6. Une action portant sur l'ensemble des maillons de la chaîne de lutte contre la délinquance

a) La prévention de la délinquance dans le cadre scolaire

La lutte contre la délinquance n'est pas seulement l'affaire des forces de sécurité, ni même des seuls services de l'Etat. Sa prévention doit être prise en charge par l'ensemble du corps social. Votre rapporteur pour avis insiste sur l'impérieuse nécessité de mobiliser l'ensemble des acteurs concernés, et, en particulier, l'éducation nationale , qui se trouve en « première ligne » . La commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs 12 ( * ) a souligné l'importance des classes-relais et d'autres initiatives comme facteur de réconciliation des jeunes en difficulté avec l'école, et in fine , de prévention des comportements délinquants.

Le rapport de la commission d'enquête souligne notamment l'importance pour l'école de s'associer avec des institutions extérieures, « tant pour lutter contre le développement de la délinquance dans et hors les murs que pour mener des programmes de prévention à l'intention des jeunes ». Enfin, il rappelle l'intérêt de s'appuyer sur les chefs d'établissements : « les études sur la violence en milieu scolaire mettent en évidence le rôle essentiel joué par le chef d'établissement en matière de prévention. Cette fonction doit être soutenue par des propositions de formation adéquates. Beaucoup ont des idées originales qui leur permettent, dans leurs écoles ou collèges, de pacifier les relations et d'encourager la réussite. Le projet d'établissement doit être l'occasion de contractualiser les objectifs et d'obtenir les moyens de les servir » 13 ( * ) .

Il est essentiel, pour la réussite des politiques de prévention de la délinquance, en particulier destinées aux mineurs, que les personnels des établissements scolaires soient en mesure de travailler en confiance avec les forces de sécurité et que ces dernières puissent être appelées à intervenir rapidement dans le cadre de l'établissement. Il convient en effet d' éviter la banalisation des actes délictueux commis à l'intérieur et à la sortie des établissements scolaires , afin que les élèves qui en sont les victimes prennent pleinement conscience de leurs droits et du caractère anormal de ces agissements.

Une expérience intéressante avait été expérimentée à cet égard en 1999, avec la création de cellules d'écoute tenue par des policiers dans les établissements scolaires dont le principal s'était montré intéressé : tous les quinze jours environ, l'ilôtier du secteur s'installait dans un bureau réservé et attendait que les élèves viennent lui parler des problèmes qu'ils rencontraient dans leur vie soit personnelle, soit scolaire. Cette expérience a été progressivement abandonnée car elle avait été souvent mal mise en oeuvre, mais votre rapporteur souhaite encourager vivement ce type de coopération.

Enfin, il faut souligner le rôle de l'échec scolaire dans le basculement des jeunes dans la délinquance. De ce point de vue, la déscolarisation des enfants âgés de moins de 16 ans doit être fermement combattue. Trop souvent aujourd'hui, l'obligation scolaire n'est pas respectée, sans qu'aucune sanction ne soit appliquée. Pourtant l'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale prévoit la suspension ou la suppression des prestations familiales en cas d'absentéisme scolaire et l'article 227-17-1 du code pénal punit le fait « de ne pas inscrire (son enfant) dans un établissement d'enseignement, sans excuse valable, en dépit d'une mise en demeure de l'inspecteur de l'académie » d'une peine de six mois d'emprisonnement.

Les moyens pour assurer le respect de l'obligation scolaire, en particulier la suspension des allocations familiales, existent, mais leur efficacité demeure contestée, et ils demeurent peu appliqués 14 ( * ) . Cependant, votre rapporteur pour avis insiste sur la nécessité absolue de ne pas renoncer, ce qui reviendrait à livrer à eux-même des jeunes dépourvus de toute possibilité d'insertion dans la vie active. Il souhaite donc que l'Etat ne démissionne pas, et qu'une dissuasion réelle soit instaurée à l'encontre du non-respect de l'obligation de scolarisation.

