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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)

Dépôt de rapports

Question prioritaire de constitutionnalité (Renvoi)

Questions orales

Frais d'optique

Mme Karine Claireaux

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Entrée du Gouvernement au capital d'Alstom

M. Jean-François Longeot

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

« Plus beaux villages de France »

M. Rémy Pointereau

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Compte « pénibilité » dans le bâtiment

M. Olivier Cigolotti

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Inscription sur les listes électorales spéciales en Nouvelle-Calédonie

M. Pierre Médevielle

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer

Sécurité routière en Seine-Maritime

Mme Agnès Canayer

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer

Police nationale dans la Drôme

M. Gilbert Bouchet

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer

Subventions au CNDS

Mme Élisabeth Doineau

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer

Prolongement du tramway T4

M. Gilbert Roger

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Financement des ouvrages de rétablissement des voies

Mme Évelyne Didier

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Avenir des trains intercités

Mme Laurence Cohen

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Permis de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux

Mme Sylvie Goy-Chavent

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Missions des centres de gestion de la fonction publique territoriale

Mme Catherine Troendlé

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Fermeture de l'établissement pénitentiaire de Lure

M. Michel Raison

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Résidence alternée et contribution aux frais des enfants

M. Dominique Bailly

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Révision des valeurs locatives

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Dispositif Malraux

M. François Commeinhes

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Logement étudiant

M. Patrick Abate

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Carte scolaire en milieu rural

M. Claude Bérit-Débat

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Centres d'information et d'orientation du Morbihan

M. Michel Le Scouarnec

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Saisine du CESE

Renseignement (Procédure accélérée - Suite)

Explications de vote

Mme Cécile Cukierman

M. Jacques Mézard

M. Robert Navarro

M. François Zocchetto

M. Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Pierre Sueur

Mme Esther Benbassa

Scrutin public solennel sur le projet de loi

Scrutin public ordinaire sur la proposition de loi organique

Intervention du Gouvernement

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

CMP (Candidatures)

Débat sur les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte

Orateurs inscrits

M. Hervé Maurey, rapporteur de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation

M. Yvon Collin

M. Stéphane Ravier

Mme Françoise Gatel

M. François Grosdidier

M. René Vandierendonck

Mme Esther Benbassa

M. André Reichardt

M. Michel Le Scouarnec

Mme Dominique Estrosi Sassone

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

CMP (Nominations)

Débat sur l'industrie ferroviaire

Orateurs inscrits

M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable

M. David Rachline

M. Jean-François Longeot

M. François Aubey

M. Joël Labbé

Mme Évelyne Didier

M. Gilbert Barbier

M. Jean Bizet

M. Michel Raison

M. Martial Bourquin

Mme Nicole Duranton

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Engagement de la procédure accélérée

Débat sur l'avenir des trains intercités

Orateurs inscrits

Mme Évelyne Didier, au nom du groupe CRC

Mme Annick Billon

M. Louis Nègre

M. Jean-Jacques Filleul

M. Jean-Vincent Placé

Mme Marie-France Beaufils

M. Jean-Claude Requier

M. Philippe Adnot

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx

M. Daniel Percheron

M. François Commeinhes

M. Cyril Pellevat

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Ordre du jour du mercredi 10 juin 2015

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mardi 9 juin 2015

114e séance de la session ordinaire 2014-2015

présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente

Secrétaires : Mme Frédérique Espagnac, M. François Fortassin.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.

Conformément à l'article 9 du Règlement, la commission des finances a été invitée à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.

Dépôt de rapports

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale et le rapport sur la mise en application de la loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Acte est donné du dépôt de ces rapports qui ont été transmis à la commission des affaires économiques, ainsi qu'à la commission des affaires étrangères pour le premier, et à la commission des lois ainsi qu'à la commission des affaires sociales, pour le second.

Question prioritaire de constitutionnalité (Renvoi)

Mme la présidente.  - Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 5 juin 2015, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil d'État a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi de questions prioritaires de constitutionnalité portant, d'une part, sur les articles L. 246-1 à L. 246-5 du code de la sécurité intérieure (accès administratif aux données de connexion) et, d'autre part, sur les dispositions de l'article 1724 quater du code général des impôts et des deux premiers alinéas de l'article L. 8222-2 du code du travail (solidarité financière du donneur d'ordre à l'égard des impositions dues par l'auteur d'un travail dissimulé avec lequel il a contracté).

Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle vingt questions orales au Gouvernement.

Frais d'optique

Mme Karine Claireaux .  - Plus de la moitié des Français porte en permanence des dispositifs correcteurs de la vision, sans lesquels ces citoyens ne pourraient pas vivre normalement.

Le décret du 18 novembre 2014, en son article 2, limite les remboursements des frais d'optique par les mutuelles dans le cadre des contrats solidaires et responsables ; son but avoué : abaisser le prix des lunettes, pour que le reste à charge soit le moins élevé possible.

Une maladie de la vision n'est pas considérée comme un handicap et, en conséquence, le dispositif médical correcteur de vision est soumis à une TVA de 20 %. L'opération de chirurgie réfractaire, non remboursée par la sécurité sociale, est également soumise à ce taux de TVA.

Le poids du prix des prothèses oculaires ne devrait pas uniquement peser sur les mutuelles et les ménages. Ne serait-il pas envisageable d'instaurer, pour les lentilles et verres correcteurs, une TVA au taux réduit de 5,5 % ? C'est celle qui s'applique aux autres prothèses médicales : audioprothèses, attelles, corsets orthopédiques, ou encore implants mammaires.

L'opération de chirurgie réfractaire ne pourrait-elle pas être prise en charge, au moins partiellement, par la sécurité sociale ? Cela la ferait sortir du champ d'application de la TVA, et en ferait grandement diminuer le coût ? Le Gouvernement envisage-t-il de telles mesures ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - L'accès de l'ensemble de la population aux soins optiques est une préoccupation que partage le Gouvernement. Les frais d'optique sont de plus en plus en plus élevés. Plus les complémentaires remboursent, plus les prix augmentent. Afin de casser cette spirale inflationniste, le Gouvernement a pris le décret du 19 novembre 2014. Sur la TVA, le droit européen prévoit que seuls les équipements destinés aux handicapés sont éligibles à une TVA réduite, l'optique en est exclue. La chirurgie réfractaire, quant à elle, n'est pas prise en charge par la sécurité sociale. Certains organismes complémentaires la remboursent partiellement. Le projet de loi de modernisation de notre système de santé, que l'Assemblée nationale a adopté, instaure un tarif social pour ces frais. Plus d'un million de foyers pourront en bénéficier. Enfin, la ministre de la santé a confié une mission à l'Igas pour renforcer l'accès aux soins visuels, qui se concentre sur la réduction des délais d'attente. Cette mission débouchera sur un plan d'action.

Mme Karine Claireaux.  - Merci pour cette réponse. Bruxelles devrait prendre conscience qu'une vision en diminution constitue le début d'un handicap.

Entrée du Gouvernement au capital d'Alstom

M. Jean-François Longeot .  - Lors de la cession à l'américain General Electric de l'essentiel de la branche « énergie » d'Alstom, le Gouvernement avait pris la décision d'entrée à hauteur de 20 % dans le capital d'Alstom. C'était en juin 2014.

Selon les propos de M. Montebourg, cette décision permettait à l'État, en rachetant les deux tiers de la participation de Bouygues, de siéger au conseil d'administration du groupe Alstom et d'en devenir le principal actionnaire, afin de pouvoir y exercer sa « vigilance patriotique ». Pour démontrer son engagement auprès du groupe Alstom, le Gouvernement avait conditionné son feu vert au rapprochement avec General Electric à plusieurs impératifs : celui de disposer d'un représentant au conseil d'administration du groupe, celui de prendre une participation de 20 % dans le capital d'Alstom. Où en est-on ?

Comment rassurer les salariés ? Alstom réalise un chiffre d'affaires de 6 milliards d'euros face au rapprochement des deux groupes industriels chinois, CNR et CSR, qui « pèsent » 18 milliards à 20 milliards d'euros annuels.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - Les nominations de deux administrateurs choisis par l'État, aux termes de l'accord conclu avec Bouygues le 22 juin 2014, interviendront lorsque l'assemblée générale d'Alstom aura approuvé l'opération avec General Electric, sans doute au dernier trimestre. Ainsi l'État aura 20 % des droits de vote et la possibilité d'acquérir jusqu'à 20 % des actions d'Alstom.

Le décret du 14 mai 2014 ne conditionnait pas l'accord avec General Electric à l'entrée préalable de l'État au capital d'Alstom.

Quant aux perspectives d'avenir de l'activité transport d'Alstom, vous soulignez à juste titre que ce secteur d'activité connaît une recomposition significative, notamment chinoise. Le Gouvernement est très attentif à l'insertion d'Alstom dans cet environnement en mutation, au même titre que les dirigeants et les organes de gouvernance de la société. Pour faire face à cette concurrence, il est fondamental que l'endettement d'Alstom soit nul afin de saisir les occasions stratégiques qui peuvent se présenter et de disposer des bonnes capacités de développement dans ce secteur.

M. Jean-François Longeot.  - Nous devons être vigilants, en effet, face au développement des concurrents chinois. J'ai bien noté que le Gouvernement est attentif à la situation de ce groupe industriel français, dont le savoir-faire est un atout pour notre économie.

« Plus beaux villages de France »

M. Rémy Pointereau .  - Les communes labellisées « Plus beaux villages de France » adhèrent à une association nationale qui reconnaît les qualités de leur patrimoine immobilier et touristique et les autorise à utiliser un logo qui leur apporte un rayonnement national. Les 157 communes membres bénéficient d'un programme de communication touristique, dont Apremont dans le Cher.

Leur participation à l'activité économique est insuffisamment prise en compte, même si le président de l'association est membre de droit du conseil national du tourisme. Ces communes pourraient bénéficier, au moins partiellement, des mesures fiscales attribuées aux communes reconnues touristiques. Ce ne serait qu'une juste reconnaissance du rôle d'animation qu'elles jouent dans les territoires ruraux. Le Gouvernement envisage-t-il de donner à ces communes, qui font la richesse de la France, un statut leur attribuant des avantages et des dotations compensant les obligations liées à leur patrimoine, à son entretien et à la communication nécessaire pour le faire connaître ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - Ces communes bénéficient déjà d'un cadre réglementaire et législatif. Leur statut les distingue des autres communes. Elles bénéficient, en application de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, d'un concours particulier au sein de la dotation globale de fonctionnement (DGF). L'article L. 2333-26 du même code leur donne la possibilité d'instituer une taxe de séjour, qui leur apporte une ressource supplémentaire.

Ces communes peuvent également accéder au label d'excellence de « Station classée de tourisme », qui entraîne surclassement démographique, majoration de l'indemnité des élus et, sous certaines conditions, perception d'une taxe additionnelle aux droits de mutation.

L'ensemble de ces dispositions législatives et réglementaires répond à des critères objectifs, sélectifs et exigeants.

Il n'est évidemment pas possible de conférer à des collectivités territoriales des avantages budgétaires, en fonction d'un classement qui résulte de la seule appréciation d'une association de collectivités territoriales, même si tout le monde reconnaît le sérieux du travail de l'association des plus beaux villages de France. Toute dotation supplémentaire devrait être prélevée sur l'enveloppe globale des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales et il est préférable de privilégier des critères objectifs de richesse et de charge. Le statut de « Plus beaux villages de France » offre à ces communes de nombreuses retombées.

M. Rémy Pointereau.  - Beaucoup de ces communes n'ont pas toujours une hôtellerie développée. Le statut de « Plus beaux villages de France » implique des charges supplémentaires, sans recettes supplémentaires, en ces temps de disette budgétaire. Le village d'Apremont a, en conséquence, du mal à boucler son budget.

Compte « pénibilité » dans le bâtiment

M. Olivier Cigolotti .  - Les artisans du bâtiment s'inquiètent du compte « pénibilité ». Si la reconnaissance de la pénibilité au travail par les lois du 9 novembre 2010 et du 20 janvier 2014, constitue une réelle avancée sociale, l'application du dispositif pose problème aux artisans du secteur. Aussi, je me réjouis de l'annonce faite par le Premier ministre, le 26 mai dernier, d'une simplification du dispositif et d'un délai de six mois pour son application.

Certes, les entreprises n'auront plus à remplir la fameuse fiche individuelle, mais juste à déclarer à la caisse de retraite les salariés exposés, en appliquant un « référentiel » fixé par la branche.

Définir un « référentiel » par branche, c'est réussir à trouver un point d'équilibre. La fédération française du bâtiment avait recommandé de mettre en place une commission, composée de plusieurs médecins pour pouvoir évaluer, au fil de la carrière, l'exposition des salariés aux principaux facteurs de pénibilité. Un tel dispositif libèrerait les entreprises d'une charge supplémentaire.

Il faut maintenant élaborer les « référentiels » destinés à forfaitiser les points de pénibilité. Il serait bon de reporter l'entrée en vigueur du dispositif du 1er juillet 2016 au 1er janvier 2017. Les entreprises n'auront certes plus la fiche individuelle à remplir, mais la déclaration automatisée des données sociales (DADS) doit être produite à partir d'un logiciel de paie qui n'existe pas encore, surtout dans les TPE et PME.

L'information du salarié sur son degré d'exposition et sur les points qu'il aura accumulés pose un autre problème, alors que le président du conseil d'administration de la CNAV a lui-même reconnu une « défaillance du service public », due notamment à la complexité de traitement des dossiers. Ne risque-t-on pas un transfert de charges des entreprises vers une caisse qui a, semble-t-il, déjà bien du mal à assumer ses missions ?

Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour accompagner les entreprises du bâtiment et des travaux publics et simplifier le dispositif ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Rebsamen, retenu auprès du président de la République et du Premier ministre pour un conseil restreint consacré à la croissance et à l'emploi dans les TPE et PME.

Le compte « pénibilité » suscite des craintes. Certaines d'entre elles s'expliquent par le besoin de s'approprier un dispositif nouveau ; d'autres sont dues, à des sources de complexité dans sa mise en oeuvre. Or un droit effectif pour les salariés doit être simple à appliquer. Pour le Gouvernement, son principe et sa mise en oeuvre doivent faire consensus.

À cette fin, le Premier ministre a chargé M. Christophe Sirugue, député de Saône-et-Loire, M. Gérard Huot, chef d'entreprise, ainsi que M. Michel de Virville de formuler des propositions, qui lui ont été remises le 26 mai dernier, et transposées aussitôt par amendements du Gouvernement dans le projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi, adopté par l'Assemblée nationale le 2 juin et que vous examinerez d'ici à la fin de ce mois.

Quatre mesures découlent du rapport Sirugue-Huot-Virville.

Le dispositif est simplifié : la transmission de la fiche individuelle ne reposera plus sur l'employeur. C'est la caisse de retraite qui informera les salariés à la fois de leur exposition et des points dont ils bénéficient.

Les déclarations des employeurs sont sécurisées : l'évaluation des six nouveaux facteurs dépendra de référentiels établis au niveau des branches professionnelles, et pour lesquels les employeurs n'auront plus de mesures individuelles à prendre.

La détermination des six facteurs est décalée au 1er juillet 2016, pour laisser aux branches le temps de réaliser les référentiels. Les salariés ne seront pas pénalisés : ils bénéficieront, pour le second semestre 2016, des points correspondant à une année entière.

Enfin, la prévention de la pénibilité est renforcée : elle figurera au coeur du troisième plan « Santé au travail ».

M. Olivier Cigolotti.  - La situation particulière des entreprises du BTP doit être prise en compte.

La séance, suspendue à 9 h 55, reprend à 10 h 05.

Inscription sur les listes électorales spéciales en Nouvelle-Calédonie

M. Pierre Médevielle .  - Le Conseil constitutionnel a établi, en 1999, la possibilité de voter aux élections provinciales pour les individus domiciliés en Nouvelle-Calédonie depuis au moins dix ans, indépendamment de leur date d'installation sur le territoire calédonien. La révision constitutionnelle de 2007 a limité l'inscription sur ces listes spéciales aux personnes arrivées avant le 8 novembre 1998.

La Cour de cassation a, dans son arrêt du 3 octobre 2013, imposé l'inscription sur la liste électorale générale de février 1998 comme condition nécessaire à l'inscription sur ces listes. Cette disposition entraîne de manière rétroactive la radiation de 5 000 citoyens. Cela semble contraire aux principes démocratiques. Si la Cour européenne des droits de l'homme a jugé acceptable que la condition de dix ans de résidence soit retenue comme restriction de vote en raison de la phase transitoire dans laquelle se trouve la Nouvelle-Calédonie, il apparaît peu probable qu'elle se prononce favorablement sur les restrictions apportées par les jurisprudences successives.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre afin d'éclaircir la législation en vigueur ?

Le comité des signataires s'est réuni le 5 juin. Des avancées ont eu lieu mais reste en suspens la question des personnes non inscrites sur les listes électorales avant 1998.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer .  - Depuis les évènements de 1988 et les accords de Nouméa de 1998, la question du corps électoral est ouverte. Le Conseil constitutionnel a décidé le 15 mars 1999 que seraient électeurs ceux inscrits au tableau annexe, installés depuis au moins dix ans en Nouvelle-Calédonie.

En revanche, si le Constituant a effectivement, en 2007, introduit une disposition cumulative à la condition de dix ans de résidence, cette disposition ne limitait pas l'inscription sur les listes électorales spéciales aux personnes arrivées en Nouvelle-Calédonie avant le 8 novembre, mais à celles inscrites au tableau annexe établi en 1998.

C'est le sens de la précision désormais apportée au dernier alinéa de l'article 77 de la Constitution. Le tableau auquel se réfèrent l'accord de Nouméa et les articles 188 et 189 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est le tableau dressé à l'occasion de la consultation relative à l'Accord de Nouméa organisée en 1998 et comprenant les personnes non admises à y participer.

La Cour de cassation n'a pas ajouté une nouvelle condition restrictive, elle s'est montré fidèle à la Constitution et à la loi organique. Tout électeur inscrit sur la liste électorale générale est automatiquement inscrit au tableau, sauf s'il remplit les conditions pour être inscrit sur la liste électorale spéciale et en fait la demande.

Le comité des signataires réuni le 5 juin a pris en compte ce litige, en décidant de dresser un inventaire et de se retrouver à nouveau pour faire le point.

M. Pierre Médevielle.  - Merci pour ces éclaircissements. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault s'était engagé à suivre cette question avec attention. Les récents arrêts de la Cour de cassation ont ravivé de fortes tensions. Certains électeurs ne comprendraient pas d'être retirés des listes, alors qu'ils habitent en Nouvelle-Calédonie depuis plus de vingt-cinq ans. J'espère qu'un accord sera trouvé à l'automne, afin que le travail en cours en Nouvelle-Calédonie puisse se poursuivre dans la sérénité.

Sécurité routière en Seine-Maritime

Mme Agnès Canayer .  - Pour 2014, le dernier bilan, datant d'il y a quelques jours, 3 300 personnes sont décédées sur les routes de France, soit 120 de plus que l'année précédente. Le Gouvernement a annoncé des mesures nouvelles. Cette hausse de la mortalité touche particulièrement les usagers vulnérables, piétons, cyclistes et cyclomotoristes et, dans une moindre mesure, les automobilistes.

