B. LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

Neuf directives portant sur le secteur des télécommunications sont concernées par le projet de loi. Ce sont, pour la plupart, des textes intervenus après le vote de la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996. Certaines des leurs dispositions avaient été transposées par anticipations dans cette loi, d'autres restent à intégrer en droit français.

DIRECTIVES DU SECTEUR DES TELECOMMUNICATIONS CONCERNEES PAR LE PROJET DE LOI

-directive n° 90/388/CEE de la Commission européenne du 28 juin 1990 relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications ;

- directive n° 96/19/CE de la Commission du 13 mars 1996 modifiant la directive 90/388/CEE en ce qui concerne la réalisation de la pleine concurrence sur le marché des télécommunications ;

- directive n° 97/13/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 avril 1997 relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications ;

- directive n° 97/33CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997 relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d'assurer un service universel et l'interopérabilité par l'application des principes de fourniture d'un réseau ouvert (ONP) ;

- directive n° 97/51/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 octobre 1997 modifiant les directives 90/387/CEE en vue de les adapter à un environnement concurrentiel dans le secteur des télécommunications ;

- directive n° 97/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des télécommunications ;

- directive n° 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 1998 concernant l'application de la fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l'établissement d'un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel ;

- directive n° 1999/5/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 1999 concernant les équipements hertziens et les équipements terminaux de télécommunications et la reconnaissance mutuelle de leur conformité ;

- directive n° 1999/64/CE de la Commission du 23 juin 1999 modifiant la directive 90/388/CEE en vue de garantir que les réseaux de télécommunications et les réseaux câblés de télévision appartenant à un seul et même opérateur constituent des entités juridiques distinctes.

Parmi les nombreux sujets concernés, trois points -annuaire universel, financement du service universel et équipements terminaux- appellent des commentaires plus détaillés de la part de votre rapporteur. Ils seront examinés ci-dessous.

Le tableau synoptique suivant, établi dans un souci de clarté, résume quant à lui sommairement les principaux changements envisagés au code des postes et télécommunications et l'état des éventuelles procédures d'infraction à l'encontre de la France pour non transposition de ces directives.

DIRECTIVE

DATE LIMITE DE TRANSPOSITION

PROCÉDURE D'INFRACTION EN COURS

CHANGEMENT À OPÉRER EN DROIT FRANÇAIS

90/388

31/12/1990

Directive entièrement transposée

96/19

11/01/1997

Saisine de la CJCE (service universel)

Directive entièrement transposée

97/13

31/12/1997

Avis motivé, saisine prévue de la CJCE

Les taxes liées aux autorisations doivent refléter les frais administratifs; les délais de sanction (article L 36-11 du code des p et t) et d'accord tacite pour l'établissement d'un réseau indépendant (L.33-2) doivent être mis en conformité avec la directive.

97/33

31/12/1997

Avis motivé, saisine prévue de la CJCE

Un mécanisme de différenciation des obligations des opérateurs en fonction du marché sur lequel ils sont puissants doit être institué (article L 34-8) ; les avantages induits doivent être déduits du coût net du service universel (article L 35-3)

97/51

31/12/1997

Saisine de la CJCE

Un mécanisme de désignation des opérateurs puissants sur le marché des liaisons louées doit être instauré (article L 35-5) , ainsi que la possibilité pour l'autorité réglementaire de fixer le point de terminaison du réseau (article L.36-6).

97/66

24/10/1998

Saisine de la CJCE

Interdiction des appels de prospection commerciale par automates sans autorisation préalable de l'abonné

98/10

30/06/1998

Avis motivé, saisine prévue de la CJCE

Annuaire universel (L 35-4) ; possibilité pour l'autorité réglementaire de demander aux opérateurs la modification de leurs contrats types (L. 34-1) ; obligation des opérateurs puissants (nouvel article).

99/64

Obligations à respecter pour le 30/04/00

Les obligations de la directive sont déjà respectées.

99/5

08/04/2000

Modification articles L 34-9 et L 32, nouveau régime de mise sur le marché

Malgré la technicité de la matière, l'ampleur des changements à introduire dans notre droit ne doit pas être sous estimée : ce serait environ une dizaine de pages du code des postes et télécommunications que le Gouvernement s'apprêterait à réécrire. Ces changements modifient parfois significativement le cadre réglementaire existant. De quoi dénoncer, encore une fois, la méthode employée et regretter que ces dispositions ne donnent lieu qu'à un débat tronqué.

