EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE III
-
Mesures relatives à la sécurité du personnel

Article 5
(art. L. 230-2 du code du travail)
Rôle respectif du chef de l'entreprise utilisatrice et des chefs des entreprises extérieures dans les établissements
Seveso « seuils hauts » en matière de sécurité

Objet : Cet article prévoit une définition conjointe des mesures d'évaluation et de prévention des risques entre le chef de l'entreprise donneuse d'ordre et les chefs des entreprises extérieures dont l'intervention présente un risque particulier sur les sites dits Seveso « seuils hauts » et précise la responsabilité respective du chef de l'entreprise utilisatrice et du chef de l'entreprise extérieure pour la mise en oeuvre de ces mesures.

I - Le dispositif proposé

Le paragraphe I modifie l'article L. 230-2 du code du travail relatif aux principes généraux de prévention des risques professionnels. Il vise à renforcer le principe général de coopération (déjà énoncé à cet article) pour la mise en oeuvre des dispositions de sécurité entre les employeurs de plusieurs entreprises présentes sur un même site. Il introduit deux nouvelles dispositions concernant les établissements dits Seveso « seuils hauts » tendant, pour l'une, à poser l'obligation d'une définition conjointe des mesures d'évaluation et de prévention des risques, et, pour l'autre, à déterminer le partage des responsabilités entre le chef d'entreprise utilisatrice et les chefs d'entreprises extérieures pour les interventions présentant des risques particuliers.

Il prévoit d'abord de déplacer l'actuelle disposition posant ce principe de coopération de sa place actuelle (au I de l'article L. 230-2) vers un nouveau paragraphe IV créé par le présent article, ce IV nouveau ayant pour vocation de regrouper l'ensemble des dispositions générales relatives à la prévention des risques professionnels dans les sites où sont présentes plusieurs entreprises.

Il instaure ensuite une obligation renforcée de coopération entre le chef de l'entreprise utilisatrice et les chefs des entreprises extérieures.

Le champ d'application de cette obligation renforcée de coopération est strictement défini. Elle exige en effet une double condition liée à la nature de l'établissement et à la nature de l'intervention.

Ne sont ici visés que les établissements classés Seveso « seuils hauts ».

Et cette coopération renforcée n'est obligatoire que lorsque l'intervention de l'entreprise extérieure peut présenter des « risques particuliers en raison de sa nature ou de la proximité » de l'installation classée. L'exposé des motifs du projet de loi précise la nature de ces « risques particuliers » : il s'agit des risques liés à la nature même de l'intervention (travaux sur le réseau électrique en amont par exemple) ou à sa proximité avec l'installation (travaux de sondage par exemple).

Dans ce champ d'application, la coopération entre entreprise utilisatrice (ou donneuse d'ordre) et l'entreprise extérieure 5 ( * ) (ou sous-traitante) est renforcée.

Jusqu'à présent, le code du travail pose deux types d'obligations en matière de prévention des risques professionnels lorsque plusieurs entreprises interviennent sur le même site.

D'une part, dans le cadre des principes généraux de prévention, l'article L. 230-2 institue une obligation de coopération entre les employeurs pour la mise en oeuvre des dispositions relatives à la sécurité, à l'hygiène et à la santé.

D'autre part, les articles R. 237-1 à R. 237-28, issus du décret du 20 février 1992, prévoient des prescriptions particulières pour les travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure. Ces prescriptions prévoient notamment que le chef de l'entreprise utilisatrice assure la coordination générale des mesures de prévention afin de « prévenir les risques liés à l'interférence entre les activités, les installations et matériels des différentes entreprises présentes sur un même lieu de travail » . Dans ce cadre, les chefs d'entreprise procèdent, à l'issue d'une inspection commune, à une analyse de ces risques et arrêtent d'un commun accord un plan de prévention. Les membres de CHSCT de l'entreprise utilisatrice et des entreprises extérieures peuvent participer à l'inspection et émettre un avis sur les mesures de prévention.

Le présent paragraphe prévoit alors que le chef de l'entreprise utilisatrice et celui de l'entreprise extérieure définissent conjointement les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs. Ils doivent alors procéder à une analyse conjointe des risques et à une définition commune des mesures de prévention.

Il s'agit donc ici principalement d'étendre, dans les établissements classés Seveso « seuils hauts », les dispositions du décret de 1992 au-delà des seuls risques liés aux possibles « interférences », qui « laisse subsister des « angles morts » de la prévention » comme le souligne l'étude d'impact annexée au projet de loi.