Le Gouvernement avait présenté lors du dernier Conseil national de la sécurité routière (CNSR) une série des mesures, qui semblent rester au stade de l'expérimentation, dont la réduction de la vitesse à 80 km/h sur les routes nationales, ou les tests salivaires de détection de l'usage de stupéfiants.

En Seine-Maritime, 94 personnes sont mortes en 2014, soit 6 de plus qu'en 2013. Pour le premier trimestre 2015, nous dénombrons déjà 12 victimes. Les causes des accidents sont dues surtout à l'alcool et à la consommation de drogues et de substances psychoactives.

Le Gouvernement entend-il renforcer les contrôles au moyen de dispositifs de détection ? Où en sommes-nous ? En Seine-Maritime, les collectivités territoriales sont mobilisées. La politique de sécurité routière est transversale par nature.

La commune d'Arques-la-Bataille a été reconnue pour sa politique innovante en matière d'action préventive, par une écharpe d'or. Elle a su cibler les seniors et les jeunes, qui représentent les populations les plus à risque, associer les parents, aménager sa voirie.

Comment le Gouvernement entend-il s'appuyer sur ces heureuses initiatives des collectivités locales, au niveau national, pour renforcer la prévention et la doter de moyens ? Je regrette que rien ne soit prévu en ce qui concerne les seniors. Enfin, quelle sera l'ampleur des contrôles de police et de gendarmerie ?

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer .  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. le ministre de l'intérieur, qui a présenté, en janvier dernier, 26 mesures visant à mieux protéger l'ensemble des usagers de la route, les plus vulnérables -tels les piétons, les cyclistes et usagers de deux-roues motorisés- comme les automobilistes.

Ce plan concerne tous les facteurs comportementaux générateurs d'accidents : vitesse, alcool, drogue, usage du téléphone, etc... C'est ainsi que nous garantirons durablement la sécurité des Français sur la route.

Font partie de ces mesures : l'abaissement du taux légal d'alcoolémie de 0,5 gramme par litre de sang à 0,2 g/l pour tous les conducteurs novices ; la lutte contre la vitesse excessive, avec la poursuite de la modernisation des 4 200 radars installés sur les routes de France, qu'ils soient « double-face », mobiles, de nouvelle génération ou « chantiers », pour la sécurité du personnel qui intervient chaque jour sur les routes.

Sur la recommandation du CNSR, nous avons décidé, sur le modèle de l'interdiction du téléphone tenu en main, d'interdire l'usage au volant de tous les systèmes nécessitant des écouteurs, des oreillettes ou des casques.

En Seine-Maritime, même si le nombre de personnes tuées sur les routes a augmenté légèrement l'an dernier, la tendance est à la baisse depuis 2010 : 67 cette année-là, 52 en 2011, 57 en 2012, 51 en 2013 et 54 en 2014. La variation s'explique par des aléas climatiques, des causes humaines, pas seulement par la consommation d'alcool et de drogues.

La part des accidents dus à l'alcool est en moyenne de 27 % sur trois ans en Seine-Maritime, contre 30 % en France métropolitaine. Le taux de 40 % en 2013 n'est pas significatif car il s'applique à un nombre de cas relativement faible. Il est préférable de se fonder sur une période de référence de trois ans.

La sécurité routière est l'affaire de tous. La coopération entre tous les acteurs est absolument nécessaire.

Mme Agnès Canayer.  - L'usage de tests pour détecter l'usage de drogues et substances psychoactives doit être généralisé pour lutter efficacement contre ce fléau.

Police nationale dans la Drôme

M. Gilbert Bouchet .  - Je regrette l'absence de M. Cazeneuve. Les effectifs de police nationale dans le département de la Drôme sont en nombre insuffisant et plus particulièrement dans la région de Valence pour les deux communes de Portes-Lès-Valence et de Valence.

Portes-Lès-Valence est une ville de 10 000 habitants qui, depuis son passage en zone de police, a perdu des effectifs. Auparavant, elle avait à sa disposition 17 gendarmes dont 13 officiers de police judiciaire. L'État s'était engagé à installer un poste de police à effectifs identiques mais rien n'a été fait. Or, face à la recrudescence de la délinquance, notamment celle des mineurs, le maire de cette commune se trouve confronté à un manque cruel de moyens humains et matériels.

Il n'y a que deux équivalents temps plein dans un commissariat annexe, régulièrement appelés en renfort à l'extérieur. Lorsque le poste doit être fermé en conséquence, la police nationale n'est alors plus joignable, même par téléphone, aucun renvoi d'appel n'étant opéré vers le commissariat de Valence.

Il faudrait au moins trois policiers supplémentaires pour pouvoir traiter les dépôts de plaintes. De plus, les dégradations augmentent avec un coût de 150 000 euros pour la commune.

Il serait judicieux de mettre en place un moyen efficace de liaison avec le commissariat de Valence, afin que les Pontois n'aient pas le sentiment d'être abandonnés. Pour faire face au regain de violence constaté, la municipalité mobilise tous ses moyens humains, avec la création de trois postes de policiers municipaux et matériels, avec l'installation de la vidéo protection. Mais elle ne peut se substituer aux forces publiques de l'État.

Le maire de la ville de Valence s'inquiète, quant à lui, à la veille de l'ouverture d'un nouveau centre pénitentiaire de 456 places, sans commune mesure avec les effectifs de l'actuelle maison d'arrêt de 137 places de détention, de voir les forces de police monopolisées par cette activité, au détriment de leur présence sur la voie publique, sachant que le territoire de la commune de Valence supporte deux zones de sécurité prioritaires (ZSP). Il faudrait 25 policiers supplémentaires.

Des effectifs supplémentaires de police nationale seront-ils rapidement affectés à la direction départementale de la sécurité publique de la Drôme ?

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer .  - Le Gouvernement crée 500 postes de policiers chaque année, alors que 13 700 postes ont été supprimés entre 2007 et 2012.

La circonscription de Portes-Lès-Valence, Bourg-lès-Valence et Valence compte 262 agents en 2015 contre 252 en 2012. Ces effectifs peuvent en outre recevoir l'appui de services départementaux (brigade motocycliste urbaine, unité canine départementale, sûreté départementale).

Cette circonscription bénéficie d'une zone de sécurité prioritaire (ZSP) à Valence-le-Haut (quartiers du Plan et de Fontbarlettes), mise en place début 2013 et étendue début 2014, ce qui prouve l'engagement de l'État pour la sécurité des Valentinois.

Toutefois, il est vrai que le nombre de gardiens de la paix est légèrement inférieur aux moyennes nationales.

L'effectif départemental sera accru pour faire face aux missions liées à l'ouverture de la nouvelle maison d'arrêt. Le préfet de la Drôme réunit régulièrement les acteurs pour déterminer les besoins.

M. Gilbert Bouchet.  - Vous ne m'avez pas totalement répondu. Quels sont concrètement les effectifs prévus ?

Subventions au CNDS

Mme Élisabeth Doineau .  - Ma question porte sur les projets de répartition des subventions du Centre national pour le développement du sport (CNDS).

L'aide accordée à la Mayenne pourrait connaître une baisse très importante de 14,35 % en 2015, à laquelle il convient d'ajouter les réductions antérieures. La Mayenne -département le plus sportif de France- risque d'être fortement pénalisée par cette décision, les moyens du CNDS pourraient baisser de 33 millions d'euros.

Cette sentence risque de provoquer des licenciements et la fin d'activités de certains clubs, et ainsi des conséquences non négligeables pour les collectivités territoriales et l'ensemble des Mayennais.

En effet, les comités sportifs sont des acteurs incontournables des politiques publiques en matière de santé, de renforcement du lien social, d'éducation, notamment dans le cadre des temps d'activités périscolaires. Cette réduction de subvention pourrait être perçue par les élus locaux comme un nouveau désengagement de l'État, impliquant une nouvelle charge budgétaire pour les communes qui seraient sollicitées par les associations.

Cette réduction de l'aide financière du CNDS est d'autant plus mal ressentie qu'aucune explication n'a été présentée. Ne pénalisons pas les bons élèves.

Le Gouvernement entend-il réexaminer ce dossier dans l'intérêt du monde sportif et de tous les Mayennais ?

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer .  - La situation financière, extrêmement difficile, du CNDS, due à des engagements excessifs, et dont nous avons hérité, a nécessité un plan de redressement pour la période 2013-2016.

Une large concertation avec les acteurs sportifs et les collectivités a donc été menée, à l'issue de laquelle Patrick Kanner et Thierry Braillard ont décidé de concentrer les efforts sur les publics les plus éloignés du sport, afin de réduire les inégalités d'accès à la pratique sportive. Priorité est donnée aux projets de développement du sport comme facteur de santé publique et au développement de l'emploi et de l'apprentissage dans les métiers du sport, en agissant pour la professionnalisation du mouvement sportif.

Une aide de 128 millions d'euros sera répartie à cette fin sur le territoire par les préfets de région, pour réduire les inégalités d'accès au sport. Dans votre région, l'enveloppe sera de 5 990 662 euros. Il appartient au délégué territorial, le Préfet des Pays-de-la-Loire, de répartir la dotation allouée entre les différentes associations du territoire régional, en s'appuyant sur les têtes de réseau au sein de la région.

Le Gouvernement, qui a dû réparer les erreurs du passé, est désormais tourné vers l'avenir.

Mme Élisabeth Doineau.  - J'entends bien. Cependant, la pratique du sport doit être soutenue.

Prolongement du tramway T4

M. Gilbert Roger .  - La ligne de tramway T4 doit relier, à terme, Aulnay-Bondy au plateau de Clichy-sous-Bois/Montfermeil.

Elle desservira notamment l'hôpital intercommunal dans le centre-ville de Montfermeil et sera connectée avec le RER B et le projet de TZen3, pour des trajets rapides et aisés entre Clichy-sous-Bois ou Montfermeil et Paris.

Ce projet, ardemment défendu depuis de trop nombreuses années, par les maires de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil, a été obtenu peu de temps après les émeutes urbaines de 2005. Il désenclavera ces deux communes, inaccessibles par des transports en commun, alors qu'elles ne se situent qu'à quinze kilomètres de Paris.

Cependant, il se heurte à l'opposition des maires de Pavillons-sous-Bois et de Livry-Gargan.

Aujourd'hui, c'est le maire de Livry-Gargan, qui use d'un nouvel artifice en refusant de signer les arrêtés autorisant le début des travaux de dévoiement qui auraient dû commencer le 23 mars.

Dans l'hommage qu'il a rendu le 7 mars 2015 à notre collègue Claude Dilain disparu, le président de la République a exprimé son soutien à l'arrivée du tramway T4 à Clichy-sous-Bois, en rappelant que sa date de mise en oeuvre était 2018. Et d'ajouter : « nous le devons ».

Quelles mesures et instructions le Gouvernement compte-t-il prendre pour commencer sans délai ces travaux reconnus d'utilité publique ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Comme vous, je suis convaincu de l'intérêt de ce projet de prolongement du T4. Il profitera également aux habitants de Pavillons-sous-Bois et de Livry-Gargan, qu'il reliera à la ligne 16 du futur Grand Paris Express.

Le Gouvernement a tenu à ce que l'État s'engage fortement, aux côtés de la région, du STIF, de SNCF-Mobilités et de SNCF-Réseau, dans le contrat de plan État-région (CPER), pour un démarrage sans délai des travaux. Le préfet de Seine-Saint-Denis a réuni au sein d'un comité de pilotage tous les acteurs concernés. Dans ce cadre, les difficultés mises en avant par la ville de Livry-Gargan ont pu être examinées afin de mettre en place un plan de financement adapté : la Caisse des dépôts et consignations (CDC) apportera des prêts bonifiés. Les services de l'État et de la ville se réuniront régulièrement. L'arrêté sera bientôt pris par le maire. Le gouvernement est vigilant.

M. Gilbert Roger.  - Enfin ! J'espère que la ligne sera inaugurée avant ma retraite.

Financement des ouvrages de rétablissement des voies

Mme Évelyne Didier .  - La loi du 7 juillet 2014 a modifié le code général de la propriété des personnes publiques. L'article L. 2123-12 du code général prévoit un décret en Conseil d'État pour préciser les modalités d'application. Ce décret n'a pas été publié.

L'article L. 2123-11 du même code prévoit que le ministre chargé des transports procèdera à un recensement des ouvrages d'art de rétablissement des voies qui relèvent ou franchissent les réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux de l'État et de ses établissements publics et pour lesquels il n'existe aucune convention en vigueur. Le ministre a précisé que le recensement des ouvrages d'art et de rétablissement des voies était en préparation.

Je rappelle que les collectivités territoriales n'ont pas décidé la construction de ces ouvrages ; les maires ne peuvent pas assurer seuls les recensements. Le conseil d'évaluation des normes n'a toujours pas examiné le projet de décret. Où en est-on, Monsieur le Ministre ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Je salue l'esprit de co-construction qui a présidé à l'élaboration de la loi du 7 juillet 2014, dont vous êtes l'auteur.

L'Assemblée des départements de France a souhaité poursuivre la discussion sur le projet de décret. Comme vous, je souhaite son adoption rapide. Le retard pris s'explique par la recherche d'un texte consensuel.

Si la dernière version du texte agrée à l'ADF, elle sera soumise au Conseil d'évaluation des normes et au Conseil d'État en juillet. Le taux de retour est encourageant, les services de l'État apportent toute l'assistance nécessaire aux collectivités. Le recensement des ouvrages a débuté en février. Nous mettons au point une méthodologie commune avec SNCF Réseau et VNF. Le Gouvernement est déterminé à faire appliquer la loi que vous avez portée.

Mme Évelyne Didier.  - Merci. La parole d'un ministre dans l'hémicycle rassurera davantage les maires de mon département que la mienne.

Avenir des trains intercités

Mme Laurence Cohen .  - Les 34 lignes TET dites intercités transportent quotidiennement environ 100 000 voyageurs. Quelque 335 villes sont desservies, assurant des liaisons essentielles aux déplacements des Français. La vocation de ces trains est de relier entre elles les grandes villes de notre pays, à une vitesse se situant entre le train à grande vitesse et le train express régional. Le constat est unanime du vieillissement du réseau et du matériel, l'offre est peu attractive et les temps de parcours allongés.

D'après les informations parues dans la presse à la suite du rapport Duron, la suppression de plusieurs de ces lignes et l'abandon de plusieurs arrêts en gares seraient envisagés. Des trains de nuit seraient également supprimés.

Ces lignes sont essentielles pour les populations. Les supprimer, c'est les abandonner. Si ces intentions étaient confirmées, on assisterait à la formation de véritables déserts ferroviaires. À cela s'ajouteraient des fermetures de gares, de boutiques SNCF, des suppressions d'emplois. Mes craintes sont renforcées par le projet de loi Macron et ses autocars, une aberration écologique à quelques mois de la Cop 21. Comment le Gouvernement entend-il renforcer le service public ferroviaire ? Ne sacrifions pas le rail à la route.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Les trains intercités, délaissés par mes prédécesseurs, doivent être modernisés. Leur modèle économique est fragilisé par leur baisse de fréquentation, l'hétérogénéité des dessertes et leur imbrication avec les TER.

La commission Duron a rendu le 26 mai son rapport, qui n'engage pas le Gouvernement. La commission du développement durable du Sénat en a débattu le 28 mai dernier ; nous y reviendrons cet après-midi dans l'hémicycle.

Fin juin, je présenterai une feuille de route pour pérenniser et moderniser cette offre indispensable à certains territoires. Le Gouvernement entend dans la concertation clarifier l'articulation entre les TET et les TER, en tenant compte des exigences liées à l'aménagement du territoire et du développement des autres formes de mobilité.

Mme Laurence Cohen.  - Sage décision que cette concertation. Les élus communistes ont tenu une conférence de presse il y a un mois sur les menaces pesant sur les TET. Au nom de la modernisation, ne supprimons pas des lignes qui correspondent aux besoins des populations et à un impératif écologique, au contraire de la libéralisation du transport par autocars portée par la loi Macron.

Permis de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux

Mme Sylvie Goy-Chavent .  - Le ministère de l'écologie a, récemment, pris la décision de ne pas renouveler le permis des Moussières, dont le périmètre couvre les départements de l'Ain, des deux Savoie et du Jura. Dans ces quatre départements comme ailleurs en France, les aquifères de type karstique sont la principale ressource en eau potable. Selon la communauté scientifique, leur vulnérabilité aux pollutions est particulièrement élevée. Aux États-Unis, plusieurs accidents de forage ont entraîné l'infiltration immédiate et irréversible des polluants dans les réserves naturelles d'eau potable avec une hausse spectaculaire des affections cancéreuses.

Sous l'effet des migrations de fluides induites par la recherche et l'exploitation des hydrocarbures, les fractures géologiques constituent des drains qui accélèrent la contamination des réserves souterraines d'eau potable. D'autres types de fuites sont possibles par déficience de la protection du forage.

En d'autres termes, l'exploration et l'exploitation des réserves d'hydrocarbures dans les zones karstiques françaises provoqueraient de véritables catastrophes. Sans parler des effets à long terme sur la faune et sur la flore.

Selon plusieurs experts de l'administration américaine, la déstabilisation des couches profondes du sous-sol peut également entraîner des microséismes. Or certains projets de forage concernent la zone de la centrale nucléaire du Bugey...

Ne faut-il pas interdire, sur l'ensemble du territoire, tous les projets de forage d'hydrocarbures en milieu karstique et à proximité des ouvrages sensibles ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Royal, en déplacement aux États-Unis.

Les zones karstiques justifient effectivement une vigilance supplémentaire. En France, le code minier est strict : les travaux d'exploration et d'exploitation sont très réglementés -obligation de cuvelage et de cimentation associée notamment- et ils ne peuvent être engagés qu'après accord des ministres de l'écologie et de l'économie et étude d'impact sur les risques environnementaux. Le public est largement associé à la décision lors de l'enquête publique.

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - J'aurais préféré une réponse plus claire, vous n'avez fait que rappeler la procédure... Dans le Figaro et sur son compte Twitter, Mme Royal indiquait que les gaz de schiste n'étaient plus d'actualité et qu'elle refusait toute demande d'autorisation de forage. Les lobbies ont-ils eu raison de sa détermination ? Le combat continuera sur mon territoire. Les élus sont au côté des populations pour que des projets dangereux ne voient pas le jour.

Missions des centres de gestion de la fonction publique territoriale

Mme Catherine Troendlé .  - L'article 25 de la loi du 26 janvier 1984 autorise les centres de gestion de la fonction publique territoriale à répondre à des demandes de mise à disposition d'agents émanant des collectivités qui les sollicitent en vue d'assurer le remplacement d'agents momentanément indisponibles ou d'assurer des missions temporaires ou en cas de vacance d'un emploi. Tel est le cas des archivistes du Haut-Rhin.

Or la chambre régionale des comptes d'Alsace relève une concurrence déloyale faite aux cabinets privés, tout comme au personnel des archives départementales, adoptant ainsi une conception étroite et erronée du principe de spécialité. Si cette conception devait prévaloir, l'article 25 précité perdrait toute portée.

La mise à disposition des archivistes pour suppléer à l'absence de service d'archives dans les collectivités renforce le rôle mutualisateur des centres de gestion, qui proposent des services accessibles à toutes les collectivités, notamment les plus contraintes. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Lebranchu, retenue.

