Loi de finances pour 2014 (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons l'examen du projet de loi de finances pour 2014, adopté par l'Assemblée nationale.

Discussion générale (Suite)

M. Jean Arthuis .  - L'examen de ce budget intervient dans une situation dont chacun mesure la gravité tant l'exaspération de nos concitoyens est sensible. Hors de l'Hexagone, nos partenaires européens doutent. C'est dire que nous ne pouvons pas attendre 2017 pour rétablir nos comptes publics.

En préambule, monsieur le ministre, cessez d'invoquer l'héritage des gouvernements précédents alors que vous êtes au pouvoir depuis dix-huit mois.

Depuis l'élection de François Hollande, la dette a progressé de 150 milliards - 200 milliards si l'on tient compte des avances et des prêts. Les astuces cosmétiques n'ont rien perdu de leur hardiesse : les 12 milliards d'investissements d'avenir reportent à plus tard les arbitrages budgétaires. Il en va de même pour les 10 milliards du CICE : des créances sur l'État constatées en fin d'année, voilà encore un moyen de reporter les réformes politiquement redoutées. Vous annoncez une réduction des dépenses de 15 milliards alors qu'elles continuent à augmenter en valeur absolue. Oui, gauche, droite, même ambiguïté.

Je déplore que vous ayez renoncé à une présentation globale de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de finances, (M. Philippe Marini, président de la commission des finances, approuve) est-ce pour mieux dissimuler le matraquage fiscal sur lequel M. Moscovici vous avait mis en garde ? Rompez avec le déni de la réalité pour assumer avec courage les choix qui s'imposent en faisant taire les clivages partisans.

La vie de nos entreprises est menacée : fermetures, délocalisations, recours à des travailleurs de l'est de l'Europe, comment enrayer ce processus ? La création de la BPI serait la clé du redressement. Pour autant, le problème est moins celui du financement que de la rentabilité. Celle-ci a baissé le plus fortement en France parmi les dix-sept pays de la zone euro. Vous avez imaginé un temps un impôt sur l'excédent brut d'exploitation qui aurait comprimé encore plus les marges des entreprises. Vous y avez renoncé, renforçant l'impression d'incertitude qui se dégage de l'action du Gouvernement.

Je reconnais le premier pas que vous avez accompli avec le CICE, que vous tirez du rapport Gallois. Si vous êtes restés au milieu du gué, vous avez levé des tabous de la gauche, dont la hausse de la TVA. Le travail est le plus taxé en France : 42 % du total des prélèvements obligatoires en France sont des charges sociales, contre 35 % en moyenne dans la zone euro et 27 % dans l'OCDE. La consommation ne représente que le quart des prélèvements obligatoires, contre 33 % au sein de l'OCDE. Allez au bout de votre logique et assumez votre choix : supprimez les cotisations d'allocations familiales et alléger les cotisations d'assurance maladie. Allez vers la clarté et la simplicité plutôt que de décaler d'un an les charges avec le CICE. Soyez pédagogues ! Je souligne d'ailleurs un problème d'équité : les professions indépendantes, qui vont subir la hausse de la TVA, doivent obtenir un crédit d'impôt. C'est une mesure de justice.

L'assainissement de nos comptes publics constitue une impérieuse nécessité, à laquelle nous serions venus plus vite sans l'Europe. J'espère, monsieur le ministre, que vous avez mesuré les limites du matraquage fiscal ; la réduction de la dépense publique est la seule issue. Monsieur le ministre, vous qui avez été en charge des affaires européennes, vous avez soutenu l'augmentation du temps de travail des fonctionnaires européens et le recul à 65 ans de l'âge de leur départ à la retraite. Ayez ce courage pour la France et mettez fin aux 35 heures.

L'heure est grave. Parce que le budget voté par les députés ne réduit pas la dépense publique, parce qu'il taxe la production plutôt que la consommation, parce qu'il se laisse aller à la hausse des prélèvements obligatoires, le groupe UDI-UC ne le votera pas.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - Je demande une brève suspension de séance.

La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 16 h 20.

M. Éric Bocquet .  - À l'entame de ce débat, je suis traversé d'un doute existentiel profond... (Exclamations étonnées à droite)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Vous n'êtes pas le seul !

M. Éric Bocquet.  - ... en tant que parlementaire. J'ai entendu tous les acteurs dire qu'il faudrait dépenser moins, économiser plus et la clé de voûte de ce raisonnement est la règle d'or que seuls 32 sénateurs ont refusée dont les membres du groupe CRC. Les agences de notation, la Commission européenne - qui, par la voix du professeur Barroso, a fait savoir ce qu'elle pensait de ce budget - la Cour des comptes, instance estimable mais qui sort un peu de son rôle en donnant au Gouvernement des préconisations, le Haut Conseil des finances publiques, où siègent des représentants des grandes banques privées qui ont agi comme l'on sait et nous en payons encore les conséquences, l'OCDE... J'arrête là la liste des prophètes de l'austérité. Le concert est bien harmonieux, il est temps de faire entendre d'autres voix. L'an dernier, le FMI mettait en garde sur les effets de l'austérité. Le modélisateur économique en chef de la Commission européenne en a calculé le coût : 4,78 points de PIB de 2001 à 2013 en France, 2,61 % en Allemagne, 4,86 % en Italie et 5,36 % en Espagne. Nous porterons dans ce débat des amendements pour une plus grande justice fiscale, pour solliciter davantage les dividendes et les patrimoines et soutenir le pouvoir d'achat des ménages, qui, chacun le sait, représentent 50 % de notre PIB.

La lutte contre la fraude fiscale, voilà un autre chantier auquel doit s'atteler le Gouvernement. 2 milliards de recettes attendues pour 2014, cela est décevant. La question des moyens se pose : il faut renforcer ceux de l'administration fiscale.

Monsieur le ministre, ce matin, vous avez déclaré que la réforme fiscale annoncée par le Premier ministre avait été engagée dès 2012... Sous M. Cahuzac ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - Je n'ai pas dit ça !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - N'importe quoi !

M. Éric Bocquet.  - M. Moscovici ...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Il n'est pas là !

M. Éric Bocquet.  - ... a déclaré qu'il n'y avait pas lieu de changer de budget parce que la France a intégré les règles européennes alors que le Haut Conseil des finances publiques a indiqué dès septembre que le mécanisme de correction sera déclenché - c'est à l'indicatif - mi-2014... Il est urgent de clarifier.