Le paragraphe I introduit enfin une modification substantielle des règles générales de responsabilité des chefs d'entreprises en matière de prévention des risques dans les sites industriels à risques où interviennent les salariés d'une ou plusieurs entreprises extérieures.

Ainsi, les mesures d'évaluation et de prévention sont arrêtées conjointement par le chef de l'entreprise utilisatrice et celui de l'entreprise extérieure, mais le premier se voit confier, au-delà de sa responsabilité à l'égard de son propre personnel, la responsabilité de veiller à l'application de ces mesures par le chef de l'entreprise extérieure. Certes, il pèse déjà sur le chef de l'entreprise utilisatrice une responsabilité particulière, sa responsabilité pénale pouvant être engagée s'il n'a pas joué son rôle de coopération ou de coordination ou s'il a été défaillant dans son exercice. Mais les conditions de mise en oeuvre de ce principe n'étaient pas spécifiées dans la loi. La présente disposition va alors plus loin. Elle tend à signifier que la responsabilité principale de l'entreprise sous-traitante ne doit pas exonérer l'entreprise donneuse d'ordre d'un contrôle et d'un suivi de l'application des mesures ainsi édictées en commun.

L'ensemble de ces modifications sont introduites «sans préjudice des autres dispositions du présent code» , ce qui signifie qu'elles n'entament pas la validité des autres règles édictées par le code du travail en matière de sécurité et d'hygiène.

Le paragraphe II, qui modifie le 3° de l'article L. 231-2 du code du travail relatif aux conditions d'application réglementaire des dispositions de ce code relatives à la prévention des risques professionnels, est principalement de coordination pour tenir compte des modifications apportées par le paragraphe I. Ainsi, le règlement ne détermine plus seulement les modalités de l'évaluation mais aussi les modalités de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs au titre des principes généraux de prévention et de l'obligation de coopération.

II - La position de votre commission

Votre commission ne peut que souscrire à la volonté du Gouvernement de mieux prévenir les risques inhérents à l'intervention d'entreprises multiples sur un site dangereux.

Elle considère que le présent article garantit, par bien des points, un équilibre satisfaisant entre exigence de sécurité et impératifs économiques. Il ne vise que les établissements les plus dangereux. Il ne pénalise pas tout recours à la sous-traitance, mais se concentre sur les risques particuliers inhérents à l'intervention d'entreprises extérieures sur un site à risques. En effet, la sous-traitance « de spécialité » apparaît comme le gage même de la sécurité du site, en ce qu'elle fait intervenir des spécialistes d'un secteur de pointe, particulièrement exposé. Enfin, au-delà de l'obligation générale de coopération et de coordination pour les mesures de prévention entre chefs de l'entreprise utilisatrice et chefs des entreprises extérieures, il prévoit une obligation de définition conjointe des mesures afin de ne laisser aucune entreprise intervenante se défausser de ses responsabilités en matière d'hygiène et de sécurité.

Cependant, votre commission observe que l'équilibre recherché dans cet article peut encore être amélioré, par amendements, afin de concilier la nécessaire protection des personnes employées sur les sites dangereux et la prise en compte des contraintes liées à l'activité industrielle des entreprises concernées.

Les deux premiers amendements proposés visent à renforcer les garanties offertes aux personnes employées sur les sites dangereux.

Le premier amendement apporte une précision indispensable pour éviter les conflits d'interprétation, d'une part, et pour rendre effectives les obligations qui pèsent sur les entreprises classées Seveso « seuils hauts », d'autre part. En effet, l'obligation d'une évaluation conjointe des risques et d'une définition commune des mesures de prévention posée par le présent article pour les établissements Seveso « seuils hauts » n'est, bien sûr, pas exclusive de l'obligation générale de coopération entre le chef de l'entreprise utilisatrice et le chef de l'entreprise extérieure pour la mise en oeuvre de ces mesures. Il importe de le préciser.

Le second amendement a pour objet d'étendre le champ d'application de la mesure dans un souci de meilleure prévention des risques. En effet, les salariés d'entreprises extérieures ne sont pas les seuls à intervenir sur les sites industriels : les travailleurs indépendants, les artisans, voire les chefs d'entreprises extérieures eux-mêmes, sont aussi susceptibles d'intervenir dans l'entreprise utilisatrice. Il importe donc de prévoir une évaluation conjointe des risques et une définition commune des mesures de prévention, même lorsque l'intervenant n'est pas un salarié.

