B. DES MESURES PONCTUELLES DEVANT ÊTRE SUIVIES DE RÉFORME À LONG TERME

1. La mise en place de dispositifs d'urgence par le Gouvernement

La poursuite de la hausse du cours du pétrole jusqu'à des niveaux records et ses conséquences objectives sur la rentabilité des entreprises, mais aussi la crainte envers des actions de mécontentement envisagées par les professionnels les plus affectées, ont incité les pouvoirs publics à mettre en place des mesures d'urgence afin de venir en aide aux secteurs les plus touchés.

? Le 18 juin, le ministre en charge de l'agriculture avait déjà annoncé une série de mesures en faveur des pêcheurs :

- autorisation pour le Crédit maritime d'octroyer un prêt bonifié de 3 millions d'euros afin d'acquérir, sur le marché des produits dérivés, une option permettant de se garantir contre une hausse excessive du prix du gazole. Ce prêt bonifié induit un coût budgétaire pour l'Etat de 1,65 million d'euros ;

- reports au cas par cas de cotisations patronales dues à l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM), à partir de l'examen d'éléments objectifs liés au compte d'exploitation des armements et pour une durée maximale de six mois ;

- examen par le Gouvernement des possibilités d'abonder les crédits alloués aux caisses chômage intempéries.

? Ces mesures n'ayant eu qu'un effet limité au regard de l'aggravation de la conjoncture, le ministre a annoncé le 26 août de nouvelles mesures dont les modalités pratiques seraient à définir après consultation des autorités européennes :

- mise en oeuvre d'opérations de promotion des produits de la mer, en privilégiant l'action des organisations de producteurs dont le renforcement est une priorité. 300.000 euros ont été mobilisés à cet effet par l'OFIMER ;

- renforcement des contrôles sur l'origine et la traçabilité des produits afin de veiller à maintenir une concurrence loyale dans le commerce des poissons ;

- réalisation, en liaison avec les collectivités territoriales, d'un audit relatif à la rationalisation des charges portuaires.

? La poursuite de la hausse du prix du gazole au mois de septembre a provoqué de fortes inquiétudes dans la profession, dont les conditions d'exploitation sont devenues extrêmement délicates. Plusieurs ports de pêche, en Méditerranée notamment, ont alors été bloqués par des exploitants qui ont ainsi immobilisé plusieurs milliers de navires.

Reçus le 5 octobre par le ministre en charge de l'agriculture, les professionnels du secteur ont obtenu la mise en place d'un dispositif d'urgence devant leur permettre d'affronter cette « mini crise » pétrolière. Mis au point par les ministères en charge de l'agriculture et de l'économie et annoncé le même jour, il consiste en trois mesures dont l'application sera suivie en concertation avec le Comité national des pêches.

Les mesures d'aide aux pêcheurs annoncées par le ministère en charge de l'agriculture le 5 octobre 2004

1. Une mesure d'aide immédiate aux entreprises les plus en difficulté, sous forme d'allègement de frais financiers . Elle sera dotée, dans un premier temps, d'un million d'euros et sera abondée en tant que de besoin.

La mise en oeuvre de cette mesure sera confiée aux services des directions des affaires maritimes, en liaison avec les préfets de départements, et associera le Crédit maritime et les représentants professionnels.

Les pêcheurs confrontés à des difficultés de trésorerie pourront obtenir auprès de l'ENIM et des services fiscaux un report de leurs charges sociales et fiscales après un examen au cas par cas de la situation de leur entreprise.

2. La mise en place rapide d'un système d'assurance carburant . A cet effet, une avance remboursable de 15 millions d'euros sera mise par l'Etat à la disposition de la filière pour aider au financement de produits d'assurance spécialisés. Il s'agit d'un système d'assurance contre les variations de prix au-delà d'un prix hors taxe de 27 centimes d'euro.

En outre, les cotisations versées par les marins pêcheurs pour alimenter ce fonds de prévention des aléas seront déductibles de leur revenu.

3. Des aménagements importants, applicables à partir des revenus 2004, au régime fiscal des marins pêcheurs travaillant en-dehors des eaux territoriales . Cette mesure, décidée en accord avec le ministère en charge de l'économie, répondrait à une demande récurrente des organisations professionnelles depuis plusieurs années et permettrait également, au-delà de son aspect ponctuel, de renforcer l'attractivité de la profession.

