire : « l'obéissance à la loi qu'on s'est fixée est liberté ».

M. Bizet a bien vu la globalité du projet, autour du MES. C'est une construction européenne et quand les États seront soumis à la discipline budgétaire, l'Union européenne devra dépenser mieux, pour la recherche, l'innovation.

M. Alain Néri.  - Dix ans que vous êtes aux affaires !

M. Jean Leonetti, ministre.  - Monsieur Gattolin, vous avez cité M. Valéry Giscard d'Estaing. Il se souvient du référendum de 2005 ! Si la règle d'or doit être adoptée dans notre pays, je ne vois pas comment elle pourrait l'être par référendum. (Protestations sur les bancs CRC ; Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste également) La Hongrie doit se soumette aux demandes de l'Union européenne, elle a répondu positivement aux trois demandes qui lui étaient faites.

M. Richard évoque la BCE. Si les États-Unis ne se trouvent pas dans la même situation, c'est qu'il y a là-bas moins de disparités entre les États... et une banque centrale, comme en Grande-Bretagne. Mais la BCE intervient, dans sa liberté et son indépendance, elle vient au secours des États.

M. Jean Bizet.  - 500 milliards d'euros !

M. Jean Leonetti, ministre.  - Nombre de mesures visent les grands projets, facteurs de croissance à l'échelle européenne.

Confusion, a dit M. Yung. Il a peut-être participé à celle qu'il dénonce. Une harmonisation sociale et fiscale est nécessaire, je pense à l'âge de la retraite. La convergence apporterait plus de clarté. Pourquoi refuser le plan de croissance du Royaume-Uni ? Parce qu'il propose un marché totalement libre, alors que nous sommes attachés à la réciprocité, à la protection sociale, etc.

Renégocier le traité ? Cela ne s'est jamais vu, après ratification.

Au Conseil des affaires générales, ce matin, un membre a posé la question de la renégociation : ce fut la consternation, non les sourires.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Rira bien qui rira le dernier !

M. Jean Arthuis.  - Il ya eu le précédent d'Amsterdam...

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Exactement.

M. Jean Leonetti, ministre.  - Un important membre du SPD, qui rêve de succéder à Mme Merkel, juge la vision de M. Hollande et du parti socialiste français « naïve »... (Exclamations à gauche)

M. Alain Néri.  - Mieux vaut être naïf que pervers !

M. Jean Leonetti, ministre.  - L'étape actuelle est imparfaite, j'aurais souhaité plus d'intégration, un MES plus fort encore, à 750 milliards d'euros et au-delà. Malgré les polémiques, l'Europe avance dans l'intégration : et aucun gouvernement ne la remettra en cause. (Applaudissements à droite et au centre)

M. le président.  - Nous allons passer au débat interactif et spontané.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Le ministre semble considérer que l'harmonisation fiscale n'est pas un objectif européen... Aucune conditionnalité n'a été imposée à l'Irlande, dont Nicolas Sarkozy dénonçait il y a peu le dumping fiscal. Mais quand il s'agit des salaires et des avantages sociaux, que d'obligations !

Que prévoient le traité et le Conseil en matière fiscale ? Ne vous en déplaise, un traité qui n'est pas ratifié doit être renégocié. A l'heure où vous vous apprêtez à engager la parole de la France, vous avez la responsabilité de dire à nos partenaires qu'une partie de l'opposition refuse le TSCG. Vous devriez vous abstenir de le signer ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean Leonetti, ministre.  - Drôle de conception du pouvoir, fort au lendemain d'une élection, puis se délitant au fil du temps... au point qu'il faudrait cesser d'agir avant les élections, même en pleine crise, car l'opposition pourrait venir au pouvoir. Ce n'est pas notre conception de la responsabilité politique et de la démocratie. Nous répondons avec courage aux événements. Vous n'avez pas eu le courage de voter le MES.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Moi, j'ai voté contre !

