Transparence de la vie publique (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence de la vie publique.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen de l'amendement n°81 rectifié, au sein de l'article 2.

Discussion des articles du projet de loi organique (Suite)

ARTICLE 2 (Suite)

M. Jean-Pierre Sueur rapporteur de la commission des lois.  - Suite aux annonces qui viennent de nous être faites, il me semblerait bienvenu que les cosignataires d'un amendement s'emploient à son adoption. Toutes les positions sont légitimes dans cette enceinte mais la clarté est toujours préférable à l'obscurité, dans le calme et dans l'écoute, qui ne peuvent que favoriser la démocratie.

La séance a été levée vendredi soir avant le vote des sous-amendements à l'amendement n°81 rectifié, qui, défendu par M. Anziani, réécrivait l'article 2 en reprenant les acquis du vote en commission.

Le sous-amendement n°169 rectifié du Gouvernement, qui sera le premier à être appelé, propose, comme d'autres, d'aménager la règle de début d'activité nouvelle en cours de mandat, en prévoyant une autorisation au cas par cas du bureau des assemblées.

Mais l'article 25 de la Constitution confie au législateur organique le soin de déterminer les incompatibilités, les bureaux des assemblées n'ayant qu'une compétence secondaire, d'application. En cas de doute, c'est toujours le Conseil constitutionnel qui se prononce en dernier ressort. En votant ce sous-amendement, madame la ministre, le législateur se mettrait en situation d'incompétence négative. La marge d'appréciation laissée au bureau poserait, de surcroît, un problème au regard du principe d'égalité. La commission des lois demande donc le retrait de ces sous-amendements.

M. Gérard Longuet.  - L'affaire est en effet difficile. Ces propos traduisent une fois de plus les conséquences négatives de la procédure accélérée. On se trouve conduit à choisir entre deux mauvaises solutions. Le sous-amendement du Gouvernement me semble, cependant, pertinent.

Les incompatibilités sont faites pour garantir l'indépendance des parlementaires mais cela doit se concilier avec le principe de libre choix de l'électeur. Il y a eu des cas historiques. Ainsi s'est-on demandé, naguère, si les religieux pouvaient être candidats. La réponse fut oui, et il y eut des religieux qui ont su faire preuve de leur indépendance et se sont révélés des parlementaires prestigieux. (M. Henri de Raincourt approuve)

Or, ce texte interdit à tout parlementaire l'exercice d'une profession, celle de conseil, et d'engager une activité nouvelle en vue d'une reconversion -chose d'autant plus nécessaire avec les règles du non-cumul que le Gouvernement entend promouvoir. L'amendement du Gouvernement, même si la solution retenue n'est pas satisfaisante, a le mérite de poser le problème. C'est pourquoi, à titre personnel, je m'abstiendrai. En l'absence de navette, aucune des solutions n'est satisfaisante et il faudra, en tout état de cause, solliciter le Conseil constitutionnel.

M. Vincent Delahaye.  - Vendredi soir, nous en étions aux amendements et sous-amendements en discussion commune. Le rapporteur avait déjà donné ses avis. Nous aurions dû reprendre avec ceux du Gouvernement...

M. Sueur a sans doute raison, au plan constitutionnel, de demander le retrait du sous-amendement du Gouvernement mais je rejoins Gérard Longuet. Veut-on des parlementaires à temps plein ou des parlementaires exerçant d'autres activités, représentant la diversité de la société française et enrichissant par là leur travail de législateurs ? Je suis, pour moi, partisan de la seconde solution. J'avais, avant d'être parlementaire, une activité de conseil. Si cette activité a pu poser des problèmes dans les cabinets ministériels, il n'en est pas de même au Parlement. Je ne comprends pas qu'on nous montre ainsi du doigt.

M. le président. - Je vais mettre aux voix les sous-amendements.

Le sous-amendement n°169 rectifié n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement n°187.

M. Gérard Longuet.  - Le sous-amendement n°189 vise à interdire le conseil, y compris pour les experts comptables et les avocats. Je voterai contre.

M. Vincent Delahaye.  - Vendredi, les avis du Gouvernement n'ont pas été donnés...

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Si.

M. le président.  - Ils l'ont été, en effet. Sur le sous-amendement n°189, l'avis du Gouvernement était défavorable.

Le sous-amendement n°189 n'est pas adopté,

non plus que les sous-amendements nos182, 183, 184, 190, et 170 rectifié.

Le sous-amendement n°154 est adopté.

M. Gérard Longuet.  - Le groupe UMP est hostile à faire des parlementaires des professionnels exclusifs de leur fonction, privés du droit d'exercer toute activité professionnelle nouvelle, de même que celle de conseil -laquelle n'a rien de déshonorant. L'article mutile profondément la profession d'avocat. Nous ne voterons pas l'amendement n°81 rectifié et attendons la décision du Conseil constitutionnel. Que sa sagesse nous éclaire !

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°81 rectifié, sous-amendé, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 201
Contre 139

Le Sénat a adopté.

L'article 2 est ainsi rédigé.

Les amendements suivants à l'article 2 deviennent sans objet.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°112 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 8 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il est inséré un article 8-1 ainsi rédigé :

« Art. 8-1. - I. - Les magistrats veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflits d'intérêts.

« II. - Dans les six mois suivant leur entrée en fonction puis tous les deux ans, les magistrats sont tenus de déclarer leur patrimoine et leurs intérêts à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique dans les conditions prévues par l'article 1er de la loi organique n°.... du.... relative à la transparence de la vie publique.

« Le modèle, le contenu et les conditions de mise à jour et de conservation de la déclaration d'intérêts sont fixés par décret en Conseil d'État.

« Ces déclarations d'intérêts ne sont communicables qu'à l'intéressé. »

M. Pierre-Yves Collombat.  - Cet amendement entend soumettre les magistrats de l'ordre judiciaire aux mêmes obligations de déclaration que les parlementaires.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - La question mérite certes examen mais relève d'un autre texte puisqu'il s'agit du Conseil supérieur de la magistrature...

M. Jean-Jacques Hyest.  - Non ! Il s'agit du statut de la magistrature ; il faut une loi organique.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Mais ce n'est pas l'objet de celle-ci. Défavorable.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille.  - Eu égard à la spécificité de leurs fonctions, les magistrats feront l'objet d'un autre projet de loi, en cours d'élaboration par le ministère de la justice. Défavorable.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je maintiens l'amendement. Puisqu'on examine à la loupe tout ce qui a un semblant de pouvoir dans ce pays, il faut aussi penser à l'autorité judiciaire.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Si j'ai bien compris, le projet de loi organique en préparation pourrait envisager que, dans certains cas, les magistrats pourraient être considérés comme les parlementaires, avoir des conflits d'intérêt ? Cela justifie une loi organique spécifique qu'il est sage d'attendre.

M. Michel Mercier.  - Le statut des magistrats relève d'un texte organique. Certes, mais particulier qui vise le statut. M. Sauvé, dans le cadre de la commission qu'il présidait sur la réforme des institutions, appelait d'ailleurs à une loi organique spécifique.

L'amendement n°112 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°109, présenté par MM. Collombat, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Chaque assemblée parlementaire met à la disposition du public un dispositif permettant de rendre compte de façon accessible et agrégée de l'activité de l'ensemble des parlementaires.

M. Pierre-Yves Collombat.  - On parle beaucoup des manquements à la probité, mais on ne dit rien du travail effectif des parlementaires. Chaque assemblée parlementaire devrait publier, de façon agrégée et facilement accessible, l'activité de chaque parlementaire afin que chaque électeur puisse s'informer. La qualité du travail parlementaire dépend beaucoup de la multiplicité des opinions exprimées.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Cet amendement ne relève assurément pas de la loi organique, et sans doute pas même de la loi, mais de la liberté des bureaux des assemblées parlementaires.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Le Gouvernement est très respectueux de la vie interne des assemblées, Sagesse.

M. Pierre-Yves Collombat.  - La capacité du président Sueur à user d'arguments alternatifs m'émerveille mais ce n'est qu'une façon de botter en touche dès qu'un problème de fond est posé. Pour qu'une assemblée joue son rôle, il faut que ses membres soient présents, c'est ce qui justifie leurs indemnités.

On met en place un dispositif très contraignant sur les conflits d'intérêt mais quand il s'agit de faire la transparence sur le travail des parlementaires, c'est autre chose... Je maintiens l'amendement.

Mme Nathalie Goulet.  - Je profite de cet excellent amendement pour rendre hommage aux services, dont le service informatique du Sénat, qui permettent que soient connues nos activités. Mais dès lors que la commission compte plus que la séance, on ne peut s'étonner de voir l'hémicycle déserté. Au point qu'il faudra revoir un jour la question du vote par paquet. D'où un excellent amendement à notre Règlement, que j'avais déposé. Cela dit, l'amendement relève du Règlement des assemblées. Je ne le voterai pas.

M. Vincent Delahaye.  - Pour moi, les parlementaires devraient être rémunérés à la présence. Et l'activité parlementaire devrait faire l'objet de rapports complets. Je voterai cet amendement.

Mme Catherine Procaccia.  - Certains se plaignent de classements affichés sur certains sites, dont l'un concerne les sénateurs. Retracer les présences en commission ou en séance ne donne pas un panorama complet de notre travail. On peut ainsi se rendre à un colloque pour notre travail. En tout cas, mieux vaut que le recensement soit fait par le Sénat plutôt que par un organisme extérieur.

M. Alain Anziani.  - Le site du Sénat recense déjà notre activité, rapports, interventions en séance et en commission... Notre collègue demande que cela soit agrégé. Une autre façon de faire, c'est de sanctionner l'absentéisme, comme l'a fait l'Assemblée nationale. Notre bureau s'est saisi de la question, pour que soit sanctionné l'absentéisme.

M. Jean-Claude Requier.  - Je voterai l'amendement. On recense les rapports ou les interventions en commission mais quand on est un jeune parlementaire, il n'y est pas facile, face aux poids lourds, de prendre la parole... Il faudrait aussi recenser la présence.

