B. LA NAISSANCE DANS L'ANONYMAT : UNE SOUFFRANCE PARALLÈLE

1. Les mères accouchant sous X : des trajectoires individuelles

a) Des statistiques

Afin de collecter davantage de renseignements sur ce phénomène social, des enquêtes ont été menées sur les mères ayant recours à cette procédure. Ainsi, le service du droit des femmes a conduit une étude en 1999 auprès des services des maternités en Ile de France.

L'échantillon statistique, retracé dans le document d'information transmis par le ministère lors de la présentation du projet de loi, porte sur les 903 naissances sous X ayant eu lieu entre 1994 et 1998.

« Les deux tiers ont moins de 25 ans, une sur deux a moins de 23 ans et une sur dix est mineure (les deux tiers des autres femmes qui accouchent ont entre 24 et 32 ans).

« Plus d'un quart sont en cours de scolarité ou d'études.

« La moitié sont à la recherche d'un premier emploi ou sans profession, sans autonomie et sans ressources propres.

« Une minorité non négligeable appartient à un milieu aisé ou aux classes moyennes.

« Les quatre cinquièmes sont célibataires.

« Une sur quatre vit chez ses parents : le recours à l'accouchement secret semble alors commandé par la crainte de la réaction parentale lorsque la grossesse n'est pas découverte, par la pression parentale lorsqu'elle l'est (milieux très religieux et conservateurs).

« Les jeunes célibataires qui ne vivent plus chez leurs parents : problématique personnelle, jeunes mères célibataires qui ne peuvent assumer seules un enfant supplémentaire, jeunes femmes « en galère ».

« De 10 à 12 % vivent en couple (jeunes couples en cours d'études ou dans une situation financière très difficile ; contexte de violences conjugales).

« Environ 10 % sont séparées ou divorcées, âgées de plus de 35 ans et ayant plusieurs enfants à charge, en grandes difficultés socio-économiques.

« Les situations où la grossesse est issue d'un viol ou de rapports contraints sont assez peu nombreuses : entre 4 et 10 % des cas.

« Ces cas peuvent être surestimés (les femmes peuvent invoquer un viol comme une justification recevable de leur décision d'abandon) ou sous-estimés (il peut être trop difficile de faire état d'une expérience traumatisante).

« Les cas d'inceste sont rares dans les données : moins de 3 cas signalés sur 903 situations ».

Ce document mentionne en outre que le père n'est informé et présent que dans 5 % des cas.

b) Des cas particuliers

Malgré leur exhaustivité, les statistiques présentées ne retracent qu'imparfaitement la situation de ces femmes qui ont recours à l'accouchement sous X.

Les chiffres présentés ci-dessus laissent entrevoir l'importance d'une cause matérielle (absence d'autonomie financière) et sociale (jeunesse des femmes enceintes), mais ne rendent pas compte des troubles d'ordre psychologique commandant le choix des mères accouchant sous X.

D'après certaines études, des femmes demandant le secret de leur accouchement souffrent de psychopathologies plus ou moins importantes et aboutissant à ce que certains psychiatres nomment « déni de grossesse », c'est-à-dire le refus psychosomatique de la femme d'être enceinte.

Ces cas contrastent fortement d'avec la situation des enfants en recherche.

A l'abandon, source parfois d'un immense soulagement, répond la souffrance parallèle des enfants nés sous X laissés dans l'ignorance de leurs origines.

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