Parallèlement au renforcement des garanties offertes aux personnes intervenant sur les sites dangereux, votre commission, soucieuse du caractère équilibré des dispositions du présent article et de sécurité juridique, souhaite, par amendement, clarifier le partage des responsabilités entre le chef d'entreprise utilisatrice et les chefs d'entreprises extérieures .

La rédaction retenue dans le projet de loi n'est pas sans soulever de difficultés. En effet, la répartition des responsabilités respectives du chef de l'entreprise utilisatrice et du chef de l'entreprise extérieure n'est pas clairement définie, ce qui pourrait être à l'origine de contentieux importants et d'une « déresponsabilisation » des entreprises extérieures. En introduisant une forme inédite de « tutelle » de l'entreprise utilisatrice sur l'entreprise extérieure, le présent article risque ainsi d'introduire une modification au droit de la responsabilité dont il n'est pas possible de mesurer la portée et qui pourrait conduire ainsi à bouleverser une jurisprudence claire et équilibrée.

Enfin, le dispositif reste peu précis en ce qui concerne l'obligation de « veille » imposée à l'entreprise utilisatrice. On peut, en effet, se demander par quels moyens cette surveillance sera exercée. A l'obligation de résultat exigée par le juge dans sa jurisprudence s'ajoute donc une obligation de moyens, sans que ces moyens soient précisés. L'applicabilité de cette disposition apparaît alors, non seulement excessivement contraignante, mais en outre, particulièrement aléatoire.

Pour ces raisons, il semble donc nécessaire de s'en tenir, sur ce point, au droit commun de la responsabilité.

Votre commission vous propose donc d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 6
(art. L. 231-3-1 du code du travail)
Formation d'accueil des salariés
des entreprises extérieures intervenant dans
des établissements Seveso « seuils hauts »

Objet : Cet article impose au chef de l'entreprise utilisatrice la mise en oeuvre d'une « formation d'accueil » sur les risques, au bénéfice des salariés des entreprises extérieures dont l'intervention est susceptible de présenter des risques particuliers, après consultation des représentants des salariés de l'entreprise utilisatrice, le contenu et les conditions de renouvellement de cette formation étant déterminés par accord collectif de branche ou d'entreprise.

I - Le dispositif proposé

Le présent article prévoit de confier au chef de l'entreprise utilisatrice la mise en oeuvre d'une « formation d'accueil » au bénéfice des salariés des entreprises extérieures sur les risques spécifiques que leur intervention est susceptible de présenter. Le CHSCT ou, à défaut, les délégués du personnel de l'entreprise donneuse d'ordre sont consultés sur cette formation, dont le contenu et les conditions de renouvellement sont déterminés par accord collectif de branche ou d'entreprise.

L'article L. 231-3-1 du code prévoit déjà des obligations de formation à la sécurité à la charge du chef d'établissement. Ainsi, cet article prévoit-il une « formation pratique et appropriée » en matière de sécurité pour l'ensemble de ses salariés et des intérimaires. Il prévoit également une « formation renforcée à la sécurité » pour les salariés de l'établissement sous contrat à durée déterminée ou sous contrat de travail temporaire affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité.

Le présent article modifie (à son 1°) cet article L. 231-3-1 pour introduire une nouvelle « formation d'accueil » à la sécurité au bénéfice des salariés des entreprises extérieures.

Cette nouvelle formation, que le chef de l'entreprise utilisatrice doit définir et mettre en oeuvre, n'est toutefois obligatoire qu'à une double condition.

D'une part, elle ne concerne que les salariés dont l'intervention est susceptible de créer des risques spécifiques pour eux-mêmes et les personnes présentes dans l'établissement. A cet égard, votre commission souhaite ici dissiper toute ambiguïté : contrairement à ce que laisserait supposer l'étude d'impact 6 ( * ) , le présent article ne vise pas tous les salariés, l'exposé des motifs précisant bien que la formation d'accueil ne touche que « les salariés concernés » . Seuls bénéficieront de cette formation les salariés des entreprises extérieures « mentionnés au deuxième alinéa du IV de l'article L. 230-2 » , soit les salariés appelés à réaliser une intervention pouvant présenter des risques particuliers en raison de sa nature ou de la proximité de l'installation. Fort logiquement, elle ne concernera pas les réparateurs de photocopieuses par exemple.

Cette formation, qui doit être logiquement délivrée avant le début de la première intervention des salariés concernés, doit être « pratique et appropriée » , l'étude d'impact précisant sur ce point qu' « elle peut être brève sans pour autant se confondre à une simple remise de consignes ».