Mme Éliane Assassi.  - Cela vole haut !

L'amendement n°109 n'est pas adopté.

ARTICLE 2 BIS A

M. le président.  - Amendement n°82 rectifié, présenté par MM. Sueur, Anziani et J.P. Michel.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L'exercice des fonctions de membre du Conseil constitutionnel est incompatible avec l'exercice de toutes fonctions publiques et de toute autre activité professionnelle ou salariée. Les membres du Conseil constitutionnel peuvent toutefois se livrer à des travaux scientifiques, littéraires ou artistiques. » ;

M. Alain Anziani.  - Cette dernière précision pour ne pas réfréner la créativité des membres du Conseil constitutionnel.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - La commission est favorable.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Le Gouvernement l'est aussi. La dérogation est classique et figure par exemple dans la loi organique relative au statut des magistrats.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je suis favorable, sous réserve d'une modification pour préciser que les membres du Conseil constitutionnel peuvent se livrer à des travaux scientifiques, littéraires ou artistiques pourvu qu'ils soient sans rapport avec leur activité au Conseil. On a vu, récemment, un membre du Conseil constitutionnel commenter ses décisions, ce qui est inadmissible ; et son président écrire des romans policiers, ce qui lui permet de venir à la télévision mais ne va pas dans le sens de l'élévation de sa fonction...

M. Gérard Longuet.  - Je propose une autre rectification pour préciser que ces activités doivent être non rémunérées. Car il est rare que les membres du Conseil soient sollicités par un éditeur sans que cela soit en rapport avec leur activité. Certes, Edgar Faure n'a écrit que des romans policiers...

Mme Catherine Procaccia.  - Comme Jean-Louis Debré.

M. Gérard Longuet.  - ...sous le nom d'Edgar Sanday. Reste qu'il serait prudent d'exclure la possibilité d'être rémunéré.

M. Éric Doligé.  - Je rejoins Gérard Longuet. Selon qu'il y a rémunération ou non, cette activité peut changer de nature... Et s'ils ne se livrent pas à ces activités, ils risquent, pour certains, de s'ennuyer...

Mme Catherine Procaccia.  - Pas avec nous !

M. Alain Anziani.  - Je crois que la proposition de Jean-Pierre Michel est propre à éviter les conflits d'intérêt. Cela évitera que les membres du Conseil s'expriment sur ses décisions... et parfois dans des sens contraires.

En revanche, la question de la rémunération pose problème. Un membre du Conseil peut écrire un roman : que fera-t-on de ses droits d'auteurs ?

M. Philippe Bas.  - Le caractère excessif de l'amendement me gêne. Ne prévoir de dérogation que pour les travaux visés est très restrictif. Imaginons qu'un membre du Conseil constitutionnel soit médecin : il ne pourra plus exercer. Toute activité rémunérée peut certes donner lieu à des dérives mais c'est vraiment aller trop loin que de les interdire quasiment toutes sous ce motif. Je voterai contre l'amendement.

M. Michel Mercier.  - L'amendement initial me paraît équilibré. L'exception reconnue pour les travaux scientifiques, littéraires et artistiques est traditionnelle.

Je me souviens de commentaires de François Luchaire, éminent spécialiste du droit de l'outre-mer, doyen de Paris-I et juriste éminent, qui étaient éclairants. Pourquoi le droit constitutionnel devrait-il rester secret ? Pourquoi interdire les travaux scientifiques ? Nous sommes là à un niveau de détail inadéquat. Je ne voterai pas l'amendement rectifié.

M. Jean-Pierre Michel.  - Que François Luchaire ou Georges Vedel commentassent les décisions auxquelles ils avaient participé, soit, mais quid des opinions minoritaires ?

Mme Nathalie Goulet.  - Quel rapport ?

M. Jean-Pierre Michel.  - On voit bien vers quoi inclinait celui qui fait des commentaires. La Cour constitutionnelle allemande fonctionne autrement, qui publie les opinions minoritaires.

M. Yann Gaillard.  - La rédaction de cet amendement, sans doute bien intentionné, est franchement comique ! C'est aller un peu loin !

Mme Esther Benbassa.  - Si les membres du Conseil constitutionnel écrivent des poèmes, des romans, peignent des tableaux, ce ne sera pas plus mal ! (Rires) Va-t-on leur interdire de penser ? Les arts adoucissent les moeurs. La charge des membres du Conseil est prenante mais pas très égayante. Si l'on va par là, on va bientôt interdire aux parlementaires d'écrire, de penser...

M. Roger Karoutchi.  - De parler ! (On renchérit à droite)

M. Alain Anziani.  - Revenons-en donc à la rédaction initiale.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Après cet intéressant débat...

M. Henri de Raincourt.  - Oh oui !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - ...je propose d'en revenir à l'article d'origine, largement adopté par la commission. Restons-en là. Quant au lien avec les activités du Conseil constitutionnel, référons-nous en à l'éthique, qui découle de l'indépendance des membres du Conseil constitutionnel et du secret des délibérations, interdisant l'accès au compte rendu avant vingt-cinq ans. Vous avez évoqué un auteur de romans policiers... mais si on lit de près ce genre de roman, on y décèle de nombreux rapports avec la vie...

L'amendement n°82 rectifié n'est pas adopté.

L'article 2 bis A n'est pas adopté.

ARTICLE 2 BIS

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'article 2 bis.

M. Gérard Longuet .  - Pour représenter la société française, il faut accepter sa diversité, accepter que les parlementaires aient une vie professionnelle, une vie indépendante et puissent, le cas échéant, bénéficier, grâce à leur travail, de recettes. Rappel historique : l'écart de rémunération dans la fonction publique est passé ? depuis 1914 ? de 1 à 16 à 1 à 6. Le pouvoir d'achat des parlementaires, comme celui des hauts fonctionnaires, s'est dégradé. Alors, battons notre coulpe mais la vérité, c'est cette dégradation sur le long terme.

M. Éric Doligé .  - Je regrette en effet que les parlementaires soient de plus en plus enfermés dans leur rôle. On aboutira à ne plus exercer que sa seule profession de parlementaire. On perdra vite pied, avant de revenir, éventuellement, à la vie civile... sauf les fonctionnaires qui continuent à progresser dans leur carrière.

Quand on est dans l'exécutif d'une collectivité, on prend conscience des conséquences des textes votés ici. Attention à ne pas se déconnecter des réalités de la société ! La proximité est essentielle.

M. Alain Anziani .  - Il y a deux conceptions de la démocratie dans les pays développés. Aux États-Unis, tout ce que nous venons de dire serait irrecevable. On n'y peut être parlementaire et exercer une autre profession, sauf pour un chirurgien, par exemple, afin qu'il ne perde pas la main et sous condition de plafonnement de la rémunération de ladite profession, ce qu'avait proposé la commission Hyest.

M. Henri de Raincourt.  - Nous n'avons pas les mêmes indemnités !

M. Alain Anziani.  - Peut-on exercer deux métiers en même temps ?

Mme Nathalie Goulet .  - Cet article pose le problème des rapports des Français avec l'argent. Les revenus des parlementaires américains ne sont pas alignés sur ceux de la fonction publique. Les nôtres, qui le sont, se sont beaucoup dégradés -à commencer par l'indemnité représentative des frais de mandat, dont on reparlera...

N'allons pas priver le parlementaire de revenus extérieurs -même s'il faut rester très vigilant sur les conflits d'intérêt. Ce serait les priver d'indépendance à l'égard des partis politiques, auxquels ils seraient inféodés.

Mme Éliane Assassi.  - N'importe quoi ! Vous êtes élus grâce à qui ?

M. Philippe Bas .  - M. Anziani a élargi le débat. J'exprime mon désaccord. De mon point de vue, la fonction parlementaire n'est en aucun cas un métier. Pour devenir parlementaire, il faut en général renoncer à son activité professionnelle antérieure, ce qui n'exclut pas qu'on puisse l'exercer à titre accessoire. Les mots ont un sens : les parlementaires reçoivent non un salaire ou un traitement mais une indemnité. Elle est égale pour tous. On pourrait tenir compte des revenus antérieurs. Nombreux sont les parlementaires qui perdent du revenu en entrant au Parlement. D'autres en gagnent. Tous les parlementaires ne sont pas d'anciens professeurs de collège, que cela plaise ou non. Soyons donc prudents dans les dispositions que nous prenons.

L'excès de législation envahit la vie sociale. Revenons à la sagesse de nos prédécesseurs. Il y a trente ou quarante ans, on légiférait moins et la France se portait mieux.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Cela n'a rien à voir avec l'article.

M. Roger Karoutchi .  - Je n'ai pas d'état d'âme. Je viens de la fonction publique et n'exerce pas d'autre métier. La situation américaine n'est pas comparable à la nôtre. Au Japon et ailleurs, lorsqu'un parlementaire est élu, on lui garde sa place dans son entreprise, à vie. En France, le statut du parlementaire a été fait pour des fonctionnaires qui n'ont d'autres horizons que le service de l'État. Respectons notre tradition mais veillons à ne pas refermer le Parlement sur lui-même, à l'écart de la vie quotidienne des Français.

M. Jean-Jacques Hyest .  - On s'éloigne du sujet.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest.  - On a cité l'exemple américain, pensons aussi aux parlements d'Europe où le système d'interdiction n'est pas de mise, ni au Royaume-Uni, ni en Italie, ni en Allemagne.

Pour éviter les conflits d'intérêt, il y a le système d'incompatibilités, souvent modifié à la suite de scandales. S'il faut comparer notre indemnité, que ce ne soit pas avec celle d'un parlementaire américain. Aux États-Unis, le Sénat est tout-puissant ! Et les groupes de pression fonctionnent là-bas de manière toute différente... Notre système est globalement meilleur. Ne battons point notre coulpe en permanence. Combattons les conflits d'intérêt mais n'en rajoutons pas !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur .  - Un point d'ordre : nous devons achever l'examen de cette loi organique et celui de la loi ordinaire, sur laquelle nous avons quelque 180 amendements. Revenons-en à l'article 2 bis. Nous débattons de choses passionnantes, sans rapport direct avec son objet...