En raison du rôle dévolu au Parlement, du choix contestable de l'austérité et du manque de lisibilité, le groupe CRC refuse ce projet qui ne restaurera pas le consentement à l'impôt, contrairement à ce que vous affirmiez ce matin, parce qu'il faut installer une fiscalité juste et progressive à laquelle personne n'échappe. (Applaudissements sur les bancs CRC et plusieurs bancs UMP)

M. Jacques Mézard .  - Le groupe RDSE votera très majoritairement la première partie du projet de loi de finances pour donner au Sénat l'opportunité de discuter de la deuxième partie. Si cela n'est pas le cas, la faute n'en reviendra pas entièrement au Sénat. Cela est d'autant plus déplorable que, monsieur le ministre, vous avez toujours démontré votre volonté de dialoguer dans notre hémicycle, en expliquant votre politique et en répondant à nos questions. Ce n'est pas le cas des ministres qui, au mépris du Sénat, annoncent qu'ils feront adopter leurs textes sans modification à l'Assemblée nationale, c'est ne pas respecter les institutions. Pour restaurer la confiance, il faut rétablir le dialogue.

L'Insee table au troisième trimestre sur une rechute de la croissance, un recul des exportations et de la consommation des ménages. La reprise n'est toutefois peut-être pas si loin. Nous proposerons des mesures pour renforcer le pouvoir d'achat des Français, y compris en revenant sur la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires. (On s'en réjouit à droite) Les Français souffrent du chômage, ceux qui travaillent ont peur de perdre leur emploi, l'accès au logement est difficile. Le consentement à l'impôt est mis à mal ; malgré les efforts du Gouvernement les Français doutent de la justice fiscale. Or elle est essentielle à notre démocratie. Nous vidons les assiettes de nos impôts, à coup de niches fiscales et sociales, ce qui nuit au consentement à l'impôt. Cette instabilité fait obstacle à l'investissement dans les entreprises. Le président de la République amorce une remise à plat de notre fiscalité, soit. Il aurait pu le faire plus tôt (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx confirme) comme d'autres...

En attendant, vous supprimez des niches fiscales à l'article 17 mais vous en créez deux pour l'outre-mer. Où est la logique ? En matière de logement, nous défendrons des mesures dissuadant la rétention foncière plus ambitieuses.

J'en viens aux collectivités territoriales, dont chacun sait que les dotations baissent. Dans le pacte de confiance entre État et collectivités territoriales, sont prévues des recettes pour combler le manque de 6 milliards afin de financer les allocations de solidarité comme le RSA. Nous ne retrouvons que 2 milliards dans ce budget. L'article 26 affecte aux départements les recettes des frais de gestion de la taxe sur les propriétés bâties qui seront placées dans un fonds partagées entre compensation et péréquation selon des critères inspirés du fonds de soutien aux départements en difficulté, qui a suscité la polémique : en se calant sur la Seine-Saint-Denis et la Corrèze on fait naître le soupçon. Comme l'an dernier, les DMTO sont au coeur d'une polémique. Lisibilité, toujours, et équité doivent être au rendez-vous notamment en matière de péréquation. Tout sauf cette danse de Saint-Guy sur les impôts et la TVA. Et que dire de la surévaluation de l'euro ?

Dans le mauvais temps et dans l'intérêt général, nous apporterons notre soutien à ce budget. (Applaudissements sur les bancs RDSE et socialistes)

M. Albéric de Montgolfier .  - Stabilité, prévisibilité et lisibilité, insistait M. Moscovici il y a peu, avant que le Premier ministre annonce une remise à plat de la fiscalité.

À rebours de ce qui a été annoncé, nous sommes dans l'instabilité, l'imprévisibilité et l'illisibilité.

Il y a un an, nous dénoncions le tournis fiscal du Gouvernement. Ce budget n'y a pas échappé. De la pause fiscale, nous sommes passés à un ralentissement fiscal, c'est-à-dire à un ralentissement de la hausse. Bref, instabilité encore et toujours. L'histoire nous a donné raison. Le matraquage fiscal se traduit par un ras-le-bol fiscal - pour reprendre l'expression de M. Moscovici - et une exaspération des citoyens.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Prenez votre part dans le matraquage fiscal !

M. Albéric de Montgolfier.  - Ce qui est sidérant, est que vous ne changez rien ! Vous annoncez des rentrées fiscales amputées de 5,5 milliards, mais il faudra peut-être compter le double. Le matraquage fiscal a conduit à une baisse des investissements. Plutôt que d'entreprendre des réformes structurelles, vous vous reposez sur l'environnement économique international et la finance qui, comme l'a dit M. Marini, est devenue votre meilleure alliée : la charge de la dette représente 2 000 milliards d'euros ! De cet endettement, nous portons tous une part de responsabilité depuis les années 1980, même si la crise y est pour beaucoup. Pour que la France continue d'avoir accès au crédit, il faut ce courage dont vous manquez pour redresser les comptes publics. Vous continuez de financer des emplois aidés, qui n'inverseront pas la courbe du chômage ; vos économies en dépenses se réduisent de budget à budget, à 700 millions d'euros dans le budget de l'État. La vraie baisse, c'est celle de la dotation aux collectivités territoriales : 1,5 milliard d'euros et vous augmentez simultanément leurs charges de 2 milliards, à cause en particulier de la réforme des rythmes scolaires. La pause fiscale, le ralentissement fiscal ? Mensonges ! Vous augmentez les impôts sur les ménages de 12 milliards, sans oublier les entreprises qui devront financer la mini-réforme des retraites, le compte pénibilité, autant de mesures qui annulent le CICE et contredisent le cap affiché de la compétitivité. La dichotomie entre le discours et les actes est patente. Une hausse de 20 % des faillites, en un an, voyez !

Bref, ce budget comporte des mesures insuffisantes, dangereuses, voire récessives.

Visiblement, le changement n'est pas pour maintenant. Le groupe UMP votera fermement contre ce projet de budget ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Regardez plutôt vos propres contradictions.

Mme Michèle André .  - Voici le budget d'une France qui connaît son État, elle est une république et, depuis 1946, une république sociale .Cela impose à un gouvernement de gauche de suivre le cap des services publics et de la protection sociale. L'État dit providence auquel, nous socialistes, sommes attachés, n'est pas en crise comme le répètent certains avec gourmandise : c'est l'économie qui est en crise de mutation depuis 1973, ce n'est pas une raison de jeter aux orties notre modèle de protection sociale et de services publics.

