Tous les régimes constitutionnels français, depuis la Constitution de 1790, ont prévu une juridiction spéciale, généralement appelée Haute Cour de justice, destinée à connaître des crimes et délits « politiques ». Ces infractions, habituellement qualifiées de « haute trahison » ou d'atteinte à la sûreté de l'État, sont susceptibles d'être commises par l'exécutif, qu'il s'agisse du chef de l'État ou des membres du Gouvernement, par les hauts fonctionnaires ou, tout simplement, par des factieux cherchant à renverser le régime politique en place.

Une telle juridiction doit, au début, compenser l'absence de responsabilité politique de l'exécutif devant les assemblées (Constitutions révolutionnaires et du Premier Empire). L'affirmation du parlementarisme entre 1814 et 1848, qui fait émerger le couple responsabilité/dissolution, n'entame pas pour autant la fonction judiciaire de cette institution.

Sous le Second Empire, la Haute Cour de justice examine le cas du prince Pierre Bonaparte, accusé du meurtre de Victor Noir, puis celui de plusieurs accusés traduits devant elle sous la prévention de complot pour changer la forme du gouvernement et d'attentat contre la vie de l'empereur.

La Haute Cour se compose alors de juges pris parmi les membres de la Cour de cassation, et d'un haut jury sélectionné parmi les conseillers généraux. Abolie par le décret du 4 novembre 1870, elle est rétablie sous la IIIe République, qui confie ses prérogatives judiciaires aux membres de la Haute Assemblée.

L'article 9 de la loi constitutionnelle du 24 février 1875 énonce alors que « le Sénat peut être constitué en Cour de justice pour juger, soit le Président de la République, soit les ministres, et pour connaître des attentats commis contre la sûreté de l'État. »

(JPG - 26 Ko)L'article 12 de la loi du 16 juillet 1875 apporte une précision complémentaire en stipulant que la mise en accusation du Président de la République et des ministres relève de la compétence de la Chambre des députés. Il dispose encore qu'un décret du Président de la République, rendu en Conseil des ministres, est nécessaire pour constituer le Sénat en Cour de justice dans les cas d'attentat contre la sûreté de l'État.

La loi du 10 avril 1889, complétée par celles du 5 janvier 1918 et du 6 janvier 1920, détermine les modes d'accusation, d'instruction et de jugement suivis devant cette juridiction.

Qu'il s'agisse de protéger la République ou de juger des ministres et des parlementaires, la Haute Cour se réunit plusieurs fois sous la IIIe République, notamment à l'occasion des affaires Boulanger (1889), Déroulède (1899), Malvy (1918), Caillaux (1919), Cachin (1923) et Péret (1931).

Par la suite, les changements de régime, consécutifs aux évènements de la seconde guerre mondiale, sont propices à la création de nouvelles juridictions spéciales. La cour de Riom, tout d'abord, instaurée par le régime de Vichy, commence le procès des derniers responsables politiques et administratifs de la IIIe République. La Haute Cour, ensuite, créée par le gouvernement provisoire de la République française, juge en 1944 et 1945 les responsables de l'État français.

En 1946, la Constitution de la IVe République crée une Haute Cour de justice, composée de membres désignés par l'Assemblée nationale. Elle peut juger le Président de la République en cas de haute trahison, et les ministres pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions. La mise en accusation et le renvoi sont prononcés par l'Assemblée.

Enfin, la Constitution de 1958 instaure une Haute Cour de justice, composée de membres élus par l'Assemblée nationale et le Sénat, en nombre égal et en leur sein. Elle est compétente pour juger le Président de la République pour les cas de haute trahison, et les ministres pour les crimes et délits accomplis dans l'exercice de leurs fonctions. Ils sont déférés par un vote identique des deux assemblées.

Depuis 1993, cette juridiction spéciale se dédouble, les membres du Gouvernement étant justiciables de la Cour de justice de la République et le Président de la République relevant de la Haute Cour.