E. LA POLITIQUE DE L'EAU

A l'approche du projet de loi sur l'eau, votre rapporteur pour avis souhaite rappeler le contexte dans lequel s'inscrit la politique de l'eau.

1. Le cadre général

a) Le premier programme de mise en oeuvre de la directive « nitrates » (1996-2000)

L'aggravation, depuis de nombreuses années, de la pollution des eaux par les nitrates est incontestable et préoccupante. Due à des pratiques de fertilisation inadaptées, elle entraîne une dégradation de la qualité des eaux souterraines et superficielles. La teneur de ces dernières en azote dépasse parfois le seuil de potabilisation, ce qui peut conduire à abandonner le point de prélèvement, et entraîne systématiquement un renchérissement du prix de l'eau. Certaines eaux deviennent eutrophes 11 ( * ) , et la flore et la faune peuvent y être modifiées.

Ceci a conduit les Etats membres de l'Union européenne à adopter la directive du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre les pollutions par les nitrates à partir de sources agricoles 12 ( * ) , dite directive « nitrates ».

Cette directive fixe aux Etats membres des obligations de moyens . Il s'agit d'inciter les agriculteurs à adopter des pratiques de fertilisation et de gestion des terres plus respectueuses de l'environnement et réduisant le risque de lessivage des nitrates. Pour cela, des zones vulnérables , c'est-à-dire des zones où la teneur de l'eau en nitrates dépasse ou risque de dépasser 50 mg par litre, ou bien où les risques d'eutrophisation sont importants, doivent être délimitées . Des mesures adaptées, définies dans la directive, doivent être appliquées dans ces zones vulnérables et en dehors.

Tous les quatre ans, une campagne de surveillance de la teneur des eaux en nitrates doit être menée . Elle donne lieu à un bilan de l'amélioration par les agriculteurs de leurs pratiques de fertilisation azotée et de gestion des terres, ainsi qu'un rapport de mise en oeuvre de la directive. Ce rapport est transmis aux autorités communautaires.

L'application de cette directive a abouti à la mise en place d'un premier programme d'action de 1996 à 2000.

b) Les deuxième (2000-2003) et troisième phases  (2004-2007)

La campagne de surveillance de la teneur des eaux en nitrates menée en 1999 et 2000 n'a pas montré une amélioration de la situation des eaux s'agissant de leur concentration en des nitrates. Elle a conduit à modifier la délimitation des zones vulnérables et à les étendre , en particulier à toute la région d'Ile-de-France , notamment pour prendre en compte les risques d'eutrophisation des eaux.

Les troisièmes programmes s'étendent du 1 er janvier 2004 au 31 décembre 2007. Ces nouveaux textes, plus contraignants que les précédents , prévoient notamment, pour l'ensemble des zones vulnérables, que les arrêtés préfectoraux fixent des objectifs quantitatifs d'amélioration des pratiques d'épandages des fertilisants azotés, et que les agriculteurs, en tenant des documents d'enregistrement des pratiques, montrent que l'équilibre entre les besoins azotés des plantes et les apports est respecté. Dans les parties de zones vulnérables où la situation de l'eau est la plus critique, des actions renforcées seront prévues par les arrêtés préfectoraux.

Des zones en excédent structurel (ZES) pour l'azote ont été définies : il s'agit des zones où la quantité d'azote issue des effluents d'élevages est supérieure à 170 kg par ha de surface épandable. Y sont prévues des actions renforcées, notamment l'interdiction d'augmenter les effectifs animaux 13 ( * ) et l'obligation de traitement ou de transfert des excédents d'azote d'origine animale.

Une attention particulière est portée aux bassins versants, en amont des prises d'eau destinée à la consommation humaine, où la norme de 50 mg/l de nitrate est dépassée. La couverture totale des sols pendant les périodes de risque important de drainage des nitrates y est obligatoire. La France a obtenu des autorités communautaires l'autorisation d'indemniser les agriculteurs concernés . Cette indemnité est destinée à compenser pour partie le surcoût entraîné par l'implantation d'une culture intermédiaire, qui sert de piège à nitrates. Elle est temporaire (de 2001 à 2006) et dégressive. Le coût de cette indemnisation est supporté à parité par les ministères chargés de l'agriculture et de l'environnement .

c) La condamnation de la France par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE)

Par un arrêt du 27 juin 2002, la Cour de justice des communautés européenne (CJCE) a condamnée la France en raison de son insuffisante application de la directive « nitrates » :

- pour mauvaise interprétation du critère relatif à l'eutrophisation ;

- pour insuffisance de délimitation des zones vulnérables au vu de ce critère ;

- pour avoir contribué à l'eutrophisation des eaux de la Manche et de la Mer du Nord.

Compte tenu de cette condamnation, les zones vulnérables ont été à nouveau élargies en 2002 , mais essentiellement dans les départements côtiers de la Manche et de la Mer du Nord. En effet, les résultats des dernières campagnes de mesures n'ont pas montré la nécessité d'une nouvelle délimitation des zones vulnérables dans les autres départements.

* 11 L'eutrophisation est un phénomène de suraccumulation de débris organiques dans les eaux stagnante qui entraîne une désoxygénation de l'eau.

* 12 Directive n° 91/676/CE.

* 13 Sauf dérogation pour les jeunes agriculteurs et les exploitations de dimension économique insuffisante.

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