E. UNE ORGANISATION COMMUNE DE MARCHÉ PEU EFFICACE

L'organisation commune de marché (OCM) « fruits et légumes » est, comparativement aux autres OCM, peu développée. Alors que le secteur des fruits et légumes représente 15 % du chiffre d'affaires de l'agriculture européenne, il ne reçoit en effet que 4 % des crédits du FEOGA garantie .

Le règlement (CE) n° 2200/96 du 28 octobre 1996, qui a mis en place une nouvelle OCM, a créé des « fonds opérationnels » cofinancés par les producteurs et la section « garantie » du Feoga. Les organisations de producteurs peuvent ainsi déterminer et mettre en oeuvre des « programmes opérationnels » pluriannuels nécessaires à leur développement économique et commercial. Jugé trop complexe , ce dispositif a été simplifié à plusieurs reprises par l'adoption de divers nouveaux règlements, et en partie vidé de sa portée depuis qu'ont pratiquement été supprimés les achats publics pour destruction, appelés plus communément « retraits ».

Transposé en droit interne français par divers textes règlementaires, il y est mis en oeuvre par les 309 organisations de producteurs reconnues au titre du règlement (CE) n° 2200/96 précité, dont 154 coopératives ou unions de coopératives. En 2003, l'aide communautaire versée aux organisations de producteurs pour la mise en oeuvre de leurs programmes opérationnels s'est élevée à 80 millions d'euros.

Le problème soulevé par l'application de l'OCM fruits et légumes provient aujourd'hui du faible taux d'adhésion aux organisations de producteurs. Ainsi, seuls 55 % des producteurs français de fruits et légumes y sont adhérents. Ce taux est toutefois largement supérieur à la moyenne européenne, qui n'est que de 30 %, avec de fortes disparités 9 ( * ) .

F. UNE PRODUCTION TRÈS DISPERSÉE FACE À UNE DISTRIBUTION TRÈS CONCENTRÉE

Plus encore sans doute que dans d'autres filières agricoles, le secteur des fruits et légumes est structuré en une multitude de producteurs , souvent de taille modeste, pouvant difficilement négocier avec une grande distribution concentrée en un très petit nombre de centrales d'achat , qui a par ailleurs la possibilité de s'approvisionner sur les marchés extérieurs. Les grandes et moyennes surfaces (GMS) absorbent en effet les deux tiers de la production, 5 centrales concentrant les deux tiers des achats de gros destinés au marché intérieur.

La grande distribution se voit ainsi reprocher de faire pression sur les producteurs lors de son approvisionnement, en achetant à des niveaux de prix très bas -parfois inférieurs au coût de production- des produits revendus ensuite au consommateur final avec des marges conséquentes. Elle se voit également accusée de répercuter systématiquement les variations de prix à la hausse , mais peu fréquemment à la baisse, et d'entretenir ainsi un niveau de prix élevé ayant des effets négatifs en ce qui concerne les volumes de vente.

Une enquête publiée en septembre 2004 par l'UFC-Que choisir 10 ( * ) semblerait accréditer cette thèse. Elle aboutit à la conclusion que les fruits et légumes dans la grande distribution ne sont pas moins chers que sur les marchés traditionnels . Bien plus, dans certaines villes, les consommateurs pourraient les acheter 20 à 35 % moins cher s'ils délaissaient les grandes surfaces pour les marchés. Pour l'UFC-Que Choisir, la grande distribution abuse de sa position dominante en pesant à la baisse sur les prix d'achat aux producteurs tout en maintenant des niveaux de prix élevés pour le consommateur.

Les problèmes liés au caractère inégalitaire des négociations commerciales entre les producteurs de fruits et légumes et la grande distribution ont également été abordés dans le rapport Canivet 11 ( * ) . Si ce dernier ne stigmatise pas explicitement les GMS, il relève cependant qu'il est malaisé de saisir la portée de la coopération commerciale, appelée également « marges arrières » et consistant pour la grande distribution à exiger des producteurs le versement de primes destinées à valoriser les produits en magasin, dans un secteur sans tarif tel que celui des fruits et légumes. Il fait par ailleurs les mêmes remarques s'agissant des remises, rabais et ristournes, conçus comme des contreparties à la régularité, aux volumes ou à certains services logistiques qui « peuvent parfaitement n'être que l'habillage de moyens de pression sur des fournisseurs condamnés à vendre ».

* 9 Taux élevé aux Pays-Bas et en Belgique, très faible en Grèce et au Portugal.

* 10 Enquête publiée en septembre 2004 et réalisée par les associations locales pour Que choisir dans 73 départements sur plus de 35.000 prix.

* 11 Rapport du groupe d'experts constitué sur les rapports entre industrie et commerce, présidé par M. Guy Canivet, fait pour le compte du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, 18 octobre 2004.

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