M. Philippe Bas.  - Mais qui valaient d'être dites !

M. Éric Doligé.  - On est en urgence.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - ...qui porte sur la nomination des ministres.

L'article 2 bis propose que la personne nommée ne perçoive pas, pendant le mois où elle peut disposer de son droit d'option, d'indemnité parlementaire.

M. Henri de Raincourt.  - Personne ne la touche.

M. Éric Doligé.  - Cela n'a aucun intérêt.

Mme Laurence Rossignol.  - Je renonce à la parole... pour l'instant !

M. Philippe Bas.  - Quels sont les cas de parlementaires nommés ministres ayant été payés pendant ce mois ? A la lumière de la réponse du Gouvernement, nous déterminerons notre vote.

M. Alain Richard .  - Cet article ne fait que reprendre la pratique du secrétariat général du Gouvernement depuis une génération au moins.

L'article 2 bis est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°77, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au troisième alinéa de l'article 4 de l'ordonnance n°58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement, après le mot : « électoraux », sont insérés les mots : « , qui exerce d'autres activités professionnelles ».

Mme Éliane Assassi.  - M. Longuet, d'après ce que je l'ai entendu dire, devrait être d'accord avec nous pour sécuriser les parcours professionnels des chômeurs et leur permettre de retrouver un emploi...

Des élus exercent une activité professionnelle. Nous proposons de limiter les revenus qu'ils peuvent percevoir de ce fait afin d'éviter tout risque de conflit d'intérêt.

M. le président.  - Amendement n°32 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 4 de l'ordonnance n°58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« A l'exception des revenus mentionnés à l'article L. 382-3 du code de la sécurité sociale, les revenus et indemnités tirés d'une activité professionnelle exercée concomitamment à la fonction de parlementaire ne peuvent excéder la moitié de l'indemnité visée à l'article 1er de la présente ordonnance. »

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement plafonne à la moitié de l'indemnité parlementaire de base les rémunérations qui résultent de l'exercice, par un parlementaire, d'une activité privée lucrative : l'indemnité parlementaire se substitue à la rémunération précédemment perçue.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - L'amendement n°77 reprend une proposition du rapport de M. Hyest au nom de la commission des lois. La commission en demande le retrait car, s'il est facile de l'appliquer à un salarié c'est beaucoup plus difficile s'agissant de professions dont le revenu est fort variable d'une année sur l'autre.

M. Henri de Raincourt.  - Comme celle d'agriculteur.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Cet amendement est pertinent mais le Conseil d'État a observé qu'un tel plafonnement ne serait justifié que si l'on édictait une incompatibilité entre un mandat de parlementaire et une activité procurant un certain niveau de rémunération.

Mme Catherine Procaccia.  - Je suis contre sur le fond. On reproche aux parlementaires d'être des fonctionnaires. J'ai essayé de travailler à mi-temps dans mon entreprise pendant trois mois et ai dû y renoncer. Pourquoi ne pas permettre aux salariés du privé d'avoir un pied au Parlement ?

Mme Éliane Assassi.  - Je maintiens l'amendement.

L'amendement n°77 n'est pas adopté.

L'amendement n°32 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°33 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'ordonnance n°58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement est complétée par un article 6 ainsi rédigé :

« Art. 6. - Le montant ainsi que les modalités de la prise en charge des frais afférents à l'exercice du mandat parlementaire et à la rémunération de collaborateurs assistant les membres de l'Assemblée nationale et du Sénat dans l'exercice de leur mandat sont fixés par chaque assemblée. Chacun des membres de l'Assemblée nationale et du Sénat est tenu de déclarer auprès de l'assemblée à laquelle il appartient, chaque année, avant le 30 juin, l'utilisation qu'il a faite des fonds qui lui ont été alloués sur le fondement du premier alinéa. Chaque assemblée tient un registre des déclarations faites par ses membres, qu'elle rend publiques sur son site Internet. Elle rend également publique la liste de ses membres qui n'ont pas effectué cette déclaration. L'absence de déclaration au 1er juillet entraîne la suspension de la prise en charge des frais mentionnés au premier alinéa. »

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement vise les éléments indispensables au travail parlementaire que sont la prise en charge des frais d'exercice du mandat parlementaire et la rémunération des collaborateurs. Il vise aussi la transparence sur l'utilisation des fonds dédiés à l'indemnité représentative des frais de mandat (IRFM).

M. le président.  - Amendement n°34 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'ordonnance n°58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement est complétée par un article 6 ainsi rédigé :

« Art. 6. - Le montant ainsi que les modalités de la prise en charge des frais afférents à l'exercice du mandat parlementaire et à la rémunération de collaborateurs assistant les membres de l'Assemblée nationale et du Sénat dans l'exercice de leur mandat sont fixés par chaque assemblée. Les moyens alloués à la rémunération des collaborateurs et les conditions de travail des collaborateurs sont évalués chaque année par chaque Assemblée et un bilan social annuel est publié. »

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement propose d'inscrire dans la loi que sont alloués aux parlementaires des moyens pour les frais de mandat et la rémunération de leurs collaborateurs, des éléments indispensables au bon fonctionnement des assemblées et à l'indépendance d'action des parlementaires.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Défavorable à ces deux amendements qui empiètent sur les prérogatives des assemblées.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - S'agissant de la vie interne des assemblées, sagesse du Gouvernement.

L'amendement n°33 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°34 rectifié.

L'article 2 ter est adopté.

L'amendement n°83 rectifié est retiré.

L'article 2 quater est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°84 rectifié, présenté par MM. Sueur, Anziani et J.P. Michel.

I.  -  Alinéa 7

Remplacer les mots :

Autorité de

par les mots :

Autorité pour

II.  -  Après l'alinéa 8

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  L'article 7 de la même ordonnance est abrogé.

M. Alain Anziani.  - Amendement rédactionnel.

L'amendement n°84 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement, est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°85 rectifié, présenté par MM. Sueur, Anziani et J.P. Michel.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

Autorité de

par les mots :

Autorité pour

L'amendement rédactionnel n°85 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement, est adopté.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'article 4, modifié, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

ARTICLE 4 BIS A

M. le président.  - Amendement n°86 rectifié, présenté par MM. Sueur, Anziani et J.P. Michel.

Supprimer cet article.

M. Alain Anziani.  - Nous proposons de supprimer la déclaration de patrimoine des candidats. Ce voeu pieu est inapplicable : il y en aura des dizaines de milliers que la Haute autorité ne pourra contrôler.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Favorable.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Sagesse.

M. Gérard Longuet.  - Au moment de l'élection, la loi va instaurer une inégalité de situation. Si nous étions sûrs que le tampon « honnêteté reconnue » apposé par la Haute autorité sur le sortant valait quelque chose, nous pourrions dire qu'il s'agit d'une forme de déloyauté à l'égard de ses concurrents non tamponnés qui pourraient être soupçonnés de ne pas être honnêtes. C'est en réalité la situation inverse qui se produira. Le candidat sortant sera transparent, on lui reprochera d'avoir trop d'activités privées, ou ne n'en avoir pas, de s'être enrichi, ou pas, etc. L'argument de M. Anziani est très juste mais je ne me prive pas du plaisir de souligner une incohérence de cette loi, qui instaure une inégalité devant le suffrage universel. M. Cahuzac a fait toutes ses déclarations à la commission compétente, ce qui ne l'a nullement empêcher de mener des activités parallèles.

M. Alain Anziani.  - Je rectifie : ce texte ne concerne pas l'ensemble des candidats mais seulement l'élection présidentielle.

Mme Catherine Procaccia.  - Nous en avons débattu vendredi. Cette proposition de loi institue plusieurs différences de traitement. Que la majorité, comme l'opposition, y regarde à deux fois !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Cet article a trait à l'élection présidentielle. La commission est favorable à l'amendement de M. Anziani pour ne pas mélanger deux procédures, la communication du patrimoine à la commission compétente et la vérification des comptes de campagne. M. Dosière avait imaginé que l'on pénalise le remboursement des comptes de campagne en cas de déclaration de patrimoine fallacieuse. Ne confondons pas les deux dispositifs.

L'amendement n°86 rectifié est adopté.

L'article 4 bis A est supprimé.

ARTICLE 4 BIS

M. le président.  - Amendement n°87 rectifié, présenté par MM. Sueur, Anziani et J.P. Michel.

Au début de cet article

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

I. - Au quatrième alinéa du I de l'article 3 de la loi n°62-1292 du 6 novembre 1962 précitée, les mots : « de l'article L.O. 135-1 » sont remplacés par les mots : « aux articles L.O. 136-4 et L.O. 136-5 ».

M. Alain Anziani.  - Amendement rédactionnel.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - La commission était favorable alors que l'article premier subsistait. Désormais se pose un petit problème.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Sagesse.

M. Alain Anziani.  - Je le retire.

L'amendement n°87 rectifié est retiré.

