ROYAUME-UNI (Angleterre)

Le gouvernement britannique élu en mai 2010 a entamé une réforme qui devrait notamment passer, pour les services publics, par l'externalisation ( outsourcing ), la privatisation partielle et le recours à de nouveaux modèles de fourniture. Cette réforme, qui a fait l'objet d'une consultation entre le 26 novembre 2010 et le 5 janvier 2011, sera exposée dans un livre blanc dont la date de publication vient d'être reportée à juillet 2011.

Elle tend à :

- une centralisation des marchés de fourniture de l'État ;

- un renforcement de la transparence ;

- une plus grande diversité dans la mise en oeuvre des services publics ;

- une meilleure prise en compte des résultats ;

- et, enfin, une réforme des rémunérations.

1. Vers une centralisation des marchés publics de fournitures de l'État

On a créé en juin 2010, au sein du cabinet du Premier ministre, le groupe « Efficacité et Réforme » ( Efficiency and Reform Group ) qui réunit des compétences disséminées jusque-là dans différents ministères afin d'accroître l'efficacité du gouvernement central d'ici à 2014-2015, de conduire les changements et de faciliter le fonctionnement des ministères dans un contexte de réduction budgétaire. A court terme, ce groupe doit réduire les coûts par un moratoire sur les dépenses, négocier les contrats avec les plus gros fournisseurs et dresser un état des lieux des principaux projets. Auparavant, d'ici fin 2011, il est chargé d'opérer la centralisation des contrats de fourniture, de renégocier les principaux d'entre eux, d'instituer des outils de mesures de performance et de désigner les autorités respectivement chargées de conduire les principaux projets et de gérer le patrimoine immobilier.

Depuis juillet 2010, les contrats conclus avec les 50 plus gros fournisseurs des ministères en biens de consommation, équipements et services ont été renégociés.

En août de l'année passée, le nouveau gouvernement a, en outre, chargé Sir Philip Green de passer en revue l'efficacité des dépenses de l'État et plus particulièrement d'étudier les fournitures, l'immobilier et les principaux contrats. Dans son rapport publié en octobre 2010 ( Efficiency Review ), Sir Philip Green relève le manque d'efficacité des dépenses et le gaspillage d'argent public qui en découle, estimant que l'État ne sait pas tirer profit de son nom, de sa solvabilité et du volume de ses achats. Les mêmes fournitures de base sont achetées à des prix différents par chaque ministère (il en va de même pour les multiples contrats signés avec les plus importants fournisseurs par chaque ministère), l'État est le plus grand propriétaire/locataire du pays mais l'utilisation et la gestion de son patrimoine immobilier sont inefficaces. Au surplus, les contrats relatifs à l'informatique et aux nouvelles technologies s'avèrent non seulement chers et dépourvus de flexibilité mais de durées trop longues. Le rapport recommande par conséquent au Gouvernement d'agir comme un client unique pour améliorer le rapport qualité/prix ( Best value for money ) en centralisant les achats de fournitures de toutes sortes et en n'autorisant plus les ministères à passer de tels contrats de manière séparée.

En octobre 2010, le Gouvernement a créé une unité chargée de gérer les biens propriété de l'État ( Government Property Unit ).

Un responsable en chef des marchés ( Chief Procurement Officer ), nommé le 19 avril 2011, centralise et améliore la passation des marchés publics de fourniture et d'équipement de l'État.

2. Vers plus de transparence et de responsabilité envers les citoyens

• De la part de l'État central

En mai 2010, le nouveau gouvernement a lancé l'initiative pour la transparence ( Transparency Initiative ) et créé un comité de la transparence ( Transparency Board ) au sein du cabinet du Premier ministre.

En juin suivant, ce gouvernement a publié sur son site internet les noms, grades, intitulés de postes et salaires annuels de la plupart des hauts fonctionnaires dont la rémunération dépasse 150 000 £, soit un peu plus de 170 000 €. Ces informations ont ensuite été complétées par la publication de données relatives aux autres titulaires de la haute fonction publique et, en octobre 2010, par la mise en ligne des organigrammes des ministères.

En novembre dernier, le Gouvernement qui a pour objectif d'être « le plus ouvert et le plus transparent du monde » a publié, sur la page web Transparence ( Transparency ) de son site internet, les plans d'affaires ( Business Plans ) de chaque ministère.

Ces plans indiquent les objectifs et les priorités 2014 2015, les actions, les moyens et les échéanciers que les ministères mettent en oeuvre pour réaliser les réformes annoncées, ainsi que leur contribution à la transparence. Chacun est tenu de publier sur internet un rapport mensuel faisant état des progrès dans la réalisation des objectifs fixés. Le Gouvernement estime que les ministères doivent avant tout rendre des comptes aux citoyens ( democratic accountability ).