M. Jean Leonetti, ministre.  - Si demain, notre pays choisit de mettre l'Europe en danger, il servira bien les intérêts des spéculateurs. On peut toujours proposer le chaos... (Protestations à gauche)

M. Alain Néri.  - Celle-là, on nous l'a faite maintes fois depuis 1958.

M. Jean Leonetti, ministre.  - L'Union européenne incite les États membres à renoncer au dumping fiscal et social, mais elle ne peut imposer la baisse du niveau des retraites ici, des salaires là ; elle donne des règles communes à 27 États qui ont tous leur personnalité. Si l'Église orthodoxe grecque n'est pas imposée, c'est de la responsabilité du gouvernement grec.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Un groupe de douze pays, mené par le Royaume-Uni, a adressé au président de la Commission une lettre en faveur d'un plan de relance de la croissance européenne. Ces propositions très libérales ne sont pas signées par la France ni l'Allemagne. Certes, le plan, fondé sur la dérégulation, est une réponse au plan de l'Allemagne. Plan de l'Angleterre, monsieur le ministre ? C'est un peu réducteur ! Faut-il le balayer d'un revers de main ?

M. Jean Leonetti, ministre.  - La proposition est d'inspiration extrêmement libérale. Certains points sont très positifs : accès aux marchés publics par les petites entreprises, ouverture des marchés qui ne concernent pas des services culturels ou de proximité.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Mais bien sûr !

M. Jean Leonetti, ministre.  - Cependant, nous sommes attachés aux règles des marchés publics et hostiles à la déréglementation de tous les marchés. Raison pour laquelle la France n'a pas signé cette lettre. Nous entendons conserver les services publics et sommes attentifs concernant la directive Marchés publics.

Réorienter les budgets sur le numérique, la recherche, l'économie verte et la formation est excellent mais le plan des douze pays contient des éléments que la France ne peut accepter.

M. Jean-Yves Leconte.  - Quid du statut de candidat pour la Serbie ? L'Union européenne représente pour un tel pays une perspective de paix et de progrès. Quelle sera la position de la France ?

Sur l'espace Schengen, la position de la France va-t-elle vers une suppression des visas pour les ressortissants de la fédération de Russie ? Qu'en est-il des Turcs ? Nous pouvons travailler ensemble sur les droits de l'homme et ce serait un geste bienvenu que de supprimer leurs visas vers la zone Schengen. Les déclarations de M. Guéant à Ankara étaient claires.

M. Jean Leonetti, ministre.  - La Turquie n'a pas vocation à entrer dans l'Union européenne.

M. Jean-Yves Leconte.  - Ce n'était pas le sens des propos de M. Guéant à Ankara.

M. Jean Leonetti, ministre.  - Il n'y a pas de suppression des visas envisagée avec la Turquie ; avec la Russie, des discussions sont en cours.

La France estime que la Serbie a fait beaucoup d'efforts, livrant ses criminels de guerre au tribunal pénal international, normalisant ses relations avec la Croatie, renouant le dialogue avec le Kosovo. Les demandes de l'Europe ont été satisfaites. La guerre est récente en Serbie et j'ai pu constater de mes yeux le souhait d'adhérer des uns, mais aussi le refus agressif d'autres Serbes ; ne renvoyons pas le pays à ses démons nationalistes. Tous les États des Balkans ont vocation à entrer dans l'Union européenne. La France appuie la demande de la Serbie pour obtenir le statut de candidate.

Certes, un pays s'oppose encore : la Roumanie considère que le traitement de la minorité roumaine du Banat est discriminatoire ; cependant, le Conseil des affaires générales a envoyé un message positif à la Serbie et j'espère que nous aboutirons lors du Conseil européen.

Communes « Compagnon de la Libération » (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion générale sur la proposition de loi modifiant la loi du 26 mai 1999 créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ».

Discussion générale (Suite)

M. Jean Boyer.  - Février 2012 marquera un temps important dans notre politique de la mémoire : nous aurons renforcé le 11 novembre et conforté l'Ordre des compagnons de la Libération.

Aujourd'hui, il reste 28 membres de l'Ordre ; bientôt, seules demeureront les cinq villes distinguées, qui feront vivre ce bel insigne, qui porte la Croix de Lorraine, donc le souvenir de ce grand Français qui lança un message à la nation par la voie des airs. Un souvenir d'enfance : à 7 ans et demi, je gardais le petit troupeau familial, un 15 août, quand des avions lâchèrent des centaines de tracts, dont je me souviens parfaitement soixante huit ans plus tard : ils annonçaient le débarquement dans le Midi, la jonction des forces alliées et la victoire certaine.