L'article 25 de la loi du 26 janvier 1984 et le décret du 26 juin 1985 sont clairs : l'archivage ne fait pas partie des compétences optionnelles qui peuvent être mises en oeuvre par les centres de gestion. Le Conseil d'État l'a confirmé par son interprétation du principe de spécialité, dans son avis du 7 juillet 1994. Depuis, la jurisprudence est constante.

Mme Catherine Troendlé.  - Merci pour cette réponse claire. Je regrette toutefois que l'archivage ne fasse pas partie des missions des centres de gestion. Vous n'ignorez pas le coût des prestations privées. Peut-être faut-il envisager une évolution du droit ?

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Sans doute...

Fermeture de l'établissement pénitentiaire de Lure

M. Michel Raison .  - Le 3 avril 2015, à l'occasion d'un déplacement à Lure, la Garde des Sceaux a réaffirmé que la maison d'arrêt de cette petite ville est, par son implantation en coeur de la ville et sa taille humaine, en totale adéquation avec l'esprit de la politique pénale qu'elle souhaite mettre en oeuvre. Malgré cela, elle a confirmé la fermeture de l'établissement pour des raisons de sécurité qui interdiraient toute exploitation du site - motif que je continue de contester, la haute administration pénitentiaire souhaitant de longue date sa fermeture.

La Garde des Sceaux a également précisé avoir obtenu, dans le cadre du triennal 2015-2017, le lancement d'un nouveau programme pénitentiaire permettant de créer plus de 3 200 places nettes. Elle évoque la reconstruction d'un autre établissement dans les environs de Lure, sans autre précision. Ce projet sera-t-il intégré au plan de financement 2015-2017 ? Quel sera le choix de son lieu d'implantation et surtout sa taille - on parle aussi de la fermeture de la prison de Vesoul ? Quel sera l'avenir du bâtiment aujourd'hui désaffecté qui reste propriété de l'État ? Que la ville soit prioritaire pour acquérir le bâtiment nous fait une belle jambe (Sourires) au vu de son état. Ce serait une provocation...

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Mme la Garde des Sceaux, dont je vous prie d'excuser l'absence, a dû se résoudre en responsabilité à fermer la maison d'arrêt de Lure après trois expertises concordantes ; la sécurité des personnels et des détenus était en péril.

L'administration pénitentiaire travaille avec la région et les autres ministères intéressés pour soutenir la commune et étudier les modalités de l'éventuelle construction d'un nouvel établissement en région Bourgogne-Franche-Comté.

Le devenir du site sera décidé dans le cadre du triennal 2017-2020. Un rapprochement se fera avec la commune dans les meilleurs délais pour étudier avec elle un projet urbain cohérent.

M. Michel Raison.  - On ne me fera pas avaler que des architectes d'aujourd'hui ne peuvent pas faire ce que ceux du XIXe siècle ont réussi. La nouvelle implantation sera décidée au sein de la grande région Bourgogne-Franche-Comté. Si elle est éloignée à Dijon, ce sera pire encore.

Je prends note que les ministères vont se rapprocher de la ville. Mais je sais comment les choses fonctionnent, il m'a fallu un mandat complet de maire pour trouver une solution à la disparition d'un quartier militaire... En l'état, je ne vois guère qu'une démolition et une reconversion du site.

Résidence alternée et contribution aux frais des enfants

M. Dominique Bailly .  - La résidence alternée est de plus en plus envisagée par les parents. C'est un marqueur fort de l'évolution de la société et de la volonté d'implication des pères dans l'éducation de leurs enfants. Le Sénat a accompagné ce processus en votant le 17 septembre 2013, lors de l'examen de la loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, un amendement visant à privilégier la résidence alternée et en instaurant un délit d'entrave à l'exercice de l'autorité parentale.

Néanmoins, le partage des frais inhérents à ce mode de garde est parfois peu équitable dans les situations de résidence alternée. En effet, la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants est fixée selon un barème précis, en fonction de critères de revenus et du nombre d'enfants. Même si l'enfant réside chez ses deux parents et que ces derniers participent à la même hauteur aux charges qui lui sont relatives, le parent ayant le revenu le plus élevé verse une contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants au second parent. Cette contribution s'ajoute à d'éventuels salaires et prestations sociales et familiales, celles-ci ne pouvant être, selon la loi, versées qu'à un seul des deux parents.

Dans de nombreux cas, le parent versant ladite contribution voit donc ses revenus extrêmement réduits et jusqu'à parfois un niveau inférieur à ceux du parent aidé.

Comment améliorer l'équité financière entre les parents dans les cas de résidence alternée ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - La résidence alternée est choisie dans 19 % des cas ; le plus souvent, elle ne s'accompagne pas d'une contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants ; lorsqu'elle l'est, elle consiste de plus en plus souvent en la prise en charge directe des frais. En cas de résidence alternée après accord des parents, ceux-ci s'entendent généralement sur le montant de la pension. Si ce n'est pas le cas, c'est le juge qui en décide, selon une table de référence élaborée en 2010 par des spécialistes, fondée sur des travaux universitaires et la pratique judiciaire. Des travaux sont en cours à la Chancellerie pour la rendre plus équitable, notamment dans les cas de résidence alternée, et plus généralement pour tenir compte de la réalité économique vécue par les couples qui se séparent.

M. Dominique Bailly.  - Merci pour cette réponse. Les cas sont peut-être minoritaires mais il doit en être tenu compte. C'est la « vraie vie », comme on dit.

Révision des valeurs locatives

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx .  - La généralisation à l'ensemble du territoire de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, initiée au début de l'année 2013, fait suite à une expérimentation menée en 2011. Selon l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative, cette révision est fonction d'un tarif déterminé à l'avance qui prend en compte le secteur locatif et la surface du bien.

Si cette réforme est de bon sens, on peut douter de la qualité des moyens mis en oeuvre pour solliciter l'avis des commissions intercommunales des impôts directs. Celles-ci ont émis, dans la plupart des départements dont le mien, la Gironde, des avis défavorables.

Tout d'abord, le délai de trente jours qui leur a été accordé a été jugé beaucoup trop court. Les fiches d'impact fournies aux commissions se sont révélées souvent parcellaires, voire inexploitables. Plus grave : ces fiches d'impact laissent entrevoir de fortes disparités puisqu'elles ne prennent pas en compte la réalité du marché - plus un local est grand et plus son loyer par mètre carré diminue. Cela se traduit par de fortes variations de cotisations entre les professionnels. Par exemple, les grandes surfaces sont avantagées et cotisent moins en proportion que les petits commerces de centre-ville.

Est-il possible de fournir aux communes des études d'impact plus détaillées ? Le Gouvernement accepte-t-il une remise à plat du processus de réforme ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Cette réforme a été engagée à l'initiative du Parlement et singulièrement de la commission des finances du Sénat. Elle est attendue depuis quarante ans, les élus la réclament depuis longtemps face à l'injustice actuelle. Toutes les tentatives ont échoué jusqu'ici.

M. Eckert a sollicité un report de son entrée en vigueur pour ne pas répéter les échecs du passé. Les critiques du processus sont prématurées. La seule manière d'avancer est que les commissions locales poursuivent leur tâche -elles sont seules à même d'évaluer les conséquences de la réforme- pour éviter les effets pervers et avoir une vision claire. Des évolutions pourront être actées dans le projet de loi de finances pour 2016. La réforme doit être soutenable pour l'ensemble des contribuables.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Le Parlement veut cette réforme. Il ne faut pas en rester au formalisme des commissions locales. Remettez-vous en aux élus locaux. Le processus doit être exemplaire si nous voulons réussir ensuite la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation.

La séance, suspendue à 11 h 25, reprend à 11 h 35.

Dispositif Malraux

M. François Commeinhes .  - Le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés aide les communes à développer une politique sociale, économique et urbaine de lutte contre l'habitat indigne, de rénovation du parc existant et de revalorisation du patrimoine.

Vingt villes sont concernées par le programme en cours à échéance 2017, dont Montauban, Calais et Sète. L'Anah et l'Anru mobilisent 380 millions d'euros, avec un effet de levier de 1,5 milliard d'euros dans lequel la réduction d'impôt Malraux tient une place essentielle.

Ne mettons pas en cause la sécurité juridique et fiscale de ce dispositif. Ma ville de Sète a acquis quatre immeubles entiers vacants pour lesquels elle a obtenu la déclaration d'utilité publique ; deux autres immeubles sont en voie d'acquisition et deux autres encore ont été repérés. Limiter la réduction d'impôt Malraux au 31 décembre de cette année reviendrait à faire porter l'effort sur les communes dont les finances sont déjà mises à mal. Ne peut-on pas le proroger pour trois ans, en cohérence avec les calendriers opérationnels contractualisés dans le cadre des conventions pluriannuelles ?

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication .  - La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « Grenelle II », prévoyait que les Zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) deviendraient caduques au 14 juillet 2015, remplacées par des Aires de valorisation de l'architecture et du patrimoine (Avap). La loi Alur du 24 mars 2014 a reporté cette échéance au 14 juillet 2016. Seules 60 des 685 ZPPAUP ont été transformées en Avap ; les autres risquent de disparaître au 14 juillet 2016.

Le projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine a notamment pour objectif d'assurer une meilleure protection et mise en valeur du patrimoine urbain et paysager, par la création de cités historiques. Les ZPPAUP et Avap existantes intégreront automatiquement celles-ci et leurs règlements continueront de s'appliquer jusqu'à intégration dans un plan de sauvegarde et de mise en valeur ou dans un plan local d'urbanisme patrimonial. Les Avap en cours d'instruction à l'entrée en vigueur de la loi pourront poursuivre leur procédure de création jusqu'à leur terme selon les dispositions antérieures, dans un délai de trois ans. Une fois instituées, elles seront transformées automatiquement en cités historiques. Je veillerai à ce que ces dispositions soient adoptées avant la date butoir du 14 juillet 2016.

Le dispositif d'aide aux quartiers anciens dégradés vise à les réhabiliter : 40 projets ont été retenus et 50 000 logements bénéficient chaque année d'une subvention de l'État. Ils sont éligibles au dispositif Malraux dès lors que la restauration a été déclarée d'utilité publique. Le taux de réduction d'impôt s'élève à 30 % des travaux de restauration dans la limite annuelle de 100 000 euros.

M. François Commeinhes.  - Si je comprends bien, le régime fiscal actuel continue à s'appliquer pour les dossiers déjà lancés jusqu'à la fin des travaux. C'est très rassurant. Si ce n'est pas le cas, je déposerai un amendement en projet de loi de finances.

Logement étudiant

M. Patrick Abate .  - le nombre d'étudiants ne cesse d'augmenter - ils sont aujourd'hui 2,3 millions. Mais 7 % seulement d'entre eux ont accès à un logement social géré par les Crous ou les organismes conventionnés. La Cour des comptes a relevé ce taux et pointé des inégalités territoriales importantes.

La loi de finances 2015 a amputé d'un tiers les crédits dédiés des CPER, ce qui fragilise la poursuite du plan « 40 000 ». Je rappelle que le logement est le premier poste de dépense des étudiants. Beaucoup d'étudiants renoncent à un lieu d'étude ou à une orientation, faute de pouvoir se loger correctement. Beaucoup doivent travailler. Et le taux d'échec de ceux qui travaillent est plus élevé : 66 % contre 49 %.

Ces difficultés ne datent pas d'hier... Que compte faire le Gouvernement pour améliorer significativement la situation du logement social étudiant, sachant qu'il faudra aussi renforcer les moyens des Crous ?

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication .  - Le Gouvernement a fait de la jeunesse une priorité, conformément aux engagements du président de la République.

Le plan « 40 000 » vise à créer 40 000 logements étudiants d'ici 2017 ; 25 % de l'objectif est aujourd'hui réalisé, soit 11 912 et 511 de plus que prévu dans la programmation. À la fin de l'année, la moitié du plan aura été atteint. Une circulaire a été adressée début 2015 aux préfets et aux recteurs pour les mobiliser et un travail interministériel est en cours pour simplifier la construction. De plus, le Gouvernement a facilité l'accès au logement avec la caution locative étudiante. Notre objectif est de favoriser la réussite de tous.

M. Patrick Abate.  - Je me réjouis de ces précisions, mais je reste vigilant. L'accès au logement est un élément de réussite des étudiants.

Carte scolaire en milieu rural

M. Claude Bérit-Débat .  - Je salue les efforts du Gouvernement pour redresser l'école de la République depuis trois ans et donner à tous les élèves les mêmes chances.

Toutefois, les territoires ruraux ont le sentiment d'être exclus de ce mouvement. On supprime ici et là des classes, souvent parce qu'un ou deux élèves manquent. Il est urgent de revoir les critères qui président à l'établissement de la carte scolaire, en assouplissant celui du nombre d'enfants ou en prenant par exemple en compte les temps de trajet ? La concertation avec les municipalités devrait être conduite en amont, sur une base pluriannuelle, ce qui donnerait davantage de visibilité aux élus pour leurs investissements.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication .  - Le ministère de l'Éducation nationale a entrepris de mieux répartir les moyens alloués aux académies ; il s'attache à prendre en compte une pluralité de facteurs géographiques et sociaux, comme les déplacements des élèves, le rattachement à un réseau d'éducation prioritaire ou la présence d'élèves à besoins éducatifs renforcés.

En Dordogne, la baisse du nombre d'élèves depuis deux ans a entrainé la suppression de sept postes, mais le taux d'encadrement reste le plus élevé de l'académie, 5,39 ; 445 petites écoles subsistent. Le préfet et l'inspectrice d'académie ont écrit aux maires et présidents d'EPCI en juin et novembre 2014, l'objectif étant la rationalisation à long terme de la carte scolaire. Le premier comité de pilotage s'est tenu le 21 janvier. Une feuille de route est en cours d'élaboration avec l'Union des maires.

M. Claude Bérit-Débat.  - Tout cela va dans le bon sens mais les maires ruraux demeurent inquiets. Ils souhaitent être mieux informés pour ne pas avoir par exemple à fermer une école qu'ils viennent juste de rénover. Obliger les élèves à effectuer de longs déplacements en car ne favorise pas la réussite scolaire. Les critères doivent être assouplis.

Centres d'information et d'orientation du Morbihan

M. Michel Le Scouarnec .  - On compte actuellement vingt-deux centres d'information et d'orientation (CIO) sur le territoire des quatre départements bretons, dont cinq dans le Morbihan. Il s'agit d'un véritable service public de proximité, contribuant efficacement à l'accès à l'information et à l'ambition scolaire. En 2014, le recteur a évoqué une évolution nécessaire. L'espace territorial, pertinent dans le Morbihan, pourrait être le bassin de population. Or la région ne compte que douze bassins de population, soit dix de moins que le nombre de CIO.

Plus de 30 000 collégiens et lycéens sont scolarisés dans le seul Morbihan, si l'on considère uniquement l'enseignement public. Le rectorat vient de décider la fermeture de quatre centres à Auray, Quimperlé, Loudéac et Landernau. Les familles morbihannaises ne disposeront plus d'un service public de proximité. Les agents des CIO s'inquiètent légitimement pour la continuité de leurs missions et de leurs conditions de travail.

Les CIO sont des éléments clés de la réussite scolaire pour tous et partout. Il faut que tous les partenaires soient associés à la réflexion. Quelles actions seront entreprises dans le Morbihan, comme sur l'ensemble de notre territoire, pour délivrer aux élèves une information suffisante ?

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication .  - Le Gouvernement a fait de la lutte contre le décrochage scolaire une priorité. Des mesures relatives aux CIO figurent dans la loi de refondation de l'école et dans celle sur la formation professionnelle. Les recteurs ont engagé en 2014 une réflexion pour revoir les cartes académiques, en concertation avec les personnels et dans le dialogue avec les collectivités territoriales. Ces cartes doivent s'appuyer sur les bassins de vie, la carte des besoins de formation et les équilibres territoriaux.

Dans l'académie de Rennes, le rectorat a proposé une carte avec dix-sept CIO, soit cinq de plus qu'aujourd'hui. Plusieurs solutions sont encore à l'étude, notamment une implantation dans des lycées ou encore des permanences quelques heures par semaine. Dans le Morbihan, une permanence de plusieurs demi-journées à Auray devrait être assurée à la rentrée. Nous agissons avec le souci d'offrir aux élèves un service public d'orientation de qualité.

M. Michel Le Scouarnec.  - Je prends note de cette permanence, il n'en demeure pas moins que le temps de présence sur place des conseillers sera réduit.

Les personnels des CIO et les familles ne comprennent pas cette réforme. Il est nécessaire de mieux les associer. L'orientation est un élément crucial pour la réussite de notre jeunesse.

La séance est suspendue à 12 h 05.

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. François Fortassin, M. Serge Larcher, Mme Colette Mélot.

La séance reprend à 14 h 30.

Saisine du CESE

M. le président.  - En application de l'article 70 de la Constitution et en liaison avec MM. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, et Jean-Noël Cardoux, président de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, j'ai saisi le Conseil économique, social et environnemental d'une demande d'avis sur les pistes d'amélioration du service rendu aux cotisants du régime social des indépendants. (« Très bien ! » à droite)

Voici la lettre que j'ai adressée à M. Jean Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental :

« Cher monsieur le Président,

Le Régime social des indépendants (RSI) connaît, depuis sa création, des difficultés graves de fonctionnement qui ont des conséquences directes sur les entrepreneurs concernés.

Ceux-ci dénoncent notamment des erreurs de calcul des cotisations, des retards de versement des retraites, un non suivi des dossiers, voire des harcèlements administratifs.

Dans le cadre de la Mission d'évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale, la commission des affaires sociales du Sénat a consacré un rapport d'information au RSI en juin 2014, afin de faire le point sur le fonctionnement du régime, en distinguant bien la question de son organisation et de ses dysfonctionnements, de celle du niveau des prélèvements sociaux pesant sur les travailleurs indépendants, qui ne dépend évidemment pas de lui.

Le débat est actuellement ouvert sur une éventuelle réforme du RSI et les modalités de la protection sociale des indépendants, sans que les termes de celui-ci aient été véritablement approfondis par les représentants des intéressés.

L'article 70 de la Constitution prévoit que le Conseil économique, social et environnemental peut être consulté par le Gouvernement et le Parlement sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental.

L'avis du Conseil économique, social et environnemental qui est le représentant des activités économiques et sociales serait ainsi de nature à éclairer ces questions et définir les pistes d'amélioration du service rendu aux cotisants du RSI.

J'attacherai du prix à ce que cet avis puisse être rendu dans les meilleurs délais qu'il vous sera possible, compte tenu des difficultés rencontrées par les travailleurs indépendants.

Je vous prie d'agréer, monsieur le Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs. »

Signé : Gérard Larcher

Renseignement (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et les votes par scrutins publics sur le du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au renseignement et sur la proposition de loi organique relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Explications de vote

Mme Cécile Cukierman .  - (Applaudissements sur les bancs CRC) Je le disais en introduction des débats, ce système méritait une navette pour trouver le bon équilibre entre liberté et sécurité. La procédure accélérée y a fait obstacle. Sur la forme, nous regrettons également une discussion morcelée.

Sur le fond, nous ne sommes pas convaincus. Le paradigme a été inversé : au lieu de partir de la cible pour chercher des données, on part des données pour identifier la cible, bien au-delà de la lutte contre le terrorisme. Avec la notion de « violences collectives », syndicats et lanceurs d'alerte sont dans le collimateur, car susceptibles de porter atteinte aux intérêts de la France.