Les pêcheurs souhaitent à cet égard pouvoir bénéficier, au même titre que certaines professions travaillant en haute mer (tels que les salariés des plates-formes off-shore), de l'exonération fiscale pour les marins ayant plus de 183 jours de mer par an prévue par le II de l'article 81 A du Code général des impôts. Cette mesure d'exonération, dont le coût est en cours d'estimation, pourrait n'être que partielle et concernerait la pêche hauturière ainsi que la pêche à plus de 12 miles 7 ( * ) des côtes.

Si les mesures spécifiques aux pêcheurs, qui se chiffrent en dizaines de millions d'euros et dont votre commission se félicite, sont loin des 200 millions d'euros demandés par la profession, elles devraient cependant lui permettre de faire face à l'augmentation brutale du prix du gazole, du moins si le cours du pétrole se stabilise. Dans le cas contraire, le ministre en charge de l'agriculture avait envisagé la mise en place d'un dispositif communautaire favorisant les aides publiques au secteur de la pêche.

Or, la Commission européenne, interrogée sur la faisabilité d'un tel dispositif par le Gouvernement, a explicitement récusé tout projet en ce sens. Le commissaire européen en charge de l'agriculture, Franz Fischler, a en effet considéré que les possibilités en matière d'octroi d'aides, très restreintes, ne pouvaient être envisagées qu'en cas de « conséquences sociales » ou dans le cadre d'un plan de restructuration assorti de réductions des capacités de flotte tel que celui actuellement mis en oeuvre.

2. De nécessaires réformes structurelles à plus long terme

a) Le renforcement de l'attractivité du secteur

L'image relativement négative véhiculée par le secteur de la pêche -auquel le grand public ne s'intéresse souvent que par les crises et les actions sociales qu'il subit- doit être revalorisée afin de mettre en avant les atouts des professions de la mer. Malgré la baisse constante du nombre de marins-pêcheurs, le secteur des pêches maritimes est confronté en effet depuis plusieurs années à d'importantes difficultés de recrutement, les jeunes semblant moins intéressés à se former au métier et plus enclins à le quitter prématurément.

Cette situation a conduit l'administration des gens de mer à lancer, en juin 2001 , avec la profession, un contrat d'études prospectives (CEP) sur le secteur afin d'analyser l'origine de ces difficultés. A ainsi été mis en lumière le fait que la population de marins formés, en croissance constante depuis une dizaine d'années et atteignant désormais 1.200 personnes par an, n'est plus suffisante pour pallier les cessations d'activité anticipées. Une réforme du dispositif de formation, initiale comme continue, était donc devenue nécessaire.

Initiée en 2002 et commençant à être mise en oeuvre depuis le mois de septembre de cette année, cette réforme sera complétée et coordonnée avec les cursus de formation de marine marchande. Elle vise à faciliter le recrutement de publics diversifiés et à améliorer l'attrait de la filière pour les jeunes.

Elle repose sur un certain nombres de mesures parmi lesquelles :

- la réforme du certificat d'initiation nautique (CIN) et la création d'un brevet de premier niveau. Un groupe de travail mis en place au mois de septembre étudie actuellement le résultat des expérimentations de CIN par alternance menées cette année, avant d'en proposer une réforme ainsi que la création du brevet de premier niveau ;

- l'extension de la procédure de validation des acquis de l'expérience (VAE). Reconnue comme voie d'accès pleine et entière au même titre que les formations classiques, elle a commencé en 2003 et sera progressivement étendue cette année, jusqu'à une éventuelle généralisation à tous les niveaux de brevets ;

- la mise en place de deux baccalauréats professionnels . Ces deux diplômes, l'un d'« électromécanicien marine » et l'autre de « conduite et de gestion d'entreprises maritimes », communs aux secteurs de la pêche et de la marine marchande, seront normalement mis en place à la rentrée 2005 ;

- le développement de l'apprentissage et de l'alternance . Relancé à la demande des professionnels, il devrait leur permettre de s'impliquer directement dans la formation et l'insertion des marins, en utilisant notamment à leur propre profit des fonds jusqu'alors mobilisés pour partie à d'autres secteurs ;

- la mise en place du contrat de professionnalisation . Elle sera effective dès l'entrée en vigueur de la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie.

Votre rapporteur pour avis se félicite de la mise en oeuvre de cette réforme, qui devrait accroître notablement l'attractivité du secteur auprès de la main d'oeuvre potentielle . Elle rappelle également que la formation et l'apprentissage ne sont qu'un moyen d'atteindre cet objectif, auquel contribuent également les divers dispositifs d'aide et de soutien aux pêcheurs 8 ( * ) . Elle rappelle aussi que l'amélioration des conditions de travail et de sécurité doit être un objectif prioritaire en vue de renforcer l'attrait du secteur.

b) La modernisation des équipements et des méthodes de pêche

L'amélioration de la productivité des navires et de l'efficacité des systèmes de pêche et de commercialisation « au frais » peut constituer un moyen de pallier la diminution progressive de la flotte de pêche , afin de gagner en intensité ce qui sera perdu en extensivité. Plusieurs mesures visant à introduire les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) dans le secteur de la pêche ont ainsi été prises ces dernières années.