Le contenu et, le cas échéant, les conditions de renouvellement de cette formation peuvent être précisés par convention ou accord collectif de branche ou par convention ou accord collectif d'entreprise ou d'établissement. En l'absence d'un accord, le contenu et les conditions éventuelles de renouvellement de la formation sont alors déterminés par le chef d'établissement.

Le renouvellement de cette formation n'est que facultatif, ce qui paraît justifié dans la mesure où il n'est pas toujours nécessaire pour certains types d'interventions de procéder à un tel renouvellement quand la nature de l'intervention ne l'exige pas.

Le présent article prévoit également (à son 2°) la consultation du comité d'entreprise, du CHSCT ou, à défaut, des délégués du personnel sur la « formation d'accueil », à l'image de la consultation déjà prévue sur les formations « pratiques » et « renforcées ». Ils ont également pour mission de veiller à la mise en oeuvre de cette formation.

Le 3° du présent article est de simple coordination.

II - La position de votre commission

Votre commission souscrit largement à la « formation d'accueil » aux risques, telle que définie par le présent article, qui lui parait être une mesure de prévention de bon sens. Elle se félicite notamment que, compte tenu de la connaissance qu'il ont de la spécificité de leurs établissements, les chefs d'entreprise et les salariés soient chargés d'en définir le contenu et les conditions de renouvellement par accord collectif de branche ou d'entreprise.

Votre commission vous propose néanmoins d'apporter, outre plusieurs amendements rédactionnels ou rectifiant certaines erreurs matérielles, plusieurs modifications au présent article afin d'en préciser la portée.

Elle regrette ainsi que la rédaction proposée exclut les chefs des entreprises extérieures et les travailleurs indépendants de la mesure proposée. Dans une logique de prévention des risques, il semble nécessaire qu'ils puissent également bénéficier de la « formation d'accueil » délivrée par l'entreprise utilisatrice, au même titre que les salariés d'entreprises extérieures, dès lors qu'ils interviennent eux-mêmes dans l'établissement et que leur intervention est susceptible de présenter un risque spécifique.

De la même manière, votre commission répugne à consacrer juridiquement la notion de « site », alors qu'elle n'a fait l'objet d'aucune définition. L'expression « sur le site » apparaît, en effet, juridiquement peu précise, ce qui peut être source d'ambiguïté. Il convient à cet égard de retenir le terme « établissement ».

Enfin, votre commission souhaite préciser les conditions de financement de la « formation d'accueil ». Dans la rédaction actuelle du code du travail, il est prévu que le financement des actions de formation en matière de sécurité et de prévention des risques incombe à l'employeur, c'est-à-dire à l'entreprise extérieure en cas de sous-traitance. Il devient alors nécessaire de préciser, dans le cas présent, que la « formation d'accueil » est à la charge de l'entreprise utilisatrice.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 7
(art. L. 231-9 du code du travail)
Information des autorités publiques
en cas de mise en oeuvre du droit d'alerte

Objet : Cet article introduit une obligation d'information des autorités publiques par le chef d'entreprise, dès lors qu'un membre du CHSCT met en oeuvre son droit d'alerte. Le chef d'entreprise doit, en outre, préciser les suites qu'il entend lui donner.

I - Le dispositif proposé

Le présent article complète l'article L. 231-9 du code du travail relatif au droit d'alerte par le CHSCT, pour les seuls établissements classés Seveso « seuils hauts ».

On rappellera que le droit d'alerte est accordé aux membres du CHSCT en cas de danger grave et imminent, dans les conditions résumées dans le tableau ci-après :

Mise en oeuvre des mesures de sécurité

Information par l'employeur des services d'inspection et de prévention

Réunion du CHSCT

Si désaccord :

3 solutions à la disposition de l'inspecteur du travail :

- mise en demeure,

- saisine du juge des référés,

- ne rien faire

Si accord :

- mise en oeuvre des mesures de sécurité

- Information immédiate de l'employeur ou son représentant

- Consignation de l'avis du CHSCT

* 5 On rappellera que ces notions d'« entreprise utilisatrice » et d'« entreprises extérieures » sont celles déjà retenues par le code du travail (voir par exemple l'article L. 236-2 ou l'article R. 237-7-1), le terme d'entreprise extérieure ne recouvrant que les entreprises sous-traitantes et non les entreprises de travail temporaire.

* 6 Qui indique que le présent article « renforce la formation à la sécurité de tous les travailleurs appelés à travailler sur les sites à risques ».

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