La protection des données et de la vie privée, par exemple, est une préoccupation légitime et ancienne, qui a conduit à l'adoption d'une directive spécifique portant sur le secteur des télécommunications : la directive 97/66 du 15 décembre 2000 qui figure dans la liste des directives concernées par le projet de loi.

Cette directive prévoit notamment que les appels non sollicités effectués à des fins de prospection commerciale au moyens d'automates d'appels ou de télécopieurs ne peuvent être autorisés que s'ils concernent des abonnés qui ont donné leur accord pour recevoir ce type d'appels.

Cette disposition importante pour le respect de la vie privée devrait ainsi être transposée par voie d'ordonnance, le Gouvernement envisageant d'insérer un nouvel article L.33-4-1 au code des postes et télécommunications obligeant les opérateurs de télécommunications à donner la possibilité à leurs abonnés d'exprimer leur consentement à faire l'objet de prospection directe au moyen de télécopieurs ou d'automates d'appels et à fournir sur demande la liste des abonnés concernés.

Votre commission, tout en estimant nécessaire une rapide entrée en vigueur de ce nouveau régime, estime que la protection de la vie privée aurait mérité un vrai débat législatif, permettant également de faire entrer dans le droit national les dispositions de la directive 95/46 sur la protection des données personnelles, dont la transposition est envisagée dans le cadre du projet de loi sur la société de l'information.

Il convient, enfin, de relever que toutes ces directives sauf trois - (90/388, 96/19 et 99/64) d'ailleurs déjà entièrement transposées ou respectées, ce qui conduit votre commission à s'interroger sur les raisons de leur présence à l'article 1er du projet de loi -, intervenues entre 1997 et 1999, sont d'ores et déjà en cours de révision . La Commission a en effet présenté un " paquet réglementaire " de huit textes destinés à être adopté d'ici à la mi-2001 et à remplacer les 28 textes communautaires en vigueur dans le secteur des télécommunications. Un premier échange de vues a eu lieu à ce sujet lors du Conseil Télécom du 3 octobre dernier. Dans un tel contexte, l'urgence de la transposition apparaît évidente.

1. L'annuaire universel des télécommunications

a) Une obligation légale jamais mise en oeuvre, dont l'économie est remise en cause par une directive de 1998

La loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 a parachevé l'ouverture de ce secteur à la concurrence. Dès lors qu'elle rendait possible, sur tous les segments du marché, l'entrée de nouveaux opérateurs, elle a, en contrepartie, prévu l'élaboration d'un annuaire rassemblant les coordonnées de tous les abonnés , quel que soit le réseau de télécommunications (fixe, mobile...) et l'opérateur choisis, ainsi que la fourniture d'un service de renseignements universel . Cet annuaire et ce service de renseignements universels font même, de par la loi, partie du service universel des télécommunications.

La liste consolidée de l'ensemble des abonnés de tous les opérateurs, servant à établir cet annuaire, devait être, toujours en vertu de cette loi, gérée par un organisme indépendant, juridiquement distinct des opérateurs. Un décret pris en Conseil d'Etat devait venir préciser ses missions et ses critères de désignation. Il était enfin indiqué qu'il ne pouvait lui-même éditer d'annuaire universel, mais devait revendre la liste exhaustive des abonnés, à un prix orienté vers les coûts, aux éditeurs d'annuaires et notamment à France Télécom, chargé, par la loi, d'éditer un annuaire universel.

Pourtant, quatre ans après le vote de ces dispositions, il n'existe toujours pas en France d'annuaire rassemblant les coordonnées de tous les abonnés, alors que notre pays comptait, au 30 juin 2000, 24,3 millions d'abonnés au téléphone mobile !

En 1998, alors que le décret attendu n'était toujours pas sorti -retard que votre commission avait d'ailleurs déjà largement déploré- une directive européenne a en effet quelque peu fragilisé l'édifice mis au point par l'article 8 de la loi du 26 juillet 1996.