Sur la page « Transparence » du site web précité, figurent plusieurs rubriques dont :

- « qui fait quoi au Gouvernement et sa rémunération » ;

- « l'agenda des ministres » où sont mentionnées les personnes rencontrées, le motif de la rencontre, les cadeaux reçus et les déplacements à l'étranger ;

- « les marchés publics en détails » ;

- « comment votre argent est dépensé » qui dresse un état mensuel de toutes les dépenses publiques et contrats d'une valeur supérieure à 25 000 £, soit environ 28 000 €, par ministère ;

- et « toutes les autres données relatives au Gouvernement » pour permettre aux citoyens de juger de l'efficacité des réformes.

• De la part des collectivités locales

A compter du 31 janvier 2011, les collectivités locales sont tenues de publier sur leur site internet dans les formats informatiques requis :

- les dépenses supérieures à 500 £, soit environ 565 € ;

- tous les contrats et appels d'offres supérieurs à 500 £ ;

- les informations relatives aux rémunérations supérieures à 58 200 £ (soit environ 67 000 €) ;

- et leurs organigrammes.

Les collectivités locales sont tenues de fournir des données sur les personnels :

- de catégorie supérieure percevant un salaire qui dépasse 150 000 £ en mentionnant le nom (sauf en cas de refus de l'intéressé reconnu légitime par l'administration) et l'intitulé du poste ;

- de catégorie supérieure percevant entre 50 000 £ et 150 000 £ (entre 57 600 € et 170 000 € environ) mentionnant seulement l'intitulé du poste ;

- appartenant aux autres catégories et percevant plus de 50 000 £.

Les rémunérations sont indiquées sur une échelle graduée en tranches de 5 000 £.

A la demande des collectivités locales, tout ou partie de ces informations peuvent être reprises sur d'autres sites officiels régionaux ou nationaux comme celui des services publics britanniques ( direct.gov.uk ) ou le site des statistiques nationales ( data.gov.uk ).

Des guides sur la publication de ces données ainsi qu'un code de bonnes pratiques sur la transparence des données pour les collectivités locales ont fait l'objet de consultations et devraient être publiés sous peu.

3. Vers une « privatisation » de l'audit des finances locales

Le 13 août 2010, le secrétaire d'État chargé des collectivités locales a annoncé le projet du Gouvernement de modifier le système de contrôle des finances locales en supprimant notamment la Commission d'audit ( Audit Commission ), organisme public indépendant chargé de surveiller « l'économie, l'effectivité et l'efficacité » des services publics locaux pour obtenir le meilleur rapport qualité/prix.

L' Audit Commission nomme notamment les auditeurs chargés d'examiner les comptes des collectivités locales et de leurs services publics (police, pompiers, urgences, logement social, santé...). 70 % des audits internes sont effectués par des personnels de la commission et 30 % par ceux de grands cabinets d'audit privés avec lesquels la commission a passé des contrats. Le Gouvernement entend transférer l'audit interne au secteur privé selon des modalités qui restent à définir, ce qui, estime-t-il, devrait représenter une économie de 50 millions de livres par an, soit environ 57,6 millions d'euros.

En mars 2011, le Gouvernement a publié un document intitulé L'avenir de l'audit public local ( Future of local public audit ) qui sert de base à une consultation qui doit s'achever le 30 juin 2011. Il y propose notamment de renforcer l'élément local et la décentralisation ( localism and decentralisation ) en permettant aux collectivités locales les plus importantes (recettes/dépenses supérieures à 6,5 millions de livres, soit environ 7,5 millions d'euros) de nommer, à partir d'une liste officielle, l'auditeur chargé de les contrôler. La décision serait prise par l'assemblée délibérante sur proposition d'un comité d'audit ( audit committee ), dont le président, le vice-président et la majorité des membres seraient indépendants de la collectivité locale contrôlée. Dotés d'une expérience financière récente et appropriée, les élus qui y siégeraient ne devraient pas être membres de l'exécutif de cette collectivité locale. Le public aurait la possibilité de faire valoir ses observations sur le choix de l'auditeur. Les collectivités locales de plus petite taille seraient soumises à un dispositif allégé inspiré de celui applicable aux organisations caritatives : l'étendue du contrôle et le niveau de qualification de l'auditeur varieraient selon l'importance des recettes ou des dépenses.

4. Vers plus de diversité dans la fourniture des services publics

Pour le Gouvernement, davantage de petites et moyennes entreprises (PME) doivent répondre aux appels d'offres : 25 % des marchés publics devraient être passés avec des PME. A cette fin, le site « Transparence » évoqué supra et les sites internet des collectivités locales publient des informations nécessaires à leur passation.

En août 2010, les pouvoirs publics ont annoncé vouloir donner la possibilité aux employés du service public qui souhaitent prendre en charge la fourniture d'un service public local avec l'objectif de le rendre plus efficace, de se regrouper dans une sorte de coopérative du secteur public appelée « mutualité » ( mutual ), dont ils seraient les gestionnaires. Une douzaine de mutualités « pionnières » ( Pathfinder mutuals ) se sont ainsi constituées grâce aux conseils gratuits des coopératives britanniques les plus connues : regroupement d'employés du National Health Service pour aider les personnes sans domicile fixe à Leicester, d'employés de collectivités locales pour les services à l'enfance, de plusieurs collèges pour la création d'un organisme certifié pour la remise de prix...