Depuis 1946, l'Ordre s'éteint progressivement, même si une trentaine résiste encore dans le combat de la vie. Il y aura un relais, grâce à ce texte, grâce à Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l'île de Sein. Faisons notre devoir à l'égard de ceux qui ont fait le leur et adoptons ce texte. (Applaudissements)

M. Jacques Gautier, rapporteur.  - Superbe !

M. Alain Néri.  - Je veux rappeler l'importance du devoir de mémoire à l'égard de ceux qui défendaient la liberté, assassinée en 1940. Comme le rappelaient les déportés, « plus jamais ça » pour les générations futures. La médaille, décernée la première fois en 1941 à Brazzaville, pour la dernière fois en 1946, porte une belle devise : « En servant la patrie, il a remporté la victoire » sur la barbarie nazie.

L'Ordre de la Libération est indispensable. Il s'inscrit tout entier dans la Seconde Guerre mondiale. A la différence d'autres distinctions, l'Ordre est le deuxième au plan national.

Dans cet esprit de résistance prévaut l'idée que quelques-uns peuvent sauver l'honneur ; que le chemin de l'exil peut être celui de la liberté. Dans les maquis, les Forces françaises libres, les Forces françaises de l'intérieur s'est créé le programme du Conseil national de la Résistance, à rappeler aujourd'hui. Le combat contre l'idéologie nazie fut aussi celui pour la démocratie.

FFI ou FFN, ouvrier ou paysan, riche ou pauvre, unis par le même courage autour du même message :

« Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?

« Ami, entends-tu les cris sourds d'un pays qu'on enchaîne ?

« Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c'est l'alarme.

« Ce soir, l'ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes. »

Parmi les hommes décorés de cet insigne, combien avaient trouvé la mort avant 1945 ? Nombre d'étrangers ont également été décorés. Les compagnons ne sont plus que 28, bientôt il ne restera que les cinq villes décorées.

Soyons fiers de ceux qui nous ont légué ce message de dignité et de courage. La Résistance doit continuer à vivre dans nos mémoires, surtout chez les plus jeunes. Soyons dignes de nos résistants, de leur sens de l'honneur et du sacrifice. Nous perpétuerons leur mémoire à travers Nantes, première ville décorée ; Paris, martyrisée mais libérée ; Vassieux, symbole du martyre du Vercors ; l'Ile de Sein, qui envoya tous ses pêcheurs rejoindre le général de Gaulle à Londres ; Grenoble, enfin, qui paya son courage de centaines de déportations et d'arrestations.

Ces villes, unies par le pacte d'amitié de 1981, sauront assumer la pérennité de l'Ordre, au-delà de l'espérance de vie des derniers compagnons.

En votant cette proposition de loi, qui perpétue la flamme de la Résistance, nous rendons hommage à ceux qui ont rendu son honneur à la France. C'est le message des résistants : vive la République, vive la France. (Applaudissements)

Mme Michelle Demessine.  - Cette proposition de loi transcende les clivages politiques qui ne sont que l'expression normale de la démocratie. Elle ne saurait être suspectée d'arrière-pensées politiciennes.

L'Ordre de la Libération, créé à Brazzaville en 1940, consacre la reconnaissance de la France libre. Il incarne la continuité de la France face aux décorations pétainistes, à commencer par la francisque. A côté de héros modestes, des villes et des unités combattantes ont été distinguées. Ces hauts lieux de la Résistance, par leur exemplarité, méritaient cette distinction. Ce texte résout les problèmes juridiques et techniques qui résultent de la loi de 1999 créant l'Établissement public qui assumera la gestion de l'Ordre.

J'approuve le choix judicieux du Mémorial de la France combattante, à Suresnes, adossé au Mont-Valérien, pour accueillir le musée de l'Ordre.

Cette proposition de loi est pleinement justifiée. Le groupe CRC se félicite de permettre, en la votant, la continuation du devoir de mémoire. (Applaudissements)

M. Robert Tropeano.  - Récompenser les personnes, les unités militaires et les communautés civiles qui, dans les sables de Bir Hakeim, les neiges de Russie et les verts pâturages normands, ont rendu un service exceptionnel à la Résistance, tel est l'objet de l'Ordre des Compagnons de la Libération. Ce texte rassembleur doit être l'occasion d'honorer leur mémoire.

Je rappelle que treize sénateurs ont été compagnons de la Libération.

Le groupe du RDSE votera unanimement la proposition de loi.