Hélas, nos propositions n'ont trouvé aucun écho dans cet hémicycle. Boîtes noires et algorithmes organiseront un contrôle permanent : on surveillera une personne qui connaît une personne qui a eu un lien avec une personne susceptible d'être en lien avec une entreprise louche...

Je vous renvoie à la description de la « société punitive » que faisait Michel Foucault dans son cours au Collège de France : Le système de contrôle permanent des individus est une épreuve permanente, sans point final ; une enquête, mais avant tout délit, en dehors de tout crime [...] C'est une enquête de suspicion générale et a priori de l'individu qui permet un contrôle et une pression de tous les instants, de suivre l'individu dans chacune de ses démarches, de voir s'il est régulier ou irrégulier, rangé ou dissipé, normal ou anormal.

Nous nous rapprochons du Patriot Act américain.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Pas du tout !

Mme Cécile Cukierman.  - Grande menace sur les journalistes ! Comment les IMSI-Catchers les identifieront-ils comme tels ?

M. Loïc Hervé.  - Bonne question !

Mme Cécile Cukierman.  - La Cour européenne des droits de l'homme avait précisé dès 1978 que les États ne sauraient, au nom de la lutte contre le terrorisme, prendre n'importe quelle mesure jugée par eux appropriée risquant de saper, voire de détruire la démocratie au motif de la défendre. Alors que les États-Unis renoncent à leur législation d'exception, Edward Snowden met la France en garde.

M. Bruno Sido.  - C'est vrai qu'il est à Moscou.

Mme Cécile Cukierman.  - Au-delà de nos libertés individuelles auxquels certains « n'ayant rien à cacher » se disent prêts à renoncer, se pose la question de l'efficacité d'un tel arsenal. M. Bas a parlé d'une « botte de foin aimantée » ; la formule est révélatrice de la grande confusion qui règne autour de l'efficacité des dispositifs. Des informations relevant de la menace seront captées, certes, puisque tout le sera, mais comment se fera le tri ? Le projet de loi Renseignement ou l'illusion du risque zéro. Pas moins de 138 000 Français ont signé une pétition contre. Qui surveillera les surveillants ? Là est toute la question.

Nous nous abstiendrons sur la proposition de loi organique relative à la nomination du président de cette commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, car nous sommes opposés aux conditions draconiennes posées par la révision constitutionnelle de 2008 quant au contrôle effectif des nominations réservé au Parlement.

Quant au texte sur le renseignement, vous avez compris que nous voterons contre car il déploie un arsenal de surveillance de masse inefficace. Nous demanderons officiellement au Conseil constitutionnel de s'enquérir du bien-fondé du déploiement des techniques de surveillance de masse. (Applaudissements sur les bancs CRC ainsi que sur certains bancs centristes et du RDSE)

M. Jacques Mézard .  - Les débats, riches et intenses, ont mis en lumière les aspérités des techniques de renseignement. Il nous a fallu réconcilier des impératifs contradictoires de la sécurité et de la liberté. Avons-nous atteint « l'ouvrage convenablement exécuté » dont parlait Aristote dans l'Éthique à Nicomaque ? (On admire la référence, à droite)

Nous aurons à y revenir durant les prochaines années. Rappelons que ce texte ne concerne pas seulement la lutte antiterroriste ; s'il a été préparé avant les attentats de janvier, ces derniers ont facilité son acceptation. La France, après la Grande-Bretagne et l'Allemagne, se dote enfin d'un cadre légal. S'il ne saurait exact de démontrer sans empressement, le renseignement ne peut se passer de démocratie. Nous nous réjouissons de la limitation des possibilités de recours à la procédure d'urgence, du renforcement des contrôles de la CNCTR et de l'introduction d'un recours juridictionnel devant le Conseil d'État, sous passif et pouvant donner lieu à une décision en 24 heures.

Cependant, nous continuons de nous interroger sur l'efficacité des techniques de surveillance de masse. La probabilité d'identifier un terroriste avec un IMSI-Catcher reste infinitésimale. Le Freedom Act est plus protecteur, qui encadre strictement le recours aux métadonnées et restreint leur accès au cas par cas.

L'administration doit avoir un accès mieux réglementé à l'information. Le Conseil d'État vient justement de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité, sur les articles du Code de la sécurité intérieure créés par la loi de programmation militaire 2014-2019. Ces articles prévoient la possibilité pour l'administration de recueillir des informations auprès des intermédiaires techniques de l'internet.

Cela ne surprendra personne, le groupe RDSE regrette que le contrôle juridictionnel ait été confié au juge administratif et considère comme insuffisante la protection offerte aux professions protégées, journalistes, magistrats et avocats.

Dans un récent essai Renseigner les démocraties, renseigner en démocratie, d'anciens DGSI et DGSE pointent la tentation permanente de politiser le renseignement. Il aurait fallu s'en prémunir.

Aristote disait : « L'excès est une faute, le manque provoque le blâme ». Parce que nous cherchons toujours le bon équilibre, le groupe RDSE conservera toute sa diversité mais choisira majoritairement l'abstention. (Applaudissements sur les bancs RDSE).

M. Robert Navarro .  - Ce nouvel arsenal législatif ne ressemble en rien au Patriot Act américain, les lois liberticides votées aux États-Unis après le 11 septembre 2001. Il ne renforce pas les pouvoirs du président de la République, ni n'instaure de surveillance de masse. Il ne reconnaît ni la torture ni les atteintes à la vie privée que s'autorisait la Stasi.

Mme Cécile Cukierman.   - C'est du débat...

M. Robert Navarro.  - Je le soutiendrai, il est essentiel dans la lutte contre le terrorisme. Cependant, des attentats de septembre 2001 à ceux de janvier, ne perdons pas de vue l'enjeu essentiel : face à la haine, l'humanité doit se défendre, la République porter ses valeurs.

Emmanuel Kant le disait : « la seule paix durable est la paix des cimetières ».

M. François Zocchetto .  - (Applaudissements au centre) Exercice difficile auquel se sont livrés les rapporteurs Bas et Raffarin ! Il fallait une loi pour s'adapter à l'arrivée de la téléphonie mobile et d'internet, il fallait une loi pour apporter plus de garde-fous ; l'encadrement de la procédure d'urgence absolue, la limitation des délais de conservation des données vont dans le bon sens. Je comprends les inquiétudes néanmoins. Nous faisons face à deux enjeux : l'évolution des techniques et l'amplification de la menace terroriste. IMSI-Catchers et surveillance se justifient amplement mais comment encadrer les services et l'exécutif ? Chaque famille politique est confrontée à des divergences internes : il n'y a pas d'un côté les défenseurs des libertés et, de l'autre, les pourfendeurs du terrorisme. Nous aurons donc des votes divers mais resterons tous vigilants, une clause de revoyure est prévue dans cinq ans. (Applaudissements au centre et sur quelques bancs à droite)

M. Jean-Jacques Hyest .  - (Applaudissements à droite) Si la loi de 1991, véritable révolution, avait déjà encadré les interceptions de sécurité, il fallait s'adapter aux nouvelles techniques de communication et de renseignement. Légalité, tel était le maître mot de nos débats. Rien ne serait pire, face aux menaces, que de fragiliser l'État de droit.

Le président Bas et l'ancien Premier ministre Raffarin, pour avoir exercé d'importantes charges, ont su renforcer les garanties : en appliquant le principe de proportionnalité, le Sénat a clarifié les finalités de recours aux techniques de renseignement, précisé les responsabilités respectives des services de renseignement et de l'administration pénitentiaire, encadré la procédure d'urgence absolue et clarifié le statut des professions protégées. La criminalité organisée représente déjà 60 % des demandes de surveillance : le champ du texte n'est donc pas circonscrit au seul terrorisme. Personnellement, je regrette le raccourcissement des délais de conservation des données. À quoi servent des informations si elles ne sont pas traitées ?

L'amélioration de la condition de saisine du Conseil d'État et des pouvoirs de la Commission nationale assurent un contrôle satisfaisant à condition que les effectifs de la Commission ne soient pas pléthoriques. L'avis donné par les assemblées sur la nomination de son président est une bonne chose. La notion d'algorithme, le recours aux IMSI-Catchers, la géolocalisation ont été précisément définis. Que les craintes s'apaisent ! Ah, mes chers collègues, si ce texte avait été présenté sous une autre majorité, que n'aurions-nous pas entendu ! (Applaudissements à droite) Dans sa majorité, notre groupe votera ce texte équilibré. (Même mouvement)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Il y a l'horreur du terrorisme et la réalité de la menace. Face à cela, notre devoir est de lutter contre ces malheurs qui peuvent arriver à tout moment. Jusqu'à présent, aucun texte n'encadrait les services de renseignement. Il était nécessaire qu'un tel texte existe, il apporte de la sécurité juridique.

Nul ne peut soutenir que le texte du Sénat, je le dis devant nos rapporteurs, ne renforce pas les libertés et n'accroît pas les contrôles.

M. Alain Gournac.  - Encore faut-il savoir lire !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le Sénat a été dans son rôle.

Certains mots font peur : boites noires, algorithmes. Je veux raisonner contrario : est-il légitime, oui ou non, de s'enquérir des personnes visitant des sites appelant au terrorisme ? Le groupe socialiste répond : oui, pourvu que les investigations soient ciblées et précises. Nulle surveillance de masse dans ce dispositif.

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le Sénat a exclu la Chancellerie de la communauté du renseignement, c'est un progrès indéniable. Grâce à l'amendement du groupe socialiste, la commission nationale aura un accès direct, complet et permanent aux données. Elle aura donc un pouvoir de contrôle effectif. À cet égard, je me réjouis que le ministre ait confirmé que la commission aura également accès aux données de la plate-forme nationale de décryptage.

Je regrette que l'on ait retiré la précision selon laquelle les intérêts à protéger sont ceux que l'on peut qualifier d'essentiels et que l'on ait refusé de supprimer le terme de « paix civile » pour les violences collectives.

Que les choses soient claires : enfin, un texte encadre le renseignement ! (Applaudissements sur la plupart des bancs socialistes)

Mme Esther Benbassa.  - Je crains que le Gouvernement, persuadé que la répression est la seule réponse, n'entende vos critiques. (Brouhaha à droite) On se croirait dans une cour de récréation !

M. Bruno Sido.  - Plutôt un amphithéâtre !

M. le président.  - Vous seule avez la parole.

Mme Esther Benbassa .  - Certes, rien ne justifie le terrorisme. Mais s'opposer à ce texte n'est pas faire preuve de complaisance. Le texte inquiète la Cnil, la CNDH, les associations de défense des libertés, les hébergeurs, le syndicat de la magistrature. Tous nous ont alertés sur la mise en place de cet État ultra-préventif. Le texte donnera aux services accès à une manne de données. Soyons sérieux : auront-ils suffisamment d'experts hautement qualifiés, linguistes ou ingénieurs, pour l'analyser ? Quand on voit ce qu'il en a été pour les attentats de janvier...

La commission libertés publiques du Parlement européen a mis en garde contre la tendance à instaurer un État préventif, loin de notre tradition pénale.

M. Roger Karoutchi.  - N'exagérons rien !

Mme Esther Benbassa.  - Ironie de l'histoire, nous adoptons notre petit Patriot Act à nous, quand les États-Unis lui substituent un Freedom Act, une loi de liberté. Qui d'entre nous a déjà vu des boites noires, des IMSI-Catchers, qui sait ce qu'est un algorithme ? Certains d'entre nous continuent d'utiliser des téléphones d'un autre âge. Monsieur le ministre, j'admire votre légèreté, et ne peux m'empêcher de songer aux lois votées dans un passé troublé par des parlementaires aussi légers que nous...

Si ce texte était porté par la droite, ou l'extrême droite, (On s'insurge sur les bancs des Républicains) une gauche réveillée alerterait la moitié de la France !

M. Roger Karoutchi.  - Où est-elle la gauche réveillée ?

Mme Esther Benbassa.  - Si vous aviez vécu sous un régime autoritaire, vous ne plaisanteriez pas ainsi !

Heureusement, nous avons évité de peu, le renseignement en prison. Je rends grâce à notre commission d'avoir posé quelques verrous. Je suis heureuse qu'avec l'amendement de notre garde des sceaux, nous ayons évité de jeter les bases de la prison de l'avenir, celle du Panoptique de Bentham tel que le décrit Michel Foucault à la p. 234 de Surveiller et Punir : « induire chez le détenu un état conscient et permanent de visibilité qui assure le fonctionnement automatique du pouvoir ».

Quitte à rester minoritaire, ce qui peut être un honneur, mon groupe et moi-même avons rejoint des sénateurs comme Mme Cukierman, M. Malhuret, M. Mézard, Mme Morin-Desailly et quelques autres, avec qui nous avons passé des nuits (On s?esclaffe à droite) à défendre les libertés de nos concitoyens, résistant aux effets secondaires de l'émotion suscitée par l'horreur terroriste. L'émotion passe, les lois restent.

Les minoritaires ne peuvent faire entendre qu'un mince filet de voix. Ils ont le devoir de le faire entendre. Moins éblouis par la pompe faussement rassurante des victoires majoritaires, peut-être voient-ils plus loin. Restons fidèles à ce qui nous est le plus essentiel : l'humanisme et la défense des libertés. (Applaudissements sur les bancs écologistes, CRC, ainsi que certains bancs centristes et du RDSE).

M. le président.  - Il va être procédé dans les conditions prévues par l'article 56 du Règlement au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi relatif au renseignement. Il aura lieu en salle des Conférences, conformément aux dispositions du chapitre 15 bis de l'Instruction générale du Bureau. Une seule délégation de vote est admise par sénateur.

La séance est suspendue à 15 h 25.

Scrutin public solennel sur le projet de loi

La séance reprend à 15 h 50.

M. le président.  - Je remercie les secrétaires du Sénat qui ont assuré le dépouillement du scrutin, MM. François Fortassin, Serge Larcher et Mme Colette Mélot. (Applaudissements)

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°200 sur l'ensemble du projet de loi relatif au renseignement, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 319
Pour l'adoption 252
Contre 67

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements des bancs socialistes à la droite)

M. le président.  - Je remercie le président Bas, le président Raffarin, et félicite la vice-présidente de la commission des lois, très présente au banc des commissions.

Scrutin public ordinaire sur la proposition de loi organique

M. le président.  - Nous passons au vote par scrutin public ordinaire sur la proposition de loi organique relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Voici le résultat du scrutin n°201 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption 324
Contre 0

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements)

Intervention du Gouvernement

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Au nom de Bernard Cazeneuve, Jean-Yves Le Drian et Christiane Taubira, je veux saluer le travail collectif réalisé sur ce texte, saluer les présidents et rapporteurs et remercier tous les sénateurs et sénatrices qui ont participé aux débats.

Sur de nombreux points, finalités du recours aux techniques de renseignement, durée de conservation des données, modalités de leur centralisation et protection de certaines professions, nous sommes parvenus à des compromis. Je salue notre esprit constructif qui a permis d'enrichir le texte.

Ensemble, nous avons réussi un équilibre entre la sécurité de nos concitoyens et la protection des droits fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre)

La séance est suspendue à 16 heures.

présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 05.

CMP (Candidatures)

Mme la présidente.  - La commission des finances a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi du 2 juillet 2004 relatif à l'octroi de mer.

Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 12 du Règlement.

Débat sur les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème « les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte », à la demande de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Orateurs inscrits

M. Hervé Maurey, rapporteur de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation .  - Nous célébrons bientôt les 110 ans de la loi de séparation des Églises et de l'État. Est-elle toujours adaptée à notre société ? C'est la réponse à laquelle le rapport que m'a confié Jacqueline Gourault tente de répondre.

Depuis 1905, de nouvelles évolutions ont eu lieu : la religion catholique, majoritaire alors, ne l'est plus, d'autres sont apparues, comme l'islam, mais aussi le mouvement évangélique.

J'ai rencontré de nombreux représentants des cultes, des juges, des élus, des associations, n'oubliant aucune religion. J'ai procédé à une vaste étude internationale. J'ai mené une consultation auprès de plus de 10 000 maires, dont 3 000 ont répondu. Des entretiens individuels qualitatifs ont eu lieu ensuite avec un certain nombre d'entre eux.

Sur ce sujet comme sur d'autres, les élus sont en effet en première ligne. 45 000 églises catholiques, 4 000 temples protestants, 420 synagogues, 2 450 mosquées, 150 églises orthodoxes et 380 lieux de culte bouddhistes sont ainsi présents dans nos communes, lesquelles ont directement la charge de l'entretien des églises, qui pèse lourd dans leurs budgets amputés par la baisse des dotations. L'église est souvent vue comme un élément patrimonial, parfois même le seul, et les financements publics pour assurer son entretien suscitent un large consensus. Pour les autres cultes, la question qui se pose est celle de la construction de nouveaux lieux.

La loi de 1905 interdit aux communes de financer la construction, l'acquisition ou le fonctionnement courant d'édifices cultuels.

Il y a néanmoins des exceptions : la propriété des églises catholiques, refusant de se constituer en associations cultuelles en 1905, a été confiée aux communes par le législateur dès 1906 et 1907 ; la loi ne s'applique pas en Alsace-Moselle, où prévaut le concordat, ni, parfois, outre-mer. Autre dérogation : la possibilité de recourir à un bail emphytéotique ou de garantir les emprunts des associations cultuelles dans les agglomérations en développement.

La jurisprudence a également beaucoup assoupli la loi en reconnaissant la possibilité de mettre à disposition à des fins cultuelles des locaux communaux, dès lors que cette mise à disposition est non exclusive.

La jurisprudence distingue également le cultuel et le culturel, selon des critères qui ne sont pas aisés à manier pour de nombreux élus.

Nous sommes parvenus à la conclusion que nous ne pouvons pas toucher à ce monument essentiel du vivre ensemble qu'est la loi de 1905. Nous pouvons néanmoins proposer des ajustements, tous acceptés unanimement par la délégation aux collectivités territoriales. Nos recommandations sont, conformément à la tradition sénatoriale, pragmatiques et raisonnables.

Premier axe : améliorer l'information des élus. C'est nécessaire compte tenu des évolutions de la jurisprudence. Sa codification n'est pas indispensable, la jurisprudence ayant l'avantage de la souplesse ; des circulaires le sont en revanche, sur le financement des réparations ou la mise à disposition de locaux par exemple.

Deuxième axe : faciliter les rapports entre communautés religieuses et pouvoirs publics. La garantie d'emprunt est possible mais encadrée ; elle devrait être utilisable dans tous les cas.

Une clause de rachat doit en outre accompagner les baux emphytéotiques. La ville de Paris récupérera dès 2020 une trentaine d'églises à l'entretien coûteux. C'est une véritable bombe à retardement ! Il en ira de même pour Marseille et Montreuil qui ont signé de tels baux pour construire des mosquées. Les maires devraient pouvoir déterminer dans leurs PLU les secteurs où construire des lieux de culte.

Troisième axe : renforcer la transparence sur le financement des lieux de culte. Sur ce point, les demandes des élus sont très fortes. Un décret en Conseil d'État devrait préciser ce qui relève du cultuel et ce qui relève du culturel, pour éviter toute hypocrisie.

Le contrôle des finances est indispensable. Tracfin s'interroge parfois sur les conditions de financement de certaines mosquées. Nous recommandons que, dans le cadre de la construction d'un édifice cultuel, les maîtres d'ouvrage présentent un plan de financement certifié par un commissaire aux comptes.