Ce budget est clair. Il a une orientation : retrouver la croissance, un impératif de souveraineté par la réduction de la dette et du déficit que nous ont légués dix ans de gouvernements de droite. C'est, pour parodier Kipling, le « fardeau des gouvernements de gauche » car Jean-Marc Ayrault n'est pas le premier à se colleter à un tel héritage. Et je n'oublie pas la suppression précipitée de la taxe professionnelle qui pèse sur les collectivités territoriales. Le déficit était de 5,2 % fin 2011, il sera de 4,10 % en 2013 et de 3,6 % en 2014.

Le sérieux budgétaire du Gouvernement, ses initiatives pour la compétitivité des entreprises et la simplification de leur environnement normatif, c'est indéniable, sont pour beaucoup dans les bonnes conditions de financement dont bénéficient actuellement les entreprises.

L'objectif du Gouvernement, c'est aussi, bien sûr, la justice sociale. Le gel du barème de l'impôt sur le revenu avait soumis à l'imposition 3,1 millions de foyers fiscaux supplémentaires en 2011 et 2,9 millions de plus en 2012. Sans commentaire !

Nous rétablissons la progressivité de l'impôt et nous protégeons les plus modestes avec l'indexation de l'impôt sur le revenu, la réforme du revenu fiscal de référence, ou encore la décote renforcée.

La stratégie de ce projet de loi de finances consiste à conjuguer maîtrise des dépenses et stabilisation des prélèvements obligatoires. Les hypothèses de croissance sont prudentes : + 0,1 % en 2013, + 0,9 % en 2014.

Pas moins de 15 milliards d'économies de dépenses sont prévues, soit 80 % des efforts de réduction du déficit, contre 33 % l'an passé.

La stabilisation des prélèvements obligatoires est réelle, puisqu'ils n'augmentent que de 0,15 % du PIB en 2014, dont 0,1 %, soit deux milliards d'euros, provenant de la lutte contre la fraude fiscale, ce qui ramène ce taux à 0,05 %. Ils n'augmenteront pas en 2015.

Nos comptes sont redressés avec une année d'avance par rapport au programme transmis à Bruxelles. Certains brandissent des arguties fiscales indécentes après avoir creusé les déficits à grands coups de cadeaux aux plus aisés ; les mêmes avaient pourtant dû créer 40 taxes entre 2010 et 2012. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Roger Karoutchi protestent) Le Gouvernement actuel a pris ses responsabilités. Il s'est attaqué à des réformes en profondeur...

M. Vincent Delahaye.  - Lesquelles ?

Mme Michèle André.  - La recherche d'un système fiscal plus égalitaire correspond à la stratégie fixée par le président de la République : nous voterons ce budget. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Une motion de renvoi en commission du projet de loi de finances a été déposée par le groupe UMP. Je vous propose d'en débattre à l'issue de la discussion générale. La commission des finances se réunirait - sauf surprise, brièvement - pour examiner la motion à la suspension où dès la clôture de la discussion générale.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx .  - Nous regrettons l'absence du ministre de l'économie à qui j'adresserai l'essentiel de mes critiques. Il est venu faire un petit tour puis s'en est allé, comme il était venu, avec beaucoup de légèreté... (Mme Michèle André proteste)

M. Francis Delattre.  - Eh oui !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - L'an dernier, l'agence Moody's dégradait la note française d'un cran. L'opposition critiquait alors la politique du Gouvernement. L'agence Standard & Poor's vient de faire de même... parce qu'elle serait mal informée des réformes en cours, disent les mêmes ! (On rit à droite) La politique menée depuis 2012 n'a pas permis de redresser nos comptes publics observe-t-elle en substance. On peut critiquer les méthodes des agences, et je ne m'en suis pas privée, comme vice-présidente de la commission d'enquête du Sénat...

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - C'est pourtant vous qui les citez.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - ... mais il serait constructif de considérer leur avis - convergents avec ceux du FMI, de la Commission européenne - comme des avertissements.

Quand allez-vous nous proposer une politique constructive et cohérente ?

Vous avez d'abord un problème de méthode. Nous discutons d'un texte vidé de sa substance : suppression de la taxe EBE, de la taxe carbone, report de la majoration sur les terrains non bâtis... vous courez après les recettes et gérez les finances publiques à la petite semaine, conséquence de votre impréparation ! (M. Jean Germain proteste)

Votre approche macroéconomique est aussi critiquable : compter sur le retour de la croissance n'est pas une stratégie. Aucune perspective de reprise durable n'est observée, mais vous restez imperturbablement confiants, en tablant sur une hausse de la consommation des ménages de 0,8 % en 2014, après 0,3 % en 2013. Or les hausses d'impôts ne risquent pas de soutenir leur pouvoir d'achat puisqu'ils sont taxés à hauteur de 12 milliards supplémentaires.

Les annonces de baisses de dépenses publiques nous laissent sceptiques. L'an dernier, la dépense publique a dérapé ! Votre objectif de 0,4 % pour 2014 est trop ambitieux.

Ces baisses, en outre, ne sont pas documentées et ne procèdent pas d'une stratégie globale de réforme de l'État, qui fait défaut.

Nous déplorons que vous teniez un double discours : sérieux à l'égard de la Commission européenne - qui n'est pas dupe - rassurant à l'égard des Français. Résultat : un non-discours, inadapté à notre situation économique, faute de stratégie et de méthode. Ce faisant, vous hypothéquez l'avenir. Notre pays a besoin d'une véritable politique de compétitivité.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - L'irresponsabilité, c'était avant !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Nous devons adapter notre modèle, comme l'ont fait avant nous l'Allemagne, la Suède et le Canada. La réduction des dépenses doit être une priorité, de même que le recentrage des interventions de l'État. Il en va de la crédibilité de la France en Europe. Monsieur le ministre, nous vous demandons de réagir, de prendre la mesure de la gravité de la situation. L'annonce de la remise à plat de la fiscalité témoigne du fait que le Gouvernement a épuisé toutes les solutions (Mme Michèle André proteste). Et le projet de loi de finances rectificative annonce une chute de 11,2 milliards d'euros de recettes fiscales, qui affecte tous les impôts et taxes (seules celles liées à l'ISF progressent très légèrement) : voilà la réalité, l'argent ne rentre pas dans les caisses !

M. Roger Karoutchi.  - Eh oui !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je ne voterai pas le projet de budget, qui ne trace nullement le chemin approprié pour redresser le pays et respecter nos engagements européens. (Applaudissements sur les bancs UMP et UDI-UC)

M. Aymeri de Montesquiou .  - Pendant la première année du quinquennat, le Gouvernement a estimé que la baisse de la dépense était plus récessive que la hausse des impôts. Dans la mondialisation, ce n'est plus vrai...