A cette date en effet, l'article 6 de la directive 98/10/CE dite " ONP/téléphonie vocale " a établi que tous les organismes qui attribuent des numéros de téléphone doivent répondre à toutes les demandes " raisonnables " de cession de leurs listes d'abonnés, à des conditions qui soient équitables, orientées vers les coûts et non discriminatoires . Comme cela vient d'être dit, le droit français ne prévoit que l'obligation pour les opérateurs de communiquer leurs listes d'abonnés à l'organisme gestionnaire de la liste nécessaire à l'édition de l'annuaire universel.

Cette obligation communautaire prive l'organisme dont la création avait été envisagée par le législateur de la perspective de jouir de la gestion exclusive de la liste universelle.

Le Gouvernement considère qu'il serait de ce fait exposé à une concurrence susceptible de remettre en cause son équilibre financier. C'est pourquoi une modification législative est envisagée afin, d'une part, de transposer en droit français les dispositions de l'article 6 de la directive 98/10/CE et, d'autre part, de supprimer la référence à l'organisme prévu à l'article L. 35-4 du code des postes et télécommunications, même si ce point ne paraît pas encore définitivement acquis.

Dans le système envisagé, tout éditeur d'annuaire aurait la faculté de s'adresser à chacun des opérateurs pour obtenir communication de sa liste d'abonnés. France Télécom continuerait d'être chargé d'éditer un annuaire universel -sous forme électronique et papier- et d'assurer un service de renseignement universel dans le cadre de ses obligations de service universel. L'opérateur aurait la possibilité, pour remplir effectivement cette obligation, de s'adresser à chacun des autres opérateurs pour obtenir les listes d'abonnés nécessaires.

b) Les questions posées par la transposition de l'article 6 de la directive 98/10

La transposition de l'obligation communautaire soulève plusieurs questions :

- le principe d'un organisme indépendant gérant la liste universelle des abonnés doit-il être conservé ? Ainsi l'avant-projet de loi portant diverses dispositions d'harmonisation communautaire, un temps envisagé par le Gouvernement et soumis pour avis à diverses instances 9 ( * ) , maintenait-il le principe de son existence ;

- quels doivent être les tarifs de cession des listes d'abonnés à des fins d'édition d'annuaire : quels coûts doivent être prise en compte ?

- ces tarifs doivent-ils s'appliquer à l'édition de tous les annuaires, voire à la prospection commerciale, ou exclusivement à l'édition des annuaires universels ?

- l'ART doit-elle disposer d'un pouvoir d'arbitrage des différends sur les conditions techniques et financières de cession de ces listes ?

- sous quelle forme doit être distribué l'annuaire universel, en particulier pour les abonnés d'opérateurs tiers (surtout si, avec le " dégroupage de la boucle locale " 10 ( * ) programmé en 2001, l'abonnement à France Télécom ne sera plus une obligation de fait pour la téléphonie fixe) ?

c) La position de votre commission

Votre commission réaffirme son attachement à l'existence d'un annuaire et d'un service de renseignements universels. Elle souhaite les voir rapidement mis en oeuvre.

Elle estime que la transposition de l'obligation de cession des listes d'abonnés à des tarifs reflétant les coûts doit être strictement limitée à l'édition d'annuaires et exclure explicitement l'utilisation des données obtenues à un tel tarif à des fins de prospection commerciale.

En outre, il lui paraît utile que l'Autorité de réglementation des télécommunications dispose des moyens réglementaires d'exercer un arbitrage technique et financier sur les conditions de cession de ces listes d'abonnés.

Votre rapporteur pour avis a personnellement interrogé le ministre chargé des télécommunications, M.  Christian Pierret, sur l'ensemble de ces questions. Le ministre lui a apporté par écrit les éléments de réponse suivants :

- il est envisagé de supprimer l'organisme indépendant dont l'existence est actuellement prévue par le code des postes et télécommunications ;

- une procédure de règlement des litiges par l'ART est prévue pour les différends concernant les conditions de fourniture des listes d'abonnés. Cette procédure serait similaire à celle qui existe déjà dans le domaine de l'interconnexion.

Votre commission approuve ces orientations.

* 9 ART et CSSPPT

* 10 Possibilité d'accès direct à l'abonné des concurrents de France télécom

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