L'article 4 bis est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Alquier et M. André, MM. Andreoni, Antiste, Antoinette, Assouline, Auban et D. Bailly, Mme Bataille, MM. Bérit-Débat, Berson, Berthou et Besson, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Boutant, Caffet et Camani, Mme Campion, M. Carrère, Mme Cartron, MM. Carvounas, Cazeau, Chastan et Chiron, Mme Claireaux, MM. Collomb, Cornano, Courteau, Daudigny, Daunis, Delebarre et Demerliat, Mme Demontès, MM. Desplan, Dilain et Domeizel, Mme Durrieu, M. Eblé, Mme Emery-Dumas, M. Esnol, Mme Espagnac, MM. Fauconnier, Fichet, Filleul et Frécon, Mme Génisson, M. Germain, Mmes Ghali et D. Gillot, MM. J. Gillot, Godefroy, Gorce, Guérini, Guillaume, Haut et Hervé, Mme Herviaux, MM. Jeannerot, Kaltenbach et Kerdraon, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Labazée et S. Larcher, Mme Laurent-Perrigot, MM. Leconte et Le Menn, Mme Lepage, MM. J.C. Leroy et Le Vern, Mme Lienemann, MM. Lorgeoux, Lozach, Madec, Madrelle, Magner, Marc, Massion et Mazuir, Mmes Meunier et D. Michel, MM. Miquel, Mirassou, Mohamed Soilihi, Navarro et Néri, Mme Nicoux, MM. Pastor, Patient, Patriat, Percheron, Peyronnet, Piras, Poher et Povinelli, Mme Printz, MM. Rainaud, Raoul, Rebsamen, Reiner, Richard, Ries, Roger et Rome, Mme Schillinger, M. Sutour, Mme Tasca et MM. Teston, Teulade, Todeschini, Tuheiava, Vairetto, Vallini, Vandierendonck, Vaugrenard, Vergoz, Vincent et Yung.

Après l'article 4 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 6° de l'article 51 de la loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, il est ajouté un 6° bis ainsi rédigé :

« 6° bis La liste des subventions versées sur proposition des membres du Parlement, en vertu des crédits ouverts dans les lois de finances de l'année précédant celle du dépôt du projet de loi de finances de l'année. Cette liste retrace, pour chaque département, collectivité d'outre-mer et pour la Nouvelle-Calédonie :

« a) l'ensemble des subventions pour travaux divers d'intérêt local accordées par le ministre de l'intérieur ;

« b) l'ensemble des subventions accordées à des associations par les ministres compétents ;

« Elle indique, pour chaque subvention, le nom du bénéficiaire, le montant versé, la nature du projet financé, le programme budgétaire concerné et le nom du membre du Parlement qui a proposé la subvention. »

Mme Laurence Rossignol.  - Vous connaissez bien la réserve parlementaire... mais pas l'opinion publique. C'est une somme inscrite au budget, de 150 millions d'euros, dévolue aux deux assemblées et dont les parlementaires prescrivent l'attribution à des collectivités locales ou à des associations.

Comment contrôler son usage ? Certains nouveaux parlementaires ignoraient son existence...

M. Henri de Raincourt.  - C'est vrai.

Mme Laurence Rossignol.  - ...et ne savaient comment y accéder car longtemps elle fut réservée aux présidents des assemblées, présidents et rapporteurs de commission. Depuis deux ans, nous avons réparti la réserve parlementaire entre les sénateurs, à hauteur de 150 000 euros chacun.

Si l'on peut débattre de transparence pour notre patrimoine privé, il s'agit ici d'argent public. Nous proposons, avec le groupe socialiste, d'instaurer la transparence. Chaque parlementaire devra rendre compte de l'usage de la réserve parlementaire. Il n'y a que deux solutions : la transparence ou la suppression.

En ces temps de disette budgétaire, je ne suis pas certaine que ces sommes iraient, en cas de suppression, dans les territoires. Un contribuable et une association ont obtenu du tribunal administratif de Paris la publication de la réserve parlementaire de 2011.

M. Jean-Claude Requier.  - Pour les communes !

Mme Laurence Rossignol.  - Le ministre de l'intérieur travaille à la publication pour les associations. Si vous rejetez cet amendement, un autre contribuable obtiendra l'an prochain la publication de la réserve 2012... N'alimentons pas les suspicions de nos concitoyens. Je crains déjà que nous ne l'ayons suffisamment fait depuis qu'est engagé ce débat...

M. le président.  - Amendement identique n°88 rectifié, présenté par MM. Sueur, Anziani et J.P. Michel.

M. Alain Anziani.  - Je reprendrai tous les mots de Mme Rossignol. Il n'appartient pas au coeur des missions du parlementaire de répartir des subventions. D'autant qu'il n'y a pas de critères objectifs. Nous sommes sollicités plutôt par nos amis...

MM. Henri de Raincourt et Philippe Bas.  - Pas du tout !

M. Alain Anziani.  - Trêve d'hypocrisie ! Surtout, pourquoi de telles inégalités dans la répartition de la réserve entre les parlementaires ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Il est bon que nous abordions enfin ce sujet. Je suis tout à fait favorable, avec la commission, à ces deux amendements. Il n'y a aucune raison de n'être pas transparent quant à l'affectation de fonds publics. Cette publication renforcera la pratique vertueuse qui existe depuis quelque temps au Sénat, qui répartit désormais équitablement les sommes entre les parlementaires. Que l'on sache à quelles communes ces sommes sont affectées est normal. Nos critères peuvent être divers. Pour moi, je prends les demandes dans l'ordre d'arrivée, en privilégiant les petites communes. La transparence assurera, j'en suis certain, l'équité. Les sommes en question devraient aller, à mon sens, aux petites communes, qui en ont grand besoin.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Le Gouvernement est tout à fait favorable à la publication de la réserve mais l'amendement modifie la loi organique relative aux lois de finances. Il est difficile de modifier, ici, un texte si important sur ce point. C'est pourquoi le Gouvernement dépose un amendement n°185 au projet de loi ordinaire, pour prévoir la publication dans le jaune budgétaire relatif aux associations de la loi de finances. Les informations seront, dès lors, publiées sur internet sous format ouvert. D'où ma demande de retrait, au bénéfice de cet amendement à venir.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Il faut être clair. L'amendement n°185 du Gouvernement n'a pas été adopté par la commission. Ce jaune budgétaire est relatif aux associations. Or, la réserve, qui devrait plutôt être dénommée « dotation d'action parlementaire », concerne, pour une grande part, des dotations aux collectivités. Je suis donc partisan du maintien de ces deux amendements, dont le retrait susciterait le soupçon.

Mme Laurence Rossignol.  - Je maintiens, évidemment, mon amendement.

M. Gérard Longuet.  - Je pourrais voter ces deux amendements de bon coeur à condition que l'on n'oublie pas que la réserve est un progrès au regard de l'ancien chapitre 77-61 du ministère de l'intérieur, où régnait l'obscurité totale et l'inégalité absolue. Comme président du groupe, je me suis efforcé d'utiliser la réserve comme une récompense faite à l'assiduité des parlementaires, avec une prime à l'ancienneté. Le ministère des finances trouvait son compte dans cette prime à l'assiduité, sous contrôle du président de la commission des finances, en particulier pour s'assurer d'une présence au cours du long tunnel des discussions budgétaires.

Je suis prêt à me rallier, néanmoins, à ces amendements à condition que l'on précise que la transparence vaut pour tous et pas seulement pour les parlementaires. Quand on est président de région ou de département, rien n'interdit d'arroser telle ou telle collectivité territoriale... Il importe donc que l'on soit pleinement transparents ; en attendant, pourquoi pas la suppression d'une réserve qui fait une petite minorité d'ingrats et une grande majorité d'insatisfaits.

Mme Nathalie Goulet.  - J'avais, dans mon département, pour adversaire un président de la commission des finances. Le rapport était de à 1 à 200 !

M. Gérard Longuet.  - Cela ne lui a pas porté chance !

Mme Nathalie Goulet.  - Il a bien fini : en me soutenant. (Sourires)

En 2001, Daniel Vaillant, que j'avais saisi en tant que ministre de l'intérieur, m'avait courageusement renvoyée vers le président de la commission des finances du Sénat -qui était la même personne !

Le vrai problème est celui du financement des collectivités territoriales, qui trouvent dans cette réserve un moyen rapide et sûr de financement. Plus on aura de transparence, mieux cela vaudra. Les amendements sont excellents, je les voterai.

Peut-être convaincront-ils le Sénat de votre la loi organique...

M. Éric Doligé.  - Les élections ne se font pas sur le montant de la réserve parlementaire. Je remercie Mme Rossignol d'avoir joué les « lanceurs d'alerte », comme on dit maintenant. La transparence totale ne me gêne pas du tout. Ce qui me gêne, c'est la réserve parlementaire en tant que telle. A-t-on idée du circuit et du nombre de personnes pour la mettre en place ? C'est scandaleux ! Pour le reste, les choses sont transparentes car les maires nous remercient. Le président Sueur a d'ailleurs coutume de dire « ce n'est pas ma réserve, c'est la réserve du Sénat  ».

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Merci de le dire.

M. Éric Doligé.  - C'est vrai que la réserve permet d'améliorer l'ordinaire de toutes petites communes. Mais mieux vaudrait leur donner une dotation supplémentaire. M. Longuet a employé le verbe « arroser » mais, je regrette, il y a des règles.

J'y ai regardé de près dans mon département, plus de communes de gauche que de droit ont été bénéficiaires. Je ne dois pas être très bon... (Sourires)

Mme Cécile Cukierman.  - Belle conception du pouvoir politique !

M. Éric Doligé.  - La transparence, oui, et je voterai ces amendements, mais je souhaiterais que l'on réfléchisse à la disparition de la réserve. En tout état de cause, ce n'est pas elle qui détermine l'élection.

M. Vincent Delahaye.  - Dans la période d'antiparlementarisme actuelle, on entend des énormités. J'ai lu dans la presse que nous toucherions, en plus de notre indemnité, 150 000 euros dont nous pourrions faire ce que nous voulons ! Et que sont ces 150 000 euros au regard du milliard et demi que le Gouvernement retire aux collectivités territoriales ?

Je ne suis pas contre la transparence mais il faudrait intégrer la réserve ministérielle et la réserve présidentielle. Il n'y a pas de raison que seuls les parlementaires soient visés.

M. Henri de Raincourt.  - Je ne vois aucun inconvénient à réfléchir à la suppression de la réserve. Tout à fait favorable à la transparence, je voterai ces amendements. On a déjà fait un effort de clarté ces dernières années.

Dans mon département, qui compte 454 communes, quels miracles faire avec 150 000 euros ? C'est plus un encouragement à l'équipe municipale qu'une aide à des investissements importants. Trois communes doivent refaire leur assainissement ; il y en a pour 3 millions d'euros. Que représentent mes 15 000 euros ? Un soutien purement symbolique. Mais auquel les maires sont sensibles.