Jean-Pierre Caffet.  - Pourquoi ?

M. Aymeri de Montesquiou.  - Le Premier ministre a annoncé que seuls 10 % des Français seraient touchés par les hausses d'impôts : ils le sont tous et estiment que « trop, c'est trop » ! Le Premier ministre fait du Raymond Devos : ce serait moins bien, si c'était pire. Et le ministre de l'économie abuse de la méthode Coué. Son optimisme serait louable s'il n'était inquiétant.

Messieurs les ministres, allez sur le terrain, vous y sentirez le malaise et l'angoisse : en un an, les défaillances d'entreprises ont augmenté de 16,5 %. Lisez les pages d'annonces légales des journaux locaux ! Les dépenses ne baissent nullement de 15 milliards, comme cela est claironné. La pression fiscale augmente, elle, bien plus fortement qu'annoncé. Au total, ce sont entre 12,5 et 13,5 milliards d'euros d'impôts supplémentaires.

Les collectivités territoriales doivent contribuer, soit. La DGF baisse de 1,5 milliard, mais que l'État donne l'exemple ! Tous les juges de paix des finances publiques sont unanimes, mais vous ignorez leurs mises en garde. Le HCFP estime plausibles vos hypothèses de croissance, mais optimistes vos prévisions d'emplois. La Commission européenne, elle, vous avertit des limites de vos choix, en matière sociale. Le TSCG impose la convergence européenne : où est-elle ? L'OCDE, réservée sur la compétitivité française, préconise une réforme de la fiscalité et du marché du travail. Les déclarations et hésitations du président de la République et du Premier ministre finissent par exaspérer : écotaxe, taxe sur l'EBE... et vous obligent à relever le taux de l'IS jusqu'à 38 %, soit le plus élevé de l'Union européenne. Pour mémoire, le Royaume-Uni est à 23 %, l'Allemagne et l'Espagne à 30 %, l'Italie à 31,4 %.

La France taxe encore davantage les entreprises, au risque de tuer leurs capacités d'investissements et de s'isoler en Europe.

La taxe à 75 % rapporte peu et coûte beaucoup, symboliquement et économiquement. Son transfert sur les entreprises est atterrant, qui va dissuader davantage les investissements directs étrangers.

Prenez exemple sur les États comparables au nôtre, qui ont réussi à se redresser : la Suède, le Canada, les Pays-Bas. La première a choisi de se réformer en profondeur, d'alléger la pression fiscale sur ses entreprises, en portant la TVA à 25 %.

Lisez la presse internationale ! Vous donnez l'image désastreuse d'un pays arrogant à l'extérieur et stérilisant à l'intérieur ; bref, incapable de réformer. Vous avez hérité d'une situation difficile...

M. Richard Yung.  - Cela, c'est vrai !

M. Claude Haut.  - D'accord !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Vous l'avez aggravée !

M. Jacky Le Menn.  - Mais non !

M. Aymeri de Montesquiou.  - En dix-huit mois, la dette a augmenté de 195 milliards d'euros. Profitez des assises de la fiscalité en 2014 pour redonner aux Français de l'envie et de l'espoir, mettre un terme à l'instabilité et à l'iniquité fiscale et pour éviter que leur inquiétude se transforme en angoisse et leur angoisse en révolte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Très bien !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Tel un bonnet rouge, vous appelez à la révolte !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Mais non !

M. Claude Haut .  - Le projet de budget se caractérise par son sérieux...

M. Roger Karoutchi.  - Ah ?

M. Claude Haut.  - ... sa rigueur, sans hypothéquer les chances de reprise.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Très Bien !

M. Claude Haut.  - De nombreuses collectivités territoriales sont disposées à vous aider et à prendre leur part du redressement des finances publiques, tout en soutenant l'investissement local. Leur dotation diminue toutefois dans une proportion sans précédent en 2014, 2015 et 2016. Nous comprenons cet effort, légitime.

M. Francis Delattre.  - Pas nous !

M. Claude Haut.  - Vous avez changé d'avis !

M. Claude Haut.  - Les efforts de 15 milliards d'euros de l'État et de 6 milliards d'euros de la sécurité sociale sont inédits : il était difficile de ne rien demander aux collectivités territoriales. Fin 2011, le précédent gouvernement entendait baisser ces dotations de 2 milliards par an pendant cinq ans...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Vous les baissez beaucoup plus !

M. Claude Haut.  - Cette décision avait été prise à la sauvette... (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Francis Delattre protestent)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Nous y avons consacré de longs débats...

M. Claude Haut.  - L'effort consenti est équitablement réparti entre les différentes strates de collectivités.

Ces dernières vont devoir apprendre à faire mieux avec moins. Elles n'ont pas attendu la recommandation de la Cour des comptes, qui sont toujours bienvenues, pour rationaliser leurs politiques. Mais leurs dépenses sont en partie incompressibles, et de nouvelles charges leur ont été transférées. Leurs efforts doivent être pleinement reconnus. Elles participent à 70 % à l'investissement public, elles font vivre au quotidien les entreprises sur les territoires.

Monsieur le ministre, nous avons apprécié votre volonté d'écoute, notamment sur le FCTVA qui, symbole du soutien de l'État aux collectivités territoriales, devrait évoluer.

Ce budget, et c'est une satisfaction, conforte les mécanismes de péréquation. La péréquation verticale progressera de 119 millions d'euros.

Nous devons tout faire, effectivement, pour que l'investissement des collectivités territoriales soutienne la croissance. En période d'élection, l'investissement local risque de diminuer : prenons-y garde.

Accentuons en outre les efforts faits pour juguler l'inflation normative.

Monsieur le ministre, vous avez reçu plusieurs fois les départements, nous vous en savons gré. Leur situation est difficile. Parce que l'avenir, c'est donner confiance en la jeunesse ; le ministre de l'éducation nationale a lancé la refondation de l'école de la République, réforme qui redonne toute sa place aux collectivités territoriales : nous nous en réjouissons.

Pour une fois, avec la réforme des rythmes scolaires, l'avenir de nos enfants est au coeur des débats.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Beau sujet !

M. Claude Haut.  - Le Gouvernement a répondu en partie à nos inquiétudes en annonçant la reconduction du fonds d'amorçage pour 2014-2015 qui sera de 370 millions d'euros et en assouplissant les normes d'encadrement. Reste que toutes nos actions ont un coût. À nous d'arbitrer en gardant à l'esprit que l'avenir de nos enfants doit rester une priorité ! Trois mois après la rentrée, il est trop tôt pour tirer un bilan ; poursuivons nos efforts.

