AUDITION DE M. FRANÇOIS LUCAS, ADJOINT AU DIRECTEUR GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS LOCALES, ET DE M. PHILIPPE JOSSE, DIRECTEUR ADJOINT DU CABINET DU MINISTRE DE L'EMPLOI, DU TRAVAIL ET DE LA COHÉSION SOCIALE
(APRÈS-MIDI DU MERCREDI 20 OCTOBRE 2004)

Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi, la commission a ensuite procédé à l'audition de MM. François Lucas, adjoint au directeur général des collectivités locales, et Philippe Josse, directeur adjoint du cabinet du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale , sur le projet de loi n° 445 (2003-2004) de programmation pour la cohésion sociale.

A titre liminaire, M. Jean Arthuis, président , a porté à la connaissance de la commission le contenu de la lettre rectificative au présent projet de loi transmise le matin même par le Premier ministre au Président du Sénat. Il a indiqué que les modifications apportées par ladite lettre rectificative ne rentraient pas dans le champ de compétence de la commission, ne modifiant donc pas le périmètre de son avis.

M. Paul Girod, rapporteur pour avis , a souhaité savoir quels bénéficiaires de la dotation globale de fonctionnement des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) verraient la progression de leur dotation globale de fonctionnement réduite du fait de la réforme de la dotation de solidarité urbaine (DSU) proposée par l'article 59 du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, et a déploré que le comité des finances locales n'ait pas été précisément consulté sur cet article. Il a souhaité que la commission puisse publier les simulations réalisées au sujet de l'impact de cet article sur l'évolution de la DSU.

En réponse, M. François Lucas a estimé que si le projet de loi de finances pour 2005 prévoyait pour l'année 2005 un gel de la dotation forfaitaire des communes, il était probable que ce taux soit porté à 1 % au cours de la discussion du projet de loi de finances précité. Il a indiqué que, selon cette hypothèse, les sommes disponibles pour accroître la péréquation s'élèveraient à environ 240 millions d'euros, dont 120 millions d'euros pour la DSU, 80 millions d'euros pour la dotation de solidarité rurale (DSR) et 40 millions d'euros pour la dotation nationale de péréquation (DNP).

M. Paul Girod, rapporteur pour avis , s'est interrogé sur les raisons qui avaient conduit à inscrire la réforme de la DSU dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, alors que celle de la DSR était prévue par le projet de loi de finances pour 2005. M. Yves Fréville a souhaité disposer d'informations complémentaires sur l'affectation de l'augmentation de la DGF des communes et des EPCI en 2005, évaluée à environ 700 millions d'euros. M. Michel Charasse s'est demandé si les chiffres présentés au comité des finances locales le 21 septembre 2004 prenaient en compte la réforme proposée par le projet de programmation pour la cohésion sociale.

En réponse, M. François Lucas a jugé que le choix de ce véhicule législatif s'expliquait par le fait que la réforme de la DSU était cohérente avec l'objet du projet de loi de programmation précité. Il a estimé que la DSU, sous sa forme actuelle, n'était pas suffisamment concentrée, puisqu'elle bénéficiait aux trois quarts des communes. Il a indiqué que, dans l'hypothèse d'une croissance en 2005 de la dotation forfaitaire de 1 %, soit 136 millions d'euros, 382 millions d'euros seraient affectés aux évolutions indépendantes des réformes proposées pour 2005, le solde disponible pour la DSU, la DSR et la DNP étant de 242 millions d'euros, une fois pris en compte le coût des autres réformes (rehaussement de la dotation forfaitaire, réforme de l'intercommunalité et réforme de l'outre-mer), de 68 millions d'euros. Il a confirmé que les chiffres présentés au comité des finances locales lors de sa réunion du 21 septembre 2004 prenaient bien en compte la réforme proposée par le projet de programmation pour la cohésion sociale.

M. Jean-Jacques Jégou s'est interrogé sur l'impact de la concentration des attributions de dotation, s'agissant en particulier des communes qui étaient « à la marge » des critères d'attribution de la DSU. Il a également souligné que les communes de la région Ile-de-France subissaient déjà la diminution des attributions du fonds de solidarité de la région Ile-de-France (FSRIF), et s'est interrogé sur le risque éventuel d'une disparition du FSRIF.