L'actualité de l'année 2015 rappelle l'intérêt de ce rapport, adopté, je le souligne, à l'unanimité.

Dans son rapport au président de la République du 15 avril 2015, sur la Nation française, le président Larcher relève que les religions constituent « un fait social et une donnée vivante de notre société » à aborder « sans rejet ni crainte ». C'est dans cet esprit que s'inscrivent nos travaux et ce débat, dont je tiendrai compte dans la proposition de loi que je déposerai prochainement pour leur donner une traduction législative. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC et à droite ; M. René Vandierendonck applaudit aussi)

M. Yvon Collin .  - Cent dix ans après l'adoption de la loi de 1905, notre société a changé. Si nous ne portons pas de jugement sur les croyances ni l'évolution du fait religieux, il n'est pas question de toucher à la loi de 1905, fondatrice. (M. Jean-Claude Requier approuve)

Force est de constater que, depuis des années, les élus font preuve d'un relâchement sur l'application de ses principes, au risque de renforcer le communautarisme et d'affaiblir la cohésion sociale.

Nous soutenons fermement les propositions de la délégation aux collectivités territoriales. Il est indispensable de faire préciser par le Conseil d'État la distinction entre cultuel et culturel, afin de renforcer la transparence des financements, et de mieux informer les élus, tant ils demeurent dans le flou à cet égard. Clarifier est le maître mot.

Notre groupe est résolument laïc : nous ne distinguons aucune religion. La mise à disposition de locaux ne saurait faire l'objet d'aucune dérogation. N'ouvrons pas la boîte de Pandore ! En République, les règles doivent être claires et les mêmes pour tous. Nous devons aussi demeurer vigilants sur la promotion, via certains financements, de conceptions rigoristes de certaines religions.

Pourquoi ne pas interdire le financement étranger, comme le font certains de nos voisins ?

Créer une option d'achat à l'issue des baux emphytéotiques est plus contestable, car elle pourrait donner lieu à des financements cachés. De même, nous sommes réservés sur les autorisations de financement partiel des activités cultuelles, car la distinction avec le culturel n'est pas toujours évidente.

La laïcité est un bien commun, qui permet le vivre ensemble. Nous devons le préserver, le promouvoir. Le rapport d'Hervé Maurey va dans ce sens. La loi de 1905, toute la loi de 1905, rien que la loi de 1905 ! (Applaudissements sur les bancs RDSE ; MM. Jean-Pierre Sueur, Alain Néri, Hervé Maurey, rapporteur)

Mme Esther Benbassa.  - Bravo !

M. Stéphane Ravier .  - Alors que bien des collectivités territoriales se plaignent de la baisse de leurs dotations, nombreuses sont celles qui financent des lieux de culte au mépris de la loi.

Ne nous trompons pas de débat et sachons hiérarchiser les priorités : sont en cause la pression communautariste et la complaisance électoraliste de nombre d'élus. Le subventionnement de projets dits "mixtes", à la fois cultuels et culturels, qui font tout pour promouvoir des identités étrangères, empêche par là même l'accès à notre modèle républicain d'assimilation et même d'intégration. Voulons-nous que l'argent du contribuable finance des lieux de radicalisation menant parfois jusqu'au djihadisme ? (M. François Grosdidier s'exclame)

Je pourrais vous parler longuement du triste projet, ô combien emblématique, de la grande mosquée de Marseille, finalement avorté au terme d'une vaste bataille d'influence entre pays étrangers, relayée par une conseillère régionale socialiste, et ardemment défendu par le premier magistrat de la ville qui entendait en faire une « vitrine de l'islam de France »...

RTL, dans un article en ligne du 6 avril dernier sur « l'islam en France », prenait l'exemple de Marseille, où M. Abderrahmane Ghoul, le vice-président du Conseil régional du culte musulman de PACA, déclare, tenez-vous bien : « Sur les soixante salles qui existent, seules trois sont aux normes et certaines sont même frappées par des ordres de fermeture. Dieu merci... »

M. Alain Néri.  - Et la laïcité ?

M. Jean-Pierre Bosino.  - Eh oui !

M. Stéphane Ravier.  - Je poursuis la citation : « la municipalité et les autorités ferment un peu les yeux mais ça ne peut pas durer » ! Et M. Ghoul de poursuivre « le financement des mosquées pose lui aussi problème. Il y a des ressources, la viande halal, par exemple. Les grandes boucheries paient une taxe. Avec elles, on peut avancer de grands projets ».

Oui, la viande halal - que nous achetons parfois sans le savoir ! (Exclamations) Seule Marine Le Pen pointe ce danger. (Vives protestations à droite et gauche)

Il faut un meilleur contrôle de ces flux financiers. Sur le terrain, il est particulièrement difficile de vérifier la provenance des espèces...

Voix à droite : Interdisons la quête à l'église ! 

M. Stéphane Ravier.  - ...Il n'y a pas de République sans laïcité.

Mme Esther Benbassa.  - Pathétique !

Mme Françoise Gatel .  - La laïcité implique que l'État n'intervienne pas dans les affaires religieuses mais la réalité est souvent loin de ce principe.

Le rapport d'Hervé Maurey est remarquable, qui prône une clarification de la situation. Les communes peuvent financer les réparations des églises héritées de l'avant 1905, et d'après le Conseil d'État, agir dans l'intérêt public local. Situation pas toujours facile à identifier.

Mieux informer les maires est indispensable. Les églises classées font l'objet d'un régime spécifique et peuvent bénéficier d'aides. Dans ma commune, la DETR (Dotation d'équipement des territoires ruraux) permet de financer des travaux.

Pourquoi ne pas étendre cette possibilité au niveau national ? Le paysage religieux a changé depuis 1905. Le bail emphytéotique est une solution efficace pour financer de nouveaux édifices. Mais il faut préciser le cadre des options d'achat. Comment s'assurer que le bâtiment sera racheté ? Quid si le lieu est abandonné en cours de bail ? Certaines communes proposent aussi leur garantie d'emprunt aux associations cultuelles. Sur tous ces points, le rapport offre des pistes de clarification. Réserver des emplacements dans les PLU est également pertinent, qui permettrait d'initier un débat plus apaisé en amont.

Expliciter la distinction entre cultuel et culturel est un autre impératif, de même que la clarification des conditions de financement des lieux de culte par des fonds provenant de l'étranger... Il y a là une question qui interroge l'État républicain, une question de souveraineté. Les élus, toujours sur le fil du rasoir, demandent un meilleur contrôle.

La loi de 1905 reste un pilier de notre droit mais une clarification est nécessaire. Nous apportons notre soutien à ce rapport. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)

M. François Grosdidier .  - Je partage presque toutes les analyses et propositions du rapport, mais je briserai un tabou : il faut changer les modalités d'application de la loi de 1905 pour rester fidèle à ses principes. Ceux-ci sont encore actuels, intangibles dans la République, mais celles-là obsolètes, qui exclut églises évangélisme et islam, absents en 1905. Or l'islam est devenu la seconde religion de France. Dans ma ville, les musulmans priaient dans la rue ou serrés comme des sardines dans un commerce désaffecté acheté par souscription. C'était indigne pour eux et insupportable pour les riverains ! Que fallait-il faire ? Laisser faire et enfreindre les règles sur les établissements recevant du public ? Interdire l'exercice du culte au risque de violer une liberté fondamentale ? Ou offrir un local et contrevenir à la loi de 1905 ? J'ai choisi la troisième option, la seule juste... Élu d'Alsace-Moselle, j'ai été le premier maire à construire une mosquée sur fonds publics. Militant de la loi de 1905 et de la laïcité, je refuse tout dogmatisme. Comment expliquer aux musulmans qu'au nom de la loi de 1905, parce qu'ils n'étaient pas là à cette date, ils n'auraient jamais les mêmes droits que les autres religions ?

Le financement privé par les pratiquants n'est pas réaliste, c'est une tartuferie ! Il ne reste que le financement étranger. La France est schizophrène en demandant la constitution d'un islam de France en invitant les fidèles à trouver des financements pour leurs édifices dans les pays du Moyen-Orient et pour les imams dans ceux du Maghreb.

Mme Nathalie Goulet.  - Très juste !

M. François Grosdidier.  - Beaucoup de maires mettent à disposition des édifices, officiellement culturels, officieusement cultuels, et l'État ferme les yeux. Il a même participé au financement de la cathédrale d'Évry...

La laïcité, c'est la neutralité de l'État, l'égalité de tous devant la loi et aussi la liberté de culte. Certains suggèrent d'interdire le financement public et le financement étranger... Cela reviendrait à interdire l'exercice du culte...

Je sais que l'époque est dominée par la peur, traversée par la haine de l'autre ; que le débat public confond souvent communautarisme et pratique de la foi. Si la République traitait tous les citoyens de la même façon, elle serait mieux fondée à imposer à tous les mêmes devoirs.

Il faut avoir de l'audace. L'islam de France pâtit d'une grande misère matérielle et intellectuelle. Il faudrait multiplier le nombre de mosquées par deux. La formation des imams reste à revoir. En cas de carence de l'offre privée, le maire peut ouvrir un débit de boissons, et pas un lieu de culte. La commune, malmenée par les textes récents, est la cellule de base de la République, le lieu du vivre ensemble. Elle est le régulateur par excellence, rapproche les individus ; elle est un lieu d'équilibre. La République doit davantage s'appuyer sur elle, avoir l'audace de faire confiance aux maires.

M. René Vandierendonck .  - Le 19 décembre 2002, toutes les formations politiques du conseil municipal de Roubaix, sauf le Front national, ont voté une délibération-cadre, un schéma directeur des lieux de culte - aboutissement d'un dialogue entre les pouvoirs publics et les associations cultuelles. Il fallait prendre note, dans le respect de la laïcité, de l'existence de nouvelles religions, dans une ville de tissage et de métissage.

Le schéma directeur s'inscrivait strictement dans le cadre de la loi de 1905 et de la jurisprudence du Conseil d'État qui a rendu cinq importants arrêts le 19 juillet 2011. Le groupe socialiste se réjouit que le rapporteur Maurey n'ait pas proposé de revenir ici sur la loi de 1905 ni sur le concordat.

Le rapporteur fait des propositions fortes sur l'information des maires, les conditions de mise à disposition de locaux et la distinction du cultuel et du culturel. La circulaire du 29 juillet 2011 est pourtant suffisamment claire... Et je préfère la souplesse d'une circulaire à la rigidité plus grande d'une autre norme.

L'extension du dispositif de garantie d'emprunt à tout le territoire entrainerait une modification des articles 2252-5 et 3231-5 du code général des collectivités territoriales, mais cette piste mérite d'être explorée. Le Conseil d'État exigeait, pour éviter les subventions déguisées, que la garantie soit réalisée dans l'intérêt général. La solution du bail emphytéotique de longue durée, acceptée par la jurisprudence pourvu qu'il y ait bien retour dans le patrimoine de la collectivité à l'échéance du bail mérite d'être approfondie.

Préserver une zone susceptible d'accueillir des lieux de culte dans les PLU ? Cette proposition ne fait pas consensus dans le Nord-Pas-de-Calais. Je vois, dans mon quotidien, des maires utiliser leur droit de préemption pour éviter l'installation de lieux de culte.

Mme Benbassa et M. Lecerf, dans leur rapport d'information sur les discriminations, attiré l'attention sur ces entorses aux libertés. Laissons la jurisprudence définir la frontière entre le cultuel et le culturel. C'est un gage de souplesse.

Vous proposez la traçabilité des financements. À Roubaix, j'avais proposé aux associations cultuelles la formule de grande capacité juridique, qui donne droit à exonération fiscale et assure cette traçabilité ; aucune ne l'a choisie... Vous proposez le contrôle de la provenance des fonds par un commissaire aux comptes. La jurisprudence du Conseil d'État rend cette solution difficile.

Comme l'a dit le ministre de l'intérieur en condamnant l'agression de la mosquée de Carpentras, la laïcité assure la liberté de conscience, de croire ou de ne pas croire ; elle garantit aux croyants l'exercice du culte dans des conditions dignes et paisibles. Propos qui font écho à celui de Jaurès, qui demandait d'apaiser la question religieuse pour poser la question sociale. Je vous donne acte, monsieur Maurey, d'être resté dans le cadre de la loi de 1905, sans instrumentaliser le débat comme on a pu le voir par le passé dans des proportions qui parfois donnent le tournis... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Esther Benbassa .  - Ce rapport a été précédé d'une étude de législation comparée. La société a évolué depuis 1905 : une sécularisation toujours plus affirmée, l'émergence et la visibilité croissante de nouvelles religions qui n'avaient pas été intégrées au concordat.

Les élus sont en première ligne, y compris sur la question du financement. Celui de l'islam a pris une grande ampleur, il manque des lieux de culte. Le rapport offre des pistes pour améliorer les relations entre les collectivités territoriales et les cultes. Notre pays est le pays européen qui compte le plus d'adeptes du judaïsme, du bouddhisme ou de l'islam. Les musulmans réclament la construction de nouveaux lieux de culte ; les élus sont désarmés, sauf à recourir à des pratiques officieuses qu'il faudrait normaliser. L'enjeu est important.

Après la tragédie de janvier, la question de la réorganisation de l'islam en France est de nouveau posée. Quid du financement des mosquées par l'étranger ? Quid de la nomination d'imams non formés selon les exigences de notre République laïque ? Ne voit-on pas que des imams formés en France nous protégeraient contre la radicalisation de certains ? Selon un sondage TNS-Sofres, 59 % des élus seraient hostiles au financement public de nouveaux lieux de culte. La France compte 2 500 mosquées, contre 1 600 en 2004. La plupart sont des lieux de culte de proximité, de petite taille, non des cathédrales. L'augmentation du nombre de lieux de culte est nécessaire pour accueillir les fidèles, notamment les jeunes qui retournent en islam. La mosquée n'est pas qu'un lieu de culte, mais aussi un lieu de socialisation qui doit être compatible avec notre société. C'est pourquoi il faut aussi favoriser la formation d'imams en France.

M. André Reichardt . - Je salue le rapporteur Hervé Maurey qui a initié ce débat et rendu un rapport de qualité. Je m'exprimerai en qualité de parlementaire alsacien et ancien vice-président de la commission d'enquête sur les filières djihadistes.

Je note avec satisfaction que le rapport est très précis sur le droit en vigueur en Alsace-Moselle... Vous soulignez que notre régime, qui autorise le financement des lieux de culte par les collectivités territoriales, assure une prise en compte équitable de tous les cultes.

Vous avez raison : cette spécificité du droit local apparait comme une condition du vivre ensemble en Alsace-Moselle. Elle commence dès l'école où l'enseignement obligatoire du fait religieux contribue à enraciner les valeurs de la tolérance et de respect d'autrui.

Alors que les tensions communautaires sont fortes après les attentats de janvier, je veux dire mon hostilité personnelle au récent avis rendu par l'Observatoire de la laïcité qui veut rendre optionnel chez nous l'enseignement du fait religieux. Il n'est pire danger que l'inculture religieuse. L'enseignement religieux joue un rôle important dans la compréhension du monde. J'en veux pour preuve l'exemple d'un lycée de Strasbourg, installée dans un quartier plutôt sensible, que nous avons visité avec Mme Goulet. Les 1 400 élèves, excusez du peu, qui y sont scolarisés ont respecté la minute de silence après les attentats de janvier sans qu'aucune difficulté n'y ait été notée. Pour le proviseur, rien d'étonnant à cela : les élèves ont tout le loisir de discuter du fait religieux au cours de l'année.

Je soutiens les propositions du rapporteur, notamment sur la traçabilité des fonds servant à financer les mosquées. Allons même plus loin : les fonds devraient transiter obligatoirement par la Fondation pour les oeuvres de l'islam de France. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Le Scouarnec . - Quelque 60 % des élus seraient favorables à un financement public des lieux de cultes existants, même si 40 % d'entre eux craignent l'impact financier.

Certains aménagements pourraient être apportés à notre corpus législatif, étant entendu que nos concitoyens sont très attachés à la loi de 1905. Notre droit doit s'adapter pour donner tout son sens à la liberté de religion. Et nous devons réaffirmer le principe de laïcité tel que le définit la Constitution et le Conseil d'État, selon lequel il recouvre neutralité de l'État, liberté religieuse et respect du pluralisme.

La question de l'égalité entre les cultes est posée, de même que celle de la sauvegarde de notre patrimoine religieux confié souvent aux communes. Il faut aussi tenir compte de la diversité des situations selon les territoires - je pense en particulier à l'Alsace-Moselle et à l'outre-mer.

Solidaires des élus du groupe CRC d'Alsace-Moselle, nous demandons la suppression du délit de blasphème qui y est encore en vigueur.

La liberté de conscience n'est pas liée à la question du financement. Une République qui finance, c'est aussi une République qui contrôle. La laïcité doit s'accompagner de l'équité dans le traitement de tous les cultes. Il faut accroître les marges d'action des maires et leur information, afin qu'ils puissent travailler dans le respect des principes républicains.

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Les maires sont les premiers interlocuteurs des religions. Depuis 1905, la société et le paysage religieux ont fortement évolué. Les maires peinent à appréhender les contours de la laïcité et à répondre aux demandes de construction de lieux de culte. Si le principe est l'interdiction du financement public, des possibilités d'action existent : les baux emphytéotiques, la garantie d'emprunt ou la mise à disposition de locaux. Dans tous les cas, la transparence du financement est impérative.

Les élus des Alpes-Maritimes ont fait preuve de volontarisme, mais demeurent confrontés à plusieurs problèmes. L'articulation entre le cultuel et le culturel doit être précisée - les maires hésitent : faut-il appliquer la loi de 1901 ou celle de 1905 ? À Nice, nous avons dû demander au Premier ministre des précisions sur le financement du centre En Nour dans le quartier de Nice la Plaine. Les élus ont aussi du mal à trouver des interlocuteurs quand il s'agit de lieux installés dans des caves, des parkings, des commerces, voire des salles communales mises à disposition d'associations culturelles.

Présidente de Côte d'Azur Habitat, premier bailleur social des Alpes-Maritimes, je connais au moins deux lieux de culte improvisés dans notre patrimoine. Ils créent des problèmes de sécurité, de droit, de voisinage, de radicalisation et de respect du code de l'urbanisme.

Je partage les propositions du président de l'Association des maires de France, M. Baroin, qui refuse le financement public des lieux de culte, tout en réclamant plus de surveillance du financement de ces lieux. Je serai attentive aux conclusions du groupe de travail de l'AMF sur la laïcité.

Enfin, j'exprime ma solidarité à l'égard des chrétiens d'Orient que nous devons soutenir en France, mais qui doivent pouvoir aussi rester libres au Moyen-Orient, où la diversité religieuse doit être défendue. C'est notre histoire. (Applaudissements à droite)

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique .  - Je remercie le Sénat pur l'organisation de ce débat et salue M. Maurey pour la qualité de son rapport. Sur ce sujet qui met en jeu un principe essentiel à notre République, nous devons travailler ensemble, sans polémique ni controverse inutile. Comment garantir à nos concitoyens l'exercice de leur culte dans de bonnes conditions ?

La laïcité depuis un siècle est une spécificité du vivre ensemble en France, un principe de concorde qui unit les citoyens autour des valeurs de la République. Elle s'articule à l'égalité entre les cultes, à la liberté religieuse et à la fraternité entre les croyants de toutes les religions. Dans une société fracturée où l'intolérance progresse, la laïcité est le meilleur rempart contre ceux qui instrumentalisent la religion à des fins de stigmatisation, contre ceux aussi qui l'utilisent comme un prétexte au rejet de l'autre.