Le budget 2014 est sérieux, juste, rigoureux, fondé sur des hypothèses crédibles. Les sénateurs socialistes le soutiendront. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Thierry Foucaud .  - Éric Bocquet a souligné la nécessité de conduire une action publique nouvelle. La situation peu satisfaisante ne suscite que de la résignation. Le Gouvernement capitule devant les marchés financiers, les oukases de la Commission européenne, et de tous ses adversaires politiques.

Les charges sociales ne sont rien d'autre que des composantes du revenu des ménages : ne pas le voir, c'est renoncer à nos principes.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Alors, il y a les purs et les mauvais !

M. Thierry Foucaud.  - Monsieur le ministre du budget, vous aviez annoncé vouloir vous attaquer aux niches fiscales. Notre fiscalité nécessite un sérieux coup de balai. Le projet de loi de finances prévoit 285 milliards d'euros de recettes pour faire face à ses obligations, qui proviennent en majeure partie de la TVA et de la TICPE.

L'IR dépasse les 70 milliards d'euros, grâce à l'élargissement de son assiette et à la réforme du quotient familial pour 13 milliards d'euros. Il y avait d'autres points et dont le résultat aurait été autrement considérable. L'impôt sur les sociétés se porte moins bien : 36 milliards d'euros. C'est faible : une entreprise moyenne est libérée en six jours d'activité du poids de son impôt sur les sociétés.

La fiscalité affectée a progressé quatre fois plus vite que les ressources budgétaires nettes. La CSG est le meilleur exemple, suivi par les droits sur les tabacs et alcools. La CSG est l'impôt qui pèse le plus sur les plus modestes. Son produit augmente sans douleur tous les ans. Bref, l'étatisation de la sécurité sociale est une réalité.

Les niches fiscales représentent 230 milliards, dont 165 au seul bénéfice des entreprises. Étrange pays, où l'impôt sur les sociétés rapporte 36 milliards, et où nous rendons 165 milliards d'euros sous une forme ou sous une autre aux entreprises, sans compter les allègements de cotisations sociales et les réductions d'impôts locaux... Qui critique « l'assistanat » ? C'est oublier les entreprises dont les obligations financières sont allégées à hauteur de 10 % du PIB...

À cela s'ajoute le manque à gagner considérable de 60 à 80 milliards d'euros liés à la fraude fiscale. Ce sont les marges de manoeuvre. De ce tableau que je viens de dresser, se dégage l'ordre des priorités pour rendre notre système plus juste et plus efficace : passons de la résignation du traité budgétaire européen à l'audace et à l'initiative. Prendre dans la poche des collectivités territoriales est parfaitement inutile. Pour les comptables bruxellois, c'est d'ailleurs du pareil au même. Ce milliard et demi qu'on s'apprête à leur retirer aura un impact sur la croissance, l'emploi et surtout l'investissement public. Le sort de France Télévisions n'est guère plus enviable, qui a arrêté un plan social pour contribuer à l'effort de rigueur demandé par le Gouvernement. Je passe sur la fiscalité punitive par manque de temps. Bref, il y a du grain à moudre sur la fiscalité des entreprises : nous ferons des propositions pour pénaliser leurs comportements spéculatifs.

S'il ne change pas profondément dans le sens que nous préconisons, nous rejetterons ce budget sans ambages. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Yvon Collin .  - Redresser nos finances publiques, favoriser la croissance et l'emploi : tels sont les objectifs de ce budget.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Très bien.

M. Yvon Collin.  - Je les partage, mais l'annonce d'une remise à plat de la fiscalité m'inquiète. Nous sommes favorables au principe d'une telle réforme, qui doit inclure la fusion de l'IR et de la CSG en un unique impôt progressif, souhaité de longue date par les radicaux. Dois-je rappeler que ce fut l'un des leurs, Joseph Caillaux, qui institua l'impôt sur le revenu progressif en 1907 ? La réforme doit être juste et ambitieuse car elle suscite des attentes fortes des ménages et des entreprises. Je me réjouis que le Haut Conseil des finances publiques ait été saisi de ce dossier très technique.

Nous préconisons également un impôt progressif sur les entreprises, à rebours de la dégressivité effective actuelle. Ces impôts devront reposer sur des assiettes larges, actuellement trouées par les niches fiscales, afin de consolider le consentement à l'impôt, pilier de notre pacte républicain.

Le nouveau système devra être stable et lisible, afin de soutenir la croissance. Je me réjouis que le budget préserve les ménages aux revenus modestes. Nous proposerons d'aller plus loin en revalorisant la décote sur l'IR. On peut s'interroger sur la constitutionnalité de l'article 8.

Un sentiment d'impréparation sur la fiscalité des entreprises a alimenté la contestation ; cette fiscalité doit favoriser l'investissement, notamment des PME. L'an dernier, vous aviez reculé sur la réforme des plus-values mobilières, devant la fronde des pigeons. De même, l'article 10 ne crée plus de taxe sur l'EBE. La hausse de 10,7 % de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés qui lui a été substituée est une solution de secours.

Les cotisations sociales employeurs devraient être assises sur la valeur ajoutée nette, et non sur la masse salariale, pour préserver l'emploi. Je me réjouis des mesures relatives à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale. Il faut des mesures radicales pour lutter notamment contre la fraude à la TVA : elles figurent opportunément dans ce texte.

Je regrette d'une part que les moyens consacrés à l'Aide publique au développement (APD) ne soient pas à la hauteur des engagements pris à l'ONU : 0,46 % du PIB, contre 0,7 % prévus ; d'autre part, que les aléas climatiques ne soient pas suffisamment pris en compte dans le budget de l'agriculture.

Ces deux réserves mises à part, nous soutiendrons ce budget. Nous formons le voeu que la réforme fiscale à venir reprenne à son compte les principes fondateurs énoncés aux articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, ainsi que sur les bancs socialistes)

M. Philippe Bas .  - Monsieur le ministre, j'apprécie votre compétence et la clarté de votre raisonnement et de vos réponses.

M. Roger Karoutchi.  - Solidarité normande !

M. Philippe Bas.  - Ce budget intervient dans une situation qui n'est pas fameuse : le marasme économique. Elle est d'autant plus étonnante à considérer au regard de la croissance économique que connaît le reste du monde. Nous sommes sortis du pic de la crise de l'euro en 2011 grâce au vigoureux traité européen et à la règle d'or. L'étau a été desserré mais les contraintes demeurent et l'urgence commande de retrouver la compétitivité de nos entreprises.