A cet égard, il se félicite des avancées prévues par le présent projet de loi et de la fermeté des déclaration du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales devant l'Assemblée nationale, le 16 juillet : « Pourquoi dans un pays où l'école est obligatoire jusqu'à 16 ans, devrait-on accepter que des enfants de 12 ans soient déscolarisés ? Certains affirment que les familles ne sont pas responsables, d'autres que l'école n'y peut rien, d'autres encore que l'Etat avait perdu tout moyen d'agir. Je connais ces chansons, dictées par la seule impuissance. Nous voulons au contraire responsabiliser chacun. Il ne s'agit pas d'accuser quiconque mais de permettre à chacun de se ressaisir. Tout ne doit plus aller à vau-l'eau et les mineurs les plus menacés doivent être défendus et secourus, même si c'est parfois contre leur gré. Que peut bien penser un enfant de douze ans qui ne va plus à l'école ? On n'a pas à lui demander son avis. L'école est obligatoire jusqu'à seize ans dans notre pays : il doit aller à l'école lui aussi, un point c'est tout ».

b) La nécessité de remédier aux causes de la délinquance

La situation d'urgence dans laquelle se trouve aujourd'hui notre pays impose de lutter avec fermeté contre la délinquance. Il s'agit également de lutter contre les causes de celle-ci : échec scolaire, précarité, difficultés d'intégration et insuffisances de rénovation et de restructuration des quartiers difficiles.

La politique des zones franches urbaines (ZFU), qui permet d'offrir des emplois aux jeunes les plus défavorisés et constitue une alternative à l'économie souterraine, doit être poursuivie, comme l'indiquent les conclusions du récent rapport d'information de la commission des affaires économiques du Sénat. Il s'agit d'un dispositif « dont l'intérêt a été unanimement reconnu par les maires qui l'ont utilisé pour lutter contre le chômage et la pauvreté et pour contribuer à la requalification des quartiers urbains les plus pauvres de notre pays » 15 ( * ) . Le rapport cite ainsi l'Assemblée permanente des chambres des métiers, qui explique qu'à la suite de la mise en oeuvre des zones franches urbaines, ces chambres « ont aussi constaté une revalorisation de l'image des quartiers, ainsi qu'une diminution des problèmes de sécurité ». Il souligne également que la création des ZFU « procède (...) d'une rupture avec une politique où l'on achète la paix sociale sans contrepartie, au bénéfice d'une valorisation de l'initiative individuelle qui s'accompagne d'un brassage social obtenu grâce à la création d'emplois ».

Cette expérience n'est qu'un élément d'une politique globale en faveur de l'amélioration de l'environnement dégradé des quartiers les plus défavorisés , dont on sait qu'il contribue fortement au sentiment d'insécurité et qu'il constitue le terreau idéal de la délinquance . Lors de la discussion générale du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le 16 juillet, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, rappelait que « le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin entend bien conduire avec Jean-Louis Borloo une politique de la ville audacieuse afin de donner à tous ceux qui peinent à trouver leur chemin dans les quartiers difficiles les meilleures chances d'insertion. Ils doivent pouvoir bénéficier d'une formation, accéder à un emploi, bref, vivre à l'unisson du reste du pays. L'intégration est une tâche immense. J'ai donné les instructions pour que partout en France les commissions départementales d'accès à la citoyenneté reprennent rapidement leur activité afin de lutter avec fermeté contre les discriminations et mieux valoriser les initiatives du terrain. Je proposerai au Premier ministre et aux autres membres du Gouvernement d'aller beaucoup plus loin dans ce domaine : il faut lutter énergiquement contre les discriminations à la formation professionnelle, à l'emploi, au logement qui nuisent si lourdement à l'intégration des jeunes issus de l'immigration. Nos concitoyens et nos entreprises doivent être placés devant leur responsabilité ».

A la réponse immédiate et ferme apportée au fléau de la délinquance par le présent projet de loi, il convient d'ajouter une réponse plus profonde et sur une longue durée, afin de donner pleinement les moyens à ceux qui ne trouvent plus leur place dans la société de s'y intégrer. En effet, la qualité du lien social, mise à mal quotidiennement par la délinquance, passe nécessairement par le sentiment que chacun peut trouver sa place.

* 12 Commission d'enquête sur la délinquance des mineurs présidée par notre collègue M. Jean-Pierre Schosteck et dont le rapporteur est notre collègue M. Jean-Claude Carle : « La République en quête de respect », rapport n° 340, Tome I, 2001-2002.

* 13 Commission d'enquête sur la délinquance des mineurs : « La République en quête de respect », rapport n° 340, Tome I, 2001-2002, page 82.

* 14 Lors de son audition par la commission d'enquête, la directrice de la Caisse nationale d'allocations familiales, Mme Annick Morel, a indiqué que la suspension des prestations familiales était prononcée à moins de 9.000 reprises par an, ce qui est hélas sans rapport avec l'ampleur de l'absentéisme scolaire.

* 15 Les zones franches urbaines : un succès et une espérance - Rapport de M. Pierre André, n° 354, 2001-2002.

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