Ces « mutualités » pourront recevoir des financements du Fonds d'investissement aux entreprises du secteur social ( Social Enterprise Investment Fund ), créé en 2007 pour encourager le développement des entreprises sociales qui oeuvrent dans le domaine de la santé et des prestations sociales et géré par la société The Social Investment Business pour le compte du ministère de la Santé.

Le Gouvernement souhaite que ces « mutualités » ainsi que les coopératives, les organismes caritatifs et les entreprises à but social puissent soumissionner plus facilement pour la fourniture d'un service public. Entre le 26 novembre 2010 et le 5 janvier 2011, une consultation a été lancée sur ce sujet avec la publication du livre vert Modernising Commissioning : Increasing the role of charities, social enterprises, mutuals and cooperatives in public service delivery . Les résultats de cette consultation devraient être publiés dans le livre blanc sur la réforme des services publics.

5. Vers l'introduction d'un paiement suivant les résultats pour la fourniture de certains services publics

Le Gouvernement poursuit la réalisation du projet relatif à l'« obligation à impact social » ( Social Impact Bond, SIB ), annoncé par le ministre de la Justice du gouvernement travailliste Jack Straw en mars 2010.

La SIB est un instrument financier élaboré par Social Finance , une société de conseil en finances créée en 2007 pour le développement du marché des placements sociaux au Royaume-Uni. Cet instrument permet au Gouvernement de lever des fonds auprès d'investisseurs privés qui achètent les SIB, en général des organisations et des fondations caritatives, pour les investir dans des programmes sociaux de prévention qui ne permettront d'économiser l'argent public qu'à long terme. Le Gouvernement ne s'engage à rembourser ces obligations assorties d'intérêts, à l'expiration du délai prévu, que si les résultats « sociaux » sont avérés, l'argent public économisé du fait des résultats obtenus finançant le remboursement. En l'absence de résultat, les investisseurs sociaux perdent tout leur investissement.

En septembre 2010, le ministère de la Justice a vendu 5 millions de livres de SIB (environ 5,7 millions d'euros) à des organisations caritatives et à des philanthropes pour financer la réalisation d'un programme de prévention de la récidive d'une durée de six années auprès de 3 000 prisonniers de la prison de Peterborough condamnés à de courtes peines. Si le taux de récidive diminue d'au moins 7,5 %, les investisseurs récupéreront 8 millions de livres au bout de six ans. Si tel n'est pas le cas, ils perdront leur investissement initial.

6. Vers une réforme des rémunérations dans le secteur public

En mai 2010, le Gouvernement a confié à Will Hutton, vice-président du think tank The Work Foundation , la mission d'étudier la réduction des plus hautes rémunérations du secteur public. Il devait notamment répondre à la question suivante : « pour introduire un système de rémunération juste ( Fair Pay ) dans le secteur public, faut-il limiter la rémunération du directeur d'une administration à vingt fois celle de la plus petite rémunération versée dans celle-ci ? ».

Dans son rapport, Hutton Review of Fair Pay in the public sector , de mars 2011, Will Hutton répond par la négative à la question posée et recommande notamment que les directeurs relevant du secteur public soient payés selon leurs mérites, en fonction de leurs résultats. Une partie de leur rémunération de base (10 % sont suggérés) ne serait, à l'avenir, versée que si des objectifs préalablement déterminés sont atteints. Les directeurs peu performants seraient ainsi sanctionnés par une perte de rémunération alors que ceux qui dépassent les objectifs recevraient en plus de la totalité de leur rémunération de base une rémunération supplémentaire. Le même rapport propose d'étendre ensuite ce système aux cadres intermédiaires sur la base du volontariat.

Il encourage également les administrations à étudier le moyen de faire profiter tous les personnels, outre les cadres, des gains de productivité résultant notamment de la réussite des business plans évoqués supra , par la mise en place de plans de participation.

Il recommande que soient publiés des rapports annuels sur la rémunération juste ( Fair Pay report ) pour permettre aux contribuables d'analyser les salaires des dirigeants du service public en relation avec leurs responsabilités et de suivre les changements réalisés. Ces rapports indiqueraient notamment :

- le ratio entre le total des salaires les plus élevés et le total des salaires médians accompagné d'explications sur son évolution ;

- et le détail de la rémunération annuelle de chaque directeur (nom et poste), de ses principales missions et résultats.

Un code de la rémunération juste ( Fair Pay code ) est joint au rapport. Chaque ministère a jusqu'à juillet 2011 pour faire des propositions quant à son application.

LES RÉFORMES RÉCENTES DE L'ADMINISTRATION

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