Or nous constatons avec ce budget une aggravation des prélèvements obligatoires, qui passent de 45 à 46,1 %, un record historique pour notre pays. Compte tenu des doutes émis par le Haut Conseil des finances publiques sur les hypothèses qui sous-tendent ce projet de loi de finances, on ne peut que s'inquiéter de l'exécution de ce budget. D'autant plus que nous constatons déjà des moins-values fiscales et que les réformes structurelles ne sont pas là, ce qui n'est guère pour nous rassurer sur la maitrise de la dépense publique. Découvrant le problème de compétitivité, vous avez créé le CICE après avoir supprimé la TVA parce qu'elle venait de vos prédécesseurs. Là encore, les observations du Haut Conseil des finances publiques étaient justes. En somme, rien n'est fait pour stimuler la compétitivité de nos entreprises.

Dans les discours, vous avez abandonné la dichotomie stérile entre taxation des ménages et des entreprises. S'attaquer aux secondes, c'est aussi s'en prendre aux premiers puisque les entreprises sont à l'origine des revenus des ménages. Ceux-ci ne sont pas épargnés : création d'une nouvelle tranche d'imposition, fiscalisation des avantages familiaux, réforme du quotient familial. Avec la création d'une tranche de 45 % pour l'impôt sur le revenu, on arrive, si l'on ajoute la CSG, à 60 % !

Quant aux 15 milliards d'économies de dépenses, encore faudrait-il revoir vos méthodes de calcul. Elles sont réalisées de plus, pour 9 milliards, sur le dos de la sécurité sociale, avec l'affectation de la Casa au FSV, de la défense nationale, en menaçant les Opex...

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - Ce n'est pas vrai !

M. Philippe Bas.  - ... et des collectivités territoriales. La remise en cause des dotations est très grave en ce qu'elle dénonce un pacte et s'accompagne de nouvelles charges telles que la garantie universelle des loyers ou la réforme des rythmes scolaires.

Une remise à plat de la fiscalité ? Nous pourrions y travailler avec vous. Mais sur quel objectif ? On aimerait entendre vos priorités. Pour l'essentiel, les nôtres sont la compétitivité et la croissance, la baisse des prélèvements obligatoires pour les ménages ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Vincent Delahaye .  - L'exaspération pointe ! Il y a deux ans, je mettais en garde Mme Pécresse contre un ras-le-bol fiscal. Vous en avez rajouté deux couches entre 2012 et 2013. Les entreprises dénoncent un marché de dupes : vous leur retirez 30 et 40 milliards et leur reversez 20 milliards en crédit d'impôt. Idem pour les ménages : un Français sur dix devait être touché par la hausse d'impôt, ils le sont tous avec la réforme du quotient familial, entre autres. Le Gouvernement annonce une pause fiscale à grand renfort de communication. En réalité, le niveau des prélèvements obligatoires n'a jamais été aussi élevé : 46,12 % du PIB. Plus qu'une pause, il faudrait un reflux. La dette, répétez-vous, s'est accrue de 500 milliards sous le précédent quinquennat ; depuis dix-huit mois, elle s'est aggravée de 195 milliards si bien qu'elle atteindra bientôt 2 000 milliards, soit sept années d'impôts acquittés sans les services publics correspondants.

Dans les collectivités, la ligne rouge est franchie dès lors que l'endettement dépasse une année d'impôt, et l'État en est à sept années ! Heureusement, les marchés sont cléments avec vous.

M. Francis Delattre.  - Pourvu que ça dure !

M. Vincent Delahaye.  - Rendez-vous compte : la charge de la dette équivaut au budget de l'éducation nationale ! La seule solution est la réduction de la dépense, une réduction réelle, pas seulement une moindre augmentation. Même chose sur le déficit structurel : vous vous gargarisez de sa réduction alors que c'est le déficit effectif qu'il faut réduire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - C'est le cas.

M. Vincent Delahaye.  - Je ne crois pas que l'on atteindra les 3 % en 2015, ne serait-ce que parce que la réforme des retraites n'a pas été à la hauteur des exigences.

Vous proposez 1,5 milliard de dépenses sur les collectivités territoriales.

M. Gérard Miquel.  - Et vous ?

M. Vincent Delahaye.  - Quand la précédente majorité annonçait une baisse de 200 millions, on entendait...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Des cris d'orfraie !

M. Vincent Delahaye.  - Après les pigeons, vous ferez face à la fronde des dindons. Oui, les collectivités territoriales seront les dindons de la farce. On annonce des aides pour accompagner la réforme des rythmes scolaires. Où sont les 50 euros par élève annoncés dans le budget de l'éducation nationale ? Je vois 60 millions, il en faudrait 250.

Vous demandez beaucoup d'efforts aux militaires ; 45 000 postes ont été supprimés ces cinq dernières années. Et pourtant la masse salariale augmente de 500 millions ! C'est à n'y rien comprendre.

Il faudrait faire tout le contraire de ce que vous dites : alléger la pression fiscale et réduire la dépense. Oui à une grande réforme fiscale. Je l'attends depuis longtemps. Mais vous la dites à pression constante alors que celle-ci devrait diminuer. Je m'inquiète d'entendre le Premier ministre dire qu'il prendra ses responsabilités en la matière, « comme il l'a fait sur les retraites ». Je ne peux que m'inquiéter puisque, justement, sur les retraites, il n'a pas pris ses responsabilités.

Le groupe UDI-UC ne votera pas un tel budget. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Georges Patient .  - Ce budget réalise 15 milliards d'économies en dépenses tout en accordant 18,3 milliards à l'outre-mer à qui le précédent gouvernement avait imposé une double peine : en sus de la crise, le coup de rabot sur les niches fiscales.

De fait, le soutien à l'outre-mer passait d'abord par la politique fiscale. La réduction des niches n'a pas été compensée par des crédits. Résultat, nous y avons perdu plus de 400 millions d'euros.

Le mérite de ce Gouvernement est de résister à cette pression, d'intervenir avec plus d'équité. Dans ce budget, les crédits pour l'outre-mer sont de 14,3 milliards en autorisations d'engagement et de 14,2 milliards en crédits de paiement, quasiment comme dans le budget de 2013. Pour autant, la part de l'outre-mer dans le budget ne représente pas plus que son poids démographique - soit  4,7 % de la population française - quand il accuse un retard et accumule les difficultés par rapport à l'Hexagone. Les outre-mer ont les critères du Nord mais les conditions du Sud.