En réponse, M. Philippe Josse a rappelé que la volonté de concentrer davantage les attributions de la DSU résultait du constat que, d'une part, le montant de cette dotation était insuffisant pour permettre aux communes les plus pauvres de répondre aux besoins de leurs habitants ; que, d'autre part, les attributions de la DSU étaient trop dispersées, puisque les trois quarts des communes de plus de 10.000 habitants en bénéficiaient ; et enfin que, compte tenu de l'importance du potentiel financier dans le calcul des attributions, environ 120 villes bénéficiaient d'attributions insuffisantes de DSU au regard de leurs besoins.

M. François Lucas a précisé que si certaines communes devaient sortir du dispositif DSU en 2005, ce n'était pas du fait des dispositions proposées par le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, mais, notamment, du fait du passage du potentiel fiscal au potentiel financier, proposé par le projet de loi de finances pour 2005. Il a indiqué que si le projet de loi de finances pour 2005 ne proposait pas de réformer le FSRIF, c'était parce qu'aucun n'accord n'avait encore été trouvé avec les élus, et il a jugé que l'existence du FSRIF n'était pas en cause.

M. Philippe Dallier a regretté que certaines communes urbaines en difficulté ne soient pas éligibles à la DSU, et, évoquant la situation d'une commune de son département, s'est interrogé sur l'impact de la réforme proposée par le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. M. Michel Charasse a demandé si la majoration de la DSU était comprise dans le coût du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

En réponse, M. Philippe Josse a estimé que c'était à la loi de finances pour 2005 de modifier, le cas échéant, les critères d'éligibilité à la DSU, et a indiqué que la commune précédemment évoquée verrait sa DSU accrue substantiellement d'ici 2009. Il a ajouté que l'évaluation du coût du projet de loi de programmation faite par le gouvernement ne comprenait pas la réforme de la DSU proposée par ce projet de loi.

M. Michel Charasse s'est interrogé sur la pertinence d'affecter 120 millions d'euros à la DSU en cas de faible croissance de la DGF. En réponse, MM. Philippe Josse et Georges-François Leclerc, chargé de mission au cabinet de la secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances , ont indiqué que M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, approuvait le principe de l'amendement proposé par le rapporteur pour avis, tendant à minorer le montant de ce prélèvement en cas de faible croissance de la DGF. M. Paul Girod, rapporteur pour avis, a considéré qu'une telle clause de sauvegarde était nécessaire pour que le Sénat adopte la réforme proposée. M. Michel Charasse a déclaré qu'il faudrait alors indiquer aux communes éligibles à la DSU que leur attribution pourrait être moins élevée que prévu.

M. Paul Girod, rapporteur pour avis , s'est interrogé sur les conséquences d'une régularisation négative de la DGF. M. Yves Fréville a estimé que ce problème se cumulait avec celui précédemment évoqué. M. Michel Charasse a considéré qu'une éventuelle régularisation négative ne devait pas porter sur les communes les plus fragiles.

En réponse, M. Philippe Josse a estimé qu'une telle disposition pourrait induire une complexité excessive.

M. Paul Girod, rapporteur pour avis , s'est interrogé sur la pertinence de la disposition selon laquelle la majoration de DSU proposée pour les communes en ZUS ou en ZFU bénéficierait aux seules communes de moins de 200.000 habitants. Il a souhaité connaître la part de la majoration annuelle de 120 millions d'euros devant bénéficier aux communes situées en ZUS ou en ZFU, et a regretté que le gouvernement ne lui ait pas officiellement transmis les simulations sur la mesure proposée.

En réponse, M. Georges-François Leclerc a indiqué que, du fait de l'abondement annuel de la DSU à hauteur de 120 millions d'euros, toutes les communes éligibles à la DSU, même celles ne bénéficiant pas de la majoration prévue dans le cas de celles situées en ZUS ou disposant d'une ZFU, verraient leur DSU augmenter plus qu'en l'absence de réforme. Il a indiqué en particulier qu'une importante commune d'un département du sud de la France verrait sa DSU accrue de plusieurs millions d'euros d'ici 2009. M. Georges-François Leclerc a déclaré que la commission pouvait publier les simulations qui lui avaient été transmises, à condition de préciser expressément qu'il s'agissait de simples estimations, reposant sur les données de l'année 2003.