L'État doit être neutre à l'égard de tous les cultes, mais il doit garantir à chacun sa liberté de culte dans des conditions décentes. L'État ne salarie ni ne subventionne aucun culte. Les collectivités territoriales sont toutefois autorisées à participer aux dépenses nécessaires à l'entretien d'édifices de culte : les agrandissements n'en font pas partie, mais les collectivités territoriales peuvent contribuer à la construction d'un nouveau lieu de culte si celle-ci est moins coûteuse. La jurisprudence a autorisé les collectivités territoriales à utiliser les baux emphytéotiques ou à offrir des garanties d'emprunt.

Les élus sont souvent confrontés à des demandes épineuses auxquelles la loi ne répond pas toujours. Le ministre de l'intérieur a mis en place un groupe de travail avec l'AMF qui publiera bientôt ses conclusions sur les possibilités d'action des collectivités territoriales ; le rapport de M. Maurey lui sera très utile. La circulaire du 29 juillet 2011 a déjà apporté des clarifications.

Votre proposition concernant le contrôle des fonds par un commissaire aux comptes n'est pas constitutionnelle. Elle s'oppose à la liberté constitutionnelle donnée aux cultes de construire les édifices dont ils ont besoin sans le concours de la puissance publique. Rien n'interdit toutefois de renforcer les obligations de transparence. En tout cas, évitons de débattre à partir de faits qui ne sont pas documentés comme le font certains. Tous les fonds en liquide sont vérifiés et les financements des associations de tout culte peuvent être retracés.

La distinction entre le cultuel et le culturel est délicate, c'est pourquoi nous privilégions la réflexion au cas par cas grâce à la jurisprudence. Vos deuxième et quatrième propositions sont intéressantes mais le gouvernement préfère réfléchir sur la base de la législation existante. Nous étudierons votre dernière proposition sur l'insertion dans les PLU des zones réservées aux lieux de culte.

Une réunion sous l'égide du Premier ministre se tiendra bientôt. Ce débat alimentera la réflexion. Nous examinerons toutes les pistes avec empirisme et pèserons les propositions sur le trébuchet de la loi dans l'optique d'une société apaisée.

Le principe de laïcité et de concorde est un élément fédérateur de notre société. Avançons avec prudence, dans le respect mutuel, en évitant les stigmatisations. La laïcité doit être un vecteur d'éducation et de culture. Elle sera certainement un élément central des institutions du XXIe siècle. (Applaudissements à gauche, sur les bancs RDSE et au centre)

CMP (Nominations)

Mme la présidente.  - Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer.

La liste des candidats établie par la commission des finances a été publiée conformément à l'article 12 du Règlement.

N'ayant reçu aucune opposition, je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire en tant que membres titulaires : Mme Michèle André, MM. Éric Doligé, Francis Delattre, Philippe Dominati, Vincent Delahaye, Georges Patient et Éric Bocquet ; et, en tant que membres suppléants : M. Michel Canevet, Philippe Dallier, Jacques Genest, Roger Karoutchi, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent et Richard Yung.

Débat sur l'industrie ferroviaire

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'avenir de l'industrie ferroviaire française, à la demande de la commission du développement durable.

Orateurs inscrits

M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable .  - Pourquoi la commission du développement durable a-t-elle demandé ce débat ? Parce que, malgré des nouvelles alarmantes, le Gouvernement ne prend pas les mesures d'urgence qui s'imposent. Notre industrie ferroviaire est reconnue : elle est au troisième rang mondial, au premier européen pour l'ingénierie. Son excellence est reconnue à l'étranger où nous avons emporté de nombreux appels d'offres tandis que la demande intérieure demeurait soutenue. Bref, elle roulait toute seule. (Sourires) Les temps ont changé, nous assistons à un mouvement de concentration sans précédent. Les deux grands opérateurs chinois ont fusionné pour créer un groupe de 24 milliards d'euros, à la taille cinq fois supérieure à celle d'Alstom Transport.

La concurrence est plus vive que jamais alors que la demande intérieure décline, en raison de la réduction des dotations aux collectivités territoriales.

Sur les 1 000 trains prévus par le contrat-cadre de 2009, commandés à Alstom, seuls 258 ont été effectivement commandés. Sur les 860 trains commandés à Bombardier 159 seulement ont été achetés. Et les signaux en provenance de Bercy sont sombres. Les résultats du troisième appel à projet sur les transports collectifs en site propre ont été annoncés en 2014 avec un an de retard. Bientôt le service en pâtira. De même, la construction de locomotives a cessé en France depuis 2013.

C'est 10 000 ou 15 000 emplois industriels qui sont menacés, sans parler de la perte de compétence associée.

Nos ingénieurs privilégieront d'autres secteurs et nous perdons notre savoir-faire. Les sénateurs d'Alsace sont inquiets face au risque de fermeture de Reichshoffen La situation est critique. Le Gouvernement appelle à un retour de l'État stratège, mais nous ne le voyons guère venir.

Les opportunités ne manquent pas pour redonner vigueur à notre industrie ferroviaire : l'engagement de la France dans la transition énergétique, la COP 21, le chantier du Grand Paris, la modernisation du réseau ferré historique, le remplacement des trains d'équilibre du territoire et du matériel du réseau parisien. Comment pourrions-nous préserver notre vitrine technologique et nos exportations si notre marché intérieur s'écroulait ? Le projet du TGV du futur contribuera à soutenir la filière. Je salue l'engagement du Gouvernement de s'engager sur le marché mondial de la grande vitesse.

Il faudra travailler à l'optimisation des coûts et à l'interopérabilité : il ne sert à rien de fabriquer de beaux bijoux que personne ne peut ou ne veut acheter. On ne sauvera pas non plus notre industrie avec de beaux projets à forte visibilité mais qui ne concernent que 10 % du marché.

L'État doit accompagner nos entreprises à l'export en veillant à la réciprocité dans l'ouverture des marchés. Des potentialités existent, manque une planification claire d'un État devenu stratège. Rien de pire, pour l'industrie lourde, que le stop and go. Une réflexion s'impose sur les normes du matériel : faut-il travailler au train du futur ou se concentrer sur le matériel roulant des trains d'équilibre du territoire ? La survie de notre industrie est une affaire de mois. Si je sonne le tocsin aujourd'hui, c'est pour ne pas avoir à sonner le glas demain. (Applaudissements)

M. David Rachline .  - Regardons la réalité en face : notre réseau qui fait la fierté de la France, envié à l'étranger, est obsolète. Si nous ne voulons pas que tout un pan de notre industrie s'effondre, il faut revenir à l'État stratège de Pompidou qui a engagé la belle aventure du TGV.

Les besoins ont changé, il nous faut un train plus économe en énergie. Le chiffre d'affaires du secteur est amené à progresser de 2,7 % par an sur les cinq prochaines années ; mais pour démontrer notre capacité à l'export, commençons par faire ce qu'il faut chez nous. L'appui de l'État est indispensable, pour une cartographie précise et pensée, plutôt que des annonces au gré des élections. Le fret a diminué de 30 % entre 2003 et 2023, alors qu'il progressait en Allemagne, pourquoi ?

Il faut dépenser mieux, pas forcément plus. Votre Bruxelles interdit à l'État de soutenir le secteur ; sollicitons la Caisse des dépôts et consignations. Le Gouvernement relance le TGV du futur après avoir annoncé la fermeture de lignes TET. Où est la vision ? La cohérence ?

Merci, madame le Président.

Mme la présidente.  - « Présidente » !

M. David Rachline.  - On fait cela maintenant ?

Mme la présidente.  Le féminin existe depuis longtemps dans la langue française.

M. Jean-François Longeot .  - Madame la Présidente,...

Mme la présidente.  - Merci :

M. Jean-François Longeot.  - ...je veux réagir sur le rapport rendu par le député Duron le 26 mai sur les trains d'équilibre du territoire. Ses conclusions préconisent l'abandon de certaines lignes dans la perspective d'une réduction de la participation de l'État dans le volet ferroviaire des contrats de projet État-région. Dans le même temps, le projet de loi Macron libéralise les liaisons en autocar entre les grandes villes, apportant ainsi une nouvelle justification à l'abandon du rail.

Comment comprendre cette orientation après les objectifs de report modal fixés dans la loi pour la transition énergétique ? Encore une fois, les territoires ruraux seront les plus touchés. Comme le disait Rémy Pointereau, il est facile de tuer une ligne d'équilibre du territoire : il suffit pour en détourner les voyageurs de mettre le plus mauvais matériel, de faire des cadencements éloignés et de choisir des horaires inadaptés.

L'État ne participe au ferroviaire qu'à hauteur de 32 %, contre 90 % en Suède et 50 % en Allemagne. N'est-il pas temps qu'il reprenne les 36,6 milliards de la dette de RFF ?

C'est la seule manière d'éviter une désertification des villes moyennes et des territoires ruraux, avec les conséquences que l'on sait sur l'emploi et l'activité d'Alstom - 10 000 à 15 000 postes sont en jeu, principalement en Alsace, dans le Nord-Pas-de-Calais, Poitou-Charentes et en Franche-Comté. Au-delà du démantèlement du service public, les sites de La Rochelle, Belfort et Reichshoffen seraient sinistrés dès la fin de 2017.

Valenciennes, spécialisé dans le tram-train, s'inquiète. Mme Létard s'interroge : comment l'industrie ferroviaire peut-elle s'inscrire dans la révolution du 4.0 que M. Macron appelait de ses voeux le 18 mars dernier ?

Le Gouvernement compte-t-il mener enfin une politique active de soutien à l'industrie ferroviaire ? À défaut, un pan entier d'un de nos fleurons va s'effondrer.

M. François Aubey .  - Historiquement, les acteurs du ferroviaire français ont toujours été en pointe, de la conception des voies à l'organisation des services. Nous avons été pionniers sur le TGV. Cependant, nous sommes désormais au troisième rang mondial, derrière l'Allemagne et la Chine.

Alors que la demande internationale augmente, la demande intérieure recule de 16 %. De plus, les équipementiers s'organisent face aux trois grands que sont Siemens, Bombardier et Alstom. Pour preuve, la fusions des chinois CNS et CSR grâce au soutien de l'État chinois, nouveau leader mondial dont les coûts de production sont 20 à 30 % inférieurs aux nôtres, et le rachat par Hitachi du constructeur italien. À cela, il faut ajouter le protectionnisme des marchés émergents.

Le ferroviaire représente 21 000 emplois directs et 84 000 emplois indirects. Près de 15 000 emplois directs pourraient disparaître dès 2018, autant dire demain. À Belfort, le ministre Macron a annoncé un appel d'offres pour le TGV du futur. Le TER du futur, qui représente 5 milliards d'euros sur quinze ans, sera bientôt relancé, après l'annulation des deux premiers appels d'offres. Quant aux trains d'équilibre du territoire, le rapport Duron préconise un remplacement du matériel roulant et, à partir d'une comparaison européenne, une expérimentation de l'externalisation de la maintenance.

On ne le répètera jamais assez : l'État doit être pilote et stratège, contribuer à la formation d'une filière européenne pour aboutir à un « Airbus du ferroviaire ». L'innovation, encouragée par la nécessité de réaliser des économies d'énergie, doit nous guider. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Joël Labbé .  - Madame la présidente, notre pays dispose d'une filière complète du ferroviaire ; elle est l'activité la plus structurante pour notre société, avec des métiers variés, hautement qualifiés et des entreprises de toute taille. Elle est vecteur d'aménagement du territoire et de réduction de la fracture sociale. Elle est aussi un moyen de transport décarboné : les transports représentent un quart des émissions de gaz à effet de serre, dont 92 % pour la route.

Entre 2002 et 2013, Siemens, Bombardier et Alstom ont vu leurs parts de marché se réduire de 53 à 24 %, celle des deux constructeurs chinois, elle, est passée de 3 % à 32 %. Notre industrie doit-elle s'adapter aux nouveaux marchés ? Naturellement, et il faut une coopération européenne du rail au train car les pays émergents veulent du clé en main. Cependant, l'export ne suffit pas. La commande publique a un rôle à jouer ; des contrats d'1,2 milliard d'euros ont été signés en 2007 ; depuis, plus rien... Notre TGV a une durée de vie de trente ans, contre quinze ans pour le TGV japonais. Nous, écologistes, préférons bien sûr un matériel durable mais il faut être conscient que cette activité a un caractère cyclique, qui exige une véritable stratégie nationale.

Ces vingt dernières années, on a étendu la route aux dépens du rail à partir de priorités clairement définies. Les autorités publiques doivent changer les règles du jeu pour privilégier le train et les autres transports à faible empreinte écologique contre la route.

Mme Évelyne Didier .  - Les politiques menées depuis de très nombreuses années ont plombé notre industrie ferroviaire. 10 000 emplois sur 30 000 seraient menacés, faute de stratégie et de commande publique, bref d'une vraie politique ferroviaire. Les entreprises espèrent beaucoup du Grand Paris pendant que le marché intérieur est grevé par la dette de RFF. Et le Gouvernement d'encourager l'export...

Les régions ont pris leurs responsabilités sur les TER mais la baisse des dotations se fait sentir. La Cour des comptes a sonné le glas du TGV dans son rapport. Nous attendons des précisions sur l'annonce faite par le ministre Macron sur le TGV du futur. Le fret a été sacrifié depuis dix ans. Et que dire du sort fait aux TET dans le rapport Duron ?

La privatisation d'Alstom autorise l'État à se comporter désormais en un actionnaire comme les autres. Oui à un Airbus du rail. Dès 2011, mon collègue député Alain Bocquet demandait également des clauses sociales et environnementales dans les marchés publics pour privilégier les offres nationales, la création d'un fonds d'investissement - pourvu que la BPI et la Caisse des dépôts n'agissent pas comme des actionnaires libéraux. J'y ajouterai, car je suis adepte de l'économie circulaire, la formation d'une filière de démantèlement et de recyclage du matériel roulant. Sans cela, nous courons à la catastrophe.

Sans être élue alsacienne, je suis attachée au site de Reichshoffen. Faisons comme l'Allemagne si souvent citée en exemple : elle démontre son attachement à la défense de ses propres intérêts ! (Applaudissements sur les bancs CRC, écologistes et sur quelques bancs socialistes)

M. Gilbert Barbier .  - Comme M. Macron, en visite en Franche Comté le 28 mai dernier, le groupe RDSE veut écrire une nouvelle page de l'histoire du rail. Quelque 10 à 15 000 emplois sont menacés à court terme dans ce secteur qui est pourtant d'avenir, tant est forte la demande internationale et criant le besoin de renouvellement du matériel roulant en France.

La régression de la demande publique, la concurrence des compagnies aériennes low cost, qui ont indirectement bénéficié du sous-investissement dans le rail, l'ouverture des liaisons par autocar et, surtout, l'absence de stratégie claire du Gouvernement qui s'est illustré par l'abandon de l'écotaxe menacent notre industrie. Il en résultera une perte de savoir-faire et, donc, d'emplois.

Alors qu'un géant chinois se forme et qu'Hitachi rachète les Italiens, il y a urgence à agir. L'appel d'offres qui serait lancé fin juin pour le TGV du futur coïncide-t-elle avec la priorité donnée par le Gouvernement aux trains du quotidien ? L'État prendra-t-il des participations au capital d'Alstom ? Nous avons grand besoin d'éclaircissements. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

M. Jean Bizet .  - Merci de cette heureuse initiative prise par la commission du développement durable. L'actualité européenne est brûlante avec l'adoption par le Conseil « Transports » du quatrième paquet ferroviaire, après-demain.

La libéralisation a-t-elle tenu ses promesses ? Pas autant que nous l'espérions.

Pas tout à fait, en raison des spécificités techniques qui ont empêché une baisse du prix pour les voyageurs. Il faudra donc veiller à ce volet, dans le prochain paquet.

Le projet de règlement contenu dans le quatrième paquet harmonise les quelque 400 normes en moyenne par État membre que l'on dénombre aujourd'hui, et renforce le rôle de l'agence ferroviaire européenne. L'autorisation d'utilisation du matériel roulant dans l'État membre coûte 10 % du prix de revient industriel... Supposons un fabricant de locomotive souhaitant proposer sa dernière motrice à un opérateur dont l'activité couvre la Pologne, l'Allemagne et la France : il devra suivre trois procédures distinctes et déposer trois dossiers dissemblables. Le coût total des certifications n'atteindra peut-être pas 30 % du prix de revient industriel, mais la combinaison des délais et les vérifications diverses demandées accroîtront forcément le prix de vente. L'unification des spécificités nationales en matière de certification est donc un enjeu, de même que celle de la signalisation, en faveur du système paneuropéen dénommé ERTMS, au lieu des vingt systèmes qui coexistent actuellement et commandent l'équipement des locomotives. Thalys utilise à lui seul sept dispositifs embarqués pour seulement deux étapes : Paris et Bruxelles.

Alors que le Conseil « Transports » se réunit demain, je souhaite vivement l'adoption du volet technique.

C'est le préalable à une libéralisation réussie du rail que je ne suis pas le seul à appeler de mes voeux. (Applaudissements à droite)

M. Michel Raison .  - Débat important : 280 entreprises, plus de 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires, dont 2,5 milliards pour la France et 1,5 milliards pour l'export, 21 000 emplois et un secteur d'excellence, aux côtés de l'aéronautique, du tourisme, de l'agriculture, autres fleurons dont notre pays peut s'enorgueillir.

Malheureusement, si la demande progresse très fortement à l'étranger, elle se réduit de 16 % en France. L'entreprise bien franc-comtoise Alstom, qui emploie 550 salariés à Belfort, se plaint du manque de visibilité.

Après la création des Intercités par la SNCF en 2006, et des TET par le Gouvernement en 2010, le ministre a bien fait de commander un rapport à M. Duron. Attention à ne pas se tromper sur la lecture. Ferme-t-on toutes les entreprises qui enregistrent des mauvais résultats deux ans de suite ? La SNCF souffre d'un problème de productivité, c'est certain, et la concurrence l'obligera à s'améliorer. Faut-il fermer des arrêts lorsqu'on change le matériel roulant ?

Le Coradia V-200 d'Alstom, petit frère du TGV roule à 200 km/heure : pourquoi ne pas l'utiliser ? C'est beaucoup mieux que l'autocar ! L'Arbalète, que j'eus la chance d'emprunter enfant, et qui reliait Paris à Bâle, devait être modernisée. La ligne Paris-Belfort sera-t-elle maintenue ? Sera-t-elle équipée en Coradia Liner V-160 ? J'aimerais en être sûr, mais Jean-Marie le Guen, qui vous remplaçait au banc du Gouvernement, répondit à une question à ce sujet, en évoquant un Régiolis pouvant rouler entre 100 et 120 km/h seulement.

On dépense plus de 4 milliards d'euros par an pour les aides diverses et variées à l'emploi dans notre pays, dont tous les rapports contestent l'efficacité en matière de lutte contre le chômage. Sans contester l'utilité des emplois aidés, mettons quelques milliards de plus dans le ferroviaire, pour l'aménagement du territoire, pour l'exportation, pour l'emploi et l'on aurait tout juste ! (Applaudissements à droite)

M. Daniel Gremillet.  - Vous parlez d'or !

M. Jean Bizet.  - Très juste !

M. Martial Bourquin .  - Les orateurs précédents l'ont dit, le ferroviaire est un fleuron de notre industrie, au troisième rang mondial. Il est menacé à cause de la libéralisation du transport de voyageurs en 2019. Belfort, mais aussi le cluster du Nord ont besoin d'un choc d'investissement multisectoriel. (On approuve sur les bancs socialistes). L'annonce du TGV du futur donnera une bouffée d'oxygène, sans suffire.