Le taux de chômage y est trois fois plus élevé que dans l'Hexagone, à 30 % de la population active. Celui des jeunes de 50 %. Je me réjouis donc de toutes les mesures contenues dans ce budget qui remplissent l'engagement du président de la République, maintien de la défiscalisation sur le logement social, aide à l'investissement. Nous avons besoin de mesures de rattrapage, mais aussi d'une politique tournée vers la croissance et l'emploi. L'assistanat laisse place au développement local et je m'en réjouis. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Roger Karoutchi .  - Tout va pour le mieux ! Les collectivités territoriales sont ponctionnées d'1,5 milliard en 2014, sans doute de 3 en 2015 et peut-être d'encore 1 milliard en 2016.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - C'est vous qui avez vidé les caisses !

M. Roger Karoutchi.  - Tout le monde se souvient du niveau sonore qu'avait provoqué l'annonce, par le gouvernement précédent, d'une réduction de 200 millions des dotations des collectivités territoriales. Vingt fois plus, le silence. Les collectivités territoriales n'ont plus les moyens.

Les ménages sont-ils heureux ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Oh oui ! Bien sûr !

M. Roger Karoutchi.  - Prenez tous les sondages : 67 % des Français sont prêts à se mobiliser contre la pression fiscale, 85 % considèrent que cette politique fiscale encourage le travail au noir. Ils sont une écrasante majorité à déclarer vouloir quitter le territoire. Une décollecte d'1,44 milliard pour le Livret A, encore un bon signe : les Français puisent dans leur petit bas de laine !

Plus personne ne croit que nous atteindrons l'équilibre en 2017. Et pourtant, les ménages voient leur pouvoir d'achat baisser ; les entreprises voient leurs ressources grevées.

La Coface s'alarme. Une hausse de 7 % des faillites dans le bâtiment. Selon un quotidien de ce soir, il y a eu 44 000 faillites dans les douze derniers mois, record absolu ! La vérité est qu'un budget doit faire vivre les ménages et les entreprises une fois les impôts acquittés. Nous sommes au bout du bout de la pression fiscale. Le FMI et la Commission européenne l'ont reconnu.

Voilà que le Premier ministre annonce, contredisant son ministre de l'économie, une réforme globale de la fiscalité. M. Bas, avec sa nature généreuse, se dit prêt à y travailler. Reste que nous ne comprenons pas votre série de mesures sur la fiscalité des ménages. Bel inventaire : quotient familial, fiscalisation des avantages familiaux, fin des aides pour les enfants scolarisés. Vous parlez d'héritage, de rupture et vous êtes responsables de 200 milliards supplémentaires de dettes. Au-delà, plus de volonté, plus de crédit, plus de confiance. Les Français ne vous croient plus, les investisseurs se détournent. Les années 2014 et 2015 vont être terribles ! Le budget doit être l'expression d'une volonté économique ; vous abdiquez en créant des taxes. C'est encourager le populisme ; il sera facile de dire : « eux aussi, ils n'ont pas fait le boulot » !

En vérité, les Français, pardon de reprendre l'expression de M. Moscovici, en ont « ras-le-bol » !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Vous avez voté la TVA sociale !

M. Jean Germain .  - J'essaierai d'aborder ce débat avec objectivité et de formuler des propositions car c'est le rôle du Parlement. Merci, monsieur le ministre, pour votre attitude envers notre commission des finances. En ce qui me concerne, je trouve bien une stratégie budgétaire dans ce projet de loi de finances.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - Merci.

M. Jean Germain.  - Dans cette stratégie, je vois la réforme des retraites, la MAP, le respect de nos engagements européens et l'annonce d'une réforme fiscale avec la suppression d'un certain nombre de niches fiscales. Peut-être faudrait-il plus pénaliser les rentiers et favoriser les innovateurs et les créateurs. On ne peut plus laisser prospérer la dette, vos mesures vont dans ce sens. Au bout du compte, votre courage sera reconnu. Je rappelle que Clemenceau fut très impopulaire avant d'être préféré à Raymond Poincaré.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Belle comparaison !

M. Jean Germain.  - Nous avons tort de dire que la dette a le plus augmenté sous la présidence de Nicolas Sarkozy. C'est faux. La hausse a connu un pic de 47 à 52 % sous le gouvernement Balladur avec Nicolas Sarkozy comme ministre du budget...

M. Francis Delattre.  - Il héritait du budget de Pierre Bérégovoy !

M. Jean Germain.  - Nous avons un chômage de masse, bien qu'il baisse, en particulier chez les jeunes. Nous sentons pourtant monter des tendances populistes centrifuges en Europe. Monsieur le ministre, vous avez réussi à mutualiser les dettes. Tout en se méfiant des plans de relance, parce qu'il faut ensuite freiner brutalement et que c'est dangereux par temps de verglas, comme disait François Mitterrand, nous avons besoin d'investissements massifs. Ce plan de relance devra être adossé à une taxe européenne, qu'elle porte sur les transactions financières ou sur le carbone, et pas sur une contribution volontaire des États. C'est ainsi que nous redresserons la situation et redonnerons le goût de l'Europe aux jeunes, cent ans après le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Non, on n'a pas tout essayé. La preuve, Mme Merkel vient d'annoncer qu'elle acceptait l'instauration d'un salaire minimal en Allemagne.

Si la France est notre patrie, l'Europe est notre avenir ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Dominique de Legge .  - Ce budget serait exemplaire. À voir les chiffres de Bercy, il n'en est rien : le déficit progresse, la pause fiscale n'est pas pour maintenant et la dépense publique n'est pas tenue. Il y a de quoi s'étonner du discours de M. Moscovici ce matin.

Je concentrerai mon intervention sur la réduction des dépenses : 1,4 milliard de moins pour les collectivités territoriales, ce sont elles qui portent tout le poids. Les économies de l'État sont totalement virtuelles, elles ne portent que sur des hausses tendancielles ! Si les collectivités territoriales ne peuvent pas s'exonérer de l'effort demandé à tous, souvenez-vous des cris d'orfraie lors de l'annonce d'une réduction des dotations de 200 millions sous la précédente majorité. Dois-je rappeler les propos de Mme Bricq, alors rapporteure générale, le 22 novembre 2011 ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - C'était avant !

M. Dominique de Legge.  - Non, peut-être ceux de M. Marc alors, ou des ministres il y a quelques semaines. Oui, j'ai de bonnes lectures ! L'inacceptable hier devient acceptable aujourd'hui ; cela mérite assurément quelques explications.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Et le pacte, vous l'oubliez ?