M. Jean Arthuis, président , a donc pris acte de l'engagement ainsi pris de publier lesdites simulations assorties des réserves méthodologiques précédemment rappelées.

M. Yves Fréville a souligné qu'il suffirait de disposer des coefficients multiplicateurs pour chaque commune afin d'effectuer toutes les simulations imaginables.

M. François Marc s'est interrogé sur l'impact de l'abondement de la DSU sur l'évolution de la DSR et sur les éventuels effets pervers que pourrait avoir la réforme proposée. Il a jugé à cet égard que la banalisation de la taxe professionnelle de France Télécom avait eu certains effets dommageables pour les collectivités territoriales, qui n'avaient pas été prévus au départ.

En réponse, M. Philippe Josse a estimé que ces effets dommageables étaient inévitables dès lors que l'on banalisait effectivement la taxe professionnelle de France Télécom. M. François Lucas a considéré que la clause de sauvegarde proposée par le rapporteur pour avis pouvait avoir pour effet de favoriser l'augmentation des dotations de péréquation autres que la dotation de solidarité urbaine.

M. Joël Bourdin s'est demandé pourquoi le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale proposait de réformer la DSU, alors que le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, également en cours de discussion, ne prévoyait pas de réforme de la DSR, celle-ci figurant dans le projet de loi de finances pour 2005. En réponse, M. Philippe Josse a estimé, comme M. François Lucas l'avait fait précédemment, que le choix de réformer la DSU dans le projet de loi de programmation s'expliquait par sa cohérence avec l'objet de ce dernier.

M. Michel Charasse a considéré que les réformes des dotations devaient, de manière systématique, être conçues par le ministère de l'intérieur, le seul à disposer de l'expertise nécessaire, tout en soulignant que l'inscription de la réforme de la DSU dans le projet de programmation avait pour conséquence que le présent projet de loi n'était pas renvoyé au fond, mais seulement pour avis à la commission des finances.

M. Jean-Claude Frécon a déploré que la réforme de la DSU proposée par le projet de loi de programmation n'ait pas été présentée en tant que telle au comité des finances locales (CFL) en septembre 2004. M. Michel Charasse a estimé que le CFL aurait dû se réunir spécialement à cet effet, a jugé que les tableaux présentés lors des réunions du CFL n'étaient pas assez détaillés et qu'il conviendrait donc pour l'avenir d'y remédier.

En réponse, M. François Lucas a rappelé que la réforme de la DSU avait été présentée lors de la réunion précitée du CFL du 21 septembre 2004, peut-être trop brièvement. Il a indiqué que si le CFL ne s'était pas réuni spécialement pour examiner cette réforme, c'était en raison d'un problème de calendrier.

M. Yves Fréville s'est interrogé sur l'impact du passage du plafond de population de 200.000 habitants à 400.000 habitants, proposé par le rapporteur pour avis.

En réponse, M. Philippe Josse a fait part de l'intention de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, de présenter un amendement instaurant une troisième garantie, selon laquelle toutes les communes éligibles à la DSU, quelle que soit leur population, et qu'elles bénéficient ou non de la majoration proposée, verraient leur DSU augmenter chaque année jusqu'en 2009 d'au moins un certain taux.

M. Jean Arthuis, président , a félicité le rapporteur pour avis pour la qualité de ses travaux, réalisés en seulement une semaine, du fait du récent renouvellement du Sénat, et a remercié les personnes auditionnées d'avoir répondu aussi rapidement à l'invitation que la commission leur avait adressée, le matin même, de venir s'exprimer devant elle. Il a souhaité que le gouvernement précise, d'ici le début de l'examen du projet de loi de programmation, dans quelle mesure le projet de loi de finances pour 2005 était compatible avec la programmation indiquée, et quel coût cette programmation était susceptible d'entraîner pour les collectivités territoriales.

En réponse, M. Philippe Josse a déclaré que si le gouvernement souhaitait que les collectivités territoriales s'engagent, autant que possible, dans les actions proposées par le projet de loi de programmation, c'était à elles seules d'en décider, de sorte que le gouvernement ne pouvait présenter d'estimation du montant de leur participation.

M. Michel Charasse a souhaité que les simulations du gouvernement distinguent l'impact de la réforme de la DSU proposée par le présent projet de loi de programmation de celui du passage du potentiel fiscal au potentiel financier, proposé par le projet de loi de finances pour 2005.

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