Le rapport Duron-Filleul, dont je salue la richesse, ouvre des perspectives pour les TER. Les vieux matériels roulants impactent directement la fréquentation. On l'a remplacé en Franche Comté et l'on a vu immédiatement les résultats.

Je suis un parlementaire heureux, je vais voir arriver le train Régiolis, merveille technologique, en Franche-Comté. Mais 218 rames ont été effectivement commandées sur les 1 000 prévues en 2010. Il est urgent d'honorer ces commandes. Les appels d'offres ne doivent plus être si longs. Le rapport Duron-Filleul propose justement des modifications institutionnelles, afin que l'État prenne toute sa place comme autorité organisatrice.

En tant que rapporteur de la mission commune d'information sur la commande publique, je préconise de nouvelles délégations de service public, plus précises, plus efficaces, à condition qu'elles mettent en oeuvre de nouvelles stratégies industrielles et commerciales.

Le fret est le parent pauvre de la filière. Il a baissé de 31 % de 2003 à 2013 en France, mais seulement de 6,4 % sur la même période en Italie. Au Royaume-Uni, il a augmenté de 15 %, et de 40 % en Allemagne. Il y a bien eu là une politique d'investissement dans les infrastructures, fruit d'une véritable volonté politique. En France, où est-elle ?

Nous accueillons la conférence Climat dans quelques semaines. Affichons des actes forts, promouvons le report modal. Agissons pour une filière, des emplois, l'environnement, pour une nouvelle croissance, durable et équilibrée. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nicole Duranton .  - Dans une société toujours plus soucieuse de son empreinte écologique, la mobilité est une question centrale. Je salue ainsi l'initiative de la commission et de son président Hervé Maurey, Sénateur de l'Eure. Le chiffre d'affaires de la filière a augmenté de 60 % à 75 % dans le monde, selon les métiers, mais l'optimisme n'est guère de mise en France.

Faute de nouvelles commandes, 10 000 des 30 000 emplois du secteur sont menacés. Il est devenu urgent, monsieur le ministre, non pas d'attendre, mais d'agir. Les craintes de la filière n'aideront pas à inverser la courbe du chômage, arlésienne du Gouvernement...

M. Rebsamen a précisé que le chiffre de 10 000 emplois ne prenait pas en compte les appels d'offres lancés par la RATP ou la société du Grand Paris. C'est le retour de Paris et le désert français. L'angélisme de M. Rebsamen nous fait reculer. Les profits de la filière deviendront nuls en 2019. L'un des 34 plans de renouveau industriel d'Arnaud Montebourg, alors ministre du redressement productif, portait pourtant sur le développement du TGV du futur.

La nouvelle France industrielle ambitionne à présent une optimisation des coûts, plutôt qu'une performance technique sans cesse accrue : le nouveau train doit être moins cher à produire et exploiter, plutôt que de représenter une vitrine de la technologie made in France. L'Ademe a été invitée à s'associer aux efforts d'Alstom pour réduire sa consommation d'énergie. Quelles mesures ont été prises, monsieur le ministre ? Quelles sont les actions concrètes entreprises ? La SNCF a également annoncé un appel d'offres européen : préservera-t-elle le made in France ?

Le calendrier initial du TGV du futur a été enterré, qui prévoyait un prototype en 2017, pour une première mise en circulation en 2018, alors que vous avez annoncé en mars un report à « l'horizon 2019 » : des mots, toujours des mots !

Conquérir le marché mondial de la très grande vitesse, oui, mais celui-ci se joue, désormais, sur des considérations davantage géopolitiques que techniques et économiques : concentrons-nous donc plutôt sur le marché national. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Je remercie la commission du développement durable pour cette initiative.

Notre filière ferroviaire, avec 80 000 emplois et plus de 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel, dont le quart à l'export, est la troisième mondiale et exporte plus qu'elle n'importe. Elle a fortement bénéficié, depuis de nombreuses années, du renouveau ferroviaire en France. Le caractère cyclique de la demande interne lui a permis de se structurer pour se développer à l'international.

En 2011, le rapport de la commission d'enquête sur l'industrie ferroviaire française, présidée par Alain Bocquet, encourageait les coopérations industrielles. C'est pourquoi le Gouvernement a créé l'organisme Fer de France dès 2012 pour aider la filière à l'exportation, et lui donner plus de visibilité.

D'aucuns s'interrogent sur les plans de charge à venir. À cet égard, je veux calmer l'ardeur des critiques. L'émergence d'un nouveau modèle ne peut prendre moins de cinq ans. L'État agit. Il investit, avec les collectivités territoriales, 32,5 milliards d'euros, pour construire les nouvelles lignes du Grand Paris Express, mais également moderniser et prolonger les réseaux existants en Ile-de-France, de tramways, de métro, ou de RER : autant d'opportunités pour la filière ferroviaire française.

Les marchés seront lancés au plus vite. L'un, de 2 milliards d'euros, a été attribué à Alstom récemment, pour des rames de métro pneu pour le réseau du Grand Paris. Il pérennise 2 000 emplois dans le groupe Alstom, apporte immédiatement une charge d'étude importante pour le site de Valenciennes et une charge de production à partir de 2019.

Le rapport Duron souligne les besoins de renouvellement des rames de TET. 510 millions d'euros ont été consacrés pour les rames Coradia Liner, qui devaient être livrées en 2015. L'entreprise a reporté cette échéance à fin 2016 pour des raisons strictement techniques.

Le matériel dépasse les trente-cinq ans, dit le rapport. Il y a trois ans, il avait trente-deux ans en moyenne : rien n'a été fait alors...

M. Jean-Jacques Filleul.  - Très bien !

M. Martial Bourquin.  - Il fallait le dire !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - J'indiquerai prochainement un calendrier de renouvellement compatible avec les capacités financières de l'État.

Je partage l'approche de Louis Nègre et d'autres orateurs privilégiant l'achat sur étagère dans le cadre des contrats-cadres existants.

M. Martial Bourquin.  - Très bien !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Je tiens à rappeler que 99 projets de transports ont été retenus au terme du troisième appel à projets de transports collectifs publics, correspondant à 450 millions d'euros de subventions, qui vont soutenir 5.2 milliards d'euros d'investissements, dont 2,6 milliards concernent l'industrie ferroviaire.

Le défi de la rénovation est en passe d'être relevé, SNCF Réseau s'y est engagé. Elle doit mener à cette fin des partenariats à long terme avec des industriels. Le Gouvernement s'engage, pour sa part, en soutenant l'innovation : 80 millions d'euros sont destinés à l'institut de recherche Railenium. La mise en place de l'entreprise commune européenne Shift2Rail, que la France a largement soutenue au Conseil européen, amplifiera la recherche et le développement ferroviaires.

J'ai sensibilisé la Commission européenne à la nécessité que ce projet se concrétise dans les délais prévus. Avec le ministre allemand des transports, Alexander Dobrindt, nous avons demandé que ce dossier soit inscrit au Conseil des transports qui se tient le 11 juin à Luxembourg.

Le modèle de la grande vitesse doit évoluer. Tel est l'objectif du plan industriel « TGV du futur » qui fait partie du programme d'investissement d'avenir arrêté par le Gouvernement en 2014 et sera lancé en 2015. Pour répondre à la fois aux besoins français et conquérir de nouveaux marchés à l'export. Interopérabilité, optimisation des coûts et des capacités sont les maîtres mots. Ce plan mobilise Alstom, qui rassemble autour de lui un ensemble de PME et d'ETI. Le Gouvernement a rendu un avis favorable à une participation jusqu'à hauteur de 127,5 millions d'euros dans une entreprise commune avec Alstom.

L'État a lancé un premier appel à projets « Initiative PME ferroviaire », qui a retenu dans un premier temps sept projets subventionnés jusqu'à 200 000 euros, dont celui de la société Ixtrem qui développe un système de détection de défauts qui améliorera la maintenance des matériels, ou celui de la société Luceor qui développe des solutions de communications informatiques intégrées à l'attention d'exploitants ferroviaires. Un nouvel appel à projets sera lancé d'ici la fin de l'année.

La vitrine que constituent ces investissements aidera nos entreprises à exporter. Ces deux dernières années, les entreprises ferroviaires ont reçu le tiers de la réserve gérée par le ministère de l'économie pour les pays émergents, soit 1,5 milliard de prêt au total. Un seul prêt de 350 millions d'euros au Maroc, pour la livraison de 14 rames à grande vitesse, a généré 120 000 heures de travail sur les sites d'Alstom. Rail Export, avec le concours de la BPI, apporte des solutions pragmatiques et opérationnelles à l'export pour nos entreprises.

Le Gouvernement s'engage en outre sur les volets techniques et réglementaires du quatrième paquet ferroviaire, qui ouvrira de nouvelles opportunités à nos constructeurs. Une nouvelle réunion du Conseil transports aura lieu le 18 juin ; le trilogue, qui était encalminé, aura, je l'espère, progressé d'ici là.

L'industrie ferroviaire est un atout majeur à valoriser. Nous oeuvrons pour construire avec elle le ferroviaire de demain. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Le débat est clos.

Engagement de la procédure accélérée

Mme la présidente.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Andorre dans le domaine de l'enseignement, déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 11 mars 2015.

Débat sur l'avenir des trains intercités

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : L'avenir des trains intercités.

Orateurs inscrits

Mme Évelyne Didier, au nom du groupe CRC .  - Le rapport Duron a soulevé de nombreuses inquiétudes, qui méritent que les parlementaires que nous sommes en débattent, avant que des décisions soient prises.

Auparavant, la rentabilité ligne par ligne n'était pas la priorité. Désormais, on applique les méthodes du privé : segmentation, massification, socialisation des pertes, privatisation des gains... Les mêmes qui veulent confier au privé ce qui est rentable et aux collectivités ce qui ne l'est pas prétendent que les collectivités coûtent trop cher...

Depuis 2010, les lignes d'équilibre du territoire, bénéficient d'une convention avec l'État, conformément au règlement européen dit « OSP » définissant précisément les obligations de service public devant être assurées par la SNCF, en échange d'une compensation financière, de l'ordre de 340 millions d'euros. Sur tous les bancs, nous avons défendu nos trains.

Le conventionnement avec les collectivités territoriales est un jeu d'écritures puisque la SNCF finance à 96 % ces trains ; c'est sans doute pourquoi est sortie dans la presse une proposition qui fait apparaître le rapport Duron comme raisonnable ! SNCF Mobilité joue le jeu de la concurrence, au point qu'il va bientôt falloir la rebaptiser sans « N » ni « F », SIM, ou société internationale de mobilité !

Les propositions du rapport procèdent de l'idée que l'État a été inconséquent, et préconisent une action ligne par ligne, dans une logique purement comptable, en contradiction avec toute idée de politique nationale, avec l'inspiration des conventions TET.

Nous devrions plutôt que de rentabilité et de concurrence, parler d'aménagement du territoire. Les régions enclavées risquent de l'être davantage, comme dans les pays que vous citez en exemple, comme en Auvergne ou en Lorraine, où le seul TET existant est menacé, ainsi que le train de nuit reliant le Luxembourg à la Méditerranée, qui ne manque pourtant pas de voyageurs.

Comment lutter contre la désertification en supprimant des dessertes ? Comment être exemplaire à l'approche de la COP21 en continuant à privilégier la route ? La route, que les entreprises polluantes empruntent gratuitement, alors que l'accès au réseau ferroviaire est payant, ce que la loi Macron encourage, comme par hasard, en libéralisant le transport par autocar.

L'obsolescence du réseau ferré a été encouragée ; sous l'influence de Bruxelles, l'opérateur public a été morcelé, démantelé, il est à présent grevé par une dette à côté de laquelle celle des TET n'est rien. Les collectivités territoriales n'ont plus de moyens, privées qu'elles sont du versement transport interstitiel voté par le Sénat et que le Gouvernement a supprimé, et les grandes régions n'arrangeront rien. Privatisation des autoroutes et abandon de l'écotaxe participent de la même logique.

Mme Fabienne Keller.  - Absolument !

Mme Évelyne Didier.  - L'État, en France, est toujours loin derrière ses voisins en termes d'investissement ferroviaire : il n'y participe que pour 32 % contre 50 % en Allemagne.

La logique est globale, comme le démontre la loi Macron.

L'ouverture du fret en 2006 a justifié le désengagement de l'État ; résultat : le secteur est moribond. Le statut des cheminots est aussi en cause, car toute protection est considérée comme une entrave au marché, qui encourage le dumping social. Or la fragmentation de l'offre fragilise le réseau et crée des ruptures de lignes. Nous considérons que les TET, TER et TGV sont des offres de mobilités distinctes et complémentaires. Les TET desservent mieux les territoires et sont moins chers que les TGV. Ils parcourent des trajets plus longs que les TER.

Le rapport Duron a le mérite de faire un diagnostic complet et partagé et de préconiser des mesures bien plus équilibrées que celles que la SNCF voulait imposer. Mais ses propositions font preuve d'un manque d'ambition pour le ferroviaire.

À l'État de reprendre tout ou partie de la dette dans une structure de défaisance, ce qui rapporterait plus d'un milliard d'euros chaque année et de trouver de nouveaux financements, pour développer le ferroviaire en France. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Annick Billon .  - Ce débat est la suite indispensable aux travaux de la commission Duron. Les conclusions de son rapport, remis le 26 mai, doivent en effet être discutées par la représentation nationale.

Les voyageurs sont unanimes : l'offre s'est dégradée, en termes de fréquence, de temps de parcours, de régularité et de correspondances.

Le matériel roulant a vieilli, le service rendu par la SNCF n'est pas satisfaisant. Sa politique « tout TGV » et sa pratique commerciale de désinformation sur les transversales ou radiales concernées par une desserte longue vitesse, a entrainé leur dévitalisation.

Membre de la commission, qui a entendu 155 personnes en une cinquantaine d'auditions, je peux témoigner du sérieux des ambitions menées. J'ai aussi entendu les associations d'usagers, fort au fait des dossiers.

Le constat est clair : les TET coûtent de plus en plus cher pour de moins en moins de monde. Les autocars, le covoiturage prennent progressivement le pas sur les intercités.

Une concurrence encadrée est nécessaire pour rendre un meilleur service. La Deutsche Bahn l'a fait. Le bilan carbone devra aussi être pris en compte.

La convention État-SNCF arrive à échéance le 30 juin prochain. Quelles sont vos intentions, monsieur le ministre ? Selon quel calendrier ? Le Gouvernement ouvrira-t-il le secteur à la concurrence sans attendre passivement les injonctions de Bruxelles ? Des appels à manifestation d'intérêt seront-ils lancés pour une meilleure offre ?

Sur de nombreux trains, il faut une desserte conjointe TET-TER.

Il y a lieu de se préoccuper de la situation des trains de nuit, et d'abord de la liaison Nantes-Bordeaux. Le sud Vendée se voit infliger une double peine : l'appel d'offres de l'A831 n'a pas encore été lancé, La Roche-sur-Yon est encore heureusement desservie, mais la suppression de l'arrêt à Luçon pénaliserait les étudiants qui souhaitent aller à Nantes. Dans le Finistère, M. Canevet a les mêmes inquiétudes pour la ligne Paris-Quimper. Rassurez-nous monsieur le ministre, car les attentes sont fortes, dans nos territoires et particulièrement en Vendée. (Applaudissements au centre et à droite, ainsi que sur les bancs RDSE)

Mme Fabienne Keller.  - Bravo !

M. Louis Nègre .  - Je remercie le groupe CRC pour son initiative, et salue la qualité du travail de la commission Duron, qui a fait un panorama complet du secteur.

L'inadéquation de l'offre a conduit à des subventions publiques croissantes ; or la qualité du service s'est progressivement dégradée.

Comment être attractif dans ces conditions ? L'offre a aussi dérapé, de 10,8 centimes d'euros par voyageur-kilomètre il y a peu, la subvention a augmenté de 28 % en deux ans, pour atteindre 330 millions d'euros pour SNCF Mobilités et 450 millions d'euros pour SNCF Réseau.

L'action de l'État a été défaillante ; l'État n'a pas joué son rôle d'autorité organisatrice. L'ouverture maîtrisée à la concurrence est devenue nécessaire. Je l'ai réclamée dès 2009, je la crois bénéfique pour notre système ferroviaire.

Je veux sauver le soldat SNCF ! En Allemagne, après l'ouverture à la concurrence, le trafic régional s'est accru entre 1994 et 2012 de 68 % tous opérateurs confondus, celui de la Deutsche Bahn de 46 % - et le report modal de 25 %. De nouvelles lignes ont été ouvertes. En proposant la disparition de lignes entières, nous donnons le sentiment d'être atteint du syndrome de la ligne Maginot ! Soyons offensifs ! La Grande-Bretagne, l'Allemagne ont choisi, dans une situation semblable à la nôtre, de densifier leur réseau et leurs services... Cherchez l'erreur !

Le remplacement du matériel vétuste est un autre impératif. Le véritable concurrent, c'est le covoiturage aujourd'hui, le car demain. C'est une erreur de ne pas être ambitieux, de ne pas croire au ferroviaire. À l'approche de la COP21, nous devons être exemplaires, c'est un enjeu de crédibilité. L'État doit prendre ses responsabilités.

M. Jean-Jacques Filleul .  - La Commission TET, à laquelle j'ai participé, avait vocation à clarifier l'offre TET, redresser le modèle économique de ce maillon faible de notre système ferroviaire, entre TGV et TER. Je me réjouis que ce débat ait lieu.

Les TET peuvent devenir un marqueur de modernité au même titre que les TGV. Notre rapport est sans complaisance. Si rien n'est fait, ils disparaîtront comme cela, au fil de l'eau. Les nombreuses auditions que nous avons conduites, nos nombreux déplacements ont nourri nos réflexions pendant six mois.

Les TET recouvrent différentes offres - trains cadencés dans le bassin parisien, lignes transversales, trains de nuit ; elles ne répondent plus aux besoins des usagers et la qualité du service rendu s'est dégradée - délais, infrastructures, matériel roulant... La fréquentation est à présent faible, alors que la subvention publique de ces lignes n'a cessé de croître, atteignant jusqu'à 275 euros par voyageur par ligne, ce qui n'est pas soutenable à long terme.

Bon nombre de difficultés sont liées au partage confus des responsabilités entre l'État et SNCF Mobilité. Ne jouant pas son rôle d'autorité organisatrice, l'État a contraint l'opérateur à s'adapter. Nous proposons de confier le rôle d'AOT à une agence ad hoc.

Les tronçons à fort potentiel doivent proposer un service attractif cadencé à l'heure. Sur les autres tronçons, à plus faible trafic, le service TET ne se justifie pas nécessairement, notamment à cause de l'existence d'offres alternatives - TGV ou TER. L'opérateur historique devra faire des efforts de productivité.

Il n'y aura pas de TET d'avenir sans renouvellement d'ici 2020-2025 du matériel roulant, qui atteint parfois quarante ans d'âge. Les procédures doivent être lancées sans attendre - 1,5 à 3 milliards d'euros devront être mobilisés par l'État. Le rapport préconise de stabiliser au même horizon le déficit.