J'ajoute qu'en cette période difficile, les conseils généraux et régionaux n'aident plus autant qu'auparavant. Les maires se retournent vers nous, sans se rendre compte que nous ne sommes pas à l'échelle. La transparence remettra les pendules à l'heure.

Lorsque j'étais ministre, j'ai été surpris de constater qu'à l'étranger, les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, parfois à la demande du ministère des affaires étrangères, pouvaient apporter un soutien, par exemple à la création du centre Alexandre Dumas à Tbilissi, en Géorgie... Cela participe du rayonnement de la France. N'allons pas nous priver de cette possibilité.

Il n'y a pas de réserve ministérielle ou présidentielle en tant que telle. Je l'ai pratiqué. Mais en tout état de cause, la transparence doit prévaloir.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je croyais que, depuis septembre 2011, les choses étaient réglées. Et il faudrait maintenant une loi ? Que représente la réserve au regard des 50 millions que le conseil général du Var attribue aux communes du département ?

Cela étant, les 10 ou 15 000 euros de la réserve ne sont pas négligeables pour des petites communes. Il est vrai aussi que la réserve permet certaines interventions à l'étranger bénéficiant à des centres culturels.

M. Henri de Raincourt.  - Ou des hôpitaux.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Pour ma part, ayant toujours été un smicard de la réserve, je voterai ces amendements.

Mme Jacqueline Gourault.  - Moi aussi, et j'ajoute que je suis opposée à la suppression de la réserve. Dès lors que la transparence prévaut, où est le problème ? Au vrai, les choses sont déjà transparentes, comme l'a dit M. Doligé, mais si c'est publié, c'est encore mieux. Ce qui me choque, c'est la différence de sommes attribuées : de 150 000 euros à des millions ! Où est l'équité ? Il n'y a pas deux sortes de parlementaires.

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

M. Gérard Longuet.  - Certains ne font rien, on ne les voit jamais en commission ni en séance publique...

Mme Jacqueline Gourault.  - Ne cherchons pas à laver plus blanc que blanc. Il est des actions internationales importantes, comme ce qui a été fait pour les hôpitaux à Beyrouth par le président de la République.

M. Henri de Raincourt.  - Et le président du Sénat !

Mme Jacqueline Gourault.  - Entre moraliser et laver plus blanc que blanc, il y a des nuances.

M. Jean Louis Masson.  - Même si j'admets que mettre cela dans le jaune serait une manière de noyer le poisson, je suis d'accord avec la ministre pour considérer que traiter la question dans la loi ordinaire serait plus logique. C'est ce que j'avais fait, avec mes amendements déposés avant tous les autres.

Puisque nous sommes partis pour voter la chose dans la loi organique, je veux dire que je suis tout à fait d'accord sur le principe de la transparence mais qu'il y a un problème d'équité. Certaines bénéficient de sommes démesurées, dont ils arrosent copieusement leur petit jardin... Récompenser l'assiduité des parlementaires ? C'est une manière de porter atteinte, via les groupes, à l'indépendance des parlementaires. Et la réserve n'est pas faite pour cela mais pour redistribuer ces sommes dans l'équité sur les territoires. Les contribuables d'une commune paieraient moins d'impôts locaux parce que leur élu est très présent au Parlement ou parce qu'il est président du Sénat ? Non. L'égalité de traitement entre parlementaires, en cette matière, c'est l'égalité entre les territoires. (Marques d'impatience sur divers bancs)

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Jean Louis Masson.  - La réserve ministérielle a été évoquée. C'est un point, à mon sens, très important. Je souhaite, par deux sous-amendements, qu'elle soit intégrée.

M. le président.  - Ils ne sont plus recevables, la discussion étant commencée, mais cela rejoint la proposition de M. Longuet.

M. Roger Karoutchi.  - Quand je suis entré au Sénat, on m'a fait siéger à la commission des affaires culturelles et personne ne s'est précipité pour me dire ce qu'est cette réserve. Ce n'est que deux ans après, quand je suis entré à la commission des finances, que le ciel s'est éclairé.

Faut-il supprimer la réserve ? Pas quand l'État va réduire d'1,5 milliard les dotations aux collectivités territoriales. Mon département, 36 communes, pour 1,5 million d'habitants... Quel sens y aurait-il à ne donner ma réserve qu'aux petites communes ?

Mme Jacqueline Gourault.  - Les pauvres !

M. Roger Karoutchi.  - Ne croyez pas que toutes les communes des Hauts-de Seine soient riches. Il n'y a pas que la Défense dans mon département, il y a aussi des communes très pauvres. Allez voir à Gennevilliers.

Mme Éliane Assassi.  - Prenez rendez-vous pour aller chez les communistes ! (Mme Cécile Cukierman rit)

M. Roger Karoutchi.  - On sait ce que cela coûte de refaire des centres-villes, de construire de crèches. Ne remettons pas en cause ces crédits. Le chapitre 77-81 du ministère de l'intérieur, qu'a évoqué M. Longuet, existe toujours et les solliciteurs peuvent être autres que des parlementaires. La logique voudrait que l'on sache ce que ce chapitre a donné et dans quelles conditions.

L'État, en ces temps difficiles, réduit considérablement les dotations aux collectivités territoriales : de 1,4 milliard d'euros en 2014 et 3 milliards en 2015 ! N'allons pas, au nom de la transparence, supprimer ces quelques sous !

M. Jean-Claude Requier.  - Je suis pour le maintien de la réserve. Pour les parlementaires qui ne sont pas présidents de conseil général ou régional, c'est un moyen d'exister. (Mme Nathalie Goulet s'exclame)

En revanche, je suis contre les dotations aux associations qui se comportent, ensuite, comme des abonnés, ce qui plombe nos marges de manoeuvre. Et rien n'interdit, via des associations, de subventionner ses amis...

M. Gérard Longuet.  - Ou la famille ! (Mme Nathalie Goulet approuve)

M. Jean-Claude Requier.  - J'ai vu qu'une association s'appelait tout simplement « Les amis du maire » ! L'argent public doit aller aux collectivités publiques.

M. Hervé Maurey.  - Mon département compte 657 communes dont deux tiers ont moins de 500 habitants. Ces petites communes, privées souvent des crédits du conseil général, réservés aux gros équipements, ont bien besoin de la réserve. Je suis pour son maintien dès lors que tout se fait dans la transparence. C'est l'opacité qui jette la suspicion. J'ajoute que toutes les subventions publiques devraient être transparentes, pas seulement celles des parlementaires.

M. Philippe Bas.  - Les arguments des auteurs des amendements me convainquent. Il ne faut pas supprimer la réserve mais la rendre transparente. Il règne autour d'elle un halo de mystère préjudiciable, alors que ces crédits sont très utiles aux petites communes. On ne peut subventionner, avec ces crédits, de grosses infrastructures mais de petits projets -une quinzaine chaque année dans mon département- pour lesquels ces crédits ont un effet de levier important.

Mme Esther Benbassa.  - Je suis étonnée de ce débat sur la « nécessaire transparence ». Mieux vaut convaincre de l'impératif de transparence qu'y contraindre par la loi. Mais enfin, je voterai les amendements. Deux mois après mon entrée au Sénat, j'ai mis sur mon site le montant et les attributions de la réserve, que je répartis également entre collectivités territoriales et associations. Celles-ci ont été durement frappées par la crise. Nous attribuons les crédits sur projet et vérifions qu'ils ont été employés conformément à celui-ci.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je publie depuis toujours l'utilisation de la réserve. Je n'ai donc aucun problème. Faut-il la supprimer ? Pour en faire quoi ? Si c'est pour augmenter les dotations aux collectivités territoriales, peut-être, mais ce ne serait vraisemblablement pas le cas. Donc continuons. Et je suis pour le maintien de l'aide aux associations.

J'admets tout à fait que la réserve du président du Sénat soit supérieure et puisse subventionner des opérations extérieures. Mais ce n'est pas le cas pour les parlementaires, et c'est pourquoi la réserve doit être équitablement répartie entre eux. Le Bureau devrait y veiller avec la plus grande rigueur, ainsi qu'à interdire toute subvention à sa propre commune. Certains, dans mon département, ne se sont pas gênés pour donner à leur propre commune une grosse part de leur réserve. Je m'y suis toujours refusé quand j'étais maire.

Au vu de nos arguments, je me demande pourquoi, monsieur Doligé, ne pas supprimer la réserve pour les seuls cumulards, présidents de conseils généraux et les autres ? Plaisanterie à part, je voterai ces amendements en insistant sur l'équité entre parlementaires.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Les choses ne sont pas les mêmes selon que le département compte peu ou beaucoup de communes. Je précise que les questeurs n'ont pas voix au chapitre là-dessus. J'ai eu accès, comme tous, aux attributions de 2011. J'ai constaté que M. Gérard Larcher avait arrosé des communes de mon département. Sans parler de ce qui est venu de la réserve présidentielle. Certains ont reçu 600 000 euros ; Il faut donc une transparence totale.

Il y a des règles, certes, mais pour les conseils généraux, elles sont assez lâches... Ils attribuent ce qu'ils veulent à qui ils veulent. De même pour les conseils régionaux, M. Longuet le sait bien.

M. Éric Doligé.  - Supprimons-les ! Et aussi les communes et les régions ! Ne conservons que le président de la République !

M. Yann Gaillard.  - Ce qui restera de notre débat, c'est l'assassinat de la réserve parlementaire. J'ai compris qu'elle était programmée dès les premiers mots de l'auteur de l'amendement.

Mme Laurence Rossignol.  - Il en fallait au moins un !