Ainsi, les pouvoirs publics ont soutenu financièrement, grâce à l'intervention de l'OFIMER et de l`IFOP, l'informatisation de l'ensemble des halles à marée . Les 41 criées françaises sont aujourd'hui toutes informatisées et transmettent régulièrement leurs données de vente au réseau inter criées (RIC), qui les centralise.

D'autre part, la quasi totalité des navires hauturiers a bénéficié d'aides publiques nationales (distribuées par l'OFIMER) et communautaires (dans le cadre du programme européen PESCA 1994-1999) afin de s'équiper en instruments de communication bord terre par satellite , en vue de mieux orienter la production lors du débarquement des captures.

Le bilan de ce programme est apparu contrasté : s'il a contribué à une plus grande intégration des NTIC au sein des navires, ses objectifs n'ont pas été atteints en termes d'annonces anticipées des apports. Au vu de ces résultats, les pouvoirs publics cherchent davantage à faire évoluer le comportement des acteurs en incitant la profession à mieux utiliser ces outils pour la régulation du marché. Les discussions actuelles sur le renforcement du rôle des organisations de producteurs devraient notamment y contribuer.

Au-delà des seules NTIC, le soutien technique et financier à la modernisation des méthodes et équipements dans le secteur de la pêche doit être poursuivi, afin que nos navires soient en mesure d'affronter au mieux la concurrence étrangère. Cette évolution doit, bien évidemment, se faire en partenariat avec la recherche, dont les débouchés pratiques peuvent être fondamentaux pour un secteur comme la pêche. Ainsi, l'actualité montre combien la mise au point de moteurs de navires moins « énergivores » serait profitable à la profession, en termes économiques comme environnementaux.

c) Un soutien réaffirmé à la promotion des produits de la mer

Il paraîtrait souhaitable d'intensifier les campagnes de promotion des produits de la mer , qu'elles soient générales ou par secteur, en prenant soin de « cibler » au mieux les publics et de tenir compte de l'évolution de leurs attentes . Le secteur de la pêche souffre sans doute, en effet, d'un insuffisant « affichage » par rapport à un secteur proche tel que l'agriculture. Or, il pourrait aisément faire la promotion des atouts des produits de la mer, en mettant en avant aussi bien leur diversité que les notions de plaisir ou de santé, tant sur les médias que dans des salons spécialisés ou sur les points de vente.

A cet égard, et de façon plus générale, il pourrait être intéressant de s'inspirer des recommandations formulées par le Conseil national de la consommation (CNC) dans l'avis relatif à la filière « marée » qu'il a adopté en décembre 2001. Mis en place en 2000, le groupe de travail dont est issu ce rapport a débattu de nombreux sujets propres à valoriser auprès des consommateurs l'ensemble des produits de la mer : nouveaux modes de production, étiquetage des produits, conditions de distribution, signes officiels de qualité ...

De façon synthétique, les préconisations de ce rapport étaient, entre autres :

- l'organisation d'un dialogue entre consommateurs et professionnels ;

- le développement des signes officiels de qualité ;

- la généralisation des guides de bonnes pratiques d'hygiène ;

- le respect d'un étiquetage informant convenablement le consommateur.

Si ces recommandations paraissaient fort à même de redynamiser la filière, les suites qui y ont été données n'ont malheureusement pu, à ce jour, être examinées par le CNC. Il conviendrait donc d'établir un bilan de leur application, en fonction duquel le conseil pourrait formuler des préconisations actualisées . Ce travail pourrait être effectué en coordination avec l'OFIMER, qui a pour mission de soutenir les programmes d'action mis en oeuvre par les professionnels en vue de valoriser les produits français auprès des professionnels.

*

* *

Suivant les conclusions de son rapporteur pour avis, la commission des affaires économiques et du plan a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la pêche maritime et à l'aquaculture dans le projet de loi de finances pour 2005.

* 7 Soit 19,3 kilomètres.

* 8 Tels que le système « Sofipêches », l'abattement de 50 % sur le bénéfice pour les jeunes pêcheurs, l'octroi d'aide par l'IFOP ou encore la mise à disposition de prêts bonifiés pour l'accès à la propriété.

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