Mise à l'étude de la reprise par les régions de certaines dessertes du grand bassin parisien à vocation pendulaire avec contreparties, expérimentation de l'ouverture à la concurrence sur certaines lignes, nouvelles modalités d'acquisition des matériels roulants, le rapport fait des propositions audacieuses. Seul l'État peut conduire une vision stratégique. Le rapport met l'usager au coeur de sa réflexion. Le déclin des TET n'est par une fatalité. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du groupe RDSE)

M. Jean-Vincent Placé .  - Le rail a une place particulière dans le coeur des écologistes ; je remercie le groupe CRC pour ce débat. Le rapport de la commission Duron, dont j'ai été membre, a suscité un émoi légitime, tant les TET irriguent nos territoires. Il fallait poser le débat sans détours, c'est un premier mérite de ce rapport.

Nous connaissons le constat, il est sans appel : le réseau est vieillissant et connaît des problèmes de régularité. La situation est critique. Faute de décisions stratégiques et courageuses pendant des décennies, un cercle vicieux s'est enclenché et le réseau TET, encore équilibré en 2008, a décliné.

La Commission TET a effectué une analyse ligne par ligne. Elle n'est pas allée à la facilité. Nous proposons de renforcer les lignes à fort potentiel et posons la question des doublons. Appeler l'État à s'engager pour renouveler le matériel roulant est de bon sens. Je suis pour un opérateur fort, mais il faut reconnaître que la concurrence arrivera : autant nous y préparer en expérimentant.

Les écologistes prônent un audit indépendant sur la convention TET, l'identification des coûts de production, une politique commerciale offensive. La rénovation des infrastructures ne peut plus être repoussée, ce qui peut impliquer l'abandon de certains grands projets comme la desserte de Notre-Dame-des-Landes... Il y a des priorités...

Nous défendons aussi l'idée d'un train à haut niveau de service : une ligne Lozanne-Roanne serait plus opérante pour relier Lyon à Bordeaux que certains projets plus onéreux. Certaines régions accepteraient de reprendre ces lignes, encore faudrait-il leur transférer des financements et préalablement rénover le réseau, au moins en partie.

Dans l'intérêt de nos concitoyens, de la planète et de notre économie, nous devons pouvoir nous reposer sur un maillage Intercités solide et efficace, qui valorise le savoir-faire du monde ferroviaire français, à commencer par celui de ses cheminots. Le rapport Duron a posé les premières bases de ce chantier. Osons les choix qui s'imposent. L'efficacité ne s'oppose pas au service public, elle en fait partie. En l'occurrence, elle le protégera.

Mme Marie-France Beaufils .  - Nous partageons le constat du rapport Duron mais ses préconisations ne sont pas acceptables. Jusqu'en 1994 la péréquation permettait de financer toutes les lignes. Depuis l'exigence de rentabilité financière s'est imposée au détriment des valeurs de solidarité. Une tarification illisible, incompréhensible, inspirée des compagnies aériennes, a été mise en place. Des lignes ont été sacrifiées. Dans certains territoires, le désert s'est installé. L'ouverture à la concurrence va aggraver la situation au coeur de la France. Des villages vont mourir, c'est ce que craignent leurs habitants.

M. Jean-Jacques Filleul.  - Il y a les TER.

Mme Marie-France Beaufils.  - La loi NOTRe, qui privilégie les intercommunalités et les métropoles, a conforté le mouvement de concentration et de suppression des communes. L'enjeu de rentabilité s'impose partout ; le libéralisme exacerbé s'immisce dans tous les pans de notre société ; d'un côté nous faisons des cadeaux aux entreprises avec le CICE, de l'autre nous mettons au régime sec les collectivités. Le rapport Duron est dans cette veine en proposant de supprimer des lignes, des trains ou des arrêts. Grâce à la loi Macron, des lignes de car prendront le relais. Quelle aubaine ! Comme si on avait oublié l'accident de Beaune de 1982... C'est que le libéralisme vise à la disparition des services publics, SNCF en tête. Terrible acharnement... Le rapport Duron va accroître les inégalités et consacrer la fracture territoriale.

Le mauvais état du réseau est connu depuis longtemps, mais rien n'a été fait. L'État aurait dû agir, en renonçant à ses dividendes pour abonder l'Afitf.

Les présidents des régions Normandie, Pays-de-Loire ou Centre-Val de Loire ont tiré la sonnette d'alarme, alertant qui sur l'intérêt de la ligne Caen-Le Mans-Tours, qui sur celui de la ligne Montluçon-Vierzon-Paris, indispensables au développement des petites villes. Le désengagement de l'État sur la ligne Bordeaux-Lyon via Montluçon serait dramatique.

La création d'une agence ad hoc ouvrirait la voie à la privatisation. Les 13 et 14 juin, élus et population vous rappelleront ce que doit être un service public. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Claude Requier .  - Les TET n'ont pas fait l'objet des investissements nécessaires alors qu'ils assurent le maillage des territoires et une indispensable mission de service public. Il a fallu attendre le dernier moment pour entamer le renouvellement des locomotives diesel... Dans cinq ans, plus de la moitié des matériels sera en fin de vie. La Cour des comptes a souligné l'absence de vision à long terme.

Le rapport Duron n'épargne pas Toulouse, puisqu'il supprime les lignes Bordeaux-Nice, Bordeaux-Toulouse, Toulouse-Quimper et Toulouse-Hendaye. Les trains de nuit Paris-Toulouse et Paris-Rodez sont sauvés, mais pour combien de temps ? Comment expliquer la fermeture de lignes, au mépris de leur utilité sociale, économique, environnementale, d'aménagement du territoire ? Mieux vaudrait moderniser l'offre et améliorer le service et la ponctualité, parce que les besoins sont réels - comme cela a été fait avec les TER. Il faut investir dans le matériel et le réseau.

Les lignes TET sont essentielles à la survie des territoires ruraux. La Cour des comptes, qui évalue la subvention de fonctionnement à 330 millions d'euros, estime que le déficit ne pourra baisser si les modalités de financement ne sont pas clarifiées. N'oublions pas que la SNCF contribue à financer elle-même sa subvention d'équipement.

Nous sommes favorables à une péréquation entre la route et le rail, et à une meilleure articulation avec les TER. L'État doit prendre ses responsabilités.

M. Philippe Adnot .  - Comme de nombreux élus, je suis intéressé par ce rapport. La SNCF est en passe d'abandonner le fret et les petites lignes. À l'approche de la COP21, nous allons reverser sur les routes des milliers de camions supplémentaires parce que les silos des coopératives n'auront plus de branchement. Il n'y a pas de volonté politique en faveur du ferroviaire.

Le matériel et le réseau ont été délaissés, les usagers logiquement dissuadés, et on nous explique que ces lignes doivent être fermées...

M. Louis Nègre.  - CQFD !

M. Philippe Adnot.  - Mais ces lignes étaient rentables ! Et elles ont servi à financer le TGV... Quelle France voulons-nous ? Faut-il garder les services uniquement là où ils sont rentables et les supprimer ailleurs ?

Mme Évelyne Didier.  - C'est ce que l'on fait partout.

M. Philippe Adnot.  - En effet, sur la couverture mobile et numérique également... Or la politique consiste à donner plus à ceux qui ont moins, à s'opposer au flux naturel des choses... Les Français n'accepteront pas cet abandon.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx .  - Difficile d'être à la fois élu local et élu national... Le rapport Duron nous donne l'occasion de débattre de sujets cruciaux pour les collectivités territoriales.

Le rapport pose un diagnostic partagé. Les TET sont de plus en plus coûteux, avec un déficit d'exploitation supérieur à 300 millions ; depuis des années, la desserte n'est pas questionnée ; le matériel est obsolète ; la concurrence du covoiturage et du car est vive. Mais les TET sont indispensables pour desservir certains territoires enclavés.

Comment en est-on arrivé là ? Je dénonce depuis des années, dans mon rapport spécial, le tout TGV qui conduit à délaisser les autres lignes. L'État n'a pas pris la mesure de ses responsabilités d'AOT. Notre collègue Duron recommande de ne laisser aucun territoire sans solution de mobilité... Certes, mais comment faire ? Il faut étudier le coût, ligne par ligne, des investissements en infrastructures et en matériel roulant. Évitons les doublons TET/TER ou TET/TGV. Le trajet Bordeaux-Toulouse coûte le même prix en TET ou en TGV.

Mme Françoise Laborde.  - Il n'y a pas encore de TGV entre Bordeaux et Toulouse...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Le rapport se prononce pour une expérimentation de la mise en concurrence sur certains tronçons.

M. Louis Nègre.  - Ce n'est pas assez !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Comme rapporteure spéciale, je suivrai avec attention la traduction budgétaire des annonces que s'apprête à faire le Gouvernement. Le débat ne fait que s'engager. (Applaudissements à droite)

M. Daniel Percheron .  - Vive le rail ! Je ne me prends pas pour Jean Gabin mais un président de région n'est--il pas un peu un chef de gare ? Les casquettes sont aujourd'hui monocolores mais les choses évolueront... Dans le Nord-Pas-de-Calais nous savons que le train est plus que le train, que le TGV c'est la modernité -n'écoutez pas la Cour des comptes-, que les TER sont un succès, que les TET sont les TET, un peu dépassés mais nécessaires.

Je viens de signer une convention de dix ans avec la plus grande entreprise ferroviaire du monde, la SNCF. Je lui fais toute confiance. Dans ma région du Nord-Pas-de-Calais, nous avons réglé la question des TET ; investissement, 250 millions d'euros, 0,2 % du PIB régional... Est-ce une folie ? Alors 300 millions au niveau national... Le tout est de savoir ce que nous voulons. La ligne Paris-Saint-Quentin-Maubeuge... À Maubeuge, où le chômage est à 16 %, le train c'est tout un symbole ! Et on abandonnerait la liaison ?

Ce rapport est formidable, il donne des chiffres qui sont pour nous sans surprise, nous finançons les TER à 80 %... Comment faire ? Par la décentralisation. Le Gouvernement a voulu sans concertation la grande région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, nous sommes prêts à prendre les TET à la condition « Marini », un centime de TIPP par ligne... Cela nous rapporterait 30 millions d'euros. Qu'en pensez-vous ?

Les TER sont un succès. Je crois au TGV, le TGV c'est la France. Les TET peuvent prendre le même chemin si nous avons, monsieur le ministre, un dialogue équilibré. Je sais que vous allez dire oui. Nous nous retrouverons les meilleurs frères d'armes du monde...

M. François Commeinhes .  - Je salue l'initiative du groupe CRC. La liaison Bordeaux-Nice est particulièrement visée par le rapport Duron. Les arrêts à Sète et Arles sont supprimés, comme la ligne Marseille-Nice.

La logique économique est prise en compte ; mais n'a-t-on pas oublié l'aménagement du territoire ? Les TET sont l'ossature du territoire. Leur disparition consacrerait une France à deux vitesses. Les politiques de transport sont plus que jamais des vecteurs d'aménagement du territoire. Comment avoir demain un maillage cohérent ? Non seulement l'État pousse à la suppression de lignes mais il soutient le développement des lignes de cars longue distance - comme si celles-ci pouvaient remplacer celles-là.

Si le rapport Duron était suivi, cela serait lourd de conséquences pour les territoires et les villes petites et moyennes. Nous vous demandons de surseoir à appliquer ses préconisations.

M. Cyril Pellevat .  - Le rapport Duron devrait clarifier l'offre et doter les TET d'une stratégie d'avenir.

Il a opté pour la rentabilité et la suppression de nombreuses lignes. Il préconise le transfert de plusieurs lignes aux régions. C'est irréaliste ! Dans ma région, un TER sur quatre arrive en retard, et les agressions ont été multipliées par trois en sept ans.

Autre préconisation : le développement des lignes de cars - une aberration écologique. Le rapport Duron préconise de supprimer la ligne de nuit Paris-Savoie. Ce serait préjudiciable aux stations touristiques et engorgerait encore davantage le transport de jour.

L'État doit se donner les moyens d'agir dès lors qu'il s'agit d'aménagement du territoire, pour remédier aux fractures territoriales. Il n'est pas acceptable, dans un pays comme le nôtre, que des territoires riches et bien desservis côtoient des territoires privés de tout.

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

M. Cyril Pellevat.  - L'État doit négocier avec les régions. Nous sommes inquiets : monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il investir dans le ferroviaire et veiller au respect des territoires ? (Applaudissements à droite)

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Je remercie le groupe CRC pour avoir pris l'initiative de ce débat.

En 2010, l'État est devenu autorité organisatrice des TET et une convention a été signée avec la SNCF. Mais l'offre des TET est très hétérogène : trains de nuit, lignes à fréquence hebdomadaire, lignes TER en semaine et TET le samedi. Cette hétérogénéité est grande.

Le service aux usagers n'est plus à la hauteur des attentes : ponctualité défaillante, matériel vieux en moyenne de trente-cinq ans, voire quarante-trois ans pour les locomotives thermiques...

Le modèle économique est à reconstruire. Les TET coûtent 800 millions d'euros par an à l'État, en hausse continue : 450 millions pour les péages à SNCF Réseau, 350 millions pour financer le déficit d'exploitation. Le déficit attendu sera de 500 millions en 2025. Vouloir maitriser les déficits, est-ce du libéralisme exacerbé ? Défendre le service public et maîtriser le déficit, ce n'est pas incompatible. (M. Jean-Jacques Filleul approuve). Avec 5 millions de voyageurs par jour dont 3,5 en Île-de-France et 13 500 trains, comment dire que nous n'aurions pas de politique ferroviaire ? Nous souhaitions modifier la convention actuelle pour améliorer les services et garantir le droit à la mobilité.

C'est pourquoi j'ai demandé à la mission Duron de me faire des propositions. Mme Billon, M. Placé et M. Filleul ont participé activement à ses travaux. Elle s'est rendue à l'étranger, a auditionné de nombreuses personnes, s'est entourée d'une expertise technique très fine ; elle a même reçu 6 000 contributions du grand public.

Faut-il ouvrir à la concurrence ?

M. Louis Nègre.  - Cela fonctionne en Allemagne.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Malraux voulait « transformer l'expérience en conscience » : songez à l'ouverture non préparée du fret à la concurrence...

La concurrence a été décidée mais elle doit être préparée. Ne mettons pas la charrue avant les boeufs. Le libre accès n'est pas une régulation en termes d'appels d'offres. Nous devons réfléchir aux modalités d'application du quatrième paquet ferroviaire. D'ailleurs, nos voisins européens n'ont pas toujours tranché sur les modalités de cette mise en concurrence.

Mme Évelyne Didier.  - C'est vrai.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État - Mais on ne peut continuer à supporter un déficit de 265 euros par voyageur et par voyage, comme cela peut se produire.

M. Rémy Pointereau.  - Caricature !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État - Les usagers n'attendent plus du train que la vitesse. Ils sont attentifs à l'offre de services. Le train est aussi un moment de vie : on y travaille, on s'y repose... Les voyageurs doivent avoir le choix de leur forme de mobilité.

Réfléchissons aussi au prix. Dans l'aérien, les compagnies françaises ont refusé le low cost. Résultat : 5 millions de voyageurs en plus au total, mais aucun pour les compagnies françaises. Pour beaucoup de voyageurs, le prix est un critère déterminant.

Le rapport ne concentre pas le train sur les seules lignes rentables ; il tient compte de l'aménagement du territoire. Il faut clarifier la différence entre les TET, d'intérêt national, et les TER, régionaux ; à la suite de quoi, une seule autorité organisatrice pourrait être compétente.

Le Gouvernement présentera fin juin sa feuille de route. Elle visera à mettre fin à la dérive des déficits tout en garantissant le droit de tous à la mobilité. Elle privilégiera la concertation avec les régions et mettra les usagers au coeur de ses préoccupations. Je veillerai à garantir une offre de qualité sur tout le territoire. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La séance est levée à 20 h 45.

Prochaine séance demain, mercredi 10 juin 2015, à 14 h 30.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mercredi 10 juin 2015

Séance publique

À 14 h 30

Présidence : Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

Secrétaires : M. Claude Haut et Mme Valérie Létard

1. Débat sur le thème : « l'avancée des négociations du traité transatlantique suite au 9e cycle de négociations du 20 au 24 avril et en vue du 10e cycle du 13 au 17 juillet ».

À 16 heures

2. Question orale avec débat n°11 de Mme Elisabeth Lamure à M. le Premier ministre sur le bilan de la circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en oeuvre du gel de la réglementation en ce qui concerne les entreprises.

À 17 h 40

3. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant transformation de l'université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles, ratifiant diverses ordonnances relatives à l'enseignement supérieur et à la recherche et portant diverses dispositions relatives à l'enseignement supérieur.

Rapport de M. Jacques Grosperrin, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°477, 2014-2015).

Texte de la commission (n°478, 2014-2015).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°200 sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au renseignement.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :345

Suffrages exprimés :319

Pour :252

Contre :67

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 127

Contre : 9 - MM. Jérôme Bignon, René Danesi, Serge Dassault, Michel Forissier, Antoine Lefèvre, Claude Malhuret, Mme Brigitte Micouleau, MM. Hugues Portelli, Henri de Raincourt

Abstentions : 7 - MM. Christophe Béchu, Guy-Dominique Kennel, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Marie Morisset, Cyril Pellevat, Louis Pinton, Michel Savin

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe socialiste (110)

Pour : 100

Contre : 2 - M. Jean-Yves Leconte, Mme Marie-Noëlle Lienemann

Abstentions : 6 - Mme Nicole Bonnefoy, MM. Henri Cabanel, Jérôme Durain, Alain Duran, Gaëtan Gorce, Mme Marie-Pierre Monier

N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. Luc Carvounas, Daniel Percheron

Groupe UDI-UC (43)

Pour : 22

Contre : 19 - Mme Annick Billon, MM. Olivier Cadic, Vincent Delahaye, Mmes Élisabeth Doineau, Françoise Gatel, Nathalie Goulet, Sylvie Goy-Chavent, MM. Joël Guerriau, Loïc Hervé, Mmes Sophie Joissains, Chantal Jouanno, M. Claude Kern, Mmes Valérie Létard, Anne-Catherine Loisier, MM. Hervé Maurey, Aymeri de Montesquiou, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Yves Pozzo di Borgo, Jean-Marie Vanlerenberghe

Abstentions : 2 - MM. Olivier Cigolotti, Jean-Léonce Dupont

Groupe CRC (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (13)

Pour : 1 - M. Alain Bertrand

Contre : 2 - MM. Yvon Collin, Pierre-Yves Collombat

Abstentions : 10

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non inscrits (9)

Pour : 2 - MM. Jean Louis Masson, Robert Navarro

Contre : 6

Abstention : 1 - M. Alex Türk

Scrutin n°201 sur la proposition de loi organique relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (Procédure accélérée).

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :324

Pour :324

Contre :0

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Claude Malhuret

Groupe socialiste (110)

Pour : 110

Groupe UDI-UC (43)

Pour : 42

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Yves Pozzo di Borgo

Groupe CRC (19)

Abstentions : 19

Groupe du RDSE (13)

Pour : 13

Groupe écologiste (10)

Pour : 10

Sénateurs non inscrits (9)

Pour : 7

N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. Michel Amiel, Jean-Noël Guérini