M. Yann Gaillard.  - Elle est morte, soit... Puisqu'il en est ainsi, essayons de trouver autre chose. Distribuer de petites sommes à discrétion n'était pas si mauvais. C'est un charme qui s'évanouit et un peu de la poésie du Sénat qui s'efface. (MM. Philippe Bas et Alain Richard applaudissent)

M. Joël Guerriau.  - Il ya aussi des aspects très peu poétiques !

Je partage le principe qui préside à ses amendements. En 2011, les journalistes, dans mon département, se sont empressés de se renseigner, campagne sénatoriale oblige. Ils se sont aperçus que des projets de toute nature étaient subventionnés. La transparence est une bonne chose. Mais je m'étonne que ceux qui, lors de la campagne de 2011, appelaient à la suppression de la réserve, ne présentent pas, une fois qu'ils sont assis sur ces bancs, d'amendements en ce sens.

M. Marc Laménie.  - Comme d'autres qui ne sont pas à la tête d'exécutifs départementaux ou régionaux, je suis pour le maintien de la réserve, qui permet de donner des petits coups de pouce. Même si les services du ministère de l'intérieur font leur travail avec rigueur car les dossiers doivent être solidement montés, c'était aussi le cas dans le passé. Je le sais pour avoir été assistant parlementaire. Dans les Ardennes, on compte une majorité de petites communes. Les sommes qu'on peut leur allouer viennent compléter la DGE ou la dotation pour travaux divers d'intérêt local. Le seul problème, c'est que l'on ne peut honorer toutes les demandes. On fait souvent un heureux pour deux mécontents.

Maintenons la réserve, qui a son mérite, et assurons la transparence.

Mme Éliane Assassi.  - A l'évidence, la réserve parlementaire pesait lourd dans bien des consciences... Nous sommes, au groupe CRC, pour la transparence, des montants comme des destinataires de la réserve parlementaire. Nous avons déposé des amendements en ce sens sur le projet de loi ordinaire. Mais de grâce, ne prétendons pas qu'il faut maintenir la réserve en raison de la baisse des dotations aux collectivités territoriales...

M. Alain Richard.  - Cet amendement -que j'ai cosigné !- n'est pas à sa place. Il devrait être rattaché à l'article 54 de la loi organique, qui porte sur la loi de règlement, et non à l'article 51, qui traite des lois de finances initiales, lequel renvoie à d'autres lois ordinaires pour les annexes. Il faudra y songer en CMP.

M. Jean-Pierre Cantegrit.  - M. de Raincourt a évoqué l'importance de la réserve parlementaire pour nos compatriotes de l'étranger. Sans doute a-t-il surtout parlé en tant qu'ancien ministre de la coopération. Représentant des Français établis hors de France, je confirme que la réserve parlementaire est très utile. Nous sommes douze sénateurs, il y a onze députés à l'Assemblée nationale, soit vingt trois réserves parlementaires qui jouent un rôle important au service de nos compatriotes, d'autant que les crédits d'assistance du ministère des affaires étrangères se font de plus en plus rares... Je suis en dissonance avec ce qui a été dit des associations : il n'y a pas de collectivités territoriales à l'étranger, nous ne pouvons aider que des associations. J'ai ainsi aidé des associations caritatives à Madagascar ou à Pondichéry, où nos compatriotes ont de très faibles revenus. Je n'ai aucun problème avec la transparence ; je voterai l'amendement.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Vous vous attendez que je dise que, comme d'habitude, il en va différemment outre-mer. Ce n'est pas le cas ! Pour une fois, tout se passe pareillement. Même opacité, mêmes inégalités, mêmes fantasmes de la part de nos concitoyens. Maintenir la réserve parlementaire est une nécessité, tout en en assurant la transparence pour mette fin aux polémiques. Je voterai l'amendement.

M. Michel Mercier.  - Je les voterai aussi. Mais il faut répéter que les parlementaires ne distribuent rien ; c'est un arrêté du ministre qui attribue les crédits. Dans la loi de règlement, les attributions de la réserve sont publiées dans le détail. Or, une part importante n'est pas consommée. On en parle beaucoup, on se bat pour l'avoir et souvent on oublie de la réclamer. Mettons tout sur la table et nous verrons bien si cela change. Il restera toujours aux parlementaires d'intervenir auprès du ministère de l'intérieur pour obtenir des subventions au titre des travaux d'intérêt local, d'ailleurs bien supérieures à la réserve.

M. Claude Domeizel.  - Nous parlons d'argent public dont l'attribution est fondée sur un document public, un arrêté. Le débat sur l'opportunité de la réserve devrait avoir lieu au moment du budget.

M. Gérard Longuet.  - Très bien !

M. Claude Domeizel.  - Après ce débat, dont la hauteur est inversement proportionnelle à la durée, votons !

Mme Catherine Tasca.  - Très bien !

M. le président.  - Après ces 23 explications de vote, les auteurs des amendements retiennent-ils les suggestions de MM. Longuet et Richard ?

Mme Laurence Rossignol.  - Si nous avons eu cette sorte de thérapie de groupe, c'est qu'il fallait parler. L'omerta était si lourde. Si la réserve parlementaire faisait l'élection, je ne serais pas là pour en parler.

Il y a un doute sur la réserve ministérielle...

M. Gérard Longuet.  - Il y a des crédits ministériels.

Mme Laurence Rossignol.  - Y a-t-il une opacité spécifique ?

M. Gérard Longuet.  - Aucune ! Comme pour la réserve parlementaire, il y a un arrêté.

Mme Laurence Rossignol.  - Travaillons là-dessus et reparlons-en.

M. Gérard Longuet.  - Lors de la discussion du projet de loi de finances !

M. le président.  - Pour la rectification proposée par M. Richard ?

M. Alain Richard.  - Nous verrons en CMP.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Le dépôt de ces amendements n'est pas un hasard, il y a une cohérence globale. Nos concitoyens ressentent mal, en ces matières, réticences et circonlocutions. On peut améliorer encore le texte mais je suis partisan qu'ici et maintenant, nous prenions une position claire et nette. Tout ce qui concerne l'argent public doit être transparent. Je suis pour la clarté la plus totale.

M. Gérard Longuet.  - Je m'abstiendrai. La transparence ne me gêne pas mais je suis étonné que l'on refuse aux électeurs le droit de savoir quelles sont les subventions versées par le ministère de l'intérieur à la demande d'un élu. (MM. Hervé Maurey et Joël Guerriau applaudissent)

A la demande du groupe socialiste, les amendements identiques nos23 rectifié et 88 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 348
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l'adoption 345
Contre 0

Le Sénat a adopté.

M. Jean-Claude Requier.  - 348 votants ?

M. le président. - En effet.

M. Jean-Claude Requier.  - M. Chevènement n'a pas voté...

M. le président.  - Nous procéderons à une vérification.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Le Gouvernement retire l'amendement n°185 sur le projet de loi ordinaire.

L'article 5 est adopté.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°89 rectifié, présenté par MM. Sueur, Anziani et J.P. Michel.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

à l'obligation de dépôt d'une déclaration de situation patrimoniale et d'une déclaration d'intérêts, dans les conditions prévues

par les mots :

, dans les mêmes conditions, aux obligations de déclaration applicables aux personnes mentionnées

M. Alain Anziani.  - Coordination avec l'outre-mer, comme les amendements suivants.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Favorable.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Favorable.

L'amendement n°89 rectifié est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°90 rectifié, présenté par MM. Sueur, Anziani et J.P. Michel.

Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

2° L'article 160 est ainsi rédigé :

« Art. 160. - Le président et les autres membres du gouvernement de la Polynésie française sont soumis, dans les mêmes conditions, aux obligations de déclaration applicables aux personnes mentionnées, respectivement, aux 1° et 2° du I de l'article 10 de la loi n° ... du ... relative à la transparence de la vie publique.

« Le président et les autres représentants à l'assemblée de la Polynésie française sont soumis, dans les mêmes conditions, aux obligations de déclaration applicables aux personnes mentionnées, respectivement, aux 1° et 2° du I de l'article 10 de la loi n° ... du ... relative à la transparence de la vie publique. »

L'amendement de coordination n°90 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

L'article 7, modifié, est adopté.

ARTICLE 7 BIS

M. le président.  - Amendement n°91 rectifié, présenté par MM. Sueur, Anziani et J.P. Michel.

Rédiger ainsi cet article :

Après le mot : « sont », la fin du dernier alinéa des articles L.O. 6221-1, L.O. 6321-1 et L.O. 6431-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigée : « soumis, dans les mêmes conditions, aux obligations de déclaration applicables aux personnes mentionnées, respectivement, aux 1° et 2° du I de l'article 10 de la loi n° ... du ... relative à la transparence de la vie publique. »

L'amendement de coordination n°91 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

L'article 7 bis, modifié, est adopté.

ARTICLE 8

M. le président. - Amendement n°92 rectifié, présenté par MM. Sueur, Anziani et J.P. Michel.

Rédiger ainsi cet article :

Pour l'application de la présente loi, les références à la législation et à la règlementation fiscales s'entendent, dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, comme visant la législation et la réglementation applicables localement.

L'administration fiscale compétente localement dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie peut être sollicitée par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique dans les mêmes conditions que l'administration fiscale compétente au niveau national.

L'amendement de coordination n°92 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

L'article 8, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

...° Au deuxième alinéa de l'article L.O. 227-3, la référence : « n°98-404 du 25 mai 1998 » est remplacée par la référence : « n° du relative à la transparence de la vie publique ».

Mme Esther Benbassa.  - Défendu.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - C'est un véritable problème que le la résidence de rattachement des SDF pour les élections européennes, mais la difficulté est que cet amendement est un cavalier. D'où l'avis défavorable de la commission.

L'amendement n°37 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°113, présenté par MM. Mézard, Collombat, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les modalités d'application de la présente loi organique tiennent compte des spécificités du mandat des membres de chaque assemblée.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je n'ai pas résisté au plaisir de le présenter...

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Cet amendement n'est pas précis. Sa formulation très générale n'a pas d'effets législatifs clairs. Mieux vaut s'en remettre à la compétence des bureaux des assemblées.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Retrait ou rejet.

L'amendement n°113 est retiré.