M. Dominique de Legge.  - Au détour d'un décret du ministre de l'éducation nationale, vous transférez de nouvelles charges aux collectivités territoriales sans crédits correspondants : la fameuse réforme des rythmes scolaires.

Où est donc passé l'engagement n° 54 du candidat Hollande ? Remarquez le glissement : le « pacte de confiance et de solidarité » est devenu un « pacte de confiance et de responsabilité ».

Parce que ce budget ne traduit ni l'une ni l'autre, le groupe UMP votera contre. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Gérard Miquel .  - L'exercice est convenu : l'opposition s'oppose, la majorité soutient largement. Pour réformer, il faut de la durée. Vous l'avez eue.

Vous avez été au pouvoir pendant dix ans ! Et vous avez affaibli la France, multiplié la dette, décrédibilisé la politique auprès des Français et jeté en pâture les élus locaux !

M. Gérard Miquel.  - Compte tenu de la situation, notre pays mérite un débat d'un autre niveau.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Assurément !

M. Gérard Miquel.  - Je m'en tiendrai aux questions relatives aux collectivités territoriales.

La réforme de la taxe professionnelle a été faite à la hussarde. Résultat : les recettes ont fondu.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Tout le monde demandait qu'on la supprime !

M. Gérard Miquel.  - Les collectivités territoriales doivent prendre leur part de l'effort de redressement de la nation. Mais il faut le répartir équitablement.

Les départements sont une collectivité ancienne. Leurs compétences sont larges, mais n'ont pas toujours été accompagnées des financements nécessaires.

Au Congrès des maires, d'aucuns ont dit que les départements étaient l'ennemi des communes. D'autres, MM. Juppé et Fillon veulent les supprimer. J'y vois une source non d'économies, mais de dépenses supplémentaires.

Les départements gèrent l'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation du handicap et le RSA. Or nous n'en maîtrisons pas les évolutions.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Supprimons la clause générale de compétence !

M. Gérard Miquel.  - Cela n'a rien à voir ! Pour la première fois, le Gouvernement entend apporter des compensations aux charges croissantes que supportent les départements. Un fonds de secours de 170 millions a été créé, s'y ajoutent les 827 millions de l'article 28. Avec le prélèvement de 0,35 sur les DMTO plafonné à 12 % pour les départements pauvres qui n'ont pas beaucoup de DMTO, nous aurons 570 millions à répartir. Un seul critère de répartition est recevable : le reste à charge par habitant.

Le reste à charge dans les Hauts-de-Seine est de 66 euros, de 136 euros en Corrèze et de 70 euros dans le Jura. Il atteint 158 euros dans l'Hérault. Notre seul objectif doit être de réduire ces écarts.

Nous avons fait des efforts de rigueur et nous devons continuer à investir. Monsieur le ministre, veillez à une répartition équitable.

Ce budget, qui intervient dans une période difficile, est un bon budget. Toutefois, nous n'examinerons sans doute pas sa deuxième partie. Je le regrette.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'est le problème de la majorité !

M. Gérard Miquel.  - Le groupe socialiste ne vous ménagera pas son soutien, comme nous l'avons fait l'an passé. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Francis Delattre .  - La reprise est là, c'est indéniable, c'est incontestable. (Sourires à droite)

M. Albéric de Montgolfier.  - - 0,1 % !

M. Francis Delattre.  - M. Moscovici et M. Cazeneuve sont les seuls à l'apercevoir. C'est le Désert des Tartares. Comme le lieutenant Drogo, ils attendent la gloire, retranchés au fort de Bercy, où leur garnison habile invente chaque semaine une nouvelle taxe, hissant la France en championne des prélèvements obligatoires.

L'Allemagne, au contraire, a vu son niveau de prélèvements obligatoires diminuer de 5 points. Monsieur Germain, n'oubliez pas l'histoire : en 1993 le budget Bérégovoy avait doublé le déficit, situation que le gouvernement Balladur a dû redresser.

Les petites entreprises sont en difficulté. La production industrielle a diminué de 1,4 % au troisième trimestre, la production manufacturière de 2 % par rapport à l'année dernière. 170 000 emplois ont été détruits en un an ; 4 000 mercredi dernier, en un seul jour ! Le chômage augmente. La France a perdu deux places dans le classement des pays compétitifs de Davos, à la 23e place. L'investissement des entreprises diminue et l'on persiste à s'interroger sur la déductibilité fiscale des intérêts d'emprunt. Les exportations, elles aussi, chutent. Les Français sont en colère et ne croient plus en votre capacité politique à relever les défis.

La pause fiscale a été annoncée, puis reportée à 2015 par le Premier ministre. Il y a eu une pause politique « hollandaise », un moment de répit entre deux dévissages nous entraînant dans la chute. Les Français sont tellement abasourdis par les taxes nouvelles qu'ils ne peuvent qu'être favorables à une grande réforme, l'engagement n° 14. Bien joué !

François Hollande regarde l'économie comme s'il n'existait que deux facteurs de production : le capital et le travail. Max Weber y ajoutait la confiance. Notre note souveraine a été abaissée par Standard & Poor's. Nous perdons en crédit ; nous perdons la confiance des marchés. Après les revirements, les reculades, les contradictions, quel cap ? Lorsque la confiance s'évanouit, il n'est plus possible de lancer les réformes structurelles dont nous avons besoin. Désormais, l'Espagne, l'Italie et le Portugal nous prennent des parts de marché !

Ce budget rend la politique fiscale illisible alors qu'elle va matraquer surtout les classes moyennes, les familles et les retraités, au risque de saper le consentement à l'impôt, ciment de notre pacte républicain. En attendant, les rentrées fiscales diminuent, confirmant la courbe de Laffer ; trop d'impôt tue l'impôt, et les classes populaires découvrent qu'elles paieront des impôts sur le revenu. La hausse du malus automobile, c'est aberrant pour la ruralité ! La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, punira ceux qui se chauffent au gaz.

Vous privez les acteurs économiques de la lisibilité dont ils ont besoin. Nous sommes, d'après Les Échos de ce matin, le pays qui taxe le plus ses entreprises à 64,7 %, loin de la moyenne européenne de 41,1 %. Vous avez annoncé, monsieur le ministre, que les prélèvements sur les entreprises baisseraient en 2014 : nous attendons de voir.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - Nous le ferons !

M. Francis Delattre.  - Le déficit est passé de 63 à 72 milliards. Nous allons voter une loi de finances avant d'avoir ajusté les rentrées fiscales de la précédente. Nous sommes en matière de finances publiques, sur une scène de théâtre.

La séance est suspendue à 19 h 20.

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

La séance reprend à 19 h 40.