21 novembre 2002 : Budget 2003 - Presse écrite ( avis - première lecture )

3. Un souci de sincérité dans l'évaluation budgétaire

En mettant un terme à la sédimentation -qualifiée par le ministre de « stérile »- des crédits de paiement, le projet de loi de finances pour 2003 rompt avec une pratique critiquée par votre rapporteur à de nombreuses reprises lors des exercices précédents.

En effet, jusqu'à présent, l'évaluation des dotations budgétaires, comme leur présentation, manquait de transparence en raison de l'incapacité chronique du ministère à consommer les crédits ouverts par le Parlement.

On rappellera, en effet, que, sur la période 1999-2001, l'écart entre, d'une part, les dépenses nettes et, d'autre part, les crédits votés et les crédits ouverts s'est sensiblement accru ; ainsi, alors que sur cette période, les crédits votés en loi de finances initiale progressaient de 6,4 % et les crédits ouverts, de 9,9 % les dépenses réelles n'augmentaient que de 2,5 %.

Cette sous-consommation est particulièrement sensible pour les dépenses d'investissement. Pour ces dépenses, elle constitue une difficulté chronique qui a été accentuée sur la période récente par l'ouverture de crédits exceptionnels pour faire face aux dégâts causés sur le patrimoine par les intempéries de décembre 1999.

Entre 1998 et 2001, le taux de consommation des crédits de paiement a fortement diminué, passant à 57,2 % en 2001 alors qu'il était de 82 % en 1998.

Cette dégradation concerne plus particulièrement les crédits inscrits au chapitre 56-20 relatif aux investissements exécutés par l'Etat pour le patrimoine monumental et au chapitre 66-91 qui regroupe les subventions d'investissement destinées aux établissements publics relevant de la tutelle du ministère.

Comme le note le rapport réalisé en juillet dernier à la demande du ministère par le cabinet d'audit KPMG, « cette sous-consommation perturbe l'analyse du budget du ministère de la culture ».

Votre rapporteur considère que plus que l'analyse du budget, c'est l'estimation même des crédits lors de la préparation du projet de loi de finances qui s'en trouve faussée.

Dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 2001, la Cour des comptes décrit, dans des termes très explicites, les modalités d'arbitrage prévalant lors de la préparation du projet de loi de finances : « s'agissant des crédits de la culture, la programmation semble principalement guidée par l'objectif d'arrimer le budget de la culture au seuil du 1 %, sans que celui-ci corresponde aux capacités d'absorption du ministère, du moins en matière d'investissement . (...) En réalité, les stratégies de négociation du ministère de la culture et du ministère de l'économie et des finances lors des conférences budgétaires convergent paradoxalement vers ce résultat : d'un côté, la direction du budget accepte d'autant plus volontiers des ouvertures déconnectées de la programmation réelle qu'elle a, de cette manière l'assurance qu'une partie significative des crédits ne sera pas consommée ; de l'autre côté, le ministère n'a pas intérêt à s'opposer à cette pratique qui n'est pas sans avantages en termes d'affichage et qui ne sanctionne pas ses défaillances en termes de programmation ».

Cette surévaluation constituait une pratique si bien établie que le ministère des finances lui-même en a tiré les conséquences en imposant, à travers les contrats de gestion, une régulation budgétaire décidée a priori en début d'exercice.

Initiée dans un contexte où l'inflation constatée s'était révélée inférieure à celle anticipée lors de l'élaboration du projet de budget, cette procédure, mise en oeuvre dès 1999 et reconduite en 2000 et 2001, a eu pour objet de limiter la consommation des crédits grâce à la mise en réserve de crédits ouverts par la loi de finances initiale au delà d'une stricte reconduction des reports de l'exercice précédent.

Force est de constater que cela revient à priver d'une grande partie de son sens l'autorisation budgétaire.

Évoquant cette pratique, qui n'est pas propre au ministère de la culture, la Cour des comptes, si elle reconnaît la légitime préoccupation de maîtrise de la dépense publique qu'elle traduit, regrette 1 ( * ) que « la formalisation de ce(s) contrat(s) de gestion reste souvent mal connue des gestionnaires, le seul document disponible étant souvent le courrier adressé par le ministre des finances au contrôle financier ».

On notera que dorénavant, de tels engagements devront faire l'objet d'une information du Parlement, en application de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2002 relative aux lois de finances.

En 2001, selon les informations fournies par le ministère de la culture, les engagements au titre du contrat de gestion s'étaient traduits, en premier lieu, par un montant de crédits reports fixé à 259 millions d'euros et, en second lieu, par une mise en réserve de crédits à hauteur de 93 millions d'euros, ce qui représentait au total près de 14 % des crédits initialement votés par le Parlement.

En 2002, si la procédure des contrats de gestion n'a pas été utilisée, la régulation budgétaire s'est traduite par des mesures de mise en réserve à l'image de ce qui se pratiquait avant 1999.

Deux séries de mesures ont été prises en 2002.

La première a été motivée par le calendrier électoral et la nécessité de préserver les marges de manoeuvre du nouveau gouvernement. Les prescriptions en termes de plafonds de dépense étaient les suivantes :

- engagement de 60 % des crédits disponibles sur le titre III hors rémunérations, à l'exception des dotations globales de décentralisation ;

- engagement de 50 % des crédits disponibles sur le titre IV ;

- affectation d'au plus 40 % des crédits inscrits pour les autorisations de programme sur les titres V et VI.

A la suite de ces mesures conjoncturelles, qui ont pu faire l'objet d'ajustements au cas par cas, des mesures de régulation « classiques » ont été prises afin de tenir compte des difficultés budgétaires de l'Etat.

Au total, d'après les informations communiquées par le ministère, la régulation budgétaire se traduit pour l'exercice 2002 :

- par une mise en réserve de 22 millions d'euros qui devraient être annulés par le collectif de fin d'année ;

- et par un engagement de reports s'élevant à 362 millions d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement.

Force est donc de constater que si la méthode retenue diffère, l'effet de ces mesures est comparable à celui poursuivi par les contrats de gestion.

En conclusion de son analyse, s'il se félicitera du souci de sincérité que traduit le projet de budget, votre rapporteur observe toutefois qu'il conviendra au cours de l'exercice 2003 de demeurer vigilant sur les capacités du ministère à surmonter la difficulté récurrente de la sous-consommation des crédits d'investissement. En effet, si la capacité des services à consommer les crédits demeure constante, ce sont les capacités d'engagement du ministère qui seront affectées et sa relation avec ses partenaires qui se détériorera. Par ailleurs, la suppression des crédits reports supprime la « soupape de sécurité » dont disposait le ministère pour atténuer les effets des mesures de régulation budgétaire.

* 1 Rapport précité

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