Interventions sur l'ensemble du projet de loi organique

M. Pierre-Yves Collombat .  - Contre-feu que ce texte, allumé pour détourner le regard de l'exécutif, là où est concentré le pouvoir réel, vers les parlementaires, qui n'ont plus qu'un pouvoir résiduel... Fuite d'eau à l'Élysée, on envoie les plombiers réparer les canalisations au Sénat ! Contrairement à ce qu'on veut laisser croire, nos dispositifs existent et ne sont pas en retard sur ceux de nos voisins. Néanmoins, nous voterons ce texte que nos débats, parfois houleux, ont fait progresser. Sur la définition du conflit d'intérêt, l'accent étant mis sur le choc entre intérêt public et intérêt privé et sur l'intentionnalité pour caractériser le délit de fausse déclaration, le texte a été amélioré. Preuve que nous avons eu raison de demander le renvoi en commission... Que n'aurions-nous pas fait si nous avions eu le temps de travailler autrement que dans la hâte et sur commande ?

Il y aurait les partisans de la transparence d'un côté, les partisans de l'obscurité de l'autre, qui auraient quelque chose à cacher. Il n'en est rien. Pour preuve, un amendement du RDSE portait le projecteur sur les évolutions injustifiées de patrimoine, qui sont les seuls éléments importants. Je crains que les défenseurs de la transparence à tout crin n'aient mal mesuré les conséquences calamiteuses de leur remède. A la suite des réformateurs du XVIIIe siècle, ils comptent sur l'opinion pour réguler le corps social et le corps politique. C'est oublier que l'opinion se fabrique. Je renvoie à Chomsky et surtout à Michel Foucault et à son analyse du panoptique de Bentham. Pour lui, ces réformateurs « ont cru que les gens allaient devenir vertueux du fait qu'ils seraient regardés. (...) Ils n'ont pas perçu les composantes matérielles et économiques de l'opinion. (...) Au fond, c'est le journalisme -innovation capitale du XIXe siècle- qui a manifesté le caractère utopique de toute politique du regard. » Et encore : « La perfection de la surveillance, c'est une somme de malveillances ». (M. Jean-Claude Requier applaudit ; marques d'appréciation sur divers bancs)

Mme Éliane Assassi .  - Vouloir la transparence oui, mais exigeons-la aussi dans nos débats... Les conditions d'examen de ce texte ont été laborieuses, voire ubuesques, sans parler des négociations menées avec la droite centriste pour trouver une majorité... Nous le regrettons car ce sont nos concitoyens qui en font les frais. Nous avons manqué d'humilité. Beaucoup de nos concitoyens aimeraient que leur patrimoine soit publié car cela signifierait qu'ils en ont un ! (Mme Cécile Cukierman approuve)

Ce projet de loi organique avait pour mission de répondre à une crise de confiance entre les citoyens et les politiques. Le rendez-vous est manqué, à cause du rejet de l'article premier et des manoeuvres politiciennes qui ont jalonné nos débats.

M. Jean-Pierre Michel.  - Très bien !

Mme Éliane Assassi.  - Le « tous pourris ! » pourrait hélas s'en trouver conforté, comme le sentiment d'une certaine impuissance du politique à répondre aux besoins de la population. Le peuple a été exclu de nos discussions, lesquelles n'ont pas été closes avec le rejet de l'article premier. La classe politique devra faire progresser la lutte contre la corruption, contre le trafic d'influence et les conflits d'intérêt. Cela exige bien plus et autre chose que ce texte et des promesses non tenues : des choix économiques et sociaux inspirés par les intérêts du peuple et une lutte volontariste contre la fraude fiscale, alors que le président de la République et le Gouvernement demandent des efforts à nos concitoyens. Comment ne pas comprendre que ceux-ci soient heurtés par les arbitrages truqués, l'évasion fiscale, les financements illégaux des campagnes électorales, la hausse vertigineuse des plus grandes fortunes de France ? Nos concitoyens ne se contenteront pas de ce projet de loi.

Nous allons bientôt examiner un texte sur la fraude fiscale. Le groupe CRC est ouvert à la discussion -en toute transparence. Malgré ses insuffisances, nous voterons ce projet de loi organique. (Applaudissements à gauche)

M. Vincent Delahaye .  - Je ne suis pas non plus satisfait de nos débats sur un texte de circonstance, élaboré après l'affaire Cahuzac pour montrer du doigt des parlementaires qui n'y étaient pour rien... Nos déclarations ne seront plus contrôlées par une commission mais par une Haute autorité... Pourquoi pas ? Le texte bâtard de l'Assemblée nationale n'était pas tenable. Le groupe UDI-UC défendait la publication des seules anomalies pour éclairer l'opinion tout en évitant le voyeurisme et la manipulation politique. Mais cela aurait surchargé, paraît-il, le travail de la Haute autorité... Les bras m'en sont tombés !

Ce projet de loi crie haro sur l'activité de conseil. Pourquoi ? Peut-être parce que M. Cahuzac l'a exercée alors qu'il était membre du cabinet d'un ministre... C'est anormal. Je ne suis pas pour le parlementaire à temps plein, enrichissons nos assemblées de la diversité de nos origines professionnelles ! Dernier motif d'insatisfaction, certains parlementaires pourront continuer à exercer leur profession, d'autres ne pourront pas la commencer. Je suis favorable à une vraie transparence. Je voterai contre ce texte.

M. Jean Louis Masson .  - Ce texte confond la moralisation avec l'étalage de la vie privée des gens. Ce n'est pas en publiant le patrimoine des élus qu'on empêchera la malhonnêteté. L'élu corrompu pas plus que l'élu fraudeur du fisc ne déclarera ses agissements. Ce texte n'apporte rien à la moralisation mais porte gravement atteinte à la vie privée. Certains orateurs ont dit que, de l'avis général, le texte de l'Assemblée nationale ne tenait pas. Pourquoi parler au nom des autres ? La sanction est dissuasive ; pour l'impôt sur le revenu ou l'ISF, personne ne publie les informations consultées. Pourquoi ne pas s'en être inspiré pour le patrimoine des élus ? Ce texte est inadapté. Je voterai contre.

Mme Nathalie Goulet .  - Madame la ministre, une procédure accélérée à la mi-juillet, sur un texte aussi important, n'est pas de bonne pédagogie. Ce texte nous concerne tous. Une procédure législative normale était justifiée et eût évité des problèmes. J'étais très partagée entre la position exprimée, notamment par M. Longuet, tenant que ce texte fait des parlementaires des Français à part et celle exprimée au travers du sous-amendement n°122 de M. Mercier. Madame Assassi, les signataires de cet amendement n'y ont pas vu une quelconque manoeuvre. Nous avons des convictions. Nous ne sommes pas des supplétifs. Mais le fait est que le Sénat n'a plus de majorité. Le rejet du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale n'est certainement pas de notre fait...

Les conditions du débat n'ont pas été à la hauteur, ni des parlementaires, ni du sujet. Je doute que ce texte règle quoi que ce soit, d'autant que l'article premier a disparu dans le Triangle des Bermudes. Reste que nous sommes un certain nombre à vouloir le voter.

Mme Jacqueline Gourault .  - Ce texte n'est pas celui que nous aurions aimé mais je le voterai tout de même. Un texte vaut mieux que rien.

Je regrette ce qui s'est passé sur l'article premier. L'amendement que j'ai cosigné avec M. Mercier et M. Zocchetto a été voté ; puis l'article premier, dans des circonstances surprenantes, a été repoussé. Nous en sommes bien marris. Le texte qui sortira du Sénat sera incomplet et faible. Le bicamérisme est suffisamment remis en cause pour que l'on ne s'emploie pas à l'affaiblir en permanence. En donnant toujours le dernier mot à l'Assemblée nationale, nous nous affaiblissons collectivement. Le Sénat a ses particularismes. Je suis une inconditionnelle du bicamérisme, je combattrai toujours les réformes qui veulent faire de notre assemblée une assemblée secondaire...

Madame Cukierman, nous sommes libres de parler avec tout le monde ici. Quand nous parlons avec vous, vous trouvez cela normal mais vous poussez les hauts cris quand nous parlons avec d'autres. Chacun est libre. Quand un texte est repoussé par un vote des groupes CRC et UMP, nous ne faisons pas de commentaires...

Je suis très proche de François Bayrou, dont la transparence a toujours été l'un des combats. Tout ce qui affaiblit ma famille politique et le Sénat m'est insupportable.

M. Hervé Maurey .  - L'examen de ce projet de loi aura été rocambolesque du début à la fin. Sans l'affaire Cahuzac, nous n'aurions jamais eu à en discuter. Après le renvoi en commission, quatre ministres se sont succédé vendredi au banc du Gouvernement. Après que nous y avons passé la journée, l'article premier a été rejeté. Pourquoi ? Parce que le groupe socialiste et le président de la commission des lois n'ont pas voulu voir que l'amendement centriste rassemblait une majorité alternative sur l'idée d'un contrôle de l'évolution du patrimoine, seule chose qui compte réellement. On a appelé en priorité l'amendement socialiste et on a même déclaré irrecevable un sous-amendement après l'ouverture du scrutin, fait inédit.

Je suis favorable au contrôle du patrimoine, je l'ai dit en 2011. J'avais même demandé une peine de prison pour les sous-évaluations volontaires et davantage de moyens pour la commission de contrôle. Je l'ai dit à l'époque et je le redis : ne confondons pas transparence et voyeurisme. Ce que veulent le Gouvernement et le groupe socialiste, c'est du voyeurisme, livrer en pâture le patrimoine des élus.

Comme un grand nombre du groupe UDI-UC, je m'abstiendrai. Je suis favorable au principe de ce texte mais je n'oublie pas son origine ; c'est une opération de diversion.

M. Alain Anziani .  - Diversion, dites-vous ? Texte de circonstance, oui, comme tous les textes antérieurs sur la moralisation. On l'a vu au cours de notre histoire : à chaque fois, il y eut un événement déclencheur. Quant à la question de fond, elle n'est pas nouvelle...