La loi du 26 mai 1999 créant un établissement public national à caractère administratif devait être adaptée. La gestion directe du musée de la Libération va dans le bon sens. La possibilité de recruter des contractuels doit être préservée. Ne pas dépendre que de subventions ménage une petite marge d'autonomie.

Nous approuvons sans réserve ce texte, qui honore aussi tous les combattants de l'ombre et tous les Résistants de l'intérieur. Ils ont servi les idéaux républicains de liberté et de fraternité, chers aux membres du groupe du RDSE.

M. André Gattolin.  - Nous restons fidèles à ceux qui ont servi la France libre, qui ont su refuser Vichy et l'allégeance au totalitarisme. En 1999, la création de l'établissement public administratif destiné à succéder au Conseil de l'Ordre était bienvenue. Il s'agit aujourd'hui d'en assurer la bonne marche. Cette proposition de loi règle le devenir du musée de l'Ordre créé par le général de Gaulle. L'autonomie accrue ne doit pas s'accompagner d'une baisse des ressources : nous y serons attentifs.

La mise à disposition par le ministère de la défense de trois emplois à temps plein de fonctionnaires a cessé et, même si une allocation a été accordée pour 2011 et 2012, leur remplacement par des contractuels n'est jamais bon signe... Je regrette également que les ressources de l'Ordre s'appuient sur des recettes commerciales, l'État se désengageant. En revanche, l'autonomie laissée au pouvoir réglementaire pour l'entrée en vigueur est pertinente.

En dépit des limites que nous avons signalées, ce texte doit être voté conforme, pour perpétuer l'héritage de l'Ordre.

Permettez-moi de conclure en évoquant Stéphane Hessel, dont je suis proche. Il prouve que l'esprit de la Résistance n'est pas seulement un souvenir. Son combat fut celui de l'indignation contre le nazisme. Pour conserver l'héritage des Résistants, cultivons l'indignation, refusons la spoliation des avancées sociales du programme du Conseil national de la Résistance.

Si nous avions su honorer l'héritage de la Résistance, nous ne connaîtrions pas cette société où l'on remet en cause les retraites, où l'on rejette les immigrés, les sans-papiers.

Malgré les lacunes, nous voterons la proposition de loi. Vive la France, vive la France libre ! (Applaudissements)

M. René Beaumont.  - Le texte nous ramène aux heures de 1940, sombres mais avec une pointe d'espoir : en témoigne le vert du ruban. Décoration exceptionnelle pour récompenser une conduite exceptionnelle. C'est ainsi que le général de Gaulle, chef de la France libre, récompense ceux qui se sont illustrés contre la barbarie nazie. Aux 1 038 hommes et femmes s'ajoutent cinq communes. Déposée à deux reprises, dissolution oblige, la loi de 1999 a créé le Conseil national des communes de l'Ordre, un établissement public administratif, pour prendre la succession du Conseil de l'Ordre. Il garantit la poursuite des actions mémorielle menées par le Conseil auprès de générations qui ont toujours vécu en paix et en ignorent parfois le prix.

Cette proposition de loi autorise des ajustements juridiques pour assurer la pérennité et la transmission des valeurs de l'Ordre. Je me réjouis au nom du groupe UMP de son adoption unanime par l'Assemblée nationale et du consensus au sein de la commission des affaires étrangères du Sénat pour l'adopter conforme. Preuve que les questions de mémoire nationale transcendent les clivages politiques. Tant mieux car il y va de l'honneur de ces valeureux compagnons. (Applaudissements)

M. Jacques Chiron.  - Je remercie les auteurs de cette proposition de loi, le maire de Grenoble, M. Destot, et le président Accoyer. L'EPA créé en 1999 aura pour mission de faire vivre la mémoire des compagnons disparus. Le pacte d'amitié créé en 1981 par les cinq communes décorées témoigne de leur engagement en ce sens. Élu de Grenoble, je tenais à vous remercier du soutien unanime à cette proposition de loi. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté, ainsi que les articles 2, 3 et 4.

L'ensemble de la proposition de loi est adopté.

M. le président.  - C'est l'unanimité.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 29 février 2012, à 14 h 30.

La séance est levée à 1 heure.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mercredi 29 amrs 2012

Séance publique

A 14 heures 30 et le soir

1. Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012.

2. Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports.

3. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la majoration des droits à construire.