La question de fond est ce qui compte. Elle n'est pas nouvelle. Après les scandales Woerth-Bettencourt...

M. Gérard Longuet.  - Quel scandale ? Bettencourt n'est pas parlementaire !

M. Philippe Bas.  - Il ne l'est plus, hélas !

M. Alain Anziani.  - ...vous avez mis des textes en chantier. Mais le projet Fillon sur la déontologie, à peine déposé, a disparu dans un tiroir. C'est la différence entre vous et nous.

Il y a une défiance de l'opinion envers ses élus, on ne peut pas le nier. Sinon, le Front national pourra nous dire un grand merci en réunissant les mécontents. Oui, les Français font preuve de défiance ; l'abstention, les sondages le montrent. Il y faut donc une réponse. La nôtre, c'est la transparence. C'est une réponse nécessaire mais pas suffisante. Il viendra, comme pour le financement de la vie politique, d'autres textes. Mais celui-ci est un texte inaugural, même si le rejet de l'article premier l'a un peu vidé de sa substance. Je me félicite, en revanche, de la transparence, votée presqu'à l'unanimité, de la réserve parlementaire. Mais sur le patrimoine, il faudra, un jour ou l'autre, évoluer. Je salue les communistes et les Verts, qui voteront ce texte à nos côtés. Et ceux qui feront de même, à la différence de ceux qui, curieusement, ont signé un amendement sans le voter. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Bas .  - La loi de 1988 a un quart de siècle : il est naturel que l'on cherche à en améliorer l'efficacité, sachant que les moyens conférés à la commission de la transparence n'ont pas permis de faire la lumière sur certains enrichissements inexpliqués. Quand elle a transmis au parquet, celui-ci n'a pu poursuivre sur ces motifs.

Rappelons que la loi de 1988, déposée à l'initiative de Jacques Chirac, n'avait pas été votée par l'opposition de l'époque. Il y a deux ans, M. Hyest, président de la commission des lois, a voulu la revisiter avec un groupe transpartisan, qui a émis d'excellentes recommandations.

Je veux bien faire abstraction des circonstances. Néanmoins, dans sa déclaration du 3 avril, le président de la République n'a pas trouvé de mots assez forts pour fustiger le comportement de M. Cahuzac. Mais il s'agissait d'un ministre, et nous est arrivé un texte visant tous les élus.

Je veux bien admettre qu'il ne s'agit pas seulement d'un leurre destiné à détourner l'attention et à faire porter la culpabilité d'un seul sur les parlementaires. Cependant, dès lors que l'article premier est tombé, qu'en reste-t-il ? La réserve parlementaire -mais c'est facile puisqu'il ne s'agit pas de crédits parlementaires mis à disposition par le ministère de l'intérieur- et les incompatibilités. Or, sur ce dernier point, ce texte crée une inégalité fondamentale puisque ce n'est plus la nature de l'activité mais le moment où elle est engagée qui est retenu. Le Conseil constitutionnel, qui sera saisi, ne manquera pas de sanctionner.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP, qui n'est pas dupe, ne votera pas ce texte.

M. Gérard Longuet .  - Le sujet méritait d'être évoqué. Je veux dire à M. Anziani que chaque loi a été précédée d'une difficulté mais que pas une ne concernait un parlementaire. En 1988, ce fut le financement de la campagne présidentielle et des partis politiques, avec un volet sur la publication du patrimoine. Mais en vingt cinq ans, seuls 14 cas ont été transférés au Parquet, dont 6 concernaient des parlementaires : aucun n'a été poursuivi. Cessons de battre notre coulpe, libérons-nous de ce masochisme !

Sur l'affaire Woerth-Bettencourt, je vous invite -par expérience- à la prudence : on ne peut anticiper la fin. J'observe, surtout, que ni Éric Worth ni Liliane Bettencourt ne sont des parlementaires. Même chose pour M. Cahuzac.

Je regrette, monsieur le président de la commission des lois, que la vraie question, celle du statut du législatif au regard de l'exécutif, n'ait pas été traitée. Or, les dispositions que vous proposez n'auront qu'un effet : affaiblir le parlementaire en jetant sur lui la suspicion. Sauf exception, il n'y aura pas de condamnation mais sans cesse, il sera sous les feux des médias, appelé à justifier de tout. Le premier ministre aurait du défendre les parlementaires, rappeler que 99 % des dossiers ne donnent lieu à aucune remarque. Vous avez préféré le contraire et la publication aboutira à multiplier les affaires médiatiques. La transparence recule à mesure qu'on s'en approche, comme la ligne d'horizon. Toute publication appelle de nouvelles demandes de publication. La suspicion sera permanente.

Cette loi affaiblit le Parlement, alors que c'est l'exécutif qui est à l'origine des difficultés d'aujourd'hui.

Mme Catherine Tasca .  - Mon regard est beaucoup plus positif que celui de la plupart des intervenants. Certes, le recours à la procédure accélérée est regrettable. Mais là où nous sommes parvenus, nous nous engageons, publiquement, sur la voie de la transparence. On ne peut ignorer les interrogations aujourd'hui adressés au Parlement -en ses deux chambres. Je partage le souci de Mme Gourault de préserver la vitalité du bicamérisme. Le pas que nous franchissons est utile à la démocratie. La charge de la CMP, très lourde, sera de parvenir à un texte plus complet, répondant à nos attentes.

Je voterai ce texte sans réticence, qui nous fait avancer sur les incompatibilités et sur la réserve -sujets sur lesquels il existait, depuis des années, des attentes. Je salue le courage du Gouvernement de s'être engagé dans la voie de la transparence, bien au-delà de la déflagration provoquée par l'affaire Cahuzac. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur, applaudit aussi)

M. Jean-Claude Requier .  - Après nos longs débats, un constat s'impose. Il n'y a pas les partisans de la transparence et ceux qui la refusent.

M. Philippe Bas.  - Exactement !

M. Jean-Claude Requier.  - Les gentils et les méchants, ceux qui ont les mains propres et les autres. Méfions-nous des donneurs de leçons ! Nous sommes tous pour la transparence mais, au RDSE, nous militons pour une transparence raisonnée et intelligente, pas pour la démagogie. D'où notre amendement visant à ne voir publier que les déclarations anormales. Car quand c'est flou, c'est qu'il y un loup, comme on l'a entendu dire naguère. (Sourires à gauche) Cela aurait évité un voyeurisme malsain. Cet amendement aurait été adopté mais il a été, in extremis, mis sur la touche, quand la majorité l'a compris. L'amendement, après réunion express de la commission, a été déclaré irrecevable au titre de l'alinéa 3 de l'article 48 du Règlement. C'est un vrai coup de force. Le débat avait eu lieu auparavant puisque M. Collombat avait présenté le sous-amendement sans que personne ne songe à évoquer même l'irrecevabilité.

Le Gouvernement et la commission avaient donné leur avis. In limine litis, mais on a oublié ce principe juridique. On a tout bonnement évacué l'amendement. Merci au groupe CRC, toujours soucieux du respect des droits des parlementaires, de nous avoir soutenus en cette aventure.

Nous regrettons le maximalisme de certains, responsable du rejet de l'article premier.

Nous n'en apporterons pas moins notre soutien à ce texte et je veux souhaiter ici à M. Vidalies un prompt rétablissement au bon air des Landes.

Mme Esther Benbassa .  - Le groupe écologiste défend, depuis longtemps, la transparence en politique et la pratique depuis mon arrivée dans cet hémicycle.

Personnellement, j'estime que ce texte, préparé sous le coup de l'émotion, est un peu moralisateur et nous fait expier pour quelqu'un d'autre. Le Gouvernement a tendance à moraliser la société et chaque ministre prépare un texte. La charge de l'examen est lourde, avec la procédure accélérée.

Si l'article premier n'est pas passé, c'est peut-être que nous ne sommes pas préparés. Nos mentalités catholiques, même dans notre pays laïc, y rechignent : à la différence des protestants, qui sont fiers de s'enrichir, nous avons tendance à penser que, qui s'enrichit a volé. Souhaitons que ce texte fasse évoluer nos mentalités pour faire de nous tous, parlementaires et citoyens enfin débarrassés de toute considération morale, des adultes face à l'argent, comme le sont les habitants des pays du Nord.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur .  - Il est des moments, dans la vie politique, où les choses se simplifient. Oui, monsieur Collombat, l'opinion publique n'existe pas. Foucault mais aussi Chomsky, Mac Luhan, Bourdieu l'ont assez montré. L'opinion est un magma fluctuant : ce n'est jamais, en politique, un absolu.

A M. Longuet, qui nous dit que ce texte va engendrer la suspicion...

M. Gérard Longuet.  - Oui.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - ...je réponds que la suspicion est partout aujourd'hui. Certes, ce texte a une cause conjoncturelle mais le président de la République a choisi d'en tirer les conséquences avec clarté. Dans la ligne des lois sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales, cette loi dessinera une nouvelle pratique -jusqu'à la prochaine car le registre n'est jamais clos.

Nous avons veillé, sur la publication du patrimoine, à l'équité. Nous n'avons pas voulu de la transparence punition, seulement dans le cas où il y a faute. Nous avons voulu la clarté. Ce qui n'est pas le cas de ceux qui, signant un amendement, ont affirmé une position, avant de rester cois.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Et vous ne portez pas de jugement moral !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.  - Je porte un jugement logique. Le texte de l'Assemblée nationale, ont dit beaucoup, n'était pas clair ; il serait inapplicable. Mais en votant comme nous l'avons fait, nous n'avons pas tous les moyens de peser sur le débat...

L'ensemble du projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 325
Pour l'adoption 184
Contre 141

Le Sénat a adopté.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Le Gouvernement, pour que l'examen du projet de loi ordinaire puisse aller à son terme, souhaiterait que soit ouverte la séance de nuit.

Il en est ainsi décidé.

La séance est suspendue à 19 h 40.

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

La séance reprend à 21 h 50.